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Article original Le lambeau de rotation latéro-digital de Razemon dans les formes graves de la maladie de Dupuytren du cinquième rayon Razemon’s lateral digital rotation flap in severe Dupuytren contracture of the fifth finger M. Ould-Slimane a, * , V. Guinet a , E. Foulongne a , A. Melconian a , R. Beccari a , P.-Y. Milliez b , I. Auquit-Auckbur b a Service de chirurgie orthopédique et de traumatologie, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex 1, France b Service de chirurgie plastique, SOS mains, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex 1, France Reçu le 5 février 2013 ; reçu sous la forme révisée le 21 août 2013 ; accepté le 21 août 2013 Disponible sur Internet le 20 septembre 2013 Résumé Dans le cadre de la maladie de Dupuytren, la correction des grands flessums et l’excision des infiltrations du derme sont souvent source d’un défaut de couverture cutanée palmaire. Ce travail rapporte les résultats de l’utilisation d’un lambeau de rotation latéro-digital au 5 e rayon, déjà décrit par Razemon. Trente-sept patients ont été analysés rétrospectivement sur le plan fonctionnel et trophique. Douze mois de recul étaient requis. Le déficit d’extension était objectivé par le coefficient d’amélioration de Thomine. L’avis subjectif des patients sur la fonction du doigt et de la main était recueilli. La trophicité du lambeau était appréciée sur la souplesse, la qualité de la couverture et sur l’aspect esthétique subjectif perçu par les patients. Avant l’opération, le déficit d’extension moyen était de 1058 ; 89 % des patients présentaient un stade 3 ou 4 de la classification de Tubiana. Au 12 e mois, sur le plan fonctionnel, le coefficient d’amélioration moyen de Thomine était de 0,74 ; 70 % des patients jugeaient leur résultat très satisfaisant. Sur le plan trophique, deux patients présentaient un défaut de souplesse et sept des cicatrices dyschromiques. Le lambeau latéro-digital de rotation est une technique simple. Il permet d’obtenir une couverture satisfaisante du point de vue fonctionnel et trophique dans les pertes de substances liées aux corrections des formes sévères de la maladie de Dupuytren du 5 e rayon. # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Maladie de Dupuytren ; Lambeaux de couverture ; Chirurgie de la main ; Étude rétrospective ; Flessum Abstract In Dupuytren’s disease, correction of severe contracture deformities and excision of dermal lesions are often responsible for palmar skin defects. This study aimed to assess the results of the lateral digital flap described by Razemon. Thirty-seven patients were analysed retrospectively for functional and trophic results. Twelve months of follow-up were at least required. The lack of extension was appreciated through Thomine’s coefficient. Subjective patient’s opinion was noted about function of fifth finger and hand. The flap trophicity was evaluated through softness, coverage quality and esthetic aspect. In the preoperative period, the average lack of extension was 1058; 89% of the patients were ranked as stages 3 or 4 of Tubiana’s classification. At the 12th month, the average Thomine’s coefficient was 0.74; 70% of the patients were very satisfied. Two patients exhibited some lack of suppleness and seven a dyschromic scars. The lateral digital rotation flap is a quite simple surgical procedure. It allows satisfactory results corresponding to functional and trophic coverage in severe Dupuytren’s contracture involving the fifth finger. # 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Dupuytren contracture; Surgical flaps; Hand surgery; Retrospective study; Extension lag 1. Introduction La maladie de Dupuytren est un motif de consultation très fréquent en chirurgie de la main. L’évolution en trois stades (prolifératif, évolutif et résiduel) de cette atteinte des tissus aponévrotiques sous-cutanés a été décrite par Luck en 1959 [1]. Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Chirurgie de la main 32 (2013) 317321 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Ould-Slimane). 1297-3203/$ see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.08.005

Le lambeau de rotation latéro-digital de Razemon dans les formes graves de la maladie de Dupuytren du cinquième rayon

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Article original

Le lambeau de rotation latéro-digital de Razemon dans les formes graves dela maladie de Dupuytren du cinquième rayon

Razemon’s lateral digital rotation flap in severe Dupuytren contracture of the fifth finger

