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D epuis «la querelle des Anciens et des Modernes», le prestige de la «nou- veauté» bat celui de la «tradition»: cela a conduit à bien des heurts entre les deux camps. On pourrait même remonter plus loin dans le temps... au risque d’oublier que la «Renaissance» était un retour aux sources, à l’inverse du «Nouveau Testament». Et en cherchant sous «innovation» - des millions de textes en ligne - on voit qu’une moitié de l’humanité vit des recettes créatives qu’elle vend à l’autre moitié (p. ex. formation-pro- fessionnelle.lemonde.fr/recherche/forma- tion-creativite-innovation; voir aussi tradi. info). Le Salon des inventions de Genève a déjà un demi-siècle, le Concours Lépine, plus d’un siècle, et le «chief innovation officer» des grandes boîtes tire son nom d’un livre qui, il y a vingt ans, traitait déjà de «recherche de quatrième génération». Dieu est-il «codé», «chiffré» ou «doigté»? Mais de nos jours, les «Anciens» sont plus modernes que les «Modernes»: ils ont mo- dernisé Dieu en ajoutant l’adjectif futuriste à la fin des vieilles rengaines du «monde (qui) va à sa perte si on se détourne du Sei- gneur»... digital. Le Parti libéral-radical ré- clame même qu’on enseigne le «codage» à l’école, pour promouvoir les sciences tech- niques face à l’excès de sciences sociales (voir le débat du 18 octobre à Uni-Mail; foraus.ch). Même son de cloche à une Se- maine de robotique (codezlascience.web. cern.ch/csd/home-42336854.html, infor- masciences.ch). Mais c’est au bon Salon de la «communication» (communica.ch) que l’hagiographie des prophètes «digitaux» a atteint son paroxysme (voir digitalswitzer- land.ch, emakina.ch, see-a-bigger-picture. com, endofbusiness.com, futuristgerd.com). Des prophètes qui ont doté leur pape d’un temple à Cologny (weforum.org), et ont près de Saint-Pierre un «ministre 2.0» (sic), tan- dis que le Jugement Dernier se prépare en Ville Olympique (imd.org/wcc/world-com- petitiveness-center-rankings/world-digi- tal-competitiveness-rankings-2017/). La rhétorique est-elle une science? On le voit, le débat n’est pas «pour ou contre la révolution digitale», mais «la prophétie invente-t-elle l’avenir?»... même en «data» codées. «L ’innovation est-elle toujours un progrès?», demandait avec candeur mais raison l’animatrice du débat de Foraus. Tout dépend si on demande à Edgar Bronfman ou à Jean-Marie Meissier... et les vieux du com- merce disent que «le premier savoir d’un patron est le savoir... dire non!». «On parle bien trop de numérique, disait à Uni-Mail le porte-parole de cette industrie (swico.ch); or quand on parle trop d’une chose, plus rien ne peut s’y passer». Pis, «la classe politique n’a que le numérique à la bouche, mais le fagote d’emblée de ses règles stériles et l’en- fouit sous ses scories mentales», avant que la «Suva» donne aux idées neuves le coup de grâce (cité de mémoire). On voit que le «ministre 2.0», qui veut toujours être à la fois moderne et social, a devant lui un très «grand écart» à faire. Une chatte y perdrait son mandarin Surprise, la querelle des Anciens et des Mo- dernes porte aussi sur... les paris en ligne, exemple cocasse choisi par Swico, et en- jeu conceptuel en droit commercial global (wto.org/english/tratop_e/dispu_e/cases_e/ ds285_e.htm et democracyinstitute.org)! L ’innovation est souvent le fruit du besoin, et pousse par nature là où on ne l’attend pas. Deux rencontres sur la Chine (unige. ch/formcont/culturechinoise et webster.ch/ news/2017/files/chineseeconomy.pdf) ont scruté l’avenir ressassé de cette source d’ave- nir... de ce moteur du futur... de ce pays de demain. Mais une chose échappe à l’analyse des experts, et même des Chinois: quel est le durable «Mandat du Ciel» d’un régime né sous l’étoile rouge de la Justice, puis éclairé par le soleil social de l’Egalité, enfin aveuglé par la dangereuse comète de la Liberté, mais jouant désormais la Concurrence sauvage des étoiles filantes? Alors, au moment d’al- ler au colloque chinois de Webster, ma voi- sine de bus me signale une rencontre sur la Roumanie à la Chambre de commerce (ccig. ch). On change donc de cap, et là, miracle, TOUT L’IMMOBILIER • N O 875 • 23 OCTOBRE 2017 Le Futur bute sur la lettre G «L ’innovation»... «l’inventivité»... la «créativité» - sources de «gagne-pain» pour demain - sont de plus en plus bavardes, au fil des «révolutions» industrielles. L ’invention a tout de même deux «non- dits» de taille: Graham Bell et Gaston Lagaffe. Dieu est-il «digital», ou le «digital» est-il divin?

