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Le médecin général Gustave Ginestet (1897-1966) Vie et oeuvre d'un pionnier de la chirurgie maxillo-faciale esthétique et réparatrice * par Eric BRUE et Eric SALF ** Pour ceux qui ne l'ont pas connu, cet occitan de taille modeste, le front haut, le visa- ge ouvert, les traits fins et réguliers, les oreilles plaquées, des yeux clairs, malicieux qui vous regardaient derrière des verres à peine bleutés s'exprimant d'une voix grommelan- te, souvent incompréhensible et inimitable, mordant les mots, avait des colères de méri- dional, passionnées et brèves comme nos orages, un sens pratique, des mains intelli- gentes, le tout au service de son métier d'opérateur, plus écrivain qu'orateur-né, un patron d'avant 1968, tel fut en public Gustave Ginestet. D'une famille de propriétaires terriens-exploitants et de notables locaux du pays de Valence d'Agen, le gascon (Jean) Gustave, Bertrand Ginestet naquit le 29 juin 1897 à Clermont-Dessus (commune de Puymirol), sept ans après son aîné (Jean), Félix, Raymond, qui, médecin militaire, orientera sa carrière. Orphelin de sa mère à deux ans, élevé par une tante, il fit ses études secondaires chez les Jésuites de Montauban, y acquérant cette rigueur du français pétri de grec et de latin, que ses publications nous conservent. Son frère, externe des Hôpitaux de Paris en 1910, médecin auxiliaire en 1913, plon- gea dans la Grande Guerre tandis que Gustave, baccalauréat en poche, préparait en 1915 et réussissait en 1916 le PCN. Gustave Ginestet s'engagea le 2 août 1916, devançant l'appel, son PCN lui permet- tant de rejoindre le Service de Santé, tandis que l'aîné était blessé deux fois à Verdun. Incorporé à la 18e section d'infirmiers militaires, matricule 155, comme 2e classe, il reçut en un an une formation pratique de médecin à l'Hôpital complémentaire de Bordeaux après ses classes. Muni du "caducée", galon d'argent à filet central rouge, le 16 mai 1917, affecté pour perfectionnement à l'Hôpital d'Origine d'Etape (HOE) * Comité de lecture du 30 avril 1994 de la Société française d'Histoire de la Médecine. ** 32 rue Maréchal Joffre - 78000 Versailles. HISTOIRE DES SCIENCES MÉDICALES - TOME XXIX - №4 - 1995 307

Le médecin général Gustave Ginestet (1897-1966)

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Le médecin général Gustave Ginestet (1897-1966)

Vie et œuvre d'un pionnier de la chirurgie maxillo-faciale esthétique et réparatrice *

par Eric BRUE et Eric SALF **

Pour ceux qui ne l 'on t pas connu, cet occitan de taille modes te , le front haut, le visa­ge ouvert , les traits fins et régul iers , les oreilles p laquées , des yeux clairs, mal ic ieux qui

vous regardaient derr ière des verres à peine bleutés s ' expr imant d ' u n e voix g rommelan­

te, souvent incompréhens ib le et inimitable , mordan t les mots , avait des colères de méri ­

dional , pass ionnées et brèves c o m m e nos orages , un sens prat ique, des mains intelli­

gentes , le tout au service de son mét ie r d 'opé ra teu r , plus écr ivain q u ' o r a t e u r - n é , un

patron d ' avan t 1968, tel fut en public Gus tave Ginestet .

D ' u n e famille de propriétaires terr iens-exploi tants et de notables locaux du pays de

Valence d ' A g e n , le gascon (Jean) Gustave, Ber t rand Ginestet naquit le 29 ju in 1897 à

C l e r m o n t - D e s s u s ( c o m m u n e de P u y m i r o l ) , sep t ans ap rè s son a îné ( J e a n ) , Félix,

Raymond , qui , médec in mili taire, orientera sa carrière. Orphel in de sa mère à deux ans,

é levé par une tante , il fit ses é tudes seconda i res chez les Jésu i tes de M o n t a u b a n , y

acquérant cette r igueur du français pétri de grec et de latin, que ses publ icat ions nous

conservent .

Son frère, externe des Hôpi taux de Paris en 1910, médec in auxil iaire en 1913, plon­

gea dans la G r a n d e Guer re tandis que Gus tave , bacca lauréa t en poche , prépara i t en

1915 et réussissait en 1916 le P C N .

