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DOSSIER PEDAGOGIQUE Le Jeu de l’Île d’après Marivaux adaptation et mise en scène Gilberte Tsaï jeudi 24 et vendredi 25 mai 2012 Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : [email protected] Contacts relations publiques : Margot Linard : [email protected] Jérôme Pique : [email protected]

Le Jeu de l’Île - cndp.fr · une comédie en un acte et en vers, Le Père prudent et équitable, dans laquelle, derrière les ... Elle n’est jouée que trois fois. Il faudra

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DOSSIER PEDAGOGIQUE

Le Jeu de l’Île

d’après Marivaux adaptation et mise en scène

Gilberte Tsaï

jeudi 24 et vendredi 25 mai 2012

Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : [email protected]

Contacts relations publiques : Margot Linard : [email protected] Jérôme Pique : [email protected]

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d’après L’Île des esclaves (1725), L’Île de la raison (1727) et La Colonie (1750) de Marivaux

adaptation et mise en scène Gilberte Tsaï

avec

Yannis Bougeard

Denis Boyer

Amélie Esbelin

Laure-Hélène Favennec

Aurore James

Mathilde Monjanel

Aurélie ruby

Ismaël Tifouche Nieto

Thomas Visonneau

et Cédric Laurier, marionnetiste

scénographie Laurent Peduzzi

lumière Hervé Audibert

musique Olivier Dejours

son Bernard Valléry

costumes Cidalia da Costa

perruques et maquillages Sophie Niesseron

création des marionnettes Pascale Blaison

production Nouveau théâtre de Montreuil et Institut International de la Marionnette – Charleville-Mézières, dans

le cadre du Programme Recherche/Expérimentation soutenu par la Région Champagne-Ardenne – ORCCA.

sommaire

LE PROJET ARTISTIQUE

Présentation

Note d’intention

Photographies du spectacle

Extraits audio du spectacle

page 3

page 3

page 4

page 6

L’ÎLE DES ESCLAVES, L’ÎLE DE LA RAISON ET LA COLONIE de MARIVAUX

Biographie de Marivaux

Résumé des pièces

Extraits des pièces

page 7

page 9

page 11

ECHOS DANS LA PRESSE page 16

L’EQUIPE ARTISTIQUE page 18

Bibliographie, Sitographie page 22

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LE PROJET ARTISTIQUE

Présentation du spectacle Gilberte Tsaï, directrice du Nouveau Théâtre de Montreuil, a scénarisé et mis en scène un spectacle

croisant trois pièces de Marivaux qui reposent sur le même dispositif et dans lesquelles un groupe

d’exilés ou de naufragés se retrouve sur une île.

Pour sa dernière création au CDN de Montreuil, Gilberte Tsaï a choisi de travailler toute l’année avec

une troupe de jeunes comédiens issus de l’École supérieure de Limoges. Le Jeu de l’île est une

réflexion sur l’utopie à travers un montage de trois comédies politiques de Marivaux : L’Île des

esclaves explore le rapport maître-valet, L’Île de la raison oppose des Européens à des peuplades

« sauvages », La Colonie pose la question de la révolte des femmes. Ce sont les rapports de classe

et les rapports humains en général que Marivaux aborde dans ces trois pièces. Elles sont réunies ici

en un seul parcours théâtral - rêve fait par un philosophe indigent lui aussi débarqué de l’œuvre de

Marivaux : le plateau de théâtre, espace de son rêve, devient aussi aire de jeu où l’utopie tantôt

déployée tantôt contrariée devient comme le miroir déformant de nos songes politiques.

Note d’intention Comment vivre ensemble ? La plus vieille question politique, Marivaux la transporte dans des îles où,

ravivée, elle nous attend. Et c’est pourquoi le spectacle sera comme une croisière…

Trois fois Marivaux a couplé le thème de l’utopie et celui de l’île. Et trois fois un groupe d’exilés ou de

naufragés, confronté à une situation nouvelle et aux mœurs des autochtones, implose à ce contact.

Dans L’Île des esclaves (1725) gouvernée par d’anciens esclaves révoltés, ce sont les rapports

maître/valet du groupe de naufragés qui sont bouleversés. Dans L’Île de la Raison (1727) les

naufragés doivent faire l’apprentissage de la raison auprès d’un peuple dont ils doivent aussi imiter

les coutumes. Devenus tout petits à l’issue du naufrage, ils grandissent au fur et à mesure qu’ils

deviennent raisonnables. Dans La Colonie (1750) enfin, un peuple d’émigrants qui cherche à fonder

l’existence commune sur des lois nouvelles bute sur la question de la domination, les femmes

refusant de se plier aux hommes, ceci dans le cadre préventif d’une guerre à mener contre des

« sauvages » qui n’apparaissent pas.

Près de trente ans avant le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

de Rousseau, ce sont les rapports de classe et les rapports humains en général que Marivaux aborde

dans ces trois pièces qu’il semble d’autant plus logique de rassembler et de faire jouer ensemble

qu’elles reposent sur un même dispositif.

Où le plateau de théâtre se fait métaphore de l’île qui est elle-même métaphore de la société. L’au-

delà du lieu utopique sert de miroir à la société réelle. Le stratagème et les règles du jeu sont bien du

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XVIIIème siècle, et s’ils en portent le charme, la légèreté, ils ouvrent pourtant, avec malice et

franchise, sur des écarts et des enjeux qui sont toujours, faut-il seulement le souligner, d’actualité.

Les maîtres et les valets. Les hommes et les femmes. Les “civilisés” et les “sauvages”.

Qui irait prétendre que ces couples ne sont plus des couples d’opposition ?

Le spectacle, qui utilisera le potentiel imaginaire de l’île et des îles – dans toute son étendue, de la

mythique Atlantide à l’imagerie des agences de voyage – proposera aux spectateurs une sorte de

croisière qui les conduira d’une tentative de refonte à une autre. Mine de rien, ce sont toutes les

issues possibles de la rêverie politique qui s’entrouvrent, entre la plénitude de vies rêvées comme

une sorte de grand farniente jovial et l’effroi de séances de rééducation de sinistre mémoire.

Gilberte Tsaï

Photographies du spectacle

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Crédits photographiques : ©Pierre Grosbois

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Extraits audio du spectacle

prologue

disponible à l’adresse Internet :

http://www.dailymotion.com/video/xgyhro_prologue-du-jeu-de-l-ile-marivaux-gilberte-tsai_creation

extrait

disponible à l’adresse Internet :

http://www.dailymotion.com/video/xgyggd_choeur-de-femmes-marivaux-le-jeu-de-l-ile_creation

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L’ÎLE DES ESCLAVES, L’ÎLE DE LA RAISON et

LA COLONIE de Marivaux

Biographie de Marivaux Du théâtre du XVIIIème siècle, qui ne manquait pas d’auteurs, seul surnage quasi exclusivement, au

côté de Beaumarchais, celui de Marivaux (1688-1763). Grands par ailleurs, Diderot et Voltaire restent,

sauf de rares exceptions, dans la bibliothèque, tandis que lui continue d’être assez abondamment

interprété en scène.