Le Futur bute sur la lettre G - toutemploi.ch · la «communication» (communica.ch) que l’hagiographie des prophètes «digitaux» a atteint son paroxysme (voir digitalswitzer-

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Depuis «la querelle des Anciens et des Modernes», le prestige de la «nou-veauté» bat celui de la «tradition»:

cela a conduit à bien des heurts entre les deux camps. On pourrait même remonter plus loin dans le temps... au risque d’oublier que la «Renaissance» était un retour aux sources, à l’inverse du «Nouveau Testament». Et en cherchant sous «innovation» - des millions de textes en ligne - on voit qu’une moitié de l’humanité vit des recettes créatives qu’elle vend à l’autre moitié (p. ex. formation-pro-fessionnelle.lemonde.fr/recherche/forma-tion-creativite-innovation; voir aussi tradi.info). Le Salon des inventions de Genève a déjà un demi-siècle, le Concours Lépine, plus d’un siècle, et le «chief innovation officer» des grandes boîtes tire son nom d’un livre qui, il y a vingt ans, traitait déjà de «recherche de quatrième génération».

Dieu est-il «codé», «chiffré» ou «doigté»?

Mais de nos jours, les «Anciens» sont plus modernes que les «Modernes»: ils ont mo-dernisé Dieu en ajoutant l’adjectif futuriste à la fin des vieilles rengaines du «monde (qui) va à sa perte si on se détourne du Sei-gneur»... digital. Le Parti libéral-radical ré-clame même qu’on enseigne le «codage» à l’école, pour promouvoir les sciences tech-niques face à l’excès de sciences sociales (voir le débat du 18 octobre à Uni-Mail; foraus.ch). Même son de cloche à une Se-maine de robotique (codezlascience.web.cern.ch/csd/home-42336854.html, infor-masciences.ch). Mais c’est au bon Salon de la «communication» (communica.ch) que l’hagiographie des prophètes «digitaux» a atteint son paroxysme (voir digitalswitzer-land.ch, emakina.ch, see-a-bigger-picture.com, endofbusiness.com, futuristgerd.com).

Des prophètes qui ont doté leur pape d’un temple à Cologny (weforum.org), et ont près de Saint-Pierre un «ministre 2.0» (sic), tan-dis que le Jugement Dernier se prépare en Ville Olympique (imd.org/wcc/world-com-petitiveness-center-rankings/world-digi-tal-competitiveness-rankings-2017/).

La rhétorique est-elle une science?

On le voit, le débat n’est pas «pour ou contre la révolution digitale», mais «la prophétie invente-t-elle l’avenir?»... même en «data» codées. «L’innovation est-elle toujours un progrès?», demandait avec candeur mais raison l’animatrice du débat de Foraus. Tout dépend si on demande à Edgar Bronfman ou à Jean-Marie Meissier... et les vieux du com-merce disent que «le premier savoir d’un patron est le savoir... dire non!». «On parle bien trop de numérique, disait à Uni-Mail le porte-parole de cette industrie (swico.ch); or quand on parle trop d’une chose, plus rien ne peut s’y passer». Pis, «la classe politique n’a que le numérique à la bouche, mais le fagote d’emblée de ses règles stériles et l’en-fouit sous ses scories mentales», avant que la «Suva» donne aux idées neuves le coup de grâce (cité de mémoire). On voit que le «ministre 2.0», qui veut toujours être à la

fois moderne et social, a devant lui un très «grand écart» à faire.

Une chatte y perdrait son mandarin

Surprise, la querelle des Anciens et des Mo-dernes porte aussi sur... les paris en ligne, exemple cocasse choisi par Swico, et en-jeu conceptuel en droit commercial global (wto.org/english/tratop_e/dispu_e/cases_e/ds285_e.htm et democracyinstitute.org)! L’innovation est souvent le fruit du besoin, et pousse par nature là où on ne l’attend pas. Deux rencontres sur la Chine (unige.ch/formcont/culturechinoise et webster.ch/news/2017/files/chineseeconomy.pdf) ont scruté l’avenir ressassé de cette source d’ave-nir... de ce moteur du futur... de ce pays de demain. Mais une chose échappe à l’analyse des experts, et même des Chinois: quel est le durable «Mandat du Ciel» d’un régime né sous l’étoile rouge de la Justice, puis éclairé par le soleil social de l’Egalité, enfin aveuglé par la dangereuse comète de la Liberté, mais jouant désormais la Concurrence sauvage des étoiles filantes? Alors, au moment d’al-ler au colloque chinois de Webster, ma voi-sine de bus me signale une rencontre sur la Roumanie à la Chambre de commerce (ccig.ch). On change donc de cap, et là, miracle,

T O U T L ’ I M M O B I L I E R • N O 8 7 5 • 2 3 O C T O B R E 2 0 1 7

Le Futur bute sur la lettre G«L’innovation»... «l’inventivité»... la «créativité» - sources de «gagne-pain» pour demain - sont de plus en plus bavardes, au fil des «révolutions» industrielles. L’invention a tout de même deux «non-dits» de taille: Graham Bell et Gaston Lagaffe.

