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LE FANFARO N - acp-concerts.com · personnage de Bruno, ... faible et immature face à cette blonde à l'air sévère ... L’originalité du Fanfaron repose sans aucun doute sur

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LE FANFARON

SECRETS DE TOURNAGE

Récompenses

Le Fanfaron a reçu plusieurs récompenses. Il a été élu meilleur film étranger par le cercle des critiques de New York. Dino Risi était le meilleur réalisateur du Festival de Mar del Plata d'après le jury en 1963. Pour finir, Vittorio Gassman remporta le prix du meilleur interprète masculin 1962 de la part du syndicat national de la critique italienne.

Ettore Scola

Ettore Scola est un des trois scénaristes du Fanfaron. C'est par l'écriture qu'il arrive au cinéma en 1952. Ce n'est que douze ans plus tard qu'il tourne son premier long métrage Parlons femmes. Entre temps, il a participé à l'écriture de très nombreux scénarios dont plusieurs films de Dino Risi parmi lesquels L'Homme aux cent visages, La Marche sur Rome, Les Monstres, Il Successo ou Il Gaucho.

Easy rider

Dennis Hopper et Peter Fonda ont reconnu avoir vu et revu Le Fanfaron plusieurs fois avant de tourner Easy Rider.

Synopsis

Un week-end du 15 août à Rome. Au volant de sa voiture de sport, Bruno cherche en vain un endroit d'où passer un coup de fil. Il demande à un étudiant, Roberto, de le laisser téléphoner chez lui. Entre le jeune homme timide et le play-boy imprudent, une étrange amitié va naître. Séduit malgré lui, Roberto se laisse entraîner par son mentor dans une longue virée à travers la ville et dans la campagne romaine. Les deux hommes s'arrêtent même dans la maison que possède une tante de Roberto. En un clin d'oeil, Bruno dévoile à son jeune ami quelques secrets familiaux que ce dernier n'avait pas réussi à percer en tant d'années...

Critique du 20/12/2017 Par Jacques Morice

| Genre : à plein régime. Le personnage principal, c’est la Lancia blanche, fusée scintillante et klaxonnante lancée à toute allure sur les routes d’Italie, symbole d’allégresse, de puissance et de danger. Le soleil en pagaille, l’insouciance insolente de la « dolce vita », la dépense sous toutes ses formes : tout cela est trop beau pour être vrai, ou, du moins, pour durer. Vittorio Gassman, hâbleur géant et vibrionnant, flambeur superficiel mais très séduisant, emballe le pauvre Jean-Louis Trintignant, parfait en étudiant coincé, englué dans un certain conformisme. D’une légèreté exaltante, la virée prend peu à peu une tournure grinçante. Exaspéré puis grisé, Roberto se laisse prendre au jeu d’un homme construit sur du vide. Héritage du néoréalisme en même temps qu’annonce de la comédie à l’italienne, cette étude de caractères télescope des destins avec une acuité indémodable. Sa force est de conjuguer frivolité et malaise, d’imprégner la pleine lumière de noirceur. Le pire étant qu’il est difficile de résister à la folle et amorale énergie de Bruno…

Le fanfaron (1962)

Réalisé en 1962 par Dino Risi, avec Vittorio Gassman (Bruno) et Jean-Louis Trintignant (Roberto), Le Fanfaron narre la virée rocambolesque qu’entreprennent deux hommes, deux inconnus que tout oppose.

Article de François Sternberger

C’est le 15 août, Rome est déserte et une voiture de sport décapotable roule en trombe dans les avenues silencieuses de la capitale ; à son volant, Bruno, qui cherche désespérément un bar ouvert. Au détour d’un immeuble, celui-ci interpelle Roberto, un jeune étudiant timoré. À peine Bruno a-t-il pénétré l’appartement, simplement pour téléphoner, que le malheureux Roberto est happé par la tornade. Le rendez-vous de Bruno tombe à l’eau ?, qu’importe, c’est un “fanfaron” et la vie n’attend pas, pas même les chauffards, et Bruno n’oserait pas refuser de se faire payer un verre. Le film de Dino Risi, dont le véritable protagoniste principal, Roberto, mène une existence quelque peu austère, absente de bien des plaisirs et distractions, consiste en un voyage initiatique où ce dernier, au contact de Bruno, va être amené à remettre en cause sa façon d’appréhender la vie et tenter de se libérer de sa timidité. Comme d’autres films relatant un voyage initiatique, tels Dead Man, Le Fanfaron ne développe pas de véritable intrigue ; malgré cela, le film, constitué d’une succession de situations diverses, est bien rythmé et l’on ne s’ennuie pas une seule seconde. Son dynamisme doit d’ailleurs beaucoup au personnage de Bruno, magnifiquement interprété par Vittorio Gassman. Ce dernier, dont l’objectif semble se résumer à “s’amuser le plus possible”, est un homme séduisant, charismatique, d’une assurance insolente et beau parleur de surcroît. Ces caractéristiques rehaussées d’un sans-gêne monstrueux ainsi que d’un sens de l’humour puéril, voire graveleux, vous obtenez des dialogues croustillants et riches de renseignements quant à la caractérisation des personnages.

Si Roberto parle peu , l’utilisation de la voix off par laquelle nous percevons ses pensées, souvent à l’opposé de ce que sa timidité lui fait dire, permet de donner de l’épaisseur au personnage et rend compte d’un combat intérieur allant jusqu’à la remise en cause de la façon dont il vit et perçoit les choses. Quant à notre fanfaron Bruno, si ses défauts sont plus qu’irritants, il n’en demeure pas moins un fin observateur, doté d’un solide culot et charmeur, atouts indispensables pour vivre aux crochets des gens tout en les faisant sourire, escroquer sans se faire poursuivre. Voir Bruno s’imposer aussi aisément malgré ses manières, voilà de quoi choquer Roberto qui, s’il n’ose pas s’opposer à lui ouvertement, n’en pense pas moins. Ce côté lâche, presque sournois de Roberto, finit par énerver tout autant que les manières parfois rustres et brutales de son compagnon de voyage. Cependant, s’il essaye de fausser compagnie une ou deux fois à Bruno, Roberto semble finir par s’attacher à celui-ci, revenant de lui-même auprès du compagnon dont la fréquentation finira par faire ressortir chez lui un peu d’assurance. Malgré tout, Roberto reste timide, trait de caractère lui faisant manquer des opportunités, notamment avec les femmes, qui semblent pourtant lui trouver du charme, alors que Bruno drague outrageusement toutes les jolies filles qu’il croise.

Pourtant, au fur et à mesure du film, on se rend compte que le comportement de Bruno n'est qu'une façade. Si ce dernier drague beaucoup, les résultats sont rarement au rendez-vous ; sa situation professionnelle semble incertaine, précaire, mais surtout, on se rend compte de son incapacité à réellement communiquer. Tant qu’il s’agit de fanfaronner, blaguer, aucun problème, mais lorsque l’on touche au domaine de l’intime, c’est une autre paire de manches. Il suffit de voir comment il délaisse la seule femme qu’il réussit à charmer, ou la façon compulsive dont il gifle le fiancé de sa fille, réalisant son audace et sa maladresse. Parfois, le masque tombe, lorsque, saoul, on l’entend hors-champ révéler à Roberto qu’il n’a jamais eu de véritable ami, ou encore lorsqu’à moitié assoupi sur la plage il marmonne qu’il est un pauvre type. Enfin, il y a la femme de Bruno, devant laquelle ce dernier s’efface complètement, apparaissant faible et immature face à cette blonde à l'air sévère et au caractère bien trempé.

