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International African Institute Le Gouvernement du Congo Belge et les Institutions Indigènes Author(s): A. Dumont Source: Africa: Journal of the International African Institute, Vol. 14, No. 2 (Apr., 1943), pp. 78-90 Published by: Cambridge University Press on behalf of the International African Institute Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1156386 . Accessed: 11/06/2014 00:03 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Cambridge University Press and International African Institute are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Africa: Journal of the International African Institute. http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.96.19 on Wed, 11 Jun 2014 00:03:08 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Le Gouvernement du Congo Belge et les Institutions Indigènes

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International African Institute

Le Gouvernement du Congo Belge et les Institutions IndigènesAuthor(s): A. DumontSource: Africa: Journal of the International African Institute, Vol. 14, No. 2 (Apr., 1943), pp.78-90Published by: Cambridge University Press on behalf of the International African InstituteStable URL: http://www.jstor.org/stable/1156386 .

Accessed: 11/06/2014 00:03

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INTERNATIONAL DISCUSSION MEETINGS THE second in the series of International Discussion Meetings, organized jointly by the

School of Oriental and African Studies and the International Institute, was held on December 9th, 1942. Monsieur Dumont read a paper on the administration and indigenous institutions of the Belgian Congo. Sir Hanns Vischer, who was in the Chair, said that the main object of the meetings was to give an opportunity to experts of the various nationalities at present in London to discuss the problems of Africa, which will have to be faced after the war, and which can only be satisfactorily tackled on an international basis. Although there had recently been a great development in African linguistic studies in this country, students of African languages had in the past often to obtain their knowledge from Germany, Italy, France, and Belgium. Similarly international knowledge and understanding of other problems was indispensable to Africa.

In introducing the speaker the Chairman said that he had in the past-both at the Colonial Office and as Secretary-General of the Institute-had the privilege of working with Messieurs De Jonghe, Van der Kerken, De Cleene, and other Belgians. Monsieur Dumont, the present speaker, had spent six years in the Belgian Congo, and was subsequently a member of the Belgian Colonial Office.

Monsieur Dumont said he was very touched by the honour conferred on him and his country by the invitation to speak. Others who might have been more qualified to deal with his subject were either in Belgium or at their posts in the Congo.

LE GOUVERNEMENT DU CONGO BELGE ET LES

INSTITUTIONS INDIGENES

A. DUMONT

D ANS les premiers contacts qui s'etablissent entre le colonisateur et le colonise, la question la plus importante est de definir les principes selon lesquels seront

regies leurs futures relations. L'tItat qui vient prendre place, sans y etre invite, aux cotes des populations indigenes, entend-il les dominer, faire pression sur elles, afin de les amener, par une marche lente mais irresistible, a une assimilation complete? Ou, au contraire, les laissera-t-il s'administrer elles-memes, selon leurs ancestrales traditions, se bornant a diriger de loin leurs efforts vers une condition meilleure? Tout le probleme est la. De sa solution dependra le succes ou l'echec.

Le fait est que la plupart des peuples coloniaux quand ils ont commence a s'epandre dans des continents nouveaux ont obei a une impulsion naturelle nee de leur propre histoire, de leur formation sociale et politique. La ou il fallait observer avec des yeux neufs, le monde si different d'eux-memes qui s'imposait a leur attention, c'est a travers les verres deformants de leurs propres habitudes et de leurs institutions qu'ils l'ont vu.

Je sais bien qu'ils ont une excuse. Ou auraient-ils cherche les principes scientifiques qui determinent la maniere de se comporter a l'egard des colonises ? L'ethnologie, dont on peut dire, comme on le dit de la geographie, qu'elle est la plus emprunteuse des sciences, il y a cinquante ans seulement, etait encore pleine d'hesitations et de mysteres. Quel progres n'a-t-elle pas fait en ces dernieres annees!

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INTERNATIONAL DISCUSSION MEETINGS 79 Les relations des voyageurs ? Je me garderai bien d'en dire du mal. II faudrait

que j'oubliasse cette espece de fievre qui me prenait dans ma jeunesse - comme elle vous a pris aussi, j'en suis sur - en lisant les recits des Livingstone, des Stanley, de tous les audacieux pionniers de la decouverte. Qu'ils aient enrichi nos connaissances

geographiques, geologiques, zoologiques, botaniques, c'est ce qu'on ne peut mecon- naltre. Mais pour l'ethnologie, c'est autre chose. Cette science alors toute nouvelle et toute conjecturale etait bien timide dans ses affirmations - ou ses presomptions. Elle est tout entiere faite de patientes et de minutieuses observations. C'est un leurre

que de demander aux explorateurs, toujours presses, des notions exactes et precises sur les moeurs et coutumes des populations qu'ils ont observees en courant!

De ceci, il y a un exemple bien convaincant. Jetez les yeux sur une carte de

l'Afrique dressee voici un demi-siecle. Situee approximativement entre le cours

moyen du Congo et le Soudan, une peuplade est signalee que l'on nomme, parait-il, les Niam-Niam. Tout d'abord l'appellation etonne. Elle evoque le bruit d'une machoire qui broie des aliments. Et, de fait, niam-niam c'est, chez nous du moins, l'onomatopee par laquelle les enfants indiquent l'acte de manger. Mais passe! le hasard aurait voulu qu'une population portat le nom de cette onomatopee. Inscrivons donc sur nos tablettes ce premier acquit de la science. Du mot lui-meme, a la notion de cannibalisme, il n'y a qu'un pas a franchir et le voila franchi. Nous imprimons gravement que le contact avec de tels sauvages est a eviter, si nous tenons a garder la vie. C'est ce que faisait encore, il y a une trentaine d'annees, une tres serieuse et bien informee (generalement) encyclopedie frangaise qui a ete, pour tant de person- nes, le repertoire de toutes les sciences. J'y lis sous la rubrique Niam-Niam (details vraiment circonstancies et d'une veracite que l'on ne peut songer a contester) que les Niam-Niam, habitant au lieu que j'ai dit, sont de dangereux anthropophages.