Gus tave Ginestet s ' engagea le 2 août 1916, devançant l ' appel , son P C N lui permet­

tant de rejoindre le Service de Santé, tandis que l ' a îné était blessé deux fois à Verdun.

Incorporé à la 18e section d ' inf i rmiers mili taires, matr icule 155, c o m m e 2e classe, il

reçu t en un an une fo rmat ion p r a t i q u e de m é d e c i n à l ' H ô p i t a l c o m p l é m e n t a i r e de Bordeaux après ses classes. Mun i du "caducée" , galon d 'a rgent à filet central rouge , le

16 m a i 1917 , affecté p o u r p e r f e c t i o n n e m e n t à l ' H ô p i t a l d ' O r i g i n e d ' E t a p e ( H O E )

* Comité de lecture du 30 avril 1994 de la Société française d'Histoire de la Médecine.

** 32 rue Maréchal Joffre - 78000 Versailles.

HISTOIRE DES SCIENCES MÉDICALES - TOME XXIX - № 4 - 1995 307

Prouil ly, le 22 mai 1917, muté dans l ' ambulance médica le 7/10 du X e Corps d ' a rmée pour deux mois le 2 jui l let suivant, le médec in auxil iaire Gus tave Ginestet prit ses fonc­tions de médec in de poste de secours du 2e batai l lon du 5e Rég imen t d ' Infanter ie terri­

toriale, le 5 septembre 1917, arborant au col de sa tenue bleue hor izon notre caducée doré sur velours amarante , sous la protect ion du brassard à Cro ix-Rouge et du casque

Adrian.

L e 1er ma r s 1918 , près de R e i m s , Gus t ave Gines te t , en so ignant ses terr i tor iaux gazés , fut blessé aux yeux par l 'yper i te et cité à l 'o rdre du régiment . Cette marque de courage lui vaut d 'ê t re affecté en première l igne, au 297e Rég imen t d ' Infanter ie , le 19 avril 1918. Il connaî t là l 'enfer de la guerre dans son poste de secours , dans cette unité toujours engagée depuis 1914 qui comptai t au moins 3 000 morts depuis cette date et compte ra plus de 1 500 morts en quatre mois . Le 9 octobre 1918, Ginestet était affecté au 75e Rég iment d ' Infanter ie , qui devait être de l 'offensive Foch sur la Sarre , mais que s a u v a l ' a b d i c a t i o n de G u i l l a u m e II . Qu i t t an t son un i t é le 1er aoû t 1919 , G u s t a v e Ginestet fut décoré de la Croix de guerre , reçut la Médai l le interalliée de la Victoire , la Croix des services mili taires volontaires , la Médai l le des blessés et la Croix du combat ­tant. Il entra dans notre Ecole du Service de Santé Militaire de la rue Berthelot à Lyon le 27 novembre 1919 après avoir réussi le concours d 'en t rée , contractant un engage­m e n t spéc ia l de hu i t a n s , don t t ro i s déjà a c c o m p l i s c o m m e v o l o n t a i r e . D é t a c h é à Toulouse avec le grade de médec in sous-aide major il devient médec in aide major de 2e, puis de I re c lasse le 31 décembre 1921 , pour cinq ans . Exte rne des Hôpi taux de Toulouse en 1920, il prat iqua la boxe , sport auquel il ne cessa de s ' intéresser. Docteur en trois ans de guerre et trois ans d ' é tudes , le 24 décembre 1922, sa thèse traitait des " l ipomes sous aponévrot iques du b r a s " et de leur t rai tement chirurgical , un sujet p ropo­sé par le Pr Léon Berard de Lyon. Cependant , devant travailler un an supplémentai re à l 'Hôpi ta l mili taire de Toulouse , il y apprit l 'ar t dentaire et reçut le titre de chirurgien dentiste en 1923, une de ses fiertés, d ' ê t re de la profession amie qu ' i l défendra toujours.

Du 1er novembre 1923 au 5 août 1924, le médec in aide major de I re classe Ginestet reçut à Par is l ' ense ignemen t or ienté vers la médec ine en mil ieu mil i taire de l 'Eco le d 'appl ica t ion du Service de Santé Mili taire, à l ' ombre du d ô m e du Val-de-Grâce .