On peut ainsi se rendre compte que le film traite largement de la personnalité, Bruno flambe pour cacher sa pudeur et une mésestime de soi, Roberto est timide et plus ou moins asocial. Et tandis que le premier tente d’adopter une attitude plus mature, le second essaye de se détendre un peu, mais ni l’un ni l’autre ne peut renier sa nature. Si le découpage du film est efficace, il est tout entier tourné sur les acteurs. Jouant parfois sur des intervalles brutaux pour mettre un élément de leur jeu en relief, la caméra sait aussi se faire oublier, réussissant à nous faire croire par instants qu’une parcelle de vie défile devant nos yeux. Avec cette comédie au format original, D. Risi démontre qu’il a le sens du rythme, sait manier l’humour et insuffler la vie à ses personnages. La profondeur qu’il arrive à donner à ces derniers en montrant leurs qualités et leurs travers, ce qui souligne une véritable humanité, confère à cette comédie une poésie et une délicatesse rares.

VOIR LA BANDE ANNONCE

Le Fanfaron IL SORPASSO réalisé par Dino Risi

ON THE ROAD, par Anne-Violaine Houcke

Il n’est peut-être plus utile de présenter Le Fanfaron de Dino Risi, véritable chef d’œuvre de la comédie à l’italienne, réalisé en 1962, immense succès public, et (plus tard néanmoins, dans les années 1980) critique. Peinture satirique de l’Italie de la fin du boom économique, road-movie comique, voyage initiatique tragique, Dino Risi emporte le spectateur dans son Fanfaron avec d’autant d’enthousiasme et d’impétuosité que Vittorio Gassman, ledit «fanfaron», enlève Jean-Louis Trintignant dans sa Lancia Aurelia.

L’histoire du cinéma est remplie de répliques mythiques: mais il est des bruits, aussi, qui évoquent un film aussi sûrement que le serial killer de La Cité de la peur. Le klaxon joyeux et arrogant de la Lancia Aurelia de Vittorio Gassman, dans Le Fanfaron, en est un. La petite histoire dit d’ailleurs qu’il lança une telle mode en Italie qu’on finit par interdire les klaxons musicaux. Le titre original du film, «Il Sorpasso» («le dépassement») indique d’ailleurs mieux que le titre français quel est le personnage principal du film: cette Lancia Aurelia, lancée à toute vitesse dans les rues de Rome et de sa banlieue, avec à son bord Bruno Cortona (Vittorio Gassman) et Roberto Mariani (Jean-Louis Trintignant), parfaitement étrangers l’un à l’autre. En ce jour férié du 15 août, Bruno doit passer un coup de fil, avise un jeune homme penché à sa fenêtre, monte chez lui pour faire cet appel téléphonique: Roberto, jeune étudiant en droit timide et un peu coincé, vient de laisser entrer dans son univers studieux et réglé un facteur de déstabilisation radicale, un sympathique «fanfaron» épicurien, rustre mais attachant, profiteur, enjôleur, dragueur, vivant d’expédients, sans gêne et amateur de jolies femmes, mais qui au fond n’aime rien tant que narguer à toute blinde tout ce que sa Lancia croise sur sa route. En ce jour du 15 août, donc, Bruno déferle dans la vie de Roberto et l’emmène dans un périple de vingt-quatre heures, à la fois comique et tragique.

L’originalité du Fanfaron repose sans aucun doute sur la création d’un couple antithétique incarné par deux acteurs parfaitement taillés pour ces rôles. Si le scénario avait été originellement écrit pour Alberto Sordi, le couple formé par Trintignant et Gassman – le petit blond réservé et le grand brun extraverti – fait des étincelles. Vittorio Gassman livre ici une prestation éblouissante, en beau parleur infatigable, cynique et si attachant, qui à la fois fascine et énerve ce jeune étudiant à la tête sur les épaules, si touchant lui aussi, mais un peu coincé dans une éthique petite bourgeoise faite de

retenue et de conformisme. Dino Risi, Ettore Scola et Ruggero Maccari ont concocté un scénario rythmé qui embarque le spectateur dans la dynamique de ce duo comique, de saynètes en saynètes, presque toujours terminées par une pointe comique débitée avec maestria par un Gassman cynique et fin rhéteur.

La force de la comédie à l’italienne réside bien souvent dans la capacité de ses réalisateurs à dessiner des personnages complexes, éloignés de la caricature ou du manichéisme parfois nécessaires au comique. Dans Le Fanfaron, Dino Risi parvient à tirer un parti comique de l’opposition entre ses deux protagonistes, tout en évitant néanmoins de verser dans le schématisme. Vittorio Gassman incarne un personnage individualiste et amoral, qui refuse de prendre une auto-stoppeuse noire («Va donc, cachet d’aspirine»), s’amuse à faire courir les petits vieux, et arrête sa voiture le temps de se moquer d’une fête de village («du twist à la péquenot!»), mais il n’est au fond qu’un gamin malheureux, qui se fuit lui-même sur les routes et ne se sent exister que dans le regard des autres: son corps toujours en mouvement – il danse, fait le poirier, joue au ping-pong, fait du ski nautique – envahit le champ, et sa voix sature la bande sonore de sifflements, chansons, discours à n’en plus finir, comme pour ne pas disparaître. Roberto et Bruno s’opposent mais se répondent aussi comme dans un miroir, fonctionnant l’un pour l’autre – et pour le spectateur – à la fois comme repoussoir et force d’attraction.

Le titre français du film, Le Fanfaron, perd une grande partie des connotations du titre originel, Il Sorpasso, «le dépassement». Véritable road-movie italien, Le Fanfaron raconte aussi l’histoire d’un voyage initiatique, celui qu’accomplit Roberto en compagnie de Bruno, sorte d’anti-figure paternelle dont pourtant le franc-parler, le sans-gêne absolu et une certaine finesse psychologique conduisent le jeune étudiant à sortir d’une enfance un peu illusoire et à mettre en doute des schémas petits-bourgeois qu’il n’avait jamais questionnés. Anti-figure paternelle, Bruno l’est d’autant plus qu’il a lui-même une fille, Lilly (Catherine Spaak), dont il s’est si peu occupé qu’elle s’apprête à se marier avec un homme de soixante ans, selon un schéma clair de projection psychanalytique… Dino Risi joue avec nos certitudes, sans en créer d’autres, et l’on serait bien incapable de décider de la nature positive ou négative de l’influence de Bruno sur Roberto. Le finale tragique – refusé à l’origine par les producteurs, qui voulaient que le plan final montre la voiture s’envolant vers de nouveaux horizons – vient certes invalider les choix de vie faits par Bruno, mais grâce à lui Roberto venait aussi de vivre les deux plus beaux jours de sa vie. Deux jours d’illusions, peut-être. Risi laisse le spectateur sous le choc, c’est tout.

En réalité, c’est toute la société italienne de la fin du boom économique – dont la voiture est emblématique – qui est ici sous le feu de la satire. La séquence à la plage peint avec une précision documentaire le tableau d’une Italie individualiste, obsédée par le bien-être, désireuse de s’évader. Toute une mentalité est épinglée, au long d’un film rythmé par les musiques à la mode à l’époque (Saint Tropez Twist, de Peppino Capri ou Guarda Come Dondolo, d’Edoardo Vianello). Une jeune fille parle d’Andreotti simplement pour dire qu’il aurait signé son plâtre… Peu importe la politique… Mais Risi se moque aussi d’une certaine idéologie de la réussite conformiste et petite-bourgeoise, laborieuse et sclérosante. Aucun modèle n’est proposé, aucun modèle n’est épinglé dans son intégralité. Et si Roberto est un fanfaron inconscient, et finalement nuisible, il est aussi plein d’une joie de vivre et d’un enthousiasme séduisant. Dino Risi ne dessine pas de personnages totalement noirs ou blancs: il laisse à chacun sa complexité, ses qualités et ses défauts, son pouvoir de fascination et de répulsion. L’on peut aimer Antonioni et s’ennuyer devant; on peut aimer à la fois Antonioni et Domenico Modugno, après tout. N’est-ce pas ce que Risi signifie, lorsqu’il fait dire à Roberto, à propos d’une chanson à la mode («L’Homme en frac» de Domenico Modugno): «Il y a tout dedans! La solitude, l’incommunicabilité, et puis ce machin à la mode, l’aliénation, comme dans les films d’Antonioni! Tu as vu L’Éclipse? Moi j’ai dormi. Mais quel bon réalisateur!» À bien y réfléchir, d’ailleurs, Le Fanfaron n’est peut-être pas si loin de L’Éclipse.

