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1 Le financement des partis politiques dans l’espace francophone Projet de rapport Présenté par M. Jean Rousselle, député (Québec) Co-rapporteur de la Section du Québec et M. Gérard Bila SEGDA, député (Burkina Faso), Co-rapporteur de la Section du Burkina Faso Rapporteurs o ttawa ( C anada) | 6 juillet 2014

Le financement des partis politiques

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Page 1: Le financement des partis politiques

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Le financement des partis politiques

dans l’espace francophone Projet de rapport

Présenté par

M. Jean Rousselle, député (Québec) Co-rapporteur de la Section du Québec

et

M. Gérard Bila SEGDA, député (Burkina Faso), Co-rapporteur de la Section du Burkina Faso

Rapporteurs

ottawa (Canada) | 6 juillet 2014

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Table des matières

Avant-propos ................................................................................................................................... 3

Introduction ..................................................................................................................................... 4

1. Synthèse des contributions des sections ................................................................................ 5

2. Bonnes pratiques en matière de financement des partis politiques .................................... 15

3. Le financement des partis et la présence des femmes en politique ..................................... 20

Conclusion ..................................................................................................................................... 23

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Avant-propos C’est avec grand plaisir que les Sections du Québec et du Burkina Faso vous présentent le rapport définitif sur le financement des partis politiques dans l’espace francophone. Tout d’abord, rappelons-nous le cheminement de ce thème au sein de notre Commission. C’est lors de la réunion tenue à Vancouver en mars 2012 que les sections du Burkina Faso et du Québec ont proposé de se pencher ensemble sur ce thème. Lors de la réunion de Bruxelles, en juillet 2012, l’idée a été présentée aux sections. À l’automne de cette même année, une demande de contribution volontaire a été adressée aux sections en vue de recueillir de l’information sur les pratiques de financement des partis. À l’occasion de la réunion qui s’est tenue à l’Île Maurice, en mars 2013, un premier rapport d’étape résumant la contribution de neuf sections fut présenté. Un second rapport a été présenté à Abidjan en juillet 2013. Il s’agissait d’une prolongation du premier rapport d’étape comprenant cette fois les contributions de treize États et parlements, à savoir : le Canada, la Fédération Wallonie-Bruxelles, la France, la Grèce, la Moldavie, la Principauté de Monaco, le Québec, la Roumanie, le Val D’Aoste, la Suisse, la Macédoine, le Burkina Faso et le Tchad. Au cours de notre dernière rencontre à Hanoï en avril, une note de présentation faisant état du contenu de ce dernier rapport sur le sujet a été exposée et un ultime appel à contributions a été lancé. Ce rapport définitif est donc l’occasion de présenter l’ensemble des informations transmises par le biais de vos contributions. Le dernier rapport d’étape présenté à Abidjan mettait en évidence l’importance d’un équilibre entre les sources de revenus publiques et privées dans le financement des partis politiques. Le document conclut que l’enjeu fondamental relié à cette thématique est celui du contrôle législatif des donations. Ce rapport définitif tente de répondre aux questionnements laissés en suspens dans le dernier rapport d’étape. Son objectif principal est d’établir quels ont été jusqu’à maintenant les mécanismes de contrôle législatif du financement les plus efficaces. Nous espérons que ce rapport définitif sur le thème du financement des partis politiques dans l’espace francophone suscitera encore une fois votre intérêt et mènera à des discussions enrichissantes. Nous sommes bien entendu intéressés à entendre vos commentaires après notre présentation.

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Introduction La question du financement des partis politiques est sans contredit d’une importance centrale pour les parlementaires de la Francophonie. En effet, les démocraties représentatives sont essentiellement basées sur l’existence de partis politiques qui, selon l’UIP, «sont petit à petit devenus les piliers de notre mode de gouvernement parlementaire»1. Afin de remplir leurs fonctions, ces entités ont besoin de fonds de plus en plus élevés et, conséquemment, leur survie exige un financement important. Les partis politiques sont donc constamment en recherche de fonds pour compléter ceux obtenus par les cotisations de leurs membres puisqu’elles ne suffisent désormais plus à assurer leur fonctionnement. Les législateurs sont particulièrement interpellés par ce sujet en raison de l’effet de distorsion que l’argent peut avoir sur le processus démocratique. En effet, dans plusieurs cas, «la législation publique s’est développée à la suite des scandales liés à la corruption ou à l’influence indue des milieux financiers sur les décisions politiques par des moyens pécuniaires»2. À la suite de la mise en place de réglementations pour baliser le financement des partis politiques dans diverses sections de la Francophonie, il s’est avéré pertinent pour les membres de s’intéresser à ce sujet dans le but d’améliorer les pratiques en la matière. Ce rapport définitif pose donc le dernier jalon de notre réflexion sur le financement des partis politiques dans l’espace francophone. La première section est consacrée à une synthèse des contributions des sections3. Plutôt que de présenter l’information par section comme dans les premiers rapports, les éléments sont regroupés et résumés par sous-thème reliés au financement des partis politiques. Cette nouvelle formule facilite la comparaison entre chaque section. La partie suivante porte sur les bonnes pratiques en matière de financement des partis politiques. Elle permet de partager les constats et les réussites et nous espérons qu’elle pourra servir de source d’information pour les parlementaires. Finalement, une section a été ajoutée afin d’explorer le lien entre le financement des partis politiques et la présence des femmes en politique. Nous y examinons diverses mesures de financement des partis politiques mises en place afin de favoriser la présence des femmes et leur efficacité.

1 UIP, Rapport sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales, 124

e Assemblée,

Panama, 2011, p. 1. 2 Van Biezen, Ingrid. Financement des partis politiques et des campagnes électorales – lignes directrices,

Éditions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2003, p. 12. 3 Pour consulter l’intégralité des contributions, se référer au rapport précédent, déposé en juillet 2013 à

Abidjan.

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1. Synthèse des contributions des sections Cette section présente une synthèse des contributions transmises par treize États et parlements, à savoir : le Canada, la Fédération Wallonie-Bruxelles, la France, la Grèce, la Moldavie, la Principauté de Monaco, le Québec, la Roumanie, le Val D’Aoste, la Suisse, la Macédoine, le Burkina Faso et le Tchad. Plutôt que de présenter l’information par section comme dans les premiers rapports, une sélection a été effectuée et les éléments conservés sont regroupés par sous-thème reliés au financement des partis politiques afin de faciliter la comparaison entre chaque section.