A sa sortie d 'Eco le , le j eune médec in l ieutenant Ginestet , 27 ans , se fit r e c o m m a n d e r auprès du Haut Commissa i re en Syrie , le général M a x i m e W e y g a n d , par le minis t re de la Guer re , pour rejoindre à Beyrouth son frère Félix, patron de l ' insti tut dentaire local. Gustave Ginestet fut affecté à l ' a rmée d 'Or ien t , à la Ire compagn ie de méhar is tes , en octobre 1924. En cette pér iode de ca lme, Ginestet apportait , à dos de dromadai re , une assistance médica le aux bédouins , s ' instal lant sous leur tente, opérant , vaccinant contre la variole , par tageant son t emps entre la magie du désert et de Pa lmyre , et la convivial i ­té de camarades officiers ou d ' a r chéo logues c o m m e Alber t Gabr ie l , une vie l ibre et dangereuse de méhar is tes , qui ne dura que sept mois , mais le marqua profondément , sa vie durant.

G u s t a v e G i n e s t e t r e jo ign i t son frère Fé l ix à l ' I n s t i t u t d e n t a i r e de l ' H ô p i t a l de Beyrouth le 1er ju in 1925 mais l ' ex tens ion de la révolte du Djebel Druze le conduit à être affecté c o m m e médec in d ' a m b u l a n c e aux portes de D a m a s où il est cité à l 'o rdre de la br igade , et reçoit la Croix de guerre des T O E pour son courage et son efficacité médica le au feu. Médec in major de 2e classe (capitaine) le 26 ju in 1926, il est affecté à

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l 'Hôpi ta l Henri de Verbizier , de D a m a s , c o m m e aide-chirurgien d ' u n service de chirur­

gie générale .

Dès 1926, Gus tave Ginestet y créait un service indépendant de s tomatologie , le pre­m i e r du g e n r e en S y r i e , c e qu i l ' a m e n a à i n t r o d u i r e la spéc ia l i t é à la F a c u l t é de Médec ine de D a m a s où il fut n o m m é moni teur d 'a r t dentaire le 9 avril 1927. Durant quatre ans , il se par tagea entre les services de chirurgie générale et de s tomatologie , fut m ê m e en 1928 patron des deux services, par intérim, ce qui lui valut une lettre de félici-tation de sa hiérarchie directe jus te avant d ' épouser une toulousaine Alice Foures cette année-là . Gus tave Ginestet publia une vingtaine d 'ar t ic les de chirurgie, d 'a r t dentaire , d 'h i s to i re , d ' h y g i è n e ou de m é d e c i n e dans les revues spécial isées syr iennes et fran­çaises durant cette pér iode où il organisa de nombreuses démonst ra t ions opératoires .

Cofondateur et directeur de l ' Inst i tut dentaire de D a m a s , Ginestet vit son école pas­ser de 5 élèves en 1927 à 4 0 en 1931 venant de tout le Proche-Orient , épaulé par les docteurs Nassar et Riza Said qui lui succéderont . Gustave Ginestet rejoignit la France en juil let 1931 pour passer les épreuves du concours d 'ass is tanat de chirurgie des hôpi­taux mili taires et fut admis à ce titre au Val -de-Grâce le 21 octobre 1931. Cheval ier de la L é g i o n d ' h o n n e u r en 1930 , C o m m a n d e u r du N i c h a m If t ikar , il r eçu t auss i les médai l les d ' honneu r du Méri te syrien et du Méri te l ibanais, la médai l le commémora t ive de Syrie et de Cilicie.

D e 1931 à 1933, Ginestet suivi son assistanat c lassique de chirurgie, passant dans les services des professeurs Paitre, Van lande et Bonne t au Val -de-Grâce , recevant c o m m e 1er assistant, de son maît re Jean Bercher (1883-1963) , premier spécialiste d ' ac t ivé des hôpi taux mili taires en s tomatologie et prothèse dentaire , un ense ignement except ionnel qui l ' inc i ta à chois i r cet te spécia l i té p lu tô t que la ch i rurg ie généra le , ga rdan t de ce maî t re la mét icu los i té de l ' e x a m e n c l in ique , la r igueur de l ' indica t ion opéra to i re , la clarté dans les publ icat ions. Ginestet fut désigné par Jean Bercher c o m m e "observateur et agent de l ia ison" auprès de l 'Eco le de perfect ionnement des dentistes mili taires de réserve et s ' intégra au sein des dentistes paris iens, part icipant à leur réunion nocturne à l 'Hôpi ta l Vi l lemin, au jourd 'hu i à l ' abandon .

