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Juin 2016 / 7 LE MODÈLE CANADIEN DE GESTION D’ACTIFS DÉMYSTIFIÉ SAINE GOUVERNANCE, gestion interne et indépendance, telles sont les pierres d’assises sur lesquelles repose la stratégie des principaux investisseurs institutionnels publics canadiens, selon les présidents et chefs de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Michael Sabia, et du Régime de retraite des enseignants et des enseignantes de l’Ontario (Teachers), Ron Mock. Invités à se prononcer sur les grands enjeux et les meilleures pratiques en matière de gestion d’actifs devant un public international lors de la conférence annuelle du CFA Institute, qui s’est dérou- lée en mai à Montréal, les deux PDG ont insisté sur l’importance de disposer de la souplesse nécessaire pour faire face aux changements qui se profilent à l’horizon. « Les 20 prochaines années vont être très différentes des 30 dernières, a affirmé Michael Sabia. Les gestionnaires devront être créatifs pour faire évoluer efficacement leurs stratégies. Disposer d’une expertise poussée à l’interne permet de saisir des opportunités, de faire des investissements directs et de développer des stratégies sur mesure. Les gestionnaires qui accordent de l’importance à leur indépendance seront certainement avantagés dans un monde en transformation. » Pour Ron Mock, le succès passe néces- sairement par une saine gouvernance. « La taille de l’actif est un élément important, mais ce n’est pas l’essentiel. La clarté des objectifs, c’est-à-dire d’assurer la sécurité financière des retraités pour les généra- tions à venir, et la gouvernance sont les éléments les plus importants, a-t-il indiqué. Un investisseur institutionnel devrait être totalement indépendant, être géré comme une entreprise, et posséder un modèle compétitif en matière de coûts. » Selon Michael Sabia, l’assouplissement constant des politiques monétaires des banques centrales a poussé les investis- seurs institutionnels à se tourner vers des catégories d’actifs plus risquées. « Les titres à revenu fixe comme outil de protection du capital, c’est terminé, a-t-il dit. L’approche traditionnelle ne fonctionne plus, le monde a changé. Il y a un réel besoin d’innovation. » Pour la Caisse, cette inno- vation se traduit notamment par une augmentation de la répartition en immobilier, infrastructures et placements privés. Ceux-ci représentent aujourd’hui environ 28 % de son actif total. La popularité grandissante de ces actifs a toutefois eu pour effet de pousser leurs prix à la hausse, prévient Michael Sabia, qui mise sur la prudence et une sélection serrée. « Le prix d’entrée est très important pour des actifs que l’on va garder pendant 15 ou 20 ans. » Selon Ron Mock, la valeur ajoutée de ces actifs est créée par les talents à l’interne, qui sont en mesure d’acheter les bons actifs, mais également de les opérer et de les faire croître à long terme. Insistant sur l’importance de bien connaître le marché dans lequel ils inves- tissent et prioriser l’économie réelle, les dirigeants de la Caisse et de Teachers ont expliqué faire preuve de prudence dans l’utilisation des fonds de couverture et de l’effet de levier. « Nous ne prenons pas beaucoup de risques avec les fonds de couverture, a expliqué Ron Mock. Nous les utilisons bien plus comme outil de gestion du risque que comme source de rendements. » L’utilisation des fonds de couverture est également limitée à la Caisse de dépôt, avec seulement 4 milliards de dollars investis dans cette catégorie d’actif. « Nous préférons garder le focus sur l’économie réelle plutôt que sur l’ingénierie financière. Rendement et développe- ment économique vont de pair dans un contexte d’investissement. Il faut voir à long terme, se considérer comme des bâtisseurs », a indiqué Michael Sabia. Pierre-Luc Trudel Nombre moyen de jours de vacances que prévoient les travailleurs canadiens cet été Source : Accountemps 11 CHIFFRE DU MOIS

LE MODÈLE CANADIEN DE GESTION D’ACTIFS DÉMYSTIFIÉbppg.rogersdigitalmedia.com/media/bppg/conseiller/a... · 2016. 6. 20. · multiplier les sources de rendement. « À mon avis,

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  • • Juin 2016 / 7

    LE MODÈLE CANADIEN DE GESTION D’ACTIFS DÉMYSTIFIÉ SAINE GOUVERNANCE, gestion interne et indépendance, telles sont les pierres d’assises sur lesquelles repose la stratégie des principaux investisseurs institutionnels publics canadiens, selon les présidents et chefs de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Michael Sabia, et du Régime de retraite des enseignants et des enseignantes de l’Ontario (Teachers), Ron Mock.

    Invités à se prononcer sur les grands enjeux et les meilleures pratiques en matière de gestion d’actifs devant un public international lors de la conférence annuelle du CFA Institute, qui s’est dérou-lée en mai à Montréal, les deux PDG ont insisté sur l’importance de disposer de la souplesse nécessaire pour faire face aux changements qui se profilent à l’horizon.

