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27 DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008 Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa région Le Grand Paris à l’échelle du département de la Seine Les réformes législatives et les institutions Après le départ de Haussmann, l’abrogation du régime d’exception qui privait Paris de liberté communale est réclamée dès le mois de février 1870 par les républicains. Jules Ferry, Gambetta et Arago déposent un projet de loi sur l’organisation municipale de Paris. En mars 1871, Paris, encore soumis au siège de ses fortifications par les troupes prussiennes, se soulève contre la décision de la nouvelle assemblée parlementaire, élue un mois plus tôt, de la désarmer. Pendant 70 jours, jusqu’au 20 mai 1871, la Commune de Paris, où sont représentées toutes les tendances politiques républicaines et socialistes, administre la ville. Son action législative est considérable, même si la plupart des mesures prises sont abolies à sa chute. Après l’épisode de la Commune, le Gouvernement estime qu’il est trop tôt pour réformer et seuls les conseils municipaux des communes des arrondissements de Saint-Denis et de Sceaux sont replacés sous le régime électif (loi du 17 juillet 1870). La Commune fait progresser l’idée de doter Paris d’un maire et d’un conseil municipal élu (propositions de loi de Clémenceau de mars 1871 puis de 1875 alors qu’il occupait la présidence du conseil municipal) mais suscite aussi la méfiance du Gouvernement à l’égard de cette ville révolutionnaire : « le parlement de l’époque demeurait hanté par le souvenir de la Commune et la crainte de l’autonomie fédéraliste qui avait triomphé pendant cette période » 1 . La loi du 14 avril 1871 fixe les nouvelles dispositions concernant Paris : l’assemblée parisienne est composée de 80 membres élus par scrutin individuel à la majorité absolue à raison de 4 par arrondissement. Il est également prévu un maire et 3 adjoints par arrondissement choisis par le chef du pouvoir exécutif de la République. Les communes à l’exception de Paris sont soumises au régime général de la loi du 4 avril 1884 sur l’organisation municipale dont les principales dispositions sont : - l’élection au suffrage universel du conseil municipal désigné pour une durée de 4 ans et renouvelable intégralement (en 1929, la durée du mandat municipal est portée à 6 ans) - l’élection du maire par le conseil municipal, ce qui fait du maire le premier représentant de la commune - la tutelle du préfet, à la fois sur le maire et sur les actes de la commune. Démographie de la région parisienne La population de la banlieue augmente régulièrement : 607 381 habitants en 1886, 688 969 en 1891, 796 378 en 1896, 885 762 en 1901, 1 182 379 en 1911 2 . L’essentiel de cette explosion démographique est du aux communes limitrophes de Paris. La première phase de peuplement de la banlieue entre 1870 et 1880 concerne une population contrainte de quitter Paris car les loyers y sont beaucoup plus élevés et la vie plus chère que de l’autre côté des fortifications (Paris est toujours soumis aux taxes de l’octroi et le sera jusqu’en 1943) 3 . Le Grand Paris à l’échelle du département de la Seine 1870 – 1914 Développement de la banlieue 1 Préfecture de la Seine, Préfecture de Police d’après Maurice FELIX, Le régime administratif et financier de la ville de Paris et du département de la Seine, Histoire des administrations parisiennes, Evolution de l’agglomération parisienne – 1957, la Documentation française, tome 1 p .145 (documentation DREIF 5093.1). 2 BRUNET, Jean-Paul, Immigration, vie politique et populisme en banlieue parisienne (fin XIX e – XX e siècles), éd. l’Harmattan, 1995. 3 CLAUSTRE, Pierre-François, L’octroi de Paris (1798 – 1943), Bilan historiographique et perspectives de recherche, revue Recherches contemporaines, n° 6, 2000-2001.

Le Grand Paris à l’échelle du département de la Seine Le

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DREIF, Claude COTTOUR, septembre 2008

Une brève histoire de l'aménagement de Paris et sa régionLe Grand Paris à l’échelle du département de la Seine

Les réformes législatives etles institutions

Après le départ de Haussmann, l’abrogation du régimed’exception qui privait Paris de liberté communaleest réclamée dès le mois de février 1870 par lesrépublicains. Jules Ferry, Gambetta et Arago déposentun projet de loi sur l’organisation municipale de Paris.En mars 1871, Paris, encore soumis au siège de sesfortifications par les troupes prussiennes, se soulèvecontre la décision de la nouvelle assembléeparlementaire, élue un mois plus tôt, de la désarmer.Pendant 70 jours, jusqu’au 20 mai 1871, la Communede Paris, où sont représentées toutes les tendancespolitiques républicaines et socialistes, administre laville. Son action législative est considérable, même sila plupart des mesures prises sont abolies à sa chute.

Après l’épisode de la Commune, le Gouvernementestime qu’il est trop tôt pour réformer et seuls lesconseils municipaux des communes desarrondissements de Saint-Denis et de Sceaux sontreplacés sous le régime électif (loi du 17 juillet 1870).La Commune fait progresser l’idée de doter Parisd’un maire et d’un conseil municipal élu (propositionsde loi de Clémenceau de mars 1871 puis de 1875alors qu’il occupait la présidence du conseil municipal)mais suscite aussi la méfiance du Gouvernement àl’égard de cette ville révolutionnaire : « le parlementde l’époque demeurait hanté par le souvenir dela Commune et la crainte de l’autonomiefédéraliste qui avait triomphé pendant cettepériode »1.

La loi du 14 avril 1871 fixe les nouvelles dispositionsconcernant Paris : l’assemblée parisienne estcomposée de 80 membres élus par scrutin individuelà la majorité absolue à raison de 4 par arrondissement.Il est également prévu un maire et 3 adjoints pararrondissement choisis par le chef du pouvoir exécutifde la République.Les communes à l’exception de Paris sont soumisesau régime général de la loi du 4 avril 1884 surl’organisation municipale dont les principalesdispositions sont :- l’élection au suffrage universel du conseil municipaldésigné pour une durée de 4 ans et renouvelableintégralement (en 1929, la durée du mandat municipalest portée à 6 ans)- l’élection du maire par le conseil municipal, ce quifait du maire le premier représentant de la commune- la tutelle du préfet, à la fois sur le maire et sur lesactes de la commune.

Démographie de la région parisienneLa population de la banlieue augmente régulièrement :607 381 habitants en 1886, 688 969 en 1891, 796 378en 1896, 885 762 en 1901, 1 182 379 en 19112 .L’essentiel de cette explosion démographique est duaux communes limitrophes de Paris.La première phase de peuplement de la banlieue entre1870 et 1880 concerne une population contrainte dequitter Paris car les loyers y sont beaucoup plus élevéset la vie plus chère que de l’autre côté desfortifications (Paris est toujours soumis aux taxes del’octroi et le sera jusqu’en 1943)3.

Le Grand Paris à l’échelle dudépartement de la Seine

1870 – 1914Développement de la banlieue

1 Préfecture de la Seine, Préfecture de Police d’après Maurice FELIX, Le régime administratif et financier de la ville de Paris et dudépartement de la Seine, Histoire des administrations parisiennes, Evolution de l’agglomération parisienne – 1957, la Documentationfrançaise, tome 1 p .145 (documentation DREIF 5093.1).2 BRUNET, Jean-Paul, Immigration, vie politique et populisme en banlieue parisienne (fin XIXe – XXe siècles), éd. l’Harmattan, 1995.3 CLAUSTRE, Pierre-François, L’octroi de Paris (1798 – 1943), Bilan historiographique et perspectives de recherche, revueRecherches contemporaines, n° 6, 2000-2001.

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Cette installation de population modeste concernepratiquement toutes les communes limitrophes de lacapitale.Ce mouvement vers la banlieue se double de celui declasses sociales parisiennes plus aisées : employés,petite ou grande bourgeoisie qui ont fait ce choixvolontairement. Les résidences de villégiature d’étése transforment en résidences principales. Desnouveaux quartiers destinés à la bourgeoisie sont bâtissur les coteaux face à Paris ou aux fleuves (Saint-Cloud, Meudon, Clamart à l’ouest ; Vincennes, Saint-Mandé, Nogent-sur-Marne, Le Perreux à l’est ;Epinay-sur-Seine, Enghien, Montmorency au nord...En terme d’importance de population, cetteimplantation n’est pas négligeable4.

Cette première période de peuplement de la banlieuepar une population parisienne est rapidement suivie,à partir des années 1880, par l’arrivée de provinciauxtout au long du XXe siècle (au recensement de 1891,55,6% des banlieusards sont nés en province, en 1911,ils étaient 51,1%)5.

Saint-Denis, qui est déjà la commune la plus peupléede banlieue avec près de 32 000 habitants en 1872,connaît une augmentation de 3% par an jusqu’en1896, avec des pointes de plus de 6% entre 1876 et1881 dues à un fort flux migratoire. Ce ne sont plusles populations de l’Est (Alsace, Lorraine, Allemagneou Suisse) attirées par l’industrie textile qui arriventmais une immigration venue du sud et de l’ouest dela France (en particulier de l’arrondissement deGuingamp en Bretagne)6 et de l’étranger (Italie)7.Ce nouveau flux migratoire est augmenté par un tauxde natalité élevé principalement chez les famillesbretonnes et italiennes.Cette population jeune occupe les emplois les moinsqualifiés (manœuvres, terrassiers…) dans lesnombreuses usines ou chantiers. Les derniers arrivésdoivent s’installer dans les quartiers les plus pauvresà proximité immédiate des nouvelles usines.Autre exemple, à Issy-les-Moulineaux, l’habitat

ouvrier est aussi localisé près des établissementsindustriels dans le secteur des Moulineaux, tandis quele centre de la commune et les coteaux reçoiventune population plus aisée. De nombreux ateliers ougranges sont transformés en chambres. Des étagessupplémentaires sont rajoutés aux maisons existantes.«Ainsi apparaît la banlieue grise, basse,embouteillée. C’est un ensemble hétéroclite demaisons et d’immeubles jetés çà et là, en îlotsbizarres »8.

