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Mardi 8 octobre 2013 - 69 e année - N˚21374 - 1,80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède I mpossible d’ignorer cette tragédie : en vingt ans, quelque 20 000 migrants qui tentaient de gagner les rivages de l’Euro- pe sont morts. Dans un article confié au Monde en mars 2009, l’écrivain Daniel Ron- deau, alors en première ligne puisque ambassadeur à Malte, parlait d’une « chroni- que quotidienne de la souffrance et de l’exil » en Méditerranée. Et relevait que ces « boat people d’aujour- d’hui », sur leurs rafiots cauchemardesques, trouvaient trop souvent une mort atroce, chavirés « dans le silence des vagues » ou cédant à l’épuisement, entassés en fond de cale au terme d’un éprouvant périple. L’île italienne de Lampedusa, à quelques encablures des côtes d’Afrique du Nord, est aussi en première ligne. Ce jeudi 3 octobre, ils étaient entre 480 et 520 malheureux, venus de la Corne de l’Afrique, à tenter l’en- trée illégale à bord d’un bateau de pêche par- ti clandestinement de Libye. Ils ont fait nau- frage au large de l’île. Seuls 155 d’entre eux ont pu être sauvés. Dimanche, les plongeurs ont repris le lent et macabre travail de remontée des corps par quelque 47 mètres de fond. Cette tragédie, la plus grande qu’ait connue Lampedusa, pourtant abonnée à ces drames, doit réveiller l’Europe. Un constat, d’abord : rien n’est facile dans le contrôle des flux migratoires incessants qu’attire le pôle de prospérité qu’est l’Union européenne. En ces temps de chômage de masse, de récession, et alors que l’Etat-providence croule sous l’endettement un peu partout en Europe, l’immigration n’a pas bonne pres- se. Elle nourrit la rhétorique simpliste et la montée de formations extrémistes qui inti- mident les partis de gouvernement. Et, réflexe compréhensible mais néanmoins catastrophique, ceux-ci se replient sur le « chacun pour soi ». Les Etats membres se refusent à coordon- ner leur approche en matière d’asile et de contrôle des frontières. Il n’y a pas de politi- que européenne de l’immigration. Les Etats les plus exposés se débrouillent seuls. La soli- darité européenne n’existe pas face à ce phé- nomène complexe qu’est l’immigration de masse venue d’Afrique. Ce qui a été mis en place – l’agence de contrôle Frontex – est insuffisant. Devant une question transnationale, le réflexe « sou- verainiste », là comme dans tant d’autres domaines, a abouti à un échec – et au drame de ces radeaux de la mort en Méditerranée. Seule une coordination poussée, une poli- tique intégrée – osons le mot honni, « fédéra- le» – peut mettre en place le quadruple dis- positif nécessaire : une politique commune de l’asile ; une répartition intra-européenne de l’immigration ; des moyens renforcés de contrôle, de surveillance, de sauvetage et de lutte contre les réseaux mafieux en Méditer- ranée ; enfin, l’établissement de partena- riats avec les pays d’où partent le plus grand nombre des candidats à l’exil. L’Espagne a donné l’exemple, mais pris aussi la mesure de ce qu’elle pouvait réaliser seule. La vérité est qu’il faut « plus d’Europe », mais cette vérité-là est plus impopulaire que jamais. Hélas ! p LIRE NOS INFORMATIONS PAGE 3 AVIS DE TEMPÊTE SUR LES CLINIQUES PRIVÉES CAHIER ÉCO – LIRE PAGES 6-7 Au Japon, Airbus prend Boeing de vitesse CAHIER ÉCO – LIRE PAGE 3 LE GRAND GÂCHIS DE L’EXPO CAMUS À AIX CULTURE – LIRE PAGE 13 La parole inaudible des défenseurs des libertés publiques Ils sont avocats, magistrats, res- ponsables associatifs ou hauts fonctionnaires. Chacun à leur place, ils luttent pour la protec- tion des libertés fondamentales et des droits universels. Une mis- sion essentielle, au service des plus fragiles (exclus, étrangers, prisonniers…), affirment-ils. Mais une mission presque impossible aujourd’hui. « Après les attentats du 11 septembre, un vent mauvais a commencé à souffler », explique l’avocat Patrick Baudouin, ancien prési- dent de la Fédération internatio- nale des droits de l’homme. La crise et la montée du FN ont achevé de banaliser le discours sécuritaire. Pour preuve, selon eux : les propos de Manuel Valls sur les Roms. LIRE PAGE 8 PAR LE RÉALISATEUR D’INCENDIES HUGH JACKMAN JAKE GYLLENHAAL PRISONERS EST DU MÊME SOUFFLE QUE SEVEN OU MYSTIC RIVER HUGH JACKMAN SIGNE LA MEILLEURE PERFORMANCE DE TOUTE SA CARRIÈRE ” UN CANDIDAT POIDS LOURDS AUX OSCARS “ LE THRILLER POLICIER LE PLUS SAISISSANT DEPUIS LE SILENCE DES AGNEAUX PREMIÈRE INDIEWIRE DEADLINE.COM VARIETY © 2013 Alcon Entertainment, LLC. All Rights Reserved. Création graphique : © 2013, SND, tous droits réservés. MERCREDI AU CINÉMA Obama frappe Al-Qaida en Libye et en Somalie Les Américains ont lancé, samedi 5 octobre, deux raids visant des chefs de la nébuleu- se terroriste. A Tripo- li, une de ses figures a été capturée. INTERNATIONAL – P.2 Le FN en tête de la cantonale de Brignoles Une abstention importante (67 %), un FN largement en tête (40,4 %), une gauche élimi- née : la cantonale partielle de Brigno- les (Var) a livré un résultat attendu. FRANCE –P.9 A Corbeil, les juges traquent l’achat de voix Un nouveau témoi- gnage accrédite l’existence d’un système de trucage du vote dans la ville de Serge Dassault. Mamadou K. dit avoir distribué 100000 euros. FRANCE – P.11 ÉDITORIAL Tunisie Les islamistes prêts à quitter le pouvoir AUJOURD’HUI FRANCE Lampedusa, ou la faillite du chacun pour soi L’ESPOIR RETROUVÉ DES JEUNES EN EMPLOI D’AVENIR t L’objectif de 100 000 contrats en 2013 devrait être atteint. Témoignages LIRE PAGE 10 UK price £ 1,80 LE REGARD DE PLANTU Hadidja Hamada, 25 ans, travaille dans une épicerie sociale à la résidence universitaire Jean-Zay d’Antony. LUCILE CHOMBART DE LAUWE /LE BAR FLORÉAL POUR « LE MONDE » t Le parti Ennahda s’est engagé, samedi 5 octobre, à se retirer du pouvoir avant la fin du mois d’octobre et à céder la place à un « gouvernement d’indépendants » t « C’est une grande concession faite dans l’intérêt du pays », a affirmé le vice-président du parti islamiste, qui répond ainsi à la première exigence de l’opposition t Deux ans après le succès électoral des islamistes, Ennahda pose cependant des conditions qui font l’objet de tractations LIRE PAGES 3 Algérie 150 DA, Allemagne 2,20 ¤, Andorre 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,80 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 28 KRD, Espagne 2,20 ¤, Finlande 3,50 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,20 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,00 ¤, Guyane 2,40 ¤, Hongrie 850 HUF, Irlande 2,20 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,80 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,20 ¤, La Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,20 CHF, TOM Avion 400 XPF, Tunisie 2,20 DT, Turquie 7,00 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA,

