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 Croissance Résiliente et Intégration 2013 Le Groupe de la Banque africaine de développement en  Af r i q ue du Nor d

Le Groupe de La BAD en Afrique Du Nord 2013

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Les chapitres thématiques s’appuient sur des recherches récentes menées par ORNA et ORNB. Le chapitre1 basé sur l’article de la Série sur les Notes de Politiques pour l’Afrique du Nord «Promouvoir une Croissance Résiliente en Afrique du Nord» écrit par Gita Subrahmanyam. Le chapitre 2 «L’économie politique de la sécurité alimentaire en Afrique du Nord» par Jane Harrigan sort aussi de laSérie sur les Notes de Politiques pour l’Afrique du Nord. Le chapitre 3 «L’Intégration économique du Maghreb: l’heure de passer à l’action» est basé sur la présentation de Mustapha Rouis au séminaire du « la Journée Régional d’Intégration» tenu à Carthage. Les rapports originaux sont disponibles, avec références, dans les départements régionaux de l’Afrique du Nord. Ils ont pour but d’informerdes opportunités et défis à relever dans les pays et la région d’Afrique du Nord et s’inscrivent dans le cadre du partage de savoir porté par la Banque Africaine de Développement.

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  • Croissance Rsilienteet Intgration

    2013

    Le Groupe de la Banque

    africaine de dveloppement

    enAfrique du Nord

  • Pour ORNA, ce rapport a t prpar par Nice Muhanzu (Consultante) et Vincent Castel (conomiste principale), sous la supervisionde Jacob Kolster (Directeur).Pour ORNB, ce rapport a t prpar par Catherine Baumont-Keita (conomiste en chef lors de la prparation du rapport) et AnneSophie Ouedraogo (Consultante), sous la supervision de Nono Matondo-Fundani (Directeur).

    Les auteurs voudraient remercier pour leur contribution: Abdourahamane Charaf-Eddine (Charg de programme pays en chef, ORNA),Prajesh Bhakta (Charg de programme pays en chef, EGFO), Kossi Robert Eguida (CPO, DZFO), Alassane Diabate (Economiste paysprincipal, ORNB), Olivier Breteche (CPO, MAFO), Rad Sahar (Consultante, ORNA), Yasser Ahmad (CPO, ORNA), Gharbi JouadeMohamed (Consultant, ORNA), Malek Bouzgarrou (Economiste Pays Suprieur, ORNB), Benbahmed, Tarik (Economist pays, DZFO),Bitoumbou Pascal (Consultant, ORNB), Assitan Diarra-Thioune (Reprsentante Rsidente, DZFO), Sibry Tapsoba (ReprsentanteRsidente, EGFO), Amani Abou-Zeid (Reprsentante Rsidente, MAFO), Andrea Borgarello (Photographe), Johannes Svanback(Photographe). Les notes des projets ont t aussi revus par les diffrents chargs doprations des dpartement sectoriels.

    Les chapitres thmatiques sappuient sur des recherches rcentes menes par ORNA et ORNB. Le chapitre1 bas sur larticle de laSrie sur les Notes de Politiques pour lAfrique du Nord Promouvoir une Croissance Rsiliente en Afrique du Nord crit par GitaSubrahmanyam. Le chapitre 2 Lconomie politique de la scurit alimentaire en Afrique du Nord par Jane Harrigan sort aussi de laSrie sur les Notes de Politiques pour lAfrique du Nord. Le chapitre 3 LIntgration conomique du Maghreb: lheure de passer laction est bas sur la prsentation de Mustapha Rouis au sminaire du la Journe Rgional dIntgration tenu Carthage. Lesrapports originaux sont disponibles, avec rfrences, dans les dpartements rgionaux de lAfrique du Nord. Ils ont pour but dinformerdes opportunits et dfis relever dans les pays et la rgion dAfrique du Nord et sinscrivent dans le cadre du partage de savoir portpar la Banque Africaine de Dveloppement.

    La Banque africaine de dveloppement (BAD)

    Ce document a t prpar par la Banque africaine de dveloppement (BAD). Les dnominations employes dans cette publicationnimpliquent, de la part de linstitution, aucune prise de position quant au statut juridique ou au trac des frontires des pays. Aprstant defforts dploys pour prsenter des informations aussi fiables que possible, la BAD se dgage de toute responsabilit en casde dommages rsultant de lutilisation qui pourra tre faite de ces donnes.

    Publi par :

    La Banque africaine de dveloppement (BAD)Agence Temporaire de Relocalisation (ATR)B.P. 323-1002 Tunis-Belvedere, TunisieTl. : (216) 7110-2876Fax : (216) 7110-3779

    Design et mise en pageBanque africaine de dveloppementUnit des relations extrieures et de la communication (ERCU)Yattien-Amiguet L.Zaza cration : Hela Chaouachi

    Droit dauteur 2012 La Banque africaine de dveloppement Site web : www.afdb.org

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    Table des matires

    5 Avantpropos

    7 Prface

    11 Acronymes

    17 CHAPITRE 1 Promouvoir une Croissance Rsiliente en Afrique du Nord

    18 Introduction

    20 Cadre dvaluation de la rsilience et de la croissance en priode de crise

    23 Tendances de la croissance et rsilience face aux crises en Afrique du Nord

    47 Enseignements dautres rgions pour le succs de la mise en uvre des mesures de rsilience face aux crises

    49 Recommandations: Feuille de route pour promouvoir une croissance capable de rsister aux crises court et moyen termes

    55 CHAPITRE 2 Lconomie Politique de la Scurit Alimentaire en Afrique du Nord

    56 Introduction

    58 La scurit alimentaire en Afrique du Nord

    60 Effet de la flambe des prix des denres alimentaires en 2007/2008

    65 Rponse de politique court terme lenvole des cours mondiaux des denres alimentaire

    67 Une stratgie plus long terme pour la scurit alimentaire en Afrique du Nord

    77 Conclusions

    79 CHAPITRE 3 LIntgration conomique du Maghreb : lHeure de Passer lAction

    80 Introduction

    82 Opportunits et dfis de lintgration conomique

    84 Analyse dimpact et conclusions tires des efforts de lintgration rgionale

    88 Evolution des changes de biens et services

    94 Infrastructures et facilitation du commerce transfrontalier

    97 Obstacles lintgration

    101 Conclusion et Recommendations

    105 CHAPITRE 4 La Banque Africaine de Dveloppement en Bref

    107 Bref aperu du Groupe de la Banque africaine de dveloppement

    113 CHAPITRE 5 Le Groupe de la Banque en Afrique du Nord

    115 Aperu rgional

    121 Algrie

    141 Egypte

    169 Libye

    177 Maroc

    221 Mauritanie

    245 Tunisie

    289 CHAPITRE 6 Personnel et Contact

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    Avant-propos

    Gographiquement situe sur la frange nord ducontinent et historiquement vibrante dinfluencesde trois continents, l'Afrique du Nord occupe une placeimportante en Afrique. En 2011, l'Afrique du Nord est eneffet devenue l'picentre dun large mouvement social etpolitique-le Printemps Arabe-ayant vu le jour en Tunisie ets'tant propag dans et au-del de la rgion.

    Contribuant environ un tiers du PIB total de l'Afrique etabritant plus de 170 millions de personnes, l'Afrique duNord est aujourd'hui la rgion la plus prospre dans lecontinent et occupe une position gopolitique qui va bienau-del de son poids conomique. LAfrique du Nord est galement au coeur de l'histoire et des oprationsquotidiennes de la Banque Africaine de Dveloppement(BAD). Depuis le dbut de ses oprations en 1966, leGroupe de la Banque a engag en Afrique du Nord prsde 17 milliards de dollars en prts et dons, afin decontinuellement soutenir les peuples de la rgion dansleur volont de dvelopper et de moderniser leursconomies et d'amliorer leurs conditions de vie.

    Reconnaissant le partenariat solide existant entre la Banqueet la rgion, je suis heureux de vous prsenter le quatrimerapport annuel de la BAD sur l'Afrique du Nord. En plusde fournir un aperu du portefeuille des activits de laBanque (prts et dons) dans les six pays de la rgion,les trois premiers chapitres du rapport sarticulent autourdune discution thmatique sur la rsilience - dans lesstratgies nationales de dveloppement, dans la scurit

    alimentaire mais aussi dans la construction dune intgrationrgionale plus solide.

    Renforcer la rsilience est une dimension importante dans le dveloppement dune croissance inclusive et une meilleure protection des personnes pauvres etvulnrables. La rsilience reste au coeur de notre stratgiepour les dix prochaines annes qui a pour but de placerla Banque au centre de la transformation de lAfrique etdamliorer la qualit de la croissance dans le continentafricain. La rsilience permettra une croissance plusinclusive au profit de tous les africains et pas seulementcertains. Cette croissance sera environnementalementet conomiquement viable. Ceci est galement notreobjectif principal - fournir le meilleur appui possible auxpays de lAfrique du Nord afin damliorer les conditionsde vie des habitants de la rgion.

    Nous sommes fiers de rester engags dans cetteimportante rgion dAfrique du Nord, tout particulirementpendant cette priode de transition.

    C'est dans cet esprit que nous prsentons le rapportannuel de cette anne.

    Zondo SAKALAVice-Prsident Programmes pays, rgionaux et politiquesGroupe de la Banque Africaine de Dveloppement

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    Prface

    Plus de deux ans aprs le dbut du printemps arabe, lAfrique du Nord reste confronte au dfi detransformer la transition politique en gains dcisifs dansles domaines sociaux et conomiques. En plus desdifficults que rencontrent la rgion, le dveloppementdans les pays voisins na pas t favorable. Au Sud, largion a subi les effets nfastes des insurrections armeset des conflits dans les pays du Sahel. Au Nord, lEuropereste confronte la pire crise conomique depuis desdcennies. Bien que les dveloppements dans la rgiondiffrent, les dernires annes ont dmontres combienles pays de l'Afrique du Nord sont interdpendants etlis aux pays voisins, au nord comme au sud.

    La transition politique vers une meilleure gouvernanceet des socits plus participative en Afrique du Nordsinscrira dans la dure. Lobjectif prioritaire de laBanque Africaine de Dveloppement est de rpondreaux demandes dun dveloppement conomique etsocial plus inclusif en appuyant les efforts des pays dela rgion. Dans un contexte o les turbulences externeset internes sont courantes, la rsilience est la pierreangulaire dans la construction d'une plate-forme solidepour une croissance inclusive et une meilleure protectiondes personnes vulnrables. Ainsi, cette anne, le thme principal du rapport annuel de lAfrique Nord est la rsilience - dans les stratgies nationales dedveloppement, dans la scurit alimentaire mais aussidans la construction dune intgration rgionale plussolide.