Lois encadrant le financement Parmi les contributions reçues, plusieurs font état de l’existence de lois spécifiquement dédiées à encadrer le financement des partis politiques. Le cas du Québec fait figure d’exception avec l’adoption précoce, dès 1875, de sa première loi encadrant le financement des partis. Une période où la déréglementation a plutôt été privilégiée a suivi cette adoption et ce, jusqu’en 1963, où la Loi électorale du Québec a été adoptée. Les autres sections ayant fourni des informations à ce propos ont connu une adoption plus tardive de lois reliées à ce sujet. Le Canada a adopté un cadre réglementaire en 1974, la Belgique en 1989 et la Roumanie en 2006. Le Burkina Faso a quant à lui adopté sa première loi en la matière en 2000, mais la loi qui prévaut actuellement a été modifiée en 2009. La République de Macédoine s’est également dotée d’une Loi sur le financement des partis politiques. Elle régit la manière et la procédure d’attribution des ressources financières, la disponibilité de fonds pour les travaux en cours et les activités du parti politique, ainsi que le financement et le contrôle des opérations financières et matérielles des partis politiques.

Type d’élections assujetties Les lois qui portent sur le financement des partis politiques peuvent viser divers types d’élections. Dans la Fédération de Wallonie-Bruxelles, la loi belge réglemente les campagnes électorales législatives. En France, les candidats aux élections présidentielle et législative doivent se soumettre aux règles établies. Du côté de la Moldavie, la loi du 2 juillet 2012 encadre les dépenses électorales réalisées lors des campagnes nationales et communales. Au Burkina Faso, la règlementation sur le financement public des partis politiques s’applique tant au municipal qu’aux élections législatives et présidentielles. Dans le cas du Québec, la loi électorale s’applique aux élections provinciales et municipales ainsi qu’aux campagnes à la direction des partis politiques depuis décembre 2011. La loi canadienne régit quant à elle les élections fédérales.

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Statut des partis politiques Au sein des différents parlements et États membres, les partis politiques bénéficient de statuts divers. Au Canada, une démocratie parlementaire de type Westminster, les partis politiques sont traditionnellement conçus comme des entités essentiellement privées qui ne sont pas mentionnés dans la Constitution tandis que la constitution française octroie un statut juridique aux partis politiques. Dans la Fédération de Wallonie-Bruxelles, la notion de parti politique est définie dans la loi afin de déterminer clairement quels organismes peuvent bénéficier de l’aide et préciser lesquels sont soumis à un contrôle et à une limitation de leurs dépenses électorales. Dans la Principauté de Monaco, il n’existe pas de partis politiques à proprement parler, mais ce que l’on appelle des « associations dont l’objet statutaire est politique » qui sont de petites structures faiblement institutionnalisées. Dans le cas de la Vallée d’Aoste, située en Italie, le pays n’a pas défini juridiquement la nature des partis politiques, la Constitution italienne établissant seulement que tous les citoyens ont le droit de s’associer librement en partis. En Macédoine, les partis politiques sont des organisations à but non lucratif. En Suisse, les partis politiques revêtent la forme juridique d’une association. Au Tchad, un texte régit la création et le fonctionnement des partis politiques depuis le 4 octobre 1991. Dans le cas du Québec, c’est en 1963 que la Loi électorale a reconnu officiellement l’existence des partis politiques et ils doivent être autorisés par le Directeur général des élections.

Sources de financement autorisées

-Publique L’idée d’octroyer un financement public aux partis politiques est désormais grandement acceptée et intégrée aux législations des diverses sections, tel que nous pouvons l’observer dans les cas suivants. Au Canada, le régime de financement public direct comprend un remboursement des dépenses électorales des candidats à la hauteur de 60% et des partis à 50% et une allocation aux partis politiques sur la base des suffrages (minimum 2%) obtenus aux dernières élections. Cette dernière mesure sera cependant progressivement éliminée jusqu’à sa suppression en 2015-2016. Enfin, le Canada rembourse aux associations de circonscription électorale leurs frais de vérification, jusqu’à concurrence de 1 500 $. En ce qui concerne le financement indirect, un crédit d’impôt progressif pour contribution politique a été mis en place. Finalement, ce régime est complété par une mesure de financement public spécifique, qui consiste en une subvention pour les dépenses administratives et de recherche des groupes parlementaires et par une mesure non monétaire, l’attribution de temps d’antenne gratuit selon des critères établis par la Loi électorale du Canada.

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Au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles, où les lois de la Belgique s’appliquent en la matière, le financement des partis repose essentiellement sur la base d’une dotation publique à charge du budget de la Chambre des représentants et du Sénat. Dans une certaine mesure, une dotation complémentaire peut être accordée par les parlements des entités fédérées, des régions, des communautés et des provinces. La dotation publique fédérale se décompose en deux parties, à savoir : une part forfaitaire fixe, égale pour tous les partis et un montant supplémentaire et proportionnel au nombre de voix recueillies par les candidats figurant sur les listes du parti lors des élections législatives. En plus de ces éléments, d’autres mesures indirectes existent dont l’indemnité parlementaire, les aides individuelles aux parlementaires, les aides plus spécifiques allouées aux membres du bureau et aux présidents de groupe voire encore certaines facilités accordées à l’occasion des campagnes électorales. En France, l’État a mis en place un dispositif d’aide financière annuelle aux partis politiques et de prise en charge d'une partie des dépenses de campagne. Des mécanismes sont instaurés afin de contrôler ce financement. Chaque année, des crédits destinés à être versés aux partis et groupements politiques sont inscrits dans la Loi de finances. Ils sont répartis entre les partis et groupements politiques selon leurs résultats au premier tour des dernières élections législatives et selon les partis représentés au Parlement, en proportion du nombre de parlementaires ayant déclaré se rattacher à chacun d'entre eux. La Grèce a adopté la formule mixte de financement pour les partis politiques, qui sont élus au parlement national ou européen. Les partis reçoivent un financement public pour couvrir une partie des dépenses opérationnelles et électorales. Ce financement est divisé en deux volets: le financement régulier et le financement exclusif aux opérations électorales. Le premier est versé chaque année et il est fixé en pourcentage du revenu régulier du budget de l'État de l'année courante. La subvention du deuxième financement est versée à chaque période électorale et le pourcentage est inférieur au financement régulier. La situation est différente en Moldavie, car, bien que prévu dans la loi, le financement public des partis politiques est présentement, en principe, inexistant, en raison des politiques d’austérité budgétaires en vigueur. Dans la Principauté de Monaco, pour les élections nationales, un plafond des dépenses électorales et un montant maximal de remboursement des dépenses électorales sont fixés par liste de candidats. Seules les listes de candidats ayant obtenu au moins 5% des suffrages ou un nombre de suffrages au moins égal au quart du nombre de votants aux élections nationales sont admissibles à un remboursement.