Le Monde - 8 Octobre 2013

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Le Monde du 8 Octobre 2013

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Page 1: Le Monde - 8 Octobre 2013

Mardi 8 octobre 2013 - 69e année - N˚21374 - 1,80 ¤ - Francemétropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice: Natalie Nougayrède

Impossible d’ignorer cette tragédie : envingt ans, quelque 20000migrants quitentaientdegagner lesrivagesde l’Euro-pe sontmorts. Dans un article confié au

Mondeen mars2009, l’écrivain Daniel Ron-deau, alors en première ligne puisqueambassadeuràMalte, parlait d’une «chroni-que quotidienne de la souffrance et de l’exil»enMéditerranée.

Et relevait que ces «boat people d’aujour-d’hui», sur leurs rafiots cauchemardesques,trouvaient trop souvent une mort atroce,chavirés «dans le silence des vagues» ou

cédant à l’épuisement, entassés en fond decale au terme d’un éprouvant périple.

L’île italienne de Lampedusa, à quelquesencablures des côtes d’Afrique du Nord, estaussi en première ligne. Ce jeudi 3octobre,ils étaient entre 480 et 520 malheureux,venus de la Corne de l’Afrique, à tenter l’en-trée illégale àbordd’unbateaudepêchepar-ti clandestinement de Libye. Ils ont fait nau-

frage au large de l’île. Seuls 155 d’entre euxont pu être sauvés. Dimanche, les plongeursont repris le lent et macabre travail deremontée des corps par quelque 47 mètresde fond.

Cette tragédie, la plus grande qu’aitconnue Lampedusa, pourtant abonnée à cesdrames, doit réveiller l’Europe. Un constat,d’abord: rienn’est faciledans le contrôledesfluxmigratoires incessants qu’attire le pôlede prospérité qu’est l’Union européenne.

En ces temps de chômage de masse, derécession, et alors que l’Etat-providencecroule sous l’endettement un peu partoutenEurope, l’immigrationn’apasbonnepres-se. Elle nourrit la rhétorique simpliste et lamontée de formations extrémistes qui inti-mident les partis de gouvernement. Et,réflexe compréhensible mais néanmoinscatastrophique, ceux-ci se replient sur le«chacunpour soi».

Les Etatsmembres se refusent à coordon-ner leur approche en matière d’asile et decontrôle des frontières. Il n’y a pas de politi-que européenne de l’immigration. Les Etatslesplusexposéssedébrouillentseuls.Lasoli-

daritéeuropéennen’existepas faceà cephé-nomène complexe qu’est l’immigration demasse venue d’Afrique.

