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Numéro 118 • Hiver 2013 LE MARCHÉ DE LA TRADUCTION Envoi de publication canadienne convention numéro 1537393 www.ottiaq.org LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS

LE MARCHÉ DE LA TRADUCTION

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Numéro 118 • Hiver 2013

L E M A RC H É D E L A TR A D U C TI O N

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LE MAGAZINE D’INFORMATION DES LANGAGIERS

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P O U R C O M M E N C E R

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C ircuit n’en est pas à son premier dossier sur la situation

du marché. Nous tenons à faire le point périodiquement

pour nos lecteurs et pour l’ensemble de la profession, en

recueillant divers témoignages. Mais rarement le constat aura-

t-il été aussi alarmant.

Certes nous avons dû faire avec les crises économiques, l’avènement d’Internet et

les nouvelles technologies. Cette fois-ci, cependant, c’est un changement total de

paradigme que nous devons engager, sous peine de perdre tout ce que nous avons

construit en tant que profession au Québec, aux mains de multinationales du mot qui

vendent celui-ci à la quantité, comme si la langue n’était pas, d’abord et avant tout, le

vecteur premier de la culture et l’ADN d’une nation.

Bien sûr, un texte technique reste un texte technique, et une traduction technique

est — ou doit être — dénuée de toute connotation culturelle. Pour cela nous avons —

heureusement d’ailleurs — les outils technologiques. Mais les communications mon-

diales ne sont pas des manuels froids, et ceux qui les publient et les reçoivent ont

besoin des professionnels que nous sommes pour continuer de se comprendre. Or, c’est

à une braderie que nous convient les multinationales de la traduction qui promettent

monts et merveilles à leurs clients à des prix défiant toute concurrence, exploitant au

passage leurs salariés et fournisseurs.

Allons-nous, à nouveau, subir sans réagir ? Je crois que l’enjeu est trop grand, cette

fois-ci, pour que nous ne réagissions pas. C’est à cela que nous invitent Serge Bélair

ou Jack Philizot. C’est à cela que nous invite Dominique Bohbot dans un article d’un op-

timisme à toute épreuve. Car optimistes nous pouvons l’être si nous prenons notre place

de conseillers et de professionnels, si nous faisons valoir chaque fois la valeur ajoutée

de notre apport et notre contribution à l’économie ainsi qu’aux échanges mondiaux.

Nous savons manier les lettres, apprenons à manier les chiffres. Business is business.

Surtout, ne l’oublions jamais, nous sommes l’huile dans les rouages de la mondia-

lisation. Sans nous, point de salut. Sans nous, c’est Babel !

Dossier 9Comment se comporte le marché de la traduction à l’ère de la fragmentation, de l’informatisation croissante et du vieillissement des troupes?

Pages d’histoire 30Paul-Louis Courrier, traducteur, bougeois et homme du peuple.

Des revues 28Créativité, théorie, langue diplomatique et collocations.

Des techniques 29Une solution de rechange au tableau de liège.

Des mots 27Les mots de l’écologie : pistespour verdir votre vocabulaire.

Betty Cohen, trad. a.

Sur le vif 4Autour du congrès de l’OTTIAQ. La 4e Journée québécoise des dictionnaires.

Péril en la demeure

Des livres 24Growing demand for Spanishtranslation and interpretation. Les nouveautés.

À titre professionnel 6L’inspection professionnelle, ça ne fait pas mal.

Notes etcontrenotes

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L’importance de retenir sa langue.

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Publié quatre fois l’an par l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec

Imprimé sur papier recyclé 100 % postconsommation, fabriqué avec des fibres désencrées sans chlore, à partir d’une énergie récupérée, le biogaz.

100 % PC

Q uel congrès ! Nous soulignions cette année les 20 ans de l’OTTIAQ en rappelant ses bal-butiements à l’époque de la STQ et sa longue progression en vue de devenir un ordre

professionnel. En conférence d’ouverture, Gilles Vachon a su nous montrer le changementsous un éclairage positif avec un humour savoureux. Sachons porter « les bonnes lunettes »pour réussir à nous adapter à notre milieu de travail en constante évolution.

Par ailleurs, une table ronde offrait l’occasion de discuter de certaines questions d’éthiqueou de pratique entre collègues. (Ce format particulièrement intéressant permet notamment defaire connaissance avec nos pairs.)

En après-midi, François Drouin abordait de façon claire et limpide le thème de la fiscalité,en démystifiant la constitution en société.

L’atelier employeurs-employés a malheureusement dû être annulé, ce qui soulève des ques-tions sur le marché du travail. Le congrès portait sur le changement : sommes-nous devantune nouvelle réalité pour ce qui est de l’emploi ?

Enfin, l’atelier sur l’isolement était très pertinent pour les travailleurs autonomes. JoséeBlondin a su nous faire prendre conscience de l’équilibre essentiel à atteindre pour nous réa-liser pleinement.

Ayant participé assidûment aux congrès et ayant réussi mon examen à l’époque de la STQ,je peux dire que l’OTTIAQ a su s’adapter aux nombreux changements dans notre société (no-tamment la technologie et la mondialisation) et relever les défis qui se présentaient sur la route.Je suis par ailleurs confiante que l’Ordre saura faire face à l’avenir en nous aidant à naviguer.Une mention particulière aux organisateurs du congrès pour le choix des conférenciers et duformat, ainsi que pour la place qu’ils ont réservée aux étudiants.

Wallace Schwab,membre d’honneurÀ son dernier congrès, en novembre dernier,l’OTTIAQ a accordé le titre de membre d’hon-neur à l’un de ses collaborateurs de longuedate, Wallace Schwab. Professionnel dansl’âme, M. Schwab avait participé aux premierstravaux de la Société des traducteurs duQuébec pour la reconnaissance de notre pro-fession, et il y a participé jusqu’à la création del’OTTIAQ en 1992. Il a ensuite contribué à plu-sieurs autres travaux, donc l’élaboration duGuide de pratique professionnelle pour les tra-ducteurs. Bravo à Wallace Schwab pour unereconnaissance largement méritée !

Le fantôme d’une poèteLucie Dubuc, fille de Robert Dubuc (membred’honneur de l’OTTIAQ), vient de publier unrecueil de poésie qui relate les rencontred’une jeune femme avec le fantôme d’unpoète. Conversations avec le fantôme deSaint-Denys Garneau est publié par Linguatechéditeur. Titulaire d’un baccalauréat en étudesfrançaises de l’Université de Montréal, Mme Dubuc est réviseure et correctriced’épreuves dans un cabinet de traduction.

Une application TERMIUMLe gouvernement du Canada lance une première application linguistique mobile :noslangues.gc.ca sur le pouce!

Les utilisateurs d’appareils iPhone ou Black-Berry peuvent dorénavant consulter TERMIUMPlus®, la banque de données terminologiqueset linguistiques du gouvernement du Canada,et trouver rapidement l’équivalent de près de quatre millions de termes en français et enanglais dans divers domaines lorsqu’ils sonten déplacement. Cette application est convi-viale et gratuite. Pour le moment, elle n’est pas offerte en version compatible avec les téléphones Android.

Pour la télécharger : http://www.noslangues-ourlanguages.gc.ca/app-mobile-fra.html

2021, avenue Union, bureau 1108Montréal (Québec) H3A 2S9Tél. : 514 845-4411, Téléc. : 514 845-9903Courriel : [email protected] Web : www.ottiaq.org

Vice-présidente, Communications — OTTIAQLinda Caron

DirectriceBetty Cohen

Rédactrice en chefGloria Kearns

RédactionPhilippe Caignon (Des mots), Pierre Cloutier (Pages d’histoire), Lucille Cohen(secrétaire), Stéphan Gervais (Des techniques)Marie-Pierre Hétu, Solange Lapierre (Des livres),Nils Lovgren, Barbara McClintock, Éric Poirier (Des revues)Eve Renaud (Sur le vif ), Sébastien St-François (Sur le vif )

DossierPierre Cloutier (ainsi que photos en page 18 et 21)

Ont collaboré à ce numéroLuce Bédard, Serge Bélair, Mélodie Benoît-Lamarre,Marion Boers, Dominique Bohbot El Kahel, MichelBrix, Alexandre Daudelin, Marie-France Guimond,Marielle Hébert, Margaret Jackson, Danièle Marcoux,Anne-Marie Mesa, François Michaud, Janet Ørsted,Jack Philizot, Ann Rutledge

Direction artistique, éditique, prépresse et impressionMardigrafe

PublicitéKarine Gélinas, OTTIAQTél. : 514 845-4411, poste 225 • Téléc. : 514 845-9903

Droits de reproductionToutes les demandes de reproduction doivent êtreacheminées à Copibec (reproduction papier).Tél. : 514 288-1664 • 1 800 717-2022 [email protected]

Avis de la rédactionLa rédaction est responsable du choix des textes publiés, mais les opinions exprimées n’engagent que les auteurs. L’éditeur n’assume aucune responsabilité ence qui concerne les annonces paraissant dans Circuit.© OTTIAQDépôt légal - 1er trimestre 2013Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque et Archives CanadaISSN 0821-1876

Tarif d’abonnementMembres de l’OTTIAQ : abonnement gratuit. Non-membres au Québec : 1 an, 45,99 $; 2 ans,86,23 $. Au Canada, à l’extérieur du Québec : 1 an,42,00 $ ; 2 ans 78,75 $. À l’extérieur du Canada : 1 an, 50,00 $; 2 ans, 90,00 $. Toutes les taxes sont comprises. Chèque ou mandat-poste à l’ordre de « Circuit OTTIAQ » (voir adresse ci-dessus). Cartes de crédit American Express, MasterCard, Visa : www.ottiaq.org/publications/circuit_fr.php

Deux fois lauréat du Prix de la meilleurepublication nationale en traduction de laFédération internationale des traducteurs.

Complice de votre réussite depuis 20 ans

Retour sur le congrès 2012Marie-France Guimond, trad. a.

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Tel était le thème de la 4e Journée québécoise des dictionnaires, tenueà Montréal le 4 octobre dernier. Voici ce qu’ont retenu deux membresde l’OTTIAQ qui ont assisté à cet événement fort utile et intéressantpour quiconque s’intéresse à la langue et à son évolution.

Solange Lapierre sousles feux de la rampe

Solange Lapierre, responsable de notrechronique Des livres, a reçu le MériteOTTIAQ – Joseph Larivière pour sa contri-bution au rayonnement de l’Ordre et dela profession. Membre du comité de ré-daction de Circuit depuis les tout pre-miers débuts, Solange a participé à tousles numéros depuis le…. n°2! Toujoursau poste, toujours vigilante, Solange estle gardien de la qualité de notre maga-zine. Elle est désormais le gardien deson histoire.

Au-delà de sa chronique, Solange esttoujours au cœur de chaque dossier etapporte constamment un éclairage nou-veau, quand elle ne sauve pas un numéroà la dernière minute. Nous disons souventque chaque numéro de Circuit est un petitmiracle. Solange est souvent l’ange der-rière le miracle.

Et si vous vousdemandez qui estJoseph LaRivière…

Joseph LaRivière est le fondateur de la So-ciété des traducteurs de Montréal, toutepremière association de traducteurs duQuébec et ancêtre de notre Ordre. Comme ledécrit Jean Delisle dans son livre Les Alchi-mistes des langues1, M.  LaRivière est unhomme d’action rassembleur. Tout d’abordsténographe-interprète auprès de l’arméecanadienne pendant la Seconde Guerremondiale, puis premier sténographe officielbilingue de la Cour supérieure de Montréal,il est à l’origine de l’association des sténo-graphes de la Cour et du premier regroupe-ment des traducteurs montréalais. C’est unsocialiste convaincu et militant qui fait sou-vent entendre son opinion sur les enjeux so-ciaux de son époque. « Il retirait beaucoupde satisfaction à se rendre utile et à faireévoluer les choses. […] C’est cet hommetourné vers le progrès, le changement et lajustice sociale, qui va fonder la première so-ciété de traducteurs au Québec. Son initia-tive est à l’origine de la lente émergence decette profession comme spécialité. »

DELISLE, Jean, Les Alchimistes des langues. La Société des traducteurs duQuébec (1940-1990). Ottawa, Les Presses de l'Université d'Ottawa, 1990,446 pages. ISBN — 2-7603-0290-3.

Le numérique changele paradigme...

Par Marielle Hébert, term. a., trad. a.

Les conférenciers invités à la 4e Journée desdictionnaires ont brossé un tableau de la ré-volution numérique, expliquant d’entrée dejeu que les projets utopistes de Diderot, Larousse et autres encyclopédistes ont in-fluencé les concepteurs de Wikipédia.

Le numérique change le paradigme. Il n’ya plus de limitation d’espace, l’objet sta-tique devient dynamique, la nomenclatureest originale, souple et hiérarchisée. Toutcela au grand plaisir de ceux qui consultentun dictionnaire numérique.

Pour les enseignants, particulièrement,le dictionnaire numérique est un outil péda-gogique exceptionnel : prononciation, conju-gaison et nombreux hyperliens à portée dedoigt des élèves. Il change la manière d’en-seigner. Mais pour des raisons administra-tives, entre autres, l’utilisation de ce nouveloutil ne va pas de soi.

Le passage au numérique n’est paschose facile pour les éditeurs et les dévelop-peurs de supports. Tablette numérique, « or-diphone » ou autre appareil intelligent, lechoix du bon support peut se révéler uncasse-tête pour les développeurs. De leurcôté, les éditeurs ont plusieurs défis à rele-ver : concurrencer la gratuité, maîtriser l’en-vironnement, établir des partenariats. À celas’ajoutent les coûts élevés de productiond’un dictionnaire numérique.

Même si les ouvrages sont de plus enplus numériques, les dictionnaires papier nesont pas près de disparaître. Les embûchesauxquelles font face développeurs de sup-ports et éditeurs ralentissent la mutationvers le numérique.

Pour prendre connaissance de quelques communications présentées:http://moniquecormier.ca/4e-journee-quebecoise-des-dictionnaires/actes/.Certaines communications seront également diffusées sur Canal Savoir.

... But paper isstill king

By Barbara McClintock, C. Tr.

The theme of the Journée québécoise desdictionnaires was: in the digital era, howwill dictionaries succeed in maintainingtheir relevance? Can they? If so, whattype of metamorphosis must they un-dergo? There were few empty seats, andjudging from the enthusiasm, the confer-ence, organized by the Université de Montréal in partnership with Biblio-thèque et Archives nationales du Québec,was a great success.

This year, the keynote speaker was Argentine-born Canadian writer and thinkerAlberto Manguel. In 2007, Manguel gavethe prestigious CBC Massey lecture, TheCity of Words, later published as a book.Manguel’s speech, titled La tâche d’Adam,was a sheer delight for word lovers. In it, heexplained that God gave Adam the task ofnaming things. In brief, he said that dictionar-ies are crucial for our culture because lan-guage is who we are. Moreover, dictionariesare anthologies of old words that remind usof our history. Old words can be useful.Manguel, who now lives in France, ex-plained that he chose an old French word,vétilleux, for the translation of the title ofhis 2005 book, The OverdiscriminatingLover, in French (Un amant très vétilleux.)

In the afternoon, we heard a talk byLaurent Catach from the digital products di-vision of Dictionnaires Le Robert. I askedhim if the online version of the dictionarycontained more content than the paper ver-sion, as do some English dictionaries, suchas Merriam—Webster. He replied that thecontent online is identical to that of thepaper version. In fact, he explained that thepaper version is still the company’s flag-ship product and that they are not planningto stop printing it, at least in the shortterm. Dictionary lovers can heave a sigh ofrelief, for now.

Du papier au numérique : la mutation des dictionnaires

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À T I T R E P R O F E S S I O N N E L C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R B E T T Y C O H E N

L’inspection professionnelle, ça ne fait pas mal !

Par Anne-Marie Mesa, trad. a. et membre du Comité d’inspection professionnelle

Vous ouvrez vos courriels un beau matin et, surprise, vous tombez sur un avis de l’OTTIAQ vous apprenant que vous allez être inspecté. Pourquoi moi? vous demandez-vous. Y a-t-il eu une plainte contre moi? Qu’est-ce qu’on va me demander? À quoi ça sert, l’inspection ? Vais-jedevoir apprendre les règlements par cœur? Comment y échapper ? Voici quelques-unes desquestions qui pourraient vous traverser l’esprit et auxquelles cet article vise à répondre.