En n o v e m b r e 1933, Ginestet , chirurgien des hôpi taux mili taires à 36 ans, fut affecté c o m m e chef du service de s tomatologie de l ' anc ien Hôpi ta l mili taire Desgenet tes de Lyon (1883-1946) , ce service étant le long de la rue de la Chari té , à l ' emplacemen t de l 'actuel Hôtel des Finances . Successeur d 'Alber ic Pont , chirurgien des Gueules Cassées de 14-18 (dont le recueil de photos d 'opérés est toujours conservé dans le service de chirurgie plast ique, maxil lo-faciale et s tomatologique de l 'H. I .A. Desgenet tes) Gus tave Ginestet planchai t sur les épreuves de la spéciali té avec Jean Bercher , initiait les "san-ta rds" à la s tomatologie , enseignai t aux dentistes et aux médec ins de réserve, prenai t les gardes de chirurgie aux urgences , tout en met tant au point son fixateur externe pour fracture mandibula i re qu ' i l présenta aux congrès nat ionaux de s tomatologie et de chi­rurgie, avec succès.

Ginestet obtint par concours le 5 novembre 1934, le titre de chirurgien spécialiste des h ô p i t a u x mi l i t a i r es en s t o m a t o l o g i e et p r o t h è s e den t a i r e . V i c e - p r é s i d e n t d e la Société d 'Odonto-s tomato log ie de L y o n en 1935, n o m m é médec in commandan t à Noël 1935, Gineste t quitta Desgenet tes en mars 1936 pour succéder à Jean Bercher c o m m e chef de service de s tomatologie du Val -de-Grâce , ayant c o m m e assistant Houper t , Paol i

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Gustave Ginestet parmi ses collègues de Desgenettes Lyon (1933-1934). Porte une dent.

et Roy . S ' intéressant au trai tement des fractures mandibula i res , à la chirurgie de l 'ar t i­

culat ion temporo-mandibula i re et du progna th i sme, trésorier de la Société française de

Stomatologie de 1938 à 1961 , il y acquit une notoriété certaine dès 1939, au travers de

communica t ions remarquées .

Médecin-chef de l ' A m b u l a n c e chirurgicale légère de spéciali té n° 237 ( A C L S 237)

de la V i l e a rmée , en septembre 1939, le médec in c o m m a n d a n t Ginestet quittait le Val

de G r â c e à la tê te d ' u n e fo rmat ion de 16 m é d e c i n s et ch i ru rg iens maxi l lo - fac iaux ,

O.R.L. , ophta lmologis te , uro logue et radiologue, 9 dentistes, 2 pharmaciens , 12 infir­

mières et 68 personnels de main tenance .

Après la drôle de guerre , l ' ambu lance 237 partit en mai 1940 de Dunkerque j u s q u ' à

Bruges avec la V i l e a rmée , puis reflua sous les bombardemen t s , t raversant les l ignes

a l lemandes d ' encerc lement et arrivant intacte dans le Lot en ju in 1940, après avoir fait

plus de chirurgie généra le , lors de courtes hal tes , que de chirurgie spécial isée, avant

d 'ê t re dissoute en août. G. Ginestet , décoré de la Croix de Guer re 39-40 avec étoile

d ' a rgent et cité à l 'o rdre de la division, se démena pour que 45 m e m b r e s de son ambu­

lance sur 107 reçoivent une citation dûment homologuée .