Ce qui a été mis en place – l’agence decontrôle Frontex – est insuffisant. Devantunequestiontransnationale, le réflexe«sou-verainiste», là comme dans tant d’autresdomaines, a abouti à un échec – et au dramede ces radeaux de lamort enMéditerranée.

Seuleune coordinationpoussée,unepoli-tiqueintégrée–osons lemothonni,«fédéra-le» – peut mettre en place le quadruple dis-positif nécessaire : une politique communede l’asile ; une répartition intra-européennede l’immigration; des moyens renforcés decontrôle, de surveillance, de sauvetage et deluttecontre les réseauxmafieuxenMéditer-ranée ; enfin, l’établissement de partena-riats avec les pays d’où partent le plus grandnombre des candidats à l’exil. L’Espagne adonné l’exemple, mais pris aussi la mesurede ce qu’elle pouvait réaliser seule.

La vérité est qu’il faut «plus d’Europe»,maiscettevérité-làestplus impopulairequejamais. Hélas !p

LIRENOS INFORMATIONS PAGE3

AVIS DE TEMPÊTE SURLES CLINIQUES PRIVÉESCAHIER ÉCO–LIRE PAGES 6-7

AuJapon,AirbusprendBoeingdevitesseCAHIER ÉCO–LIRE PAGE 3

LE GRAND GÂCHISDE L’EXPO CAMUS À AIXCULTURE– LIRE PAGE 13

La parole inaudibledes défenseursdes libertés publiquesIls sont avocats,magistrats, res-ponsables associatifs ou hautsfonctionnaires. Chacun à leurplace, ils luttent pour la protec-tion des libertés fondamentaleset des droits universels. Unemis-sion essentielle, au service desplus fragiles (exclus, étrangers,prisonniers…), affirment-ils.Mais unemission presqueimpossible aujourd’hui. «Aprèsles attentats du 11septembre,un ventmauvais a commencéà souffler», explique l’avocatPatrick Baudouin, ancien prési-dent de la Fédération internatio-nale des droits de l’homme. Lacrise et lamontée du FN ontachevé de banaliser le discourssécuritaire. Pour preuve, seloneux: les propos deManuel Vallssur les Roms. LIREPAGE8

PAR LE RÉALISATEUR D’INCENDIES

HUGHJACKMAN

JAKEGYLLENHAAL

“ PRISONERS EST DU MÊME SOUFFLEQUESEVENOUMYSTIC RIVER ”

“ HUGH JACKMAN SIGNELA MEILLEURE PERFORMANCE DE TOUTE SA CARRIÈRE ”

“ UN CANDIDAT POIDS LOURDS AUX OSCARS ”

“ LE THRILLER POLICIER LE PLUS SAISISSANTDEPUIS LE SILENCE DES AGNEAUX ”

PREMIÈRE

INDIEWIRE

DEADLINE.COM

VARIETY

©2013

AlconEntertainment,LLC.AllRightsReserved.Créationgraphique:©

2013,SND

,tousdroitsréservés.

MERCREDI AU CINÉMA

ObamafrappeAl-QaidaenLibyeet enSomalieLesAméricainsontlancé,samedi5octobre,deuxraidsvisantdeschefsde lanébuleu-seterroriste.ATripo-li,unedeses figuresaétécapturée.INTERNATIONAL–P.2

LeFNen têtede la cantonaledeBrignolesUneabstentionimportante (67%),unFN largementen tête (40,4%),unegaucheélimi-née: la cantonalepartielledeBrigno-les (Var) a livréunrésultatattendu.FRANCE–P.9

ACorbeil, lesjuges traquentl’achatdevoixUnnouveautémoi-gnageaccréditel’existenced’unsystèmedetrucageduvotedanslavilledeSergeDassault.MamadouK.ditavoirdistribué100000euros.FRANCE–P.11

ÉDITORIAL

TunisieLesislamistesprêtsàquitterlepouvoir

AUJOURD’HUI

FRANCE

Lampedusa,ou la failliteduchacunpour soi

L’ESPOIR RETROUVÉ DES JEUNES EN EMPLOI D’AVENIRtL’objectifde 100000contratsen2013devrait être atteint. Témoignages LIREPAGE 10

UKprice£1,80

LE REGARD DE PLANTU

HadidjaHamada,25 ans, travaille dansune épicerie socialeà la résidence universitaireJean-Zay d’Antony.LUCILE CHOMBART DE LAUWE /LE BAR FLORÉAL

POUR «LE MONDE»

tLeparti Ennahda s’est engagé, samedi5octobre, à se retirerdupouvoir avantla findumoisd’octobre età céder laplaceàun«gouvernementd’indépendants»

t «C’estunegrandeconcession faitedansl’intérêtdupays»,aaffirmélevice-présidentduparti islamiste,qui répondainsià lapremièreexigencede l’opposition

tDeuxansaprès le succès électoraldes islamistes, Ennahdapose cependantdes conditionsqui font l’objet de tractationsLIRE PAGES3