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Au Québec, en 1975, l’État entreprit de verser aux partis une allocation annuelle sur la base des suffrages obtenus à la dernière élection générale. Depuis, la Loi électorale a fait l’objet de modifications et ces allocations, versées par le Directeur général des élections, ont augmenté. En 2012 on a également créé deux nouvelles allocations, à savoir : une allocation supplémentaire par électeur inscrit et une allocation publique qui varie en fonction des montants recueillis en dons privés par un parti autorisé – on parle ici d’une formule d’appariement. En Roumanie, chaque année, les partis politiques reçoivent une subvention de l’État en versements mensuels. Le montant est augmenté au prorata du nombre de mandats remportés par des femmes. Les partis politiques, les alliances politiques ou électorales et les organisations des minorités nationales sont éligibles à l’aide publique s’ils remplissent l’une des conditions suivantes: franchir les seuils électoraux prévus pour les élections parlementaires; obtenir au moins 50 mandats de conseillers de comtés. Les subventions publiques sont réparties à 75% selon les suffrages recueillis aux élections législatives et à 25% selon ceux obtenus aux élections locales. L’aide publique indirecte peut notamment prendre la forme de locaux mis à la disposition des partis. Selon la Loi relative aux élections à la Chambre des Députes et au Sénat, les organisations politiques ont librement accès aux services publics de radio et de télévision, proportionnellement au nombre de candidats. Dans la région autonome d’Italie de la Vallée d’Aoste, le remboursement des dépenses engagées lors des élections législatives, européennes et régionales ainsi que lors des référendums constitue désormais la seule source de financement public. La répartition entre les formations politiques se fait en fonction du nombre de sièges obtenus dans l’organe concerné s’il y a obtention d’un minimum de 1% des suffrages ou élection d’au moins un candidat. Lors de l’élection du Conseil régional de la Vallée d’Aoste, les dépenses électorales de chaque liste et celles de chaque candidat sont limitées. Des règles particulières peuvent s’appliquer aux dons provenant de personnes morales lorsque de tels dons sont autorisés. Le financement des partis en Suisse est essentiellement privé, toutefois, les groupes politiques siégeant à l’Assemblée fédérale reçoivent une contribution annuelle. Les sources publiques de financement des partis politiques sont prévues dans le budget de la République de Macédoine. Le total de l’actif pour le financement annuel des partis politiques représente un montant de 0,06% du total des recettes du budget initial. Dans le budget macédonien, 30% des ressources prévues pour le financement des partis politiques sont réparties de manière égale à tous les partis qui ont obtenu au moins 1% du nombre total des voix des électeurs lors des dernières élections. Ainsi, 70% des ressources prévues pour le financement des partis politiques sont, quant à elles, attribuées aux partis politiques dont les candidats ont été élus membres de l’Assemblée de la République de Macédoine lors des dernières élections parlementaires.

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Cette dernière attribution se fait en proportion du nombre de membres élus, des partis politiques élus à titre de conseillers lors des dernières élections, ainsi qu’en proportion du nombre de conseillers élus. Au Burkina Faso, il est prévu que l’utilisation par les partis et formations politiques des biens et services de l’État, autres que les prises en charge et les subventions inscrites dans la loi, est interdite sous peine des sanctions prévues par le Code pénal. La contribution de l’État concerne tous les partis et formations politiques ayant obtenu au moins 3% des suffrages exprimés aux dernières élections législatives. La répartition s’effectue au prorata du nombre des suffrages obtenus. Pour l’élection présidentielle, la contribution de l’État est répartie à égalité entre les candidats dans des conditions définies par décret pris en conseil des ministres. Il est également institué une ligne de crédit annuel dans le budget de l’État pour le financement des partis et formations politiques aussi bien pour la campagne électorale que pour leurs activités hors campagne. La répartition des fonds publics se fait au prorata du nombre de candidats présentés par les partis ou formations politiques aux élections municipales et législatives. Seuls les partis et formations politiques qui respectent leurs obligations statutaires et qui fonctionnent régulièrement peuvent bénéficier du financement du budget de l’État. Ces fonds publics sont recouvrés et gérés par un mandataire financier placé sous l’autorité de l’organe dirigeant national de chaque parti ou formation politique. Finalement, dans le cas du Tchad, une subvention forfaitaire de cinq millions de francs CFA est octroyée à chaque parti politique. Par ailleurs, une loi adoptée en 2009 stipule que le montant annuel des crédits affectés sur le budget de l’État au financement des partis politiques est réparti selon les proportions ci-après : 15% pour les partis ayant participé aux dernières élections présidentielles, législatives ou locales ; 40% pour les partis représentés à l’Assemblée nationale, proportionnellement au nombre de députés ; 35% pour les partis représentés dans les conseils communaux, proportionnellement au nombre de conseillers municipaux ; 10% pour les partis ayant des femmes élues à l’Assemblée nationale et aux Conseils Communaux. D’autres mesures sont prévues pour compléter le soutien financier de l’État aux partis politiques engagés dans des compétitions électorales, dont la mise à disposition des spécimens des bulletins de vote, l’octroi aux candidats et/ou aux partis en compétitions des exonérations de certaines taxes, pour l’acquisition des équipements et matériels liés à la campagne électorale et le remboursement de 30% des frais de campagne selon les plafonds établis pour chaque type de campagne.