    Dans le chapitre 1 de ce rapport annuel, intitulPromouvoir une Croissance Rsiliente en Afriquedu Nord, nous prsentons une analyse politiqueapprofondie de la rsilience aux crises dans la rgion -quil sagisse de la crise alimentaire mondiale, de la crise financire mondiale ou encore du Printemps Arabe en cours - et prsentons un tableau complet desvulnrabilits structurelles et induites des pays ainsi que

    des facteurs dadaptabilit. En associant lvolution dela situation macroconomique et les proccupationsmicroconomiques, le rapport montre, entre autres,limportance dune politique conomique et socialeinclusive et axe sur les pauvres pour garantir unestratgie de dveloppement moyen et long terme.

    Dans le chapitre 2, intitul conomie politique de la scurit alimentaire en Afrique du Nord, nous analysons la pertinence des tendancesmacroconomiques suivies et des rformes entreprisespar les pays dAfrique du Nord pour contenir les meutesde la faim et, plus rcemment, le Printemps Arabe. Lespressions budgtaires et les subventions actuellementen vigueur ntant pas viables, le chapitre prconiseune approche plus holistique de la stabilit alimentaire,incluant la gouvernance du commerce des produitsalimentaires, la productivit agricole et dautres initiativessociales.

    Dans le chapitre 3, intitul Intgration conomiquedu Maghreb le temps de laction, nous suggronsque la situation post-rvolutionaire actuelle reprsente uneopportunit historique pour les pays dAfrique du Nord de rajuster leurs relations commerciales et financires et acclrer les efforts dintgration conomique aussi bien lchelle rgionale que mondiale. Le chapitre examine galement les gains potentiels, les dfis et lescontraintes de lintgration rgionale. La mise en place des conditions ncessaires pour lmergence de chanesdapprovisionnement et de rseaux de production auniveau rgional, conformment aux recommandationsdu rapport, permettra de librer le potentiel conomiquede la rgion, de diversifier les exportations et de crerdavantage demplois.

    Le reste du rapport annuel prsente brivement leGroupe de la Banque (Le chapitre 4); les activits de laBanque en Afrique du Nord et un aperu du portefeuille

  • 8des activits de la Banque (prts et dons) dans les 6 pays de la rgion (Le chapitre 5); et nos coordonnesdtailles (Le chapitre 6).

    Nous esprons que le prsent rapport vous sera utile etnous apprcions tous commentaires que vous pourriezavoir.

    Jacob KolsterDirecteur Dpartement rgional de lAfrique du Nord(gypte, Libye, Tunisie)

    Nono Matondo-FundaniDirecteur Dpartement rgional de lAfrique du Nord(Algrie, Mauritanie, Maroc)

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    ALENA AMINAASEAN AVERROES-ParisBADBCIBEIBIDBIOBMDBMICE CCG CDCCECEN-SADCIMRCMBCNEDCNUCED DPEFDZFOEGFOEMAFFADFADESFAEFAOFAPAFEMFIVFKDEAFMI FMOFPMEIFSAPFSNGIREGSM IDE

    Accord de libre-change nord-amricain Initiative de la Banque Africaine de dveloppement pour la microfinance en AfriqueAssociation des Nations de lAsie du Sud Est Fonds sponsoris par CDC Enterprise et ProparcoBanque africaine de dveloppementBanque pour le commerce et lindustrieBanque europenne d'investissement Banque islamique de dveloppementSocit d'investissemnt BelgeBanques Multilatrales de DveloppementBanque Maghrbine pour lInvestissement et le Commerce Extrieur Caisse des dpts et des consignations Conseil de Coopration du Golfe Commision EuropenneCommunaut des tats sahlo-sahariens Caisse interprofessionnelle marocaine de retraiteCouverture mdical de baseCaisse nationale dquipement pour le dveloppementConfrence des Nations Unies sur le Commerce et le ....Direction des projets d'ducation et de FormationBureau national de la Banque en AlgrieBureau national de la Banque en EgypteAccs au march de lxportFonds africain de dveloppementFonds arabe de Dveloppement conomique et socialFacilit africaine de leauFood and Agriculture Organization of United NationsFonds d'assistance au secteur priv africainFonds pour l'environnement mondialFacilit dinvestissement pour le voisinage (Neighbourhood Investment Facility)Fonds koweitien pour le dveloppement conomique arabeFonds Montaire International Socit nerlandaise de financement du dveloppementFonds pour les PME et linnovationProgramme d'valuation du secteur financier Fonds spcial du Nigeria Stratgie de gestion intgre des ressources en eauGlobal system for mobile communication Investissement Direct Etranger

    Acronymes

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    IDHIFIRES ISETLEPCMAFOMAPMMENA MERCOSUR MLAMPEMWNBENPFNTM OCDEOMDONGOPEPORNAORNBOTRI OTRI_T PADESFIPAES IIPAFTA PAIPISEAU IIPMEPMIPMNPNP PMRPNDSEPNUDPPAPRECAMFPRIPRP

    Indice de dveloppement humain institutions de financementIndice de Restrictivit des changes de Services Institut suprieur denseignement technologiqueCentre de promotion des exportations de la Libye.Bureau national de la Banque au MarocMinistre de l'agriculture et de la pche maritimeMoyen Orient et Afrique du Nord March Commun du Sud (Argentine, Brsil, et Uruguay) Maghreb Leasing AlgrieMicro et petites entreprisesMegawattBanque nationale d'EgypteNation la Plus Favorise Mesures non tarifaires Organisation de coopration et de dveloppement conomiquesObjectifs du millnaire pour le dveloppementOrganisation non gouvernementaleOrganisation des pays exportateurs de ptrole Dpartement rgion nord 1Dpartement rgion nord 2Indice global des restrictions commerciales Indice des restrictions tarifairesProgramme dappui au dveloppement du secteur financier Projet dappui lenseignement secondaire, phase II Zone Panarabe de Libre change Programme dappui lintgration Projet dinvestissement dans le secteur de leau, deuxime phase Petite et moyennes entreprisesProgramme de modernization industrielleProgramme damlioration industriellePrts non productifs Pays membres rgionauxProjet dappui au dveloppement du systme ducatif Programme des nations unies pour le dveloppementParit de pouvoir d'achatProjet de renforcement des capacits des acteurs de la microfinance Pays revenu intermdiaireProjet de rduction de la pauvret

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    RAMEDSCCSFDSFISIDASIFEMSMTSNIMTRAINS UCUEUMAUPSUSAIDZLE

    Rgime dassistance medicale aux economiquement demunisSystme de Collaboration et de CommunicationFonds social gyptien pour le dveloppement La Socit financire internationaleSyndrome de l'Immuno Dficience AcquiseFonds d'investissement suisse pour les marchs mergentsStratgie moyen terme Socit nationale industrielle et minireAnalyse des changes et Systmes dInformation Units de comte Union europenneUnion du Maghreb Arabe Rseau lectrique unifiAgence des tats-Unis pour le dveloppement international Zone de libre change

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    Le Groupe de la Banque africaine de dveloppement en bref

    Mission : Promouvoir une croissance conomique inclusive et rduire la pauvret en Afrique Anne de cration : 1963 Institutions du groupe :

    o Banque africaine de dveloppement (BAD)o Fonds africain de dveloppement (FAD)o Fonds spcial du Nigeria (FSN)

    Sige : Abidjan, Cte dIvoire Agence temporaire de relocalisation : Tunis, Tunisie Actionnaires :

    o 53 pays africains (pays membres rgionaux)o 25 pays non africains (pays membres non rgionaux)

    Prsident : Donald Kaberuka Effectif total : 2005 Nombre de bureaux extrieurs : 34, avec 2 centres de ressources rgionaux (Nairobi et Pretoria)

    et trois representations speciales (Guine Bissau, Maurice, Sao Tom et Principe). La Banque a galement mis en place (en 2012) un bureau de reprsentation extrieur Tokyo, au Japon.

    Capital autoris au 31 dcembre 2012 : 66,98 milliards dunits de compte (UC), soit 102,48milliards dUSD.

    12me reconstitution gnrale des ressources du FAD (2011-2013) : UA 5,805 billion (US$ 8,84 billion).

    Approbations cumules, 1967-2012 : 3 796 prts et dons dun montant total de 63,66 milliardsdUC soit 85,84 milliards dUSD (les oprations multinational inclus).

    Au mois de mars 20131,00 UC est lquivalent de

    Dollar des tats-unisEuro Dinar algrienLivre gyptienneDinar libyenDinar marocainOuguiya mauritanienDinar tunisien

    1,561,15118,7010,221,9312,85451,282,39

  • L e G r o u p e d e l a B a n q u e a f r i c a i n e d e d v e l o p p e m e n t e n A f r i q u e d u N o r d - 2 0 1 3

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    T h e A f r i c a n D e v e l o p m e n t B a n k G r o u p i n N o r t h A f r i c a

    ???

  • ???Chapitre 1Promouvoir une Croissance Rsiliente en Afrique du Nord

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    Introduction1

    Mohammed Bouazizi est n en 1984, anne durantlaquelle les meutes du pain ont clat en Tunisie.Sil est vrai que lauto-immolation de Bouazizi estconsidre comme le dclencheur des soulvements de2011 en Afrique du Nord ayant abouti la chute deplusieurs rgimes de la rgion, il nen demeure pas moinsque leur vritable cause est la situation conomiquedfavorable, aggrave par les rpercussions des crisesmondiales dune ampleur ingale depuis le dbut desannes 80. En 2008, les cours mondiaux des produitsalimentaires et du ptrole ont dpass pour la premire foisleurs niveaux record des annes 80 et, au milieu de lanne2008, le monde est entr dans la plus grave rcessionconomique depuis les annes 80. Les effets indirects dela crise financire actuelle ont entran une nouvelleaugmentation des taux de chmage dj particulirementlevs, notamment chez les jeunes, entranant certainesfamilles en-de du seuil de pauvret. Laugmentation des cours des produits de base qui a prcd et suivilclatement de la crise financire a aggrav les frustrationsalors mme que les ingalits sociales saccentuaient etque le capital humain restait inusit. Les causes dessoulvements de 2011 sont ainsi les mmes que cellesdes meutes du pain de 1984.

    La situation actuelle est sans doute plus grave quen1984, et ce pour plusieurs raisons. Premirement, lesrvolutions du Printemps Arabe ont transform unedouble crise (alimentaire et financire) en triple crise, lesincertitudes sur le plan politique sajoutant aux problmesconomiques de la rgion. Deuximement, les principauxpartenaires commerciaux des pays dAfrique du Nord,membres de la zone euro, sont confronts une crise dela dette dune ampleur comparable celle qui a svi en

    Amrique latine en 1982. En outre, depuis 1984, la plupartdes pays dAfrique du Nord ont entrepris les rformesconomiques prconises par le FMI et la Banquemondiale et se trouvent prsent face un dilemmedifficile : la privatisation progressive et la libralisation ducommerce ont rendu leurs conomies plus vulnrablesaux effets dentranement des crises internationales, maisles pays ont tout de mme besoin daccrotre leursengagements sur les marchs mondiaux pour promouvoirla croissance et le dveloppement.