    « Les 20 prochaines années vont être très différentes des 30 dernières, a affirmé Michael Sabia. Les gestionnaires devront être créatifs pour faire évoluer efficacement leurs stratégies. Disposer d’une expertise poussée à l’interne permet de saisir des opportunités, de faire des investissements directs et de développer des stratégies sur mesure. Les gestionnaires qui accordent de l’importance à leur indépendance seront certainement avantagés dans un monde en transformation. »

    Pour Ron Mock, le succès passe néces-sairement par une saine gouvernance. « La taille de l’actif est un élément important, mais ce n’est pas l’essentiel. La clarté des objectifs, c’est-à-dire d’assurer la sécurité financière des retraités pour les généra-tions à venir, et la gouvernance sont les éléments les plus importants, a-t-il indiqué. Un investisseur institutionnel devrait être totalement indépendant, être géré comme une entreprise, et posséder un modèle compétitif en matière de coûts. »

    Selon Michael Sabia, l’assouplissement constant des politiques monétaires des banques centrales a poussé les investis-seurs institutionnels à se tourner vers des catégories d’actifs plus risquées. « Les titres à revenu fixe comme outil de protection du capital, c’est terminé, a-t-il

    dit. L’approche traditionnelle ne fonctionne plus, le monde a changé. Il y a un réel besoin d’innovation. »

    Pour la Caisse, cette inno-vation se traduit notamment par une augmentation de la répartition en immobilier, infrastructures et placements privés. Ceux-ci représentent aujourd’hui environ 28 % de son actif total.

    La popularité grandissante de ces actifs a toutefois eu pour effet de pousser leurs prix à la hausse, prévient Michael Sabia, qui mise sur la prudence et une sélection serrée. « Le prix d’entrée est très important pour des actifs que l’on va garder pendant 15 ou 20 ans. »

    Selon Ron Mock, la valeur ajoutée de ces actifs est créée par les talents à l’interne, qui sont en mesure d’acheter les bons actifs, mais également de les opérer et de les faire croître à long terme.

    Insistant sur l’importance de bien connaître le marché dans lequel ils inves-tissent et prioriser l’économie réelle, les dirigeants de la Caisse et de Teachers ont expliqué faire preuve de prudence dans l’utilisation des fonds de couverture et de l’effet de levier.

    « Nous ne prenons pas beaucoup de risques avec les fonds de couverture, a expliqué Ron Mock. Nous les utilisons bien plus comme outil de gestion du risque que comme source de rendements. »

    L’utilisation des fonds de couverture est également limitée à la Caisse de dépôt, avec seulement 4 milliards de dollars investis dans cette catégorie d’actif.

    « Nous préférons garder le focus sur l’économie réelle plutôt que sur l’ingénierie financière. Rendement et développe-ment économique vont de pair dans un contexte d’investissement. Il faut voir à long terme, se considérer comme des bâtisseurs », a indiqué Michael Sabia.

    Pierre-Luc Trudel

    Nombre moyen de jours de vacances que prévoient les travailleurs canadiens cet été

    Source : Accountemps

    11CHIFFRE DU MOIS

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  • 8 / Juin 2016 •

    LES MÉDICAMENTS DE SPÉCIALITÉ MENACENT LES RÉGIMES D’ASSURANCE LES DÉPENSES EN MÉDICAMENTS de spécialité devraient

    doubler d’ici 2020 pour atteindre près de 5,6 milliards de dollars au pays, selon une analyse effectuée par Express Scripts

    Canada à partir de demandes de règlement pour médi-caments soumises par des millions de Canadiens.

    Les médicaments de spécialité, ceux indiqués pour le traitement de maladies chroniques

    ou complexes, représentent une « sérieuse menace » pour les employeurs offrant un régime d’assurance médicaments, affirme-t-on dans un communiqué.

    D’ici 2020, ils représenteront 42 % des dépenses totales en médicaments d’ordon-nance par rapport à 30 % en 2015.

    Les nouveaux traitements approuvés coûtent des centaines de milliers de dollars par patient. Par ailleurs, près de 7 000 médi-caments sont en voie de développement et sont pour la plupart des médicaments de spécialité.

    Michael Biskey, président d’Express Scripts Canada, observe que les régimes d’assurance médi-caments privés apportent une « valeur inestimable » pour un employeur et facilitent grandement l’accès aux traitements.

    « Cependant, si les promoteurs de régimes ne prennent pas de mesures immédiates, ces régimes deviendront rapidement inabordables, dit-il. Le fardeau et le risque financier associés aux médi-caments devront être transférés en partie aux employés. Si cela se produisait, il pourrait y avoir de graves conséquences sur la santé et sur le bien-être des Canadiens. »

    Express Scripts Canada constate que de plus en plus, les médicaments administrés auparavant en milieu hospitalier sont remplacés par de nouveaux médicaments que les patients peuvent s’administrer eux-mêmes.

    Cette situation a pour effet de transférer le fardeau financier des régimes publics vers les régimes privés.

    DAVE JONES, vice-président,

    développement des affaires,

    garanties collectives

    AVIS DE NOMINATION

    La Financière Sun Life est

    heureuse d’annoncer la

    nomination de Dave Jones au

    poste de vice-président,

    développement des affaires,

    garanties collectives, prenant

    effet le 1er août 2016.