Des annees se passent. Les Belges qui ont eu le courage de surmonter leurs terreurs et ont rendu visite a ces malheureux indigenes, qu'ont-ils trouve ? Une

magnifique et intelligente peuplade qui ne s'est jamais appelee 'Niam-Niam', qui n'a jamais ete ainsi appelee par ses voisins et qui eprouve pour la viande humaine une horreur egale a la notre.

Que s'est-il passe ? Je donne mon explication pour ce qu'elle vaut mais je la crois fondee. Les porteurs indigenes des premiers voyageurs qui aient dirige leurs pas vers le pays en question, sentant la charge lourde a leurs epaules et desireux d'ecarter la corvee qui les mene, a la suite d'un Europeen vraiment trop curieux, sur des routes sans fin, ont trouve le moyen d'avancer le terme de leur odyssee: decrire, sous les couleurs les moins flatteuses et a grand renfort d'images eloquentes, les pays qu'il fallait traverser afin d'en detourner irresistiblement leurs maitres. Ne nous fions donc

pas trop, pour tout ce qui concerne l'ethnologie, aux recits d'explorateurs. II reste donc l'observation directe et cela suppose deja que tout au moins, par leurs

etudes anterieures, ceux qui ont la charge de l'administration des pays nouvellement annexes, sont en mesure de faire cette observation. Est-ce le cas ? Helas! non. La carriere de pionnier colonial attire un grand nombre d'hommes parmi lesquels, il faut l'avouer, les specialistes qualifies sont rares. Que, dans les debuts de la colonisa- tion, l'etude des problemes sociaux et politiques que souleve l'occupation de contrees nouvelles, ait ete negligee, ce n'est pas pour nous etonner.

Mais il y a plus. Nous avons ete souvent induits en erreur par les indigenes eux-

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memes. Que l'on se represente, si on le veut bien, la premiere entrevue entre l'agent de 1'Itat et les sujets noirs d'un chef. Quel que puisse etre son aspect debonnaire, 1'Europeen represente une autorite puissante et mysterieuse, une espece de divinite, de laquelle on peut tout attendre, le bon comme le mauvais. ' Cet Europeen demande

quel est notre chef? La prudence la plus elementaire nous commande de ne point repondre trop vite et sans savoir.' 'Wait and see ' est un axiome qui a cours sous tous les climats. 'Presentons-lui comme tel, un de nos esclaves le plus infime. S'il nous veut le mal, l'esclave paiera pour tous. S'il nous veut du bien, il sera toujours temps de le detromper.'

Mais il arriva qu'ayant goute du pouvoir, l'esclave s'y incrustat, fort de l'appui que lui fournit l'autorite europeenne. D'ailleurs combien il etait plus simple pour celle-ci de fermer les yeux sur une erreur, qui n'avait pas que des inconvenients!

De tout quoi il advint que les chefferies deja terriblement ebranlees par le fait seul de l'occupation, commencerent a se desagreger lentement, a se reduire litteralement en poussiere. Les erreurs de l'administration politique et ses fausses manceuvres tendaient a la desarticulation - voire a la disparition totale - des cadres dans lesquels avait ete contenue jusqu'alors la societe indigene. Certains en prenaient aisement leur parti. Est-ce que l'aneantissement de ce qui avait etC n'etait pas la condition de ce qui devait etre ? Et, pour rebatir la maison neuve, n'etait-il pas necessaire de mettre a bas ce qui pouvait demeurer de l'ancienne ?

Mais d'autres ne raisonnaient point de la sorte. Ce n'etait pas par sentiment qu'ils regrettaient le passe. Ils etaient bien convaincus que si l'on desirait amener les natifs a une vie plus heureuse, il ne servait a rien de commencer tout d'abord par ebranler le toit sous lequel, depuis des generations, ils s'etaient abrites. Dois-je dire que le Gouvernement, conscient de ses responsabilites, les a suivis ?

I1 serait oiseux de marquer les etapes par lesquelles a passe l'aeuvre difficile de reconstitution qui s'est imposee a l'administration. Mieux vaut, me parait-il, etudier les actes qui montrent l'aboutissement de ses rapports. Ces actes sont au nombre de trois. C'est, dans l'ordre chronologique, le decret du 5 avril I926, sur les juridic- tions indigenes, le decret du 5 decembre 1933, sur les circonscriptions indigenes, l'arrete royal du 6 juillet 1934, coordonnant les decrets des 23 novembre 193 , 6 juin et 22 juin I934, sur les centres extra-coutumiers.