Algérie 150 DA,Allemagne 2,20 ¤,Andorre 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,80 ¤,Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 28 KRD, Espagne 2,20 ¤, Finlande 3,50 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,20 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,00 ¤,Guyane 2,40 ¤, Hongrie 850 HUF, Irlande 2,20 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,80 ¤,Malte 2,50 ¤,Maroc 12 DH,Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,20 ¤, La Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,20 CHF, TOM Avion 400 XPF, Tunisie 2,20 DT, Turquie 7,00 TL,USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA,

Page 2: Le Monde - 8 Octobre 2013

international

C apturé à l’aube, samedi5octobre, dans une banlieuede Tripoli, AbouAnasAl-Libi

serait désormais détenu «dans unlieu sûr, à l’extérieur de la Libye»,selon un responsable du Pentago-ne qui s’exprimait dimanche aulendemain d’un raid lancé par lesNavy Seals, à la fois en Libye et enSomalie, contre des figures djiha-distes. AbouAnas, de sonvrai nomNazih Abdel Hamed Al-Raghie,était recherché par les Etats-Unispour son rôle supposé dans lesattentats commis, le 7août 1998,contrelesambassadesaméricainesde Nairobi, au Kenya, et de Dares-Salaam,enTanzanie,quiontfaitprès de trois cents victimes et bles-sé desmilliers d’autres personnes.Depuis, le FBI proposait 5millionsde dollars (3,7millions d’euros)pour toute information permet-tantlacapturedudjihadistelibyen.

Cette opération, «approuvéepar le président Obama» selon lePentagone, constitue l’une desplus importantes actions menéescontre Al-Qaida par les forces spé-ciales américaines, depuis l’élimi-nation de leur chef, Oussama BenLaden, le 2mai 2011 à Abbottabad,au Pakistan, et celle d’un autreLibyen, Abou Yahya Al-Libi, tuépar un drone en juin2012 dans leszones tribales pakistanaises.Jamais, jusqu’ici, elles n’avaientcependant eu lieu sur le territoirelibyen.

AbouAnas,49ans,mariéetpèredequatreenfants,étaitrevenuàTri-poli, sa villenatale, en2011, après lesoulèvementquiaconduitàlachu-te de Mouammar Kadhafi, et celaétait connu par beaucoup dans lacapitale libyenne, où sa famillel’avait précédé d’un an. Les autori-tés de Tripoli ont affirmé ne pasavoir été informées de l’opérationaméricaine, mais ces propos ontétémis en doute par le fils d’AbouAnas, Abdallah Al-Raghie, 20 ans.«CeuxquiontenlevémonpèresontdesLibyens,a-t-ilaffirmédimanchedevant la presse sur le pas de lademeure familiale.Leur apparenceest celle de Libyens et ils parlent ledialecte libyen.» Le commando,a-t-il ajouté, était armé de «pisto-lets équipés de silencieux; certainsétaient cagoulés, d’autresnon».

Jeune, AbouAnas avait quitté laLibye et ses études d’ingénieur eninformatique à la toute fin desannées 1980 pour se rendre enAfghanistan après un détour parl’Arabie saoudite, suivant ainsi la

voieempruntéepardesdizainesdeLibyens partis rejoindre les campsdjihadistes pour combattre le régi-me afghan procommuniste instal-lé par les Soviétiques. Surplace, il yfera la connaissance d’OussamaBen Laden bien avant que ce der-nier ne crée formellement Al-Qai-da. Peu après, le Libyen, dont l’avisde recherche lancé par le FBI préci-sequ’ilporteune largecicatricesurle côté gauche du visage, suit celuiquis’est imposécommele chefdesArabes-Afghans au Soudan, lors-que ce pays devient, au début desannées 1990, la nouvelle base deprédilectiondesdjihadistes.

Autour d’Oussama Ben Laden,quimontedefructueusesentrepri-ses, Saoudiens, Egyptiens, Libyenset Algériens se retrouvent. C’estd’ici, à partir du Soudan, que les

attentats de Nairobi et de Dares-Salaamont été préparés.

Mais Khartoum devient assezvite une place peu sûre pour lesLibyens, du fait des pressions deplus en plus fortes exercées par le

régime du colonel Kadhafi pourque les Soudanais lui livrent sesopposants qui mènent, depuis ceterritoire, des opérations visant àl’éliminer. Le Groupe islamique

des combattants libyens (GICL),dirigéparAbdelhakimBelhadj, s’yest en effet lui aussi installé en1992.Dès lors, BenLadenn’auradecesse de presser ses compagnonslibyens de partir et de quitter sonorganisation. Une poignée d’entreeux décide de rejoindre le GICL,dont Abou Anas, qui deviendral’unde sesmembresactifs.

Le « transfert» d’Al-Qaida auGICL–etnon l’inverse–est envoyéàLondresrejoindrelabasedugrou-pe libyen, chargénotammentde lacommunication. Il est cependantconvoqué à plusieurs reprises parles services de renseignement bri-tanniques qui le soupçonnent trèstôt d’avoir participé aux attentatsde Nairobi et de Dar es-Salaam, aupointdefinirparéveillerlaméfian-ce des dirigeantsduGICL, qui déci-

dent de l’écarter. «Nous nousétions demandé pourquoi les Bri-tanniques s’intéressaient tellementà lui, nous confiait enmai l’ancienémir du GICL, Abdelhakim Belha-dj. Un Marocain avait donné sonnompour le soutien logistiquequ’ilauraitapportédanslesattentatsde1998. Quand on l’a su, on a décidédegeler sonappartenance.»