Le Fanfaron : Un 15 aout en Toscane avec Trintignant et Gassman

En 1962, Dino Risi vient de tourner Une vie difficile avec Alberto Sordi et Lea Massari, un film qui solde les derniers comptes des rudes années d’après-guerre de l’Italie. Changement d’ambiance avec Le Fanfaron, réalisé par Risi sur un scénario co-signé d’Ettore Scola, qui a pour toile de fond le boom économique naissant, et dont le joyeux cynisme marque l’âge d’or de la comédie italienne. C’est l’histoire drôle et grinçante d’un quadragénaire (Vittorio Gassman) qui mène une vie d’étudiant attardé et qui, cherchant un téléphone, rencontre par hasard un jeune homme timide (Jean-Louis Trintignant). Il l’embarque dans son cabriolet Lancia Aurelia pour un périple impromptu à travers la région de Rome et le littoral Toscan, pendant la fête du Ferragosto (15 aout) où toute l’Italie s’arrête et où les rues sont désertes.

Initialement, Jacques Perrin devait incarner le jeune homme, mais une partie du tournage fut retardée et il n’était plus disponible. Comme de nombreuses scènes avaient déjà été filmées

avec une doublure qui ressemblait à Perrin pour profiter de la véritable ambiance du 15 aout, il fallut trouver un acteur qui... ressemblait à la doublure et ce fut Trintignant ! Un heureux concours de circonstances, car il forme un tandem somptueux, avec Vittorio Gassman en personnage arrogant, irresponsable et primaire, mais au charme irrésistible, qui entraîne à sa suite un chapelet de situations balançant entre un comique désopilant et un tragique désespérant. Trintignant est tiraillé entre son modèle petit-bourgeois de réussite, et la fascination pour l'incroyable capacité de Gassman à s'affranchir de la monotonie de l'existence. Passe aussi la charmante silhouette de Catherine Spaak, qui incarne la fille de Gassman et qui réconcilierait presque celui-ci avec le goût d’une vie rangée.

Ce grand road movie satirique met en scène une société plutôt aisée, qui se retrouve dans la charmante mais petite station balnéaire familiale de Castiglioncello, bâtie autour d'une plage en forme d'amphithéâtre, non loin de Volterra en Toscane. C’est aussi un formidable documentaire sur l’Italie pendant l’été 62, celui du Twist. Au pays du Chianti, cette danse prospère grâce à un « tube » bien différent du Let’s twist again de Chubby Checker. C’est Guarda come dondolo d’Edoardo Vianello, leitmotiv du Fanfaron, dont les arrangements très réussis sont signés d’un tout jeune musicien… du nom d’Ennio Morricone !

Par Antoine Sire

Biographie

The Limiñanas – « Shadow People »

Alchimie contemporaine

« Faire du neuf avec du vieux » … L’expression est à ce point galvaudée que plus personne ne la prend à sa juste mesure : tout le monde entend « vieux », lorsque c’est « neuf » qui compte. Faire du neuf avec du vieux est un acte alchimique. C’est très compliqué. On prend du plomb rouillé, on le transmute en or étincelant… Velvet Underground, Stooges, Standells, Chocolate Watchband, Billy Childish et autres héros du garage ; Ennio Morricone, John Barry et chansons sixties italiennes ; Can, Neu ! et tous les chevaliers teutoniques du groove motorik, Cramps bien sûr, Nick Cave, Gainsbourg et psyché tonique : Lionel et

Marie des Limiñanas connaissent tout cela par cœur, c’est leur catéchisme. Ils s’y abreuvent puis, après malaxation intense et cuisine interne, en font autre chose. « Nous ne donnons pas dans le revivalisme », affirme Lionel derrière sa barbe. D’ailleurs, certains puristes nous accusent déjà d’être des vendus, c’est bon signe ».

Admirés par Primal Scream, Franz Ferdinand, salués par le magazine Mojo… c’est également sous les impulsions du DJ producteur britannique Andrew Weatherall, de l’illustre fondateur du label anglais Rough Trade, Geoff Travis, que The Limiñanas se sont imposés outre-manche, comme le fer de lance le plus cool de la scène rock garage française actuelle.

La preuve avec ce cinquième album -ça ne chôme pas du côté de Perpignan- dynamité ici et là par quelques guests bien de notre temps. Après le premier morceau ouvrant le bal, cette « Ouverture » aux guitares quasi surf, arrive « Le premier jour », dans laquelle Lionel évoque son baptême rock and roll entre punks, mods, skins et Lambrettas du temps de sa jeunesse sudiste. C’est le thème de ce nouveau disque : « Nous aimons bien scénariser nos albums. Celui-ci évoque la vie d’un adolescent qui arrive au lycée et qui parvient à se construire en découvrant le rock au début des années 80, et en rencontrant les bandes de l’époque. Par conséquent, le disque sonne bizarrement un peu comme ceux de l’époque. » Juste après, c’est la secousse sismique de « Istanbul Is Sleepy » : l’Imprimatur d’Anton Newcombe, de Brian Jonestown Massacre, y est tout simplement énorme. Lionel relate cette lumineuse collaboration : « Pendant la promo de l’album précédent, un journaliste nous a lu un tweet d’Anton disant qu’il avait acheté notre disque, qu’il l’adorait, et qu’il aimerait travailler avec nous. Il nous a écrit via Facebook, on n’en revenait pas ! On a évidemment accepté tout de suite. C’est un homme adorable, altruiste, qui n’a cessé de nous aider et nous a même branché avec notre tourneur actuel. On a fait avec lui une reprise des Kinks pour un sampler de Mojo, à distance. Puis il nous expliqué que ça le gonflait de travailler par correspondance et nous nous sommes donc rendus chez lui à Berlin, dans le home studio génial qu’il a installé dans son appartement, avec tout le matos qu’on aime. On a pris l’avion avec toutes nos maquettes, il a appelé son ingé son, Andrea Wright, qui est une super nana de Liverpool qui avait bossé avec les Pale Fountains, Echo & The Bunnymen et Black Sabbath, et on a finalisé tout ça chez Anton en refaisant les batteries de Marie. Tout sonnait à merveille. L’album a été fait en quatre ou cinq mois mais en bossant par ci, par là. En tout, c’est peut-être au maximum trois semaines de travail effectif. »

Arrive ensuite la tornade hyper sexy d’Emmanuelle Seigner sur le morceau qui donne son titre à l’album ; les Limiñanas étaient déjà très fans de son album avec Ultra Orange. Puis, c’est « Dimanche », avec Bertrand Belin, rencontré lors d’un festival, que Lionel voit comme un « Nick Cave français qui écrit des textes

ressemblant à des films. Un type génial ». Il a raison… Peter Hook est de retour. « C’est la seule personne à qui on n’ait jamais demandé de collaborer avec nous. » Il était déjà là sur « Malamore » et lamine à nouveau sa basse ici sur le très New Order première période intitulé « The Gift ». Enfin les Limiñanas seuls, envoient une cavalcade instrumentale au beat furieux, comme un Morricone kraut, «Motorizzati Marie » s’enchaînant sur « Pink Flamingos », introduit par des nappes de bandes inversées très psyché donnant le ton d’une chanson vaporeuse baignée d’arpèges acoustiques. Une respiration dans l’album… avant que la fuzz et la basse abyssale de « Trois Bancs » ne secouent violemment les fantômes de Gainsbourg : électrochoc en talk over.