    Les crises conomiques deviennent de plus en plusfrquentes mesure que se renforce lintgration financiremondiale. Cest la raison pour laquelle les pays dAfriquedu Nord (et les autres pays en dveloppement) doiventidentifier les moyens de renforcer leur rsilience face auxcrises qui pourraient entraver la croissance et remettre encause les avances en matire de dveloppement. Cespays doivent galement se concentrer sur des stratgiesde dveloppement axes sur les pauvres sils veulent rsoudredfinitivement les problmes sociaux qui dstabilisent largion, aujourdhui comme en 1984.

    1 Ce chapitre a pour origine un document de travail prsent par Mme Gita Subrahmanyam dans le cadre de la srie de documents de politiques de la

    BAD sur lAfrique du Nord.

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    Le prsent chapitre propose des stratgies pour promouvoirune croissance rsiliente dans les pays dAfrique du Nord.Pour les besoins de lanalyse, on entend par Afrique du Nord : lAlgrie, lgypte, la Libye, le Maroc et la Tunisie. Ledocument value limpact des rcentes crises sur ces pays,examine de matire critique les interventions des pouvoirs

    publics pour contenir leurs effets et prsente des solutionsaux dcideurs. Le chapitre dmontre que, mme si les paysdAfrique du Nord sont confronts leur plus grand dfidepuis le dbut des annes 80, la situation actuelle offre desopportunits uniques pour acclrer la croissance et rendrecelle-ci plus soutenue et inclusive.

  • La rsilience face aux crises est assure en rduisant lesvulnrabilits systmiques et en renforant les capacitsdadaptation, de manire minimiser les effets des chocsexternes sur les processus de croissance et de

    dveloppement des pays. Dans le mme temps, intensifierles moteurs de la croissance et de sa rpartition peutpromouvoir la rsilience face aux crises, qui est optimisedans un environnement de croissance inclusive.

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    Cadre dvaluation de la Rsilience et de laCroissance en Priode de Crise

    Rsilience face aux crises

    Capacit dun pays donn anticiper, absorber, intgrer ou surmonter efficacement et temps les effets dun choc ou dun stress

    Capacits dadaptation

    Accs dun pays donn aux ressources et/ou contrle de ces ressources pour faire face aux chocs ou au stress

    (Facteurs induits par les politiques)- Niveau national- Niveau du march- Niveau des mnages

    (Facteurs structurels)- Dotation en resources naturelles

    (Facteurs structurels)

    - Ouverture conomique- Concentration des exportations- Dpendance lgard des importations stratgiques

    (Facteurs induits par les politiques)

    Vulnrabilit

    Risque que la croissance et le dveloppement dun pays en dveloppement soient entravs par les chocs ou stress externes (ou naturels)

    Le concept de rsilience est lobjet dune abondantelittrature sur la faon de contrer les menaces planantsur le dveloppement humain et lies aux chocs oustress conomiques, politiques, sociaux ou naturels(Briguglio et al, 2009; TANGO International, 2012;Guillaumont, 2009). Ce concept a pris une placecentrale dans lagenda international du dveloppement,dans le sillage de la crise financire mondiale et de seseffets sur les pays et communauts vulnrables (CESAP,2011; Clark, 2012; Zhu, 2012).

    La vulnrabilit est le risque pour un pays (pauvre)de voir son dveloppement entrav par les chocsnaturels ou externes auxquels il est confront

    (Guillaumont, 2009 : 195). La vulnrabilit aux crisespourrait tre cause par des facteurs structurelsou induits. Dune part, les caractristiques structurellesdun pays donn peuvent le rendre vulnrable auxchocs externes ou naturels. En ce qui concerne les paysen dveloppement, lintgration lconomie mondialeest une cause majeure de vulnrabilit structurelle, tantdonn que louverture commerciale les expose auxeffets des crises extrieures, par exemple des chocscommerciaux ou de la fluctuation des cours mondiauxdes produits de base. La vulnrabilit structurelle estmesure sur la base des trois variables: louvertureconomique, cest--dire le degr de dpendancecommercial et financier dun pays lgard des marchs

    Figure1 : Rsilience Face aux Crises: Dfinition et Dterminants

    Source : Adapt de Briguglio et al (2009: 232)

  • ou fournisseurs extrieurs, notamment les investissementsdirects trangers (IDE), laide publique au dveloppement(APD) et les envois de fonds par les travailleurs migrants; la concentration des exportations, cest--dire ladpendance dun pays lgard de quelques produitsdexportation ; et la dpendance lgard des importationsstratgiques, cest--dire le degr de dpendance dunpays lgard des importations pour se doter desprincipales ressources dont il a besoin, notammentlnergie et les produits alimentaires ou industriels(Briguglio et Galea, 2003, CESAP, 2009 :2). Dautre part,la vulnrabilit dun pays peut tre induite parlincapacit des politiques publiques contrecarrer ou absorber les effets des chocs externes sur les groupesou secteurs fragiles, accentuant ainsi leur sensibilit auxchocs futurs et rduisant leur rsilience face aux crises2.

    La capacit dun pays faire face aux crises estdtermine, en grande partie, par sa capacitdadaptation, cest--dire laccs de ce pays auxressources et le contrle quil exerce sur celles-ci pouramortir les chocs ou tensions. La capacit dadaptationconstitue un aspect cl de la rsilience face aux crises : lesinstitutions et les individus faisant preuve de rsilience

    accumulent et maintiennent des rserves suffisantespendant les priodes favorables, en prvision des priodesdifficiles. La capacit dadaptation peut varier en fonction dudegr daccumulation lchelle du pays, du march ou desmnages. Au niveau national, la rsilience est dtermine, engrande partie, par la capacit budgtaire, cest--dire lacapacit des pouvoirs publics financer des dficitsimportants, sans pour autant compromettre la stabilitmacroconomique et la viabilit de la dette3. Lesgouvernements prudents renforcent leurs capacitsbudgtaires pendant les priodes fastes en accumulant desrserves de trsorerie et la capacit dassumer une detteextrieure en priode de crise. Parmi les autres facteurs destabilit conomique, on pourrait citer la solidit et lalgitimit du gouvernement, la mise en place dinstitutionsde qualit et lexistence de ressources naturelles prcieuses.Au niveau microconomique, la rsilience dpend de lasolidit du march et des mnages. Il sagit pour lesentreprises dvoluer dans un environnement juridique etrglementaire propice et davoir accs aux capitaux et auxmarchs, tout en disposant dune main-duvre diversifieet capable de contribuer la productivit et linnovation.Pour les mnages, la rsilience passe par des infrastructuresstables, des opportunits abondantes en matire demploi,laccs aux prts ou aux mcanismes de protection socialeet des possibilits de mise en valeur et dutilisation du capitalhumain. En temps de crise, les capacits dadaptationpeuvent tre renforces tous les niveaux par le recours une aide conomique ou autre forme dappui provenant de sources extrieures, gouvernements trangers, ONG ou groupes communautaires. Toutefois, laide extrieure est plus facilement mobilise la suite de chocs rapides et visibles quen cas de chocs plus lents et moins perceptibles.

    Le niveau dagrgation joue galement un rle dans larsilience face aux crises. Les cots de protectioncontre certaines menaces extrieures peuvent savrertrop levs pour les individus et les mnages, tant

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    2 Il convient de noter que les vulnrabilits peuvent galement tre induites par les politiques publiques pendant des priodes autres que les priodes de crise. 3 Les principales mesures visant renforcer les capacits budgtaires sont lquilibre budgtaire, la dette extrieure, le solde du compte courant, lpargne

    brute et les rserves internationales (PNUD, 2011: 226-228). Cependant, les taux dinflation et les taux de croissance du PIB constituent galement des

    facteurs importants, compte tenu de leur incidence sur laccs des pays au crdit et du cot de lobtention du crdit.

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    donn la complexit des problmes dans le contextede la mondialisation. La population dpend alors despouvoirs publics pour assurer la fourniture des bienscollectifs qui, moyennant le paiement des impts,permettent de rpondre des enjeux tels que le changementclimatique, la pollution, lapprovisionnement en eau et endenres alimentaires, etc. Les pouvoirs publics jouent unrle particulirement important dans le cas des groupesmarginaliss, et notamment des pauvres qui manquentdes moyens de subsistance essentiels en priode deprosprit et qui, souvent, ne disposent pas dexcdentsquils pourraient utiliser en priode de crise. Dans ce cas,les pouvoirs publics sont pourvoyeurs des biens publicsindivisibles et appels jouer un rle de rgulateur au seinde la socit. Toutefois, si les gouvernements doiventadopter des politiques de soutien aux groupes vulnrablesils ne doivent pas pour autant les rendre dpendants delaide de ltat, auquel cas les capacits dadaptation deces groupes et des gouvernements eux-mmes seraientaffaiblies. La rsilience face aux crises devient optimalelorsque les gouvernements appliquent des mesures quiprotgent les groupes vulnrables contre les effets des

    crises tout en les autonomisant, en renforant leurscapacits dadaptation et en contribuant consoliderleurs forces sur le plan politique.

    Accroitre les moteurs de la croissance et tendre sarpartition dans un pays renforce la rsilience auxcrises, qui est optimise dans un environnement decroissance inclusive, cest--dire une croissanceconomique qui saccompagne de lgalit sur le plandes revenus. La croissance inclusive a trois principalescomposantes : la croissance rapide, indispensable pour rduire substantiellement la pauvret ; la croissance base largie, qui bnficie aux divers secteurs conomiques; et linclusion, qui garantit que la croissance bnficie la grande partie de la main-duvre dun pays. Le concept dinclusion couvre lquit, lgalit deschances et la protection pendant les priodes de transitionvers le march et lemploi. Ainsi dfinie, la croissance inclusive tablit des liens directs entre les dterminantsmacroconomiques et microconomiques de la croissance,et est conforme la dfinition de la croissance bnficiantaux pauvres (pro-poor).

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    Tendances de la Croissance et Rsilience face auxCrises en Afrique du Nord

    Durant la dcennie coule, lAfrique du Nord a tfrappe par trois crises et est maintenant menacepar une quatrime. Trois de ces quatre crises (crisealimentaire mondiale, crise financire mondiale et,rcemment, crise de la dette de la zone euro) ont desorigines externes et ont touch les pays dAfrique duNord essentiellement travers leurs vulnrabilitsstructurelles. La quatrime crise, celle du PrintempsArabe, est dorigine interne et a t dclenche par les vulnrabilits induites , provoque par lincapacit des

    gouvernements en place protger efficacement lesgroupes vulnrables contre les effets des chocsantrieurs. Etant donn que les politiques publiquesnont pas radicalement chang la suite du PrintempsArabe, les pays dAfrique du Nord sont actuellementplus vulnrables encore aux chocs externes, si bien quela crise de la dette de la zone euro, qui sajoute la crisealimentaire mondiale et la crise financire mondiale,constitue une menace pour le redynamisation de largion et sa croissance future.