Al’époque,Londres,oùunepar-tie de ses dirigeants est réfugiée,est uneplace trop importante auxyeux du GICL pour risquer d’atti-rer l’attention. «Nous étions sur-veillés. Nous avons été interrogés àplusieurs reprises par les Britanni-ques», confirmait, dimanche, lefils, Abdallah, devant la presse.

Quittant la Grande-Bretagne,Abou Anas et sa famille étaientrevenus en Afghanistan via l’Iran,

avant de repartir après les atten-tats du 11septembre 2001 en IranvialePakistancettefois.Emprison-nés, puis placés en résidence sur-veillée en Iran, comme cela fut lecas pour d’autres compagnons deBenLaden,AbouAnaset sa familleyresterontseptans, jusqu’àcequela famille soit autorisée à revenirenLibye en 2010.

Sa capture, dans une Libye enproieàdestroubles,et sonpossibletransfertverslesEtats-Unisnesontpassansrisque.L’attentatcontre leconsulataméricain le 11septembre2012, qui a coûté la vie à l’ambassa-deur Christopher Stevens, suivaitdepeulaconfirmation,parAymanAl-Zawahiri, le successeurd’Oussa-ma Ben Laden à la tête d’Al-Qaida,de lamortdeYahyaAl-Libi.p

IsabelleMandraud

Agauche, une photo fournie par le FBI d’Abou Anas Al-Libi. A droite, Abdallah Al-Raghie,son fils, s’adresse à la presse, dimanche 6 octobre àTripoli. Abdallah et un autre filsd’AbouAnasmontrent la voiture d’où leur père a été extrait par les Navy Seals. AFP ET REUTERS

WashingtonCorrespondante

Apeine les raids en Somalie et enLibyeannoncés, les autorités amé-ricaines se sont efforcées de justi-fier leur légalité.«En vertu desautorisationsmilitaires, le départe-mentde la défense amené le5octobreuneopérationpourappréhenderAbouAnasAl-Libi,membred’Al-Qaidade longuedate, a fait savoir le porte-paroleduPentagone,George Little. Il estactuellementdétenu légalement,conformémentaudroit de laguerre, dans un endroit sûr, horsde la Libye.»

L’opérationcontreAl-Chabab–apparemmentmoins réussie – afait l’objet debeaucoupmoinsdecommentairesofficiels.Mais, toutcomme l’enlèvementdumilitantlibyen, elle a été justifiéeparl’«autorisationd’utiliser la forcemilitaire» (autorisation for use ofmilitary force,AUMF), adoptéeparle Congrès le 18septembre 2001,une semaineaprès les attentatscontre leWorldTradeCenter et lePentagone.

Depuisplus de dix ans, ce texteautorise le président à recourir«àtoute la force nécessaire et appro-priée contre les nations, organisa-tions et personnesqui ont planifié,

autorisé, commisouaidé les atta-ques terroristes du 11septembre2001ouont abrité de telles person-nes ouorganisations, en vuedeprévenir tous actes futurs de terro-risme international contre lesEtats-Unispar ces nations, organi-sationsoupersonnes».

Lesmilitants antiguerre esti-ment que cette résolution, adop-tée dans la ferveurnationalepost-11-Septembre, est en fait un«chèque en blanc donnéauprési-dent pour faire la guerre quand ilveut où il veut», selon l’expres-sionde la représentantedémocra-te de CalifornieBarbara Lee, qui adéposéen juinunprojet de loipour révoquer l’AUMFen 2015,après le départ des troupes améri-cainesd’Afghanistan.

GendarmedumondeL’AUMFa été invoquéepour

justifierdesmissions aussivariéesque l’ouvertureparGeor-geW.Bushdu centrede détentiondeGuantanamoen janvier2002,le recours auxdrones approuvéparBarackObamaet l’assassinatciblé de citoyens américains àl’étranger.Dans sondiscours demai devant l’université de ladéfensenationale, àWashington,le président démocrate l’a lui-mêmereconnu: lemandatde

l’AUMFest trop vaste et la loidevrait être améliorée, voire toutsimplementabrogée.

Moinsde sixmois après ce dis-cours, les NavySeals se sont saisisd’AbouAnasAl-Libi, ce que Tripo-li a condamnécommeun «enlève-ment»méritant explicationsdelapart deWashington. Leminis-tre américainde la défense,ChuckHagel, a rappelé les char-ges qui pèsent sur lui : accusé parune cour fédérale américained’avoir jouéun rôle crucial dansles attentats contre les ambassa-des américainesdeDar es-SalaametNairobi en 1998, désigné com-me terroriste international pardécret présidentiel et figurant surla liste de l’ONUdesmembresd’Al-Qaida faisant l’objet de sanc-tions.Depuis Bali, où il remplaceBarackObamaau sommetannuelde l’Asia-Pacific Economic Coope-ration (APEC), le secrétaire d’EtatJohnKerry a lui aussi insisté surla légalité de la capture au regardde la loi américaine.