Le fanion de l ' A C L S 237 , conservé par Ginestet , devint p lus tard l ' ins igne de son

se rv ice de l ' H ô p i t a l F o c h . M é d e c i n - c h e f du c e n t r e de ch i ru rg i e de P a r i s , r ep l i é à

Luchon, puis amené à l 'Hôpi ta l complémenta i re des Beaux Arts , à Toulouse , Ginestet y

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soigna des blessés j u s q u ' e n novembre 1940 date à laquelle il rassembla et convoya des b lessés maxi l lo - fac iaux g raves j u s q u ' à L y o n où il d i r igea à n o u v e a u le Se rv ice de Chirurgie maxil lo-faciale de l 'Hôpi ta l Desgenet tes , en col laborat ion avec les deux sto­matologis tes lyonnais Jean Duclos et Char les Freydel , démobi l i sés et immédia tement convent ionnés en août 1940 pour un an, pour poursuivre la tâche entreprise. Leur suc­céderont Gui l lermin, Landwer l in , Délaye , Dumal le , Chemin (successeur de Ginestet au Val -de-Grâce en 1950) et bien d 'au t res . Pour redonner figure huma ine à des centaines de gueules cassées dont chacune était un cas d ' e spèce , l ' équ ipe exploita les l ambeaux d ' Imre et de Blaskowi tz et surtout le p rocédé de Fi la tow des lambeaux cyl indriques que les patients promenaient dans les cafés et les théâtres lyonnais d ' a lors , quit te à effrayer un peu Mist inguet t , en tournée aux Célest ins , qui les reçut. Le Chef de l 'Etat Français les visita. A la l ibération, ayant publ ié 4 0 articles nouveaux (dont une nouvel le tech­n ique d ' o s t éo tomie mandibu la i re ) ayant inspiré 17 thèses civi les et mil i ta i res , ayant opéré avec Jean Freydel des blessés de tous types de la I re A r m é e française, le l ieute­nant colonel Ginestet quittait Lyon pour le Val -de-Grâce en août 1945, re t rouvant son ancien service quit té six ans plus tôt. Mais dans le v ieux Val -de-Grâce , la s tomatologie bénéficiait " d ' u n petit coin, dans une salle secondaire , à côté du coiffeur, pas loin des ba ins-douches" . Ginestet saisit donc l 'oppor tuni té que lui offrit le C M C Foch.

Construi t en 1937, par la Fondat ion franco-américaine du Mont-Valér ien , prés idée par Jus t in Godar t , anc ien min is t re , anc ien Secré ta i re d 'E ta t du Serv ice de Santé en 1914-1916, le C M C Foch de Suresnes , hôpital complémenta i re mil i taire en 1940, réqui­s i t i o n n é p a r les A l l e m a n d s j u q u ' e n 1944 , r e s t a u n h ô p i t a l m i l i t a i r e j u s q u ' a u 31 décembre 1949, adminis t ré par le Service de Santé , l 'Ass i s tance publ ique fournissant le personnel médica l , la Fondat ion Foch restant propriétaire des murs .

A la c r é a t i o n du C e n t r e n a t i o n a l d e C h i r u r g i e r é p a r a t r i c e ( u n i q u e en F r a n c e à l ' époque) par le Service de Santé pour les blessés de 39-45 et d ' Indoch ine , Gus tave Ginestet quitta le Val -de-Grâce pour de plus vastes locaux.

Les trois pr incipaux services du centre étaient en 1948 :

- celui de chirurgie maxil lo-faciale de Ginestet ,

- celui de chirurgie or thopédique de Mer le d 'Aub igné ,

- celui des brûlés, de Paul Tessier , successeur et ancien assistant de Ginestet (1946-1948).

Après de gros t ravaux de modernisa t ion , le C M C Foch , rendu à ses propriétaires par l ' a rmée fin 1949, fut adminis t ré par la S N C F et devint le plus mode rne et confortable hôpital pr ivé de France , Gus tave Ginestet , chef de service depuis 1946, fut admis à la retraite du Service de Santé sur sa d e m a n d e et rayé des contrôles le 3 j anv ie r 1950, mais cependant n o m m é médec in général (CR) le 1er mai 1950. Devenu civil , il dir igea son service j u s q u ' e n 1966, conservant cependant c o m m e ordonnance un sergent-chef, administrat if du service. Si Jean Duc los fut le créateur du premier service civil français de chirurgie maxil lo-faciale à l 'Hôte l -Dieu de Lyon en 1947, celui de Ginestet n ' e n fut pas moins le second en 1950, au C M C Foch.

Les assistants du Val -de-Grâce en formation étaient alors dé tachés pour un semestre

chez Gus tave Ginestet pour y perfect ionner leurs connaissances prat iques de la spéciali­

té. L ' u n de nous a renoué avec cette tradition en mai 1993.