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-Privée Au Canada, le recours au financement privé est restreint par l’imposition d’une limite annuelle de 1 000 $ par parti et par candidat aux contributions des individus, et par l’interdiction de contributions venant de personnes morales (entreprises et syndicats). S’ajoute la possibilité pour les individus de contribuer pour un total de 1 000 $, par année civile, à l’ensemble des associations de circonscription de chaque parti ou aux candidats d’un parti, pour un total de 1 000 $ à l’ensemble des candidats à une course à la direction d’un parti, et pour un total de 1 000 $ à un candidat indépendant. De plus, les candidats à l’élection, à l’investiture ou à la direction d’un parti ne sont pas autorisés à prélever plus de 1 000 $ sur leurs propres fonds pour financer leur campagne. Dans la Fédération de Wallonie-Bruxelles, la loi du 4 juillet 1989 réglemente les dons qui peuvent être faits aux partis. Les personnes morales se sont vues interdire, en 1993-1994, la possibilité de faire des dons. Une modification apportée en 1998 à la loi de 1989 soumet les dons des personnes physiques à divers contrôles. En France, depuis 1995, les pouvoirs publics ont décidé d’interdire aux personnes morales, quelles qu’elles soient, de prendre part au financement de la vie politique. Le financement privé est généralement modeste. À l’instar de toute association, les partis peuvent percevoir des cotisations de leurs adhérents. Les partis peuvent disposer d’autres revenus privés, mais dans les limites étroites d’une législation de plus en plus restrictive : ressources provenant d’activités économiques du parti, legs, etc. Entrent également dans cette catégorie les dons des personnes physiques, régis par les lois de 1995. Les dons au profit d'un parti ou d'un groupement politique sont limités à 7 500 euros par parti ou groupe de partis. Tout financement par un État étranger ou une personne morale de droit étranger est, quant à lui, strictement prohibé. Pour le cas de la Grèce, la loi prévoit le financement privé par des individus, plafonné au montant de 15 000 euros et pour lequel un reçu doit être délivré. Le financement privé est interdit aux personnes qui n'ont pas la nationalité grecque, aux personnes morales de droit public ou privé, aux autorités locales, aux propriétaires ou éditeurs des journaux, radio ou télévision hellénique. En Moldavie, le financement des partis politiques au moyen des cotisations des membres et des dons privés est permis, tant pour les personnes morales que physiques, mais plafonné dans les deux cas. Le financement des partis politiques par des citoyens étrangers et des organisations internationales est cependant interdit. La Principauté de Monaco fonctionne avec un régime de financement mixte public-privé puisque les candidats et des tiers – personnes physiques ou morales – peuvent contribuer.

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Dans le cas du Québec, depuis 1977, la loi interdit aux personnes morales (compagnies, sociétés, syndicats, etc.) de contribuer à la campagne de financement d’un parti politique. Une contribution se définit comme un don en argent, comme un service rendu ou comme un bien fourni à titre gratuit par un électeur, à même ses propres biens. L’Assemblée nationale du Québec fut le premier Parlement au Canada à adopter une telle mesure. Aussi, depuis décembre 2012, l’Assemblée nationale a abaissé à 100 $ le montant qu’un électeur peut verser durant une même année civile à chacun des partis politiques, à une association locale d’un parti, à des députés et à des candidats indépendants. La possibilité de faire un don à plus d’une entité demeure. La disposition permet aussi aux électeurs de faire des dons supplémentaires de 100 $ au cours d’une campagne électorale. En outre, dans l’optique de mettre fin au système des prête-noms, l’Assemblée nationale adopta, en 2010, une modification pour ajouter la phrase suivante à l’article 90 de la loi : « une contribution doit être faite volontairement, sans compensation ni contrepartie, et elle ne peut faire l’objet d’un quelconque remboursement ». En Roumanie, les cotisations des membres, selon une limite annuelle par membre et les revenus générés par les activités du parti sont des sources de financement autorisées. Les dons sont légaux, mais soumis à une réglementation. Le concept de dons englobe la valeur réelle des biens meubles et immeubles offerts à un parti ainsi que la valeur des services fournis gratuitement ou à rabais. La loi interdit à toute personne physique ou morale étrangère de financer la campagne électorale. Dans la Vallée d’Aoste, les sources privées internes aux partis qui comprennent les frais d’adhésion ou les cotisations ordinaires des membres et les cotisations, volontaires ou obligatoires selon les statuts des partis, versées par les élus sont autorisées. Les sources privées extérieures aux partis, c’est-à-dire les dons, sont également acceptées. Aucun plafonnement n’est prévu, mais la loi nationale réglemente le financement des partis et des mouvements politiques par des particuliers. Dans le cas où le don dépasse un montant qui est réévalué chaque année, une déclaration doit être effectuée et obligatoirement déposée. De plus, les contributions des sociétés à but lucratif doivent apparaître dans les comptes annuels de la société. Cependant, les entreprises publiques, ainsi que celles dont le capital est contrôlé à plus de 20% par l’État et les institutions publiques, ne sont pas autorisées à faire des dons aux partis politiques. Les autres entreprises ne peuvent légalement faire des dons qu’après décision de l’organe de la société reconnu compétent en la matière. Par ailleurs, un régime spécial est appliqué à partir du jour successif à la convocation des élections. Les limites aux financements privés s’appliquent seulement aux contributions pour les candidats, mais pas dans le cas des partis ou mouvements politiques.

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En Suisse, dans la plupart des cantons, les partis ne sont pas tenus de dévoiler d’où viennent les dons qu’ils reçoivent. Seuls les cantons de Genève et du Tessin prévoient de telles dispositions. Il n’existe aucun plafonnement des montants des dons en Suisse, que ce soit au niveau fédéral ou cantonal. Il n’existe pas de règles ni de limitations spécifiques au financement privé des partis politiques et des campagnes électorales. Le Code civil ne prévoit pas non plus de règles relatives au financement des associations et les invite à régler elles-mêmes cette question dans leurs statuts. Il est d’usage que les représentants élus des partis au Conseil Fédéral, au Parlement ou parfois à des postes de juge ou de magistrat versent une partie de leurs indemnités ou de leur salaire au parti. Ainsi, les dons provenant de particuliers, d’entreprises, de banques, de groupes d’intérêts ou encore d’associations soutien représentent une part importante du budget des partis politiques. Il est également intéressant de noter que les cotisations et les versements aux partis politiques sont déductibles du revenu imposable d’un individu à concurrence d’un montant de 10 000 francs si le parti remplit certaines conditions. En Macédoine, le financement privé est également régit par la Loi sur le financement des partis politiques. Celle-ci prévoit que le financement ne peut pas provenir exclusivement de sources privées. Les sources privées de financement autorisées sont : les cotisations, qui ne doivent pas dépasser une limite fixée par rapport au salaire moyen net; les donations, sous forme d’espèces, de biens ou de services et la vente de matériel promotionnel et publicitaire. Les partis ne peuvent pas être financés par les gouvernements, les institutions internationales, les autorités et les organisations de pays étrangers ou d’autres entités étrangères, les autorités nationales et locales avec des fonds qui ne sont pas prévus dans le budget de la République de Macédoine, les institutions publiques, les entreprises publiques, les fonds publics ou d’autres entités juridiques ayant des capitaux nationaux, les entreprises publiques, les établissements publics et les fonds publics mis en place par les municipalités, les associations de citoyens, les ONG, les communautés religieuses ou les groupes religieux et les sources anonymes. Dans le cas du Tchad, le financement des activités des partis politiques est à la charge de ceux-ci ; les ressources des partis étant constituées des cotisations des membres, des produits des activités et de vente de certains produits, ainsi que des dons et legs.