Mais il ne sera pas inutile d'indiquer auparavant de quelle maniere la loi est faite au Congo. La loi sur le gouvernement de la Colonie, communement appelee la Charte coloniale parce qu'elle contient les dispositions organiques du gouverne- ment et joue tres exactement le role d'une constitution, a attribue l'exercice du

pouvoir legislatif a la loi metropolitaine elle-meme, au Roi et au Gouverneur General. Bien que le pouvoir legislatif de la Belgique, c'est-a-dire les deux Chambres et le Roi, ait le droit de faire la loi pour la Colonie, son intervention est rare, en dehors naturelle- ment de quelques matieres oiu, d'apres la Charte elle-meme, cette intervention est necessaire.

C'est au Roi qu'appartient en pratique le pouvoir legislatif et ce pouvoir est exerce

par voie de ' decrets '. Le mot' decret' a ete emprunte a la legislation francaise et l'on salt qu'en France le decret designe l'acte du President de la Republique, pouvoir executif de l'Etat, alors qu'en Belgique cet acte s'appelle arrete royal.

Les decrets qui constituent les lois coloniales sont signes par le Roi, mais la Charte

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INTERNATIONAL DISCUSSION MEETINGS 8I

oblige le Souverain a prendre, pour chaque decret, l'avis d'un conseil colonial. Le modele qui a servi pour la creation de ce conseil, c'est votre ' Council of India ' dont le role dans l'administration de l'Empire des Indes a ete des plus importants. C'est une assemblee de quinze personnes, presidee par le Ministre des Colonies et recrutee au moyen de membres designes par la Chambre des Representants, de membres choisis par le Senat, et de membres nommes par le Roi lui-meme. Les Chambres et le Roi ont toute liberte pour exercer leur choix. En fait, les conseils de la sagesse ont prevalu et l'immense majorite des membres du Conseil Colonial sont d'anciens coloniaux.

L'avis donne par le Conseil ne lie pas le Roi qui pourrait passer outre a une con- sultation defavorable. Mais telles ont ete l'autorite et la prudence du Conseil, que depuis plus de 30 ans qu'il existe, jamais le Gouvernement n'a promulgue un decret sur lequel le Conseil avait marque son hostilite. Les rares decrets pour lesquels cette hostilite s'est revelee ont ete retires.

Enfin, le pouvoir legislatif est attribue aussi au Gouverneur General, mais avec

quelle parcimonie! Au chef de l'administration coloniale en Afrique appartient le droit de suspendre l'execution des decrets et de rendre des ordonnances qui ont force de decret, mais en cas d'urgence seulement, et les ordonnances du Gouverneur General qui sont signees en ces circonstances deviennent caduques si, dans les six mois de leur date, elles n'ont pas ete approuvees par decret.

Ceci soit dit en passant, cette repugnance de la loi a laisser agir legislativement le chef de la Colonie est contraire aux enseignements de la science coloniale. C'est une

conception toute differente de celle en vigueur en Grande-Bretagne qui a ete, est et restera, en matiere coloniale, un modele dont les autres pays auront profit a s'inspirer. C'est donc le Roi, assiste du Conseil Colonial, qui a mis sur pied les diverses legisla- tions dont je viens de parler.

Ce n'est assurement pas par hasard que le premier decret de l'ordre chronologique est celui qui traite des juridictions indigenes. Ii peut paraitre tardif, mais il ne faut pas oublier que son elaboration fut precedee d'une longue application pratique qui n'etait point illegale puisque le decret du 27 avril I889 - notons la date! - recon- naissait la juridiction effective du chef local et l'application des coutumes indigenes chaque fois qu'une infraction avait ete commise par un natif au prejudice d'un autre natif. La place du decret, en tete des actes qui ont regle l'organisation indigene proprement dite, s'explique de soi-meme. Il n'y a pas d'autorite reelle, aux yeux de nos sujets noirs du Congo, sans pouvoir de juridiction. Autrement dit, un chef qui ne jouit pas du droit de regler souverainement les differends n'est pas un chef. Ainsi donc, definir et consacrer les pouvoirs juridictionnels du chef, c'est, au supreme degre, contribuer a l'etablissement de son pouvoir politique. Mieux seront reconnus son droit et son devoir de rendre la justice et plus assure sera le commandement qu'il exerce sur ses gens, plus aisee aussi deviendra la constitution des circonscriptions indigenes sans lesquelles aucune organisation n'est possible.

L'etude d'une juridiction, quelle qu'elle soit, embrasse trois objets: le precepte, l'organisation et la competence, la procedure. I1 n'entre pas dans mes intentions d'examiner ces trois objets dans le detail. Je me bornerai a en indiquer les points principaux.

La loiappliquie parlestribunaux: c'est, en principe, la coutume. Ce n'est que la coutume

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INTERNATIONAL DISCUSSION MEETINGS

que connaissent les juges. La coutume integralement? Non, il peut y avoir des coutumes inhumaines ou incompatibles avec l'ideal de civilisation dont nous nous inspirons (coutumes contraire a l'ordre public universel). Ces coutumes deviennent lettre morte. Ii ne pourrait en etre autrement.

D'autre part, il est des coutumes qui sans etre contraires a l'ordre public sont contraires a une legislation ecrite elaboree dans le but de proteger les indigenes. Un exemple: Sachant que l'indigene 'realise' avec quelque difficulte le temps qui s'ecoule, la loi ne permet pas a un employeur d'engager un travailleur indigene pour plus de trois ans. Si une coutume permettait a un indigene de preter ses services pour plus de trois annees, elle ne pourrait etre appliquee par un tribunal. C'est la loi

protectrice qui trouverait son application et les contrats seraient reduits a trois ans. Le legislateur a cependant prevu l'application de lois ecrites qu'il determine et il est clair que, dans ce cas, le tribunal fera application des peines prevues par cette loi ecrite.