Le père de Marivaux appartenait à l’administration des finances. Il y servit à Riom puis à Limoges. On

suppose que la famille jouissait d’une courte aisance. Dès Limoges, le jeune Marivaux est attiré par la

littérature. Il goûte peu Molière mais s’imprègne de Racine. A dix-huit ans, suite à un défi, il rédige

une comédie en un acte et en vers, Le Père prudent et équitable, dans laquelle, derrière les

maladresses, se profilent les idées qu’il va plus tard développer dans tout son théâtre fondé sur

l’exploration du sentiment d’amour. Lorsqu’il perd ses parents, il monte à Paris. En 1710, le voici

habitué du salon de la marquise de Lambert. On sait qu’il fréquente le monde du théâtre. Il plaît, il a

du charme. Il se lie avec Fontenelle (1657-1757) et La Motte-Houdar (1672-1731) dont il partage les

conceptions littéraires. Il se range à leurs côtés dans la relance de la fameuse querelle dite des

anciens et des modernes. Marivaux défend les « modernes », soit, en gros, ceux qui estiment devoir

faire fi de l’héritage gréco-latin. Dans le même mouvement, Marivaux met allègrement en boîte les

œuvres qui avaient enchanté les précieuses, entre autres celles de La Calprenède (1609-1663) ou

d’Honoré d’Urfé (1557-1625, auteur de L’Astrée, ce roman qui inventa la délicatesse des rapports

amoureux). Le jeune Marivaux, au nom de la vraie vie, prend donc un malin plaisir à brocarder les

tenants de la « Carte du Tendre » dans des romans sarcastiques aux titres évocateurs : Pharamon ou

les folies romanesques (composé en 1712, publié en 1737), Les Aventures de *** ou les effets

surprenants de la sympathie (1713) et pour finir La Voiture embourbée (1713). Bien qu’ignorant le

grec, cet ardent « moderne » écrit en 1717 L’Iliade travestie et, dans la foulée, Le Télémaque travesti.

Il donne aussi des articles au Nouveau Mercure, grâce à quoi les lecteurs lettrés le comparent

volontiers à La Bruyère.

Le 7 juillet 1717, Marivaux convole en justes noces avec une demoiselle Colombe Bologne. Vers

1720 naît une fille, Colombe-Prospère. Marivaux tente alors de vivre de sa plume. Le 17 octobre

1720, les Comédiens Italiens recueillent un franc succès en jouant son Arlequin poli par l’amour.

Deux mois plus tard, ce sont les Comédiens Français du Roi qui interprètent la seule tragédie écrite

par Marivaux, Annibal. Elle n’est jouée que trois fois. Il faudra attendre 1747 pour que Mlle Clairon la

reprenne, cette fois avec succès.

Le 3 mai 1722, les Comédiens Italiens présentent une comédie en trois actes, La Surprise de l’amour.

Un triomphe. Les plus brillants éléments de la troupe - Silvia, Flaminia, Lelio, Thomassin... - font

partie de la distribution. Le 6 avril 1723, rebelote dans le triomphe, avec la création, toujours par les

Comédiens Italiens, de La Double inconstance. L’exquise Silvia y est encore au centre. C’est pour

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elle, désormais, que Marivaux conçoit les œuvres qu’il destine aux Italiens. Avant comme après son

veuvage, en 1723, les comédies d’amour de Marivaux procèdent d’un élan vigoureux qu’on pourrait

qualifier de coup de foudre, lequel doit s’assumer contre vents et marées dans le mariage.

Il est un autre souffle, dans l’inspiration de Marivaux, qui mérite un sort à part. Il s’agit de ces pièces

impliquant de manière directe des préoccupations sociales, morales, philosophiques, voire

politiques.

C’est en 1725 qu’il donne d’abord aux Comédiens Italiens puis aux Comédiens Français L’Ile des

esclaves. Dans cet acte, créé au Théâtre-Italien, l’auteur en arrive à prouver que les antagonismes de

classes s’effacent dans la société quand s’y fait jour l’amour du prochain... Ce type de réflexions

constituait déjà la matrice du Spectateur Français, dont on a pu dire que certaines pages

annonçaient quasi Le Contrat social (1762) de Jean-Jacques Rousseau, lequel, d’ailleurs, viendra

consulter Marivaux en 1742. C’est aux Comédiens Français que Marivaux confie les trois actes de

L’Île de la raison, une œuvre au fond stupéfiante quant à la révolution des mœurs de son temps

qu’elle suppose. N’y est-il pas en effet question de la libération des femmes et de l’apologie de

l’union libre ? En 1729, dans La Colonie, créée par les Italiens, les mêmes thèmes sont remis sur le

métier. Il y a en particulier cet échange dialogué, qui en dit long sur la teneur provocatrice de la

pièce : « Le mariage, tel qu’il a été jusqu’ici, n’est plus aussi qu’une servitude que nous abolissons...

- Abolir le mariage ! Et que mettra-t-on à sa place ? – Rien. »

Le temps passant, après l’échec public de La Colonie, dans laquelle il plaidait expressément en

faveur du droit à l’égalité civique et politique pour les femmes, il ne s’attarda pas sur le sujet mais en

revint aux comédies d’amour (Le Jeu de l’amour et du hasard, Les Fausses confidences, etc.) où l’on

peut voir des jeunes filles ou des veuves décidées à disposer de leur cœur, donc de leur corps,

comme elles l’entendent et sans plus obéir aux injonctions des familles. Quant à l’éducation, l’auteur

de La Dispute, ce terrible conte philosophique sur l’hominisation accélérée d’enfants sauvages

longtemps tenus à l’écart du monde par caprice princier, Marivaux s’avère partisan de l’indulgence et

non du jugement sévère. « Qu’un enfant est mal élevé, écrit-il, quand pour son éducation, il

n’apprend qu’à trembler devant son père. »

En 1757, Marivaux et sa compagne s’installent derrière le Palais-Royal dans un immeuble modeste,

depuis démoli. C’est là qu’il meurt, le 12 février 1763, à trois heures du matin.

Il fallut les pré-romantiques puis les romantiques pour redécouvrir le théâtre de Marivaux, lequel en

son temps ne fut le plus souvent considéré que comme l’artisan de brillants divertissements. C’était

là faire fi du philosophe de la réalité et du penseur considérable qu’il fut, à côté de son théâtre en

quelque sorte, quand bien même sa vision de la société irrigue en permanence ses dialogues de

façon sous-jacente.

N’a-t-il pas déclaré ceci, entres autres sentences bien frappées : « L’homme qui pense beaucoup

approfondit les sujets qu’il traite : il les pénètre, il remarque des choses d’une extrême finesse, que

tout le monde sentira quand il les aura dites, mais qui, de tout temps, n’ont été remarquées que de

très peu de gens » ?