Et pour fermer le ban, un message d’amour : « De la part des copains », son orgue, son tambourin, son tremolo et ses cuivres s’inscrit dans la lignée de ces classiques de musique de films que le groupe aime tant. Une conclusion idéale pour ce sans-faute inouï.

L’épiphanie rock and roll continue donc. Elle appartient désormais à ceux qui écouteront -fort- « Shadow People » et voudront sans doute, à leur tour, brancher une guitare dans un amplificateur. À lampes bien sûr…

Nicolas Ungemuth

CRITIQUE

THE LIMIÑANAS, OMBRE PORTEUSE Par Charline Lecarpentier— 15 janvier 2018

Longtemps adulé outre-Atlantique, le duo garage-pop de Perpignan convie un brillant casting de musiciens sur l’éthéré «Shadow People». Marie et Lionel Limiñana se sont rencontrés au lycée et jouent ensemble depuis neuf ans. Photo Thierry Gracia

Lancer la lecture du titre Dimanche, c’est découvrir que le soleil de Perpignan peut faire surgir des ombres déformées, celles du Velvet Underground ou de Can, pour citer les plus emblématiques d’entre elles. Projetées dans le faisceau des Limiñanas, elles prennent la forme d’un remontant pour l’estime du rock français. Alors que l’apéritif matinal tremble sur ce rythme obsédant, invité par le couple Limiñana qui tient la baraque, un type bourru appelé Bertrand Belin déblatère en poète maudit à propos d’une Suzie-Vickie, sûrement une fille du coin : «Elle souffle le chaud, elle souffle le

froid, c’est comme ça, faut faire avec.»

Aplomb.Sur cet extrait de leur tournicotant album Shadow People, les Perpignanais The Limiñanas

syncrétisent, relax, des exaltations musicales d’un passé proche, qu’on ne voudrait pas voir figées dans

le formol, ni devenir les tristes cendres d’une ère qui recycle à gogo. The Limiñanas sont des as de la

reprise - celle, subtile, des spirales de guitares sixties, des réverbérations ouatées, du parler-chanter

flegmatique et abyssal de Gainsbourg et Bashung - mais aussi, avec une ferveur grandissante, des

fresques instrumentales de grands paysagistes tels Ennio Morricone et John Barry.

Le couple Limiñana ne date pas d’hier : Marie et Lionel se sont rencontrés au lycée et leur union

musicale bouillonne depuis neuf ans. Les Américains ont été les premiers à s’y frotter - les labels

Trouble In Mind et Hozac étant les seuls à distribuer leur garage-pop au départ, aux Etats-Unis

uniquement. Andrew Weatherall, Bobby Gillespie de Primal Scream et Anton Newcombe sont fans, et le

clament. Depuis leur signature sur le label français Because (Christine and The Queens, Charlotte

Gainsbourg, Django Django), un album instrumental avec Pascal Comelade et une compilation vinyle, le

groupe voit enfin la France se prosterner. Lionel n’en garde pas d’aigreur : pour lui, c’est simplement

une question de distribution, qui a longtemps été centralisée outre-Atlantique. Peu perturbés par le

succès, mais quittant leurs jobs d’appoint tout de même, ils ont concocté Shadow People dans leur home-

studio du sud de la France.

Le duo a laissé pour la première fois une âme extérieure mettre son grain dans la totalité de l’album :

l’Américain Anton Newcombe, leader caractériel du Brian Jonestown Massacre. Installé à Berlin, il les a

accueilli avec son ingénieure du son Andrea Wright et a donné de la voix sur Istanbul Is Sleepy, un titre

cramé, infectieux. La batterie de Marie y cogne dans les tempes avec plus d’aplomb qu’elle n’en avait

sur les albums précédents et sa voix culmine, sans jamais forcer le trait.

Trouvailles.Cette aisance est peut-être l’une des signatures de ce groupe qui a renoncé au rock

démonstratif pour préférer un retrait, un bougonnage intense. Emmanuelle Seigner se glisse avec

mérite sur le titre éponyme Shadow People, elle qui avait déjà donné de sa voix piquante et traînante

sur un album jubilatoire en 2012 avec un autre duo mixte français appelé Ultra Orange. Des survivances

de leurs années collège-lycée inspirent Marie et Lionel : «On avait tous les deux trouvé nos places dans

ces bandes des années 80-90 comme il en existait en France, avec les mods, les rockeurs, se souvient Lionel,

qui a été disquaire jusqu’alors, en indépendant puis à la Fnac. Pour nous, The Gift correspondait au type

de musique qu’on pouvait entendre à l’époque.» Sur le titre en question, Peter Hook, ancien membre de

Joy Division et de New Order, tient la basse. Il joue une ligne très voisine de ses inoubliables trouvailles

pour l’album Power, Corruption and Lies (1983), de celles qui fondent sous la dent comme ces soucoupes

à la poudre de l’enfance.

Les bandes renversées de Pink Flamingos sont sûrement le pic de ce trip à reculons, alors qu’une

déclamation poétique au sujet des « cigarettes supersoniques» sur Trois Bancs fait mentir leur désirable

single Je ne suis pas très drogue. Un titre qui leur offrait en 2010 une première percée alors que cet

album devrait leur déblayer le chemin vers le succès.

Charline Lecarpentier

© Richard Bellia

The Limiñanas : rock en noir et blanc Auteur : La rédaction Dans Clips-BA, News Musique 20/10/2017

Découvrez le nouveau single des Limiñanas, « Istanbul is sleepy »

Les guitares sont lourdes. L’atmosphère s’épaissit. The Limiñanas nous ont donné rendez-vous sur le Bosphore, plus précisément à Istanbul pour passer une nuit psychédélique dans la sublime ville turque. Le nouveau single du groupe français, « Istanbul is Sleepy » propose une immersion au rythme d’une batterie implacable et d’une voix à la Bowie. On reconnaît l’influence du maître et de son disciple Iggy Pop (époque berlinoise) dans ce titre dansant. Le duo originaire des environs de Perpignan a fait appel à Anton Newcombe pour ce nouveau titre. Lionel et Marie ont fait confiance au leader des Brian Jonestown Massacre pour enregistrer la voix, les guitares et les mellotrons que vous pouvez entendre sur le titre. Newcombe a également participé à la production puis au mixage de « Istanbul is Sleepy ». On reconnaît d’ailleurs la patte identifiable de l’artiste dans les mélodies délicieusement sixties associées aux sonorités psychédéliques très modernes des Limiñanas. Le titre « Istanbul is Sleepy » est extrait du cinquième album du groupe. Prévu pour le 17 janvier prochain, Shadow People suit de près Malamore, sorti en 2016. The Limiñanas seront en concert le 7 décembre à la Maroquinerie. L-C. B.