Chose curieuse! la legislation sur les juridictions indigenes a permis de resoudre les problemes que l'on considerait comme insolubles. C'est ainsi que notre code

penal congolais (je veux dire ici le code penal general, applicable sans distinction aux

Europeens et aux indigenes) ne contient pas de dispositions reprimant l'adultere. C'est d'autant plus etonnant que notre code penal metropolitain en contient. Or, aujourd'hui, si la repression des manquements a la foi conjugale est, aux yeux des

juristes europeens, considere comme une conception anachronique- et c'est la raison pour laquelle le legislateur congolais n'a pas voulu l'introduire dans son code

penal - elle est encore tenue par les indigenes comme indispensable a la stabilite des

mariages et, partant, a celle de la race et, pour cette raison, la Colonie desirait la voir sanctionnee par des peines.

Le decret sur les juridictions indigenes a permis de resoudre la difficulte. L'adultere demeure non prevu par le code penal, mais les tribunaux indigenes continuent a

appliquer la coutume qui le reprime et ils peuvent infliger aux delinquants des peines qui sont d'autant mieux comprises et acceptees qu'elles sont tir&es par les juges indigenes de leurs propres traditions.

L'organisation des tribunaux indigenes est assez complexe, mais cette complexite apparaitra necessaire pour peu qu'on prenne la peine de considerer les situations si diverses a laquelle il a fallu l'adapter.

I y a tout d'abord les collectivites indigenes, demeurees plus ou moins intactes. La coutume prevoit des tribunaux dont elle determine la composition. I1 va sans dire que cette organisation est integralement conservee. Ce n'est pas la loi qui a cree les juridictions, ni meme l'autorite gouvernementale. Elles existent et, de la part du Gouvernment, il n'y avait qu'a les reconnaitre officiellement. Tels sont les tribunaux de chefferie.

II y a ensuite les collectivites indigenes en decomposition. Des elements en subsistent, epars, mais, sous l'influence de certains facteurs, ces collectivites se sont

desagregees. Un travail de reconstruction s'impose. On a pris plusieurs petits groupements indigenes, incontestablement issus d'une ancienne chefferie, mais qui ont acquis une certaine independance - a vrai dire au detriment de leur propre vitalite. Les rassembler de nouveau sous l'autorite d'un chef, celui-la auquel, si elles avaient pu recevoir leur application, les traditions indigenes auraient accorde le

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commandement, est assurement l'ideal, mais cet ideal ne peut etre atteint immediate- ment. C'est precisement l'exercice de la justice qui va permettre aux natifs de reprendre conscience de leur existence en tant que membres d'une chefferie tombe- en lethargie. I1 est vraisemblable qu'a la faveur de ses fonctions de juge, le notable indigene ou le petit chef auquel ces fonctions auront ete confiees, acquerra les qualites necessaires pour exercer l'autorite politique sur le groupement finalement reconstitue. Mais en attendant qu'il le soit, les petites collectivites sont reunies en un nouveau groupe, 'le secteur '. C'est naturellement le Gouvernement qui cree et qui organise les tribunaux de secteurs.

II y a enfin des indigenes qui se sont agglomeres depuis des annees autour de certains etablissements europeens (factoreries ou missions) pour y chercher un refuge, soit qu'ils aient eu maille a partir avec leurs chefs indigenes, soit qu'ils aient ete attires par les conditions d'existence en vigueur dans ces etablissements. Ils sont d'origine tres diverse et, s'ils avaient a obeir a une coutume, cette coutume ils en auraient depuis longtemps oublie les prescriptions. II n'y a pas ici, comme pour les secteurs, un travail de reconstruction a faire, mais un travail de construction. On part de rien, il faut arriver a quelque chose. Mettre de l'ordre ou il n'y en a pas, creer une autorite qui fait defaut. Ici encore le tribunal indigene sera l'auxiliaire le plus efficace de l'autorite europeenne. C'est le tribunal de centre (extra-coutumier).

Au-dessus de ces trois tribunaux, de chefferie, de secteur et de centre, se superpose le tribunal de territoire (on entend par territoire la circonscription administrative de base: plusieurs territoires font un district, plusieurs districts une province) qui intervient: i?) comme juridiction ordinaire, dans le cas, devenu aujourd'hui tres rare, ou aucun tribunal indigene n'existerait; 2?) dans certains cas, comme juridictions de revision des jugements rendus par les autres tribunaux.

Un tribunal europeen, le tribunal de Parquet, joue le role devolu dans nos pays constitutionnels a la Cour de Cassation. II peut annuler les decisions des tribunaux indigenes qu'il jugerait rendues en violation de la coutume ou de la loi.

Comme je l'ai dit, le tribunal applique la coutume. Il est un tribunal civil aussi bien qu'un tribunal repressif. Ces notions de droit civil et de droit repressif, si familieres a nos esprits, a telle enseigne qu'elles sont a la base de notre organisation judiciaire europeenne, sont tout a fait etrangeres aux conceptions que les natifs se font du droit. I1 y a des proces de caractere purement civil qui sont par la coutume sanctionnes de peines. II y en a d'autres, de caractere repressif, qui se terminent regulierement par l'attribution de dommages et interets. Notre decret a tenu compte de ces divergences. Tout ce qu'il prescrit est de ne point faire application aux indi- genes de peines superieures a un certain taux: un mois de servitude penale ou deux mois si le tribunal comporte un juge europeen, .ooo0 ou 2.000 francs d'amende, huit coups de fouet mais uniquement si la coutume prevoit cette peine, a l'egard de laquelle le legislateur a maintes fois manifeste sa repugnance.