M. Ould-Slimane a,*, V. Guinet a, E. Foulongne a, A. Melconian a,R. Beccari a, P.-Y. Milliez b, I. Auquit-Auckbur b

a Service de chirurgie orthopédique et de traumatologie, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex 1, Franceb Service de chirurgie plastique, SOS mains, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex 1, France

Reçu le 5 février 2013 ; reçu sous la forme révisée le 21 août 2013 ; accepté le 21 août 2013Disponible sur Internet le 20 septembre 2013

Résumé

Dans le cadre de la maladie de Dupuytren, la correction des grands flessums et l’excision des infiltrations du derme sont souvent source d’undéfaut de couverture cutanée palmaire. Ce travail rapporte les résultats de l’utilisation d’un lambeau de rotation latéro-digital au 5e rayon, déjàdécrit par Razemon. Trente-sept patients ont été analysés rétrospectivement sur le plan fonctionnel et trophique. Douze mois de recul étaient requis.Le déficit d’extension était objectivé par le coefficient d’amélioration de Thomine. L’avis subjectif des patients sur la fonction du doigt et de la mainétait recueilli. La trophicité du lambeau était appréciée sur la souplesse, la qualité de la couverture et sur l’aspect esthétique subjectif perçu par lespatients. Avant l’opération, le déficit d’extension moyen était de 1058 ; 89 % des patients présentaient un stade 3 ou 4 de la classification deTubiana. Au 12e mois, sur le plan fonctionnel, le coefficient d’amélioration moyen de Thomine était de 0,74 ; 70 % des patients jugeaient leurrésultat très satisfaisant. Sur le plan trophique, deux patients présentaient un défaut de souplesse et sept des cicatrices dyschromiques. Le lambeaulatéro-digital de rotation est une technique simple. Il permet d’obtenir une couverture satisfaisante du point de vue fonctionnel et trophique dans lespertes de substances liées aux corrections des formes sévères de la maladie de Dupuytren du 5e rayon.# 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Maladie de Dupuytren ; Lambeaux de couverture ; Chirurgie de la main ; Étude rétrospective ; Flessum

Abstract

In Dupuytren’s disease, correction of severe contracture deformities and excision of dermal lesions are often responsible for palmar skindefects. This study aimed to assess the results of the lateral digital flap described by Razemon. Thirty-seven patients were analysed retrospectivelyfor functional and trophic results. Twelve months of follow-up were at least required. The lack of extension was appreciated through Thomine’scoefficient. Subjective patient’s opinion was noted about function of fifth finger and hand. The flap trophicity was evaluated through softness,coverage quality and esthetic aspect. In the preoperative period, the average lack of extension was 1058; 89% of the patients were ranked as stages 3or 4 of Tubiana’s classification. At the 12th month, the average Thomine’s coefficient was 0.74; 70% of the patients were very satisfied. Twopatients exhibited some lack of suppleness and seven a dyschromic scars. The lateral digital rotation flap is a quite simple surgical procedure. Itallows satisfactory results corresponding to functional and trophic coverage in severe Dupuytren’s contracture involving the fifth finger.# 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Dupuytren contracture; Surgical flaps; Hand surgery; Retrospective study; Extension lag

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Chirurgie de la main 32 (2013) 317–321

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Ould-Slimane).

1297-3203/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservhttp://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.08.005

1. Introduction

La maladie de Dupuytren est un motif de consultation trèsfréquent en chirurgie de la main. L’évolution en trois stades(prolifératif, évolutif et résiduel) de cette atteinte des tissusaponévrotiques sous-cutanés a été décrite par Luck en 1959 [1].

és.

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Fig. 1. Dessin du lambeau de Razemon sur le bord ulnaire du 5e doigt.

Fig. 2. Cicatrices postopératoires après aponévrectomie pour atteinte deDupuytren du 5e rayon. Utilisation d’un lambeau de Razemon pour compenserle défaut de couverture à la base du doigt, démasqué par la correction duflessum.

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Ses manifestations cliniques font l’objet d’une classificationdécrite par Tubiana [2] qui permet de coter en quatre stadeschaque rayon, le pouce faisant l’objet d’une classificationparticulière. Pour une description plus fidèle au pronostic, laqualité trophique de la peau, avec notamment l’appréciation deson caractère souple ou infiltré, est également précisée.