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Résumé des pièces

L’Île des esclaves

Iphicrate et Arlequin ont fait naufrage sur une île, après que leur chaloupe se fut brisée contre un rocher. Tous leurs compagnons semblent avoir péri en mer, Iphicrate veut partir à leur recherche mais Arlequin profite de la situation pour décider de ne plus être son esclave. Pour son insolence, Iphicrate, furieux, veut tuer Arlequin. Une personne nommée Trivelin accompagnée de quelques habitants de l’île, accourt vers Iphicrate lorsqu’il le voit l’épée à la main. Trivelin le désarme et pour punir Iphicrate de son comportement agressif envers Arlequin, il leur ordonne de changer de nom. Désormais Arlequin sera le Seigneur Iphicrate et le Seigneur Iphicrate sera Arlequin ou simplement « Hé ». Trivelin, ancien esclave et gouverneur de l’île, leur explique alors la loi de l’île des esclaves : Quand un maître arrive avec son esclave, le maître devient l’esclave et l’esclave son maître. Le maître pourra ainsi en tirer une leçon et revenir sur ses erreurs. Il s’agit donc de corriger l’orgueil et la barbarie des maîtres, pour les rendre « sains », plutôt que de se venger. Arlequin et Iphicrate rencontrent Cléantis et Euphrosine qui sont dans le même cas. Trivelin encourage Cléantis à faire le portrait d’Euphrosine, puis fait avouer à celle-ci que ce portrait est ressemblant. Arlequin fait de même pour Iphicrate devant Trivelin ; Iphicrate finit aussi par concéder la véracité du portrait. Arlequin et Cléantis, nouveaux maîtres, s'essaient à la séduction, comme les nobles, mais ça ne prend pas. Arlequin propose alors à Cléantis de tomber amoureuse d’Iphicrate, pendant que, lui, séduira Euphrosine. Cléantis part voir Euphrosine pour lui dire du bien d’Arlequin. Euphrosine s’en moque. Arlequin arrive devant Euphrosine mais sa déclaration tourne à l’échec. Euphrosine retourne la situation et domine Arlequin. Arlequin ordonne à Iphicrate d’aimer Cléantis, la nouvelle Euphrosine, mais Iphicrate se plaint. Il tente de prendre Arlequin par les sentiments, et d’éveiller chez lui de la pitié et des remords, pour le culpabiliser. Arlequin, n’est pas dupe et ne se laisse pas influencer. Arlequin finit par pardonner à son maître, renonce à son nouveau statut et échange ses habits avec ceux d’Iphicrate. Arlequin a compris qu’il n’est pas fait pour être maître : « Je ne te ressemble pas, moi, je n’aurais point le courage d’être heureux à tes dépens. ». Iphicrate assure à Arlequin qu’il a compris la leçon, qu’il lui revaudra ça et lui demande même d’oublier qu’il a été son esclave. Cléantis, qui les rejoint avec Euphrosine, est étonnée de la situation. Arlequin invite Cléantis à faire de même en expliquant qu’il veut être un « homme de bien » et que cela passe par le repentir. Euphrosine, une fois de plus, essaye de profiter de la situation, ce qui provoque la colère de Cléantis : les riches et les nobles, avec leur or, leur argent, leur dignité ne valent pas plus que les autres. Ils les méprisent même et sont incapables de pardon. Pour être capable de pardonner, il ne faut pas être seigneur, il faut « avoir le cœur bon, de la vertu et de la raison »… voilà ce qui fait qu’un homme est plus qu’un autre. Arlequin intervient pour dire à Cléantis que le pardon n’a pas besoin de reproches, d’injures et de rancune. Euphrosine finit par avouer qu’elle a « abusé de l’autorité » qu’elle avait sur Cléantis. Cléantis lui rend sa liberté, Euphrosine l’embrasse et lui propose le partage de ses biens. Trivelin revient et trouve Cléantis et Arlequin, libérés de leur condition d’esclaves, agenouillés, par humilité, devant leurs anciens maîtres. Trivelin n’est pas étonné de ce qu’il découvre, c’est ce qu’il attendait. Il prend finalement la parole et rappelle les leçons de l’expérience de chacun : Euphrosine et Iphicrate ont compris qu’ils agissaient mal quand ils étaient les maîtres, et Cléantis et Arlequin ont choisi le pardon plutôt que la vengeance quand ils sont devenus les maîtres. Il invite chacun à réfléchir là-dessus. Il conclut que « la différence des conditions n’est qu’une épreuve que les dieux font sur nous ». Trivelin annonce ensuite aux quatre Athéniens qu’ils peuvent se préparer à repartir, un bateau va bientôt les reconduire à Athènes. Il termine en disant que ce jour est sûrement le plus « profitable » de leur vie.

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%8Ele_des_esclaves

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L’Île de la raison Dans L’Île de la Raison où, comme l’explique aux nouveaux venus le sage Blectrue, conseiller du gouverneur de l’île, ce sont les femmes qui font la cour aux hommes, tous les habitants sont raisonnables. Lorsque des individus qui ne le sont pas y abordent, ils perdent de leur taille en proportion de leur degré de folie. Huit Français débarquent dans cette île : un courtisan, son secrétaire gascon, du nom de Frontignac, une comtesse et sa femme de chambre Spinette, un poète, un philosophe, un médecin et un paysan. En leur qualité de Français, ces personnages sont devenus nains en abordant, mais ils le sont à divers degrés. Celui dont la taille a le moins souffert est Blaise, le paysan et, par conséquent, celui qui est le plus raisonnable. Blaise convient franchement qu’il a souvent outrepassé les règles de la tempérance et qu’il lui est arrivé souvent de tromper les acheteurs auxquels il vendait ses produits. À mesure qu’il avoue ses fautes et prend la résolution de s’en corriger, il grandit aux yeux de ses compagnons. Une fois guéri, il entreprend de guérir le Gascon qui, reconnaissant sincèrement qu’il a été menteur, vantard et flatteur, reprend aussi sa taille. Le Gascon à son tour confesse et guérit la femme de chambre. Quant au médecin, devenu presque indécelable, il doit promettre de cesser de « guérir » ses malades et de promettre de laisser les gens mourir tout seuls pour recouvrer sa taille. La comtesse doit, quant à elle, se corriger de sa coquetterie, son orgueil et sa feinte politesse. Elle se décide même à faire une déclaration au fils du gouverneur de l’île et reprend la taille qu’elle avait avant son naufrage. La conversion la plus rude est celle du courtisan auquel son secrétaire a le plus grand mal à rappeler ses emprunts à droite et à gauche jamais remboursés, ses fausses protestations d’amitié, son amour des louanges. Le courtisan finit pourtant par confesser ses torts et par tendre la main au paysan et au Gascon, qui les lui ont fait connaître. Seuls, le poète et le philosophe refusent d’avouer qu’ils se sont trompés, et restent incurables. Spinette se décide, comme la comtesse, à faire une déclaration ; elle est bien reçue, et tout finit par des mariages.