«P as de panique  », répondent DanyGagnon, Christiane Tremblay et Lucie

Leblanc, tous les trois traducteurs agréés qui ontreçu la visite d’une inspectrice-conseil. Non seu-lement ils s’en sont remis, mais ils ont appréciél’expérience. « Ce n’est pas douloureux et ça n’arien à voir avec un contrôle fiscal. L’échange a ététrès cordial. C’était une entrevue plutôt qu’unexamen », explique M. Gagnon. « L’inspectrice,ce n’est pas Big Brother, renchérit Mme Leblanc.Elle m’a mise à l’aise d’entrée de jeu en m’expli-quant que son rôle était de faire le portrait de lafaçon dont j’exerçais ma profession, pas de vé-rifier si je connaissais par cœur tous les articlesdu Code des professions ou des règlements. »Christiane Tremblay a également trouvé leséchanges intéressants : « Ça m’a entre autrespermis de constater que je faisais les choses cor-rectement», dit-elle.

Qui est assujetti à l’inspection?Tous les membres agréés actifs inscrits auTableau des membres de l’Ordre sont assujet-tis à l’inspection professionnelle en vertu duCode des professions. Impossible d’y échapperà moins d’être inactif, en raison par exempled’un congé parental, ou d’un autre type d’in-terruption d’exercice. Le membre inactif qui re-çoit l’avis d’inspection remplit une Demanded’exonération de l’obligation de participer àl’inspection professionnelle.Chaque année, le Conseil d’administration del’Ordre détermine le programme de sur-veillance générale fondé sur les grilles de com-pétence qu’il a adoptées. Par exemple, en2012-2013, le Comité d’inspection a prévu

d’inspecter 75 membres. Les membres sontchoisis de façon aléatoire dans la base de don-nées du Secrétariat de l’OTTIAQ selon leur ca-tégorie professionnelle, leur type de pratiqueet le nombre d’années d’inscription au Tableaudes membres de l’Ordre. Certaines inspectionscomprennent une visite tandis que d’autressont fondées sur une autoévaluation.

À quoi cela sert-il ?

L’objectif est double : 1) surveillance de l’exer-cice, soit s’assurer que le membre exerce saprofession conformément aux règles de l’art,qu’il respecte la règlementation et qu’il ne metpas le public en danger ; 2) encadrement, soitsoutenir le membre grâce à des conseils et l’ai-der à mieux comprendre son statut de profes-sionnel et à mieux connaître les lois et règle-ments qui régissent sa profession. Lesinspecteurs-conseils emploient donc une ap-proche éducative et préventive qui s’inscritdans une démarche d’amélioration continue dela pratique professionnelle.

« Il ne s’agit pas d’évaluer pour punir », pré-cise Carole Trottier, term. a., trad. a. et présidentedu Comité d’inspection professionnelle, « maisplutôt de faire le point avec le membre inspectésur ses façons de faire et de lui venir en aide le caséchéant. L’inspecteur-conseil note ses constata-tions et, au besoin, suggère des correctifs, le toutdans un climat de collaboration. »

« C’est un des outils mis à notre dispositionpour protéger le public  », précise RéalPaquette, trad. a. et président de l’Ordre. « Ilfaut voir l’inspection professionnelle non pascomme un moyen de coercition, mais commeun outil de prévention et de formation. C’est

également une occasion pour les inspecteurs-conseils d’échanger avec les membres et d’êtreà l’écoute de leurs besoins et de leurs attentes,et de répondre à leurs questions. »

Comment cela se passe-t-il ?

En cas d’inspection avec visite, le membre rem-plit tout d’abord le Questionnaire préalable àl’inspection1 et le retourne à l’OTTIAQ. Lesquestions de la première partie portent sur lapratique du membre, tandis que celles de ladeuxième traitent de ses compétences géné-rales et spécifiques à la ou aux professionsdans lesquelles il a été agréé (traduction, ter-minologie, interprétation). Après avoir reçu lequestionnaire, l’inspecteur ou l’inspectrice-conseil communique avec le membre pour fixerun rendez-vous dans les trente jours suivants.

« Nous faisons preuve de souplesse », ex-plique Liza Beaulieu, trad. a. et inspectrice-conseil. « Nous tenons compte de l’emploi dutemps du membre. Je m’arrange par exemplepour faire la visite vers la fin de la semaine,quand le membre est disponible. »

L’inspecteur-conseil procède à l’inspectionen s’aidant du Guide d’entrevue qui comportedes questions sur les mêmes thèmes que leQuestionnaire préalable à l’inspection. «  Ceguide est l’un des outils élaborés par le Comitéd’inspection professionnelle. L’autre outil est laGrille d’évaluation des échantillons de travail,qui précise les éléments de transfert et de qua-lité linguistique à analyser afin de déterminerles forces du membre et, le cas échéant, les fai-blesses qui devraient être corrigées », expliqueHélène Gauthier, responsable des affaires pro-fessionnelles et secrétaire de l’OTTIAQ.

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Par la suite, l’inspecteur-conseil remplit unrapport qu’il soumet au Comité d’inspection. Cerapport comprend quatre volets  : a) des ren-seignements factuels sur le membre ; b) uneévaluation des compétences générales dumembre ; c) une évaluation qualitative desdossiers et des échantillons prélevés ; d) les re-commandations de l’inspecteur-conseil ainsique les commentaires, les besoins et les at-tentes du membre2.

Le Comité d’inspection examine le rapportet ajoute au besoin ses propres observationsou recommandations. Il transmet ensuite unrapport au membre.

Dans le cas d’une inspection sans visite, lemembre reçoit le Questionnaire d’autoévalua-tion, qui traite essentiellement des mêmesthèmes que le Questionnaire préalable à l’ins-pection. L’inspecteur-conseil étudie les ré-ponses, remplit un rapport et le soumet auComité d’inspection qui l’examine et remet unrapport au membre.

S’il remarque des lacunes, le Comité d’ins-pection peut notamment suggérer au membrede suivre des cours de perfectionnement ou des’outiller adéquatement. Dans les cas graves,

par exemple si le Comité d’inspection constateque le membre met le public en danger, il en ré-fère au Comité exécutif qui peut obliger lemembre à réussir un stage ou un cours de per-fectionnement, ou les deux. Le Comité exécutifpeut également limiter ou suspendre le droit dumembre d’exercer ses activités profession-nelles pendant la durée du stage, du cours, oudes deux à la fois.

Qu’est-ce que cela apporte?

« Pour moi, l’inspection a été une belle occasionde faire le point sur ma pratique profession-nelle  », explique Lucie Leblanc. « Oui, ça de-mande du temps, une bonne heure pour remplirle questionnaire et une demi-journée pour la vi-site, mais c’est du temps que l’on prend pour soi,pour réfléchir à sa pratique ; ce n’est pas dutemps perdu », déclare Christiane Tremblay.

L’inspection n’est pas uniquement béné-fique pour le membre inspecté. Les inspec-teurs-conseils la considèrent comme une occa-sion de mettre la profession en perspective.«  C’est un exercice intéressant, ça permetd’élargir ses horizons  », déclare Allan Parvu,

trad. a. et inspecteur-conseil. « Ça permet ausside voir comment nos confrères fonctionnent, detisser des liens et d’avoir des échanges fructueuxavec les membres », renchérit Liza Beaulieu.

En fin de parcours, les membres du Conseild’administration prennent connaissance descommentaires des membres inspectés dansl’année et cela leur fournit un portrait de la pra-tique de nos professions et des attentes desmembres. Cet exercice permet la prise de déci-sions plus éclairées sur les stratégies à mettreen œuvre.

« Par son agrément, le membre de l’Ordreaccepte de se soumettre à l’inspection profes-sionnelle. Si cette dernière nous aide à remplirnotre mandat de protection du public, elleconstitue par ailleurs un formidable outil de va-lorisation de nos professions  », conclut RéalPaquette.

1. Tous les questionnaires peuvent être téléchargés à partirdu site Internet de l’OTTIAQ, dans la zone Membres, sousl’onglet Pratique professionnelle, sous-onglet Inspectionprofessionnelle.

2. Programme de surveillance générale de l’exercice des professions de traducteur, de terminologue et d’interprèteagréés pour 2012-2013.

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Eve Renaud, trad. a.

Extraordinaire balance commer-ciale en cette fin d’exercice

2050 ! Grâce au dollar canadien quise la joue modeste, nos forêtscontinuent d’enrichir le design ita-lien de leurs essences exotiques,notre eau en bouteilles désaltèreles Mexicains, et nos icebergs vo-guent vers Dakar où, pour humidi-fier les gosiers sahéliens, on faitfondre la masse d’iceux qui ont ré-sisté à la hausse de température.

Mais on peut faire mieux encoreque vendre nos arbres, notre eau etnotre froid, ont décidé certains éco-nomistes canadiens, au grand bon-heur du Comvizirat moyen-oriental.

Les amateurs de bandes dessi-nées savent ce que sont califes etvizirs, et les amateurs de mobiliersavent que les vizirs étaient les ministres siégeant au Divan sousl’Empire ottoman. Étant tous d’appétence plus artistique quepolitique, toutefois, ils ne saventpeut-être pas que le Comviziratmoyen-oriental est un regroupe-ment de vizirats semblable auxÉmirats arabes unis (EAU), qui l’ontété — unis, veux-je dire — en 1971,sauf que des brassages politiquesont modifié alliances et noms, desorte que, près de 80 ans plus tard,en 2050, certains émirats, dontDubaï et Abou Dhabi, sortant de

l’EAU, ont uni leur destinée à celle du Qatar, entre autres, et ont pris ce nom, décidément plus sec mais fédératif, de Comviziratmoyen-oriental (CMO).

Au tournant du XXIe siècle,Dubaï a comblé tout ce qu’il pou-vait du golfe Persique pour fairesurface, et les équipes sportivestout comme les banlieues deFrance battent pavillon qatarien.Bref, le CMO ne sait plus où donner du pétrodollar. Il se trouvepar ailleurs qu’en 2012, le Qatar est devenu membre associé del’Organisation internationale de la

francophonie (OIF) sans passer parle statut intermédiaire habituel demembre observateur, ce qu’on luireproche encore 38 ans plus tard.Le CMO presse donc le Qatar defaire taire la critique.

Le minuscule vizirat s’enor-gueillit de quelque 150 000 franco-qatariens, soit 8 p. 100 de sa popu-lation totale1. Bâd Ogoud, vizir avisédu Qatar, a alors cette illuminationéconomique (de nature, mais ausside moyens puisqu’elle est au gaznaturel) : la langue française, ma foi[enfin, la sienne, de foi : il est fortprobable que nous n’ayons pas lamême], on l’achètera ! Et qui oseravilipender ce raccourci d’adhésion àl’OIF, dès lors que le Qatar possé-dera la langue française ? Que lesbois-sans-sOIF...

Et la sapience des économistesqatariens entre en action. Le Qatarest spécialiste du luxe. Or, qu’est-ceque le luxe ? Un produit à caractèrecoûteux. Qu’est-ce qui donne le coû-teux au caractère coûteux ? La ra-reté. Et où peut-on se procurer unfrançais rare, donc coûteux ? Bé : auCanada ! Les statistiques publiées

en 2012 n’ont-elles pas révélé que lefrançais se raréfiait au Canada ?

Au même moment, les écono-mistes canadiens trouvent la solutiondu système d’équations sur lequel ilsplanchent depuis quelques années,soit : < produit rare = produit cher;x = produit canadien rare donc cher ày désireux d’acheter > où x égale « lalangue française » et où y égale, bienentendu, le CMO !

Marché conclu ! Le premier mi-nistre du Canada, tout sourire, serrela pince du vizir qatarien, dont lesdents d’or influent sur la réflexion,et gâchent donc le portrait que s’ar-racheront néanmoins les médias.Par l’intermédiaire de ce vizir, voilàle CMO propriétaire, à coups de mil-liards de dollars, de ce rare, doncluxueux, français du Canada. Effetpervers de notre côté du marché :quiconque parle français doit doré-navant payer un droit d’usage auCMO. D’où l’importance de retenirsa langue.

1. Selon les statistiques publiées sur Wikipédia en2012. Ce sont les dernières en date, puisque laconjoncture géopolitique a monopolisé ensuitel’attention des vizirats, qui ont été incapables deproduire des chiffres plus récents.

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N O T E S E T C O N T R E N O T E S C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R E V E R E N A U D

e r e n a u d @ e r e n a u d i n c . c o m

Transcription Traitement de texte

Trait-Texte enr. Marie-Claude Robert

Tél. : (450) 616-1825 Courriel : [email protected]

Retenir sa langue

Page 9: LE MARCHÉ DE LA TRADUCTION

D O S S I E R L E M A R C H É D E L A T R A D U C T I O N

Pierre Cloutier, trad. a.

Àl’échelle mondiale, en 2012, les revenus provenant de la

prestation de services linguistiques et de la vente de

technologies connexes se chiffrent à plus de 33 milliards de

dollars US. Selon les données réunies auprès de 26 000 fournisseurs

répartis dans plus de 150 pays, la demande de services langagiers

connaît une croissance annuelle de 13 % depuis 2005. Voilà le gâteau.

Notre part ?

Le Canada représente un peu moins de 0,5 % de la population mon-

diale et occupe 10 % du marché mondial de la traduction. Environ 90 %

de cette traduction se fait dans ou pour le Québec. Un pactole. On

déplore pourtant le nombre restreint de grandes entreprises québé-

coises de traduction. Cette fragmentation d’un marché constitué de pra-

ticiens indépendants favorise l’acheteur. Explique-t-elle la stagnation

des tarifs constatée depuis vingt ans, de fait une régression de capacité

de gain, vu l’inflation, ce qui amène certains à vouloir troquer le compte

de mots pour une tarification horaire ? A-t-elle pour conséquence l’in-

cursion d’agences internationales qui n’hésitent pas à casser les prix à

Montréal, tout en dégageant une marge bénéficiaire à l’échelle mondiale

dans le cadre de contrats multilingues ?

Riposte : regroupements et formation d’alliances entre fournisseurs

particuliers, acquisitions qui permettent une consolidation des entre-

prises de traduction québécoises œuvrant dans un marché où la

demande est forte, constante, solvable. Autre facteur : l’âge moyen des

traducteurs augmente, d’où la nécessité d’assurer, par la formation et le mentorat, une relève qui ne

bénéficie plus de l’encadrement et de la révision dont étaient gratifiés les traducteurs en poste d’hier et

d’avant-hier. Enfin, pour mieux tirer son épingle du jeu, le langagier doit passer outre à sa réputation de

puriste d’office et se positionner comme partenaire stratégique et partie prenante dans l’assurance des

communications d’entreprise. Ce renouvellement en profondeur exige l’adoption d’une optique d’affaires,

donc l’acquisition d’une formation commerciale à l’avenant. Pari à tenir.

Comment ne pas relever une indéniable tendance lourde, le recours aux mémoires de traduction et

l’informatisation croissante de l’assistance à la traduction, ce qui exige une répartition renouvelée des

tâches entre intelligences artificielle et humaine, et donc une initiation approfondie aux applications de

l‘informatique dans notre domaine, et entraîne pour le praticien un coût d’acquisition de matériels et

de logiciels.

Au delà des impressions, fussent-elles partagées, nous manquons de chiffres. Pour pallier cette lacune,

l’ATAMESL à réalisé un sondage sur les tarifs et conditions de travail dans notre domaine, ce qui permettra de

mieux comprendre pour mieux agir. Résultats au printemps 2013. Au-delà d’une fourchette des tarifs deman-

dés par les répondants, toutes catégories confondues, le questionnaire permettra de raffiner l’analyse : Quels

sont les tarifs inférieur, moyen et supérieur pour un client direct et local ou lors d’une sous-traitance pour un

gros cabinet à l’étranger? Quels facteurs les font varier (expérience, diplôme, agrément, outils spécialisés,

qualité)? Quelle incidence ont les mémoires de traduction sur la productivité, la qualité, le tarif et le revenu

global? Quelle est l’évolution des tarifs depuis cinq ans? Quels facteurs expliquent ces variations? À suivre.

Le marché de la traduction

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Incontestablement bien des choses ont changédans notre domaine. Peut-on cependant affirmer

que le marché de la traduction s’est fondamentale-ment transformé ?

Les besoins quantitatifs restent les mêmes, la ta-rification est pratiquement statique depuis une tren-taine d’années, les « quatre piliers » de la professionse maintiennent (services internes, agences, cabi-nets, traducteurs indépendants), la traduction esttoujours la dernière étape du processus de communi-cation et s’assortit de délais tout aussi irréalistesqu’autrefois.

L’évolution, quant à elle, se manifeste dans la ré-partition des ressources de production et des mé-thodes d’exécution. Comme dans d’autres secteurs,la technologie impose sa loi et, si elle apporte d’in-contestables avantages, elle s’accompagne égale-ment de contraintes dont l’attrait économique etprofessionnel n’est pas toujours certain.