    Crisealimentairemondiale

    Crisefinanciremondiale

    Crise dela dette dans la zone euro

    Crise duPrintempsArabe

    Pays dAfrique du Nord

    Vulnrabilits structurelles:

    Ouverture conomique Concentration des exportations Dpendance lgard des importations stratgiques

    Vulnrabilits induites:

    Sensibilit accrue aux chocs lis au commerce et aux cours des produits de base Sensibilit accrue la baisse des IDE et dautres apports de capitaux Sensibilit accrue la diminution des envois de fonds par les travailleurs migrants Propension accrue aux troubles sociaux

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    Figure 2 : Tendances de la vulnrabilit aux crises en Afrique du Nord

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    Relance conomique Mondiale et

    Crise Alimentaire Mondiale

    Effets de la Relance conomique Mondiale etde la Crise Alimentaire Mondiale

    La relance conomique mondiale enregistre sur la priode2003-2008 sest traduite par une croissance forte et stableen Afrique du Nord. Les gouvernements de cette rgion ontaccompagn cette expansion conomique en mettant enuvre une rforme unilatrale des tarifs et en signant desaccords de libre-change bilatraux et rgionaux. Cest ainsique la part de lAfrique du Nord dans le commerce mondialest passe de 0,8 % en 2003 1,3 % en 2008 et que leschanges de biens ont reprsent une proportion croissantedu PIB des pays de la rgion. Les recettes tires du tourismeont galement augment dans tous les pays de la rgion,sauf en Libye. La croissance a donc t forte, et le PIB rela augment un taux annuel moyen oscillant entre 4,1 % et5,5 % dans tous les pays de la rgion, sauf en Libye o lacroissance du PIB rel a t plus rapide. Quant lacroissance du PIB par habitant, elle a galement t bonne,oscillant entre 2,5 % en Algrie et 5 % en Libye. Les progrsraliss par les pays de la rgion dans louverture de leursmarchs et la privatisation de certains secteurs delconomie, ce que mme la Libye a commenc faire aprs 2003, leur ont permis dattirer davantagedinvestissements directs trangers (IDE) et dautres capitauxprivs. Lgypte, le Maroc et la Tunisie ont galementenregistr une augmentation de la capitalisation du marchet du volume des changes boursiers. Les pays de la rgionont galement bnfici dune augmentation de laidepublique au dveloppement et dautres concours publics.

    La crise alimentaire mondiale, qui a t provoque par la hausse rapide des prix des produits alimentaires et

    ptroliers entre 2003 et 2008, a eu des rpercussions sur lacroissance dans la rgion. Les effets de la crise sur lespays ont t proportionnels leurs vulnrabilitsstructurelles spcifiques, cest--dire leur degr dedpendance lgard des importations stratgiques ouau degr de concentration de leurs exportations. Lespays importateurs nets de ptrole (gypte, Maroc et Tunisie)dpendent des importations pour couvrir leurs besoins enproduits alimentaires et ptroliers et sont donc sensibles aux chocs des cours de ces deux produits. Les paysexportateurs nets de ptrole (Algrie et Libye) dpendentgalement des importations pour couvrir leurs besoins enproduits alimentaires, mais leur principale vulnrabilitstructurelle rsulte de la concentration de leurs exportationssur le ptrole et le gaz qui reprsentent plus de 95 % detoutes leurs exportations et une grande part de leur PIB4.Ces pays sont donc plus sensibles aux chocs conscutifs la fluctuation des cours du ptrole qu ceux conscutifs la fluctuation des cours des produits alimentaires. Etantdonn que les cours du brut ont augment plus rapidementque ceux des produits alimentaires entre 2003 et 2008,lAlgrie et la Libye ont enregistr un boom de leurschanges commerciaux, tabli des excdents dans leurscomptes courants et leurs budgets et consolid leursrserves internationales. Les exportations et les recettesfiscales des pays importateurs nets de ptrole ontgalement augment, mais comme ces pays devaientabsorber les cots croissants lis la hausse des coursdu ptrole et des produits alimentaires imports, ils ont enregistr une dtrioration de leurs changescommerciaux et du solde de leurs comptes courants.

    Face aux effets conjugus de la relance conomiquemondiale et de la crise alimentaire mondiale, tous les paysdAfrique du Nord ont mis profit la relance pour renforcerleurs capacits budgtaires, par exemple en rduisant lepoids de la dette, en augmentant lpargne nationale et

    4 Les hydrocarbures reprsentaient 67 % du PIB de la Libye et 44 % de celui de lAlgrie en 2007.

  • en prenant des mesures pour grer linflation ; mais lespays importateurs nets de ptrole ont vu seffriter leurssoldes du fait de laugmentation des cots des importationsde produits alimentaires et ptroliers qui les a empchsde renforcer leurs capacits budgtaires de maniresubstantielle. Ces pays se sont donc retrouvs confronts un dsquilibre de leurs budgets et de leurs comptescourants, en plus de faire face une dette extrieureleve et dafficher des niveaux relativement faiblesdpargne et de rserves, alors quils taient en pleinepriode de relance conomique5. La forte dpendance de lgypte lgard des importations de produitsalimentaires a entran une inflation deux chiffres et undficit budgtaire considrable. La dtrioration constantedes finances du pays a amen Moodys revoir labaisse la notation de la dette souveraine gyptienne enmai 2005, ce qui a eu pour effet daugmenter les cotsdemprunt. En revanche, les pays exportateurs nets deptrole ont enregistr des excdents croissants dans leursbudgets et leurs comptes courants, en plus dafficher defaibles niveaux de la dette, des niveaux dpargne levset des rserves internationales correspondant plus detrois annes dimportations. Ces pays ont ainsi pu utiliserleurs excdents de liquidits pour lancer ou consolider desfonds souverains.

    A lchelle du march, aussi bien dans les paysimportateurs nets de ptrole que dans les paysexportateurs nets, les fruits de la croissance nont past partags de manire quitable, do les ingalitsentre les grandes et les petites entreprises, et entre lestravailleurs du secteur formel et informel. Les grandesentreprises ont davantage bnfici des apportssubstantiels de capitaux dans la rgion, par rapport auxpetites et moyennes entreprises (PME). Les apports defonds dans les bourses rgionales nont concern quequelques socits bien capitalises. En 2008, les cinqpremires socits cotes en bourse reprsentaient elles

    seules environ 46 % de la capitalisation totale du march enTunisie, 36 % en gypte et 31 % au Maroc6. Au regard dela faiblesse des droits des cranciers, des normes dauditet de suivi, ainsi que de la faible application des lois rgissantlexcution des contrats, les banques et les investisseursprfrent prter aux gouvernements ou aux grandesentreprises, plutt quaux PME. Les banques ont doncdcid dappliquer des conditions rigoureuses pour lesgaranties, hauteur de 131 % du montant du prt engypte, de 171 % au Maroc, de 185 % en Algrie et de prsde 200 % en Tunisie en 2007, pnalisant ainsi la plupart desPME. Cest peut-tre la raison pour laquelle la proportiondes entreprises utilisant des crdits bancaires a diminu enAlgrie, en gypte et au Maroc entre 2002 et 2007, et lemontant des prts au secteur priv a baiss en gypte, enLibye et en Tunisie entre 2003 et 2007. Laccs limit auxcapitaux des entreprises ajout au cot lev des activitsconomiques dans un environnement imprvisible acontraint de nombreuses PME opter pour le secteurinformel de lconomie.

    A lchelle des mnages, les ingalits entre lestravailleurs du secteur formel et ceux du secteurinformel et entre les individus pauvres et les non-pauvres se sont accentues, alors mme que lespays semblaient en voie datteindre la plupart desObjectifs du Millnaire pour le Dveloppement(OMD)7. Les pays ont tous amlior leurs taux descolarisation, mais la qualit de lenseignement estreste faible et les diplms ne possdaient pas lescomptences requises sur le march du travail, ce qui aeu pour effet de bloquer la transition entre ducation etemploi. Sur le plan de loffre, la croissance du secteurpriv et la cration demplois ont t freines par labureaucratie et le cot lev de la pratique des affaires,comme lillustre le classement de ces pays Ease ofDoing Business . Ainsi, malgr lembellie conomique,aucun des pays na russi maintenir la croissance

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    5 En 2008, le solde du compte courant tait plus faible, et linflation plus forte quen 2003 dans les trois pays, tandis que les rserves internationales du

    Maroc et de lgypte ne reprsentaient que deux tiers de leur valeur de 2003. Cependant, les pays ont rduit leur dette extrieure et augment lpargne

    nationale, ce qui a permis damliorer leurs capacits budgtaires.6 Par ailleurs, les plus grandes bourses dAfrique du Nord (Le Caire et Alexandrie) ont progressivement limin les entreprises (surtout les plus petites)

    qui ne remplissaient pas les conditions requises, si bien quun nombre restreint dentreprises ont bnfici dapports substantiels de capitaux en gypte.7 Les OMD valuent les progrs lchelle nationale et ne refltent donc pas les ingalits entre les groupes ou les rgions dun pays donn.

  • du PIB au niveau requis pour rduire de maniresubstantielle le chmage8. Les pays importateurs nets deptrole nont pas pu crer suffisamment de postes detravail pour absorber leurs jeunes chmeurs9, alors queles pays exportateurs nets de ptrole ont rduit lechmage en crant des emplois court terme dans lesecteur public ou en mettant en uvre des plansdacclration de lauto-emploi10. Ainsi, le taux dechmage global est rest lev dans la rgion, oscillantentre 9 % au Maroc et 14 % en Tunisie en 2008, et lechmage des jeunes a atteint des proportions encore plusimportantes, 18 % au Maroc et en gypte, 31 % enTunisie. Labsence de possibilits demploi, les tauxdimposition levs appliqus aux employeurs et la rigiditde la rglementation du march du travail ont favorislemploi dans le secteur informel. Ajoute la faiblessedes mcanismes de protection sociale dans la rgion,cette situation a cr un double march du travail oquelques travailleurs du secteur formel bnficient dunbon salaire et dune protection sociale approprie, tandisque ceux du secteur informel sont employs dans desconditions prcaires, avec un salaire faible voire inexistant.Par consquent, la proportion des travailleurs pauvres aaugment en Afrique du Nord pour atteindre 31 % en2008. Les ingalits croissantes sur le plan des revenus,la pauvret et la baisse du niveau de vie sont loriginedu dclenchement des meutes du pain en Algrie, engypte, au Maroc et en Tunisie en 2007 et dbut 2008.