Le 5e rayon figure au 2e rang des localisations les plusfréquemment rencontrées pour cette pathologie. Quel que soitle traitement proposé, il s’agit d’une localisation à risque deflessum résiduel, en particulier lorsqu’une atteinte de l’articu-lation interphalangienne proximale (IPP) est au premier plan[3].

La correction d’un grand flessum ou l’excision d’une peauinfiltrée, présentant un haut risque de récidive précoce,démasque souvent un défaut de couverture cutanée palmaireou digito-palmaire.

Le but de ce travail était d’évaluer les résultats cliniques dulambeau latéro-digital de rotation, initialement décrit parRazemon pour la couverture palmaire de la base du 5e doigt [4].

2. Patients et méthodes

2.1. Patients

Notre analyse rétrospective concernait tous les sujets pourqui un lambeau latéro-digital de Razemon avait été utilisécomme méthode de reconstruction entre le 1er janvier 2008 et le31 décembre 2009. Ce lambeau devait avoir été réalisé dans lemême temps qu’une aponévrectomie pour cure de maladie deDupuytren du 5e rayon. Il pouvait s’agir d’un premier geste surcette atteinte ou d’une reprise. Aucune limite d’âge n’étaitimposée.

L’indication du lambeau était portée soit sur l’existence d’ungrand flessum à l’origine d’un défaut de couverture lors de saréduction, soit devant une infiltration cutanée justifiant unedermofasciectomie.

Trois opérateurs (IAA, PYM, RB), entraînés à ce type dechirurgie et appartenant à la même unité de chirurgie de lamain, ont contribué à constituer ce recrutement.

2.2. Technique opératoire

L’intervention était réalisée sous anesthésie locorégionale,avec un garrot pneumatique à la racine du membre. Une voied’abord en « zigzag » dans la région palmaire suivait ensuitehorizontalement le pli digito-palmaire. Elle se prolongeait alorspar le dessin du lambeau. Ce dernier comprenait une extrémitéarrondie en ogive située en regard de la partie distale de laphalange proximale. Sa base large débordait discrètement sur laface dorsale du doigt (Fig. 1). L’extension distale de l’incisionétait soit latéro-digitale soit en zigzag selon Bruner à partir de laphalange moyenne. Le choix du type d’extension était fait enfonction de l’extrémité distale de la bride. Le lambeau devaitêtre dessiné avant l’intervention et ainsi être inclus dans la voied’abord.

Le lambeau de Razemon est un lambeau de rotation latéro-digital qui est, le plus souvent, rabattu en fin d’intervention dans

le pli de flexion digito-palmaire (Fig. 2). Il peut aussi êtretransposé plus distalement jusqu’à la partie moyenne de laphalange moyenne.

Il est possible de le prélever sur la face radiale, mais avec unrisque plus important de macération de la zone donneuse, quidevient alors commissurale. La voie d’abord, comprenant lalevée du lambeau, permet l’accès aux lésions, notamment delocalisation digitale et ulnaire (bride des hypothénariens).

La zone donneuse était couverte soit par l’excédent cutanélatéral (lambeau de transposition), soit par une greffe de peau,classiquement d’origine hypothénarienne.

Un pansement légèrement compressif comprenant uneinterface grasse était maintenu 48 heures puis renouveléjusqu’à cicatrisation complète. Une orthèse d’extension étaitconfectionnée au 10e jour postopératoire pour un port nocturned’au moins six semaines. La rééducation était précocementdébutée.

2.3. Méthode d’évaluation

Les patients étaient revus régulièrement (15e jour, un, trois,six et 12 mois) à la recherche de complications infectieuses,

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Fig. 3. Résultat très satisfaisant à 12 mois, récupération d’une extensioncomplète avec lambeau et prise de greffe sans trouble trophique. Coefficientd’amélioration de Thomine = 1.

Fig. 4. Récidive à 16 mois avec réapparition d’un flessum de 708 chez un autrepatient qui présentait un flessum préopératoire de 1108. Coefficient d’améliora-tion de Thomine = 0,4.