Au fil des années, certaines grandes entreprisesse sont départies, à tort ou à raison, de leurs ser-vices internes au profit de structures externes, fai-sant miroiter des volumes considérables à desconditions tarifaires souvent contraignantes. Cemouvement, qui a touché durement bon nombre demes collègues, a favorisé une redistribution de l’ap-pareil de production et a aussi contribué à plafonnerla tarification à des niveaux peu compatibles avec lanature des services offerts.

Curieusement la traduction, qui est une produc-tion intellectuelle, est devenue, avec l’apparition despremières machines de traitement de texte, la ciblefavorite des passionnés de rentabilité qui ont vudans l’informatique l’outil idéal qui leur permettraitde se passer des gratte-papier que nous étionsalors. C’est ainsi qu’au début des années 1980, latraduction automatique promettait de sonner le glasde notre profession. Cette panacée a coûté inutile-ment des sommes considérables à quelques grandesentreprises friandes de techniques nouvelles.

Aujourd’hui, nous travaillons sur la base de notions plus réalistes avec des technologies depré-traduction qui offrent des avantages indé-niables aux intervenants, notamment sur les plansde la recherche, de la documentation, de l’unifor-mité et de bien d’autres facteurs. Malgré tout, leuremploi relève aussi de la recherche d’une meilleurerentabilité et les espoirs qu’elles suscitent à cetégard ne se matérialisent pas fatalement.

Mode de rémunération et tarification

Le mode de rémunération de nos services resteune particularité paradoxale de notre profession. Detoutes les professions libérales, nous sommes laseule à facturer nos services au « poids ». Si l’unitémot reste commode pour évaluer l’ampleur d’unprojet, ses délais de réalisation et son coût approxi-matif, elle ne devrait pas être la base de notre modede facturation. La nature des textes, les domainesabordés, la nécessité de recourir aux technologiescitées plus haut sont autant de facteurs capablesd’introduire de sérieuses distorsions à cet égard.Notre profession doit faire front commun et tendre àimposer la facturation horaire de ses services, et ce,à des taux réalistes.

Par ailleurs, si la nature des services de traduc-tion offerts sur le marché diffère à certains points devue, l’entreprise cliente ne semble pas toujours sen-sibilisée à ces variantes. En conséquence, la tarifica-tion est perçue comme indifféremment applicable àl’agence, au traducteur indépendant ou au cabinet.Le mode d’exploitation et les services offerts parchacun des trois sont pourtant différents, répondentà des besoins différents, et nécessitent la mise enœuvre de moyens et d’investissements différents. Ilserait certainement souhaitable que les efforts depromotion de notre profession auprès des entre-prises reflètent ces réalités.

Relève et formationAutre problème évoqué lors de la préparation de

cet article : la venue de nombreux « pigistes » sur lemarché et son incidence sur la formation. Devant lararéfaction des services internes, les diplômés peu-vent être tentés d’offrir immédiatement leurs ser-vices directement en clientèle, ou indirectement parl’intermédiaire des grandes agences ou des cabi-nets. Ce qui pose bien évidemment le problème de laformation.

L’une des vocations d’un cabinet tel que le nôtreest de constituer une solide équipe de profession-nels salariés, et de mettre la compétence et l’expé-rience de ces derniers au service d’une clientèlefidèle, dans un domaine de spécialisation qui lui estpropre. Autre caractéristique, le cabinet disposed’un personnel de soutien spécialisé qui apporte son

L’auteur livre iciquelques rapidescommentaires sursa perception d’unmarché qu’ilobserve depuisune quarantained’années.

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Diplômé de la Grande École HEC Paris, Jack Y. Philizot est traducteur depuis plus de 40 ans. Sa première expérience dans le monde de la traduction l’a motivé à se lancer en affairesà Montréal et à fonder Translatec Conseil Limitée, dont il est président, en 1976.

Le marché de la traduction : notes en vue d’un bilan

Par Jack Philizot

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appui aux traducteurs et leur évite de se disperserdans les activités qui ne relèvent pas directement deleur mandat professionnel.

Ce contexte stable permet d’envisager l’embaucheet la formation d’un nombre restreint de jeunes tra-ducteurs prometteurs, désireux d’intégrer l’équipeen place et d’y faire carrière.

En revanche, étant donné le nivellement destarifs pratiqués par les différents intervenants de laprofession, le cabinet peut difficilement se per-mettre de recourir aux services externes de jeunespigistes, d’assurer leur formation et de les rémuné-rer aux mêmes conditions que celles qu’ils pensentpouvoir obtenir d’une clientèle directe, sans super-vision réelle.

Là encore, il pourrait être dans l’intérêt de tous queles universités et les organismes professionnels sensi-bilisent les nouveaux diplômés à ces impératifs pourleur éviter des attentes irréalistes et faciliter leur accèsà une formation adéquate et indispensable.

Notre profession a joué et joue toujours un rôleincontournable sur le plan économique. Commed’autres secteurs, elle est soumise aux lois dumarché et de la concurrence, mais elle a su s’adapteraux exigences d’une technologie et de moyens deproduction que nous n’aurions même pas imaginés ily a 36 ans, lorsque Translatec a été créée.

Pour conclure, je profiterai de l’occasion quim’est donnée ici pour remercier les pionniers qui

m’ont formé, et qui se reconnaîtront, tous lesmembres du personnel de notre cabinet pour leurcompétence, leur professionnalisme et leur espritd’équipe, et tous nos collaborateurs externes pourl’aide qu’ils nous ont apportée. Je souhaite égale-ment à tous les collègues qui me liront le mêmeenthousiasme que celui qui m’a animé au cours detoutes ces années.

Marion Boers, FIT President since 2008. BA (Witwatersrand) and Postgraduate Diploma in Translation (University of South Africa).Jeannette Ørsted, Executive Director of FIT/IFT. Certified Translator. MA in Translation, Masters in Public Administration .

By Marion Boers,FIT President,

and Jeannette Ørsted,Executive Director FIT/IFT

The Translation Market 2012As Good As It Gets ?

T he International Federation of Translators (FIT –Fédération Internationale des Traducteurs) was

founded in 1953 at a time when translation as a pro-fession was seeing major changes: several universi-ties in Europe and North America were starting tooffer translation studies and linguists were shiftingtheir interest in translation from a pragmatic approachto a theoretical level. At the same time, the importantrole of languages in facilitating better and peaceful re-lations between peoples was being promoted. Theroots of FIT were essentially European with Turkishparticipation, but by the following year, Canadian as-sociations had already joined the Federation, andsince then its membership has grown steadily andnow includes associations from all continents.

From the outset, the membership consisted ofboth literary and technical translators, freelancers,

civil servants and lecturers. This diversity is still acharacteristic of FIT, which sees itself as represent-ing the entire profession, as reflected in its tagline:FIT – the voice of associations of translators, inter-preters and terminologists around the world.

Until now, FIT had not undertaken any systematicmarket surveys of its own and had relied entirely onexternal sources, such as:

• analyses undertaken by national associations thatare members of FIT

• analyses published by universities and interna-tional bodies

• international analyses by commercial consultan-cies for the translation industry.

The different sources emphasize different elements,depending on their respective goals, so national

otre profession a joué et joue

toujours un rôle incontournable

sur le plan économique. Comme

d’autres secteurs, elle est soumise

aux lois du marché et de la

concurrence, mais elle a su

s’adapter aux exigences d’une

technologie et de moyens de

production que nous n’aurions

même pas imaginés il y a 36 ans,

lorsque Translatec a été créée.

N

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associations focus on pricing, universities on thedemand for translators, and international analysescombine the two. All three sources seem to be inagreement that there are two prevailing trends: glob-alization of commerce and service, and the increas-ing use of translation technologies (translationmanagement systems, translation memory technol-ogy and machine translation).

Looking back over a 20-year period, the transla-tion market has been characterized by immensemovements of resources: increasing demand fortranslation, increasing use of technology solutions tomeet the demand and, as a consequence, huge pres-sure on prices, also fuelled by increasing translationcosts for companies that sell their products globally.Many other factors have influenced the market tovarying degrees in different countries and the overallimpression is one of a dynamic, changing market interms of resources and output.

In 2012, the bulk of the global turnover is man-aged by large companies and to some extent largepublic buyers such as European institutions and cer-tain international bodies. A large number of mergersand acquisitions have secured the foothold of thelarge surviving translation companies on severalcontinents, making it possible for them to workaround the clock and to benefit from economicgrowth in different regions as well as the lower costsof labour in some areas. Their size gives them theeconomic muscle to drive technological change anddevelopment in order to increase efficiency andthereby meet the ever-increasing demand for transla-tion. The downside of this development is the down-ward pressure on prices and the expectation thatfreelancers can handle larger and larger packages offiles and words in one day.

When FIT was founded, translation was mainly aone-person business, and this is still the case if youlook at the member associations, whose membersare mainly freelancers. According to a FIT Europesurvey based on 2008 figures, somewhat fewer than20% are subcontractors to agencies. This clasheswith the fact that the preferred business model forlarge vendors is to outsource jobs to freelancers ; so,one conclusion could be that there are many free-lancers in the market who are not members of anassociation. Freelancers with direct customersprobably deal mainly with SMEs, as large com-panies with globalized market needs have alsomerged their various components to becomelarge entities with complicated translationneeds, multilingual projects and DTP re-quirements that a one-person businesscannot meet. Large companies/buyerswant low-cost, multilingual, one-stop shop-ping options. This is a reality for the profes-sion in most countries, leading to asituation where large multilingual vendorsand freelancers are contesting each other’sright to define the market, price levels, andthe working conditions of the actors.

As a consequence of the introduction of technol-ogy in all parts of the translation supply chain, pro-ductivity is under pressure. Of the 1,063 freelancersin the recent Rates and Salaries Survey (2012) by theInstitute of Translation and Interpreting (ITI) in theUnited Kingdom who gave feedback on their output,just about half reported translating more than200,000 words a year (4,500 words a week based on45 working weeks). This is an average figure and assuch has to be treated with caution, but the incomecorresponding to 200,000 words a year would proba-bly have to be supplemented by other activities or asecond income in the household. A Canadian com-parative analysis by the Bureau de la traduction/Translation Bureau in 2012 showed a productivityrange of 195-333 words an hour (average 250 =1,750 a day = 8,750 a week). Staff translators intranslation companies are likely to be required tohave at least the same weekly output, or even higherin the case of  repetitive texts  (excluding legal andmarketing).

Where does all this leave FIT and its member as-sociations ? The profession is international, vendorsare global, customers are everywhere, and withinthis boundless reality the Federation’s goal is to pro-mote best practices and quality standards. The aimis to reach a level of transparency where customersknow that professional translation workers knowabout and implement quality assurance and qualitymeasures in relation to all aspects of the translationprocess. By adhering to fixed and internationallyagreed standards, the profession can maintain itsstatus and a reasonable price level. This can only beachieved through enhanced collaboration betweenall the actors in the market. Thanks to technologyand globalization, our profession is developing anddiversifying and if we use this opportunity to imple-ment quality procedures, this will convince buyersthat translation is a quality product that is well worththe cost.

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TRSB: Made in Québec

Défis et occasionsde croissance de la traductioncomme activitééconomique.

Par Serge Bélair, trad. a.

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C ’est un cliché de dire que le Québec est bien posi-tionné dans le secteur de la traduction. Alors que

le Canada représente un peu moins de 0,5 % de lapopulation de la planète, il occupe 10 % du marchémondial de la traduction. Et environ 90 % de cettetraduction se fait dans ou pour la belle province.

Pourtant, il n’y a pas beaucoup de grandes entre-prises de traduction québécoises. Malgré notre héri-tage linguistique, notre culture et la stabilité de notreenvironnement économique, nous ne sommes pasencore parvenus à faire de la traduction une caracté-ristique nationale comme… la poutine ou le hockey !Comment la concurrence internationale réussit-elle àprendre autant de place dans notre marché ?

La situation en deux mauxÀ ces questions, je propose une réponse qui ne

plaira pas à tous. Si nous n’occupons pas la placequi devrait nous revenir dans le secteur de la traduc-tion, c’est, d’une part, parce que nous avons long-temps vécu sous le coup d’une illusion et, d’autrepart, parce que nous travaillons trop.

Premier mal : l’illusion. Nous, traducteurs québé-cois, avons eu longtemps tendance à nous voircomme les gardiens de la langue française, à consi-dérer la traduction comme un art, à prendre la recti-tude linguistique pour du professionnalisme et àregarder ceux qui achètent nos services non pascomme des clients à qui donner satisfaction, maiscomme de simples « donneurs d’ouvrage ». Qu’ellesoit défendable ou répréhensible, cette approchen’est pas le point de départ idéal de la réussite en af-faires. Or, c’est bien d’affaires qu’il s’agit. D’entre-prises, de compagnies, de business qui, pour nouspermettre de reprendre l’initiative de notre métier,doivent placer la performance au centre de leur ap-proche client.

Second mal  : le surcroît de travail. Qu’on mecomprenne bien, je ne me fais pas l’apôtre de la pa-resse. Le travail, c’est la santé, mais quand il prendtoute la place, il peut devenir nocif. Nous sommesactuellement bien trop occupés à répondre à la de-mande grandissante en traduction — tout en figno-lant nos textes — pour avoir le temps de penser à lasituation préoccupante dans laquelle est plongénotre secteur d’activité.

Nous ne pouvons pas revenir sur le passé, maisnous pouvons agir sur le présent et préparer l’avenir.J’évolue dans le domaine de la traduction depuisplus de 25  ans, je profite donc de la tribune qui

m’est offerte ici pour vous faire part de mes ré-flexions sur la situation actuelle et à venir de notresecteur.

Quelques pistes de solutionLoin d’être un «  mal nécessaire  » comme cer-

tains le pensent, la traduction doit devenir unmoteur de croissance économique. Or, pour assumerpleinement son rôle, l’entreprise de traduction doitfaire siennes les bases de toute entreprise et sedoter de valeurs simples, universelles et testables,notamment l’enrichissement durable. Autrement dit,l’entreprise de traduction et le traducteur individuel(qu’il travaille en entreprise ou qu’il soit pigiste) sontamenés à créer de la valeur économique par leursactivités. En fait, c’est déjà le cas  : les services detraduction que nous offrons à nos clients leur profi-tent grandement ; nous participons directement etindirectement à leurs succès. C’est la conscience denotre plus-value ainsi exprimée qui garantira la re-connaissance de notre professionnalisme.

Par ailleurs, pour durer, l’enrichissement doit s’ar-ticuler sur une vision à long terme. L’enrichissementdurable suppose entre autres l’investissement dansl’innovation et dans les ressources humaines.

Pour être efficace et viable, la pratique de la tra-duction doit tenir compte des nouvelles réalités, no-tamment technologiques, devenues incontournables :outils d’aide à la traduction, mémoires et traductionmachine. Il n’y a pas si longtemps, nous étions scep-tiques à l’idée d’utiliser un ordinateur quotidienne-ment. Pourtant, nous sommes arrivés aujourd’hui àun point où la simple évocation d’une panne d’Inter-net, d’un bris d’appareil ou de la perte d’une tabletteou d’un téléphone soi-disant intelligent nous donnedes sueurs froides. Les outils technologiques dans lesecteur de la traduction sont là pour rester. Et il fauts’en réjouir, car ils améliorent la productivité et favo-risent l’uniformité. Nous avons intérêt à les adopteret à en tirer le maximum.

Par ailleurs, investir dans les ressources hu-maines ne signifie pas seulement embaucher davan-tage de gens. L’âge moyen des traducteurs ne cessed’augmenter. Nous devons absolument assurer larelève. Chez TRSB, par exemple, nous avons mis surpied un programme de mentorat auquel participentnos traducteurs les plus chevronnés. Nous contri-buons ainsi à former toute une nouvelle générationde spécialistes. Il ne s’agit pas seulement d’assurerla pérennité de l’entreprise, nous voulons fournir un

Serge Bélair est prédisent-fondateur de TRSB.

Page 14: LE MARCHÉ DE LA TRADUCTION

un service continu pour les clients. Voilà un serviceque n’offrent pas les entreprises de traduction inter-nationales, prisonnières de leurs bas tarifs.