    Rponse des Pouvoirs Publics au Problme dela Hausse des Prix des Denres Alimentaires

    Linstabilit dans la rgion a contraint les gouvernements introduire ou renforcer les programmes sociaux afindattnuer les effets de la hausse des prix des produitsalimentaires sur les mnages, mais les groupes les plusvulnrables ne sont pas ceux qui en ont le plusbnfici11. Tous les pays, sauf la Libye, ont subventionnles produits alimentaires et ptroliers un cot considrable :en 2008, ces subventions reprsentaient 31 % desdpenses publiques en gypte, 20 % au Maroc, 18 % en Tunisie et 7 % en Algrie, et ont compromis les quilibres macroconomiques, notamment dans les paysimportateurs nets de ptrole. Toutefois, tant non-cibles,les subventions profitent plus aux consommateurs aissquaux familles pauvres, dans la mesure o les premiersachtent galement les produits subventions (Albers et Peeters, 2011: 26). Cest ainsi quau Maroc, 90 % des produits subventionns ont t achets par lesconsommateurs aiss. En gypte, entre un quart et un tiersdes plus pauvres ne bnficiaient daucune subvention,tandis que les consommateurs aiss recevaient les quatrecinquimes de la valeur des subventions. Les subventionslies lnergie sont celles dont les plus pauvres profitent le moins alors quelles poussent la surconsommation, ce qui alourdit les dpenses budgtaires au dtrimentdautres postes dinvestissements essentiels. En gypte,

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    8 Daprs Ianchovichina et Mottaghi (2011), une croissance annuelle du PIB de 6 % est ncessaire pour rduire substantiellement le chmage dans la

    rgion. Ce taux de croissance permettrait de crer 6,7 millions demplois par an entre 2010 et 2020, soit le double du nombre demplois nouveaux crs

    dans la rgion MENA entre 1999 et 2009.9 Les pays dAfrique du Nord font face une explosion dmographique des jeunes : le nombre de jeunes qui arrivent sur le march du travail a augment

    un rythme acclr. Ainsi, la rduction du chmage ncessite un taux de cration demplois suprieur celui de lexpansion du march du travail.10 Le chmage dans les pays qui dpendent du ptrole tend tre inversement proportionnel aux prix des produits ptroliers, tant donn que les secteurs

    du ptrole et du gaz nutilisent pas une main-duvre nombreuse et que les emplois crs durant les embellies ptrolires sont gnralement supprims

    durant les priodes difficiles.11 Les gouvernements des pays dAfrique du Nord ont introduit dautres programmes pour ragir la crise alimentaire, par exemple des mesures pour

    modrer les prix, qui ont pour but de rduire les prix des produits alimentaires, et des interventions au niveau de loffre, qui visent augmenter la production

    alimentaire locale. Cependant du fait des contraintes despace et parce que ces programmes noccupent pas une place prpondrante dans les politiques

    gouvernementales, ils ne sont pas examins ici.

  • les subventions de carburants reprsentaient les trois quartsde lensemble des subventions, et 93 % de leurs avantagessont alls au quintile le plus riche des consommateurs(Iqbal, 2006 :65).

    Un ciblage plus prcis permettrait dorienter davantage lesprogrammes en faveur des pauvres. Toutefois, alors quela plupart des pays nord africains ont effectu destransferts cibls sous une forme ou une autre au cours dela priode considre12, les programmes mis en placenont pas t trs efficaces, et ce pour plusieurs raisons.Premirement, la prcision du ciblage a t entrave pardes donnes daccs difficile et de faible qualit ainsiquun fort cot administratif et un manque de capacit, cequi a favoris laccaparement des avantages par lesgroupes non pauvres. En gypte par exemple, plus duntiers des deux quintiles les plus pauvres de la populationnavait pas de carte de rationnement tandis que deux tiersdu quintile le plus riche en taient dots. Deuximement,le financement des programmes cibls a t ngligeable.Lgypte a ainsi consacr moins de 0,1 % de son PIB auxtransferts en numraires cibls en 2005, contre 0,6 %seulement pour le Maroc. Troisimement, les progrs

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    enregistrs dans la rduction de la pauvret ont t parfoisentravs par les groupes non pauvres : ainsi ladoptionde mesures en faveur des pauvres, en tant quobjectifpolitique, risque de provoquer le mcontentement et larsistance des groupes aiss plus visibles et politiquementplus forts, et que ces mesures pourraient inquiter (Iqbal,2006: xxiii).

    Afin dattnuer la crise, lAlgrie, lgypte et le Maroc ontgalement augment les salaires dans le secteur public, unepolitique onreuse qui a pour effet de creuser lcart entre lesrevenus des fonctionnaires et ceux des employs du secteurpriv ou des chmeurs. En gypte, laugmentation dessalaires de 30% et des retraites de 20 % ont compts pour 89 % de laugmentation du budget national delexercice 2008-2009, alors que la subvention des produitsalimentaires, au moyen des cartes de rationnement, nereprsentait que 11 %. En Algrie et au Maroc, les salairesdu secteur public ont augment de 15 % et 5 %,respectivement. Les politiques salariales tant difficiles rviser une fois appliques, elles constituent donc un postepermanent de dpenses qui pse sur lquilibre budgtairedes pays long terme.

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    12 Notamment les transferts en numraires (gypte, Libye et Tunisie), les cartes de rationnement (gypte) et les programmes de cantines scolaires (Maroc).

  • Tendances de la Croissance et de la Rsilienceface la Crise Alimentaire Lvaluation de la performance des pays dAfrique duNord du point de vue de la croissance inclusive - cest--dire de la croissance acclre base largie et caractre inclusif - montre que, mme si les pays ontconnu une croissance continue et stable durant lapriode considre, leurs taux dexpansion nont t ni rapides, ni suffisamment durables pour rduiresubstantiellement le chmage ou la pauvret. Alors quela libralisation du commerce et la privatisation ontpermis aux pays concerns daugmenter les changescommerciaux et dattirer les IDE et autres apports

    de capitaux, la prsence dun cadre juridique etrglementaire peu propice (faible protection desinvestisseurs, environnement onreux des affaires etrigidit de la rglementation du march du travail) adcourag les investissements du secteur priv etencourag lexpansion du secteur informel, entranantdes pertes pour le PIB et les recettes fiscales,notamment dans les pays importateurs nets de ptrole.En Algrie et en Libye, la croissance conomique estalimente en grande partie par un seul secteur et subitles effets de la fluctuation des cours du ptrole. Enoutre, les retombes de lembellie nont pas trparties quitablement entre les diffrents groupes,mme dans les pays exportateurs nets de ptrole dots

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    Tableau 1 : Mesures Prises par les Gouvernements dAfrique du Nord en Rponse la Crise AlimentaireMondiale, 2006-2008

    Source: IFPRI (2008); Kamara et al (2009: 27); FAO (2009); Saif (2008) ; Jones et al (2009) ; Banque Mondiale (2009b).

    Politiques publiques orientes "prix"

    PaysRduction des tarifs etautres taxes sur les importations de nourriture

    Restriction des exportations(prix/quantits)

    Contrle des prix sur lanourriture

    Algrie x

    gypte x x x

    Libye x x

    Maroc x x

    Tunisie x

    Politiques publiques orientes "demande"

    PaysPrise en charge publiquede l'approvisionnementet de la gestion des rserves de nourriture

    Prix minimum desupport pour lesagriculteurs

    Subventions de laproduction ou desentrants pour lesagriculteurs

    Autre supports deproduction

    Algrie x x x

    gypte

    Libye x x

    Maroc x

    Tunisie x x x x

    Politiques sociales

    PaysSubvention laconsommation pourproduits alimentaires etptroliers

    Transferts montaires cibls

    Aide alimentaire(cartes de rationnement)et systmes de cantines scolaires

    Accroissement dessalaires/bnficesdu secteur public

    Algrie x x

    gypte x x x x

    Libye x

    Maroc x x x

    Tunisie x x

  • de liquidits substantielles. Le fait que des meutes dupain aient galement clat en Algrie en 2008 en est lapreuve. Le caractre inadapt du systme ducatif,labsence dopportunits demploi et une lgislationrestrictive en matire de protection sociale ont eu poureffet daccentuer le chmage et la pauvret en Afriquedu Nord, notamment chez les jeunes des deux sexes.Les principaux bnficiaires de lenrichissement dans largion ont t les grandes entreprises et les employsdu secteur formel.

    Lexamen de la performance des pays du point de vuede leur rsilience face aux crises, met en vidence les carences dans les rponses des pouvoirs publics la crise alimentaire mondiale. Pour tre qualifiesdefficaces, les mesures appropries doivent treprises avant que les crises naient produit des effetsngatifs long terme ; elles doivent viser protgerles groupes les plus durement touchs et doivent tresuspendues ds la fin des crises afin que les cotsdintervention ne se transforment pas en contraintepermanente pour les ressources publiques. Cescaractristiques correspondent bien aux conseils prodigusrcemment par lOrganisation internationale du travail(OIT) sur la base des rcents vnements, savoir que les mesures budgtaires incitatives prises durant les crises financires et conomiques majeures doivent treopportunes, cibles et temporaires (OIT, 2011a :5-6).

    Bien au contraire, les rponses des gouvernementsdAfrique du Nord la crise alimentaire ont t lentes ;du reste, elles nont pas bien cibl les groupes les plusdurement touchs par laugmentation considrabledes prix des produits alimentaires et comprenaientdes mesures qui ne pouvaient pas tre facilementleves lorsque les prix ont commenc baisser. Laplupart des mesures ont t prises entre le milieu et la finde 2008, aprs le dclenchement des meutes de la faim.De mme, les politiques de rponse la crise nont pasrussi contrecarrer les effets de la hausse des prix desproduits alimentaires (et ptroliers) sur un nombrecroissant de mnages pauvres qui ont vu leur niveau devie seffondrer et leurs capacits dadaptation long termesamenuiser. En gypte, par exemple, alors que desquantits suffisantes de nourriture sont parvenues auxfamilles vulnrables, leur mauvaise qualit a provoqu une

    malnutrition et une famine non apparente (lorsque laconsommation de nourriture nest pas complte par desvitamines et des sels minraux) dans prs de la moiti desmnages, au point de limiter la croissance, la productivitet les capacits cognitives des enfants. La rgion MENAest la seule au monde avoir enregistr une augmentationde la proportion des personnes sous-alimentes entre1990 et 2008. En outre, les systmes de subvention et lespolitiques salariales des pays ne pouvaient pas tredmantels sans provoquer de nouveaux troubles. Aussi,mme si les politiques macroconomiques prudentesappliques par les diffrents gouvernements leur ontpermis de renforcer leurs capacits budgtaires durant lapriode dembellie, les mesures prises pour faire face lacrise alimentaire ont pes sur les quilibres budgtairesjusque bien aprs cette crise.