The Limiñanas : nouvelle vague rock à Perpignan

Héritier des yéyés et biberonné au garage rock, ce duo psychédélique a conquis l'Amérique avant même d'être connu dans l'Hexagone. The Limiñanas est en concert à la Maroquinerie. Primal Scream, The Raconteurs, Franz Ferdinand... Depuis des mois, la fine fleur du rock anglo-saxon ne tarit pas d'éloges sur The Limiñanas. Qui donc ? Belle ironie : adoubé aux Etats-Unis et en Europe, le duo est totalement méconnu dans son propre pays, la France. Ce paradoxe marque l'un des chapitres d'un scénario improbable, écrit tambour battant par des artistes repérés alors qu'ils n'avaient rien demandé à personne. Pas de musique à la mode, aucun contrat dans une grosse maison de disques, et même pas l'idée banale de « monter » à la capitale pour réussir. C'est à la maison, dans les environs de Perpignan, que Lionel et Marie Limiñana ont vu leur carrière décoller. Sous le soleil de Cabestany, petit village paisible au charme tout catalan, et sans doute l'un des moins rock‘n’roll du monde, le couple toujours de noir vêtu cultive en bord de mer sa douceur de vivre, tout en humanité et plaisirs simples. Un citronnier sur la terrasse, des guitares plein la cave. Transformée en studio, la pièce est une caverne d'Ali Baba pour tout amateur de pop culture : orgues Farfisa, guitares en tout genre et pédale Fuzz soviétique se disputent l'espace avec des kilos de vinyles, des rangées de DVD, et une bibliothèque remplie de biographies de Nick Cave ou des Ramones. Au centre de la pièce, un ordinateur. C'est de lui qu'a jailli l'étincelle.

Deux titres bricolés à domicile, succès immédiat Activiste de longue date de la vivace scène garage rock de Perpignan, « où tout le monde joue avec tout le monde », le couple Limiñana n'a toujours vécu que pour la musique. Marie a organisé des concerts, avant de se trouver un boulot stable pour assurer les arrières de la famille et élever leur fils. Un temps disquaire indépendant, puis vendeur dans une grande enseigne culturelle (qui a sérieusement garni les étagères de la maison), Lionel passe depuis vingt ans son temps libre à jouer de la guitare au sein de diverses formations locales. En 2009, il se retrouve par hasard abandonné pour quelques mois par ses partenaires habituels, éparpillés en tournée. Pour occuper son temps libre, il enregistre alors seul deux titres bricolés à domicile : « Je voulais les faire écouter à mon frère, qui vit à Paris. Alors j'ai appelé ça “The Limiñanas” pour le clin d'oeil, et les ai postés sur le site MySpace, sans aucune prétention. Les paroles de l'une des chansons, Migas 2000, se résumaient à la récitation d'une recette de cuisine... Deux jours après, je reçois un message de HoZac, un label de rock indépendant de Chicago, qui aime les deux titres et en réclame d'autres. J'accepte, alors que je n'en ai pas un seul en stock. Pour corser encore un peu l'histoire, dans la même semaine, un autre excellent label du même acabit, Trouble in Mind, me fait la même demande ! » Deux labels d'un coup en une semaine, pour un groupe qui n'existe pas encore vraiment, l'exploit est de taille. Mais le défi reste entier. Branle-bas à Cabestany, Marie se met aussitôt à la batterie, se forgeant un style primitif façon Meg White, des White Stripes, et Lionel prend en charge tout le reste : guitare, basse et claviers. Ils enregistrent dans l'urgence quatre nouveaux titres, parmi lesquels Je ne suis pas très drogue, hymne néo-yéyé halluciné qui fait son petit effet outre-Atlantique. « Tu veux un cachou ? — Non merci, je ne suis pas très drogue »... dialogue absurde et sexy entre un homme et une femme, dans un écrin chic de pop sixties : sous ses effluves de Boris Vian, la chanson évoque surtout les embardées sensuelles de Brigitte Bardot et Serge Gainsbourg.

L'élégance à la française, posée sur un lit de rock 100 % made in USA, véritable bande-son fantasmée d'un film de Tarantino. La série Gossip Girl ne s'y est pas trompée, embarquant un titre des Français (Down underground) dans un de ses épisodes. Entre 2010 et 2014, le couple affine sa patte stylistique particulière au fil d'albums et de singles bidouillés à la maison, au gré des contraintes domestiques, évoluant musicalement vers des contrées plus sombres et psychédéliques, rappelant les grandes heures du Velvet Underground ou de Suicide. Avec des chansons aux titres coquins ou narquois – Je suis une go-go girl, Votre côté yéyé m'emmerde –, dont les textes en liberté flirtent aussi avec l'anglais ou l'italien, et, ultime option insolite, ne sont jamais chantés par le duo, mais par une succession d'ami(e)s de passage. Pourquoi pas ? “Notre seule règle est de ne pas en avoir. Et comme ni Marie ni moi ne sommes particulièrement doués rayon vocal” « Notre seule règle est de ne pas en avoir, résume sobrement Lionel. Et comme ni Marie ni moi ne sommes particulièrement doués rayon vocal... » Une liberté de ton mais aussi de production irrigue ce chant des artisans hérité de leur passé dans le rock garage. Chaque titre est enregistré avec le maximum de spontanéité et le minimum de moyens. « En général, quand je commence une chanson, je la termine dans la journée », sourit Lionel. Une esthétique que partage aussi la légende locale Pascal Comelade, savant-fou multi-instrumentiste et artiste peintre, dont la réputation des deux côtés des Pyrénées n'est plus à faire. Une solide amitié lie les deux hommes. Si les peintures de Comelade ornent le salon de la famille Limiñana, les guitares de Lionel habillent régulièrement les musiques du Catalan. Après avoir sorti cette année un disque instrumental en commun, l'excentrique et hypnosant Traité de guitarres triolectiques (à l'usage des portugaises ensablées) [sic], les compères travaillent actuellement sur l'audacieux projet Rififi, qui entend réinterpréter les plus grands riffs de l'histoire du rock en un seul morceau de plus de trente minutes et autant de guitaristes. Comelade a également joué les entremetteurs en présentant les Perpignanais à son label amiral, Because (Charlotte Gainsbourg, Justice, Manu Chao...). Depuis, une nouvelle page s'écrit pour M. et Mme Limiñana. Après avoir bourlingué sur les scènes américaines, les voilà enfin en contrat avec une maison de disques française, et pas des moindres. Qui a ressorti pour l'occasion les quatre albums déjà parus. Pour enfin être prophète en son pays, le groupe prépare un nouvel opus pour 2016, le premier disponible d'abord dans l'Hexagone. A écouter Down underground, LP's 2009-2014, 2CD ou 4 vinyles séparés, Because Music. A 43 ans, et désormais un pied posé dans la cour des grands, Lionel Limiñana n'entend pas pour autant changer ses habitudes : « Il faut que la musique reste un plaisir : je n'ai pas envie de jouer plus de vingt-cinq concerts par an, pour que chacun reste unique. J'aimerais aussi me développer dans la production. Grâce à Internet, je travaille avec une incroyable chanteuse de La Nouvelle-Orléans, Sarah McCoy,tout en restant dans mon village, près de ma famille. » Pas question pour autant de bouder son plaisir : « Je suis ravi de la tournure que prend notre carrière, parce que nous allons enfin être distribués en Europe. Avec, par conséquent, de beaux concerts en perspective. On revient de Grèce, c'était une expérience magnifique. »

The Limiñanas: A Psychedelic Tour De France From the Mediterranean culture crossroads, psych-pop garage flavour with a burning urge to live.

AS SONG SUBJECTS go, listing an old family recipe sounds tasty, but hardly artful. However, for French duo The Limiñanas, culinary instructions proved to be the starting point for their chic brand of garage-rock-infused psych.

“We didn’t have any particular plan or ambition when we started,” explains guitarist/singer Lionel Limiñana of how the tempting recipe ended up as the lyrics for Migas 2000, one of the first songs he and his drumming/ vocalist wife Marie recorded.