Au delà des communes limitrophes de Paris de lapremière couronne, des petits lotissements appeléaussi parfois « villas » se développent « la Scalavilla » et le « Moulin de Bellevue » à Sarcelles, « laVilla Daguerre » à Bry-sur-Marne, « le Villageparisien » de Champigny-sur-Marne, « la Villamontmartroise » de Villiers-sur-Marne, la « Villa desGravilliers » à Athis-Mons 9...

Au début du XXe siècle un vaste brassage despopulations s’opère entre les natifs de province, deParis et de banlieue. La population se répartit suivantune géographie complexe dans laquelle il estimpossible de distinguer un habitat spécifique à telleou telle catégorie. Les grandes tendances dudéséquilibre sociologique de Paris entre un nord-estdéfavorisé et un ouest aisé, amorcées dès le premierEmpire se prolongent en banlieue.

En 1901, Paris compte 2,7 millions d’habitants etl’ensemble de la région parisienne 4,7 millions.L’urbanisation qui s’est développée dans lescommunes limitrophes de Paris recouvrantpratiquement tout leur territoire s’étend maintenantdans une seconde couronne, le long des valléesdesservies par le chemin de fer (bords de Marne, LeRaincy, Neuilly-sur-Marne, Neuilly-Plaisance, bordsde la Seine au sud-est, vallée de Chevreuse, Versailles,Le Pecq, Le Vésinet, Saint-Germain-en-Laye, valléede Montmorency...)

4 FARCY, Jean-Claude, Banlieues 1891 : les enseignements d’un recensement exemplaire, in les premiers banlieusards in FAUREAlain (sous la direction de), Ed. Créaphis, 1991, p.46 et suiv.5 FARCY, Jean Claude, L’immigration provinciale en banlieue au début du XXe siècle in Immigration, vie politique et populisme enbanlieue parisienne (fin XIXe – XXe siècles) éd. l’Harmattan, 1995.6 FARCY, op.cit. 4.7 BLANC-CHALEARD, Marie-Claude, Les italiens en banlieues Est : âges migratoires et type d’intégration in Immigration, viepolitique et populisme en banlieue parisienne (fin XIXe – XXe siècles), éd. l’Harmattan, 1995.8 BECCHIA, Alain, Issy-les-Moulineaux, Histoire d’une commune suburbaine de Paris, c.a., 1977 et Issy-les-Moulineaux dans laseconde moitié du XIXe siècle, maîtrise Université Paris IV-Centre d’Histoire du XIXe siècle, 1974, Bibliothèque municipale d’Issy-les-Moulineaux.9 CUEILLE, Sophie, Les stratégies des investisseurs : des bords de ville aux bords de mer in revue Inventaire du Ministère de laCulture, 2004.

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Développement des municipalitésde banlieue

Le nombre de communes suburbaines du départementde la Seine a varié suivant les époques : de 80 en1859, il est ramené à 69 après l’expansion de Parisqui en a supprimé 11. Devant l’urbanisation galopante,certaines communes de banlieue doivent faire face àdes mouvements séparatistes d’habitants passésbrutalement de modestes hameaux au stade de petitesvilles et réclamant plus d’autonomie et d’équipements.On assiste ainsi à la création de 11 nouvellescommunes entre 1860 et 192910 :

- Levallois-Perret en 1866 (regroupement deterritoires soustraits à Neuilly et Clichy) ;- les Lilas en 1867 (regroupement de territoiressoustraits à Pantin, Romainville et Bagnolet) ;- Malakoff en 1883 (division de Vanves)- Alfortville en 1885 (division de Maisons-Alfort)- Le Perreux-sur-Marne en 1887 (division deNogent-sur-Marne)- Bois Colombes en 1896 (division de Colombes)- Le Kremlin-Bicêtre en 1896 (division de Gentilly)- Les Pavillons-sous-Bois en 1905 (division deBondy)- La Garenne-Colombes en 1908 (regroupementde territoires soustraits à Colombes et à Bois-Colombes)

- Cachan en 1922 (division d’Arcueil - Cachan)- Villeneuve-la-Garenne en 1929 (division deGennevilliers).

Les limites communales fluctuent également commepar exemple celles de Montrouge qui annexe en 1875quelques hectares du territoire de Châtillon etBagneux...

Dans les années 1880, les communes du départementde la Seine hors Paris sont encore très mal équipéesen services publics communaux ou d’Etat. Il y a peude postes de police, de casernes de gendarmerie, debureaux de perception des contributions directes...En 1890, les communes du département de la Seine(hors Paris) ne comptent que treize crèches.

Pendant un quart de siècle, entre 1876 et 1908, devantle développement urbain, les communes de banlieueremplacent leur ancienne mairie-école par desédifices majestueux affichant la représentationimposante du pouvoir municipal et du triompherépublicain.Suite à l’application de la loi Jules Ferry du 28 mars1882 sur l’enseignement primaire obligatoire, lenombre d’enfants scolarisés augmente très fortement.Cela nécessite la construction d’écoles et pèselourdement sur les finances locales en termed’investissement et de fonctionnement.La scolarisation des enfants entraîne également la

urbanisation de la région parisienne en 1900 (source SDAU 1965)

10 A partir de cette date, le département de la Seine compte donc 81 communes.

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mise en place de cantines scolaires, de garderies, puisaprès 1910 de colonies scolaires durant les vacancesd’été pour les enfants de parents nécessiteux. Lepersonnel municipal augmente de façon trèsimportante : instituteurs, enseignants spécialisés,personnel pour surveiller les études, de service pourl’entretien des locaux et la cantine. Des bibliothèquesmunicipales sont créées, qualifiées par le maire dePantin « d’œuvre moralisatrice appelée à exercerune heureuse influence sur le développementintellectuel et moral des populationslaborieuses »11.

Vie politiqueJusqu’à la fin du XIXe siècle, le pouvoir municipal estresté principalement administratif avant de devenirpolitique. Après les élections de 1884, la majorité desélus deviennent républicains, le plus souvent radicaux.En 1887, Saint-Ouen est la première mairie debanlieue gagnée par les socialistes. D’autres suivent :Saint-Denis de 1892 à 1896 puis de nouveau à partirde 1912 , Ivry et le Kremlin-Bicêtre en 1896,Alfortville et le Pré-Saint-Gervais en 1904...En 1912, sur les 78 communes de la Seine, 13communes sont socialistes (9 socialistes SFIO, 4socialistes indépendants).En 1914, les candidats du parti socialiste SFIOdépassent 30% des voix12.

Les conquêtes municipales des socialistes introduisentdes différences dans la façon de gérer les communesdans des domaines aussi variés que ceux de la santé,des loisirs, des équipements culturels et sportifs et del’habitat. Les revendications pour obtenir unemeilleure équité de leur représentation au conseilgénéral de la Seine deviennent plus soutenues.

Les débuts de l’intercommunalité

Le premier syndicat intercommunal concerne le gazde banlieue et est fondé par décret le 31 décembre1903, après l’action du maire radical de Bagneux,Théodore Tissier. Puis suit celui des Pompesfunèbres... Au total 12 syndicats sont créés entre 1903et 193913.

Au delà des différences politiques et idéologiques,des structures se mettent en place pour gérer auquotidien et en commun des problèmes qui débordentlargement des frontières communales. Il s’agit descommissions départementales présidées par le préfetde la Seine où se rencontrent des représentants del’Etat et des élus :- commission de surveillance de l’épandage des eauxd’égouts de Paris (1912),- commission administrative du port de Paris (1916 –1917),- conseil d’hygiène publique et de salubrité dudépartement de la Seine,- commission de contrôle des réseaux départementauxde tramway (1910),- commission du déclassement de la zone militaire deParis (1919),- comité consultatif des transports en commun (1920)- conseil d’administration de l’office publicdépartemental d’habitations à bon marché (HBM)(1921)

Enfin, en février 1909, 16 maires radicaux et radicauxsocialistes de communes de banlieue de la Seine seregroupent pour donner naissance à l’Union amicaledes maires du département de la Seine14.

Implantation en banlieue de servicesde la ville de Paris

L’implantation de grands équipements indispensablesau fonctionnement de Paris nécessite de grandesemprises disponibles uniquement en banlieue. Lacapitale construit à l’extérieur de son territoire :- ses usines d’alimentation en eau potable (Ivry, Saint-Maur-des-Fossés) ;- des cimetières (Saint-Ouen en 1872, Ivry en 1874,Pantin-Bobigny en 1884, Bagneux en 1886, Thiaisdans les années 1920),- des hôpitaux, des hospices (Clichy-sur-Seine, LeKremlin-Bicêtre, Issy-les-Moulineaux ); le dépôt demendiants à Nanterre (1875 – 1883)- des gares de triage (Saint-Denis, Pantin, Noisy-le-Sec, Vitry, Chatillon-Montrouge) ;- ses usines de traitement ou d’incinération desordures ménagères (Saint-Ouen, Ivry, Issy-les-Moulineaux, Romainville) ;

11 BELLANGER, Emmanuel, MICHEL, Geneviève, Pantin Mémoire de ville, mémoires de communaux 19e – 20e siècle, archivesmunicipales de Pantin, 2001.12 GIRAULT, Jacques, Vers la banlieue rouge, du social au politique in Immigration, vie politique et populisme en banlieue parisienne(fin XIXe – XXe siècles), éd. l’Harmattan, 1995.13 BELLANGER, op.cit. 11.14 Asnières, Boulogne-Billancourt, Clichy, Montreuil, Nogent, Puteaux, Saint-Denis.

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- ses champs d’épandage d’eaux usées (Clichy-sur-Seine, Gennevilliers, puis Achères, plaine dePierrelaye, plaine de Triel).

En 1904 les épandages s’étendent sur 5 300hectares répartis entre les régions de Gennevilliers,Achères, Carrière-Triel et Méry-Pierrelaye. Lespétitions des habitants ou les procès des villes debanlieue contre Paris se succèdent. « Une fois quela ville de Paris aura mis un pied chez nous, quelsque soient les inconvénients qui pourront enrésulter, il nous faudra intenter procès sur procèspour nous débarrasser de ces inconvénients »15.