Je ne dirai que peu de choses de la procedure. C'est, encore une fois, la coutume qu'il faut suivre. Mais une innovation importante a ete apportee a celle-ci. IL n'y a pas de jugement possible pour un tribunal indigene s'il n'y a pas un greffier pour assister les juges, ou, a defaut de greffier, si un des juges ne tient la plume. Cette exigence en tous points raisonnable de la loi n'a pas mis obstacle a l'application de

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ses dispositions. I1 y a actuellement au Congo suffisamment de noirs lettres aptes a rediger sommairement en langue indigene le texte d'une feuille d'audience et d'un jugement. La tenue d'un greffe est une condition indispensable pour le bon fonction- nement des juridictions. Elle aidera a constituer dans l'avenir les recueils des cou- tumes - les coutumiers pour reprendre une vieille expression francaise - dont la rarete est deploree par tous les ethnologues.

Voici rapidement passees en revue les regles du decret relatif aux juridictions indigenes. Je ne crois avoir omis rien d'essentiel.

(Ici le conferencier donna lecture de deux proces indigenes pris du BBlletin des Juridictions Indigenes et du Droit Coutumier Congolais.)

Nous pouvons maintenent porter un jugement sur les tribunaux indigenes et leur ceuvre. Ceux-ci ont ete bien accueillis par les populations. Voici enfin qu'etait venu

pour eux le jour ou ils pouvaient soumettre a leurs juges naturels les circonstances de leur litige. La cause etait exposee en langue indigene, parfaitement comprise aussi bien par les juges que par les parties. La loi coutumiere - la seule qu'ils connussent - etait appliquee dans ses dispositions humaines. L'autorite europeenne veillait discretement, mais avec toute la force dont elle dispose, a ce qu'il n'y eiut pas d'abus, ni de la part de juges prevaricateurs, ni de la part de coutumes contraires aux notions de civilisation.

A la verite, les peines que peuvent appliquer les tribunaux sont moderees. Des infractions graves sont encore soustraites a la juridiction des natifs. Oui, mais n'oublions pas que le decret de I926 est une experience. Le temps viendra un jour ou toutes les infractions commises par des indigenes au prejudice d'autres indigenes pourront etre reprimees par les tribunaux.

Mais pareil resultat ne peut etre que le fruit d'une longue et sage evolution que l'autorite coloniale aidera de tout son pouvoir mais qu'elle n'entend pas precipiter.

J'ai eu l'occasion de le dire: c'est l'elaboration du decret sur les tribunaux indigenes et, plus encore, cette espece de repetition generale qui l'avait precedee, les tribunaux fonctionnant en fait d'apres la coutume sous le controle europeen, qui permirent de mettre au point la legislation sur les chefferies.

Celle-ci, qui remontait a 191I - deux ans apres la reprise par la Belgique de l'Etat

independant - avait certainement porte de beaux fruits. Elle consacrait le respect des regles coutumieres regissant l'organisation et l'exercice du pouvoir par les chefs

indigenes et, par cela meme, elle a droit a notre hommage. Mais elle faisait du chef, d'une fagon peut-etre excessive, le representant, au degre le plus bas, de l'autorite

europeenne. Certes, il est logique que dans ses rapports avec les collectivites indi-

genes, l'administration passe par un intermediaire, et cet intermediaire est naturelle- ment le chef. Mais il est beaucoup mieux qu'un simple intermediaire et, a cote de lui, la coutume peut faire place a d'autres autorites. C'est le role devolu a celles-ci

que la nouvelle legislation a entendu maintenir, mais elle ne les situe pas dans le cadre administratif europeen ou elle place le ' chef'; elle en fait des organes purement et

simplement coutumiers. Les autorites dont il s'agit et que j'appellerais des autorites

complementaires n'ont pas ete deformees par les regles nouvelles mais, au contraire, remises a leur vraie place et c'est ce qui importait.

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INTERNATIONAL DISCUSSION MEETINGS 85

La partie vraiment originale du decret de I933 est la creation du secteur. On se

rappellera ce qui a ete dit, ci-dessus, du tribunal de secteur, cette juridiction installCe au cceur d'un groupement de minuscules chefferies, mais relevant d'une origine ethnique commune, et il est assez piquant de constater que ce tribunal de secteur a ete constitue a un moment oiu le secteur lui-meme n'existait pas.

Ces petites chefferies etaient le plus souvent le resultat d'un regrettable effritement de chefferies plus grandes, effritement survenu a la suite de circonstances les plus diverses, parmi lesquelles il faut malheureusement citer l'imprudence de certains fonctionnaires europeens ou la mise en pratique de devises aussi fausses que celle du 'Divide ut imperes ' chere a des conquerants belliqueux que nous n'etions pas, en verite.

I1 y avait cependant interet a etendre a ces groupements emiettes le systeme d'orga- nisation que consacraient les regles sur les chefferies. C'est pourquoi le decret de 93 3 crea le secteur et c'est la raison pour laquelle le decret est intitule Decret sur les

circonscriptions indigenes, celles-ci comportant des chefferies et des secteurs. Les chefferies sont des entites naturelles, les secteurs des groupes artificiels, mais, au sommet des unes et des autres, regnent des principes coutumiers.