Hailing from Perpignan, a French Mediterranean port close to the Spanish border, the pair played in various punk acts before opening their record shop, Vinyl Maniac. Their next collaboration, The Limiñanas, took on a more serious focus after the family were caught up in the 2010 Haitian earthquake while visiting the country to adopt their son.

“You should choose the right language according to the riff.”

Lionel Limiñana

“When we went back from Port-Au-Prince, we decided to do exactly what we want!” says Lionel of the life-changing experience – at the last minute they changed hotels, and their original choice collapsed in the quake. “In short: record music and live intense life situations. The principle of second chance.” After gaining attention via venerable social network MySpace, four full albums, a joint record with French veteran Pascal Comelade and a B-sides compilation followed. The duo’s fifth album Malamore, is, like its predecessors, full of baroque guitar riffs, trance-inducing drum loops and cinematic atmospheres.

Recorded in their home studio, the duo’s output has been enhanced by collaborators ranging from oud players to chanteuses, Peter Hook to Francesca Cusimano, an Italian co-worker from Lionel’s old office job who had “a great accent”. The open approach is in part due to Perpignan’s status as a crossroads city. Informed by Catalan, Jewish, French and Algerian family roots, ideas and cultural strands that have travelled across the Mediterranean also pepper the band’s sound.

“The Limiñanas are a combination of all these elements,”

says Lionel, noting that the clearest example of their multicultural approach are their lyrics, sung in English, French and Italian. “It’s different each time,” he explains. “You should choose the right language according to the type of sound, the riff. I think Italian and English are the two best languages for pop music. The Italian pop sound is crazy, really classy.”

It’s an effective melting pot. Speaking of cooking, what’s the Migas 2000 recipe actually like? “Migas are a Spanish popular dish including bread crumbs and meats,” Lionel says. “The song is the exact recipe of my grandmother, if you follow her instructions you will obtain a delicious dish, but you must have a strong stomach!” Guts – something The Limiñanas possess in spades.

The Limiñanas, le duo français prophète en son garage Installé à Perpignan, le groupe formé par Lionel et Marie Limiñana est devenu en quelques années une référence du rock garage à l’étranger. Leur cinquième album, à l’atmosphère sombre et puissante, pourrait enfin leur valoir la reconnaissance nationale qu’ils méritent.

Le Monde | 05.01.2018 à 09h29 • Mis à jour le 05.01.2018 à 09h31 |Par Stéphane Davet

Il y a deux ans, sur la terrasse de leur maison de Cabestany (Pyrénées-Orientales), au sud de Perpignan, Lionel et Marie Limiñana découvraient, incrédules, un Tweet envoyé par Anton Newcombe. Le fantasque leader de The Brian Jonestown Massacre, groupe culte du revival psychédélique californien, écrivait au couple français qui forme The Limiñanas : « We should be friends. I want to record with you » (« Nous devrions être amis. Je veux enregistrer avec vous »). Le souhait a été exaucé. Il s’est concrétisé en un puissant album, leur cinquième, qui sort mi-janvier, Shadow People. Il est donc produit avec l’Américain, qui signe une nouvelle étape de l’improbable destinée du duo français.

Depuis leur formation en 2009, et un premier album en 2010, le multi-instrumentiste à la foisonnante barbe noire et la batteuse aux cheveux rouges et aux yeux bleu piscine ont acquis une place à part dans le paysage musical français, devenant, à leur rythme et depuis les Pyrénées-Orientales, les chouchous de l’internationale garage rock. Longtemps méconnus en leur pays, ils sont au seuil de la reconnaissance nationale, notamment depuis leur signature avec le label Because (Christine and the Queens, Charlotte Gainsbourg…).

Gossip Girl et New Order

La réputation d’Anton Newcombe aurait pu inquiéter les Français. Dans le film DIG ! (2004), grand moment de documentaire rock’n’roll dressant le portrait croisé de deux groupes, The Dandy Warhols et The Brian Jonestown Massacre, le chanteur-guitariste apparaissait en tyran destroy, drogué et paranoïaque. Ce songwriter prolifique (17 albums depuis 1995) s’est, semble-t-il, calmé. « On a découvert quelqu’un de généreux et ultra-carré », précise Lionel Limiñana. Après une première collaboration pour une reprise (Two Sisters) sur une compilation hommage aux Kinks, les Catalans sollicitent à nouveau Newcombe pour chanter un titre (Istanbul is Sleepy)...

The Liminanas, rock chic et choc Par Olivier Nuc Publié le 12/12/2017

Passionnante formation menée par Lionel et Marie Liminana, The Liminanas reviennent déjà avec un nouvel album réalisé par l'Américain Anton Newcombe, un de leurs fans les plus fervents.

The Liminanas ou l'histoire du meilleur groupe de rock français actuel. Après avoir été salués à l'étranger, Lionel et Marie sont désormais prophètes en leur pays. Un an et demi seulement après l'excellent Malamore, les voici qui annoncent déjà la sortie d'un nouvel album, au début de l'année. «Et encore, nous étions prêts pour le sortir en septembre dernier», explique Lionel, enthousiaste. Shadow People, qui sortira le 19 janvier prochain, est une affaire bien plus énergique que Malamore .«Cela provient essentiellement des parties de batterie, qui ont été enregistrées à Berlin dans le studio d'Anton Newcombe. Son ingénieure du son a travaillé aussi bien avec Echo & the Bunnymen que Black Sabbath.» La frappe sèche de Marie y est davantage mise en valeur, avec un clin d'œil à l'intro de Be My Baby, sur un titre. « On a commencé à la maison avant d'être approchés pour le magazine Mojo pour un hommage aux Kinks», racontent-ils. Entre-temps, Newcombe - leader du Brian Jonestown Massacre - leur propose une collaboration. «Je lui ai envoyé la musique du titre des Kinks sur lequel il a pu poser sa voix», ajoute Lionel. Ce galop d'essai se poursuivra jusqu'à Noël 2016, dans la capitale allemande. L'Américain ajoute guitares, mellotron et autres pendant quatre ou cinq jours. «On ne savait pas ce qui allait se passer.» Après une année de contact épistolaire, The Liminanas répondent présent à la main tendue par ce fan pas comme les autres. «On a travaillé avec lui comme on le fait avec Pascal Comelade ou Peter Hook: à partir du moment où ces gens interviennent sur votre musique, ils l'infléchissent avec beaucoup de force.» hyperactifs. The Liminanas, qui ont commencé à enregistrer chez eux, sont friands de l'apport de ces grandes figures. «Je préfère prendre le risque de laisser quelqu'un intervenir librement dans notre musique. Et puis on ne demande pas ça à n'importe qui», affirment-ils en souriant. C'est pourtant la première fois qu'ils

laissent un musicien extérieur s'inviter sur leur disque aussi étroitement. «Anton est très altruiste et généreux, les choses se sont faites toutes seules.» Ces deux Catalans vivent un conte de fées depuis la sortie d'une anthologie de leurs enregistrements en 2014. Après de longues années de travail souterrain, leur réputation a commencé à grandir, aidée par leurs excellentes prestations scéniques. «Désormais, on peut jouer dans toute la France devant des publics honorables», se réjouit Lionel Liminana. «Je n'aurais jamais pensé que ce type de musique puisse toucher autant de gens», explique-t-il, modeste.