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Nous n ' évoque rons pas plus avant le service de Ginestet , son plateau technique, son recrutement obligé de gueules cassées mili taires de 1946 à 1962, aux frais du Service de Santé de la I re R M , parfois inquiète de la note et convoquant au rapport l 'ass is tant mi l i ta i re . . . ni son activité débordante (1500 greffes diverses entre 1946 et 1953) voire la m é d i a t i s a t i o n du s e r v i c e p a r la p r e s s e e t l a t é l é v i s i o n ( r e p o r t a g e " s c u l p t e u r s d ' h o m m e s " , de Pierre Sabbag , novembre 1957 ; le cas Jacquel ine Auriol en 1949). Ses assistants les plus connus furent Paul Tessier (1946-1948) , André Dupuis (1949-1990) et Louis Mervi l le (1949-1993) , le professeur F . Chabol le , O R L des hôpi taux, chef de service, ayant succédé à ce dernier en 1993, restant le déposi taire du glorieux passé en chirurgie maxil lo-faciale reconstructr ice et es thét ique de ce service. Le successeur mil i­taire du médec in général Ginestet fut son élève et assistant le M G I Jean Pons , détaché dans son service de 1958 à 1961 , spécialiste en 1961 , adjoint au Val -de-Grâce en 1963, col laborant avec Ginestet j u s q u ' à sa mor t en 1966, chef de service au Val -de-Grâce où il récupère les blessés mili taires, agrégé de chirurgie maxil lo-faciale, créateur en 1973 du service de chirurgie maxil lo-faciale esthét ique et reconstructr ice de l 'H. I .A. Bégin , président de la Société française de Chirurgie plast ique en 1985, laissant derr ière lui en 1990 trois élèves, agrégés de la spéciali té, hérit iers de cette Ecole créée en mil ieu mil i ­taire.

Si Gus tave Ginestet , malgré ses mér i tes , n ' a c c é d a pas à l ' agrégat ion de s tomatologie de Paris en 1949, alors que la vie civile se dessinai t devant lui, il était apprécié des odonto logis tes qui le reconnaissa ien t c o m m e un des leurs pu i sque v ice-prés ident de l 'Associa t ion des chirurgiens dentistes indépendants de 1951 à 1966 et professeur de chirurgie maxil lo-faciale à l 'Eco le dentaire de Paris de 1956 à 1966.

Ses relat ions étaient plus conflictuelles avec les chirurgiens maxil lo-faciaux de par sa personnal i té m ê m e , qui s 'expr imai t l ibrement lors des congrès , préférant de ce fait, faire passer son ense ignement lors des séances de démonst ra t ions opératoires au C M C Foch et inviter dans son service des étrangers faisant autorité dans la spéciali té telles que Gil l ies , Schuchardt , Trauner , Converse et San Venero Rossel i .

Tro i s ième président de la Société française de Chirurgie plast ique et reconstructr ice en 1956, il rédigea l ' in t roduct ion du 1er n u m é r o de la revue de cette société.

Vic t ime d ' u n infarctus du myoca rde lors de ses vacances à Dax en 1964, Gus tave Ginestet ralentit son activité opératoire mais négl igea la surveil lance de sa prévent ion ant icoagulante . U n mat in , il sombra dans le c o m a vict ime d ' u n e hémorrag ie cérébrale et décéda le 4 avril 1966, à 68 ans . Ses obsèques furent célébrées en l 'égl ise du Val -de-Grâce le 12 avril. Il est i nhumé dans son caveau familial de Coupet (Tarn et Garonne) . Un bronze commémorat i f , sculpté par Sandoz , m e m b r e de l ' Inst i tut , a été apposé le 19 avril 1969 à l ' en t rée du Service de Gus tave Ginestet au 5e é tage sud du C M C Foch , en présence de Pierre Messmer , minis t re des A r m é e s et d 'Henr i Duvi l lard, minis t re des anciens Combat tan ts . Il rappel le à ce jou r ce grand patron mili taire et civil au souvenir respectueux des générat ions .

L ' œ u v r e du m é d e c i n généra l Gines te t se sc inde en trois d o m a i n e s dis t incts ma i s complémenta i res :

- Ses techniques chirurgicales nouvel les ou adaptées . - Ses ins t ruments or iginaux ou modif iés . - Ses écrits .