Il convient de signaler l'enorme travail auquel s'est consacree l'administration, en vue de rendre possible l'application du decret. Dans toute l'etendue de la Colonie, tous les indigenes adultes, masculins ou feminins, ont ete inscrits soit sur les roles des circonscriptions existantes, soit, si celles-ci n'etaient pas constituees, au chef-lieu du territoire (le territoire est la circonscription administrative de base; c'est veritable- ment la cellule premiere de la Colonie).

De telle sorte que, des le debut, l'importance et, j'ajouterai, les caracteristiques de la population ont pu etre exactement determinees. On sait aujourd'hui - non plus approximativement, mais exactement-combien un village compte d'habitants, hommes et femmes, vieillards ou jeunes gens, celibataires ou maries. C'est, a tous les points de vue, un progres enorme sur ce qui existait auparavant.

Cette etude demographique a permis de constituer les collectivites indigenes. II

s'agissait, en outre, d'en eviter l'emiettement. A cet effet, le decret place de tres serieux obstacles aux departs des indigenes. Ceux-ci ont le droit de s'absenter, pour une periode qui ne depasse pas trente jours, de leur village. Si l'absence doit durer plus de trente jours, le natif doit se procurer, aupres de l'administrateur chef du territoire, un passeport, dit passeport de mutation, qui est, selon le cas, temporaire ou definitif. Le fonctionnaire est generalement libre d'accorder ou de refuser le

passeport. Il est cependant tenu de le delivrer a la femme mariee et aux enfants qui accompagnent leurs parents; aux indigenes des colonies limitrophes qui regagnent leur patrie, aux indigenes qui desirent sejourner dans un etablissement religieux ou d'education pour y recevoir l'enseignement; aux indigenes qui desirent s'engager au service de l'ftat ou d'un etablissement europeen. Il serait contraire a l'esprit du decret que l'administrateur territorial refusat systematiquement le passeport. Au reste, l'indigene a un recours aupres du Commissaire de District.

II est prescrit que l'autorite indigene doit donner son avis en ce qui concerne toute delivrance de passeport. C'est que la chefferie est la plus directement interessee au maintien de la population.

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Recenses, les indigenes vont donc etre verses dans l'une des circonscriptions d'un territoire: chefferie ou secteur.

On a saisi deja la difference qui existe entre ces deux organismes. La chefferie est integralement coutumiere. L'organisation des pouvoirs y est reglee par des regles traditionnelles. L'autorite europeenne n'y ajoute rien. Elle la reconnait avec ses attributs et sur la partie du sol colonial oi elle existe. Elle reconnait aussi son chef a qui un fonctionnaire europeen, de grade eleve, donne solennellement l'investiture. La coutume prevoit, comme c'est souvent le cas, l'existence a cote du chef, d'une assemblee de notables indigenes assistant le chef de ses conseils; cette assembl6e continue a fonctionner. En bref, aucun changement n'est apporte aux regles tradition- nelles. Le secteur, au contraire, n'est pas integralement coutumier. II est constitue par un ensemble de petites collectivites indigenes, quelquefois reduites au rang d'une simple famille. I1 va sans dire qu'il existe en leur sein une coutume, des institu- tions traditionnelles elementaires. Tout cela, certes, est digne de respect et est, en verite, soigneusement respecte. Mais aucune regle coutumiere ne prevoit l'agglomera- tion en un seul organisme de ces collectivites. C'est donc de la loi seule que le secteur tire son existence. Alors que la chefferie est ' reconnue ', le ' secteur' est cree par l'autorite europeenne qui en designe le chef et determine son territoire. Mais la loi a rendu obligatoire la constitution du Conseil de secteur, compose de membres designes par l'autorite europeenne et de membres de droit: juges des tribunaux de secteur et les chefs des groupements agglomeres dans le secteur.

Par une autre innovation, le decret a dote les collectivites indigenes de ressources financires. Il etablit les caisses des circonscriptions qui sont alimentees au moyen d'une quotite additionnelle a l'impot paye par les indigenes -quotite non superieure a 20 p.c. de l'impot, au moyen du revenu de certains biens fonciers, que les indigenes, sous le controle de l'autorite europeenne, peuvent vendre, louer ou exploiter, au

moyen encore de taxes remuneratoires - c'est-a-dire de taxes constituant la contre- partie d'un service rendu. A ces ressources s'ajoutent le montant des frais de procedure, les amendes, le produit des confiscations, toutes ressources derivant du fonctionne- ment des tribunaux indigenes, les liberalites (car les circonscriptions ont ete rev&tues de la personnalite civile), etc.

On notera que les redevances traditionnelles dues aux chefs continueront a ctre pergues en faveur de ceux-ci. Cependant le Commissaire de District peut decider, apres avoir pris l'avis du Conseil des notables, que ces redevances sont percues au profit de la circonscription elle-meme. Dans ce cas, une compensation peut etre accordee au chef, sous la forme d'une allocation - veritable liste civile -dont la

charge incombe a la caisse de la circonscription. La chefferie ou le secteur peuvent meme emprunter. II va sans dire quc la faculte dc

contracter des emprunts est entouree de tres severes garanties. J'ai resume, en larges traits, les caracteristiques des circonscriptions indigenes.