En 1929, devant l’accroissement des besoins, laconstruction d’une station d’épuration est décidée surl’emprise des terrains soumis jusqu’alors auxirrigations dans le parc agricole d’Achères. Lapremière station d’épuration moderne à boues activéesest construite à Achères en 1938.

Pour satisfaire les besoins en eau potable (de source)d’une population de plus en plus importante, il estnécessaire de rechercher cette ressource de plus enplus loin au delà des limites de la région parisienne.Le programme de captage de nombreuses sourcesdans un rayon de 150 km autour de Paris défini parBelgrand sous le Second Empire est poursuivie :

- 1874 : mise en service de l’aqueduc de la Vannequi transporte jusqu’au réservoir de Montsouris l’eaude la Vanne captée au-delà de Sens- 1893 : mise en service de l’aqueduc de l’Avre qui

vient de Verneuil et capte les rivières de l’Avre etde la Vigne ;- 1900 : mise en service de l’aqueduc du Loing etdu Lunain, dans la région de Nemours ;- 1925 : mise en service de l’aqueduc de la Voulzie.

Après 1925, toutes les disponibilités pratiques dubassin de la Seine en eaux de sources sontconsidérées comme captées. L’idée déjà avancéesous Louis XIV pour alimenter Versailles de dériverdes eaux de la Loire sur Paris ou de les capter estreprise.

Le captage dans la nappe phréatique entre la Charité-sur-Loire et Gien, à 150 km de Paris, est déclaréd’utilité publique en 1931. Mais les difficultésfinancières et l’opposition des populations ligériennesajournent constamment la réalisation16.On peut citer le projet ambitieux de capter l’eau dansle lac Léman pour approvisionner Paris, présenté auconseil Municipal en 1898, puis remis à l’examen en1913. Le projet est définitivement abandonné quanddes analyses mettent en évidence une mauvaisequalité bactériologique des eaux de ce lac.Il est décidé de prélever l’eau dans la Seine et laMarne et la filtrer Les deux établissements filtrantsde Saint-Maur (Joinville) sur la Marne, et d’Ivry surla Seine sont mis en service en 1896 et en 1900.

En dehors de Paris, l’approvisionnement en eau estassurée dans chaque commune à partir des eauxsuperficielles les plus proches.

15 Travaux du comité de défense contre les projets de déboisement et d’irrigation de la forêt de Saint-Germain-en-Laye – Saint-Germain-en-Laye, Eaux d’égout de Paris, Chap. IV, Irrigations pratiquées à Gennevilliers et leurs conséquences, 1879, documentationDREIF.16 MOGARAY, André, L’alimentation en eau et l’assainissement, in Les grandes enquêtes Où va Paris, éd. Morvan n°18 – 21,décembre 1966 – septembre 1967.

L’alimentation de Paris en eau de source(DREIF/DERU/Michel Thomachot)

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L’industrialisation de larégion parisienne

A partir de 1880, l’augmentation de la populations’accompagne du développement industriel de larégion parisienne.

Après 1871, le territoire des nouveauxarrondissements de Paris n’est pas encore totalementurbanisé. A partir de 1880, de grandes entreprisesindustrielles s’y développent, en particulier dans le13e, 15e et 19e arrondissements. Cette poussée del’industrialisation déborde également des limites dela capitale.

On peut distinguer trois périodes :- 1870-1880 : maintien des industries traditionnelles,déclin des secteurs anciens comme l’industrie textile- 1880-1895 : transformation et modernisation decertaines activités comme la chimie ; apparition dela métallurgie, du travail des métaux, de laconstruction métallique et mécanique- 1890-1914 : essor de la construction mécaniquedans le domaine de l’automobile, de la constructionélectrique (moteurs, machines, téléphones), de lachimie, de la production d’énergie (dépôts etdistillation du pétrole, usines à gaz, centralesthermiques).

L’industrie à Paris et dans les communes limitrophesen 1880« Paris devient un centre industriel de premierordre et a accumulé autour de ses murs les usinesde toute espèce »17.

Les installations nécessaires à la vie de la capitalequi mobilisent de grandes emprises sont implantéesaux limites de la ville soit dans les arrondissementspériphériques soit en banlieue (implantation soumiseà l’autorisation du préfet de police de Paris par ledécret de 1810). Ce sont les secteurs de la PlaineSaint-Denis, Saint-Ouen, des bords de Seine à Ivry-Vitry et à Issy-les-Moulineaux qui accueillentmajoritairement les activités les plus dangereuses, lesplus bruyantes, les plus sales, les plus polluantes, cellesqui rejettent des vapeurs acides chargées de métauxlourds ou déversent directement leurs effluents dansles fossés ou caniveaux.

L’industrie à Paris et dans les communes limitrophesen 1895Plus de 7 300 établissements industriels soumis àautorisation ou déclaration18 sont recensés dans ledépartement de la Seine. Le XIe et lesarrondissements extérieurs de Paris accueillent le plusgrand nombre d’établissements de classe 2 et 3. Lenombre de grands établissements industriels diminuedans la capitale passant de 489 entreprises de plusde 100 personnes en 1873 à 307 en 1914 ; le quartdes grandes entreprises existant à Paris à la fin dusecond Empire a disparu avant 1900.

17 BERARD M., Infection provenant des usines incommodes autres que celles qui exploitent les matières de vidanges Rapport de lasous-commission nommée par M. le ministre de l’agriculture et du commerce en vue de rechercher les causes de l’infection produitedans le département de la Seine, 1880, documentation DREIF.18 Préfecture de Police de Paris, liste par arrondissement et par commune des établissements classés autorisés dans le département dela Seine, 1895.

Nombre d’établissements de classe 1 en 1880(DREIF/DUSD/ME/CC)

gazomètres du Cornillon à Saint-Denis(photothèque DREIF)

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Apparition de nouvelles industries -automobile, aéronautique, électricité,au début du XXe siècle

En 1900 la première voiture de grande série sort desusines de Dion-Bouton de Puteaux. La productionautomobile française place la France au premier rangmondial cette année là. Un tiers de la production estdestiné à l’exportation19.C’est à l’ouest de Paris, le long de la Seine, ques’installent les nombreux constructeurs, dans lesquartiers en arrière des Champs-Élysées, vitrine del’industrie automobile, à proximité d’une clientèleaisée20.Les premiers clients sont fortunés, aristocratesinternationaux désireux d’échanger leur attelagecontre une automobile. Un véhicule coûte cher àl’achat car réalisé à l’unité, et cher à l’entretien. C’estdonc une industrie de luxe où le constructeur estsouvent un monteur qui assemble des pièces réaliséespar des spécialistes sous-traitants.Levallois-Perret est la commune qui accueille le plusgrand nombre de sites de fabrication, puis Boulogne-Billancourt, Puteaux, Neuilly-sur-Seine, Suresnes,Courbevoie…A la veille de la première guerre mondiale Renault etPeugeot se détachent nettement de la concurrence.Le nombre de sites de production a progressé dansla banlieue ouest qui concentre les 9/10 des sites dont20% à Levallois-Perret. Renault à Boulogne-Billancourt est devenu le leader français avec 16%de part du marché national.

Tout comme l’automobile, la construction d’avionsdémarre dans l’ouest parisien. Les grandsconstructeurs sont : Blériot à Levallois-Perret puisSuresnes, Nieuport à Suresnes et Issy-les-Moulineaux, Voisin également à Issy-les-Moulineaux,Levavasseur à Puteaux, Potez à Courbevoie, Esnault-Pelterie à Boulogne-Billancourt, Ballot- Hispano-Suizaet SPAD à Paris…

Le développement de l’aviation nécessite des terrains.Le terrain de manœuvre de l’armée d’Issy-les-Moulineaux devient à partir de 1907 le théâtre d’unesérie d’essais et d’exploits. Mais il s’avère rapidementtrop petit pour les performances des avions. Lesconstructeurs en créent de nouveaux : Saint-Cyr-L’Ecole, Buc, Bois-d’Arcy, Châteaufort, Toussus-le-Noble, Villacoublay, Satory, Guyancourt, Juvisy...

Enfin l’industrie électrique se développeconsidérablement à la fin du XIXe et au début du XXe

siècle. Les établissements de grande taille sontdispersés dans la région parisienne. On en trouve àParis dans le XVe, à Colombes, à Clichy-sur-Seine, àIssy-les-Moulineaux, à Ivry-sur-Seine, à Romainville,à Saint-Denis et à Saint-Ouen.

La guerre 1914 - 1918 – conséquencessur l’industrialisation de la proche banlieue

La guerre assure l’accroissement durable du potentielindustriel de l’agglomération parisienne.Dès l’ouverture des hostilités en août 1914, l’industrieprivée française est appelée, au nom de « l’Unionsacrée » proclamée par Poincaré à soutenir l’effortde guerre. La mobilisation industrielle s’appuie surl’industrie lourde et les grandes entreprises. L’Etatpasse commande à des groupes de fabricationdominés par les grands industriels. A la tête du groupedes industriels de Paris se trouve le Comité des Forgeset Louis Renault.L’industrie automobile, chimique, aéronautique, lesconstructions mécaniques, l’appareillage électriquetravaillent pour la Défense nationale. Nombre de cesétablissements se reconvertissent dans la fabricationde munitions, de douilles, d’obus, de grenades ettorpilles, de canons, de tanks, de fil de fer barbelé, detoiles goudronnées…

La France devient le plus important producteurd’armes des Alliés : début 1918, environ 1 000 canonssortent par mois des usines d’armement ; 260 000obus, 3 000 fusils et 6 millions de munitions d’infanteriesortent chaque jour des usines. L’industrie de guerreemploie alors 1 600 000 personnes contre 50 000 en1914. Malgré la proximité du front, l’agglomérationparisienne devient, grâce à son infrastructure, lapremière région productrice d’armement. Lesprouesses de l’industrie de guerre s’accompagnentde la reprise de l’activité dans les autres secteurspour nourrir et vêtir l’armée, pour faire vivre ettravailler les civils.Les grandes entreprises se développent en superficieet recrutent du personnel. Le développement del’appareil productif entraîne des créationsd’entreprises comme celle de Citroën, quai de Javelà Paris dans le XVe arrondissement en 1915.Boulogne-Billancourt qui comptait une vingtained’usines en 1914 en compte 104 à la fin de la guerre.