Les autorités américainesesti-ment que l’AUMFs’applique,AbouAnasAl-Libi étant considérécomme l’artisande «la résurgen-ce de la branchenord-africained’Al-Qaida». Elles affirment aussique le FBI avait autoritépour lecapturer, du fait qu’il avait été

inculpéparune cour américaine.Cette autorité suppose cependantque les autorités libyennesaientété averties aupréalable, aux finsde coopérer. La réactiondugou-vernementde Tripoli laisse à pen-ser qu’il n’a pas été avisé.

Le Pentagonen’apas révélé oùavait été transféré le détenulibyen.Du tempsoù laCIA avaitdesprisons secrètes, c’est làqu’était conduit ce genre de déte-nu «àhaute valeur» selon lanomenclatureofficielle, avantd’échouerà «Gitmo». Cette fois,le détenu est auxmainsde l’ar-mée. «Je suis content qu’Al-Libi aitété interpellé, a dit l’ex-colonel deGuantanamoMorrisDavis.Maisjem’inquiète duprécédent quenous créons. Il semble que lesrègles sont celles que nousnousappliquons.»

Dans sondiscours à l’ONUmi-septembre,BarackObamaaffirmait que les Etats-Unisn’avaientaucunement la vocationd’être le gendarmedumonde. Ste-phenWalt, professeuràHarvard,s’étonnede la contradiction: «LesEtats-Unis envoientdesNavySealspour capturer les “méchants” enSomalie et en Libye. Et pourtantnousaffirmonsquenousne som-mespas les policiers dumonde!»p

Corine Lesnes

Lacaptured’AbouAnasenLibye

etsonpossibletransfertversles

Etats-Unisnesontpassansrisque

Unefigured’Al-QaidacapturéeparlesAméricainsUncommandos’estemparé, samediàTripoli,d’AbouAnasAl-Libi.C’est lapremièreopérationdecetypeenLibye

Desraidsconformesàlaloiaméricaine,selonWashington EnSomalie, lesNavySealsontcibléAl-Chabab

DEUXSEMAINESaprès l’attaquecontre le centre commercialWest-gatedeNairobi, qui a fait aumoins67morts, les forces spécia-les américaines ont lancé samedi5octobre unassaut sur la villecôtièredeBaraawe, à 180kilomè-tres au suddeMogadiscio, contrelemouvement islamisteAl-Cha-bab. L’opération commandomenéepar lesNavy Seals auraitvisé, selondes responsables améri-cains cités par l’agenceReuters,unKényand’origine somalienne,connusous lenomd’Ikrima.Aprèsplusd’uneheured’intensescombats, selondes témoins, lessoldats américains ontdû se reti-rer sans avoir capturé ce chefmili-taire d’Al-Chababet sans avoir puconfirmer samort éventuelle.

Aussitôt après cette opérationmilitaire, la plus importantemenéepar les Etats-Unis sur le solsomaliendepuisque des forcesspéciales ont tué, il y a quatre ans,le chef islamiste SalehAliNabhan,leporte-paroled’Al-Chabab,Abdu-lazizAbouMoussab, a assuréqueses combattantsont fait de«nom-breuses victimes»parmi les forcesétrangères, et fait état d’unmortdans les rangsdumouvement isla-

miste. Il a par ailleurs accusé laGrande-Bretagneet la Turquied’être impliquées dans l’attaque,ce que Londres et Ankaraont fer-mementdémenti.

On ignore si Ikrima, de sonvrainomAbdikadarMohamedAbdika-dar, a jouéun rôle dans l’attaqueperpétrée contre le centre com-mercialWestgatedeNairobi. Enrevanche, le nomde la cible desNavySeals a été cité dansunesérie d’attentatsmenés sur le solkényan. Toutd’abord, celui contrel’ambassadeaméricaineàNairobien 1998, puis ceuxmenésquatreansplus tard àMombasa contreunhôtel et un avion israéliens.

Ces deuxdernières années,Al-Chababa subi d’importantsreversmilitaires, infligéspar lessoldatsougandais, burundais etkényansdéployésdans le cadredel’Amisom,ainsi que par l’arméeéthiopienne,mais les insurgésislamistes affiliés à Al-Qaida sonttoujoursprésents dans le suddela Somalie. Un territoire qui leursert autant pour déstabiliser lesfragiles autorités deMogadiscioquepourpréparerdes opérationsterroristes à l’étranger.p

Cyril Bensimon

2 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 3: Le Monde - 8 Octobre 2013

international& europe

«On ne peut pas se laver. Comment faire pour que les enfants ne tombent pas malades?»Marcella, demandeuse d’asile et mère de trois enfants

Deux fois par semaine, le bus de Médecins du Monde stationne sur la place Carnot. L’équipe bénévoley rencontre de plus en plus de familles contraintes de vivre dans la rue avec des enfants en bas âge.