Enfin, si l’on emprunte un point de vue plusglobal, on constate immédiatement que le secteur dela traduction est fragmenté. Or, la fragmentationparmi les fournisseurs d’un service favorise les ache-teurs. Pour nous en convaincre, nous n’avons qu’à re-garder l’évolution — ou plutôt la stagnation, voire larégression — des tarifs de traduction depuis unevingtaine d’années. Le morcellement sectoriel n’estsans doute pas le seul coupable, mais il n’en de-meure pas moins que nous aurions avantage à nousregrouper, à former des alliances : associations pro-fessionnelles (telles l’OTTIAQ ou l’ACGL), collabora-tions (une solide base de pigistes collaborateurspeut contribuer à la compétitivité d’une entreprise),acquisitions (comme celle de Traductions SeguinAdams par TRSB en 2011), etc. Dans un secteur aussiconcurrentiel que la traduction, c’est le marchéglobal qui fixe les prix et non les entreprises indivi-duelles. Or, nous avons la chance d’évoluer dans unmarché où la demande est forte. En travaillant en-semble, nous pouvons renverser la vapeur.

Le temps presseLes grandes entreprises de traduction étrangères

qui s’installent au Québec ne sont pas des concur-rents « ordinaires ». Elles imposent leur modèle etcassent les prix, ce qu’elles peuvent faire d’autantplus facilement que le volet «  français canadien »s’inscrit bien souvent dans des contrats multilingues.Ces entreprises peuvent amener les prix à des pro-fondeurs abyssales en enregistrant une perte ici,mais en dégageant une marge bénéficiaire à l’échellemondiale, et ce, pour un même client.

À défaut de nous hisser dans les ligues majeuresde la traduction, nous deviendrons des sous-traitants, des vassaux, de ces multinationales. Ellesdicteront alors les règles, notamment les conditionsd’exercice de la profession.

Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, toutn’est pas mauvais dans leur modèle. Inspirons-nous de

ce que les groupes internationaux font de mieux.Pour l’entreprise du Québec qui a de la vision, le déficonsiste à leur livrer concurrence non seulement ici,chez nous, mais également à l’échelle mondiale.

Un dernier motC’est délibérément que je n’ai pas abordé un

thème cher aux traducteurs  : la qualité. Pour moi,elle va de soi. Non seulement nous sommes des spé-cialistes de la langue, mais nous vivons dans une cul-ture qui nous avantage sur le plan professionnel. Nerefusons pas d’évoluer et d’adopter de nouvellesfaçons de faire sous prétexte que la qualité en souf-frirait. La qualité de notre travail est un fait acquis.Elle n’est pas en danger. Elle n’est pas fragile.

Serge Bélair, trad.a

La petite histoire

TRSB a vu le jour il y a 25 ans. Seul dans monsous-sol, armé de mon fidèle dictaphone, je travaillais fort. J’ai souvent passé 12,15 heures d’affilée à traduire pour rendre mestextes à temps. Je n’avais pas le choix, lesclients comptaient sur moi. Bientôt, j’ai dû em-baucher une copiste et louer un bureau.Honnêtement, je ne me voyais pas comme unhomme d’affaires. J’aspirais seulement àgagner ma vie en faisant ce que j’aimais. Maisle Québec des années 1980 était plein de pos-sibilités, et la dualité linguistique du Canadafavorisait les traducteurs et les entreprisesde traduction. Soudain, j’ai compris que si jem’entourais de collaborateurs partageant mavision et mes exigences, nous pourrions unjour faire du Québec un pivot mondial de la tra-duction. Vingt-cinq  ans et près de 120  em-ployés plus tard, cet objectif ne me sembleplus si fou…

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Définir la qualité en traduction : mission impossible?

Comment définirla qualité ? Est-elleabsolue etintangible ourelative etsusceptible de seprésenter selondivers degrés pourrépondre auxattentes variablesdes clients ?

Par Stéphan Gervais, trad. a.

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D ans le marché québécois, canadien ou interna-tional, chacun convient volontiers que toute tra-

duction devrait avoir la qualité pour objectif. Laqualité comme valeur absolue, une et indivisible. Ce-pendant, certains estiment que la qualité comportedes niveaux, qu’elle se module en quelque sorte augré des besoins. Il existe en effet des cabinets de tra-duction évoluant à l’international qui proposent àleurs clients différents niveaux de qualité de traduc-tion, à des tarifs variables eux aussi. Oui, vous avezbien lu ! Mais surmontons le choc initial et voyons dequoi il retourne exactement.

Niveaux de qualité multiples,tarification variable

Le phénomène est principalement observé enAsie et aux États-Unis. Sans doute nous touchera-t-ild’ici peu. Des cabinets proposent trois niveaux dequalité : or, argent et bronze. Le premier prévoit latraduction, la révision et la lecture d’épreuves ; lesecond, la traduction et la révision, et, le dernier, latraduction seule. Chacune de ces étapes est réaliséepar un intervenant distinct. C’est le mode d’exécu-tion du travail et non le résultat qui définit le niveaude qualité. D’autres cabinets font correspondre lesniveaux de qualité à l’expérience de la personne quiexécute la traduction. Une expérience plus approfon-die est censée correspondre à un degré de qualitéplus élevé. Bon. On le constate, la notion de qualités’interprète diversement.

Les textes à traduire ne présentent évidemmentpas tous la même difficulté. Certains exigeront desheures de recherche et des relectures multiples,alors que d’autres, plus courants, couleront desource et seront achevés en un tournemain. Les lan-gagiers ne sont pas les seuls à le constater et cer-tains ont tiré les conclusions ultimes qui, pour eux,en découlent. Le propriétaire d’un cabinet de traduc-tion me disait récemment qu’il appliquait une tarifi-cation variable selon les niveaux. Selon lui, le clientdevrait débourser plus pour un texte longuementpeaufiné et dont la réalisation exige un délai plusétendu. Exemple : un document de présentation hautde gamme, conjuguant technicité et tournuresardues. Selon lui, ce type de demande est marginal.La plupart des documents qu’il traite sont de natureplus simple et leur caractère ponctuel rend impéra-tive une exécution rapide. À son avis, ce genre de

traduction correspond au niveau que l’on désigne« good enough » outre-frontière, ce que l’on pour-rait rendre par « correct » chez nous. Ce niveau cor-rect n’équivaut pas à une absence de qualité. Danstoutes ces traductions, le transfert linguistique estréalisé. Elles sont autant que possible exemptes defautes de frappe, d’orthographe et de grammaire.D’après les tenants de cette pratique, les textes,sonnent juste... à défaut de toujours se présentermagnifiquement.

Automatisation Même si les besoins du marché n’avaient pas en-

traîné la création de ces niveaux de qualité, la placegrandissante de la traduction automatique auraitchangé la donne. Il est facile d’imaginer qu’un cabi-net d’avocats ait recours à la traduction automatiquepour se mettre au parfum de diverses décisions ren-dues dans d’autres pays afin de se faire une idée deslois en vigueur et de la jurisprudence. En fait, cettesituation s’est déjà produite. Un cabinet néerlandaisdevait prendre connaissance rapidement de déci-sions rendues, à concurrence de plusieurs millionsde mots, afin de cibler celles touchant directementles intérêts d’un de ses clients. L’automatisation apermis de réaliser ce dépouillement initial en un

Cofondateur de l’entreprise Adéquat, services linguistiques inc., Stéphan Gervais a acquis sa formation en traduction et en linguistique à l’Université Concordia et à l’Université de

Montréal. Il évolue dans le milieu de la traduction, de la localisation et de la terminologie depuis plus de 20 ans.

Page 16: LE MARCHÉ DE LA TRADUCTION

week-end. Les avocats ont ensuite choisi les textesles plus pertinents pour en confier la traduction àdes professionnels. Une équipe de traducteursn’aurait jamais pu accomplir cette tâche titanesqueet, en outre, aurait-elle été nécessaire ? Seuls lesdocuments véritablement utiles ont été traduits. Cetravail répondait tout à fait aux besoins du client.

Les textes à traduire sont aussi variés que leursauteurs. Soyons francs, leur qualité aussi. Faut-il ledire, les clients ne définissent pas très clairementleurs besoins. Une question se pose  : en l’absencede directives explicites quant à la qualité visée,quelle ligne de conduite adopter ? Puisque nousavons appris à respecter les niveaux de langue lorsde notre formation en traduction, ne devrions nouspas faire de même quant aux niveaux de qualité ?Juger de la qualité à donner en fonction du texte dedépart ? Serait-ce faute de le faire que certains sesurprennent à produire des traductions dont le style

est plus châtié que l’original ? Et si la qualité quenous exigeons de nous-mêmes n’était pas celle de-mandée ? Le danger serait de pousser ce raisonne-ment à l’extrême en prétendant que la traductiondoit calquer et singer toutes les carences et tous lescouacs du texte de départ. La vérité se situe sûre-ment entre ces deux pôles... mais où ?

Le domaine de la traduction évolue en accéléré.Dans ce contexte, la notion de qualité se révèle pluscomplexe qu’il ne semble. Et si la qualité était fonc-tion de la personne qui la juge ? Mais qui sont lesjuges ? Les traducteurs ? Les clients ? Les destina-taires des textes produits ? Qui devrait avoir le der-nier mot ? Définir la qualité c’est un peu commedessiner le mouton du Petit Prince. Elle se révèle uneboîte noire, avec deux trous pour laisser passer l’air.Chacun s’ingénie à en deviner le contenu, à l’imaged’attentes qui sont d’autant plus vives qu’elles res-tent trop souvent inexprimées.

L ’ouverture des frontières, l’expansion universelledes télécommunications, la montée des nouvelles

technologies, l’utilisation accrue d’Internet… voilàautant de facteurs qui ont contribué à faire exploser lesbesoins mondiaux en traduction. En 2012, les revenustirés de la prestation de services linguistiques et de lavente de technologies connexes se sont chiffrés à plusde 33 milliards de dollars US. Du jamais vu. Et ce n’estpas fini ! En effet, selon la firme Common Sense Advi-sory, qui a analysé les données de plus de 26000 four-nisseurs répartis dans plus de 150 pays, la demandede services langagiers continue de croître d’environ13 % tous les ans depuis 2005.

Marge bénéficiaire en déclinPourtant, ces belles données sont loin de repré-

senter la réalité de l’ensemble des cabinets de tra-duction canadiens. Prenons la marge bénéficiaire.Depuis dix ans, elle diminue au lieu d’augmenter.Malgré la demande accrue en traduction — marchéqui génère tout de même un milliard de dollars aupays — la forte concurrence que nous livrent lesagences européennes et américaines entraîne une

chute des tarifs. Il se trouve même de nombreusesentreprises canadiennes qui n’hésitent pas à fairetraduire leurs documents au Maroc ou en Inde pourune fraction du prix moyen exigé au pays.

Il faut toutefois savoir que cette situation n’est pasunique au Canada, ni à notre industrie d’ailleurs. Cesbouleversements sont universels. Partout dans lemonde, les entreprises cherchent des fournisseurs ca-pables de répondre à leurs demandes à moindre coût.C’est la tendance que suit l’économie mondiale.

L’Association de l’industrie de la langue etquelques grands cabinets canadiens ont bien tentéde limiter les dégâts en créant une certification natio-nale en matière de services de traduction. Cette certi-fication, inspirée du modèle européen, a étéinstaurée afin de mieux encadrer la structure des en-treprises de traduction canadiennes. Résultat ? Mal-heureusement, peu d’agences de traduction ontadhéré jusqu’à maintenant au programme. À peine10 % des quelque 200 grands cabinets canadiens ontsuivi la démarche pour obtenir cette certification.

Pour survivre à cette concurrence qui lui vient detoute part, l’industrie de la traduction canadienne n’a pas le choix  : elle doit s’adapter en changeantcertains aspects de sa pratique, à commencer par la

Le marché de latraduction connaîtactuellement une évolutionspectaculaire àl’échelle mondiale,qui n’est pas sans souleverd’importantsenjeux au sein de notre industrie.

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Ann Rutledge est présidente fondatrice de Mégalexis Communication inc. Elle exerce les fonctions de présidente du conseil d’administration et du comité de direction de l’AILIA etest membre du jury des Mérites du français dans les technologies de l’information, remis chaque année par l’Office québécois de la langue française.

La traduction : uneprofession en évolution

Par Ann Rutledge, trad. a.

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tarification. Je crois qu’il est temps de remplacer la ta-rification au mot par la tarification horaire.

La tarification au mot actuelle, qui varie enmoyenne de 22 à 26 cents, ne tient plus la route.Malgré un taux d’inflation qui a grimpé de 20 %depuis 10 ans, ces tarifs n’ont pas bougé. Le traduc-teur tire donc moins de gains de son travail. Une tari-fication horaire serait beaucoup plus adaptée aumarché d’aujourd’hui, notamment avec l’avènementdes logiciels de traduction automatique qui facilitentle travail.

Technologie en hausse : nouveaudéfi de l’homo translator

Évidemment, ces outils technologiques ne sontpas sans redéfinir notre rôle. Aujourd’hui, le traduc-teur est devenu un rouage, certes essentiel, d’unemécanique langagière plus complexe. Si nous nousaffichons — et nous devons le faire — comme desexperts et des conseillers, nous devons miser surnos principaux atouts : la qualité de nos services etnotre expertise localisée, élément déterminant quipositionne mieux un produit dans son marché local.

Je ne crois toutefois pas que l’homo translatorsoit en voie d’extinction. Si les technologies traitent

les mots, l’humain demeure encore seul à pouvoirles interpréter. Souvenons-nous du cas de la GRCen Colombie-Britannique qui a fait les manchettesà l’été 2010  : faute de budget alloué à la traduc-tion, ce corps policier avait décidé de soumettre àGoogle Traduction ses communiqués rédigés enanglais. Aucun professionnel de la traduction nesera surpris d’apprendre que les textes françaisétaient bourrés d’erreurs. Après avoir sérieuse-ment entaché l’image et la crédibilité de la GRC,cette histoire s’est soldée par l’engagement d’untraducteur professionnel.

Soulignons cependant que, dans certains do-maines tels que la météorologie, la traduction auto-matique comble bien les besoins. Le nombrerestreint de termes et d’expressions météorolo-giques permet le recours à la traduction automa-tique pour la diffusion des messages grand public.Les agences de sécurité et de contre-espionnage ap-précient, elles aussi, la traduction automatiquedepuis les attentats de septembre 2001. La technolo-gie aide à traduire le contenu de documents endivers dialectes et langues, mais l’apport de langa-giers professionnels demeure essentiel. D’aprèsMichel Juneau-Katsuya, expert reconnu des do-maines de l’espionnage, du contre-espionnage et duterrorisme au Canada, ces agences publient, enmoyenne quatre fois par année, une offre d’emploidans les grands quotidiens pour recruter de nou-veaux interprètes et traducteurs au sein de diversescollectivités linguistiques.

En fait, l’avènement des technologies langagièresentraîne la création de nouveaux profils et de nou-velles professions liées à la traduction. Le Bureau dela traduction travaille justement à établir un nouvelécosystème langagier afin d’augmenter sa producti-vité et son efficience. Cet écosystème, nous dit-on,prévoit l’intégration d’outils technolangagiers, y compris la traduction automatique, à toutes lesétapes de traitement des demandes de traduction.

Cela dit, la meilleure façon pour notre industriede survivre aux changements est d’évoluer au mêmerythme et d’en suivre les tendances.

Il y a 40 ans, la profession de traducteur était enplein essor au pays. L’ère du bilinguisme nationals’amorçait. Aujourd’hui, l’industrie de la langue acomplètement changé, même ici au Québec. Les be-soins en matière de traduction et d’interprétariat à laCour municipale de Montréal ont explosé de 94 % enquatre ans. D’ailleurs à l’automne, la Ville devaitlancer un appel d’offres pour combler un pressantbesoin, soit la traduction de plus de 6 000 demandesrédigées en une vingtaine de langues.

Notre industrie traverse une période houleuse,d’où l’importance de resserrer les rangs. À tous, jelance cet appel à la collaboration : harmonisons nosforces et nos atouts professionnels afin de partager,dans un esprit d’équitable concurrence, ce richemarché.

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T raditionnellement, le langagier n’est pas un pro-tagoniste du processus décisionnel. Son rôle de

figurant l’a souvent relégué à l’arrière-plan, sansdroit de cité au générique ! Faisant cavalier seul ouévoluant au sein de modules internes d’enverguremodeste qui naviguent entre plusieurs eaux et sontcoiffés par différentes divisions opérationnelles au fildu temps, le langagier a dû faire preuve de créativitéet de détermination pour tirer son épingle du jeudans l’environnement métissé d’anglais de nombred’entités qui appliquent avec indulgence une poli-tique de la traduction exempte d’étanchéité.

Dans notre profession, l’activité artisanale a cédéle pas à une industrie moderne et dynamique. Grâceau concours des associations et des efforts de visibi-lité de la profession, les spécialistes du transfert lin-guistique ont pu dissiper le spectre de l’équationpréjugée « bilinguisme égale traduction », de la per-ception du traducteur comme un photocopieur intel-ligent ou autre lecteur optique ! Les langagierss’affirment, renforcent la perception de leurs col-lègues et clients et mettent en exergue la qualité deleur travail. D’aucuns considéreront toutefois quebeaucoup reste à accomplir.