© Thierry Gracia

MUSIQUES

The Limiñanas, un garage rock acide teinté

de flegme méditerranéen 19/04/16

PAR

Christophe Conte

Vénéré partout dans le monde, le duo perpignanais est l’une des grandes fiertés musicales d’un pays qui reste pourtant à conquérir. Ce couple indépendant et stylé livre Malamore, album sous influence italo-jerk. Ce vieux cinglé de Salvador Dalí avait raison : la gare de Perpignan est bien le centre du monde. Enfin, pas tout à fait la gare, plutôt le garage, et pas tout à fait Perpignan mais l’un des villages

environnants, Cabestany. C’est depuis ce sous-sol provincial tranquille que Lionel et Marie Limiñana irradient les foules bien au-delà des océans et à la croisée des fuseaux horaires. Cela fait plus de sept ans que leur garage rock pimpant à tendance yé-yé déniaisé, torride et lancinant séduit autant les célébrités rock et les anonymes sans frontières qui ont connu au contact de leur musique le même genre d’“extase cosmogonique”que Dalí lorsqu’il mit pour la première fois les pieds à “Perpi”. Vous voulez des noms ? Bobby Gillespie de Primal Scream vénère le groove hyperthermique de The Limiñanas tandis que le producteur de Screamadelica, Andrew Weatherall, croisera paraît-il bientôt leur route, tout comme Anton Newcombe (The Brian Jonestown Massacre) avec lequel ils ont enregistré quelques titres à paraître. Visite au studio de Jack White et Peter Hook en renfort Vous en voulez encore ? Franz Ferdinand a sélectionné The Darkside, le morceau d’ouverture de leur premier album, pour sa compilation Late Night Tales, pas loin de Can et de Gainsbourg. Lors de leur passage à Nashville, Jack White a mobilisé le staff de son studio etde son label Third Man Records pour une visite guidée spécialement montée en leur honneur. Quant à Peter Hook, l’ex-Joy Division et New Order, qui ne laisse pourtant jamais traîner sa basse n’importe où, il a accepté d’en partager les fluides sur Garden of Love, le premier single extrait de Malamore. [embed] C’est déjà leur quatrième album, en plus d’une flopée de singles et d’un récent disque en trio avec leur voisin Pascal Comelade, et seule la France des Insus et de Renaud semble devoir encore résister aux charmes canailles et aux infusions envoûtantes d’un groupe qui s’est très bien dispensé jusqu’ici des tampons nationaux. Première étincelle, deux morceaux bricolés en solo Tout commence en 2009 lorsque Lionel Limiñana se retrouve seul face à ses instruments, après des années d’activisme au sein de la scène garage locale. Au bout d’une nuit sans sommeil, il abandonne sur MySpace deux morceaux bricolés en solo et n’aura à patienter que deux jours avant que le téléphone ne commence à sonner. Le label de Chicago HoZac veut publier un single et se montre intéressé par le reste du répertoire… qui n’existe pas encore. Sur une deuxième ligne, un autre tout jeune label chicagoan, Trouble in Mind, réclame aussi un single de ces Frenchies qui semblent parler couramment la langue internationale du psychédélisme que dépoussièrent depuis des années des tas d’esthètes turbulents à travers le monde. The Limiñanas naissent ainsi de cette demande pressante en provenance des Etats-Unis. Marie reprend la batterie comme elle le faisait ponctuellement dans les groupes précédents de Lionel. Le couple investit dans un Mac, quelques logiciels basiques, et laisse opérer naturellement son flegme méditerranéen comme sa parfaite maîtrise de la grammaire musicale anglo-saxonne des sixties et ses multiples adaptations dans la langue d’Eddie Barclay. "Je ne suis pas intégriste, je prends ce que je trouve"

Les premiers titres à émerger, parmi lesquels un cours de cuisine sous hypnose (Migas 2000) et un dialogue sur fond de jerk futuriste (Je ne suis pas très drogue), leur vaudra bientôt de placer le génial Down Underground dans la série Gossip Girl, et d’étendre ainsi leur rayonnement au-delà des cercles garage. “Internet a tout changé pour nous, se souvient Lionel. Avant ça, notre musique ne circulait jamais en dehors du circuit garage français, ce qui restait assez limité. Idem pour les outils : le fait de pouvoir enregistrer chez nous avec un simple ordinateur et une carte son nous a permis des choses impensables quelques années plus tôt.” “Je ne suis pas un intégriste, je prends ce que je trouve et je fais de la musique avec. J’ai trop longtemps vécu avec ces diktats : la musique qu’il fallait écouter, celle qu’il fallait proscrire par principe, les instruments qu’il fallait utiliser… Aujourd’hui, ce genre de dogmatisme m’emmerde. Je ne m’interdis plus rien.” [embed] Leur petite entreprise familiale tourne comme une belle mécanique sans grain de sable. Lionel compose et écrit en permanence, la nuit de préférence ; la journée, il s’occupe de leur fils de 8 ans,

Clive, qui a déjà eu droit à une berceuse sur l’un de leurs premiers singles. Marie occupe un emploi toute la semaine à la médecine du travail. Rhythm & Blues vs. punk alternatif “Je me réveille le matin avec un casque sur les oreilles : Lionel me fait écouter ce qu’il a fait pendant la nuit” –, et le week-end ils embarquent pour des concerts à travers l’Europe. Pas plus d’une vingtaine par an, histoire de ne pas tomber dans la routine.

"J’écoutais Otis Redding, ça faisait un choc à côté des

disques d’Exploited de Marie" “J’ai été disquaire pendant quinze ans, poursuit Lionel, en

indé puis à la Fnac, mais désormais je veux maintenir cette excitation permanente que le boulot de Marie nous aide à faire perdurer.” Ils ont largement dépassé la quarantaine mais se connaissent depuis l’âge de 15 ans : “On s’est rencontrés à Montpellier, on fréquentait les mêmes salles de concerts, avant de se rendre compte qu’on habitait le même village, où l’on vit toujours.“ ”Marie était très branchée punk alternatif, elle écoutait les Bérus et OTH. J’étais horrifié quand je l’ai rencontrée, il fallait vraiment être amoureux pour supporter ça (rires)… Moi, à l’époque, j’écoutais Otis Blue d’Otis Redding, ça faisait un choc à côté de ses disques d’Exploited.” Instruments exotiques et orgues acides La culture musicale de Lionel s’est bâtie à travers les cloisons de l’appartement familial, entre deux frangins qui évangélisèrent le troisième à des sonorités venues de différentes époques de la grande kermesse pop : “L’un d’entre eux écoutait les Smiths et les Pale Fountains tandis que l’autre m’a fait découvrir les compilations Formidable Rhythm and Blues mais aussi Suicide, Joy Division et New Order.” “Je ne me suis jamais replié sur le rock garage, même si j’en ai retenu une certaine façon de produire la musique où, en bricolant des trucs bizarres, en effectuant des branchements pas très orthodoxes, on obtient parfois des sons particuliers.” Le son Limiñanas s’est ainsi enrichi au fil des albums d’instruments exotiques en provenance du Maghreb, de Grèce (oud, bouzouki…) ou d’autres planètes (Thérémine) qui s’harmonisent sans fausses notes avec les guitares fuzz, les réverbérations cosmiques, les orgues acides et les rythmiques reptiliennes qui constituent leur empreinte depuis les origines. Des influences très BO Pour ceux qui ont raté les épisodes précédents, Malamore est un parfait résumé de leur art perméable qui semble comme irrigué par des décennies de musiques primitives et sophistiquées, nourri aussi au Celluloïd comme aux BO, de Morricone à John Barry. “La référence du disque, confirme Lionel, c’était la comédie italienne, les films avec Alberto Sordi, et forcément les BO qui vont avec. On regarde plus de films que l’on écoute de disques depuis des années. Ça aussi, c’est un héritage familial pour moi, mes frangins en louaient des tonnes, on pouvait regarder à la suite Blow up d’Antonioni et Ne nous fâchons pas de Lautner. Je découvrais beaucoup de musique grâce aux films, j’ai par exemple entendu Louie Louie pour la première fois en regardant American College de John Landis, avec John Belushi.” [embed] Les mods qui ferraillent avec Lino Ventura et Michel Constantin chez Lautner ont assurément marqué la rétine et l’ouïe des Limiñanas avec autant de persistance que les ep des Who ou des Small Faces. Leur culture bis du cinéma et de la pop française (ils connaissent par cœur les Jacqueline Taïeb, Charlotte Leslie et autre Stella, les pétroleuses underground des yé-yés) vaut bien celle des tréfonds de l’Amérique qui fascinait tant les Cramps, leur modèle avoué. Cousins de La Femme pour leur fétichisme sixties