    Au service de la Financière Sun Life depuis 13 ans, Dave Jones a travaillé

    en étroite collaboration avec nos clients et nos conseillers pour

    développer les liens et servir les objectifs en ce qui touche les régimes

    de garanties collectives, en tant que vice-président, développement du

    marché, puis plus récemment au poste de vice-président, règlements vie

    et invalidité. Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, Dave Jones pourra

    poursuivre ces efforts, en mettant à profit ses solides connaissances des

    affaires et des besoins de nos clients et de nos conseillers.

    M. Jones est titulaire d’un baccalauréat en commerce (Honours) de

    l’Université Queen et d’une maîtrise en administration des affaires (MBA)

    de la Rotman School of Management de l’Université de Toronto.

    La vie est plus radieuse sous le soleilLes garanties collectives sont offertes par la Sun Life du Canada,

    compagnie d’assurance-vie, membre du groupe Financière Sun Life.

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  • • Juin 2016 / 9

    RÉSOUDRE LE CASSE-TÊTE DU REVENU FIXE AVEC LE NIVEAU ACTUEL des taux d’intérêt, certains gestionnaires de caisses de retraite ne savent plus où donner de la tête pour optimiser leurs portefeuilles de titres à revenu fixe. Les stra-tégies adoptées par les régimes de retraite de la Ville de Montréal et de Rio Tinto pourraient peut-être leur servir d’inspiration.

    À la Ville de Montréal, le portefeuille obliga-taire sert essentiellement à réduire la volatilité, fournir de la liquidité et générer du revenu courant afin de remplir les engagements financiers du régime, a expliqué Errico Cocchi, chef de la divi-sion Financement, placement et gestion du risque lors du Séminaire sur la gestion des caisses de retraite présenté le mois dernier par l’International Foundation of Employee Benefit Plans.

    Les titres à revenu fixe comptent pour 29 % de l’ensemble de l’actif des régimes de retraite de la Ville de Montréal. Au sein de ce portefeuille obli-gataire, deux stratégies bien distinctes cohabitent.

    La stratégie « core » (70 % du portefeuille) est constituée d’obligations fédérales et de sociétés canadiennes, en gestion active, ainsi que d’obligations provinciales et municipales, en gestion passive.

    « Les obligations fédérales nous apportent de la liquidité, et les obligations de sociétés, du rendement », a indiqué Errico Cocchi.

    La stratégie « satellite » (30 % du portefeuille) vise quant à elle à générer des rendements plus élevés et repose principalement sur des obligations mondiales et des dettes privées canadiennes.

    « Avant, personne ne se cassait la tête avec le revenu fixe, mais aujourd’hui, il faut garder l’œil ouvert », estime le gestionnaire, pour qui la diver-sification du portefeuille obligataire permet de multiplier les sources de rendement. « À mon avis, il faut avoir une certaine approche tactique et ne pas se concentrer uniquement sur des stratégies à long terme. »

    À Rio Tinto, le portefeuille obligataire, qui consti-tue 39 % des actifs totaux de la caisse de retraite, a considérablement évolué au cours des trois dernières années. Avant 2013, celui-ci adoptait une stratégie 100 % univers composée de 90 % d’obligations canadiennes et de 10 % de dettes privées canadiennes.

    « Afin d’améliorer l’appariement entre le passif et le portefeuille obligataire, nous avons mis en place une composante à long terme pour augmen-ter la durée de l’actif », a expliqué Jamie Forster, gestionnaire de portefeuille principal, Amérique du Nord à Rio Tinto.

    À l’image de la caisse de retraite de la Ville de Montréal, deux stratégies distinctes cohabitent donc au sein des régimes de la société minière.

    La composante « univers » (40 % du portefeuille) contient 25 % d’obligations, 25 % de dette privée et un mandat core plus (40 %).

    La composante « long » (60 % du portefeuille) est pour sa part constituée de 50 % d’obligations canadiennes, 16,7 % de dette d’infrastructure et d’un autre mandat core plus (33,3 %).

    « Les taux très bas nous ont poussés à analyser la structure de notre portefeuille obligataire. Il y a 10 ans, on ne parlait pas de ça, mais aujourd’hui, il y a une multitude de stratégies possibles et d’options disponibles sur le marché pour mieux gérer le revenu fixe, même pour les plus petits régimes », a affirmé Jamie Forster.

    Mais contrairement à la Ville de Montréal, qui n’a jamais eu à financer son régime de retraite sur une base de solvabilité, le portefeuille de revenu fixe de Rio Tinto ne vise pas à générer des rende-ments. « C’est avant tout un outil de gestion de risque, on doit rester conscient de notre passif », a précisé M. Forster.

    Ses conseils pour avoir du succès dans un envi-ronnement de bas taux d’intérêt ? Faire preuve de prudence, bien comprendre les stratégies déployées, être à l’aise avec les risques encourus et faire attention aux frais. « En étant stratégique, il y a de très bonnes opportunités de trouver de la valeur ajoutée », a-t-il conclu.

    Pierre-Luc Trudel

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