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Les techniques

Les techniques que Gus tave Ginestet mit au point , modif ia ou vulgarisa furent n o m ­breuses et variées. Certaines sont restées des ja lons fondateurs de la chirurgie maxi l lo-faciale et reconstructr ice.

- Les lambeaux cylindriques : Mis au point par Fi la tow en 1916, repris par Gill ies en G r a n d e - B r e t a g n e , W a s s m u n d en A l l e m a g n e a ins i q u e D u f o u r m a n t e l e t M o u r e en France , sur les blessés de 14-18, ces l ambeaux cutanés à deux pédicules vasculaires , détachés en pont, enroulés en cyl indre et pris à dis tance avant autonomisat ion, furent adaptés par Ginestet à L y o n dès 1940, assisté par J. Duclos et C. Freidel . Ce cyl indre était p lacé en anse au-dessus de la zone à restaurer par implantat ion de ses deux pédi­cules sur deux berges opposées et util isé en totali té. Ginestet , grand " t ranspor teur de p e a u " des gueules cassées de 39-45 , réparait avec succès , à une époque où les l ambeaux myocutanés ou myo-os téocutanés n 'ex is ta ien t pas .

Ces l ambeaux , parfois t r ipodes, autorisaient des rhino ou otopoïëse , des crânioplas-ties, des réparat ions labiale, orbitaire, buccos inus ienne ou palat ine.

- Les lambeaux hongrois d'Imre et de Blaskowics de reconstruct ion des paupières furent employés et diffusés par Ginestet sur la face et le corps dès le début des années quarante ( thèse Frezières , Lyon , 1942).

- Le lambeau nasogénien total à pédicule inférieur, inventé par Ginestet , autorisait la reconstruct ion d ' u n e lèvre supérieure.

- La correction de l'hypertrophie des masseters par voie indirecte intra-buccale per­mit à Ginestet de corr iger l 'a l lure brutale de certains faciès sans balafrer les joues de cicatrices.

- Les séquelles de bec de lièvre, à type d ' asymét r ie de posi t ion des alaires, amena G i n e s t e t à p r o p o s e r u n e t e c h n i q u e de r e p o s i t i o n n e m e n t pa r v o i e e x t e r n e tou jours employée avec succès dans nos spéciali tés.

- En traumatologie maxillo-faciale, Gus tave Ginestet employa la rgement les tech­niques de réduct ion et d 'autogreffes osseuse ou ostéopér iostée connues de son temps ainsi que les cart i lages de veau dès 1951 concourant à leur diffusion.

- L'ostéosynthèse de la mandibule par un fixateur externe inventé par l ' anverso is Albin L a m b o t t e en 1907, d ivu lgué par lui lors des congrès français de ch i rurg ie de 1911 , 1931 et 1937 avec peu d ' écho , fut mise au point par Ginestet et son maît re Jean Bercher , à Lyon-Desgene t tes pour les fractures mandibula i res . Ce premier modè le de fixateur externe pour mandibu le fut présenté au V i l l e congrès français de s tomatologie et au congrès de chirurgie de Paris en 1934 puis au congrès international de médec ine mili taire de Bucares t en 1937. Les n o m s de R. Ander son et J .M. Converse sont plus at tachés que celui de Ginestet au pr incipe de fixateur externe, en particulier mandibula i -re, appa remment né des nécessi tés du second conflit mondia l , alors qu ' i l n ' e n est rien.

Au X V I e congrès de s tomatologie français de 1959, Gus tave Ginestet sut rétablir la vérité avec force devant ses compatr io tes .

- La réduction des fractures malaires :

Le n o m de Ginestet reste at taché à la technique de réduct ion par voie percutanée de ces fractures par un crochet qu ' i l commercia l i sa , crochet dont l ' ex t rémi té pointue est

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empruntée à St rohmayer , la poignée e rgonomique à J. Duclos et qui conserve son n o m

d e p u i s la thèse de son é l ève G r o s , L y o n , 1 9 5 1 , déc r ivan t la t e c h n i q u e , i n c h a n g é e

depuis , employée aussi pour les fractures-enfoncements zygomat iques .