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%8Ele_de_la_raison La colonie Un groupe d’hommes et de femmes d’un pays vaincu ont été contraints de se réfugier sur une île. Placés devant l’obligation de se donner des institutions, on doit procéder à l’élection de deux nouveaux gouverneurs de l’île : le seigneur Timagène représentera la noblesse, l’artisan Sorbin le tiers-état. Mais, refusant que ces derniers ne les admettent pas au gouvernement, les femmes, qui n’acceptent plus de vivre sous la dépendance des hommes décident d’établir des lois et prennent les hommes de court en formant leur propre comité constitutionnel. Arthénice représentera la noblesse et Mme Sorbin le tiers-état. Voulant également abolir l’amour et le mariage, considéré comme une pure servitude, on ordonne à la fille de Mme Sorbin, Lina, de ne plus voir Persinet, qu’elle aime et qui l’aime. Invitée à faire une profession de foi contre l’amour, Lina ne pourra cependant s’y résoudre. De même, Madame Sorbin fera décréter, à la colère des autres femmes qui se rebiffent, que celles-ci doivent s’enlaidir. Lorsque Arthénice et Madame Sorbin intiment aux hommes l’ordre de leur donner, sous peine de séparation éternelle, accès à toutes les fonctions qu’ils exercent, ceux-ci délégueront leur pouvoir à Hermocrate. Timagène s’avisera d’un stratagème pour mettre fin au coup d’État des femmes en prétextant une attaque des sauvages. Les hommes feignant vouloir les envoyer au combat, le bataillon féminin perd contenance et Madame Sorbin dit à son mari : « Va te battre, je vais à notre ménage. » Timagène promet aux femmes d’avoir soin de leurs droits dans les usages qui seront établis.

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Colonie

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Extraits des pièces

L’Île des esclaves

La scène est dans l'île des esclaves.

Le théâtre représente une mer et des rochers d'un côté, et de l'autre quelques arbres et des

maisons.

Scène I. − Iphicrate s'avance tristement sur le théâtre avec Arlequin.

IPHICRATE, après avoir soupiré. − Arlequin ?

ARLEQUIN, avec une bouteille de vin qu'il a à sa ceinture. − Mon patron !

IPHICRATE. − Que deviendrons-nous dans cette île ?

ARLEQUIN. − Nous deviendrons maigres, étiques, et puis morts de faim ; voilà mon sentiment et

notre histoire.

IPHICRATE. − Nous sommes seuls échappés du naufrage; tous nos amis ont péri, et j'envie

maintenant leur sort.

ARLEQUIN. − Hélas ! ils sont noyés dans la mer, et nous avons la même commodité.

IPHICRATE. − Dis-moi; quand notre vaisseau s'est brisé contre le rocher, quelques-uns des nôtres

ont eu le temps de se jeter dans la chaloupe; il est vrai que les vagues l'ont enveloppée : je ne sais ce

qu'elle est devenue; mais peut-être auront-ils eu le bonheur d'aborder en quelque endroit de l'île et je

suis d'avis que nous les cherchions.

ARLEQUIN. − Cherchons, il n'y a pas de mal à cela; mais reposons-nous auparavant pour boire un

petit coup d'eau-de-vie. J'ai sauvé ma pauvre bouteille, la voilà; j'en boirai les deux tiers comme de

raison, et puis je vous donnerai le reste.

IPHICRATE. − Eh ! ne perdons point notre temps; suis-moi : ne négligeons rien pour nous tirer d'ici.

Si je ne me sauve, je suis perdu; je ne reverrai jamais Athènes, car nous sommes seuls dans l'île des

Esclaves.

ARLEQUIN. − Oh ! oh ! qu'est-ce que c'est que cette race-là ?

IPHICRATE. − Ce sont des esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maîtres, et qui depuis cent ans

sont venus s'établir dans une île, et je crois que c'est ici : tiens, voici sans doute quelques-unes de

leurs cases; et leur coutume, mon cher Arlequin, est de tuer tous les maîtres qu'ils rencontrent, ou de

les jeter dans l'esclavage.

ARLEQUIN. − Eh ! chaque pays a sa coutume; ils tuent les maîtres, à la bonne heure ; je l'ai entendu

dire aussi; mais on dit qu'ils ne font rien aux esclaves comme moi.

IPHICRATE. − Cela est vrai.

ARLEQUIN. − Eh ! encore vit-on.

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IPHICRATE. − Mais je suis en danger de perdre la liberté et peut-être la vie : Arlequin, cela ne suffit-il

pas pour me plaindre ?

ARLEQUIN, prenant sa bouteille pour boire. − Ah ! je vous plains de tout mon cœur, cela est juste.

IPHICRATE. − Suis-moi donc ?

ARLEQUIN siffle. − Hu ! hu ! hu !

IPHICRATE. − Comment donc ! que veux-tu dire ?

ARLEQUIN, distrait, chante. − Tala ta lara.

IPHICRATE. − Parle donc; as-tu perdu l'esprit ? à quoi penses-tu ?

ARLEQUIN, riant. − Ah ! ah ! ah ! Monsieur Iphicrate, la drôle d'aventure ! je vous plains, par ma foi;

mais je ne saurais m'empêcher d'en rire.

IPHICRATE, à part les premiers mots. − Le coquin abuse de ma situation : j'ai mal fait de lui dire où

nous sommes. Arlequin, ta gaieté ne vient pas à propos; marchons de ce côté.

ARLEQUIN. − J'ai les jambes si engourdies !...

IPHICRATE. − Avançons, je t'en prie. […]

L’Île de la raison

Scène première

LE MARQUIS, LE CHEVALIER

LE MARQUIS, tenant le Chevalier par la main.

Parbleu, Chevalier, je suis charmé de te trouver ici, nous causerons ensemble, en attendant que la comédie commence.

LE CHEVALIER

De tout mon cœur, Marquis.

LE MARQUIS

La pièce que nous allons voir est sans doute tirée de Gulliver ?

LE CHEVALIER

Je l'ignore. Sur quoi le présumes-tu ?

LE MARQUIS

Parbleu, cela s'appelle Les Petits Hommes ; et apparemment que ce sont les petits hommes du livre anglais.

LE CHEVALIER

Mais, il ne faut avoir vu qu'un nain pour avoir l'idée des petits hommes, sans le secours de son livre.

LE MARQUIS, avec précipitation.

Quoi ! sérieusement, tu crois qu'il n'y est pas question de Gulliver ?

LE CHEVALIER

Eh ! que nous importe ?

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LE MARQUIS

Ce qu'il m'importe ? C'est que, s'il ne s'en agissait pas, je m'en irais tout à l'heure.

LE CHEVALIER, riant.

Écoute. Il est très douteux qu'il s'en agisse ; et franchement, à ta place, je ne voudrais point du tout m'exposer à ce doute-là : je ne m'y fierais pas, car cela est très désagréable, et je partirais sur-le-champ.

LE MARQUIS

Tu plaisantes. Tu le prends sur un ton de railleur. Mais en un mot, l'auteur, sur cette idée-là, m'a accoutumé à des choses pensées, instructives ; et si on ne l'a pas suivi, nous n'aurons rien de tout cela.