Autorités chargées d’assurer le respect des lois Des variations sont également observables parmi les membres au niveau des autorités chargées de superviser le respect des lois sur le financement des partis politiques. Dans la Fédération de Wallonie-Bruxelles, la loi du 12 février 1999 met en place une Commission de contrôle pour sanctionner les partis liberticides et leur refuser la dotation et vérifier l’identité des personnes physiques qui font des dons aux partis.

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En France, la mise en œuvre des règles de financement des partis et des campagnes électorales est confiée à une autorité administrative indépendante, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), sous le contrôle du juge de l’élection (Conseil constitutionnel pour l’élection présidentielle et les élections législatives, et juge administratif pour les autres élections). Le contrôle du patrimoine des élus, qui doit être déclaré en début et en fin de mandat, est assuré par une seconde instance indépendante, la Commission pour la transparence financière de la vie politique (CTVP). En Grèce, la Commission de Contrôle du Parlement hellénique est chargée du contrôle des finances des partis politiques. En Moldavie, la Commission électorale centrale assure la transparence en matière de financement des partis. Dans la Principauté de Monaco, la Commission de vérification des comptes de campagne est responsable de recevoir les rapports des dépenses électorales de tout candidat à une élection. Au Québec, le Directeur général des élections est responsable de la mise en œuvre de la Loi électorale et vérifie notamment la conformité des contributions. En Suisse, la Délégation administrative du Parlement suisse est responsable, entre autres, de recevoir les rapports des groupes sur l’utilisation des contributions reçues au cours de l’exercice comptable précédent.

Sanctions applicables Afin d’inciter au respect des limites appliquées au financement des partis politiques, les sections représentées dans ce rapport ont instauré diverses sanctions. Dans la Fédération de Wallonie-Bruxelles, en cas de violation de la loi, des sanctions financières sont prévues tant pour le donateur que pour le donataire, mais aussi pour tout intermédiaire qui servirait d’écran dans l’opération. Une sanction « publique » est également prévue puisque le tribunal compétent pourra décider de la publier dans des journaux hebdomadaires à grands tirages. Le dépassement du montant maximum par un parti politique peut entraîner la perte provisoire du financement public direct fixé par la loi du 4 juillet 1989. Les candidats, eux, sont passibles d’une sanction pénale. En cas d’infractions en matière de dépenses ou de propagande électorale, des sanctions financières et pénales sont prévues. Au plan financier, le parti politique concerné risque de perdre sa dotation pendant une période fixée par la commission de contrôle. Concernant les sanctions pénales, toute personne justifiant d’un intérêt est en droit d’introduire une plainte auprès du Procureur du Roi compétent. Chaque assemblée dispose d'une Commission de contrôle des dépenses électorales des partis politiques comprenant les élus des différents partis qui composent ladite assemblée. Cette commission statue sur le respect des dispositions de la loi par les différents partis politiques. En France, les manquements à la législation exposent leurs auteurs à une série de sanctions très dissuasives telles des sanctions pénales, des sanctions financières et, surtout, des peines

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d’inéligibilité pour les candidats qui ont pour effet d’évincer temporairement de la vie politique ceux qui prennent le risque de la fraude. Dans la Vallée d’Aoste, un système de sanctions pénales et administratives en cas de violation des obligations par les partis et les mouvements politiques est prévu. Notamment, l'acceptation de dons illicites est punie par une peine d'emprisonnement assortie d'une amende pouvant représenter jusqu'à trois fois la somme illégalement acceptée et d’une réduction des aides publiques. La non-déclaration d'une somme excédant le plafond autorisé et la présentation des comptes de manière non conforme sont aussi passibles de sanctions. Différentes lois s’appliquent selon qu’il s’agisse du Conseil régional de la Vallée d'Aoste ou des conseils communaux. Dans le cas de la Suisse, comme il n’existe aucune règle concernant le financement privé des partis politiques, il n’existe pas de dispositions légales relatives à la transparence et au contrôle de ce financement et donc, aucune sanction. Dans la Principauté de Monaco, un dépassement du plafond légal des dépenses électorales peut entraîner le refus du remboursement des dépenses électorales du candidat mis en cause, voire l’annulation de son élection.

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2. Bonnes pratiques en matière de financement des partis

politiques Cette synthèse des contributions des membres nous permet de constater que la plupart d’entre eux ont choisi d’intervenir en légiférant sur le financement des partis politiques. Nous tenterons donc ici de faire une réflexion afin de dégager de ces informations ainsi que de la littérature existante à ce sujet les principes qui devraient guider les règles de financement. Bien entendu, nous ne prétendons pas offrir un modèle parfait et exhaustif, mais plutôt présenter une analyse des avantages et des inconvénients de différentes options. Cette section se divise en trois parties qui sont, selon le rapport présenté à la 124e session de l’Union interparlementaire (UIP)4, les trois thèmes sur lesquels la législation reliée au financement porte, à savoir : une présentation des principes de base en ce qui concerne le financement des partis politiques, qui comprend une section sur les règles du financement privé et une autre sur le financement public; les règles reliées aux campagnes et à leur financement; la réglementation permettant le contrôle et la transparence. Principes de base Comme nous avons pu le découvrir à travers des diverses contributions présentées dans ce rapport, les règles associées au financement des partis politiques varient considérablement d’une section à l’autre. Selon le Réseau du savoir électoral : « cette réglementation peut viser au moins quatre objectifs : prévenir l’abus; favoriser une compétition politique équitable; habiliter les électeurs; et renforcer les partis en tant qu’acteurs efficaces de la démocratie»5. L’UIP ajoute à ces objectifs en affirmant que le financement devrait s’effectuer selon différentes sources, afin d’éviter que les partis ne soient dépendants d’une seule source6. Principes concernant le financement public Le financement public peut être direct, c’est-à-dire monétaire, ou indirect, sous la forme de ressources non-monétaires fournies par le gouvernement7. Nous avons recensé plusieurs arguments en faveur et en défaveur de ce type de financement ainsi que des principes qui devraient en guider l’octroi.