LYON, 20 juiN 2013

tousmedecinsdumonde.org

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Médecins du Monde,médecins de tout le monde

Deux ans d’enlisement

201114janvier : chute de l’ancien régi-me aupouvoir depuis vingt-troisans et fuite deZine El-AbidineBenAli enArabie saoudite.17-27 février : premier gouverne-ment de transition piloté par l’an-cienpremierministre deBenAli,MohamedGhannouchi.27février-23octobre: deuxièmegouvernement transitoire dirigéparBéji Caïd Essebsi23octobre: premières électionslibres. Le parti islamiste Ennahdaarrive en têtemais doit trouverune coalition avec deux partis degauche, le CPRet Ettakatol.22novembre: première séancede l’Assemblée nationale consti-tuante tunisienne.

20136février : assassinat de l’oppo-sant de gaucheChokri Belaïd.13mars : démission du gouverne-ment deHamadi Jebali issu desélections d’octobre2011.25juillet : assassinat du députéd’oppositionMohamedBrahmi.6août : le président de l’Assem-blée,MoustaphaBen Jaafar,annonce la suspensionde ses tra-vaux après le retrait de plusieursdéputés d’opposition.

Lampedusa (Italie)Envoyée spéciale

T oute la journée, les vedettesdes secours ont déposé lescorps sur le quai du port. De

grands sacs noirs, terriblementreconnaissables,quedesmilitairestransportentensilencedubateauàuncamiongaréàquelquesmètres.Ils seront ensuite emportés pourtenterde les identifier.

Quatre jours après le naufraged’un bateau de clandestins afri-cains à proximité de ses côtes, l’îleitalienne de Lampedusa n’en finitpas de compter sesmorts. Diman-che 6octobre dans la matinée, lesplongeurs avaient pu reprendreleurtravailderecherche,interrom-pupardeuxjoursdemeragitée.Enfin de journée, 83dépouilles sup-plémentaires avaient été remon-tées de l’épave, qui gît à 47mètresde profondeur. Elles portent à194morts le bilan toujours provi-soire de la catastrophe. Le bilanfinal pourrait aller jusqu’à360morts.

Confrontés au drame le plusmeurtrier de leur histoire, Lampe-dusaet ses6000habitants tententdefaireface.Maisl’atmosphèreres-te lourde sur la petite île. Samedi,les autorités ont ouvert le hangar,près de l’aéroport, où se trouventles111corpsrepêchéslejourdunau-frage. Trois interminables rangéesde cercueils, dont ceux de quatreenfants, devant lesquels les resca-pésetlespersonnesayantparticipéausauvetageontpuse recueillir.

Endéplacementsur l’îlediman-che, Cécile Kyenge, laministre ita-lienne de l’intégration, a lancé unappel pour qu’il n’y ait « plusjamais de telles tragédies». Savenuefaisaitsuiteàcelleduminis-tre de l’intérieur, AngelinoAlfano,et de la présidente de la Chambredes députés, Laura Boldrini. L’ur-genceiciduredepuisdixans,arap-peléCécileKyenge.Car, au-delàdudernier naufrage, Lampedusa sedébatavecsapositiondepremièreterre européenne à proximité ducontinentafricain.

Lecentred’accueildesmigrantsest plein à craquer. La surpopula-tion existait déjà avant que les154rescapés du dernier naufragene s’y ajoutent. Prévue pour loger250personnes, l’institution encompteaujourd’huiplusde 1000.Situéeà quelquesminutesdu cen-tre-ville, elle ne suffit plus àaccueillirdécemmentlesréfugiés.

Tout autour des bâtiments,Syriens, Erythréens, Somaliens– les trois nationalités les plusreprésentées – sont installés surdesmatelasàmêmelesol.Lesvête-ments sèchent sur le grillage. «Onest arrivé de Libye il y a cinq jours,on dort dehors, sous cet arbre»,raconte à travers le grillage Onba-la,un jeuneSyrien,originairede labanlieuedeDamas.

«Des conditions inaccepta-bles», confirme Barbara Molina-rio, du Haut-Commissariat desNations unies pour les réfugiés,l’une des organisations qui gèrentle centre. «Nous n’avons pas dequoi fournir une couverture à des

gensqui ont fui la guerre, les persé-cutions, ajoute-t-elle.Nousdeman-dons deux choses au gouverne-mentitalien: laconstructiondepla-ces supplémentaires dans le centreet l’accélération des transferts desmigrants vers le reste du pays. »Cécile Kyenge a annoncé que lescapacités d’accueil passeraient de8000à24000placesdans lescen-tresde la Péninsule.

«Onnepeut pas faire face»Pour leshabitantsdeLampedu-

sa, il est difficiledenepas se sentirsubmergé par ces difficultés.«Notre île vit de la pêche et du tou-risme, de rien d’autre. On ne peutpasfairefaceàtoutça», confieGiu-seppe Albero, un pêcheur à laretraite qui, comme beaucoup ici,oscille entre élan de solidarité etsentimentd’êtrebienseulàporterun lourd fardeau.

Le drame soulève de nombreu-ses questions sur la législation ita-lienne en matière d’immigration.La loi Bossi-Fini de 2002, adoptée

sous le gouvernement de SilvioBerlusconi, les mesures restricti-ves de 2009 qui ont créé un délitde clandestinité pour les person-nessetrouvantsur leterritoire ita-lien sans autorisation, sont deplus en plus critiquées. «Nousdevons réformer la loi Bossi-Fini»,a affirmé Cécile Kyenge lors de savisite. La ministre a annoncé quele sujet serait discuté au niveauinterministériel dans les pro-chains jours.