Celles-ci sont une institution dont la Belgique est fiere et qu'elle peut, sans crainte, mettre en regard avec les plus belles realisations des colonies etrangeres. L'ceuvre est sans doute encore trop recente pour qu'elle puisse avoir donne tous ses fruits. Au surplus, il y a des degres dans la reussite et il n'est pas contestable que parmi nos

populations natives il en est qui, plus intelligentes ou plus evoluees que d'autres, ont tire plus d'avantages de la loi. Mais la moisson est magnifique deja et elle autorise

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INTERNATIONAL DISCUSSION MEETINGS 87 les plus grands espoirs. Je m'en voudrais de ne pas rendre a M. le Vice Gouverneur General honoraire Moeller, qui exerca pendant de nombreuses annees l'autorite sur la province orientale, la plus belle de nos provinces, l'hommage qui lui revient. Le decret sur les circonscriptions indigenes est son ceuvre, non point qu'il sorte de sa plume, mais parce qu'il est la conclusion eblouissante de dix annees d'initiative

prudente, de labeur tenace, et pour tout dire, de veritable apostolat. Le decret sur les centres extra-coutumiers ne nous retiendra pas longtemps. Ces

centres sont, on se le rappelle, habites par des indigenes originaires de toutes les

parties du Congo. Ils ont vecu autrefois sous l'empire de leurs coutumes, mais, depuis longtemps, les liens qui les unissaient a leur chefferie d'origine se sont denoues. Ils sont, en quelque sorte, des ' heimatlos ' mais ils ont trouve, en s'installant aupres d'entreprises europeennes, une nouvelle patrie. Quels principes vont guider leur existence desormais? Deux solutions se presentent: l'une, qui est une solution de facilite, est de les soumettre directement a l'autorite de nos fonctionnaires et

agents. Leur statut se rapprochera du statut des Belges et des etrangers venus au

Congo pour y exercer leur industrie. L'autre, d'une realisation plus delicate, est commandee par le bon sens. S'il est

vrai que les habitants des centres n'obeissent plus a une coutume determinee, il est vrai aussi que leur caractere, leurs habitudes, sont encore profondement impregnes de

l'esprit coutumier. Ils sont plus proches assurement des chefferies traditionnelles que de notre propre organisation. Si nous les soumettons a des regles de droit europeen, nous risquons un echec. Notre but n'est pas de faire de nos sujets des copies plus ou moins reussies de citoyens belges, nous voulons en faire de meilleurs congolais et, dans cet ordre d'idees, nous serons aides dans nos efforts si nous nous inspirons des

principes qui sont a la base de l'organisation coutumiere indigene. Voila pourquoi le decret sur les centres extra-coutumiers n'est qu'une adaptation du decret sur les

circonscriptions indigenes, et je puis etre bref. C'est, naturellement, a l'autorite europeenne qu'il appartient de determiner le

nombre, l'emplacement et les limites territoriales des centres. C'est elle aussi, qui, par l'intermediaire d'un fonctionnaire ou d'un agent, exerce les prerogatives de la tutelle.

A la tete de chaque centre, nous trouvons un chef, assiste d'un chef adjoint et d'un conseil consultatif, dont les membres sont choisis par le Commissaire de District, auxquels viennent s'ajouter les juges des tribunaux de centre. C'est, on le voit, la

copie de ce qui existe pour les collectivites traditionnelles et tout ce que j'ai dit de celles-ci s'applique aux autres. I1 est donc bien inutile que je m'etende sur les attribu- tions du chef et du conseil. Mais, ce qui distingue les centres des chefferies ou des secteurs c'est le role preponderant joue par le fonctionnaire charge de l'autorite tutelaire et ce role s'explique: dans les circonscriptions indigenes, la coutume est un

guide sur; toute l'activite des chefs est canalisee par elle. Comme ce guide ici fait defaut, il convient de mettre, tout au moins au debut, quelque chose a sa place. C'est

pourquoi un role aussi important est laisse a l'autorite tutelaire. Mais il est certain que cette autorite prendra dans l'avenir une forme de plus en

plus attenuee. Le but est, ici comme pour les chefferies et les secteurs, de laisser le

plus possible les natifs s'administrer eux-memes. D'ailleurs, si nous nous montrons

patients, nous assisterons un jour a 'eclosion d'une nouvelle coutume, commune a

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tous les habitants des centres et, ce jour-la, il y a fort a penser que l'expression ' centre extra-coutumier' n'aura plus de raison d'etre.

Resume of Monsieur Dumont's Paper and of the Discussion which followed it THE Belgian Government has devoted its efforts to the reintegration of Native society within its traditional framework. The stages in this work of reconstruction are marked by the following enactments: i. The Decree of April I 5, I926, relating to Native administra- tion of justice; 2. The Decree of December 5, 1933, dealing with Native areas (circonscrip- tions); 3. The Royal Proclamation of July 6, I 934, co-ordinating the Decrees of November 23, 193 , June 6 and June 22, 1934, relating to extra-customary centres (centres extra-coutumiers).