LE CHEVALIER, raillant.

Peut-être bien, d'autant plus qu'en général (et toute comédie à part), nous autres Français, nous ne pensons pas ; nous n'avons pas ce talent-là.

LE MARQUIS

Eh ! mais nous pensons, si tu le veux.

LE CHEVALIER

Tu ne le veux donc pas trop, toi ?

LE MARQUIS

Ma foi, crois-moi, ce n'est pas là notre fort : pour de l'esprit, nous en avons à ne savoir qu'en faire ; nous en mettons partout, mais de jugement, de réflexion, de flegme, de sagesse, en un mot, de cela (montrant son front), n'en parlons pas, mon cher Chevalier ; glissons là-dessus : on ne nous en donne guère ; et entre nous, on n'a pas tout le tort.

LE CHEVALIER, riant.

Eh, eh, eh ! je t'admire, mon cher Marquis, avec l'air mortifié dont tu parais finir ta période : mais tu ne m'effrayes point ; tu n'es qu'un hypocrite ; et je sais bien que ce n'est que par vanité que tu soupires sur nous.

LE MARQUIS

Ah ! par vanité : celui-là est impayable.

LE CHEVALIER

Oui, vanité pure. Comment donc ! Malpeste ! il faut avoir bien du jugement pour sentir que nous n'en avons point. N'est-ce pas là la réflexion que tu veux qu'on fasse ? Je le gage sur ta conscience.

LE MARQUIS, riant.

Ah, ah, ah ! parbleu, Chevalier, ta pensée est pourtant plaisante. Sais-tu bien que j'ai envie de dire qu'elle est vraie ?

LE CHEVALIER

Très vraie ; et par-dessus le marché, c'est qu'il n'y a rien de si raisonnable que l'aveu que tu en fais. Je t'accuse d'être vain, tu en conviens ; tu badines de ta propre vanité : il n'y a peut-être que le Français au monde capable de cela.

LE MARQUIS

Ma foi, cela ne me coûte rien, et tu as raison ; un étranger se fâcherait : et je vois bien que nous sommes naturellement philosophes.

LE CHEVALIER

Ainsi, si nous n'avons rien de sensé dans cette pièce-ci, ce ne sera pas à l'esprit de la nation qu'il faudra s'en prendre.

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LE MARQUIS

Ce sera au seul Français qui l'aura fait. […]

La Colonie

Scène première

ARTHÉNICE, MADAME SORBIN

ARTHÉNICE

Ah çà ! Madame Sorbin, ou plutôt ma compagne, car vous l'êtes, puisque les femmes de votre état viennent de vous revêtir du même pouvoir dont les femmes nobles m'ont revêtue moi-même, donnons-nous la main, unissons-nous et n'ayons qu'un même esprit toutes les deux.

MADAME SORBIN, lui donnant la main.

Conclusion, il n'y a plus qu'une femme et qu'une pensée ici.

ARTHÉNICE

Nous voici chargées du plus grand intérêt que notre sexe ait jamais eu, et cela dans la conjoncture du monde la plus favorable pour discuter notre droit vis-à-vis les hommes.

MADAME SORBIN

Oh ! pour cette fois-ci, Messieurs, nous compterons ensemble.

ARTHÉNICE

Depuis qu'il a fallu nous sauver avec eux dans cette île où nous sommes fixées, le gouvernement de notre patrie a cessé.

MADAME SORBIN

Oui, il en faut un tout neuf ici, et l'heure est venue ; nous voici en place d'avoir justice, et de sortir de l'humilité ridicule qu'on nous a imposée depuis le commencement du monde : plutôt mourir que d'endurer plus longtemps nos affronts.

ARTHÉNICE

Fort bien, vous sentez-vous en effet un courage qui réponde à la dignité de votre emploi ?

MADAME SORBIN

Tenez, je me soucie aujourd'hui de la vie comme d'un fétu ; en un mot comme en cent, je me sacrifie, je l'entreprends. Madame Sorbin veut vivre dans l'histoire et non pas dans le monde.

ARTHÉNICE

Je vous garantis un nom immortel.

MADAME SORBIN

Nous, dans vingt mille ans, nous serons encore la nouvelle du jour.

ARTHÉNICE

Et quand même nous ne réussirions pas, nos petites-filles réussiront.

MADAME SORBIN

Je vous dis que les hommes n'en reviendront jamais. Au surplus, vous qui m'exhortez, il y a ici un certain Monsieur Timagène qui court après votre cœur ; court-il encore ? Ne l'a-t-il pas pris ? Ce serait là un furieux sujet de faiblesse humaine, prenez-y garde.

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ARTHÉNICE

Qu'est-ce que c'est que Timagène, Madame Sorbin ? Je ne le connais plus depuis notre projet ; tenez ferme et ne songez qu'à m'imiter.

MADAME SORBIN

Qui ? moi ! Et où est l'embarras ? Je n'ai qu'un mari, qu'est-ce que cela coûte à laisser ? ce n'est pas là une affaire de cœur.

ARTHÉNICE

Oh ! j'en conviens.

MADAME SORBIN

Ah çà ! vous savez bien que les hommes vont dans un moment s'assembler sous des tentes, afin d'y choisir entre eux deux hommes qui nous feront des lois ; on a battu le tambour pour convoquer l'assemblée.

ARTHÉNICE

Eh bien ?

MADAME SORBIN

Eh bien ? il n'y a qu'à faire battre le tambour aussi pour enjoindre à nos femmes d'avoir à mépriser les règlements de ces messieurs, et dresser tout de suite une belle et bonne ordonnance de séparation d'avec les hommes, qui ne se doutent encore de rien.

ARTHÉNICE

C'était mon idée, sinon qu'au lieu du tambour, je voulais faire afficher notre ordonnance à son de trompe.

MADAME SORBIN

Oui-da, la trompe est excellente et fort convenable.

ARTHÉNICE

Voici Timagène et votre mari qui passent sans nous voir.

MADAME SORBIN

C'est qu'apparemment ils vont se rendre au Conseil. Souhaitez-vous que nous les appelions ?

ARTHÉNICE

Soit, nous les interrogerons sur ce qui se passe. (Elle appelle Timagène.)

MADAME SORBIN appelle aussi.

Holà ! notre homme. […]

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ECHOS DANS LA PRESSE «Le Jeu de l’île», la triple constance de Marivaux

Théâtre. Gilberte Tsaï quitte le Centre dramatique de Montreuil sur trois pièces politiques de

l’auteur.

Pour sa dernière réalisation en tant que directrice du Centre dramatique national de Montreuil, où elle

est arrivée en 2000, Gilberte Tsaï a choisi de faire entendre Marivaux, ce qui n’est pas la façon la

moins élégante de tirer le rideau. Intitulé le Jeu de l’île, son spectacle coud ensemble trois

pièces : l’Ile des esclaves, l’Ile de la raison et la Colonie.