Dieu est-il «digital», ou le «digital» est-il divin?

T O U T L ’ I M M O B I L I E R • N O 8 7 5 • 2 3 O C T O B R E 2 0 1 7

l’esprit d’ «innovation» était droit devant la salle: le patron d’une boîte à «scanner les avions» (tudor-tech.ch) – deux fois lauréat au Salon des inventions – a peu parlé sous l’écran... mais a sans doute trouvé le secret de la nouveauté... sinon de l’innovation.

Peut-on chasser le phénix en meute?

«Quand un sentier est battu par tous les «chercheurs»... que tous les «experts» ont

la même carte et les mêmes sacs... pas fa-cile de semer la meute des «innovateurs» et de trouver l’Eldorado... même à l’abri de la «propriété intellectuelle»: alors vous, com-ment faites-vous pour avoir un grand pas d’avance?». A cette question d’enfant, l’ingé-nieur roumain établi en Suisse donne la seule réponse qui laisse sans voix: «Je cherche des solutions que tout le monde croit folles... ce qui me permet de doubler... les experts en certitudes», dit-il en gros. Bref, l’ambiance de son bureau évoque Gaston Lagaffe, l’élé-

gance (style ephj.ch) en plus... alors que «tout le monde» adule plutôt la gloire et la mode: la fraude de Graham Bell a tenu un siècle et demi (voir p. ex. fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_Gray_et_Bell_sur_l’in-vention_du_téléphone)! n

Boris Engelson

A venir: Le 30 octobre, une Journée sur la technologie aura lieu à l’Organisation mondiale du commerce; et le 11 no-vembre, un séminaire payant sur l’économie numérique à la Fédération des entreprises romandes. Passé mais remarqué: la-digital-room.ch fut le clou de fetedutheatre.ch.

L’Office des poursuites a vainement tenté de notifier à l’employeur un commandement de payer, finale-

ment venu en retour avec la mention «in-notifiable». Axel et ses collègues ont alors déposé devant le tribunal une demande de mise en faillite sans poursuite préalable de la société, qu’ils ont ensuite retirée, refusant de payer une avance de frais qu’ils craignaient ne pas pouvoir récupérer… Axel a ensuite requis le versement d’une indemnité en cas d’insolvabilité. La Caisse de chômage a refu-sé de verser l’allocation. Contrairement à l’indemnité de chômage, qui couvre des déficits de salaire consécu-tifs à la perte d’un emploi, l’indemnité en cas d’in¬solvabilité couvre les créances de salaire d’un employé envers son employeur pour un travail qu’il a réellement fourni.La loi sur le chômage prévoit que «les tra-vailleurs assujettis au paiement des cotisa-tions, qui sont au service d’un employeur insolvable sujet à une procédure d’exécution

forcée en Suisse ou employant des travail-leurs en Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité lorsque:a. La procédure de faillite est engagée contre l’employeur et qu’ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui, ou que:b. La procédure de faillite n’est pas enga-gée, pour la seule raison qu’aucun créancier n’est prêt, à cause de l’endettement notoire de l’employeur, à faire l’avance des frais, ou que:c. Ils ont présenté une demande de saisie pour créance de salaire envers l’employeur».

Obligation de payer l’avance de frais?

Le paragraphe «b» est relativement nou-veau. Avant son introduction, l’ouverture de la faillite était une condition dont dé-pendait le droit à l’indemnité. Il n’était pas possible de couvrir des pertes de salaire lorsque ni l’assuré ni un autre créancier

n’étaient disposés à verser l’avance de frais de procédure. Or le risque que ces frais ne puissent pas être recouvrés est grand. Pour que la dispostion de la lettre «b» puisse être applicable, et que l’on puisse renoncer à verser cette avance de frais, le travailleur doit démontrer qu’il existe un lien de causalité entre l’endettement no-toire de l’employeur et la renonciation à verser l’avance. Dans le cas présent, l’endettement peut être considéré comme notoire, puisqu’il existe un extrait de l’Office des poursuites dont il ressort que l’employeur faisait l’objet de 13 poursuites pour un total de CHF 72 731,45. Le juge a dès lors retenu qu’il existait un lien de causalité entre l’endettement notoire de l’employeur et le refus de payer une avance de frais. Axel a ainsi droit au versement d’une indemnité en cas d’insolvabilité. n

Nicole de Cerjat, juriste, responsable du service juridique

Employeur insolvable et salaires non versésAxel a mis en demeure son employeur de lui verser ses salaires mensuels qu’il n’avait pas touchés. A la suite de cette démarche, il a obtenu deux acomptes. N’ayant toujours pas reçu l’intégralité de ses salaires trois mois plus tard, malgré une nouvelle sommation, Axel a résilié avec effet immédiat ses rapports de travail.

C A S P R AT I Q U ESOCIÉTÉ SUISSE DES EMPLOYÉS DE COMMERCE – SECRÉTARIAT ROMAND – YVERDON-LES-BAINS – [email protected] – FACEBOOK.COM/SECSUISSE – TÉL.: 032 721 21 37

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