Un partenaire à part entière Spécialiste de la transposition d’un message ou

d’un texte d’une langue à une autre dans le but d’assu-rer la qualité de la communication et de rehausserl’image de marque de l’entreprise, le langagier, à l’ins-tar d’autres professionnels de services de soutien, doits’approprier la gestion de la traduction et se position-ner comme partenaire de ses clients externes ou desdivisions opérationnelles et centres de profit internes.Oser s’affranchir de sa réputation de puriste en vaseclos ou d’académicien dépourvu de contact avec la réa-lité, siéger à la table de la planification de projets d’en-treprise, jouer un rôle-conseil, anticiper les besoins etgagner ainsi le respect de ses interlocuteurs et clients :voilà tout un défi à relever.

Tandis que les stratégies organisationnelless’orientent vers la croissance et mettent l’accent surla productivité, le langagier entre de plain-pied dansles sphères des communications stratégiques, dumarketing et de l’innovation destinées à générer durevenu et à assurer l’évolution des organisationsdans un cadre concurrentiel et globalisé. À ce carre-four, le langagier doit se positionner comme parte-naire stratégique, influencer intrinsèquement les

politiques de traduction, faire respecter sescontrôles internes et ses lignes directrices, pratiquerla rétrofacturation pour conscientiser les unitésclientes de la valeur économique de la traduction et,enfin, implanter ses processus méconnus des néo-phytes comme le prétraitement et le post-traitementdes traductions, la terminologie, la technologie langagière, etc.

À l’Association des conseils en gestion linguis-tique (ACGL), nous observons toujours dans lepaysage langagier la cohabitation de services lin-guistiques internes et de cabinets de traduction ex-ternes, les premiers subissant autant de pressionsque les seconds, mais de nature différente.

Nombre d’entreprises, et pas seulement lesgrandes entités, se dotent d’un service interne pourrépondre à plusieurs enjeux  : efficience accrue,contention des coûts, planification optimale par laconnaissance exhaustive des besoins organisation-nels, impératifs de circonscrire le risque. La dotationd’un service linguistique constitue une décision d’af-faires, une dépense de commercialisation, plusqu’une simple réponse à la réglementation linguis-tique. Beaucoup de services internes sont couplésavec les services de marketing et de communica-tions, par exemple.

Nous constatons également que, loin de prati-quer le délestage d’effectifs, les entités se conscien-tisent quant à la valeur économique de la traduction.Fait intéressant, les unités internes font preuved’adaptabilité et revoient leurs processus. Elles coopèrent avec les cabinets, qui sont heureux dedialoguer avec des confrères partageant leur réalité.Aux entités qui décident d’impartir la fonction tra-ductionnelle, nous recommandons de confier à deslangagiers la gestion de l’externalisation et lecontrôle de la qualité. En effet, l’impartition ne selimite pas à une opération ; c’est une logistique exi-geant une connaissance de la documentation in-terne, de la culture d’entreprise, du niveau de languepropre à chaque auditoire cible, des formats de fi-chiers, des applications et plateformes informa-tiques, entre autres. Le contrôle de la qualité doits’inscrire dans un enjeu d’envergure : la surveillancedu risque couru par l’entité, tant du point de vue lin-guistique que de l’image. Les acteurs de la scènelangagière canadienne doivent s’octroyer un rôleélargi, dépassant le transfert linguistique  : faire dela langue un actif stratégique, un vecteur de rentabi-lité, un outil de prestige pour l’entreprise.

Les acteurs de lascène langagièrecanadiennedoivent s’octroyerun rôle élargi,dépassant letransfertlinguistique : fairede la langue unactif stratégique,un vecteur derentabilité, unoutil de prestigepour l’entreprise.

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Dominique Bohbot El Kahel est présidente de l’Association des conseils en gestion linguistique.

Le langagier,gestionnaire d’un actif stratégique

par Dominique Bohbot El Kahel, économiste trilingue,

trad. a., réd. a.

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Garder le service detraduction à l’interneou l’impartir? Voilà laquestion que bien desentreprises se posent,principalement dans le secteur des servicesprofessionnels. PourAon Hewitt, une firmeen gestion-conseil deréputation mondiale, le service de traductionse veut une valeurajoutée pour ses clientset ses employés.

Par Alexandre Daudelin

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Globalisation des marchés et concurrence étrangère

Les cabinets de traduction, quant à eux, démon-trent leur professionnalisme, leur polyvalence, leursouplesse sans faille. La tendance prononcée à l’im-partition a influé sur le marché de la traduction. Laglobalisation des marchés et les avances technolo-giques ont engendré une nouvelle donne et exigentune vigilance accrue. Les cabinets de traduction doi-vent innover pour affronter la concurrence étrangère,rechercher de nouveaux marchés, soutenir les entre-prises locales en voie de mondialisation et exploiterle potentiel très prometteur de la traduction ducontenu en ligne.

La collaboration étroite des services internes etdes cabinets de traduction, ainsi que la gestion duflux externalisé par des gestionnaires langagiers per-mettront un partage naturel du marché de la traduc-tion. La vitrine canadienne dispose de produits detraduction de haute qualité, de professionnels dehaut calibre, d’une importante sensibilité linguis-tique, d’une plateforme associative motivée. Toutcela nous démarque sur la scène internationale etnous n’aurons de cesse de promouvoir nos atoutsqualitatifs et notre sérieux en réponse à la percéeconcurrentielle étrangère misant tout bonnement surle prix.

Dans ce contexte, les regroupements profes-sionnels tiennent un rôle vital : forger l’identité del’industrie, se positionner comme une force secto-rielle, valoriser la profession. L’agrément comme

statut professionnel et les normes et pratiquesd’excellence comme sceau de qualité sont le fon-dement de notre reconnaissance et permettrontnotre avancée. Depuis plus de 25 ans, l’ACGL pré-conise le perfectionnement comme pierre d’assisede la valorisation professionnelle et s’applique,par ses ateliers, à former les langagiers devenusgestionnaires en les aidant à composer avec laculture entrepreneuriale. Le traducteur le plus ta-lentueux n’est pas nécessairement un gestion-naire aguerri ni un coach, d’où l’importance d’êtreinitié à ces pratiques par le perfectionnement et leréseautage. Il incombe au langagier de fairepreuve de leadership, de s’affirmer, et surtout, deparler le même langage que ses clients.

L’Association des conseils en gestion linguis-tique (ACGL) Inc. regroupe les gestionnaireset intervenants de la fonction linguistique, dela francisation, des communications, et de laformation. Son mandat vise à apporter uneaide concrète aux gestionnaires et aux langa-giers, à informer ses membres des moyens et méthodes en usage dans les professionslangagières, à favoriser les échanges sur lesexpériences pratiques, à offrir des ateliers de perfectionnement, ainsi qu’à favoriser laconcertation et le réseautage.

Visitez son site au www.lacgl.org

Alexandre Daudelin est conseiller principal, Marketing et communications pour Aon Hewitt. Il est notamment responsable du service de traduction de la société. Bachelier en com-munication de l’Université de Sherbrooke, il possède aussi un certificat en gestion du marketing de HEC Montréal ainsi qu’un certificat en journalisme de l’Université de Montréal.

L a question refait régulièrement surface, mais laréponse demeure essentiellement la même. Pas

question d’impartir le service de traduction chez Aon Hewitt. La totalité des documents doivent êtretraduits dans les deux langues officielles afin de res-pecter tous les employés et clients au pays.

La traduction de l’anglais vers le français consti-tue la grande majorité des documents à traduire.Pour les quelques rares cas inverses, la société tra-vaille avec des pigistes spécialisés ou encore des ca-binets de traduction dignes de confiance.

« Comme notre société est présente dans 90 pays de par le monde, nous devons traduire des

textes en français tels que des mémoires, ou des ar-ticles en anglais provenant de conseillers aux États-Unis ou en Europe », souligne Isabelle Lamontagne,traductrice au service de la société depuis quatreans. « Nous évoluons dans un domaine techniquepassablement spécialisé, allant de la gestion des ré-gimes de retraite à celle de l’assurance collective, enpassant par les placements, la rémunération et lacommunication aux employés, en plus de l’adminis-tration des avantages sociaux. »

Les concepts reliés aux avantages sociaux sontpointus et évoluent très rapidement, ce qui exige destraducteurs qu’ils soient à l’affût des nouveautés sur

Conserver son service de traduction à l’interne

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le plan linguistique. C’est arrivé récemment avec uneexpression anglaise qui qualifiait un nouveau typede régime de retraite.

« Nous avons accès à des experts sur place pournous expliquer précisément les concepts ou les enjeuxprésents dans notre secteur d’activité », poursuit Mme Lamontagne. En misant sur sa propre équipe de tra-ducteurs, Aon Hewitt s’assure d’un travail précis obtenudans les meilleurs délais. La qualité rédactionnelle, assurée notamment par la révision, est bien supérieureet assure une uniformité d’un dossier à l’autre.

Deux aspects tout aussi importantsIl y a toujours deux aspects à un travail de traduc-

tion : l’aspect technique et l’aspect linguistique. Lesdeux éléments sont essentiels à la qualité d’un texte.Si les traducteurs peuvent assurer la qualité linguis-tique du document, ils ont parfois de la difficulté à ap-préhender tout les aspects techniques. En l’occurence,ils bénéficient d’un accès direct à des experts.

Par ailleurs, pour certains textes qui contiennentde l’information plus délicate, le fait d’effectuer l’es-sentiel du travail de traduction à l’interne permetd’assurer la confidentialité, pour la société elle-même et pour ses clients.

Chacun des membres de l’équipe a la capacité detravailler sur divers dossiers. «  Lorsque vient letemps d’entreprendre des travaux, nous ne faisonsaucune distinction entre un document interne ou del’information destinée aux médias. La passion et larigueur demeurent les mêmes. Nous sommes sou-cieux de la qualité du produit final, peu importe à quis’adresse le document », insiste Mme Lamontagne.

Travailler dans une société comme Aon Hewitt eststimulant puisque le travail est très varié. On peuttraduire des politiques ou des produits de communi-cation interne, mais aussi des documents de promo-tion et de formation.

L’impact de la fusionAon et Hewitt ont fusionné en 2010, ce qui a amené

son lot de défis quant au volume de travail. Comme

l’une des deux sociétés n’employait pas de traduc-teurs à l’interne, la composition de l’équipe n’a pasété modifiée et les habitudes de travail n’ont paschangé. La fusion a néanmoins créé un surplus detravail durant quelques mois, le temps d’uniformi-ser la traduction des différentes politiques internesainsi que des documents de promotion.

Depuis, le volume est important, mais plutôtéquilibré tout au long de l’année. Il n’y a donc pasde période durant laquelle le service de traductionest contraint d’aller systématiquement à l’extérieur,en raison d’un manque de ressources.

En temps normal, chaque traducteur se donneun maximum de 1 500 mots par jour à traduire pourassurer un travail de qualité. « Il faut respecter larédaction du document dans sa langue originale. Ilimporte de bien saisir l’essence du message, cequi, dans la plupart des cas, va au-delà des mots »,ajoute Mme Lamontagne.

Le plus gros défi à la suite de la fusion a été defaire connaître le service de traduction à l’ensembledes employés à l’échelle du pays, d’autant plus quela majorité des documents doivent être disponiblesdans les deux langues officielles, qu’il s’agisse del’infolettre hebdomadaire destinée aux employésou encore des avis de nomination ou des communi-qués de presse destinés aux médias.

Présentement, la compagnie étudie diversespossibilités pour augmenter le travail de traductionfait à l’interne à l’intention des clients de certainespratiques comme celle de Communication, Mobili-sation et Rémunération. Ces dernières font de plusen plus appel à nos services pour émettre des com-munications à leurs employés, et nos traducteurstravaillent de plus en plus avec nos conseillers encontact avec la clientèle, ce qui est relativementnouveau.

L’année 2013 promet des changements impor-tants quant à la nature même du travail. Il sera da-vantage destiné à la clientèle, ce qui est trèsstimulant pour le service de traduction.

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Une formationuniversitaire en 3D :diversité, dialogue,débrouillardise

En ce XXIe siècle et àl’aube de l’avènementde la « société dusavoir», quels défis lesinstitutionsd’enseignementuniversitaire doivent-elles relever dans laformation de nouvellesgénérations detraducteurs? Pourrépondre à laquestion, osons unparallèle entre lesbesoins du marché etl’apport de latraductologie à unevision élargie du rôled’un traducteur.

Par Danièle Marcoux

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L a traductologie est une science relativement jeune.Bien qu’elle soit définie comme l’étude théorique

de la traduction, on aurait tort de la percevoir commeune discipline n’entretenant aucun lien avec le mondepragmatique de la profession. Au contraire, l’évolutionmême du terme « traduction » a certainement à voiravec les retombées de la recherche menée en traducto-logie depuis au moins un quart de siècle.

Si la traduction recouvre aujourd’hui de plus enplus d’activités professionnelles, qui vont de l’opéra-tion de transfert sémantique entre les langues à la lo-calisation de logiciels, de sites Web et de jeux vidéos,en passant par l’édition, la rédaction multilingue etl’adaptation publicitaire, c’est en partie parce que latraductologie ne cesse de mettre en lumière le constatsuivant : le rôle du traducteur ne se limite pas à son ex-pertise langagière. Comme il agit à titre de médiateurentre les langues, les cultures et les époques, son in-tervention a aussi des conséquences sur les planssocial, politique ou idéologique.

Dès lors, le premier défi que les institutions d’ensei-gnement doivent relever est celui de préserver tout cequi, dans les programmes de formation (au premiercomme au deuxième cycle), contribue non seulement àaffiner le jugement et les compétences linguistiquesdes traducteurs, mais surtout à aiguiser leur esprit cri-tique. La diversité des angles sous lesquels une sciencecomme la traductologie élargit les perspectives sur latraduction, et dont l’éclosion de diverses pratiques pro-fessionnelles est en partie tributaire, exige en effet desnouveaux traducteurs qu’ils soient de plus en plusconscients des multiples facteurs — économiques, géo-graphiques, politiques — qui déterminent leurs choixde mots, d’outils, de carrière, etc. En plus des cours debase axés sur le transfert linguistique, beaucoup deprogrammes universitaires comportent déjà des coursd’histoire de la traduction, d’analyse du discours ou delecture critique des traductions. Cette caractéristiquedes programmes doit être conservée, voire enrichie,afin que les traducteurs en herbe continuent d’acquérirun point de vue critique sur leurs propres interventionset qu’ils puissent composer avec la diversité des fonc-tions qu’ils seront appelés à assumer.

Or, si préserver l’acquisition de l’esprit critiqueconstitue l’un des premiers défis à relever par les

institutions d’enseignement, la poursuite du dia-logue entre les principaux architectes de la mise enœuvre des programmes de formation universitaireen est sûrement un autre de taille. Pour l’Associa-tion canadienne des écoles de traduction (ACET), cedialogue se tient autour de l’élaboration d’unegrille de compétences communes visant à mieux ré-pondre aux défis soulevés par les nouvelles réalitésprofessionnelles.

Du dialogue à la débrouillardiseS’inspirant de la grille ayant servi, il y a quelques

années déjà, à l’harmonisation des programmes depremier cycle en traduction, l’ACET travaille présen-tement à bâtir une grille de compétences qui permet-trait aux programmes de deuxième cycle d’êtrereconnus, entre autres, par le Bureau de la traduc-tion. Fondée sur une réévaluation des besoins en for-mation, la nouvelle grille de compétences cherchenotamment à répondre aux critères de recrutementet d’employabilité non seulement au Canada, maiségalement hors frontières. Dans cette optique, lesresponsabilités du traducteur, son rôle actif d’agentsocial, figurent au cœur même de la prestation duservice de traduction.

Il convient de souligner que la grille de compé-tences en cours d’élaboration au Canada s’inspire,en bonne partie, de celle créée par la Direction géné-rale de la Traduction (DGT) de l’Union européenne,dans le cadre des travaux entamés à Bruxelles en2006 et qui visaient, à partir du projet de Master euro-péen en traduction (EMT), à optimiser les cursus et àfaire converger les contenus de formation. Aboutisse-ment de plusieurs années de travail mené par des pro-fessionnels, des enseignants et des employeurs1, lagrille de compétences de la DGT s’applique «aux mé-tiers langagiers ou à la traduction dans une large ex-tension sémantique et professionnelle2 ». Elle proposecinq types de compétences — linguistique, intercultu-relle, extraction de l’information, thématique, techno-logique — qui gravitent, nous l’avons dit, autourd’une compétence centrale : la prestation du servicede traduction3. L’ACET pense que la grille de l’EMTserait transposable au contexte canadien. Le comité

Danièle Marcoux, Ph. D. en linguistique et traduction, enseigne à l’Université Concordia. Traductrice littéraire, elle collabore à des revues et a aussi publié des traductions : Silver,La Vérité de Pinocchio (Pablo Urbanyi) et Cinco poemas (Claudio Rodríguez).