Débarquée sur une terre inconnue, une communauté de naufragés ou d’exilés fait l’expérience de la

refondation, point commun entre les trois histoires. Ce que Tsaï résume ainsi : «Comment vivre

ensemble ? La plus vieille question politique, Marivaux la transporte dans des îles où, ravivée, elle

nous attend.» Décor quasi unique et même distribution, on peut voir le Jeu de l’île comme une pièce

en trois actes, donnés dans l’ordre chronologique de leur écriture. On y passe de la lutte des classes

à la guerre des sexes, avec au milieu une accalmie trompeuse.

L’Ile des esclaves reprend un thème cher à Marivaux : l’inversion des rapports entre maîtres et

serviteurs. Le jeu de rôles revêt cette fois une dimension ouvertement politique. L’île est une

République qui a aboli l’esclavage ; Arlequin et Cléanthis, les serviteurs, ont réellement pris le pouvoir

sur leurs maîtres. On y trouve par ailleurs des échos dela Tempête de Shakespeare, du naufrage

initial aux scènes de beuverie.

Représentée pour la première en août 1727, l’Ile de la raison évoque pour sa part les Voyages de

Gulliver, traduits en français la même année. Echoués sur une île et réduits à l’état de nains, «huit

Européens consternés» sont confrontés aux géants autochtones qui leur donneront la recette pour

grandir : faire leur autocritique et devenir humbles. Comme toujours chez Marivaux, le happy end - un

rétablissement des conventions - laisse une drôle d’impression, comme si l’orage allait revenir encore

plus fort.

Une sensation confirmée dans la Colonie, où la révolte des femmes contre les hommes (comme

dans Lysistrata d’Aristophane) entraîne le rire tout près de l’abîme. Gilberte Tsaï et ses jeunes

acteurs, issus de l’Académie de Limoges, réussissent le pari de faire entendre un Marivaux politique,

même si le plaisir que procure la représentation reste en dessous du texte. Il leur arrive peut-être la

même mésaventure qu’à l’auteur quand il fit représenter l’Ile de la raison.Plebsicitée lors de sa lecture

par les Comédiens-Français, elle fut boudée par le public. «Les yeux, estimait Marivaux, ne se sont

point plu à cela, et dès lors on a senti que cela se répétait toujours.»

René Solis, article publié sur le site Internet http://www.liberation.fr le 08 mars 2011

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Le Jeu de l’île

Le Jeu de l’île, d’après L’Île des esclaves, L’Île de la raison et La Colonie, de Marivaux,

adaptation et mise en scène de Gilberte Tsaï

On est sidéré par la modernité de Marivaux dans cette dernière pièce où il pose toutes les questions

de l’égalité et de la mixité qu’un demi-siècle plus tard… les révolutionnaires oublieront. On voit déjà

là la force du combat féministe, y compris, et de façon plaisante, dans ses contradictions entre les

« pures et dures » et les féministes « lipstick » qui ont envie d’être coquettes pour elles-mêmes. La

pièce finit sur le constat qu’une seule égalité est vivable, sans retour en arrière.

C’est peut-être parce qu’il y a là un réel enjeu pour aujourd’hui que la représentation s’anime

vraiment quand on arrive à La Colonie. Féministes, rassurez-vous : le public jeune, filles et garçons,

réagit joyeusement et positivement à la proposition de Marivaux. Il n’en est pas de même pour les

deux autres pièces, dont l’enjeu est plus lointain : difficile d’assimiler l’opposition entre riches et

pauvres d’aujourd’hui au couple maître-serviteur, la société industrielle et Marx étant depuis passés

par là. Cela rend les pièces plus abstraites et plus moralisantes, même si on aime toujours

l’humanisme de Marivaux. Peut-être, aussi, ces deux pièces manquent-elles de situations

dramatiques, même si se dessine dans L’Île des esclaves, à côté du renversement de base, une

coupable indulgence du président de cette république pour la coquette et tyrannique Euphrosyne…

Le spectacle est lent à démarrer, donc, avec de jeunes comédiens issus de l’école de Limoges qui

peinent à se lâcher. En revanche, ils excellent dans la musique chorale composée pour eux par

Olivier Dejours, et manipulent remarquablement, ce qui est rare parmi les comédiens, surtout

débutants, les marionnettes de Pascale Blaison.

Toute l’affaire est placée sous le regard d’un philosophe un peu cynique et ironique, un peu bohême

et pas mal arrosé, qui passe heureusement, le temps de la représentation, d’un regard misanthrope

à un regard humaniste.

On en est heureux, mais on attendait quand même un peu plus de théâtre.

Christine Friedel, article publié sur le site Internet www.theatredublog.unblog.fr

le 7 février 2011

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L’EQUIPE ARTISTIQUE adaptation et mise en scène GILBERTE TSAÏ

Née à Paris, d’un père chinois et d’une mère française, Gilberte Tsaï grandit à Lyon où elle fonde la

compagnie Théâtre Tsaï dans les années 1970. Elle travaille ensuite en collaboration avec le Théâtre

National de Strasbourg et avec l’Atelier lyrique du Rhin.

Au Festival d’Avignon elle participe à la création de Tembouctou (1982) puis présente Voyage en

Chine intérieure (1986), spectacle pour vingt comédiens, chanteurs et musiciens chinois, repris à

Paris puis en tournée un peu partout dans le monde. En 1987, elle obtient une bourse Villa Médicis

hors les murs lui permettant de faire un séjour en Chine. A la fin des années 80, sa carrière s'ouvre à

l'international : au Lincoln Center de New York, dans le cadre du bicentenaire de la Révolution

Française, elle crée Tales of Exile, d’après Italo Calvino (1989). Gilberte Tsaï dirige aussi des enfants

dans deux montages originaux de textes contemporains s’adressant à un public d’adultes : Celui qui

ne parle pas et Turbulences. Souvent auteure et metteure en scène tout à la fois, Gilberte Tsaï

développe un mode de création singulier qui vise la transformation et le métissage de matériaux

concrets et souvent non dramatiques en une forme théâtrale et poétique : Tableaux impossibles

(1991) qui s'inspire des tableaux rêvés de sept peintres contemporains, La Main verte (1994)

spectacle sur les jardins créé en collaboration avec le paysagiste Gilles Clément, Noces de bambou

(1998) écrit en collaboration avec Jean-Christophe Bailly à partir de récits d’émigration recueillis

auprès de la communauté asiatique de la région parisienne mais aussi Song (1999) composé de

récits et de chansons retraçant cinquante ans d’histoire contemporaine de la Chine. Entre 1999 et

2008, elle présente Une Nuit à la bibliothèque, de Jean-Christophe Bailly à Paris et en tournée dans

plusieurs villes de France et d’Italie (Turin, capitale mondiale du Livre), puis en Russie et en Iran.

Directrice du Centre dramatique national de Montreuil depuis 2000, Gilberte Tsaï met en scène La

Nuit blanche, montage à partir des textes d’Arlette Farge et de divers écrits du XVIIIème siècle, le

triptyque Sur le vif, spectacle accompagné de Ricochets : trois petites formes jouées en

appartement. En janvier 2008, elle inaugure la salle du Nouveau Théâtre de Montreuil avec une

adaptation de Ce soir on improvise de Luigi Pirandello. Puis, elle met en scène en 2009, Vassa 1910,

une adaptation de l’œuvre de Maxime Gorki. En février 2010 elle crée une pièce inédite en France Le

Mystère du bouquet de roses de Manuel Puig.