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ischémiques, hémorragiques, ou encore de syndromes doulou-reux régionaux complexes de type 1 (SDRC1).

Au 12e mois postopératoire, le résultat fonctionnel étaitapprécié objectivement par le coefficient d’amélioration deThomine [5] (CA), qui rapporte le déficit global d’extension dudoigt en période postopératoire (Y) à celui mesuré avantl’opération (X) : CA = (X – Y) / X. Le chiffre obtenu étaitcompris entre 0 (échec total) et 1 (correction complète desrétractions). D’un point de vue subjectif, les patientsqualifiaient, au dernier recul, le résultat fonctionnel globalde la main opérée et, plus sélectivement, du 5e rayon commenon satisfaisant, satisfaisant ou très satisfaisant.

Le résultat trophique était apprécié par un observateurindépendant (MOS) sur la qualité de la couverture et lasouplesse cutanée du lambeau, le caractère hypertrophique oudyschromique des cicatrices et de la zone prélevée. L’avis despatients sur l’aspect esthétique était également recueilli.L’existence d’une reprise chirurgicale pour récidive étaitnotée.

3. Résultats

3.1. Démographie

Les sujets intégrés dans cette étude étaient initialement aunombre de 41. Ils ont tous bénéficié d’un lambeau de Razemonréalisé dans le même temps qu’une aponévrectomie pourmaladie de Dupuytren du 5e rayon. Quatre patients ont étéperdus de vue au cours de l’étude et ont donc été exclus de lasérie. Les 37 patients restants constituaient une population de24 hommes pour 13 femmes, de 62,9 ans de moyenne d’âgeavec des extrêmes allant de 51 à 73 ans. Pour 22 cas sur 41(54 %), le côté dominant était concerné.

Un antécédent de chirurgie sur le même rayon concernait8 patients (20 %). Celui-ci correspondait dans tous les cas à uneaponévrectomie sans plastie de couverture.

La sévérité de l’atteinte de ces patients se traduisait par undéficit d’extension préopératoire moyen de 1058 et par le faitque 36 (88 %) d’entre-eux présentaient un stade 3 ou 4 de laclassification de Tubiana. Trente-cinq patients (85 %), tousstades confondus, avaient une peau infiltrée et épaissie. Ils’agissait d’une forme palmo-digitale dans 33 cas (80 %) cas.Dix-sept mains (41 %) présentaient une bride hypothénarienne.Une atteinte du 4e rayon de la même main était présente chez14 patients (34 %).

3.2. Résultats fonctionnels

Le coefficient d’amélioration de Thomine entre le déficitd’extension préopératoire et celui constaté au 12e moispostopératoire a été calculé pour chaque patient. La moyennede ce coefficient sur l’ensemble des 37 patients atteignait 0,74(Fig. 3 et 4).

D’un point de vue subjectif, le résultat de l’intervention surla fonction globale de la main était jugé comme très satisfaisantpar 26 patients (70 %) et satisfaisant par 11 patients (27 %),aucun ne se déclarait insatisfait. La fonction propre du 5e doigt

était jugée subjectivement très satisfaisante par 15 patients(37 %) et satisfaisante par 20 patients (49 %).

3.3. Résultats sur la trophicité tégumentaire

Un bilan de l’état trophique du lambeau et de la zonedonneuse était précisé trois mois après l’intervention. Destroubles trophiques étaient constatés chez 8 patients (20 %).Deux (5 %) présentaient un défaut considéré comme majeur(défaut de souplesse). Aucune insuffisance de couverturen’était constatée. Des troubles mineurs (cicatrices hypertro-phiques ou dyschromiques) concernaient 7 patients (17 %). Unpatient présentait à la fois un lambeau induré et des cicatricesdyschromiques. Aucun cas de modification de l’état trophiquen’a été observé entre le 3e et le 12e mois. La voie d’abord et lazone prélevée n’ont pas présenté de défaut de cicatrisation danscette série.

D’un point de vue subjectif, les patients exprimaient leuravis sur le résultat esthétique global de l’intervention. Uneopinion très satisfaisante était recueillie dans 11 cas (27 %),satisfaisante dans 17 cas (41 %) et non satisfaisante dans 9 cas(22 %).