4 UIP, 2011, Op.cit., p. 3.

5 ACE, Réseau du savoir électoral. Financement public direct et indirect. [En ligne],

http://aceproject.org/ace-fr/topics/pc/pca/pca02/pca02a/ (Page consultée en mai 2014). 6 UIP, Comptes rendus analytiques sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales,

123e Assemblée, Genève, 2010, p. 4-5.

7 ACE, Op.cit.

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Parmi les arguments pour le financement public des partis politiques, on avance que ce type de financement peut favoriser l’existence de plus petits partis, dans le cas où le financement n’est pas seulement octroyé aux partis représentés, mais bien à tous les partis ayant récolté des votes. Cela permet donc d’offrir un plus large choix de représentants aux citoyens tout en facilitant la stabilité des partis et l’émergence de candidats indépendants. Par ailleurs, le financement public permet de réduire l’influence des dons intéressés et de combattre la corruption. De plus, lorsqu’il octroie des fonds publics aux partis politiques, l’État peut exiger que ceux-ci divulguent leurs revenus, faisant ainsi augmenter la transparence et diminuer le risque de corruption8. Cette capacité de l’État d’influencer les partis par le biais du financement public pourrait aussi servir à promouvoir la parité en politique9, aspect qui sera élaboré dans la prochaine section. Un autre argument en faveur de l’implication de l’État dans le financement des partis politiques s’applique dans le cas de régions où les citoyens disposent de moyens financiers plus réduits et donc, d’une faible capacité de faire des dons. Tel qu’expliqué par l’UIP, «un financement public minimum peut donc permettre l’existence d’un système multipartite sans que la population n’ait à céder ses maigres ressources»10. Parmi les arguments des détracteurs de ce type de financement, on retrouve l’idée que ce système perpétue les inégalités déjà existantes entre les partis politiques, puisque ceux qui récoltent le plus de sièges ou de voix peuvent également être ceux qui reçoivent le plus de fonds11. Certains iraient même jusqu’à dire qu’il est un facteur de statu quo pour cette raison12. De plus, cela implique l’obligation pour les contribuables de soutenir des partis ou des candidats dont ils ne partagent pas les idées. En effet, les opposants au financement public croient que les citoyens ne devraient pas avoir à soutenir indirectement des partis pour lesquels ils ne voteraient jamais, mais devraient plutôt pouvoir décider eux-mêmes d’encourager ou non des partis. Un autre argument défavorable au financement public est que les fonds publics sont limités et que, particulièrement dans des régions où ils sont plus réduits, la distribution de ces derniers aux partis n’est pas une priorité.

8 ACE, Op.cit.

9 UIP, 2011, Op.cit., point 21.

10 Ibid.

11 UIP, 2010, Op.cit., p. 2.

12 ACE, Op.cit.

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Par ailleurs, certains craignent que la concession de fonds publics déconnecte les partis des citoyens, ceux-ci étant moins dépendants de leurs sympathisants pour recevoir des dons, des cotisations ou du travail bénévole13. Finalement, ce mode de financement peut également avoir pour inconvénient d’encourager la création de faux partis à des fins pécuniaires14. D’ailleurs, afin de contrer ce problème, le Burkina Faso n’octroie de fonds publics qu’aux partis qui fonctionnement régulièrement. Malgré ces arguments défavorables, on s’entend généralement pour dire que l’État devrait contribuer au financement des partis politiques. Cette aide peut survenir à différences fréquences au cours d’une année ou d’une législature de même que lors des campagnes électorales. Elle devrait être attribuée selon une réglementation qui s’applique à tous les niveaux de l’organisation du parti et grâce à des critères objectifs, équitables et sensés. Les contributions attribuées devraient également se limiter à des montants raisonnables, de façon à ne pas limiter l’indépendance des partis15. Dans la construction d’un système de financement public, il apparaît également primordial de garder à l’esprit que les partis et les candidats sont à la fois ceux qui prennent la décision et qui reçoivent les fonds16. Principes concernant le financement privé La littérature avance qu’une part de financement privé est bénéfique, voire indispensable, dans le système de financement des partis. Parmi les sources de financement privées, on recense les cotisations des membres, les dons privés ou les bénéfices des sociétés commerciales appartenant aux partis17. Certains des avantages reliés au financement privé sont reliés au désavantage du financement public que nous avons présenté plus tôt. Ainsi, on peut dire que le financement privé laisse la liberté aux contribuables d’encourager les partis qui les représentent le mieux; favorise l’existence d’un lien entre les partis politiques et la population qui les soutient et offre une plus grande marge de manœuvre aux partis pour générer leurs propres revenus. Certains considèrent même que le financement privé est plus légitime que le financement public, car il encourage la participation des citoyens aux activités des partis et ne conduit pas à la création de partis trop bureaucratiques18. Néanmoins, la littérature est généralement d’accord sur le fait qu’il est préférable de limiter les contributions privées en instaurant des plafonds pour la valeur ou les sources des dons acceptés, tant aux partis qu’aux candidats, ou en interdisant complètement certains types de

13

Ibid. 14

UIP, 2011, Op.cit., point 21. 15

Van Biezen, Ingrid, Op.cit., pp. 35-53. 16

ACE, Op.cit. 17

Van Biezen, Ingrid, Op.cit., pp. 17-19. 18

Ibid., p. 20.