Enseignante à l’Académie de Limoges en 2009/2010, elle fait la connaissance de la promotion

d’élèves-comédiens de la séquence 6, qu’elle conduira à présenter Parcours sensible dans les

jardins, spectacle déambulatoire de plein air (reprise au printemps 2011). De cette rencontre naît le

projet d’une troupe permanente de jeunes comédiens au Nouveau théâtre de Montreuil, autour de la

création du Jeu de l’Ile d’après Marivaux.

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YANNIS BOUGEARD, DENIS BOYER, AMELIE ESBELIN, LAURE-HELENE FAVENNEC,

AURORE JAMES, MATHILDE MONJANEL, AURELIE RUBY et THOMAS VISONNEAU

sont issus de la 6ème promotion de l’Académie de Limoges (2010), école nationale professionnelle de

théâtre du Limousin dirigée par Anton Kouznetzov. Au cours de leur cursus d’une durée de 3 ans, ils

ont suivi de nombreux stages, dirigés notamment par Paul Chiributa (fondamentaux de l’art du

comédien et improvisation-créativité), par Ana Ciontea (construction du personnage), ou encore par

José Carlosema (chant). En complément, l’Académie organise des spectacles et lectures hors-les-

murs, occasions de se confronter au public : comme avec Voitures américaines de Catherine Léger,

dirigée par Laurent Hatat, au 25ème Festival des Francophonies en Limousin (2008) et dans le cadre

de Mardis midi au Théâtre du Rond-Point (2009) ; Erzuli Dahomet de et dirigée par Jean-René

Lemoine, au Théâtre National de l’Odéon puis au Festival d’Avignon (2010). Lors de leur 3ème et

dernière année, deux spectacles voient le jour sous la direction d’Anton Kouznetsov : Memorandum

pour Anna Politkovskaïa de Stefano Massini et M. de Maupassant d’après les nouvelles de Guy de

Maupassant.

En juin 2010, Gilberte Tsaï dirige la 6ème promotion pour un spectacle de fin d’études Parcours

sensible dans les jardins, spectacle-déambulation autour de la relation des hommes au jardin. Ce

spectacle sera présenté à Limoges puis au Jardin-Ecole du Lycée horticole de Montreuil.

De cette collaboration naît une grande complicité et le désir de continuer à travailler ensemble.

Gilberte Tsaï initie le projet d’une troupe permanente au Nouveau théâtre de Montreuil pour la saison

2010/2011. Les élèves de la 6ème promotion de l’Académie de Limoges sont rejoints par un élève de

l’ENSATT de Lyon (Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre), ISMAËL

TIFOUCHE NIETO. Dans son jeune parcours, il croise le chemin de nombreuses figures du théâtre

français, parmi lesquelles Jean-Pierre Vincent, Guillaume Lévèque, Claude Buschvald, Philippe

Delaigue. Plus récemment, en septembre 2010, il joue pour Jean-Claude Berutti dans Macbeth de

Heiner Müller.

Cette saison, après une phase préalable d’ateliers de recherche et de formation menée en

collaboration avec de nombreux professionnels reconnus (parmi lesquels Jean Goldzink, Alain

Zaepffel, Jean-Christophe Bailly, Jean-Pierre Han, Pascale Blaison, Emmanuelle Vo Dinh, Lin Yuan

Shang, Mario Gonzalez, Olivier Dejours, Arlette Farge), Gilberte Tsaï dirigera la troupe sur la création

Le Jeu de l’île. Puis au printemps 2011 sera organisée la reprise de Parcours sensible dans les

jardins au Domaine de Rentilly (Seine-et-Marne), au Château de la Roche-Guyon (Val d’Oise), à

Montreuil (Seine-Saint-Denis), …

décor LAURENT PEDUZZI

Laurent Peduzzi est plasticien et scénographe. Depuis le début des années 1980, il crée des

scénographies pour le théâtre avec entre autres Elisabeth Chailloux, Adel Hakim, Jean-Luc Lagarce,

Pierre Romans, John Berry, Jacques Nichet, Michel Deutsch, Yves Beaunesne, Michel Didym,

François Rancillac, Jean-Louis Benoît, Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, Gildas Bourdet, … Il

travaille aussi à l’opéra auprès de Gildas Bourdet, Alain Milianti (Don Giovanni de Mozart au Festival

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d’Aix-en-Provence), d’Antoine Bourseiller, de Pierre Barrat, de Dominique Pitoiset et de Stephen

Taylor, de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff. Aussi, il est depuis 1999 collaborateur artistique et

scénographe de la chorégraphe Catherine Diverrès.

Outre le spectacle vivant, il signe la scénographie et le mobilier d’espaces intérieurs et redessine

l’architecture de lieux d’accueil comme au Volcan du Havre ou au Centre chorégraphique national de

Rennes. Pour la Bibliothèque Nationale et l’Opéra Garnier, il conçoit l’espace de l’exposition Wagner

et la France en 1983 celui d’Envie de ville en 2005 pour la Mairie de Rennes au Liberté. Il expose son

travail de plasticien à Palerme lors de l’exposition Cantieri alla Ziza. Au cinéma, il crée les décors de

L’Orchestre rouge de Jacques Rouffio en 1988.

lumière HERVE AUDIBERT

Plasticien, concepteur lumière formé à l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique de Strasbourg puis

assistant d’André Diot, Hervé Audibert travaille depuis le début des années 1980 sur la conception et

la réalisation de lumières dans le spectacle vivant mais aussi en muséographie et architecture. Au

théâtre et à l’opéra, il a régulièrement travaillé aux côtés de Michel Voïta, Jean Jourdheuil et Jean-

François Peyret, Bernard Sobel, Sophie Loucachevski, Patrice Caurier, Moshe Leiser ou encore

Jean-Pierre Vincent. Ces dernières années, il retrouve régulièrement, à l’opéra et au théâtre, Michel

Deutsch et André Wilms. Dans le domaine architectural, Hervé Audibert a mis en lumières le Centre

National de la Danse de Pantin (Equerre d’argent 2004). Il conçoit et réalise la mise en lumières du

104, de la place de l'Hôtel de Ville du Havre, du Musée National d'Estonie ou encore du Grand

Boulevard de Lille. Il vient également de remporter le concours, dans le cadre du 1% artistique, de

l’œuvre d’art en lumière pour le tramway de Toulouse. Parallèlement à ses travaux de créations,

Hervé Audibert intervient depuis 2001 auprès des étudiants en architecture à l’ESAT, des Universités

de Marne la Vallée, Nîmes et Grenoble.

musique OLIVIER DEJOURS

Olivier Dejours a étudié au Conservatoire de Strasbourg avec Jean Batigne, et au CNSM de Paris

avec Claude Ballif. Il a été membre des percussions de Strasbourg de 1976 à 1982. Pendant ces

années, il a joué et créé des œuvres de plus de 30 compositeurs parmi lesquels Iannis Xenakis,

Karlheinz Stockhausen, John Cage, Harrison Birtwistle, François Bernard Mâche, Luis De Pablo.