    Par ailleurs, les rponses gouvernementales aux crisesont accentu les ingalits sur le plan des revenus, aulieu de les rduire. Leurs principaux bnficiaires ontt les employs du secteur public, les personnesaises et les groupes politiquement forts, qui ont le plusprofit de la protection contre les chocs lis la haussedes prix des produits alimentaires et ptroliers. Il sagit,bien entendu, de groupes dots de capacits dadaptationrelativement solides. La plupart des autres groupes sontsortis de la crise dans une situation aggrave, lexceptiondes grandes entreprises et des employs du secteur publicqui avaient dj bnfici de politiques non lies aux crises.

    Les principales vulnrabilits induites par lespolitiques publiques, en rapport ou non avec lescrises :

    Sensibilit accrue aux chocs lis au commerceinternational et aux cours des produits de base : Lafaiblesse de la lgislation sur la protection desinvestisseurs et le caractre dissuasif du climat desaffaires ont eu pour effet daffaiblir la croissance dusecteur priv national, ce qui a favoris le recours accruau commerce international. En outre, le cot lev des subventions, les transferts en numraires et lesaugmentations salariales ont accentu la pression sur lesressources publiques, notamment dans les paysimportateurs nets de ptrole. Etant donn que les paysdoivent dsormais trouver de nouveaux revenus pour

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    maintenir leur quilibre budgtaire, ils sont plus vulnrablesquauparavant aux chocs lis au commerce internationalet aux cours des produits de base.

    Sensibilit accrue la baisse des IDE et autresapports de capitaux : Lenvironnement bancaire restrictifa amen les entreprises prives se tourner de plus en plus vers les IDE et autres apports de capitauxinternationaux pour couvrir leurs besoins en matire decrdit. La rduction de ces flux a galement eu des effetsngatifs sur lemploi dans la rgion.

    Sensibilit accrue la diminution des envois de fondspar les travailleurs migrants : La faiblesse de laprotection sociale et le financement insuffisant desprogrammes publics bnficiant aux pauvres ont accru ladpendance des mnages nord africains lgard desenvois de fonds par les travailleurs migrants pour limiterles effets de la hausse des prix des produits alimentaireset du cot de la vie.

    Sensibilit aigu aux chocs conscutifs la haussedes prix des produits alimentaires : La rigidit des loisdu travail, le taux lev de limpt sur le revenu dessocits et le caractre inadapt du systme ducatif ontfavoris lemploi dans le secteur informel et accentu lapauvret des travailleurs, ce qui a renforc la sensibilitdes mnages nord africains aux chocs lis la haussedes prix des produits alimentaires. La nourriturereprsente plus de 50 % des dpenses totales des deuxquintiles les plus pauvres de la population en gypte etau Maroc.

    Propension accrue aux troubles sociaux : Sil est vraique lincapacit des politiques publiques rduire leseffets de la hausse des prix des produits alimentaires surles groups vulnrables a peut-tre favoris les meutes de2008, les mesures prises par les autorits pour y faire faceont confirm que les priodes chaotiques sont propicesaux tactiques de dtournement des politiques publiques.

    Ainsi au lendemain des meutes, diffrents groupesdinfluence ont russi obliger les pouvoirs publics rpondre leurs demandes. Cest ainsi que legouvernement gyptien a renonc son projet visant rduire les subventions de lnergie et que legouvernement tunisien a propos une rforme de sonsystme de subvention. Soucieux de mieux cibler lapolitique alimentaire, le gouvernement gyptien est alljusqu ordonner larme de fabriquer du pain pour ledistribuer aux pauvres. Les gouvernements nord africainsont probablement subi une perte de lgitimit par cesrevirements de politiques, ainsi que dans une certainemesure la diminution de leurs capacits dadaptation.

    Par ailleurs, certains gouvernements ont pris desmesures pour rduire les vulnrabilits structurelles deleurs pays respectifs, et notamment leur dpendance lgard des importations stratgiques, renforant ainsileur rsilience long terme. En 2008, le gouvernementalgrien a adopt un programme de rnovation ruralepour dvelopper lagriculture et le gouvernementmarocain a lanc son plan Maroc Vert, considrcomme une triple rponse couvrant la lutte contrelinscurit alimentaire, ladaptation de lagriculture auchangement climatique et la croissance durable despetites exploitations agricoles. Le Maroc a galementpris des mesures pour rduire sa dpendance lgarddes importations de carburants en investissant en 2009dans un plan solaire et un projet de dveloppement delnergie olienne et hydrolectrique.

    Le milieu des annes 2000 a donc t une priode decroissance stable et forte en Afrique du Nord, mais aussiune priode marque par la monte des privations, delinscurit alimentaire et de la marginalisation pour denombreux Nord Africains. La pauvret et les ingalits sesont accentues durant la crise financire mondiale,alimentant ainsi les tensions sociales et les frustrations quiont dbouch sur les meutes du Printemps Arabe, la finde 2010.

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    Crisealimentairemondiale

    Crisefinanciremondiale

    Crise de la dette dans la zone euro

    Emeutes de lafaim de 2008

    Crise duPrintemps

    Arabe

    Pays dAfrique du Nord

    Vulnrabilits structurelles:

    Ouverture conomique Concentration des exportations Dpendance lgard des importations stratgiques

    Vulnrabilits induites:

    Sensibilit accrue aux chocs lis au commerce et aux cours des produits de base Sensibilit accrue la baisse des IDE et des autres apports de capitaux Sensibilit accrue la diminution des envois de fonds par les travailleurs migrants Propension accrue aux troubles sociaux

    Figure 3 : Crise Alimentaire Mondiale : Rsultats

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    Crise Financire Mondiale

    Effets de la Crise Financire

    Les pays dAfrique du Nord taient initialement labri deseffets de la crise financire mondiale, en raison des faiblesliens entre leurs systmes financiers et bancaires et lesmarchs mondiaux. Cependant, leur forte dpendance lgard de lUnion europenne et des tats-Unis pour lecommerce et les flux de capitaux, ainsi que pour letourisme, a engendr une contagion retarde de la crise.Les consquences ont t ressenties en Afrique du Norden 2009, lorsque la croissance du PIB rel sest ralentiedans la rgion. Toutefois, les pays ont assez bien rsistsur le plan macroconomique et ont affich des signes dereprise conomique en 2010.

    Les pays ont t exposs la crise financire mondialeen raison de leurs vulnrabilits structurelles, cest--direen raison de leur ouverture sur le plan conomique13, de la concentration de leurs exportations sur leshydrocarbures, dans le cas des exportateurs nets deptrole, et de la concentration des exportations duMaroc et de la Tunisie sur les produits manufacturs14.Cependant, les vulnrabilits induites par la crisealimentaire mondiale ( savoir la sensibilit accrue la

    baisse des changes internationaux, des apports decapitaux et des envois de fonds par les travailleursmigrants) ainsi que par les chocs lis la hausse des prixdes produits alimentaires et ptroliers, ont galementparticip lexposition accrue des pays. La baisse de lademande des exportations de la rgion a eu desrpercussions sur les secteurs du ptrole et du gaz enAlgrie et en Libye, et sur les secteurs manufacturier etagricole en Tunisie et au Maroc. Les volumes desexportations ont diminu partout, sauf en gypte o ilsont augment de 3 % entre 2008 et 2009, ce qui apermis ce pays damortir, en partie, les effets de lacrise. La rsilience de lgypte sexplique par sa faibledpendance commerciale lgard de lUE et des tats-Unis, deux des rgions les plus touches par la crise, cequi a quelque peu limit son exposition directe.Nanmoins, tous les pays dAfrique du Nord, y comprislgypte, ont enregistr une baisse de leurs exportations,de leurs recettes fiscales et du volume des changes demarchandises en 2009.

    Les cours des produits de base ont chut vers la fin de2008, avant de repartir la hausse en 2009, avec uneincidence sur les quilibres macroconomiques et lacroissance en Afrique du Nord. Etant donn que labaisse des prix des produits ptroliers a t plusimportante que celle des produits alimentaires en fin2008, les pays exportateurs nets de ptrole ont vusaffaiblir leurs changes, comptes courants et soldesbudgtaires. Ils ont toutefois rcupr un peu du terrainperdu lorsque les prix sont repartis la hausse en 2009.La baisse initiale des prix des produits alimentaires etptroliers a quelque peu soulag les pays importateursnets de ptrole de la rgion, et a permis lgypte derduire son inflation en-de du pic atteint en 2008.Toutefois, comme les prix des produits alimentaires etptroliers sont rests suprieurs leur niveau de 2005et ont augment de nouveau en 2009, leffet correcteur

    13 En termes douverture conomique, les pays dAfrique du Nord affichent une trs forte dpendance lgard du commerce de marchandises, mais

    une dpendance moyenne voire faible (en pourcentage du PIB) lgard du tourisme, des IDE, de lAPD ou des envois de fonds par les travailleurs

    migrants, selon le pays et daprs les dfinitions de Massa et al (2011) : faible 3 % mais 10 %.14 Les produits ptroliers ont reprsent 62 % du PIB en Libye et 35 % en Algrie en 2010, tandis que les produits manufacturs ont reprsent 27 %

    du PIB en Tunisie et 12 % au Maroc mais seulement 5 % en Egypte.

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    a t limit, et les trois pays, en particulier lgypte, ontcontinu payer plus pour leurs importations que ce queleur rapportaient leurs exportations, provoquant ainsi ledficit de la balance commerciale et du compte courant.Toutefois, si les dficits commerciaux de lgypte et de laTunisie ont t plus importants en 2010 quen 2008, ledficit du Maroc est quant lui tomb en-de de sonniveau de 2008, si bien que ce pays a t le seul de largion rduire le volume de ses importations en 2009et 2010, peut-tre la suite des mesures prises pour lasubstitution des importations, en rponse la crisealimentaire mondiale15.

    Cela tant, tous les pays ont bien gr la crise enmaintenant leur stabilit macroconomique et, en dehorsde la Libye en 2009, aucun dentre eux nest entr enrcession. Les pays importateurs nets de ptrole,notamment lgypte, ont prserv leur rsilience grce leur large base conomique qui leur a permis decompenser les pertes lexportation par la croissancedes secteurs domestiques. Par ailleurs, avec le recul delinflation, les pays ont bnfici dune marge budgtairesuffisante pour appliquer des mesures anticycliquesvisant contrecarrer les effets de la crise. Les paysimportateurs nets de ptrole ont t contraints decontracter de nouvelles dettes pour financer les mesuresde relance budgtaire, mais puisque la notation de leurdette souveraine est reste stable tout au long de lacrise, les cots demprunt taient facilement pris encompte. Les pays exportateurs nets de ptrole ont pufinancer leurs politiques de rponse la crise sanscontracter de nouveaux prts, grce leurs importantesrserves de liquidits et leurs fonds de stabilisation bienaliments.