19 Répertoire de la Chambre syndicale de l’automobile.20 LOHR, Évelyne, L’usine et la ville : le cas de l’ouest parisien au XIXe siècle (Chaillot, Bas-Passy, Ternes, Batignolles) - Thèse del’école nationale des Chartes soutenue en 2002.

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Les transports urbains21

Le transport fluvial de passagers sur la Seine connaîtsa période la plus faste entre 1880 et 1914. Le nombreannuel de passagers passe de 26 millions à 42 millionsen 1900, à l’occasion de l’Exposition Universelle oùle trafic fluvial atteint son apogée. Puis, avec lamultiplication des lignes de tramway à tractionmécanique et l’ouverture des lignes de métro, letransport fluvial de passagers diminue : 22 millionsen 1902, 16 millions de passagers en 1916. En 1917,le trafic est devenu insignifiant et les bateaux parisienssont supprimés.

Le réseau des tramways à traction animale sedéveloppe dans les années 1880 sous l’égide demultiples compagnies concurrentes. La CGO exploite16 lignes. Les Tramways du Nord et du Sud ontchacun en charge 11 lignes. Après des tentatives demotorisations diverses, les motrices électriquess’imposent à partir de 1900.Au début du XXe siècle 118 lignes de tramways sontexploitées par de nombreuses compagnies22. Endehors de Paris, quelques villes de banlieue disposentde leur réseau de tramway comme Versailles,Montmorency, Villiers-le-Bel, Fontainebleau, Melun...Après la période d’euphorie des années 1900 qui avaitvu se multiplier les entreprises de transport, denombreuses sociétés éprouvent des difficultésfinancières quelques années plus tard. En 1910, larégion parisienne est encore desservie par unequinzaine de compagnies de tramways dont les deuxplus importantes sont la CGO et la compagnie destramways de Paris et du département de la Seine(TPDS).

Paris va connaître d’importants travaux de voirie avecl’électrification des lignes de tramways, des voies àdouble sens.

Les réseaux d’omnibus hippomobiles évoluent etaugmentent leur capacité. En 1902 la CompagnieGénérale des Omnibus (CGO) dispose d’un réseaude 42 lignes. Puis, à partir de 1906, les voitures àtraction animale sont remplacées par des omnibusautomobiles ; le succès est immédiat. Plus de 1 000autobus sont mis en exploitation entre 1910 et 1914.

La réalisation la plus spectaculaire dans le domainedes transports publics est l’apparition du métropolitainen 1900. Dès le milieu des années 1840, était néel’idée de relier entre eux les grands réseaux de cheminde fer pour la desserte des halles centrales. Maisimmédiatement deux conceptions de ce futur moyende transport s’opposaient :- celle de l’État et des grandes compagnies de cheminde fer qui voulaient raccorder les lignes de banlieue,en souterrain ou non, par des lignes radiales et unecirculaire, privilégiant ainsi la pénétration des trainsde banlieue, comme le premier réseau londonien augabarit des chemins de fer;- celle de la Ville de Paris qui souhaitait un chemin defer strictement municipal, intra-muros, avec desstations rapprochées pour une desserte fine desquartiers.

En 1895, la Ville de Paris obtient gain de cause pourla construction d’un réseau purement urbain : l’Étatconcède à la Ville la conception et la maîtrised’ouvrage d’un chemin de fer métropolitain municipal,ne dépassant pas les portes de Paris, classé d’intérêtlocal et non plus général.Le 30 mars 1898 est promulguée la loi déclarantd’utilité publique la réalisation dans Paris d’un réseaude six lignes de chemin de fer à voie normale. Parcontre, les souterrains ont un gabarit réduit pourempêcher la circulation éventuelle des trains descompagnies de chemin de fer.Le 19 juillet 1900, la ligne n°1 est mise en servicedans une certaine discrétion. Les ouvertures desautres lignes se succèdent… pour créer un réseauimportant dès 1913.

21 ROBERT, Jean, Les transports dans les villes de France, c.a., 1974 etGAILLARD, Marc, Du Madeleine-Bastille à Météor, histoire des transports parisiens, éd. Martelle, 1991.22 la CGO (34 lignes), la Cie des Tramways de l’Est Parisien (13 lignes), la Cie des tramways de Paris et du Département de la Seine(21 lignes), la Cie Générale des Tramways (13 lignes), la Cie des Tramways Mécaniques des Environs de Paris (6 lignes), la Cie desChemins de Fer Nogentais (9 lignes), la Cie Electrique des Tramways Rive Gauche de Paris (2 lignes), la Cie des Tramways de l’OuestParisien (5 lignes), la Cie des Tramways électriques Nord Parisiens (2 lignes), la Cie du Chemin de Fer du Bois de Boulogne (1 ligne),la Cie du Chemin de Fer sur Route de Paris à Arpajon (1 ligne), le funiculaire de Belleville.

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Le chemin de fer

Le réseau de chemin de fer se modernise, les garesparisiennes sont agrandies, comme celle deMontparnasse en juillet 1900 pour recevoir les trainsParis Bordeaux. On quadruple les voies entre Pariset Clamart et on supprime des passages à niveau en1903. Le terminus des lignes de la Compagnie desChemins de fer d’Orléans est reporté à la gared’Orsay pour l’exposition Universelle, le 14 juillet1900.De nouvelles lignes ou raccordement voient le jour :lignes du Champs de Mars, Courcelles – Passy –Champs de Mars, Issy-les-Moulineaux – Viroflay,Puteaux – Issy-les-Moulineaux...

Après la défaite de 1870, il apparaît urgent de créerhors de l’enceinte de Paris un chemin de ferpermettant d’éviter le transit par les gares intérieurespour des besoins tant civils que militaires. Les liaisonsentre les réseaux autour de Paris sont stratégiques.La ligne est construite en arrière des nouveaux fortsdont le parlement a voté en 1874 les créditsnécessaires pour réaliser cette série d’ouvrages23.La Grande Ceinture est réalisée de 1877 à 1883 etcomplétée en 1886 par une ligne dite « stratégique »de Villeneuve-Saint-Georges à Massy-Palaiseau parOrly.

23 FOURNIER, Pierre, Rapport entre fortifications et chemins de fer en Ile-de-France, fortifications et patrimoine militaire en Ile-de-France – mémoire, obsolescence, conservation, réutilisation ? in Cahiers du CRESPIF (Centre de Recherches et d’Etudes sur Pariset l’Ile-de-France) n°48, septembre 1994.

La grande ceinture (DREIF/DUSD/ME/CC)

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En France, dès la fin du XIXe siècle, des personnalitésd’appartenances politiques diverses se retrouvent ausein du Musée social, créé en 1894 par le Comte deChambrun pour militer en faveur de la diffusion del’hygiène et du progrès social en particulier vers lesclasses populaires. Se situant au carrefour du privéet du public, le Musée social fait pression pour ledéclassement des fortifications de Paris pour y créerdes espaces verts. Son président, Jules Siegfried, estun ardent militant auprès des parlementaires d’unaménagement rationnel des agglomérations urbaines.La ville, symbole de la concentration ouvrière estconsidérée comme source d’insalubrité et d’épidémiescomme la tuberculose. Comme son expansion estinéluctable, il est nécessaire de rationaliser les espacesurbains et de contrôler la densité humaine. Nombred’architectes, qui ont appartenu à ce mouvement, seregroupent en 1913 au sein de la Société françaisedes architectes urbanistes24.

Les premières expériences d’un aménagement desvilles viennent de l’étranger : « C’est aux environsde 1910 que se manifestent les premièrestendances à élaborer une politique de l’extension.Le mot, comme la chose, sont dans l’air etpréoccupent les congrès d’urbanistes etd’hygiénistes. A l’étranger, en Allemagne, enSuisse, dans les pays scandinaves, l’aménagementraisonné des villes est en faveur, et partout il n’estquestion que de répartition par zones, derèglements gradués ou différentiels. L’Angleterrevient d’adopter « the housing town planning act »en 1909 et la première expérience de cité-jardins,celle de Letchworth, vient d’être réalisée »25.

Le 31 décembre 1910, le conseil municipal de Parisinvite le préfet de la Seine à constituer une« commission d’extension de Paris » composée demembres du conseil municipal, d’architectes,d’ingénieurs et de fonctionnaires, chargée d’élaborer

les conditions d’un concours pour dresser le pland’extension de Paris et des communes limitrophes.La création de cette commission, créée par arrêté du26 juin 1911, marque un début de volonté de déborderdu cadre strictement parisien et d’intégrer notammentla question des transports. « On commence àcomprendre en effet que Paris et sa banlieue ontles mêmes intérêts au point de vue de la circulation,de l’hygiène, de l’esthétique »26.Les travaux de cette commission sont stoppés par lapremière guerre mondiale.

Dès la fin de celle-ci, la loi du 14 mars 1919 (diteCornudet) qui reprend nombre de propositions duMusée social, impose aux villes de plus de 10 000habitants de se doter d’un plan de développementurbain à long terme.Le 23 avril 1919, M. Autrand, préfet de la Seine, créela direction de l’extension de Paris. A la mêmeépoque les conseils municipaux et le conseil généraldu département de la Seine créent un bureau d’étudesde l’extension qui se voit confier l’élaboration desprojets de plans d’aménagement et d’extension pourtoutes les collectivités de ce département qui enexpriment le désir.Un concours est lancé auprès d’architectes pour ladéfinition de ce plan sur la région parisienne en leurdemandant d’intégrer les communes du départementde la Seine, et même, s’ils le jugent nécessaire, desparties des départements voisins. Ce concourscomporte trois sections :- les projets d’aménagement d’ensemble de la régionparisienne,- les projets portant sur l’aménagement desfortifications- les projets ponctuels hors de Paris

Le lauréat de la première section, Léon Jaussely27,Grand prix de Rome en collaboration avec Roger-Henri Expert et Louis Sollier, propose d’assurer les

1910 – 1919 – Premiers projets d’un GrandParis à l’échelle du département de la Seine

24 CHAMBELLAND, Colette, Le Musée social et son temps, Paris PENS, 1998.25 LATOUR, François, L’aménagement du Grand Paris – Où en sommes nous ? Etude documentaire, (1934). M. Latour (1886 –1963) est élu du quartier Montparnasse de 1919 à 1941, républicain de gauche, avocat à la cour d’appel de Paris, il apparaît commele théoricien du projet urbain du Grand Paris, auteur d’une note avec un autre élu Georges Delavenne sur l’état actuel du programmed’extension de Paris en 1924.26 LATOUR, Op.cit. 25.27 Léon Jaussely (1875 – 1932), Grand Prix de Rome en 1903, premier prix du concours internationnal pour l’agrandissement del’agglomération de Barcelone, a réalisé les plans de Carcassonne, Pau, Vittel, Tarbes, Grenoble, Toulouse.