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3.4. Complications postopératoires

Le suivi régulier de ces patients, en milieu hospitalierjusqu’au 3e jour postopératoire, puis en consultation selon lerythme précédemment décrit, permettait un dépistage d’éven-tuelles complications (ischémie, hématome, infection,SDRC1).

Aucun hématome, ni aucune infection clinique, ni aucuneischémie digitale n’a été déplorée pour ces 41 patients.

Deux cas (5 %) de souffrance du lambeau étaient notés, et setraduisaient par une ischémie distale périphérique apparue dansles deux cas autour du 6e jour postopératoire. Elle se manifestaitpar une zone de nécrose de petite taille d’évolution favorablesous pansements et cicatrisation dirigée.

Un cas (2 %) de SDRC1 était constaté, sa guérison étaitacquise sans séquelles, au terme de 14 mois après un traitementsymptomatique.

4. Discussion

L’atteinte du 5e doigt dans la maladie de Dupuytren estfréquente et comporte des problèmes spécifiques. La fréquentesévérité du flessum concerne aussi bien la MCP que l’IPP. Dansles formes à grand flessum, l’aponévrectomie devient unenécessité pour rétablir l’extension et limiter le risque derécidive [3]. Un geste de libération ligamentaire et articulairecomplémentaire est parfois nécessaire. Dans ce contexte, lesacrifice d’une peau palmaire peut être requis. Le problème decouverture cutanée de la base du 5e doigt se pose doncrégulièrement, que ce soit par le biais d’une perte de substancedémasquée lors de la remise en extension ou par le biais del’excision d’un derme infiltré. C’est dans ces situations quenous avons évalué les résultats du lambeau de rotation latéro-digital dit « lambeau de Razemon ».

Peu d’informations sur ce dernier sont disponibles dans lalittérature. Depuis sa description princeps, aucune publicationn’a relayé, à notre connaissance, les résultats de ce lambeaudans son indication spécifique. Les résultats décrits parRazemon en 1982 [4] attribuent un coefficient d’améliorationde Thomine calculé à 0,79 sur une série de patient dont le défautd’extension préopératoire moyen (1408) était plus importantque la nôtre.

Notre série obtient des résultats comparables à ceux dupromoteur de la technique. En effet, nous obtenons un CAmoyen à 0,74, mais sur une population moins nombreuse etmoins gravement atteinte initialement : le déficit d’extensionpréopératoire moyen était de 1058 contre 1408 dans celle deRazemon. Il aurait été utile d’exprimer les déficitsd’extension en séparant l’origine MCP de l’origine IPP ;en effet, le pronostic de récupération est différent en fonctionde la localisation ; les défauts de couverture cutanée surla phalange proximale sont essentiellement rencontréslors des corrections de l’IPP. Ces données étaient inex-ploitables dans notre série rétrospective, car inconstammentdisponibles.

L’aspect subjectif, exprimé par le patient, confirme la qualitédu résultat fonctionnel avec 95 % de patients satisfaits ou très

satisfaits de la fonction de leur 5e doigt et aucun non-satisfait dela fonction globale de la main. Sur cette courte série, la fiabilitédu lambeau n’a pas été influencée par la présence d’un tissucicatriciel en rapport avec un antécédent d’aponévrectomielocale. La réalisation de ce lambeau nous semble doncintéressante avec un gain d’extension satisfaisant du 5e rayondans les indications d’aponévrectomie sur atteintes sévères dela maladie de Dupuytren.

Nous n’avons pas trouvé dans la littérature d’élémentsconcernant l’évolution trophique du lambeau, or 8 patients sur41 (20 %) présentaient des troubles trophiques cutanés à12 mois de recul. Pour la plupart, il s’agissait de troublesmineurs, tels que des cicatrices hypertrophiques ou dyschro-miques. La série de 17 lambeaux d’Ekerot [6] rapporte descomplications trophiques semblables, avec 4 cas de nécrosepartielle sans complication du site donneur. Seuls deux sujets(5 %) ont vu apparaître une infiltration secondaire de la peau dulambeau, la rendant moins souple. Cette dernière pourraits’apparenter à une récidive sans justifier une indication dereprise. Aucune conséquence clinique fonctionnelle de cesévènements n’a été déplorée. Le préjudice esthétique étaitconsidéré comme mineur puisque 35 patients (85 %) étaientsatisfaits ou très satisfaits de ce paramètre.