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Quand on parle des tarifs et des conditions de tra-vail des professionnels de la langue, les questions

abondent ! Beaucoup, cependant, restent sans ré-ponse, et si, au détour d’une conversation, des hypo-thèses fusent et quelques chiffres sont timidement oucatégoriquement émis, peu d’études ou de sourcessûres peuvent nous confirmer si ce qu’on entendconstitue la norme ou l’exception, si bien qu’on reste,somme toute, dans le brouillard. C’est en constatant cemalaise, exacerbé par la situation économique des der-nières années, que l’Association des travailleurs auto-nomes et micro-entreprises en services linguistiques a décidé, l’automne dernier, de mener une grande enquête auprès des langagiers du Canada pour tenterde dresser un état des lieux de la situation tarifaire etdes conditions de travail des salariés et des travailleursautonomes en révision, en rédaction et en traduction.

La situation en traduction : mieuxla comprendre pour mieux réagir

Si la réalité des traducteurs est si difficile àsaisir, c’est notamment parce que notre marché

est extrêmement segmenté, et que de multiples pa-ramètres font varier nos tarifs. Or, la plupart des son-dages à ce sujet établissent la fourchette des tarifsdemandés par les répondants, toutes catégoriesconfondues. Les résultats, quoique utiles, ne per-mettent pas une analyse détaillée des conditions ta-rifaires des traducteurs en pratique privée puisqu’ons’y trouve à mélanger les pommes (contrat pour unclient direct et local) avec les oranges (sous-traitance pour un gros cabinet à l’étranger). L’ATAMESLs’est donc donné pour but de décortiquer la situa-tion afin de brosser un portrait des différents mar-chés dans toute leur multiplicité.

Voici quelques-unes des questions auxquellesl’enquête devrait permettre de répondre :

• Quels sont les tarifs inférieurs, moyens et supé-rieurs, en situation de sous-traitance comme avecles clients directs, et qu’est-ce qui fait varier ces tarifs (expérience, diplôme, agrément, outils spé-cialisés, qualité, attitude professionnelle, etc.) ?

• Quelle incidence ont les mémoires de traduction surla productivité, la qualité, le tarif et le revenu global ?

de travail chargé de sa mise en place devrait déposerses propositions d’ici la fin de l’année 2012.

À l’heure où les technologies de l’information etla transformation des marchés, liée à la mondialisa-tion, forcent les métiers de la communication à évo-luer rapidement, les institutions d’enseignementsavent très bien que le monde de la traduction pro-fessionnelle n’échappe pas à cette double pressiondont les répercussions se font sentir, entre autres,sur la division du travail et sur les rapports entrevolume à traduire, contrôle de qualité et prix. Mais ily a plus. Cette pression implique aussi une diversitéde choix ou de profils à l’intérieur desquels il n’estpas toujours facile de s’y retrouver. C’est ici que ladébrouillardise, la capacité à se tirer d’affaire, de-vient elle aussi un élément indispensable à touteorientation de cours et de carrière. Pour cette raison,

fruit d’un dialogue constant entre la salle de classeet la succursale d’emploi, la réponse des institutionsd’enseignement aux principaux défis qui guettent lestraducteurs d’aujourd’hui est claire : leur formationuniversitaire doit servir à élever leur statut profes-sionnel, tout en faisant d’eux des experts formés àl’exercice du sens critique. En poursuivant les initia-tives axées sur l’acquisition de la dextérité d’esprit,les langagiers du XXIe siècle pourront ainsi redonnerà l’industrie le sens premier que le mot avait à l’ori-gine, soit celui de l’ingéniosité.

1. Pour plus d’information sur la composition et les travaux du groupe,consulter le s ite Internet : http://ec.europa.eu/emt.

2. Groupe d’experts EMT, Compétences pour les traducteurs profession-nels, experts en communication multilingue et multimédia, Bruxelles,janvier 2009, p. 3.

3. Annie Brisset pour l’ACET, Documents préparatoires, Dossier maîtriseen traduction : grille de compétences, avril 2012, p. 3.

Vous demandez-vousparfois si vos tarifs sontjustes? Si, dans lescreux, vous devriezaccepter de les réduire?Si votre revenu net est,minimalement, dans la moyenne destraducteurs qui ontautant d’expérience quevous? Si ça vaut le coupde faire le saut vers letravail autonome? Ouencore de reprendre lechemin du salariat?...Vous posez-vous mille et une questions surl’évolution de votreprofession, du marché et de votre carrière dans l’économied’aujourd’hui?

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Mélodie Benoit-Lamarre est membre fondatrice de l’Association des travailleurs autonomes et micro-entreprises en services linguistiques (ATAMESL) et dirige ses destinéesdepuis 2009.

Par Mélodie Benoit-Lamarre,trad. a.

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Lever le voile sur notre réalitéL’enquête de l’ATAMESL sur les tarifs etconditions de travail dans le milieu langagier

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• Dans quelles situations les salariés profitent-ils deconditions plus intéressantes que les travailleursautonomes, et inversement ?

• Les salaires et tarifs ont-ils diminué, stagné ouaugmenté depuis cinq ans ? Le cas échéant, quelsfacteurs expliquent les variations ?

• Quel avenir les traducteurs entrevoient-ils pourleur profession ?

L’ATAMESL s’est aussi penchée sur de multiples aspects des conditions de travail  : réseautage, vacances, avantages sociaux, planification de la re-traite, précarité financière, horaire de travail, stress,facteurs de bien-être, etc. Les résultats fourniront un tableau détaillé des avantages et inconvénients liés àla profession de traducteur, qu’on soit salarié ou àson compte.

Bref, cet exercice permettra de mettre en relief leslacunes et difficultés du milieu traductionnel, maisaussi de faire ressortir les facteurs contribuant à notrecrédibilité professionnelle. En connaissant lesfaits et les chiffres, il sera plus facile decerner avec précision les problèmes etde trouver des solutions pour amélio-rer notre sort à tous, favoriser lesbonnes pratiques et les normes dequalité, ainsi que promouvoir la valeurdes professionnels langagiers auprès desdonneurs d’ouvrages comme du grand public.

Publication des résultats et projets subséquents

Les résultats de l’enquête sont actuellementcompilés, et des tables rondes régionales (arri-mées aux Soirées des langagiers) auront lieu ceprintemps pour en affiner certains aspects. Lesconclusions seront dévoilées en mai 2013, à l’occa-sion d’un congrès sur le thème des conditions detravail organisé par l’ATAMESL. La publication d’unrapport écrit suivra.

D’aucuns se demanderont si des données dé-taillées sur les tarifs pourront être publiées sansrisque d’enfreindre la Loi sur la concurrence. Aumoment d’écrire ces lignes, les premières vérifica-tions sur ce point étaient positives. Le spectre del’expérience ayant mené, dans les années 1990,l’American Translators Association à interdire lesdiscussions sur les tarifs1 sous son égide planetoujours lorsqu’on parle de chiffres. Cet épisoden’a cependant pas eu lieu au Canada, et la présen-tation en toute neutralité de statistiques reflétantla réalité du marché semble tout à fait permise. Le rapport final abordera cette question plus en détail.

Et après ? Déjà, de nombreuses idées mijotent…D’abord, il serait intéressant de compléter le portrait du marché canadien de la traduction enétendant l’enquête aux gestionnaires et proprié-taires de services et d’agences de traduction. Il

serait aussi utile de réitérer l’enquête à intervalles réguliers afin d’observer l’évolution des profes-sions langagières. Enfin, il serait possible de déve-lopper certains passages de l’enquête pour lestransformer en critères de diagnostic qui permet-traient aux travailleurs autonomes, par exemple,d’évaluer leur salaire horaire réel ou encore leurcoût de revient. D’autres outils pratiques pour-raient aussi être élaborés pour faciliter la structu-ration d’une grille tarifaire ou l’établissement d’unbilan financier.

Encore mieux  : tous ces éléments pourraient être réunis en une sorte de «  boussole des langa-giers ». Véritable source d’information, d’introspection,de réflexion, de structuration et de comparaison,cette boussole constituerait un point de repèreprécieux. Elle aiderait les nouveaux venus dans le domaine comme les vieux mariniers à mieux sepositionner et à naviguer dans les eaux du marchéen évitant les écueils, pour arriver à bon port, sipossible, la cale remplie de richesses... et le moralau beau fixe !

Pour avoir plus de détails sur l’enquête, écrivez à [email protected] allez au www.atamesl.org

1. L’ATA avait été mise à l’enquête pour une possible violation de la loiaméricaine sur la concurrence (voir à ce sujet le www.tipsfortranslators.com/ftc.asp).

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Québec-Canada

BEAUCHESNE, Jacques, Maudeet Kim BEAUCHESNE, Le GrandDictionnaire des cooccurrences,Guérin éd., 2009, 788 p., ISBN9782760171022

Il s’agit ici de l’édition 2010, parueaprès le décès de l’auteur. Ses fillesont pris la relève et y ont ajouté 800termes, pour un total de 5000, ainsiqu’un grand nombre d’adjectifs, deverbes et de locutions verbales pourchaque entrée. Avec grand retard,nous présentons un ouvrage dont lesuccès était déjà immense dans saversion figurant dans Termium.

C O R B E I L , J e a n - C l a u d e , LeDictionnaire visuel +, QuébecAmérique, 2012, 1072 p., ISBN 978-2-7644-1122-3

À la puissance du Dictionnairevisuel classique, dont il reprend lesthèmes et l’organisation, le Visuel +ajoute des définitions et des noticesencyclopédiques qui apportent lesrenseignements essentiels pour

mettre en lumière ce qu’on ne voitpas ou qui n’est que suggéré par lemot : la nature, la fonction ou les ca-ractéristiques de l’objet ou du phé-nomène illustré.

FORGET, Jean-Claude, Des motset des tournures, éd. de l’Homme,2012, 304 p., ISBN 9782761932530

Énigmatiques et amusantes, lesformules consacrées qui émaillentnotre discours ont chacune une anec-dote à raconter. Avec un plaisir évi-dent, l’auteur a parcouru des cen-taines de références pour mieuxdéchiffrer la provenance, l’évolutionet l’emploi de ces tournures colorées.

ROULEAU, Maurice, La traductionmédicale  : une approche métho-dique, 2e éd. revue et mise à jour,Montréal, Linguatech, 330 p., 2012,ISBN 978-2-920342-01-9

Cette édition, entièrement revueet corrigée, présente des référencesbibliographiques mises à jour etclarifie les renvois, facilitant ainsi la lecture. Le manuel propose tou-jours une méthode de traduction

D E S L I V R E S

s o l a n g e . l a p i e r r e @ s y m p a t i c o . c a

Thomas L. West I I I , Spanish–Engl ish Dict ionary of Law andBusiness , 2nd edi t ion, Revised, corrected and expanded,Intermark, 2012, paperback only ISBN 9781929570010.

T here is a huge demand for Spanish speaking court interpreters and trans-lators, given the fact that the Hispanic–Latino population in the United

States was 50.5 million in 2010, making Hispanics and Latinos the second-largest ethnic group in the country at 16.3% (Wikipedia). U.S. retailers havestepped up to the plate because they have been translating signs, menus,packaging and labels for some time, despite the fact that our neighbour tothe south is not officially bilingual.

In this context, the new Spanish-English Dictionary of Law and Business isa timely purchase for students and speakers of Spanish. Authored by ThomasL. West III, a past president of the American Translators Association, this 2ndedition contains terminology from 20 Spanish-speaking countries, includingPuerto Rico and the Dominican Republic. It features the latest legal and finan-cial terms in Spanish and offers explanations for many of them, examples ofusage, area of law, countries where the term is used, and citations from lawsand regulations.

I hope the following small sample of entries from p. 232 gives you an ideaof the scope of this book. I compared my randomly chosen entries with the equi-valent entries in my 2,137-page Collins Spanish Dictionary (Fifth edition, 2004):

West III: Egresado (Mex) [EDU] a student who has completed courseworkbut has not completed final requirements for a degree (DEF). A degreeholder is called a titulado or licenciado.

Collins Egresado(a) (LAm) (=licenciado): graduate (BMc: More expla-nations are needed.)

West III: Egreso de caja – cash disbursement (SYN) egreso de fundos, sa-lida de fondos.

Collins: No entry for egreso de caja. Only one entry for egreso: de-parture, exit, (Univ) graduation;(Fin) outgoings, expenditure. (BMc:Outgoings is a British term.)

West III: Eje vial (Mex) main thoroughfare, main traffic artery.Collins (Méx) (Aut) urban motorway (BMc: Motorway is a British term.)West III: Ejecución (1) enforcement (of a court order) “se ha despachado

ejecución – enforcement has been ordered” (2) performance of a contract(DEF). This is a false cognate because “execution” of a contract in Englishmeans “signing” it whereas “ejecución” means “performing” it.

Collins: ejecución 1. Execution; ejecución sumaria – summary execution;2. carrying out, execution, fulfilment, fulfillment; poner en – to carry out; 3.(Mús) performance; 4. (Jur) attachment.

(BMc: There is no mention of “performance of a contract” in the Collinsentry. However, on the English-to-French side, ejecución is given as one of thetranslations for performance.)

This analysis, although brief, indicates that a general-purpose Spanish dic-tionary is not sufficient to do professional translations in the legal and busi-ness fields. It is important to have specialized dictionaries adapted to NorthAmerican English that take into account the Spanish spoken in different coun-tries. I therefore strongly recommend the Spanish-English Dictionary of Lawand Business, whose only drawback is that it is Spanish to English only. It isto be hoped that a future edition will include an English-to-Spanish index. Thebook can be purchased at: https://www.createspace.com/3914724.

Barbara McClintock, C. Tr.

Growing demandfor Spanish

C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R S O L A N G E L A P I E R R ESolange Lapierre et Barbara McClintock, C. Tr.

� N o u v e a u t é s l i v r e s

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rigoureuse et systématique, une vi-sion simple et réaliste du domainemédical et la pratique de la traduc-tion médicale en situation.

DE VILLERS, Marie-Éva, LeMulticonjugueur, Québec Amérique,2012, ISBN 978-2-7644-1129-2

Ouvrage de référence pour trou-ver rapidement réponse aux diffi-cultés de conjugaison courantes.Sous forme de tableaux clairs etconcis, l’outil présente les règles dela conjugaison et de l’accord desverbes. Un répertoire de près de5 000 verbes — incluant de nom-breux québécismes — renvoie à l’undes 107 modèles. Plus un accès enligne au répertoire ainsi qu’à desexercices.

Le Grand Druide des cooccur-rences, Druide informatique, 2012,1448 p., ISBN 978-2-89711-000-0

Extrait du bien connu logicield’aide à la rédaction Antidote, cedictionnaire novateur répertorie lesassociations de mots les plus signi-ficatives. Avec 10 000 entrées et plus

de 450 000 cooccurrences, il s’agitdu plus grand dictionnaire du genrejamais publié. L’ouvrage a établi unclassement par force statistique, cequi fait ressortir les combinaisonsles plus fréquentes.

École du Barreau du Québec,Lexique français et anglais de pro-cédure civile, Collection des habile-tés 2012-2013, éd. Yvon Blais, 2012,72 p., ISBN 978-2-89563-072-2

Ce lexique est essentiel à toutavocat qui exerce au Québec, puis-qu’il propose notamment la traduc-tion française et anglaise des prin-cipaux mots, expressions, titres,adresses, allégations et conclusionsutilisés dans la rédaction des actesde procédure.

SENÉCAL, François, L’écrit électro-nique, éd. Yvon Blais, 2012, 202 p.,ISBN 978-2-89635-666-9

À des fins de preuve ou de vali-dité de l’acte, l’écrit remplit desfonctions dont les interrelations etl’efficacité sont compromises par lechangement de support. L’ouvrage

décrit le traitement de l’écrit élec-tronique dans différents textes in-ternationaux et nationaux, puis pro-pose une analyse précise desdispositions québécoises relatives àla preuve de l’écrit électronique.

Allemand

Dictionnaire pratique allemand,français-allemand, allemand-français,nouv. éd., Harrap’s, Paris, 2012,1105 p.,ISBN 9782818701966

Le vocabulaire essentiel à la pra-tique de l’allemand en 75 000 motset 90 000 traductions, avec des va-riantes régionales, des expressionset des termes spécialisés. Des en-cadrés sur la culture et la civilisationgermanophones apportent un com-plément d’information. En supplé-ment, un guide de correspondanceet une grammaire.