Gus tave Ginestet apparaî t c o m m e un mai l lon essentiel de l ' évolut ion des techniques

chirurgicales orthognathiques du p r o g n a t h i s m e ( 1 9 3 9 - 1 9 4 4 ) et du r é t r o g n a t h i s m e

( technique du tiroir 1949) qui ont abouti pour l ' un à la technique d 'Obwegese r -Da lpon t

(1959-61) et pour l ' au t re , à celle de Mervi l le (1968) é lève de Ginestet .

Gus tave Ginestet apporta sa pierre à la chirurgie a" ostéotomie du maxillaire supé­

rieur ( totale ou segmenta i re ) , à la chirurgie de Varticulation temporo-mandibulaire

( abo rd e x t e r n e d i rec t , m e n i s e c t o m i e , a r th ro r i s e ) et à la chirurgie stornatologique

(reconstruction des crêtes alvéolaires par greffon d 'addi t ion et technique des implants sous pér iostes , ancêtres des implants endo-osseux à l 'or ig ine de l ' implantologie moder ­ne) .

Les ins truments

Les ins t ruments que Ginestet créa pour la chirurgie de la face ou adapta de la chirur­

gie générale sont nombreux , certains ayant été commerc ia l i sés par des sociétés spéciali­

sées de Lyon (Lépine) et Paris (Simal) .

Nous ci terons entre autres :

- Le fixateur externe pour mandibu le (3 modè les successifs : 1934-1937-1948) .

- L e crochet de réduct ion des fractures du mala i re .

- L e casque pour appui crânien.

- Des arcs .

- L 'appare i l à torsader les fils métal l iques .

- Le por te élast ique ainsi que :

- Les écarteurs pour os téotomie vert icale et hor izontale de la b ranche montan te de la mandibu le .

- L 'a igui l le à pédale .

- Les écarteurs pour extraction des dents de sagesse ou pour curetage péri-apical .

- La p ince pour striction des l ambeaux cyl indr iques .

Les écrits

Les écrits de Ginestet se répart issent en six livres parus entre 1939 et 1972.

- "Les l ambeaux cyl indr iques dans la chirurgie recons t ruc t r ice" (1948)

- "Le t rai tement chirurgical des fractures du maxi l la i re" (1954) avec L. Mervi l le .

- Divers articles dans l ' E M C (1939-1966) .

- L ' " A t l a s de technique opéra to i re" :

. Chirurgie s tomatologique et maxil lo-faciale (1963) avec Pons , Frezières , Palfer-Sollier.

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. C h i r u r g i e p l a s t i q u e et r e c o n s t r u c t i v e de la face ( 1 9 6 7 ) a v e c D u p u i s , P o n s ,

Frezières .

- Le "nouveau traité de technique chi rurgica le" (1972) , synthèse fidèle de ses tra­vaux par ses é lèves , Pons , Dupuis et Frezières dont les contenus sont détaillés dans la thèse de référence (1) qui contient par ailleurs les références de l 'essentiel de plus de 500 travaux dirigés par G. Ginestet sous forme :

. d ' u n e annexe 1 : recuei l lant les c o m m u n i c a t i o n s de Gines te t dans les congrès entre 1932 et 1966,

. d ' u n e annexe 2 : recueil lant les titres et auteurs des 27 thèses qu ' i l inspira entre 1941 et 1965,

. d ' u n e bibl iographie 2 : recuei l lant les plus importantes publicat ions de Ginestet classées en quatre thèmes : chirurgie plastique, chirurgie maxillo-faciale, chirur­gie stomatologique, publications diverses dont onze d 'His to i re de la Médec ine , tant, nous sommes face à un vaste esprit intéressé par plus d ' u n sujet, servi par une puissance de travail qui imposai t respect et admirat ion. Tel le fut l 'œuvre du médec in général Ginestet (1897-1966) , conforme à sa vie.

NOTES

(1) Dr Eric BRUE. "La vie et l'œuvre du médecin général Gustave Ginestet" (1897-1966). Thèse-médecine, Lyon nord (1991), 218 p. (Prix 1992 de la SFHM - Paris).

SUMMARY

Gustave Ginestet, pratician and surgeon of two world wars in Europe, military medical in Lebanon and Syrian French Protectorat (1925-1931), countries where his works are not forgot­ten, was an admired and respectable master, pionneer of the maxillo facial and stomatologic French school of surgery, chief, between 1936 and 1966, and now, spiritual father of the referent services for head and neck surgery in France.

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