    15 Le Maroc a bnfici dune bonne rcolte en 2009, ce qui lui a permis de rduire ses importations.16 Par exemple, les secteurs du btiment et des communications de lgypte taient florissants en 2009 (Shahine, 2009).17 Le Maroc et la Tunisie ont augment leur dette extrieure, tandis que lgypte a augment sa dette intrieure. La dette intrieure publique de lgypte

    a atteint des niveaux record dangereux durant cette priode (Garcia-Kilroy et Silva, 2011: 8-10; El-Mahdy et Torayeh, 2009).18 La Nile Stock Exchange (bourse) a t institue en 2008 pour aider les PME gyptiennes runir des capitaux en dehors des banques, mais en raison

    des exigences relatives au montant minimum de fonds propres, seules neuf entreprises y taient cotes lorsque les changes ont finalement commenc

    mi-2010 (MENA Financial News, 2010; Abdellatif, 2011).19 La population pauvre des pays exportateurs nets de ptrole a galement ressenti les effets de la fluctuation des prix des produits alimentaires et ptroliers,

    mais leurs gouvernements avaient les moyens de financer les subventions et les autres mesures durgence court terme.

    Toutefois, si les pays ont bien ragi lchellemacroconomique, la crise a eu des effets nfastes lchelle microconomique, en particulier pour les PME,les travailleurs du secteur informel et les mnages lesplus pauvres dont les capacits dadaptation taientdj faibles au dbut de la crise. La baisse considrabledes IDE et des autres flux de capitaux privs a cr desrieux problmes pour les entreprises, en particulier engypte o les IDE sont tombs de 9 % du PIB en 2007 3 % en 2010. La plupart des entreprises gyptiennes ontprouv beaucoup de difficults obtenir des crdits, et lesPME ne sont pas parvenues mobiliser des capitaux,mme par le biais de la bourse du (Nile Stock Exchange)18.Soucieux dencourager la croissance du secteur priv etlinvestissement, les gouvernements gyptien et tunisien ont financ des rformes de lenvironnement des affaires,amliorant ainsi leur classement dans lenqute Ease ofDoing Business de la Banque Mondiale. Lgypte a russi attirer davantage de flux dinvestissements sur sonportefeuille (essentiellement pour les achats de bons dutrsor), et la Tunisie attire de plus en plus de capitaux.Cependant, les IDE ont continu de baisser dans les deuxpays, peut-tre parce que les pratiques dcourageant lesinvestissements privs ont continues, comme la pressionfiscale sur les entreprises et les obstacles bureaucratiques,et par consquent seules quelques entreprises ont bnficide ces flux financiers.

    Les mnages pauvres dans les pays importateurs netsde ptrole sont ceux qui ont souffert le plus des effets dela crise, cause de la baisse de la demande desexportations qui a entran la perte de nombreux emploisdans les secteurs manufacturier, agricole et touristique,pnalisant surtout les femmes et les jeunes19. Les

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    licenciements et le gel des recrutements ont eu pour effetdaccrotre lconomie informelle, et la proportion destravailleurs pauvres en Afrique du Nord est passe de 31% en 2008 37 % en 2009. Laugmentation des tauxde chmage en Europe et aux tats-Unis a entran,entre autres, une diminution des envois de fonds par lestravailleurs migrants, ce qui a eu pour effet de rduire lepouvoir dachat des familles pauvres dAfrique du Nord.En outre, si les mnages nont gure tir profit de labaisse des prix des produits alimentaires et ptroliers,intervenue en 2008, les prix intrieurs nayant pas suivi latendance des cours mondiaux, ils ont, en revanche,ressenti les effets de la nouvelle hausse des cours desproduits de base en 200920. Ainsi, la pauvret desmnages sest accentue avec laugmentation du cotde la vie. Dans ces conditions, les mnages onttendance faire des conomies, avec ce que celaentrane comme consquences sur la sant de la famille,la nutrition et la scolarisation.

    Rponse des pouvoirs publics la crise financire.Grce la marge de manuvre budgtaire qui avait tassure avant la crise, tous les pays dAfrique du Nordont russi appliquer des politiques budgtairesanticycliques et, en 2009, les pays importateurs nets deptrole ont consacr entre 1,4 % (Tunisie) et 1,5 %(gypte et Maroc) de leur PIB au financement desmesures de relance budgtaire. Les politiques adoptespar chaque pays peuvent tre rsumes comme suit :

    Dveloppement des infrastructures : Les gouvernementsdes pays dAfrique du Nord ont continu financer leursplans dinvestissement antrieurs la crise, qui visaient amliorer les infrastructures de transport, de servicespublics, de communications et industrielles. En 2009, legouvernement algrien a annonc quil construirait deux

    millions de logements lhorizon 2014 pour attnuer lacrise dans ce secteur et crer des emplois; mais sanspour autant arriver combler les pertes demplois plusrapides pour avoir un impact sur le chmage .

    Politiques permettant dattirer les IDE : Afin dattirer lesIDE, les pays importateurs nets de ptrole ont acclr lamise en uvre des plans dinvestissements publics,tandis que les pays exportateurs nets de ptrole ontouvert leurs marchs aux entreprises trangres. Legouvernement libyen a ainsi offert aux entreprisestrangres une exonration de cinq ans de limpt sur lerevenu des socits et des droits de douane, en plus deramener de 90 % 75 % le pourcentage de main-duvrelibyenne requise. LAlgrie a pris des mesures autorisantles entreprises trangres investir, mais tout enmaintenant des restrictions leur entre sur le march21.

    Appui au secteur des exportations : Tous les pays ontmodernis et simplifi les procdures fiscales etdouanires pour rduire les dlais et les cots detransaction. Afin daider les entreprises pallier la baissede la demande extrieure, les pays importateurs nets de ptrole ont fourni un appui cibl leurs grandesentreprises exportatrices : accs au crdit et aux garantiessur prts des conditions prfrentielles, subventions de la production et remboursements ou exonrationsfiscales, rduction des droits de douane et des taxes surles ventes (gypte et Tunisie), appui logistique (Tunisie etMaroc), rduction des cots des services de marketing(Maroc), financement de programmes damlioration descomptences pour accrotre la comptitivit (gypte). Legouvernement libyen a propos aux socits trangresun gel des taxes et des droits de douanes, et lAlgrie aoffert des exonrations dimpts aux entreprises oprantdans le secteur du tourisme. Entre 2008 et 2010, les

    20 Les prix des produits de base en Afrique du Nord ont une tendance continue la hausse, ce qui signifie quils augmentent en fonction de la hausse

    des cours mondiaux mais ne baissent pas au mme rythme que ces derniers, lorsque la tendance sinverse. Cette situation sexplique par plusieurs

    raisons : une lgislation rigide, dpass et coteuse rgissant la passation de marchs; une logistique dfaillante; labsence de suivi au niveau de loffre;

    des prvisions approximatives; des problmes de stockage; et une utilisation insuffisante des instruments financiers pour compenser les risques au moyen

    de stocks virtuels (Banque mondiale, 2011a: 40-43). La dprciation du taux de change joue galement un rle dans linflation des prix des produits

    alimentaires en Tunisie et en Algrie, mais pas dans les autres pays dAfrique du Nord.21 Les entreprises trangres taient tenues davoir des partenaires locaux et ne pouvaient dtenir plus de 49 % du capital dune entreprise algrienne.

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    prts au secteur priv ont augment partout, sauf engypte.

    Appui aux PME : Lgypte et la Tunisie ont ouvert denouvelles lignes de microcrdit et augment le montantdes capitaux rservs aux PME, tandis que legouvernement algrien a fourni des garanties etsubventionn les intrts des microcrdits destins dejeunes entrepreneurs. Cependant, les crdits en faveurdes PME nont pas volu travers lAfrique du Nord,en raison des problmes persistants lis aux exigencesde garantie des prts bancaires et de la pnurie desources de financement non bancaires.

    Les pays dAfrique du Nord ont galement mis enuvre plusieurs mesures sociales nouvelles pour attnuer les effets de la crise sur certains groupes :

    Salaires /avantages dans le secteur public : Lessalaires de la fonction publique ont encore t augmentsde 5 % au Maroc en 2009, si bien que laugmentation aatteint 10 % sur deux ans. En Libye, les employs dusecteur public ont bnfici dune exonration dimpts,ce qui constitue une augmentation indirecte des salaires,alors quen Algrie, les fonctionnaires ont bnfici dunintrt hypothcaire subventionn hauteur de 1 %.

    Salaires/avantages offerts dans le secteur priv :LAlgrie, le Maroc et la Tunisie ont augment le salaireminimum. Le gouvernement marocain a galement rduitde 4 % limpt sur le revenu. LAlgrie a accord desexonrations spciales aux agriculteurs et aux propritairesqui louent leurs logements aux familles faible revenu.

    Aide au chmage : LAlgrie, lgypte, le Maroc et laTunisie ont rform leurs programmes en rapport avec lemarch du travail, en plus de programmer de nouvellesinterventions en faveur des jeunes. Le gouvernementalgrien a cr de nouveaux emplois dans le secteurpublic pour lutter contre le chmage et le gouvernementtunisien a encourag les entreprises prives garder leursemploys, en les faisant travailler mi-temps afin dviterla suppression demplois.

    Subventions et transferts sociaux : Les pays de largion ont continu recourir aux subventions et auxtransferts sociaux. Les plans visant supprimer lessubventions pour certains produits essentiels en gypteet en Tunisie ont t annuls aprs les meutes de 2008,entranant des dpenses plus substantielles que prvu.Prs dun septime du budget total de la Libye a tconsacr aux subventions des produits alimentaires etptroliers, de llectricit et du logement. Le cot dessubventions a augment dans toute la rgion en 2009pour atteindre 13,5 % du PIB en Algrie, 8,3 % en Egypte,2,6 % en Tunisie et 2,8 % au Maroc.

    Crdit la consommation : Afin de stimuler laconsommation des mnages, les deux plus grandesentreprises tatiques gyptiennes ont dgag un montantde 10 milliards de livres gyptiennes pour les prts laconsommation et prts dirigs vers lacquisition devhicules automobiles ou de biens durables. En aot2009, le gouvernement algrien a supprim les crdits la consommation en dehors des hypothques -aggravant ainsi la dpendance des moins aiss enversltat. Cest ce qui explique en partie la diminution descrdits au secteur priv en Algrie en 2010.