Langue française

BLAMPAIN, Daniel et JosephHANSE, Dictionnaire des difficultésdu français, éd. De Boeck Duculot,6e éd., 2012, 736 p., ISBN-978-2-8011-1-369-1

Nouvelle édition de cet ouvrage deréférence clair, vivant et pédagogique,à la fois dictionnaire et grammaire,qui présente par ordre alphabé-tique chaque difficulté de pronon-ciation, d’orthographe, de vocabu-laire ou de syntaxe. Pour tous ceuxqui se posent des questions sur lalangue française, francophones etnon francophones.

CORVEZ, Pol, Le nouveau dic-tionnaire des mots nés de la mer,Éd. Glénat, 2010, 720 p., ISBN 978-2-7234-7646-1

Pour découvrir l’importance dela mer et des fleuves, des activitésqui leur sont liées et de l’imaginairequi s’en inspire dans la formation dufrançais courant. Pour chaque termesélectionné  : étymologie, expres-sions, précision sur le sens mari-time, commentaire sur le sens dérivé. Exemple  : «  Le verbe towinch, “hisser à l’aide d’un winch’’,apparaît en anglais en 1539. »

DEGRYSE, Christophe, Dictionnairede l’Union européenne, éd. Larcier, 4e éd., 1152 p., ISBN 2804441512

Le dictionnaire contient plus de1 000 mots associés à quelque 630définitions, reliées par thèmes et quirenvoient à plus de 1 600 référenceslégislatives ou réglementaires.L’ouvrage dissèque la terminologie,fournit des explications claires surles traités, le fonctionnement desinstitutions, mais aussi les poli-tiques, les domaines de compé-tences, les programmes d’action.

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Le Petit Robert de la languefrançaise 2013, Dictionnaires LeRobert, 2880 p., ISBN (papier) 978-2-321-00042-6, ISBN (CD-ROM)978-2-321-00134-8

Avec 60 000 mots,�300 000 senset�35 000 citations, c’est le plusriche et le plus complet des diction-naires de langue française en unseul volume. Plus : un accès à la ver-sion en ligne offert pendant 1 an. Auchoix  : Le Petit Robert CD-Rom PCprésente l’intégralité de l’éditionimprimée dans une version numé-rique à l’interface conviviale.

Le Petit Robert des nomspropres 2013, Dictionnaires LeRobert, 2700 p., ISBN (papier) 978-2-321-00041-9, ISBN (CD-ROM)978-2-321-00134-8

Tous les domaines du savoir(histoire, géographie, politique, lit-térature, philosophie…) réunis en unseul volume. Nouveauté : inclutl’abonnement à la version en lignependant 4 ans: mises à jour men-suelles, chronologie interactive,banque d’images, notices d’œuvres,etc.

English language

L’argot anglais, Assimil, 2012,ISBN 9782700504811

Introduction au slang à traversdes expressions argotiques cou-rantes mises en contexte et classéespar thème.

MUNDAY, Jeremy, IntroducingTranslation Studies, Theories andApplications, 3rd ed., 2012, 366 p.,Routledge, ISBN 978-0-415-58489-0

This is the definitive guide to thetheories and concepts that make upthe dynamic field of translation stu-dies. Providing an accessible andfully up-to-date overview of move-ments and theorists, this textbookhas become a key source for gener-ations of translation students.

FAYOL, Michel, ALAMARGOT,Denis and Virginia, BERNINGER eds.,Translation of Thought to WrittenText While Composing : AdvancingTheory, Knowledge, ResearchMethods, Tools, and Applications,2012, 408 p., Psychology Press,eBook : 978-0-203-14143-4,Hardback : 978-1-84872-920-9

Translation of cognitive repre-sentations into written language isone of the most important pro-cesses in writing. This volume pro-vides a long-awaited updated over-view of the field. The contributorsdiscuss each of the commonly usedresearch methods for studyingtranslation.

Sciences

BARRET, Jean-Pierre, Zootechniegénérale, 3e éd., Paris, Tec Doc,Lavoisier, 2011, 318 p., ISBN9782743014018

Ce manuel aborde l’ensembledes grands problèmes posés parl’élevage des animaux domestiquesen six chapitres  : environnementdes animaux, maintien de l’état sa-nitaire, alimentation, reproduction,adaptation génétique des cheptels,et croissance et développement desanimaux d’élevage. Illustrationsabondantes.

FORÊT, Romaric, Dico de Bio, DeBoeck, 1104 p., 3e éd., 2012, ISBN2804171450

Cette troisième édition a été ré-visée et augmentée de 2400 défini-tions, ce qui porte le total à 11 000.Ces définitions comblent quelqueslacunes dans le vocabulaire des-criptif des Invertébrés et desVégétaux. Une quarantaine de ta-bleaux ont été ajoutés. De plus, lestraductions, les étymologies et lesexemples ont été complétés.

En lignewww.btb.gc.ca/btb.php?lang=f

ra&cont=437Le Lexique de la terminologie

du G8 et du G20, Bulletin de termi-nologie 283

Préparé par la Direction de lanormalisation terminologique encollaboration avec le ministère desAffaires étrangères et européennesde France, le Lexique compte prèsde 700 entrées français-anglais  :finance, économie, commerce et sé-curité. En plus des termes et équi-valents, il présente aussi notes, pré-cisions et distinctions concernantleur sens ou leur emploi.

www.cbc.ca/babelBabel: A CBC radio show and

podcasts on language and transla-tion

Creative new words are poppingup daily on the Internet, in board-rooms and in classrooms. A recentstudy by Harvard University andGoogle shows that English has beenexpanding by 8,500 words per year,

and now stands at more than one mil-lion words. But with so many wordsentering the English lexicon, are weactually using them? Babel exploreswhether we appreciate the value ofwords, and whether it matters.

http://passouline.blog.le-monde.fr/2012/06/21/robert-est-borderline/

Où l’on apprend, pour notre édi-fication, l’arrivée dans Le PetitRobert des noms propres, deMessieurs Andréi Makine et DanyLaferrière, notamment bien sûr,ainsi que, du côté des noms com-muns, de « belgitude », « panna-cotta », et « borderline », mais ausside «  bobettes  » et « compétition-ner »… Si on se demande pourquoiles uns et pas les autres, cela faitpartie du jeu.

www.lepetitrobert.fr/content/les-neologismes-les-sens-nouveaux-une-langue-qui-bouge

Nouveautés 2013. Le meilleurexemple est sans doute le vocabu-laire nucléaire, par suite deFukushima (…)  : cogénération, co-rium, accident de criticité, parc éolien, ferme éolienne, houlomo-teur, hydrolien, liquidateur, mox ouMOX, nuage radioactif, radiotoxi-cité, radiotoxique, scaphandreMururoa, gaz de schiste, arrêt detranche.

http://twitter.com/Magistrad_Plus

Par François Lavallée, présidentde Magistrad : « Petits trucs pourtraducteurs débutants ou chevron-nés, au fil de mes révisions et cor-rections. » Un exemple : « Selon leJuridictionnaire, une voiture peutêtre “impliquée” dans un accident.Tant mieux, car les solutions de re-change font souvent dur. »

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Depuis plusieurs années, desscénarios de plus en plus pes-

simistes quant à l’avenir de notrebelle planète font surface. Alorsque des actions concrètes se fontencore attendre, une vague demots nouveaux envahit rapidementle vocabulaire collectif.

Bien qu’il soit maintenant com-mun et surtout profitable d’afficherouvertement sa conscience écolo-gique, d’un point de vue terminolo-gique, n’est pas « vert » qui veut.Les banques de données de l’Officequébécois de la langue française etde FranceTerme, tout comme lesdernières éditions du Petit Robert etdu Larousse, incluent un nombregrandissant de termes reliés à l’en-vironnement. Les néologismes com-posés des adjectifs « responsable »,« durable », « vert » et « écologique »représentent une part significativede ce nouveau vocabulaire, mais ap-portent bien souvent plus de confu-sion que de clarté.

Du général au spécifique

L’adjectif «  vert  » n’est plus seulement synonyme d’écologie. Ildésigne désormais tout ce qui estlié, de près ou de loin, à l’environ-nement. Au cours des dernières années, son utilisation abusive, particulièrement à des fins com-merciales, en a peu à peu dénaturéle sens. Il suffit de penser auconcept d’« économie verte », dontla définition et les limites assezfloues varient considérablementselon les situations et les sourcesconsultées. Dans un domaine aussivaste, la précision est indispen-sable. Le choix des termes, et dansle cas présent, des adjectifs, estdonc vital.

Vous avez dit durable ?Dans la documentation, les

adjectifs « durable » et « res-ponsable » sont unis au conceptde « développement durable ». Ceconcept renvoie à une planification àlong terme qui vise la satisfactiondes besoins présents et de ceux desgénérations futures en prônant unéquilibre entre les dimensions envi-ronnementales, sociales et écono-miques. Bien qu’ils soient souventconfondus, les adjectifs ne sont pasinterchangeables.

Selon nos sources, l’adjectif « du-rable » est utilisé pour qualifier unepratique, un procédé ou encore unbien qui répond à la philosophie dedéveloppement durable, tandis que « responsable » est employé pour ca-ractériser une personne, un compor-tement ou encore une attitude.

Bien qu’il figure dans plusieursouvrages, l’adjectif «  soutenable  »employé comme synonyme de du-rable n’est pas recommandé puis-qu’en français, il ne présente pasl’idée d’une constance dans le temps.

Éco… logique.

Lorsque les aspects écono-miques et sociaux sont mis de côtéet que l’on ne veut que soulignerl’effet restreint ou inexistant d’unélément sur l’environnement, c’estl’adjectif «  écologique  » qui doitêtre utilisé. Le préfixe éco-, qui entredans la formation d’un nombrecroissant de néologismes, véhiculele même sens, soit celui d’« écolo-gie », et désigne les moyens utiliséspour protéger la nature contre l’activité humaine nocive pour l’en-vironnement. Remarquons que lesdeux formes sont présentées commedes variantes synonymiques, tant

dans lesbases de don-nées que dans les ouvragesde référence.

Bien que, selon les sourcesconsultées, on observe des dispari-tés quant à la graphie, les mots for-més avec le préfixe éco- doivents’écrire en un seul mot et n’être sé-parés par un trait d’union que si lepréfixe est joint à un mot débutantpar les voyelles i ou u.

De la précision pour faciliter lacommunication

Le vocabulaire évolue au mêmerythme que notre société. Face àl’engouement que suscite le débatsur l’avenir de la Terre, l’adoptiond’une terminologie précise et ho-mogène est indispensable. Ainsi, ladéfinition d’un cadre fixe pour l’em-ploi de chaque adjectif facilite le tra-vail du langagier et favorise, par lefait même, la communication et lacompréhension. Chaque nouveaumot est donc un pas dans la bonnedirection.

Sources : Luce Bédard

COMMISSION GÉNÉRALE DE TERMINOLOGIE ET DE

NÉOLOGIE. FranceTerme [en ligne], France,Délégation générale à la langue française et auxlangues.http://franceterme.culture.fr/FranceTerme/index.html

OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE .Grand dictionnaire terminologique [en ligne],Québec, Gouvernement du Québec.www.granddictionnaire.com

OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE.Banque de dépannage linguistique  : Éco- [enligne], Québec, Gouvernement du Québec.http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp ?t1=1&id=3748

D E S M O T S

p c a i g n o n @ a l c o r . c o n c o r d i a . c a

C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R P H I L I P P E C A I G N O N

Luce Bédard est traductrice indépendante.

Le monde passe au vert… et le français?Pistes pour verdir votre vocabulaire

www.iso.org/iso/fr/search.htm?qt=TS%2011669&sort=rel&type=simple&published=true

La Spécification techniqueISO/TS 11669 Projets de traduction— Lignes directrices générales,sur le site Web de l’ISO : LaSpécification fournit des lignes di-rectrices relatives aux bonnes pra-tiques pour toutes les phases d’unprojet de traduction. Elle repose surles normes adoptées au Canada, enChine, en Europe et aux Etats-Unis.

http://multi-languages.com/materials/everything_you_ever_wanted_to_know_about_transla-tion_melby_bendana.pdf

Almost Everything You EverWanted To Know About Translation :par Lola Bendana, directrice du cabinet de traduction Multi-Languages Corporation, Toronto, etAlan Melby, professeur de linguis-tique, Brigham Young University,Provo, Etats-Unis.

www.sllf.qmul.ac.uk/english-languageteaching/

English Language Teaching:Linguistic Resources : The materialshave been designed for teachers,but they may be useful for anyoneinvolved in teaching spoken English.Includes a databank of spokenLondon English and summaries ofacademic research relevant to spo-ken English.

www.youtube.com/watch?v=EVOaSDf9bwU

“Virtual Words” : A five-part in-terview of Jonathon Keats, the au-thor of Virtual Words: Language onthe Edge of Science and Technologyand of Wired Magazine’s monthly“Jargon Watch” column. Keats dis-cusses the interplay between wordsand ideas.

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D E S R E V U E S C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R É R I C P O I R I E R

Traduire vite en toute créativité

L e magazine The Linguist vol. 51no 4 fait la part belle à la tra-

duction créative avec trois articlescouvrant des spécialités qui re-quièrent notamment un espritcréatif aiguisé, soit la traductionaudiovisuelle, la localisation dejeux vidéo et la traduction publici-taire. Outre ce segment, JeremyMunday présente une collectionde mots « chatouilleux » qui, pourdiverses raisons, peuvent se révé-ler sinon «  explosifs  », du moins«  conflictuels  » sans de nom-breuses et minutieuses précau-tions avant la traduction. L. T.

Deux ajouts à la section Jeuneschercheurs de l’Association cana-dienne de traductologie, mise à jourdu 03-07-2012: www.act-cats.ca/Francais/JeunesChercheurs/Articles.htm

Alexandra Hillinger, avec son ar-ticle intitulé «  Pourquoi retraduireChamplain en 2010 ? », attire l’at-tention sur une nouvelle traductionvers l’anglais du texte de Champlainintitulé « Des Sauvages ». Selon l’au-teure, « Cet article met en lumière,d’une part, le contexte qui a mené àune nouvelle traduction de “DesSauvages”, à savoir le 400e anniver-saire de la fondation de Québec et,d’autre part, les manquements de latroisième traduction. »

Cette mise à jour comprendégalement un article de Carine D. St-Pierre, «  Confidences d’unenouvelle traductrice profession-nelle », recueil de réflexions sur« la pertinence d’un enseignementthéorique en traduction…  » Unedes recommandations de l’auteureest particulièrement stimulante :« Permettre aux étudiants deconceptualiser avec précision les

étapes de leur processus de tra-duction et ainsi les préparer da-vantage à la traduction sur le mar-ché du travail. » B. P.

Traduire la tournurediplomatiqueDans l’ATA Chronicle de septembre2012, Joseph P. Mazza définit la tra-duction diplomatique qui s’exercedepuis plus de 200 ans au sein del’Office des services linguistiques duDépartement d’État des États-Unis.L’auteur offre en guise d’échantillonsquelques tournures qui conviennentà différentes occasions, une de soncru nous dit-il, et d’autres maîtriséesà force d’expérience. Dans le mêmenuméro, David C. Rumsey parle dedeux normes de l’ISO qui ont trait à latraduction  : ISO/TS  11669: 2012Projets de traduction — Lignes direc-trices générales et ISO/CD 17100Services de traduction — Exigencesrelatives aux services de traduc-tion, celle-ci étant encore à l’étapede projet. Sarah Alys Lindholm faitune incursion dans le monde animéde la traduction des séries télévisées.Enfin, Uwe Muegge communique« sans bruit ni silence » dix chosesà savoir pour apprécier la valeurajoutée de l’extraction automatiquede termes. Dans le numéro d’oc-tobre 2012, Jennifer De La Cruz meten parallèle les professionnels de lalangue et les athlètes qui ont parti-cipé aux Jeux olympiques deLondres et fait ressortir les leçonsque les langagiers chevronnés pour-raient tirer du travail des jeunesolympiens. L. T.

Traduire au-delà de la répliqueLa revue Palimpsestes no 23 (2010)offre deux articles d’intérêt pour

qui s’emploie à traduire l’oralité authéâtre, au cinéma ou à la télévision.Dans le premier article, Marie NadiaKarsky étudie les procédés stylis-tiques qu’ont privilégiés trois tra-ducteurs pour transposer en fran-çais la violence exprimée en prose eten vers dans la tragédie King Lear,de William Shakespeare. Dans le se-cond article, Frédérique Brisset com-pare quatre versions originales etdoublées de films signés WoodyAllen en centrant son analyse surI mean, you know et well, trois char-nières de discours qui jouent un rôlede premier plan dans les dialoguesqu’elle présente pour illustrer sonpropos. L. T.