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migrations quotidiennes par l’extension du réseauferré et celles des pondéreux par des canaux. Ilsuggère la construction d’une série d’autoroutespaysagées et le transfert en banlieue de grandsétablissements, tels la faculté des Sciences ou lesHalles. Pionnier du « zoning », son agglomérationidéale comprend un centre désencombré rendu auxaffaires, tandis qu’un réseau de transports rapidespermet d’éloigner à la périphérie les quartiersindustriels et d’habitation afin de répondre auxobjectifs de fonctionnalisme, d’hygiène etd’esthétisme.

Il faut noter que dans le cadre de la section portantsur les projets ponctuels hors Paris, plusieurs équipesd’architectes proposent la création de véritables villesnouvelles dont une sur le plateau des Lilas -Romainville et surtout une autre28 au sud-ouest del’agglomération (Le Plessis-Robinson, Châtenay-Malabry, Vélizy-Villacoublay).La question du déclassement des fortifications et del’aménagement des terrains entourant Paris figure

également dans le programme du concours de 1919.L’avenir de ces immenses emprises mal utilisées entreParis et la banlieue constitue un enjeu très importantpour une nouvelle extension de Paris

Dix ans après le siège de 1870 – 1871, le républicainMartin Nadaud dépose à la Chambre une motiondemandant la désaffection de l’enceinte fortifiée deParis : « la grande ville étouffe dans sa camisolede force, et retarder plus longtemps le remblai dece fossé devenu deux fois inutile depuis laconstruction d’une seconde ligne de défense, c’estméconnaître les intérêts de la capitale et sacrifierceux de sa vaillante et laborieuse population »29 .

Les motions et projets demandant ce déclassementse succèdent durant de nombreuses années, butantsoit sur les projets des militaires, soit sur l’estimationdu coût des terrains appartenant à l’Etat. Ce n’estfinalement que le 19 avril 1919 qu’est votée la loi surle déclassement, quelques semaines après la loiCornudet.

Projet Jaussely

28 Projet présenté par MM. De Rutté, Bassompierre, Sirvin, Payret Dortail.29 NADAUD, Martin, proposition de loi (1882) extrait cité dans l’ouvrage de Jean-Louis COHEN et André LORTHIE, Desfortifs au périf, éd. Picard, 1992 publié à l’occasion de l’exposition « les seuils de la ville, Paris, des fortifs au périf ».

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Période 1920 – 1939 :

Le Comité supérieur de l’aménagement et del’organisation générale de la région parisienne (CSAORP)

Avec 2,9 millions d’habitants, la population de Parisatteint son point culminant en 1929. En 1936, lapopulation de la région parisienne s’élève à 6,8 millionsd’habitants dont 4,963 millions pour les 81 communesdu département de la Seine.L’afflux considérable de population entre 1920 et 1930dans la région parisienne se traduit par unedensification de la zone centrale avec des problèmesd’insalubrité, du développement de foyers de maladiesmortelles comme la tuberculose.Aux alentours de Paris, des lotissements de maisonsindividuelles se bâtissent au hasard de vastes parcellesdécoupées en lots sans équipement, sans voirieadaptées, sans raccordement aux égouts, sansbranchement à l’eau potable, à l’électricité, au gaz.

Organisation administrativede la région parisienneLa loi du 19 juillet 1924 institue une commissiond’aménagement de l’extension du département de laSeine qui, par l’action d’un bureau d’étudesdépartemental, doit coordonner les projetscommunaux d’aménagement, d’embellissement etd’extension des territoires situés dans le département.

Devant l’ampleur de la tâche pour coordonner desactions débordant de plus en plus le cadredépartemental, la nécessité d’un organisme centrals’impose. Aussi, en 1928, le gouvernement Poincarécrée le comité supérieur de l’aménagement et del’organisation générale de la région parisienne(CSAORP) dont les travaux aboutissent à la loi du14 mai 1932 prescrivant l’élaboration d’un projetd’aménagement régional.

Pour la première fois les notions d’agglomération etde région s’imposent.Les objectifs du CSAORP sont fixés par le ministrede l’intérieur Albert Sarrault : « Vous avez à

organiser la région parisienne, à instituer danscette région, il faut oser le dire, un régimed’exception. Il faut tout d’abord définir, tracerautour de Paris une ligne à l’intérieur de laquellecertaines choses, permises ailleurs serontinterdites.C’est ensuite seulement que vous pourrez aborderles taches constructives. Vous aurez d’autant plusd’autorité pour le faire que, dès le principe, vousaurez pris plus nettement position contre cet excèsde liberté qui, dans une vaste agglomérationcomme la notre, conduit toujours au désordre.Vous tracerez à ce désordre de légitimesbarrières ».

Le CSAORP, dont les bureaux sont au ministère del’intérieur, ne dispose pas d’agence de travail ni decrédits d’études. Sous la présidence de LouisDausset, il organise son travail en 5 sections.La centralisation des études de plans se fait sous ladirection d’Henri Chardon, président de section auconseil d’Etat auquel se sont joints Henri Prost etRaoul Dautry, directeur des Chemins de fer de l’Etat.Des vastes locaux sont ainsi mis à disposition d’HenriProst à la gare Saint-Lazare. C’est aussi au personneldu service des chemins de fer de l’Etat qu’est confiéela mission de reporter les nouveaux lotissements surles cartes d’état-major, tâche qui durera 2 ans, mettanten évidence la disparition de massifs forestier commecelui de la forêt de Bondy.

Jusqu’en 1932, le régime du département de la Seinen’est pas modifié mis à part le mode de nominationdes conseillers. Mais de nombreux projets vont tenterde réorganiser le département de la Seineconformément au droit commun. Certains tendent àdoter le département de la Seine d’une organisationparticulière comme celui d’Henri Sellier30 : « Pour[Henri Sellier], il ne paraît exister aucunorganisme pour gérer les problèmes relatifs auxintérêts généraux de l’immense agglomération que

30 LINDET, Robert, Henri Sellier et la question urbaine, éd. du Linteau, 1998 : Henri Sellier maire de Suresnes s’est spécialisé dansles questions urbaines dans le sillage d’Albert Thomas qui a rédigé en 1920 une brochure sur « Les banlieues urbaines et laréorganisation administrative du département de la Seine » dans “ Les documents du socialisme”.

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les maires des communes du département de Seine-et-Marne comprises dans la région parisienne, tellequ’elle est définie à l’article 2, et élus par le conseilgénéral de Seine-et-Marne, sur l’initiative du préfet ;Un maire, non conseiller général, pris parmi les mairesdes communes du département de l’Oise comprisesdans la région parisienne, telle qu’elle est définie àl’article 2, et élus par le conseil général de l’Oise,sur l’initiative du préfet ;Quarante membres, nommés pour trois ans par leministre de l’intérieur, parmi les juristes,fonctionnaires, urbanistes, techniciens et autrespersonnalités particulièrement qualifiées.

Font en outre, partie du comité, le préfet de la Seineet un certain nombre de hauts fonctionnaires relevantde son autorité, le directeur général des transports,de l’extension et de l’Inspection générale, le directeurgénéral des travaux de Paris, le directeur desfinances, le directeur du contrôle central, l’ingénieuren chef des Ponts et Chaussées du département dela Seine

Le comité supérieur comprend, de plus, desrapporteurs et des conseillers techniques nomméspar le ministre.Le président est nommé par décret.

Le CSAORP prépare la loi et le concours qui ouvrentla voie à l’élaboration du plan d’aménagement de larégion parisienne.

Le comité est constitué de la manière suivante :1° Six sénateurs élus par le sénat, six députés éluspar la chambre des députés, le vice-président duconseil d’Etat et quatre conseillers d’Etat en serviceordinaire nommés par le ministre de l’intérieur ;2° Les préfets des départements de Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne et Oise ou leursreprésentants3° Quatorze conseillers généraux élus pour la duréede leur mandat, respectivement : sept par le conseilgénéral de la Seine, quatre par le conseil général deSeine-et-Oise, deux par le conseil général de Seine-et-Marne et un par le conseil général de l’Oise.Trois au moins des conseillers généraux de la Seinedevront représenter des cantons suburbains : ceuxdes autres départements doivent être désignés parmiles cantons compris dans la région parisienne tellequ’elle est définie à l’article 2 ;4° Quatorze représentants des communesintéressées désignés pour la durée de leur mandat,dans les conditions ci après :Trois membres désignés par le conseil municipal deParis ; quatre maires, non conseillers généraux, prisparmi des communes du département de la Seine etélus par le conseil général de la Seine, sur l’initiativedu préfet ;Quatre maires, non conseillers généraux, pris parmiles maires des communes du département de Seine-et-Oise comprises dans la région parisienne, tellequ’elle est définie à l’article 2, et élus par le conseilgénéral de Seine-et-Oise, sur l’initiative du préfet ;Deux maires, non conseillers généraux, pris parmi

Le CSAORP

renferme le département de la Seine. Il y a, eneffet, considère-t-il, pour cette agglomération,deux catégories de problèmes nettement distincts :les uns qui ont un caractère purement local etn’intéressent que les habitants d’une zonedéterminée, les autres qui ont, au contraire, uneportée générale, intéressent non seulement unecommune déterminée, non seulement Paris ou nonseulement la Banlieue, mais aussi l’agglomérationtoute entière et à la solution desquels est liée laprospérité de toutes les parties de cetteagglomération [...]