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dons. On s’entend également pour dire qu’il vaut mieux réglementer les contributions des donateurs étrangers, certains croient que la meilleure option étant simplement de les interdire19. Parmi les contributions reçues, on peut remarquer que plusieurs sections, dont la France, la Moldavie et la Roumanie, ont choisi d’interdire l’aide de donateurs étrangers. L’UIP explique que «la limitation des contributions privées à la vie politique vise à réduire les disparités en matière d’influence politique entre les grands donateurs, les petits donateurs et ceux qui ne donnent pas»20. Financement des campagnes électorales La réglementation du financement peut également prévoir des dispositions spéciales pour le financement des campagnes électorales des partis politiques et des candidats. Selon nos recherches, on priorise la mise en place d’un plafonnement des dépenses en période électorale afin de mettre tous les aspirants sur un pied d’égalité. Cette mesure permettrait également d’empêcher les dépenses excessives21. Encore une fois, on souligne que la contribution de donateurs étrangers ne devrait pas être autorisée lors de campagnes électorales sous le motif que les partis politiques ont pour but de représenter les intérêts de leurs concitoyens22. Fait intéressant, il est aussi recommandé de prendre en considération les organisations qui ne sont pas politiques a priori, mais qui pourraient représenter des intérêts reliés à ceux de certains partis. Ainsi, il vaudrait mieux imposer une restriction à la capacité d’intervention de ces organisations afin que les partis ne les utilisent pas pour promouvoir indirectement leurs intérêts et ainsi contourner la réglementation23. Finalement, la tendance est à la réglementation permettant aux partis de bénéficier d’un accès égal aux programmes de radio ou de télévision, publics ou privés, pendant les campagnes électorales24. Réglementation permettant le contrôle et la transparence Le cadre législatif entourant le financement des partis politiques ne saurait être efficace sans des règles assurant leur respect et plusieurs mesures peuvent être utilisées à cette fin. On recommande des dispositions exigeant la divulgation de rapports financiers, des frais de

19

UIP, 2011, Op.cit., point 23. 20

UIP, 2011, Op.cit., point 22. 21

Van Biezen, Ingrid, Op.cit., pp. 17-19. 22

UIP, 2011, Op.cit., points 22 et 23. 23

Ibid., point 28. 24

Ibid., point 30.

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campagne et de la liste des dons reçus. En ce qui concerne les dons, il n’y a pas consensus quant à la divulgation obligatoire de l’identité de tous les donateurs. Certains argumentent qu’une telle disposition risque de décourager les dons, car les donateurs préfèrent parfois conserver l’anonymat afin, notamment, de financer plusieurs partis sans que ces derniers ne le sachent. Il serait aussi souhaitable qu’une autorité indépendante de l’État effectue une vérification des comptes à intervalles réguliers. Par ailleurs, des sanctions proportionnées, efficaces et dissuasives devraient être instaurées25. Les sanctions peuvent être de nature pénale, tels des peines de prison, des amendes, un retrait temporaire du droit de vote et l’inéligibilité; de nature administrative ou électorale comme l’annulation d’un scrutin ou l’inéligibilité assortie de la perte du mandat; ou de nature financière tels le retrait temporaire du financement public, le non-remboursement des frais de campagne et la perte du droit à des déductions fiscales26.

25

Van Biezen, Ingrid, Op.cit., pp. 55-77. 26

UIP, 2011, Op.cit., point 35.

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3. Le financement des partis et la présence des femmes en

politique

La sous-représentation des femmes dans l’univers politique est une réalité dans les pays membres de la Francophonie comme partout ailleurs dans le monde. Selon les plus récentes statistiques de l’Union interparlementaire, la moyenne mondiale de femmes dans les parlements se situe à 21,9 % en 2014. C’est une progression lente, mais constante depuis 1975 alors que ce pourcentage était de 10,9 %. Nous sommes toutefois encore loin du seuil de 30 %, considéré par les Nations Unies et l’Union interparlementaire comme la condition minimale pour que les femmes exercent une influence réelle. Les mesures pour augmenter la représentation des femmes Plusieurs mesures peuvent être adoptées pour augmenter la représentation des femmes dans les parlements. Notamment, les partis politiques essaient souvent de manière volontaire d’augmenter le nombre de candidatures féminines, mais avec des succès trop souvent mitigés. Toutefois, certains pays adoptent des mesures plus contraignantes, qui peuvent comprendre des règles relatives au financement des partis politiques. Ces mesures sont généralement mises en œuvre par le biais de quotas. Dans cette section, nous expliquons brièvement le fonctionnement des quotas visant à augmenter la représentation des femmes et nous donnons des exemples de pays membres de la Francophonie où de telles mesures existent. Les modalités de mise en œuvre des quotas Les modalités de mise en œuvre diffèrent selon que les quotas sont volontairement appliqués par les partis politiques ou imposés par le droit. Les quotas volontaires sont ceux qu’un parti se donne sans mesure législative ou réglementaire. Les quotas volontaires n’étant pas prescrits par la loi, ils n’ont pas force exécutoire et ils n’entraînent aucune sanction. Les quotas imposés sont ceux qui font l’objet d’une obligation juridique, de nature constitutionnelle, législative ou réglementaire. Les quotas imposés peuvent viser les candidats ou les listes de candidats ou ils peuvent viser les élus. Les sanctions prévues peuvent aller de la réduction des aides financières publiques aux partis politiques au rejet des listes de candidats avant l’élection. Dans le premier cas, un nombre ou un pourcentage donné de l’ensemble des candidats ou des noms sur la liste de candidats doit être garanti aux femmes. Selon l’Union interparlementaire, une cinquantaine de pays ont vu les grands partis politiques instaurer des quotas volontaires appliqués lors de confection des listes électorales. Quant aux quotas législatifs, une quarantaine de pays en ont instauré dans leur Constitution, leur loi électorale ou leur loi sur les partis. Les quotas de candidates prévoient habituellement qu’au minimum 30 % ou 40 % des candidats aux élections doivent être des femmes. Ces règles peuvent aussi ne pas être formulées en faveur de l’un ou l’autre des deux sexes et exiger, par exemple, 40 % au minimum de candidats d’un sexe et 60 % au maximum de l’autre.