Nouvelle technologieCommençons par la fin : le numéro 5de Languages and Translation,septembre 2012, (http://ec.europa.eu/dgs/translation/publications/magazines/languagestranslation/documents/issue_05_en.pdf) se terminepar la citation suivante: «Becauselanguage is the carrier of ideas, it iseasy to believe that it should be verylittle else than such a carrier.» (LouiseBogan, 1897–1970, American poet,critic). En effet, quoi de plus naturelpour les différentes instances de laCommunauté européenne (23 languesofficielles) que de s’interroger sur lanature du langage?

L’article de Cristina De Preter inti-tulé « Multilingualism, Communicationand Machine translation  » intéres-sera particulièrement les amateursde technologie langagière, l’ac-cent étant mis sur un outilnommé Moses. Le site web del’application (www.statmt.org/moses/) précise qu’il s’agit d’unsystème de traduction automa-tique statistique qui permet àl’utilisateur de créer des modèles

de traduction pour la paire delangues qu’il désire.

Ce numéro comprend égalementun article éclairant sur l’apprentis-sage des langues en Belgique, demême qu’un article sur l’apprentis-sage des langues en ligne. B. P.

Encore descollocationsLe récent numéro spécial deJoSTrans (The Journal of SpecialisedTranslation), juillet 2012, no 18,consacré à la terminologie, à laphraséologie et à la traduction(www.jostrans.org/issue18/issue18_toc.php), propose un article intitulé«  Étude lexicographique et discur-sive des collocations en vue de leurintégration dans une base de don-nées terminologiques  ». Dans lesmots de l’auteur : « L’article pré-sente une étude discursive des col-locations, dont la visée est d’amé-liorer le traitement lexicographiquede ce type d’unités linguistiquesdans une base de données termino-logiques en ligne, appelée baseARTES (Aide à la Rédaction deTExtes Scientifiques). Cette basesert à la création de ressources lexi-cales destinées aux traducteurs spé-cialisés et aux scientifiques souhai-tant rédiger une communication enlangue seconde. »

Dans le même numéro, JanCambridge recense Interpreting inthe Community and Workplace,A Practical Teaching Guide (2011), deMette Rudvin et Elena Tomassini,ouvrage qui plaira sans doute auxinterprètes qui songent à trans-mettre leur savoir. B. P.

Louise ThériaultBenoit Paré

Créativité, théorie, languediplomatique et collocations

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L ’organisation est certainementune composante essentielle de

notre domaine. Sans elle, le chaoss’installe confortablement, piedscroisés sur le coin du bureau, et cen’est qu’une question de tempsavant que la clientèle en souffre.

Heureusement, nous disposonsmaintenant de différentes solutionsde gestion de projets linguistiquesqui présentent de nombreux avan-tages comparativement au tableaud’affichage traditionnel. Le bienfait leplus évident  : moins de risque demarcher sur des punaises ! Maiscertes, les solutions de gestion in-formatisées nous procurent d’autresavantages tout aussi réels, dont leplus important consiste en l’aug-mentation de la productivité en rai-son de la diminution du temps consa-cré à la gestion des demandes.

Afin de vous permettre de re-prendre la maîtrise de votre bureauet, peut-être, de vous tirer une épinedu pied, j’aimerais attirer votre at-tention sur une solution que j’utiliseet que je connais bien : l’applicationTransFlow de Logosoft Technologies.Ce qui distingue cette applicationdes autres solutions, c’est qu’elle aété conçue par un cabinet de tra-duction en fonction des besoins deses utilisateurs. Il s’agit là d’unavantage de taille lorsque vient letemps de choisir une solution adap-tée à la réalité avec laquelle nousdevons conjuguer chaque jour.

Trois voletsconfigurablesTransFlow est une application enligne qui comporte trois volets

configurables : celui de la ressource(le langagier), celui du gestionnairede projets et celui du client. À cha-cun son affichage ! Les permissionssont accordées à chacun selon sonrôle. Cette triple fonction est fortutile pour les cabinets ou les pi-gistes ayant plus d’un client et plusd’un collaborateur, puisqu’elle per-met de créer des rapports et desstatistiques sur les demandes, decontrôler en temps réel les chargesde travail et la disponibilité des res-sources et d’effectuer le suivi desprojets. De plus, ces trois volets par-tagent un module de facturation etun système de messagerie intégrés.

Le volet ressource représentel’interface du langagier. C’est là quele traducteur reçoit les demandes,peut en consulter les détails (dated’échéance, compte de mots, direc-tives particulières, courriels du client,de la personne-ressource, etc.), les accepter ou les refuser, téléchargerles fichiers à traduire ainsi que les documents de référence, puis indi-quer son pourcentage d’achèvementrégulièrement en cours de route.Puisque Logosoft assure la compati-bilité avec un autre de ses produits, l’outil TradooIT1, le traducteur peut

également bénéficier de tous les avantages de cette gamme d’outils enun seul clic. Enfin, une fois la traduc-tion terminée, il peut téléverser sontexte et y joindre les commentairespertinents et, le cas échéant, sa fac-ture grâce au système de messagerieintégré. Voilà, le texte est envoyé augestionnaire et archivé en guise de référence future.

Le volet gestion de projet est letableau de bord qui permet auxgestionnaires de projets, ou à toutepersonne ayant les droits d’accès re-quis, de passer en revue les tâcheset les demandes en cours, de voirquelles sont les ressources dispo-nibles et d’accéder aux différentsmodules (facturation, production derapports, configuration du système,rubrique d’aide, etc.), bref de guiderla demande à bon port. En effet, ils’agit du centre névralgique de l’ap-plication. Qui plus est, une fois pa-ramétré, TransFlow suggère de lui-même les ressources à utiliser danstel domaine, ou telle combinaisonde langue, option qui peut parfoiss’avérer fort utile.

Lorsqu’une demande a été traitéepar le module de gestion, attribuée àune ressource et que cette dernière a

terminé son travail, le documentretourne au module de gestion pourêtre ensuite acheminé au demandeur.

De son côté, le client peut accéderà son module pour y voir toutes lesdemandes qu’il a envoyées, qu’il a re-çues et qui sont en cours. Cette inter-face propose également un systèmede messagerie et permet diversesconfigurations pour plus de convivia-lité. De plus, puisqu’il s’agit d’une ap-plication Web, le traitement des re-quêtes est réalisé et mis à jour defaçon simultanée pour tous les utili-sateurs, du pigiste au client, en pas-sant par le gestionnaire de projets.

La réalité du langagier est ainsifaite qu’il doit constamment passerdu coq à l’âne, de la littérature à l’in-formatique, du concret aux conceptsabstraits, etc. Pour y parvenir avecaisance, voire y prendre goût, il doitfaire preuve de discipline et de per-sévérance, et se fier aux meilleursoutils disponibles pour organiserson travail. TransFlow se révèle unesolution fiable, dans l’éventualité oùl’on souhaiterait se départir de sontableau de liège !

François Michaud, trad. a.

1. TransFlow et TradooIT sont des produits deLogosoft Technologies Inc. www.logosoft.ca

D E S T E C H N I Q U E S C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R S T É P H A N G E R V A I S

Tableau de liège ou TransFlow?Tous les langagiers de ce monde ont une chose en commun : un tableau d’affichage ! Un tableau qui arbore beaucoup de liègelorsque les temps sont morts ou encore de nombreuses demandes, plus pressantes les unes que les autres, lorsque les affaires vont bon train.

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Né à Paris, fils d’un riche bour-geois tourangeau, Paul-Louis

Courier de Méré est élevé à Véretzet se passionne très tôt pour lesétudes grecques. Son père le des-tine à l’armée et l’envoie à l’écoled’artillerie de Châlons-sur-Marne(Châlons-en-Champagne), dont lejeune homme sort en 1793 avec legrade de lieutenant d’artillerie.Paul-Louis rejoint alors l’armée duRhin mais ressent un profondmépris pour la carrière militaire. En1798, il sera nommé commandantd’artillerie en Italie mais passeraplus de temps à la bibliothèquevaticane de Rome ou dans lesmusées que sur le terrain.

Il donne sa démission en 1809 etentame alors une existence parta-gée entre les soins de son domainede la Chavonnière, à Véretz, où ilsuccède à son père, et les travauxd’érudition (il épouse en 1814 la fillede l’helléniste Étienne Clavier, la-quelle n’a alors que 18 ans). Il se faitle champion du peuple et prend ladéfense des paysans tourangeauxdans une série de discours, de li-belles et de pamphlets contre lesnobles, les magistrats, les gen-darmes, la Cour, les jésuites, lesprêtres (dont il stigmatise le céli-bat). Ces écrits le conduiront à faireun séjour de deux mois en prison,au cours de l’année 1821. Sa fin esttragique : on le retrouve mort dansun bois, le 10 avril 1825, probable-ment assassiné, non pour des rai-sons politiques, mais sans doutepar des domestiques qui voulaient

se débarrasser d’un maître au ca-ractère difficile.

Daphnis et ChloéLa plus connue des traductions

de Courier est celle de Daphnis etChloé (Pastorales), le roman deLongus. Elle donna lieu à une po-lémique célèbre. À la fin de 1809,Courier découvrit à la bibliothèquelaurentienne de Florence un

manuscrit comblant une lacunequi déparait toutes les éditions ettraductions de Daphnis et Chloé.Cette découverte fut suivie de dé-bats très vifs car l’érudit français futaccusé par le bibliothécaire Furiad’avoir fait une tache d’encre sur leprécieux manuscrit. Quoi qu’il ensoit, Courier se trouva ainsi en me-sure de donner une traduction com-plète de l’œuvre de Longus.

En 1810, il procure, à l’intentionde quelques amis (le livre est tiré à60 exemplaires), une édition nou-velle des Pastorales, où on lit : « Leroman de Longus n’a encore parucomplet dans aucune langue. On aconservé ici de l’ancienne traductiond’Amyot tout ce qui est conforme autexte, et pour le reste on a suivi lemanuscrit grec […], qui contient l’ou-vrage entier.  » Courier fera suivrecette publication de trois autres édi-tions de Daphnis et Chloé en fran-çais, aux dates respectives de 1813,1821 et 1825. Le texte d’Amyot y estcomplété, revu et parfois corrigé  :cependant, chaque fois que la chosese peut, dans le détail du texte,Courier reste fidèle à la version del’écrivain du XVIe siècle. C’est donc,pour l’essentiel, dans le texted’Amyot qu’il fait connaître le romande Longus aux lecteurs du XIXe siècle.Cet attachement à la langue des hu-manistes sera salué par Goethe lui-même, qui verra là un des princi-paux mérites du travail de Courier.

Celui-ci possède également à sonactif des traductions de Xénophon(Du commandement de la cavalerie

et de l’équitation, qui paraît sansdate, probablement en 1812 ; laversion française est suivie du textegrec et de notes) ainsi que duroman Lucius et l’Âne (1818 ; letexte original est attribué selon lesuns à Lucien de Samosate, selonles autres à un certain Lucius dePatras), modèle de L’Âne d’ord’Apulée.

Foin de circonlocutionssans fin

Enfin, il faudrait s’arrêter pluslonguement sur la traductiond’Hérodote qu’avait entrepriseCourier au cours des dernières an-nées de son existence. Il avait si-gnalé ses intentions en ce sens dès1822, par un Prospectus d’une tra-duction nouvelle d’Hérodote, textequi exerça une influence majeuresur les pratiques traductives desécrivains romantiques. Dans la«  Préface  » de cet opuscule,Courier faisait état de son soucid’échapper à ce qu’il nommait les« circonlocutions sans fin » du fran-çais du XIXe siècle, langue raffinéeà l’excès par l’usage du beaumonde et qui ne permettait plus, àses yeux, de restituer le style d’unauteur grec  : «  […], on voit assezque penser traduire Hérodote dansnotre langue académique, languede cour, cérémonieuse, roide, ap-prêtée, pauvre d’ailleurs, mutiléepar le bel usage, c’est étrangements’abuser ; il y faut employer unediction naïve, franche, populaire et

Paul-Louis Courier, traducteur, bourgeois et homme du peupleAu début du XIXe siècle, Paul-Louis Courier (1772-1825) entretient en France laflamme des études grecques et de la connaissance de l’Antiquité : il a notammentréédité et complété la version de Longus (Daphnis et Chloé) procurée par JacquesAmyot et il a laissé le Prospectus d’une traduction nouvelle d’Hérodote, qui exerça uneinfluence majeure sur les pratiques traductives des érudits romantiques.

P A G E S D ’ H I S T O I R E C H R O N I Q U E D I R I G É E P A R P I E R R E C L O U T I E R

p i e r r e . c l o u t i e r @ v i d e o t r o n . c a

Michel Brix est maître de recherches au Centre Nerval de l’université de Namur en Belgique et auteur d’ouvrages sur la littérature française.

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riche, comme celle de La Fontaine.Ce n’est pas trop assurément detout notre français pour rendre legrec d’Hérodote, d’un auteur querien n’a gêné, qui, ne connaissant niton, ni fausses bienséances, dit sim-plement les choses, les nomme parleur nom, fait de son mieux pourqu’on l’entende, se reprenant, se ré-pétant de peur de n’être pas com-pris, et faute d’avoir su son rudi-ment par cœur, n’accorde pastoujours très bien le substantif etl’adjectif. […], un homme d’académieou prétendant l’être, ne se peutcharger de cette besogne. Hérodotene se traduit point dans l’idiome desdédicaces, des éloges, des compli-ments. »

Parler vrai dans lalangue du peuple

Selon Courier, seul l’état pré-classique de la langue française,qui survit encore dans le parler despaysans (il n’est pas indifférentque l’auteur se désigne lui-mêmecomme « vigneron » et dise de luidans la même « Préface » qu’il est

un «  homme séparé des hautesclasses, un homme du peuple, unpaysan sachant le grec et le fran-çais »), peut rendre les phrases d’unécrivain de la Grèce antique et repré-senter fidèlement le style d’Hérodote.Ainsi, la suite de cette «  Préface  »propose quelques fragments desHistoires traduits dans le vieux lan-gage français. La disparition tra-gique de l’écrivain, trois ans plus

tard, coupera court au projet, maisl’analyse livrée dans le Prospectusde 1822 ne restera pas sans écho etimposera l’idée que la langue utili-sée pour la version d’une œuvre an-cienne doit correspondre aux traitsde l’idiome original. C’est déjà la raison pour laquelle Courier, en1810, avait préféré rééditer la tra-duction en français pré-classiquede Daphnis et Chloé composée parAmyot plutôt que d’en composerune nouvelle.

Ce parti pris ne resta pas isolé etl’on s’appliqua, au XIXe siècle, à don-ner une diffusion nouvelle aux tra-ductions des auteurs de l’Antiquitégrecque laissées par les humanistesde la Renaissance (ainsi la traduc-tion d’Hérodote par Pierre Saliat, pu-bliée à Paris en 1556, fut réimpriméeen 1864 par les soins d’EugèneTalbot). De même Émile Littré, pro-posant en 1847 la version dequelques fragments homériques,choisit pour ce faire le français duXIIIe siècle et se justifia en arguantde la «  conformité générale entrel’âge héroïque des Grecs et l’âgehéroïque des temps modernes  »,

laquelle conformité impliquait que«  Homère ne [pouvait] être traduitque dans la vieille langue de nos ro-mans de chevalerie ».

On peut certes critiquer aujour-d’hui l’hypothèse que le critère de fi-délité d’une traduction réside dansle choix d’un certain état de langue,mais on voit bien les enjeux dudébat initié par Courier. Aux XVIIe etXVIIIe siècles, les traducteurs nesemblaient reconnaître, dans toutesles œuvres grecques, qu’une seuleet même langue, et ne tenaientaucun compte des différences liéesaux dialectes et aux époques, ouaux formes successives du grec. Àl’époque romantique, en revanche,on entend bien rendre compte del’historicité des auteurs traduits.

Michel Brix

Références:

VIEILLEFOND, Jean-René, « Pour l’amour du grec…Xénophon, Longus, Lucien et autres auteursgrecs dans l’œuvre de Paul-Louis Courier  »,Cahiers Paul-Louis Courier, t. II, nos 7 et 8.

VIEILLEFOND, Jean-René, « Préface », in Longus,Pastorales (Daphnis et Chloé), Paris, Les BellesLettres, 1987.

UN PRPR c’est un

Un pro, c’est un langagier dont les compétences sont reconnues et vérifiées par l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec.

W W W.O T T I A Q.O R G

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