Maintenant la commune et le département commeunités administratives fondamentales, la premièrepour les questions plus étroitement locales, laseconde pour les intérêts généraux, il estimait quel’agglomération parisienne toute entière devraitêtre gérée comme l’est un département et que leslimites du Département de la Seine devraient, aufur et à mesure de l’évolution du Grand Paris,être progressivement confondues avec les siennes ;en même temps, le régime communal de droitcommun serait étendu à la Ville de Paris dontchacun des arrondissements constituerait uneunité municipale particulière »31.

31 Préfecture de la Seine, Préfecture de Police d’après Maurice FELIX, Le régime administratif et financier de la ville de Paris et dudépartement de la Seine, la Documentation française, Evolution de l’agglomération parisienne – 1957, Histoire des administrationsparisiennes, tome 1, documentation DREIF 5093.1 - citant le livre d’Henri Sellier Les banlieues urbaine et la réorganisationadministrative du Département de la Seine, 1920.

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André Morizet, maire socialiste de Boulogne-Billancourt, développe une conception proche de cellede son ami Henri Sellier dans son livre paru en 1932« Du vieux Paris au Paris moderne » : il estime« que les villes de l’agglomération parisienne sontmal placées pour connaître des questions quiintéressent la collectivité entière et qu’il convientde donner au département la gestion des intérêtscommuns, laissant à la commune le soin desintérêts locaux ». Il est également partisan desupprimer le conseil municipal de Paris « qui répondmal aux besoins de la ville et dont le conseilgénéral grignote lentement toutes lesattributions ». Il propose de diviser Paris en 20communes distinctes pour que disparaisse la « villeMammouth » face aux 80 communes suburbaines dela Seine. Il souhaite également renforcer l’autoritédu préfet de la Seine dans l’intérêt de l’aménagementde l’agglomération32.Suite aux propositions d’André Morizet et d’HenriSellier, le gouvernement du Front populaire signe undécret le 7 septembre 1936 qui modifie l’organisationadministrative du CSAORP, ramenant le nombre deconseillers de 91 membres à 46. Mais cettemodification reste bien modeste, car le Gouvernementn’accorde pas plus d’autonomie à ce comité.

La ceinture rouge

Le pouvoir municipal s’affirme, s’oppose ou négocieavec le pouvoir des préfets. L’union des conseillersmunicipaux socialistes de la Seine est fondée en 1919.Les maires modérés s’organisent au lendemain duFront populaire dans une « Entente des municipalitésrépublicaines ».

Face aux revendications de leurs nombreuxadministrés, aux scandales des lotissementsdéfectueux, aux industriels peu soucieux du bien-êtredu voisinage de leurs établissements, le maire et sesservices municipaux se mobilisent fortement pourapporter leur soutien aux plus démunis.

La ceinture rouge autour de Paris annoncée par PaulVaillant-Couturier dans l’Humanité du 13 mai 1924 àla suite du premier tour des élections législatives sedessine. « C’est autour de Paris une large tacherouge qui s’étend… Paris, capitale du capitalisme,est encerclée par un prolétariat qui prendconscience de sa force »33.

Après les élections municipales de 1935 sur les 80communes du département de la Seine hors Paris, 26sont dirigées par un maire communiste.Quelques semaines après les élections municipales,25 conseillers communistes sur les 50 de banlieuesont élus au conseil général de la Seine.Aux élections législatives de 1936, 32 députéscommunistes sont élus dans le département de laSeine tandis que le communiste Georges Marrane,maire d’Ivry est élu président du conseil général dela Seine le 1er juillet 1936.

Le logement

On peut estimer à plusieurs centaines de milliers, lapopulation des mal logis dans la région parisienne. En1936 l’Echo du Grand Paris rapporte que « dans lesIIe, IVe, Ve arrondissements de Paris, il y a desmaisons qui abritent près de 100 personnes en20 chambres ; 10 000 familles de la capitale ayant3 enfants n’ont pour tout logement qu’une seulepièce »34.

Un centre de Paris insalubre

De 1894 à 1904, les employés du Service du casiersanitaire des maisons de Paris, au sein du Bureau del’assainissement de l’habitation de la préfecture dela Seine visitent toutes les maisons de Paris, décri-vent les conditions sanitaires et notent les décès sur-venus par maladies contagieuses.

Ce travail d’enquête aboutit à la délimitation de sixîlots de maisons insalubres, où la mortalité par tuber-culose dépasse de près du double la moyenne pari-sienne.En 1918, la poursuite de l’enquête aboutit à déclarerinsalubre une maison qui a connu dix décès par tu-berculose depuis 1894 et à dresser un plan de dix-sept îlots, où la proportion des maisons infectées estparticulièrement importante. On y retrouve les 6 déjàrepérés dans le premier recensement.

Ce plan des dix-sept îlots insalubres dicte l’actionfuture des transformations urbaines de la capitalependant tout le XXe siècle même si les travaux derénovation furent lents en raison des coûts et de ladifficulté des procédures d’expropriation.

32 MORIZET, André, Du vieux Paris au Paris moderne, Haussmann et ses prédécesseurs, éd. Hachette, 1932.33 L’Humanité du 13 mai 1924.34 L’Echo du Grand Paris n°68 du 16 février 1936.

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Les habitations à bon marché (HBM)

Depuis la loi Strauss de 1906, les communes et lesdépartements sont autorisés à employer leursressources propres en prêts, obligations et actions quisont ensuite offertes aux HBM. Ils peuvent aussi fairedes dons sous forme de terrain. Les HBM deviennentobligatoires dans chaque département.Avec la loi Bonnevay de 1912, « les pouvoirs publicsont non seulement le droit mais le devoird’intervenir résolument ». Cette loi prévoit la créationd’offices publics communaux et départementauxd’HBM.

En décembre 1912, au terme d’une convention entrel’Etat et la Ville de Paris, la propriété des terrains desfortifications est cédée pour 100 millions de francs àla Ville de Paris. Cette convention est approuvée parune loi du 19 avril 1919. La surface concédée est de444 hectares, la loi prévoit que 60 hectares soientréservés à la construction d’habitations à bon marchéet d’immeubles à loyers modérés.

En 1924, commence la démolition de l’enceinte. Lacrise du logement qui commence à sévir rendnécessaire la construction d’immeubles d’habitationpar les soins de la Ville ou d’organismes substitués àelle mais agissant sous son contrôle. La loi du 13 juillet1928 oblige Paris à intensifier son effort deconstruction. Faute de terrains disponibles à l’intérieurelle porte son effort sur les terrains des anciennesfortifications. Un programme de 20 000 logementsest décidé par délibération du conseil municipal le 7

juillet 1930 destinés pour partie à assurer le relogementdes locataires d’immeubles expropriés, en vue del’exécution des opérations de rénovation.

« Ainsi une ville est née aux portes de Paris,qu’encerclait autrefois une muraille grise et sansvie, coupée seulement de portes étroites et peuaccueillantes... Une ville est née qui fait à lacapitale un vivant anneau de constructions et deverdure, car l’on a prévu largement les espaceslibres […]A la périphérie des arrondissements du nord, del’est, du sud-est, du sud, du sud-ouest, des groupesimposants d’habitations à bon marché, du typeordinaire ou du type dit « amélioré », d’immeublesà loyers moyens ont été édifiés. Les espaces libresprojetés ne sont pas encore, pour beaucoup,aménagés ; cependant plusieurs squares sontouverts aux habitants. Citons : un square dans leXXe arrondissement, à la porte de Bagnolet ; lesquare Marcel Sembat, et le square d’Alsace, dansle XVIIIe arrondissement ; deux squares enbordure du boulevard Lefèbvre, dans le XVe

arrondissement ; un square en bordure duboulevard Masséna, dans le XIIIe arrondissementetc.C’est à l’ouest que l’œuvre réalisée estparticulièrement frappante et qu’elle apparaîtcomme particulièrement heureuse, car elle apermis de préserver et même d’accroîtrel’élégance de certains quartiers qui comptentparmi les plus beaux »35.

35 LATOUR, op.cit. 25 p.36.

Les HBM au sud de Paris dans les années 1980 (photothèque DREIF)

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Les cités jardins

Les cités jardins sont des lotissements intégrant deshabitations généralement à usage social et la voirie àdes espaces verts publics ou privés.La construction de cités-jardins est réalisée au Plessis-Robinson, Châtenay-Malabry, Arcueil, Gennevilliers,Suresnes.... L’importance quantitative de ces cités-jardins en région d’Ile-de-France est relativementréduite (environ 25 000 logements sur plus de 4millions), mais leur importance historique estconsidérable : d’abord par l’idéologie du mouvementdes cités-jardins qui apparaît en France dès 1903 avecla fondation de l’Association des Cités-Jardins sousle parrainage du Musée social ; ensuite indirectementpar les développements ultérieurs sur l’urbanisation.

Les réalisations de l’Office Public d’HBMde la Seine

Le principal promoteur des cités-jardins en régiond’Ile-de-France est l’Office Public d’HBM de laSeine, créé en 1916 par Henri Sellier36. Personnalité« reconnue » dans le domaine de l’urbanisme parisienHenri Sellier prend fait et cause pour l’améliorationde l’habitat des populations défavorisées37. L’Officelance dès la fin de la Première Guerre une grandepolitique d’acquisition foncière, et réalise 15 cités de

1920 à 193938, d’une centaine à plusieurs milliers delogements situées à quelques kilomètres de Paris

Les programmes et l’architecture subissent une netteévolution de 1920 à 1939 : les premières cités,relativement petites, composées en majeure partied’habitats individuels et directement inspirées descités-jardins anglaises (Drancy, Arcueil, Les Lilas,Gennevilliers) cèdent la place à des cités composéesen majorité d’habitats collectifs comprenant un vasteprogramme d’équipements, et où se fait sentirl’influence du mouvement moderne (Le Plessis-Robinson, Le Pré-Saint-Gervais, Champigny).

Ces cités, dont certaines sont terminées après 1945,et dont d’autres sont aujourd’hui totalement oupartiellement détruites, jouent un rôle de modèle vis-à-vis des autres maîtres d’ouvrage.