Cette technique n’a exposé nos patients qu’à de rarescomplications puisqu’elles ne concernaient que trois (7 %)d’entre-eux. Il s’est agi d’évènements qui n’ont pas grevé lerésultat final. Aucune infection et seuls deux cas (5 %)d’ischémies périphériques du lambeau sans retentissementgrave (soins de cicatrisation dirigée) sont survenus. Sur cettecourte série, la fiabilité du lambeau n’a pas été influencée par laprésence d’un tissu cicatriciel en rapport avec un antécédentd’aponévrectomie locale. Un seul cas (2 %) de SDRC1 étaitnoté entraînant un retard dans la récupération fonctionnelle dela patiente (durée totale 14 mois sans séquelles à terme).Toutefois, le SDCR1 ne peut être considéré comme unecomplication spécifique à la technique étudiée. Effectivement,Mac Farlane [7] en rapporta une incidence de 0,9 %, proche dunôtre, dans sa large série où il analysait les différentescomplications postopératoires (toutes techniques confondues)dans cette indication.

Selon les trois opérateurs impliqués dans ce travail, laréalisation du lambeau latéro-digital de Razemon est simple etne rallonge pas le temps opératoire. L’exposition et donc legeste de dissection semblent même être facilités par cettetechnique, en particulier lorsque se présente le cas d’une brideulnaire [5]. L’utilisation de ce lambeau impose une planifica-tion préopératoire de la perte de substance cutanée attendue etdu dessein des incisions. En effet, une incision de Brunerréalisée à la face palmaire de la phalange proximale empêche laréalisation du lambeau.

Cette méthode est techniquement applicable sur chaque faceulnaire quel que soit le rayon ; cependant, elle est le plussouvent utilisée au 5e doigt. Selon Razemon, les risques dedésunion et de macération sont en effet plus importants en casde localisation commissurale du lambeau [4].

Razemon a démontré en 1982 [4] la supériorité du lambeaupar comparaison aux plasties en Z sur le coefficient

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d’amélioration de Thomine à partir de cas comparatifs plusévolués.

La dermofasciectomie est une alternative de choix, enparticulier lorsque la perte de substance cutanée est trop largepour être couverte par un lambeau de rotation [8]. Une greffe depeau, souvent nécessaire, apporte un matériau de bonne textureet de bonne qualité esthétique. En première intention, elle estassociée à un risque de récidive moins important selon Hueston[8]. Par ailleurs, elle est parfaitement adaptée aux interventionsde reprise sur tissu cicatriciel. Toutefois, elle est peu applicableà la paume, car sa prise sur la graisse sous-cutanée restealéatoire. Au niveau digital, elle présente l’inconvénient d’êtreparfois source de raideurs par adhérences au canal digital sous-jacent [9].

La technique de la paume ouverte selon McCash [10] a pourbut de confier la perte de substance cutanée à un bourgeonne-ment par cicatrisation dirigée. Cette technique présentel’avantage de s’exposer à peu d’infections ou d’hématomespostopératoires et donc de nécroses cutanées par son principede drainage spontané [11,12]. Les suites sont aussi réputéesmoins douloureuses comparativement aux autres techniques[11,13], mais la cicatrisation est plus longue (6 à 8 semaines) etdonc source de rétractions [9]. Les soins locaux qui y sontassociés sont, de ce fait, également rallongés.

5. Conclusion

En pratique courante, il paraît possible d’intégrer le lambeaude Razemon dans la planification chirurgicale des atteintes du5e rayon de la maladie de Dupuytren. Cette technique estapplicable aux corrections des grands flessums ou dans lesformes avec envahissement cutané justifiant une excisionconséquente.

Les résultats de cette technique simple sont satisfaisants ence qui concerne la récupération de l’extension ainsi que laqualité trophique cutanée de couverture. Les patients s’estimentmajoritairement satisfaits, tant d’un point de vu esthétique que

fonctionnel. Les complications propres au lambeau sont peufréquentes, et mineures quand elles existent.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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