Mais chez les Limiñanas, on ne pratique pas l’exclusivité conjugale et leurs albums comme leurs concerts accueillent d’autres voix, souvent féminines, en plus du talk-over de Lionel et des répliques détachées de Marie. L’impression de polyphonie et d’effervescence permanente qui émane de leurs albums leur évite, là encore, de s’enchrister dans le rétro pour fétichistes sixties. Ils sont certes plus âgés que La Femme, et intéressent dès lors moins les publicitaires et les créateurs de mode, mais il existe entre ces deux groupes un évident terrain de jeu commun, qui reste l’une des sources d’excitation les plus ardentes de la pop d’ici. Des Pyrénées-Orientales au Pays basque, le centre du monde ressemble désormais à une barrière de montagnes, et sa bande-son plane à très haute (rock’n’roll) altitude. album Malamore (Because/Warner) concerts le 26 mai à Nantes (festival Les Indigènes), le 27 à Brest, le 28 à Rouen (festival du 106) et le 5 juin à Paris avec Pascal Comelade (We Love Green),

The Limiñanas ne s’arrêtent jamais Le duo garage français qui a replacé la France sur la carte du rock international remet le couvert.

The Limiñanas © Maxppp / Alex Baillaud

Back to Perpignan. Les revoilà et ça tape, les Limiñanas sont ce qui nous est arrivé de mieux en France depuis longtemps en matière de rock garage à tendance psychédélique. Vous les aviez découvert sur notre antenne il y a cinq ans avec « Je ne suis pas très drogue ».

Depuis, le chemin parcouru est impressionnant ! Leur rock garage (mais pas que) les a amené vite fait hors de nos frontières. Leur prochain album est produit par Anton Newcombe, l’artificier du Brian Jonestown

Massacre qui partage avec eux cet amour du son fuzz. Lionel Liminanas raconte :

"L’année dernière Mojo magazine nous a demandé d’enregistrer un titre des Kinks pour un tribute dédié à leur « Something Else ». Marie et moi avons choisi « Two sisters » et au moment d’enregistrer le chant on a pensé a Anton Newcombe après avoir fait sa première partie en France.

Le travail a commencé comme ça. On avait un album sur le feu et on a décidé de le finir ensemble. La semaine de Noël, on a pris l’avion pour Berlin avec nos maquettes et en six jours nous avons pu enregistrer notre nouvel album chez Anton Newcombedans son propre studio."

C'est ce rêve classique où l’on devient le héros de l’histoire : le Captain Blood ou un Sultan des Mille et une Nuits... Celui qui sauve et séduit Maureen Ohara et Ava Gardner. C’est Anton qui chante sur l’enregistrement. Il joue le drone de guitare aussi

The Limiñanas, rock garage "Made in Perpignan" Publié le 18/01/2018 à 14:29 | AFP

The Limiñanas, rock garage "Made in Perpignan" © AFP/Archives / RAYMOND ROIG

Toujours rester libre et surtout conserver ce "côté bricolé et un peu accidentel". Découvert il y a presque 10 ans par des labels américains, le groupe The Limiñanas creuse son sillon, avec un cinquième album "Shadow People" et une participation remarquée d'Emmanuelle Seigner.

Drôle d'alchimie +Made in Perpignan+ que celle des Limiñanas, faite de rock psychédélique et de pop aérienne, nourrie aux meilleures références: Velvet Underground, Nick Cave, Ennio Morricone ou encore Gainsbourg. Une "French touch" qui a gagné le respect de la planète rock garage.

Leur 5e opus, qui sort vendredi, évoque les années lycée du duo/couple Lionel et Marie Limiñanas, imposante barbe noire et voix grave pour lui, longs cheveux roux et ultra-discrétion pour elle (sauf derrière la batterie).

"On vient tous les deux de la scène garage pure et dure, dans laquelle on a été actifs depuis l'adolescence. L'idée (pour Shadow People), c'était d'avoir une photographie de cette époque-là", explique Lionel, chanteur et multi-instrumentiste, dans leur maison de Cabestany, près de Perpignan.

"Il y avait encore des bandes: des mods, des skins, des rockers à l'ancienne, des hippies etc... Des bandes qui ont disparu aujourd'hui. On était en plein dedans, ça nous a ouvert sur des tas de trucs", poursuit-il.

Marie et Lionel, du groupe "The Limiñanas", dans leur maison de Cabestany, dans les Pyrénées-Orientales, le 12 janvier 2018 © RAYMOND ROIG AFP/Archives

"C'est le principe du +shadow people+, l'espèce de présence qui est là, n'est pas là, un peu fantomatique, toujours au-dessus de nous, qui fait qu'on n'a jamais renoncé ni laissé tomber ce qui nous a formé à l'époque".

"Shadow People", c'est aussi une belle ballade avec la voix sensuelle de l'actrice Emmanuelle Seigner. "On connaissait déjà son boulot avec (le groupe de rock) Ultra-Orange (en 2007). Le disque était super", raconte Lionel.

Le duo catalan a demandé à l'épouse du cinéaste Roman Polanski de poser sa voix sur le morceau. "Ca sonnait super, on lui a demandé si on pouvait le mettre sur le disque, elle a dit OK. On est devenus amis".

-'indépendant'-

Le clip a été tourné dans leur maison, qui abrite au rez-de-chaussée un petit studio. Avec des décorations de Noël achetées au supermarché du coin. Toujours ce côté artisanal.

Changement d'ambiance avec "Istanbul is sleepy", porté par la voix sombre et puissante d'Anton Newcombe, figure de la scène garage et leader du groupe psychédélique américain The Brian Jonestown Massacre.

"Anton est tombé sur nos disques à Londres, cela lui a plu" et il a voulu "travailler avec nous", se souvient Lionel, qui ne tarit pas d'éloges à son encontre. Le duo a produit l'album avec lui, dans ses studios de Berlin, où l'Américain s'est installé depuis une décennie.

"La grosse nouveauté (pour cet album), c'est d'avoir confié le bébé à quelqu'un d'autre. Mais il n'y a eu à aucun moment la moindre friction, la moindre discussion artistique, le moindre doute".

Depuis le début des Limiñanas en 2009, le principe était de "composer et produire la musique nous-mêmes en autarcie et soit de chanter dessus, soit d'inviter des gens. Au début, c'était notre voisine".

Et toujours le même son. "C'est accidentel et non prémédité. On n'était que deux pour faire les trucs. Tous les accidents liés au jeu, à la prise de son, les bruits, tout ce qui intervient dans le son participe du son", insiste Lionel.

"Si jamais petit succès il y a, il disparaîtra à partir du moment où on rentrera dans le rang. Je doute fort qu'on aille voir un grand producteur +mainstream+. Ca a tué tous les groupes qui ont essayé de faire ça, c'est l'erreur de base".

"On fait en sorte qu'elle (la musique) ne soit pas alimentaire. Si Marie a gardé un job, c'est pour qu'on soit indépendant", souligne Lionel qui a quitté son poste de disquaire car sa chef "n'était pas d'accord pour caler (ses) plannings de boulot sur les plannings de tournée".

Et pour l'avenir ? "On aimerait bien que ça continue comme ça".