Les réalisations de l’office public d’HBMde la Seine-et-Oise

L’office public d’HBM de la Seine-et-Oise a réaliséquant à lui une trentaine de cités, dispersées danstoute la région. Elles présentent une organisationurbaine plus rudimentaire, inspirée des cités-jardinsanglaises, et avec une moins grande recherchearchitecturale. Les cités sont dispersées dans toutela région parisienne : Argenteuil, Arpajon, Athis-Mons,Beauchamp, Beaumont-sur-Oise, Bernes-sur-Oise,Le Blanc-Mesnil, Chatou, Etampes, La Ferté-Alais,Le Chesnay, Goussainville, Livry-Gargan, Montgeron,

36 Henri Sellier (1883 - 1943) maire de Suresnes de 1919 à 1941 ; sénateur de la Seine de 1927 à 1940 ; Président du Conseil généralde la Seine en 1937 ; Ministre de la Santé Publique dans le gouvernement de Front Populaire entre 1936 – 1937 ; créateur etadministrateur de l’Office d’habitations à bon marché de la Seine de 1914 à 1942, professeur à l’Institut d’urbanisme de l’Universitéde Paris.37 En 1921, Henri Sellier publie la crise du logement et l’intervention publique en matière d’habitat populaire, puis devient le fondateurde l’Association Française pour l’urbanisme. Il a également publié Les banlieues urbaines et la réorganisation administrative duDépartement de la Seine.38 Arcueil, Cachan, Châtenay-Malabry, Le Plessis-Robinson, Suresnes, Nanterre, Gennevilliers, Stains, Dugny, Drancy, Les Lilas, LePré-Saint-Gervais, Champigny-sur-Marne, Bagnolet.

cité jardin du Plessis-Robinson dans les années 1980(photothèque DREIF)

cité jardin de la Butte Rouge à Chatenay-Malabry(photothèque DREIF)

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Neuilly-sur-Marne, Poissy, Pontoise, Rambouillet,Saint-Germain-en-Laye, Trappes, Versailles.

Divers maîtres d’ouvrages publics ou privés réalisentaussi des cités jardins de toutes tailles selon diversmodèles d’urbanisation :

- sociétés coopératives ou anonymes d’HBM (Vitry-sur-Seine, Orly),- compagnies de chemins de fer (Mitry-Mory,Trappes, Montgeron, Villeneuve-Saint-Georges),- compagnies industrielles (Créteil, Epinay-sur-Seine, Vélizy-Villacoublay).

Le premier « grand ensemble »

C’est en 1935, qu’apparaît l’expression grandensemble dans un numéro d’Architectured’aujourd’hui39 consacrée à la cité de la Muette àDrancy des architectes Marcel Lods et EugèneBeaudouin. Les bâtiments sont réalisés entre 1933et 1935 en ayant recours d’une façon intensive à lapréfabrication d’éléments standardisés pour réduireles coûts de constructionL’objectif est de construire à bon marché deshabitations, bien ordonnancées, regroupéesensembles en réaction aux lotissements pavillonnairescar « la liberté individuelle a conduit au taudis ».L’ensemble des immeubles collectifs sociauxconstruits à cette période représente environ 85 000logements alors que l’on peut évaluer à 250 000logements les constructions réalisées à cette époqueen lotissements. Les locataires de ces immeublessociaux, moins de un million en 1939, sont « desouvriers et employés laborieux, rangés, économeset capables de payer un loyer ou les mensualitésd’accession à la propriété »40.

Les lotissements pavillonnaires

A partir de 1908, des pavillons modestes commencentà s’édifier sur des terrains lotis par des personnespeu fortunées qui en deviennent propriétaires grâceà la loi Ribot du 24 août 1908. Cette loi permetd’emprunter au faible taux de 3,5% la majeure partiede l’argent nécessaire à la construction d’une maisondestinée au logement personnel de l’emprunteur etde sa famille. Les prêts sont remboursables parannuités constantes à peine plus onéreuses qu’unloyer, garantis pour la femme et les enfants en casde décès du chef de famille par une assurance vie

obligatoire pendant la durée du prêt. Les salariéspeuvent trouver l’argent nécessaire pour devenirpropriétaire. Cela intéresse tout particulièrement lesprovinciaux transplantés souvent habitués à vivredans une maison individuelle, même modeste et quis’adaptent mal aux étroits logements parisiens ouqui éprouvent des difficultés pour trouver un toit.

« Ce n’est plus seulement la cherté des loyers quipousse les travailleurs à chercher en banlieue lecoin de terre où ils pourront édifier leur modestedemeure : c’est surtout la crise du logement, quine laisse aux nouveaux venus aucun espoir de sefixer dans la capitale. C’est encore la loi de huitheures, l’institution de la semaine anglaise, qui,en leur laissant à la belle saison de longuesheures de loisir, les incite à louer ou à acheter àtempérament un petit carré de terrain, dont laculture leur sera un délassement à la foisagréable et utile, en attendant qu’ils puissent yfaire construire la maison de leurs rêves. D’où lefoisonnement des lotissements et des constructionscalamiteuses, établies sans ordre, sans viabilitépréalable, au hasard d’une publicité agressive ettentatrice »41.

Entre 1920 et 1930, plus de 15 000 ha sont ainsiurbanisés par des lotissements (alors qu’entre 1850et 1914 seulement 3 000 ha avaient été lotis) sur desterrains à bon marché, situés parfois très loin enbanlieue, au hasard des grandes propriétés découpéesen lots.

Les conditions de vie ainsi créées pour les «mal-lotis»sont tellement catastrophiques, que le Parlement estconduit entre 1924 et 1945 à prendre sous la pressionde l’opinion publique des dispositions législatives etfinancières importantes pour chercher à y remédier.La loi Cornudet de juillet 1924 impose aux lotisseursde réaliser les travaux de viabilité et d’assainissementpréalables. Mais la crise est trop forte et l’article 12de cette loi permet aux préfets d’autoriser les ventes,locations ou constructions avant la réalisation destravaux prévus aux projets sous «la garantie certainede leur exécution», garantie illusoire bien sûr! Lestravaux ne seront pas exécutés. De plus cette loi nerègle pas le sort des lotissements déjà existants.

La loi du 15 mars 1928, dite loi Sarrault, surl’aménagement des lotissements défectueux permetaux associations syndicales de ces lotissements

39 ROTIVAL, Maurice, Les grands ensembles, in Architecture d’aujourd’hui, juin 1935.40 GUERRAND, Roger-Henri, Le temps des mal-lotis et des zoniers, revue Urbanisme, mars avril 1996.41 LATOUR, op.cit 25 p.36.

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d’assurer l’exécution des travaux nécessaires pourdonner à leurs habitants les mêmes conditions devie que ceux des lotissements plus récents enviabilisant les voies et en construisantl’assainissement. Les associations syndicales deslotissements antérieurs à juillet 1924 peuventcontracter des emprunts et obtenir des subventions(entre 33 à 50% du coût des travaux).La constitution des associations syndicales estdifficile car les propriétaires des terrains se sont déjàendettés pour construire leur maison. De pluscomment réaliser l’égout alors qu’il n’existe pas decanalisation communale ou départementale. Lacommune n’accepte de classer une voie privéemême si cette voie est l’épine dorsale d’unlotissement que lorsque les travaux ont été réalisés.Elle ne veut pas se substituer aux riverains. Cesdispositions expliquent la rancœur et lemécontentement des mal-lotis qui ont été souventdupés par un lotisseur connaissant les failles de lalégislation. Ainsi des terrains à usage de jardins sansviabilité sont vendus à des personnes qui souhaitentquand même y construire leur maison. Mais dans cecas la responsabilité du lotisseur est complètementdégagée.

Cette affaire de lotissements défectueux vastigmatiser la banlieue en général et lui donner uneimage négative pas toujours objective. « Lesbanlieues ne sont souvent qu’une agglomérationde baraques où la viabilité indispensable estdifficilement rentable. Maisonnettes mal

construites, baraques en planches, hangars oùs’amalgament tant bien que mal les matériaux lesplus imprévus, domaine des pauvres hères queballottent les remous d’une vie sans discipline,voilà la banlieue ! Sa laideur et sa tristesse sontla honte de la ville qui l’entoure. Sa misère quioblige à gaspiller les deniers publics sans lecontrepoids de ressources fiscales suffisantes, estune charge écrasante pour la collectivité. Lesbanlieues sont l’antichambre sordide des villes »42.

Les transports

La STCRP (société de transports en communen région parisienne)

A la fin de la guerre 1914 – 1918, les compagnies detransports en commun de surface par concession dela Ville de Paris et du Département sont en très grandedifficulté financière. Le 1er janvier 1921, leDépartement de la Seine fusionne 6 réseaux desurface43 pour créer la STCRP qui obtient laconcession du réseau de transport de surface pour30 ans. Dans les années qui suivent la STCRPabsorbe de nouveaux réseaux et fait de laconcurrence au métro dans Paris44 et aux trains enbanlieue.Les quartiers périphériques sont desservis par lestramways dont le réseau assure un bon service. Maisl’augmentation de la densité de population et desmigrations domicile-travail, nécessitent l’extension

42 Le CORBUSIER, La Charte d’Athènes, proposition.22.43 - CGO : Cie Générale des Omnibus,- TPDS : Cie des Tramways de Paris et du Département de la Seine,- CGPT : Cie Parisienne de Tramways,- EP : Cie de Tramways de l’Est Parisien,- SFN : Cie de Chemin de fer Nogentais,- RG : Cie électrique des tramways de la Rive Gauche.44 La STCRP et la CM (Compagnie du Métropolitain) fusionneront après-guerre pour donner naissance à la RATP.

lotissement pavillonnaire au Blanc-Mesnil (photothèque DREIF)

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d’un réseau ferré lourd, en particulier dans la petitecouronne. Des projets de lignes de tramways en sitepropre sont élaborés par la STCRP, qui ne voientjamais le jour.