By the law regulating the government of the Belgian Congo-generally known as the Colonial Charter-legislative power is vested in the legislature of the mother country, which, however, intervenes only in certain specified cases. In practice, the legislative power is exercised by the King, who, acting on the advice of the Colonial Council, promulgates decrees. The Colonial Council, which is modelled on the British Viceroy's Council in India, and is presided over by the Minister for the Colonies, consists of fifteen members, some chosen by the Chamber of Representatives and the Senate, and some appointed by the King. During the thirty years of the Council's existence, no decree has been pro- mulgated in the face of its opposition. The Governor-General of the Colony has limited

legislative powers; he can suspend the execution of decrees and issue orders, but only in circumstances of emergency, and all such orders must be ratified within six months by the Council.

The first of the decrees mentioned above merely gives legal recognition to what had been the practice in the Colony ever since 1889 when the Government had recognized the effective jurisdiction of the Native chiefs. This decree recognizes that the authority of the chief depends on his power to administer justice.

The administration of justice by Native tribunals is based on custom, the only exception being where the preservation of custom would endanger public safety or would be contrary to the general well-being of the inhabitants.

Three types of Native tribunals may be distinguished: (i) Where Native groups have survived intact the chiefs' courts are preserved, government merely giving them official

recognition; (2) Where only scattered elements of a former tribal group remain, these elements are formed into a coherent whole under a chief. Where it is not possible to find a natural ruler, a new group, known as a secteur, is formed, and a chief appointed, together with an advisory council and Native court; (3) Where there are Natives of various origins centring round some European establishment, Government has constructed an organized group and created an authority.

In addition to these three types there is the territorial court which acts as an ordinary court in the rare cases where no Native court exists, and occasionally as a court of appeal. The European court, the court of Parquet, functions as a court of final appeal.

No distinction is made in the Native courts between civil and criminal law. Procedure is regulated by custom, but Government insists on the keeping of a written

record of all cases, either by a clerk of the court or by the judge himself. The records so

kept will provide a most valuable account of Native customs. The great success of Native courts is due to the fact that all cases are heard in the vernacular, and the law enforced is the customary law with which all parties are familiar. The European authority exercises such surveillance as is necessary for the prevention of abuses. Native courts are not at

present competent to inflict severe penalties or to try the most serious sorts of crime; but

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INTERNATIONAL DISCUSSION MEETINGS 89 it is to be expected that in time any infraction of the law by a Native will be tried by a Native court.

In order to make possible the enactment of the I 93 decree, a census was taken throughout the Colony of every adult Native. As a result there exist to-day accurate statistics of the population of every village.

The decree of 1933 also provided Native communities with financial resources, establish- ing a treasury in every circonscription.

In his concluding remarks Monsieur Dumont said he thought Belgium had adhered to the principles laid down by the Covenant of the League of Nations in connexion with the administration of Mandated Territories, namely that the development and welfare of the peoples of these territories should be regarded as a sacred mission of civilization. He thought all democratic nations would welcome Lord Cranborne's statement in the House of Lords that the aim of the British Government was to equip colonial peoples to administer their own affairs, whether the goal were near or far.

In the discussion, which follows, all the replies to questions were made by Monsieur Dumont.

Mr. C. IF. W. Greenidge: Do both European and Native judges sit at the Native courts ?- The District Commissioner may sit at the Native court, but is urged not to do so except when absolutely necessary.

Dr. M. Read: Has there been any attempt to write down Native customary law?- Codification is beginning. Monsieur Dumont read out two cases from the Bulletin des Juridictions Indigenes et du Droit Coutumier Congolais. The following decisions arose from them: (i) If a wife committed adultery while her husband was in prison, she was more severely dealt with on the grounds that she had taken advantage of circumstances. The man was, in effect, suffering from a moral disease. (2) Anyone receiving injury in a fight between two other people cannot claim damages, because he should not interfere in what does not concern him.

Mliss M. Al. Green: Does that mean that when a decision has been arrived at, all the other Native courts in the Belgian Congo are bound by that decision in future cases ?-No, but as the codification proceeds, the decisions of the Native courts are gradually becoming known all over the Belgian Congo.

Dr. A. N. Tucker: Is the codification to take account of changing custom? As a result of the codification of the Zulu customary law in South Africa, the Zulu have nowadays to employ lawyers to interpret their own law to them.-Judges do take account of changing customs and needs in the Belgian Congo. They have power to define customary law and to explain it. Monsieur Dumont read from the Bulletin the case of a man who was riding on a lorry and jumped off while the lorry was in motion, leaving his coat behind. The coat subsequently disappeared and the man claimed compensation. The decision was that if anyone gets off a moving vehicle without the permission of the driver and leaves anything behind and that article disappears he cannot claim any redress. That is certainly a new custom!

Mr. C. W. W. Greenidge: The speaker said that contracts for more than three years were not permitted. Is the International Convention regulating contracts of labour in force in the Belgian Congo ?-It is not yet in force. With regard both to that convention and the one relating to forced labour, a Bill accepting the Conventions with certain reservations was put before the House of Representatives, who referred it to a Commission. The decision of that Commission was not yet known, but Monsieur Dumont thought it was the intention

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of the Belgian Government to put thc Convention in forcc during this war. 'I'he rcservations made by the Belgian Government were in respect of compulsory cultivation. The Mandated Territories of Ruanda and Urundi, for example, were subject to periods of famine, and it was only by enforcing cultivation that the Government was able to provide food for the population during these periods.

Sir Hanns Vischer thanked Monsieur Dumont for his talk. As corresponding member of the Institut Royal Colonial Belge and member of the International Colonial Institute at Brussels he awaited with impatience the moment when all countries could work together again for the development of the African people.

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