    L e G r o u p e d e l a B a n q u e a f r i c a i n e d e d v e l o p p e m e n t e n A f r i q u e d u N o r d - 2 0 1 3

    22 Due au manque despace et essayant dtre plus pertinents, les politiques montaires des pays ne seront pas couverts en dtail. Qu'il suffise de dire

    que la politique montaire dans les pays importateurs du ptrole a t expansionniste et gnralement en faveur de la politique budgtaire, tandis que la

    politique montaire dans les pays exportateurs de ptrole a port principalement sur les reformes financire du march.

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    Politique montaire

    PaysModificationdes taux d'intrt cl

    Modificationdes conditionsde la rserveminimum

    Recapitalisationdes banques etinjections de liquidits

    Garantie tatiquede dpts bancaires commerciaux

    Renforcementdes rgulationssur les marchsfinanciers

    Algrie x x

    gypte x x x

    Libye x x x x

    Maroc x x x x

    Tunisie x x x

    Politique fiscale

    PaysDveloppementdes infrastructures

    Mesuresd'amliorationde l'accs aucrdit pour lesentreprises

    Abaissementdes droits dedouane, fraisd'exportation etautres taxes

    Simplificationdes processusde douane etde taxation

    Subventions,suspension destaxes et autresmcanismes desupport auxgrandes entreprises exportatrices

    Algrie x x x x

    gypte x x x x x

    Libye x x x x x

    Maroc x x x x

    Tunisie x x x x x

    Politique sociale

    Pays

    Accroissementdes salaires/bnfices dusecteur public

    Accroissementdes salaires/bnfices dusecteur priv

    Politiques ac-tives du marchdu travail et no-tamment axessur les jeunes

    Augmentationou non-rductiondes transfertssociaux et subventions

    Modificationdes modalitsdu crdit laconsommation

    Algrie x x x x x

    gypte x x x

    Libye x x

    Maroc x x x x

    Tunisie x x x

    Tableau 2 : Mesures Prises par les Gouvernements dAfrique du Nord en Rponse la Crise Financire Mondiale, 2008-2010

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    Tendances de la Croissance et Rsilienceface la Crises Financire

    Lvaluation de la performance des pays dAfrique duNord, du point de vue de la croissance inclusive, montrequils ont bien rsist la crise financire mondiale :malgr un recul gnralis de la croissance, seule la Libye aconnu une baisse de son PIB et seulement pendant uneanne. Les pays les plus performants, qui sont les paysexportateurs de ptrole, disposaient dune base decroissance plus large qui a permis leur secteur publicde compenser la baisse des exportations. Lgypte estle pays qui a le mieux rsist, grce une dpendancemoins marque lgard du commerce extrieur, une plusgrande diversification de ses partenaires commerciaux et une contribution au PIB mieux rpartie par secteurs. Enrevanche, les pays exportateurs nets ont continu dpendre fortement des secteurs ptrolier et gazier quifournissent lessentiel de leur PIB, si bien que leur rythme dela croissance est sujet la volatilit des cours du ptrole sur les marchs internationaux. Ainsi la relance de 2010sexplique en grande partie par la remonte des cours duptrole. Dans toute lAfrique du Nord, les effets de lacrise ont touch de manire disproportionne lespetites entreprises, les travailleurs du secteur informel,les chmeurs notamment les jeunes et les femmes etles familles pauvres, c'est--dire les groupes qui sontentrs dans la crise avec les capacits dadaptation lesplus faibles.

    Lexamen de la performance en termes de rsilience faceaux crises montre que la rponse des pays dAfrique duNord a t lente et mal cible, en plus de comprendre des mesures difficiles supprimer une fois la crise acheve.Le FMI a jug les mesures de relance fiscales tunisienneslentes et inefficaces. Les mesures durgence algriennessont intervenus tardivement, et il est peu probable que leur conception et leur contenu permettent de lutterefficacement contre les dsquilibres structurels delAlgrie (Achy, 2009b). En ce qui concerne les objectifs,

    lessentiel des mesures de rponse la crise et des crditsallous nont pas cibl les groupes qui en avaient le plusbesoin ; mis part les programmes dinfrastructuresfournissant des emplois publics aux chmeurs et lesprogrammes pour un march de lemploi actif aidant leschmeurs trouver un emploi dans le secteur priv. Lesentreprises exportatrices ont t inondes de subventionset prts avec garanties tandis que les PME nont eu droitquaux crdits et se confrontaient des difficults obtenirdes prts. Pourtant dans certains pays, comme lgypte,les PME ont plus souffert de la mvente de leurs produitsdurant la crise que les grandes entreprises. Les travailleursdu secteur public et en gnral du secteur formel ontbnfici daugmentations salariales, de llvation dusalaire minimum ainsi que dexonrations fiscales. Parcontre, les travailleurs du secteur informel et les chmeursont t abandonns leur sort23. Les groupes plus aissont continu bnficier davantage que les groupespauvres des transferts sociaux et des programmes desubvention qui demeurent largement non cibls en Afriquedu Nord24. En Algrie et en gypte, les politiques de crdit la consommation favorisent loctroi de prts aux groupesaiss au dtriment des pauvres, dont la rsilience aux crises en est dautant rduite. En outre, mme si lesgouvernements des pays dAfrique du Nord ont accumuldes ressources budgtaires suffisantes pour mettre enuvre des politiques de stabilisation conjoncturelle, le cotdes mesures de rponse aux crises, ajout la hausse ducot des importations, a lourdement pes sur les soldesdes pays importateurs nets de ptrole. La situation delgypte tait la plus prcaire : en 2010, ses capacitsbudgtaires taient plus faibles quen 2000. Daprslvaluation faite par la Banque Mondiale, tant que leprogramme de relance est temporaire, la situationbudgtaire de lgypte demeurera viable. Etant donn quil

    L e G r o u p e d e l a B a n q u e a f r i c a i n e d e d v e l o p p e m e n t e n A f r i q u e d u N o r d - 2 0 1 3

    23 Alors que certains gouvernements ont investi dans des programmes actifs du march du travail pour rduire le chmage, une combinaison de contraintes la

    cration d'emplois long terme et des faiblesses dans lensemble de comptences du bassin d'emploi ont limit le succs de ces mesures (Subrahmanyam, 2011).24 Les concessions fiscales que lAlgrie impose aux propritaires et aux propritaires fonciers ont augment l'cart entre les nantis et les dmunis.

  • L e G r o u p e d e l a B a n q u e a f r i c a i n e d e d v e l o p p e m e n t e n A f r i q u e d u N o r d - 2 0 1 3

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    est difficile de revenir sur des augmentations de salaires etsubventions sociales, ces mesures ont rarement uncaractre temporaire.

    Les politiques de rsorption de crise appliques parles gouvernements des pays dAfrique du Nord ontaccentu les vulnrabilits induites par la crisealimentaire mondiale au lieu de les attnuer. En effet,les politiques sociales de rponse la crise financire

    mondiale taient dans la ligne des mesures prises pourfaire face la crise alimentaire mondiale. De plus, unebonne partie des mesures de relance budgtairevisaient favoriser le commerce international et lesentreprises exportatrices, plutt que le dveloppementnational etles socits locales, si bien que les conomiesdAfrique du Nord ont accrues leur dpendance aucommerce - et donc leur sensibilit aux chocs lis aucommerce international25.

    25 Par exemple, un tiers de la valeur des plans de relance budgtaire de l'Egypte a t consacre stimuler le commerce d'exportation, alors que seulement

    un quinzime cibl les projets de dveloppement nationaux (Ministre Egyptien des Finances, 2009).

    Crisealimentairemondiale

    Crisefinanciremondiale

    Crise de la dette de la zone euro

    Crise duPrintemps

    Arabe

    Pays nord africains

    Vulnrabilits structurelles : Ouverture conomique Concentration des exportations Dpendance lgard des importations stratgiques

    Vulnerabilits induites :

    Sensibilit accrue aux chocs lis au commerce et aux cours des produits de base Sensibilit accrue la baisse des IDE et des autres apports de capitaux Sensibilit accrue la diminution des envois de fonds par les travailleurs migrants Propension accrue aux troubles sociaux

    La crise a servit dimpulsion, poussant les paysdAfrique du Nord rajuster leurs relationscommerciales et financires, ce qui pourrait contribuer renforcer leur rsilience aux crises commercialesfutures. Les tats-Unis sont dornavant un partenaire

    moins important pour lAlgrie, lgypte et la Libye, tandisque la Tunisie et le Maroc ont pris leurs distances vis--visde lEurope. Tous les pays ont renforc leurs liens avec despartenaires rgionaux et dautres pays mergents. Ladiversification des partenaires commerciaux permet de

    Figure 4 : Crise Financire Mondiale : Rsultats

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    L e G r o u p e d e l a B a n q u e a f r i c a i n e d e d v e l o p p e m e n t e n A f r i q u e d u N o r d - 2 0 1 3

    rduire les vulnrabilits structurelles et de renforcer larsilience, quelque soit le degr douverture conomique dupays concern, tandis que la rgionalisation fournirait uneprotection contre les effets des crises nes dans les paysdvelopps et offrirait de nombreuses opportunits enmatire de croissance et de commerce, grce desconomies sur les cots du transport et potentiellement surdautres cots.

    Il convient galement de noter que le tourisme est unsecteur qui a assez bien rsist la crise. En 2008, cesecteur a affich une croissance positive malgr la rcessionmondiale. En 2009, la part des recettes tires du tourismepar rapport aux exportations totales a t plus leve quen2008, ce qui revient dire que le tourisme a augmentdavantage relativement toutes les autres exportations debiens et de services26. Le nombre de touristes a augmenten Algrie et au Maroc en 2009, et na que lgrementdiminu dans tous les autres pays. Dans tous les cas, lesrecettes sont restes suprieures leur niveau de 2007.Ainsi, mme si le secteur du tourisme a subi des pertes dues la rcession, il a mieux rsist la crise que tous les autressecteurs dexportations en Afrique du Nord.

    Si la crise financire mondiale a eu des effets limits sur lestendances gnrales de croissance au niveau des pays, elle a entran des consquences considrables sur lesmnages pauvres qui, nayant pas t bien protgs par lesmesures de rponse la crise, ont vu leurs capacitsdadaptation seffriter davantage. La baisse du niveau de vie,la hausse du chmage, les ingalits croissantes et les griefspolitiques ont t lorigine des meutes et rvolutions quiont dstabilis lAfrique du Nord en 2011.

    Crise du Printemps Arabe

    Effets du Printemps Arabe

    Les meutes et rvolutions du Printemps Arabe, qui ontclat en Afrique du Nord en fin 2010 et dbut 2011 ontt dclenches par des facteurs induits propres aux

    pays, savoir la forte sensibilit des mnages pauvres laugmentation des prix des denres alimentaires et lachute des envois de fonds par les travailleurs migrants,ainsi que la propension de diffrents groupes susciterdes troubles sociaux comme moyen dattirer lattentiondes pouvoirs publics.

    La corrlation bien connue entre les prix des denresalimentaires et linstabilit politique en Af