La fin des tramways45

Quelques années plus tard, les tramways rendusresponsables des encombrements du centre de lacapitale, sont progressivement supprimés et remplacéspar des autobus. Dans son rapport soumis le 28novembre 1927 au Comité consultatif des transportsde surface, M. Jayot, directeur général à la préfecturede la Seine, préconise pour Paris « la suppressiondans la zone délimitée par les anciens boulevardsextérieurs de toutes les lignes de tramway,auxquelles suppléeraient le Métropolitain, dontle réseau est actuellement en voie d’achèvement,et les autobus »46.En 1929 le conseil municipal de Paris décide lasuppression totale des tramways intra-muros et en1932 le département de la Seine décide à son tour lasuppression totale de toutes les lignes de tramways,y compris celles circulant sur plate-formeindépendante. Ainsi disparaît la totalité de ce qui avaitété le plus vaste réseau de tramways unifié du monde.

Extension du métro en banlieueDès 1927, le principe de prolonger les lignes de métrodans les communes limitrophes est proposé.Parallèlement, apparaît l’idée d’un réseau ferrérégional, réunissant les grandes radiales ferroviairesde banlieue.En juillet 1928, le conseil général de la Seine fixe laliste des prolongements du réseau métropolitain enbanlieue :- ligne1 jusqu’au fort de Vincennes à l’Est et au pontde Neuilly à l’ouest- ligne 3 au pont de Levallois- ligne 4 au carrefour de la Vache Noire (Bagneux)- ligne 7 au cimetière Parisien de Pantin au nord et àla mairie d’Ivry au sud-est- ligne 8 au pont de Charenton- ligne 9 à la mairie de Montreuil et au pont de Sèvresou pont de Saint-Cloud- ligne 11 au fort de Rosny- ligne A47 (Nord-Sud) à l’église de Saint-Denis et àla mairie d’Issy- ligne B (Nord-Sud) au pont de Clichy et à la mairiede Saint-Ouen.

Un seizième prolongement est envisagé de la ported’Auteuil au pont de Saint-Cloud.

La nécessité d’instaurer une autorité organisatriceen région parisienne apparaît dès les années 30. Undécret-loi du 12 novembre 1938 instaure le comitédes transports parisiens, au sein duquel lesreprésentants de l’Etat sont majoritaires. Le 31 août1937 est signé le décret-loi approuvant la conventionconcernant la constitution de la SNCF avec le statutd’une société d’économie mixte dans laquelle l’Étatdétient la majorité et la nationalisation des réseaux àpartir du 1er janvier 1938.

L’automobileA la fin de la guerre 1914 – 1918, les industriestravaillant pour la défense nationale sereconvertissent. Certains constructeurs automobilesreprennent leurs anciennes activités comme Panhardou Renault qui était déjà en tête des constructeursavant guerre et qui a considérablement développé sonpotentiel industriel pendant le conflit. D’autresreconvertissent leur production comme Citroën quitransforme ses usines d’obus en chaînes de montageautomobiles ou Gabriel Voisin ses usines d’avions enfabriques d’automobiles...Les grands constructeurs français implantés en régionparisienne agrandissent et modernisent leurs usineset leurs chaînes de montage comme Renault quis’étend sur l’île Seguin. En 1938, le site de Billancourts’étend sur 70 hectares, emploie 38 000 salariés etproduit alors près de 60 000 véhicules par an.

La production automobile française, concentrée dansla région parisienne, atteint un pic en 1929 avec254 000 exemplaires (pic qui ne sera dépassé qu’en1949). Plus de 1 100 000 voitures roulent en Franceet la région parisienne est sillonnée tous les jours par400 000 voitures automobiles48.« A l’intérieur [de Paris], le mouvement de la rues’intensifie, avec des encombrements toujours plussensibles. Au dehors, les allers et retoursquotidiens des habitants de la banlieue quitravaillent dans la capitale, sans compter lesprovinciaux et les étrangers, obstruent les rubanspériphériques, tout autant que les boulevards. Ilse produit à chaque pas des embouteillagescontinuels, aggravés par les multiples goulots descommunes suburbaines collées à la métropole. Lemal est bien connu. Vues étroites, voies étroites »49.

45 LAEDERICH, Pierre, Les tramways de chez nous, éd. MDM, 1998.46 LATOUR, op.cit. 25 p.36.47 Lignes A et B : actuelle ligne 13.48 Mémoire descriptif général du plan, 15 juin 1935.49 DAUSSET, Louis, Président du Comité supérieur, Introduction au projet de plan d’aménagement de la région parisienne de 1934.

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50 PROST, Henri, Projet de plan d’aménagement de la région parisienne de 1934.51 Illustration du 12 août 1922, La Science et la vie n° 102 de 1925, Architecture d’Aujourd’hui (1932).52 Le CORBUSIER, La Ville radieuse, 1935.

L’aviationLes exploits d’aviateurs téméraires annoncent déjàle début de l’aviation commerciale et des grandesliaisons transatlantiques pour lesquelles desgigantesques hydravions sont construits. Il fautréserver des bassins d’amerrissage et des aéroportspour ce nouveau moyen de transport. L’aéroporttransatlantique de Trappes « est destiné à assurerles lignes desservant l’Amérique et l’Afrique. Ilsera essentiellement composé par un vaste pland’eau destiné à l’amerrissage des hydravions.[...] L’emplacement voisin de Trappes a été choisià cause de la nature du sous-sol favorable à laconstitution d’un vaste plan d’eau par extensiondes étangs existants actuellement. D’autre partla hauteur du plateau de Trappes au-dessus dela région parisienne permettra l’envol sanscrainte d’obstacles dans la brume »50.

Planification urbaineQuelques années après le concours de 1919, le conseilgénéral de la Seine dresse un vaste projetd’urbanisation pour accueillir 1,5 million d’habitantsdans des villes nouvelles d’au moins 30 000 habitantschacune, dont une à la Courneuve de 100 000habitants, desservies par chemin de fer électrique.La commission d’aménagement de la banlieue établitun avant projet schématique d’une agglomérationnouvelle sur une superficie d’environ 760 ha situéssur les communes d’Aubervilliers, la Courneuve, LeBourget, Dugny, Stains et Saint-Denis. 400 ha deterrains sont acquis par le Département mais pas d’unseul tenant. Un concours est organisé en 1924 par ledépartement de la Seine pour aménager ces terrainsauquel participe entre autres Raoul Dautry encollaboration avec l’urbaniste Jacques-MarcelAuburtin. Faute d’une législation foncière appropriéepour exproprier les terrains nécessaires, la réalisationd’un aménagement global de villes nouvelles ne sefera pas.

L’opération dite de Belle Epine au sud de Paris écarteles difficultés rencontrées dans l’opération villenouvelle à la Courneuve en choisissant un domained’un seul tenant ne présentant pas d’enclaves et nenécessitant pas le recours à l’expropriation. Ellecouvre 235 ha dont 212 situés dans le départementde la Seine sur les communes de Rungis et Chevilly-Larue « sur un plateau salubre, aéré et dont le sol

se prête fort bien à la construction ». Seul subsistele problème du transport à une période où la tendancen’est pas de prolonger les lignes de tramway mais deles supprimer. Ce projet ne verra pas le jour.Seules quelques cités jardins sont réaliséesponctuellement au gré des opportunités foncièresn’empêchant pas l’étalement anarchique deslotissements pavillonnaires.

Parallèlement à ces travaux, de nombreuses réflexionssont émises sur l’aménagement de Paris et sonagglomération.Auguste Perret imagine la construction d’une cen-taine de « maisons-tours » de 150 à 200 m de hau-teur ceinturant Paris, à l’emplacement des ancien-nes fortifications, et de 200 autres, le long d’uneavenue allant de la porte Maillot à la Croix de Noaillesdans la forêt de Saint-Germain-en-Laye51.En 1925, Le Corbusier participe à l’ExpositionInternationale des Arts Décoratifs de Paris où ilexpose un plan pour le centre de Paris, nommé PlanVoisin. Dans la présentation de ce plan, résultat deses réflexions sur un possible « Grand Paris » ilsouligne que la ville aura une configuration clairementségréguée, c’est à dire, que le zonage sera un desprincipes d’élaboration du projet : le plan “comprendla création d’éléments neufs essentiels : une citéd’affaires et une cité de résidences [...] La garecentrale se trouve entre la cité d’affaires et celledes résidences [...] La cité des résidences situéeà l’ouest de la nouvelle gare apporterait au centrede Paris des quartiers magnifiquement aérés, oùse dresseraient sur 30 ou 40 mètres de haut, lessièges du commandement politique : les ministèresregroupés. Les salles de réunion, de groupement,puis les salles de divertissement. Enfin, les grandshôtels de voyageurs ».La nouvelle grande traversée est – ouest que LeCorbusier imagine, est l’épine dorsale de la ville,parallèle à l’axe des Champs Elysées elle seprolongerait jusqu’à Saint-Germain-en-Laye engigantesque projet de “Route Triomphante”.Cette avenue ne serait pas comme un axe d’extensionde la ville mais plutôt comme un facteur dedensification du centre permettant de limiter lacroissance de l’urbanisation. « Paris aujourd’hui,délire, engorgé, sans but et sans programme,meurt. Et les tentations sont là : des mots ! « LeGRAND PARIS », 30, 50 kilomètres de diamètre :folie. Je réponds : resserrer Paris, en VILLERADIEUSE »52.

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Le Corbusier, plan Voisin de 1925

projet de ville nouvelle de Rungis de 1931 (archives DREIF)

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En 1930, Léonard Rosenthal, promoteur de galeries marchandes sur les Champs-Elysées lance un concoursd’idées sur l’aménagement d’une emprise englobant la porte Maillot.En 1931, la Ville de Paris et le Département de la Seine lancent à leur tour un concours officiel d’idéespour la voie allant de la place de l’Etoile au rond-point de la Défense. 35 projets sont remis. Le projetprimé est celui de Paul Bigot et des sculpteurs Landowski et Bouchard qui se concentre sur la Défense« acropole nationale ».

projet d’aménagement de la porte Maillot d’Henri Sauvage en 1931Centre d’archives d’architecture du XXe siécle

Projet d’aménagement de la porte Maillot d’Emile Louis Viret et Gabriel Marmoratpour le concours officiel de 1931