Compositeur, Olivier Dejours a écrit des musiques pour les metteurs en scène Jean-Pierre Vincent,

Gilberte Tsaï, Matthias Langhoff, Jean Dautremay… Dans ses œuvres originales, il travaille

notamment sur les relations entre le langage parlé et la musique : mélodrame, « chant parlé »,

Sprechgesang. Il a composé dans cet esprit Scorrendo, Ombres et furtives, La conversation des

Ombres, Souvenirs de guerre-mélodrame, sur des textes de Jean Thibaudeau, commande de Radio-

France (mentionné au Prix Italia 1998).

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son BERNARD VALLERY

Après sa formation au Théâtre National de Strasbourg, Bernard Valléry travaille pour différents

metteurs en scène : Jacques Nichet, Didier Bezace, Jean-Louis Benoit, Wladyslaw Znorko, Bernard

Sobel, Benno Besson, Christian Rist, Olivier Perrier, Jacques Rebotier, Jean-Yves Lazennec, Olivier

Werner, Yvan Grinberg, Dominique Lardenois, Elisabeth Maccoco, Denis Podalydès, Frédéric Bélier-

Garcia, Claudia Stavisky, Vincent Goethals, Jeanne Champagne... Il travaille également pour la danse

et la marionnette avec Bouvier-Obadia et Jésus Hidalgo, Jean-Pierre Lescot, réalise différents

travaux sonores et musicaux pour Angelique Ionatos, Denis Podalydès Voix off, Nicolas Hulot Le

Syndrome du Titanic etc. Par ailleurs, il intervient sur de nombreuses muséographies : Mouvement

solo Lyon Lumière, Planète nourricière au Palais de la Découverte, Musée d’Annecy 2004...

costumes CIDALIA DA COSTA

Après des études d'Arts Plastiques, Cidalia Da Costa commence à travailler au cinéma.

Très vite, elle rencontre le spectacle vivant. Pour le théâtre, elle crée des costumes notamment pour

les spectacles de Pierre Ascaride, Didier Bezace, Vincent Colin, Gabriel Garran, Daniel Mesguich,

Jacques Nichet, Philippe Adrien, Yves Beaunesne, Hubert Colas, Christine Dormoy, Charles

Tordjman, David Géry, ... Pour la danse contemporaine, elle a collaboré avec Jean Gaudin, Catherine

Diverres, Bernardo Montet, Christian Trouillas… Ses costumes ont été exposés au Centre Georges

Pompidou, à la Grande Halle de la Villette et à la Comédie Française.

perruques et maquillages SOPHIE NIESSERON

Créatrice de perruques et de maquillages, Sophie Niesseron a travaillé avec Alain Françon pendant

de nombreuses années, mais aussi, avec Didier Bezace, Jacques Nichet, David Géry, Chantal Morel

et bien d'autres. Elle collabore fidèlement avec Cidalia Da Costa. Elle côtoie ainsi le théâtre, l'opéra,

la télévision et plus récemment la danse.

création des marionnettes PASCALE BLAISON

Pascale Blaison, après une première formation de comédienne au Conservatoire d’Art dramatique de

Nîmes, intègre l’Ecole de théâtre Jacques Lecoq. Elle travaille simultanément le mime, la danse, le

masque, la sculpture et le dessin. Elle rencontre Philippe Genty qui lui offre l’opportunité de travailler

à la fois en tant que comédienne et plasticienne. Depuis elle joue, manipule, fabrique pour des

compagnies telles que le Théâtre de la Véranda (Lisa Wurmser), Théâtre du Frêne (Guy Freixe),

Compagnie Voix Off (Damien Bouver), le Nada Théâtre (Babette Masson et Jean-Louis Heckel), La

Compagnie l’Eventail, … Pascale Blaison est également formatrice à l’Ecole Supérieure Nationale

des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières. Elle anime aussi des stages et des ateliers de

manipulation d’objets et marionnettes dans plusieurs lieux comme L’Ecole du Samovar et La Nef à

Pantin dirigée par Jean-Louis Heckel.

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marionnettiste CEDRIC LAURIER

Après quelques années mêlant théâtre, danse et études universitaires en Lettres Modernes, Cédric

Laurier se forme aux arts de la marionnette au sein de l’ESNAM (Ecole Supérieure Nationale des Arts

de la Marionnette) à Charleville-Mézières. Des cours, des ateliers ou des créations y sont alors menés

par des artistes tels que Nicole Mossoux, Carlotta Ikeda, Fabrizio Montecchi, Jacques Templeraud,

… Il y reçoit également l’enseignement de Claire Heggen sur le masque, le théâtre corporel et le

rapport corps/objet. A l’issue de cette formation, il décide de créer en décembre 2002 avec Dinaïg

Stall (rencontrée à l’ESNAM) la compagnie Le Bruit du Frigo dont l’objectif est de créer des

spectacles mêlant les formes animées et les autres arts, avec une attention particulière portée au

rapport entre le corps et ses avatars fictifs. Il a ainsi mis en scène ou interprété au sein de la

compagnie différents spectacles tels que Juste un petit coup de main, Ici ou là, Peur, Corps

Contondants, Le Cadeau. Il est également interprète au sein de plusieurs compagnies (Cie du Coq à

l'Ane, le Théâtre sans Toit, Cie Au Fil des Flots).

Bibliographie - Marivaux, L’Île des esclaves,

- Marivaux, L’Île de la raison,

- Marivaux, La Colonie,

- Tdc n°740, Maîtres et valets, les raisons d’une rupture, numéro écrit par Christian Biet, publié par le CNDP,

septembre 1997,

- Aristophane, Lysistrata.

Sitographie Un autre article de presse sur le spectacle sur le site Internet www.lestroiscoups.com :

- http://www.lestroiscoups.com/article-le-jeu-de-l-ile-d-apres-marivaux-critique-de-celine-doukhan-theatre-

municipal-de-fontainebleau-105048553.html

Le site de l’Institut international de la marionnette de Charleville-Mézières :

- http://www.marionnette.com/

Les textes en lignes :

- L’Île des esclaves : http://www.site-magister.com/ilesclav.htm

- L’Île de la raison :

http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99%C3%8Ele_de_la_raison_ou_les_Petits_Hommes

- Colonie : http://fr.wikisource.org/wiki/La_Colonie

Sur le rapport maître/valet :

- http://www.weblettres.net/spip/article.php3?id_article=550

Sur l’utopie :

- http://expositions.bnf.fr/utopie/

LA COMEDIE DE REIMS Centre dramatique national Direction : Ludovic Lagarde

3 chaussée Bocquaine 51100 Reims

Tél : 03.26.48.49.00 www.lacomediedereims.fr