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Quelques exemples au sein de la Francophonie Voici quelques exemples de règles relatives au financement des partis politiques qui prévoient des mesures positives ou négatives, telles des sanctions financières ou, au contraire, la bonification du financement public accordé aux partis qui respectent les quotas. En France, la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives impose pour la première fois des contraintes de parité aux partis politiques. Aux élections législatives, les partis doivent présenter un nombre égal de femmes et d’hommes et s’exposent à une sanction financière imputée sur les financements publics en cas de non-respect de cette parité de candidature. On a remarqué, après l’entrée en vigueur de la loi, que les partis politiques préféraient souvent payer les pénalités financières plutôt que de présenter un nombre paritaire de femmes et d’hommes27. Les pénalités ont été haussées en 2007, mais les résultats de l’élection de 2012 n’ont pas amené de changements significatifs. Un nouveau projet de loi est en cours de discussion au Parlement afin d’augmenter considérablement les pénalités. Au cours de la préparation de ce projet de loi, il a été envisagé de refuser les candidatures des partis qui ne respecteraient pas les obligations de parité, mais cette proposition n’a pas été retenue. Notons que la loi a permis d’accroître la place des femmes au Parlement européen, dans les conseils régionaux, municipaux et au Sénat. Par exemple, le pourcentage de femmes est passé de 25,7 % en 1995 à 48,5 % en 2008 dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants. Toutefois, la proportion de femmes élues maires reste faible (13,8 %). L’Assemblée nationale française comprend 26 % de femmes, soit 151 députées sur un total de 577 parlementaires. Le Sénat comprend 78 femmes parmi les 347 sénateurs (22,5 %). Le Burkina Faso a mis en place un système sous la forme d’un bonus/malus. Le non-respect du quota de 30 % de candidates entraine la perte, par le parti contrevenant, de la moitié du financement public des campagnes électorales. Si un parti atteint ou dépasse le quota de 30 %, il recevra un financement supplémentaire. On constate toutefois que la représentation actuelle des femmes est de 18,9 %, soit 24 femmes sur 127 parlementaires. En Vallée d’Aoste, la loi de réforme du financement des partis politiques prévoit des pénalités entraînant la réduction des aides publiques de 5 % pour les partis dont la liste électorale ne comprend pas au moins un tiers de femmes.

27

Rapport de la Section française au Réseau des femmes de l’APF, Promouvoir l’accès des femmes en politique : la question des quotas, 2014, p.20.

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Des mesures efficaces? Les recherches ont démontré que les sanctions financières visant à faire respecter les quotas sur la présence des femmes au sein des partis politiques ne sont pas très utilisées dans l’espace francophone. Que pouvons-nous conclure face à cette observation? Nous croyons qu’il est difficile de tirer des conclusions solides sans une recherche plus poussée sur le sujet. Néanmoins, nous pouvons supposer que d’autres mesures, parfois moins coûteuses et souvent plus dissuasives, peuvent être plus efficaces que les sanctions financières. Parmi ces mesures se retrouve le rejet des listes avant l’élection par l’institution chargée d’examiner la régularité des candidatures pour les partis ne respectant pas leurs obligations. Cette mesure est appliquée en Arménie (art. 110 du code électoral) et en Belgique, où les listes qui n'ont pas satisfait aux dispositions sur la parité sont écartées (code électoral, 119 quinquies). Malgré ces incertitudes concernant l’efficacité des sanctions financières associées au non-respect des quotas pour les femmes, selon le Programme des Nations Unies pour le développement et l’Institut National Démocratique pour les affaires internationales, les quotas sont « le moyen le plus efficace pour inciter les femmes à adhérer à un parti et plus largement à faire de la politique ». L’Union interparlementaire partage ce constat : « Les femmes continuent à enregistrer de meilleurs résultats dans les pays appliquant des quotas, *…+. En 2012, 22 des pays qui ont tenu des élections ont appliqué de tels quotas. Là où les quotas sont prévus par la loi, les femmes ont remporté 24 % des sièges. Là où ils sont appliqués sur une base volontaire, elles en ont obtenu 22 %. Dans les pays n’appliquant pas de quotas, elles n’ont remporté que 12 % des sièges. » Ces résultats très serrés entre les quotas prévus par la loi et les quotas volontaires nous laissent croire que les sanctions financières rattachées au non-respect de cette mesure n’auraient pas un fort impact.

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Conclusion

Ce tour d’horizon des pratiques reliées au financement des partis politiques de certaines de nos sections membres s’est révélé des plus enrichissants. C’est avec modestie que nous espérons que la réflexion menée au cours de l’étude de ce thème saura vous être utile dans l’accomplissement de votre rôle de législateur à ce sujet. Que pouvons-nous donc conclure par rapport à l’efficacité des mécanismes de contrôle législatif du financement étudiés? À la suite de cette réflexion, il nous semble que la réglementation mise en place doit tenir compte du contexte et que, conséquemment, un modèle unique ne peut être privilégié. Ainsi, tel qu’avancé par Ingrid Van Bizen : «la solution idéale réside sans doute dans un savant dosage des différentes sources de revenus [et], quel que soit le système de financement des partis, il ne sera efficace que s’il est assorti de mécanismes de contrôle bien définis et de sanctions dissuasives en cas de manquement 28». Parmi les éléments qui semblent faire consensus, tant pour leur efficacité que leur équité, on retrouve l’idée qu’un équilibre doit exister entre les financements public et privé, que les dons privés doivent être régis selon des règles strictes, que les dépenses de campagnes électorales doivent être plafonnées, qu’une certaine transparence sur les comptes des partis et des candidats doit être exigée et qu’une entité indépendante doit être chargée de vérifier ces comptes et d’appliquer les sanctions mises en place29. De telles mesures peuvent permettre d’instaurer une culture de transparence et de responsabilité dans la vie politique et de s’assurer que l’argent ne serve pas à acheter l’accès au pouvoir de décision30. Ce rapport définitif marque la fin de l’étude du thème du financement des partis politiques dans l’espace francophone. En complément, nous vous proposons d’adopter une résolution que nous vous présenterons et nous vous invitons par la suite à tenir une période d’échanges. Nous espérons que l’étude de ce sujet aura suscité votre intérêt. Par ailleurs, nous vous recommandons une lecture plus approfondie des documents de la littérature ayant servi à la rédaction du rapport.

28

Van Biezen, Ingrid, Op.cit., p. 13. 29

Ibid., p. 9. 30

UIP, 2011, Op.cit., p. 3.