Responsables italiens et habi-tants regardent aussi vers Bruxel-les,estimantinjustequeLampedu-sa, porte de l’Europe, soit considé-rée commeune questionnationa-le.PourGiusiNicolini, lamaireéco-logiste de Lampedusa, le débatdépasse celui des moyens. A sesyeux,il suffitdevenirsur l’îlepours’apercevoirdel’absurditédespoli-tiques européennes. «Tous cesmorts sont le fruit despolitiquesdefermeturede l’Europeà ses frontiè-res», estime-t-elle.p

CharlotteBozonnet

AprèsledramedeLampedusa,habitantsetgouvernementenappellentàl’EuropeQuatre joursaprès lenaufraged’unbateaudeclandestins, les secours continuentderemonterdescorps

U ne partie des dirigeantsd’Ennahda, le parti islamis-te arrivé au pouvoir depuis

deux ans en Tunisie, juge lemoment venu de quitter un gou-vernement paralysé qu’il necontrôle plus. Une autre partie deses responsables tente encore degagner du temps. Sous l’œil descaméras, samedi 5octobre, RachedGhannouchi, président d’Enna-hda,aengagésonparti,issudesFrè-res musulmans, sur la voie dudépart en signant une «feuille deroute» de sortie de crise qui pré-voit, dansundélai de «trois semai-nes», le remplacement de l’actuelgouvernement par des indépen-dants.

Vingt et un partis tunisiens ontparaphélemêmedocument,à l’ex-ceptiondetroisd’entreeux,dont leCongrès pour la République (CPR)du président Moncef Marzouki,lors d’une séance inaugurale du«dialogue national». Initiée parquatreorganisations,l’Uniongéné-rale tunisienne du travail (UGTT,syndicat), l’Union tunisienne del’industrie,ducommerceetdel’arti-sanat (Utica, patronat), l’Ordrenational des avocats de Tunisie(ONAT) et la Ligue tunisienne desdroits de l’homme (LTDH), l’idéed’un dialogue avait été lancée parcequartetaprèsundeuxièmeassas-sinat politique en Tunisie, celui dudéputé de l’opposition MohamedBrahmi, le 25juillet, qui avait plon-gé lepaysdansuneprofondecrise.

Depuis, les négociations ont étélaborieuses.Commencéeavectroisheures de retard, en raison d’ulti-mes tractations dans les coulisses,la cérémonie de samedi a certesabouti à un accord de principe,mais assorti de conditions qui res-tent à remplir. Ainsi, l’actuel gou-vernement ne cédera sa placequ’avec l’adoption, «obligatoire-ment» – l’adverbe a été ajouté auderniermoment–dansundélaidequatre semaines, de la nouvelleConstitution tunisienne promisedepuisdeuxans.

Peu avant les élections du23octobre 2011 qui ont porté aupouvoir la troïka, une coalitionentre Ennahda et deux partis degauche, le CPR et Ettakatol, toutesles formationspolitiques tunisien-nes, à l’exception encore une foisduCPR, s’étaientdéjà engagéesparécrit à nepasdépasser le délai d’unan. Après cela, la transition démo-cratiquen’a cessédes’enliser.

Cette fois, le compte à rebours

indiqué sur la «feuille de route»,pour l’achèvement des travaux del’Assemblée nationale constituan-te (ANC) comme pour le change-ment de l’équipe gouvernementa-le, semettraenmarche«àcompterde la date de la première séance dudialoguenational»…quin’apasétéfixée. Jusqu’ici, aprévenuAbdelha-midJelassi,l’undesdirigeantsd’En-nahda, ilnes’agissaitquede«séan-cespréliminaires».

Bien des étapes restent à fran-chir, dont la délicate élaborationd’un code électoral dans la fouléede laConstitutionet lamiseenpla-ced’unenouvellecommissionélec-torale indépendante, nécessairespour organiser de futures élec-tions. Les délais fixés, une à deuxsemaines sur ces deux dernierssujets sensibles, paraissent biencourts.«Onnepeutplusrestercom-me ça, il faut un agenda», plaideWided Bouchamaoui, présidentedel’Utica,dont laparticipationaux

affaires politiques constitue unepremière. «La situation économi-que catastrophique nécessite unesolutionpolitique»,poursuit-elle. Ilfaudrasurtoutquelespartissemet-tent d’accord entre eux pour dési-gner un futur chef de gouverne-ment non issu des urnes. Autregageure.

Les débats sont vifs à l’intérieurd’Ennahda,partagéentrepartisansd’un réalisme politique et défen-seurs de la légitimité électorale.Marquépar l’évictionsanglantedupouvoir des Frèresmusulmans enEgypte, Rached Ghannouchi privi-légie aujourd’hui toute forme deconcessions au risque de devenirminoritairedans sonparti.

Dans un communiqué publiédimanche 6avril, le conseil politi-qued’Ennahdaapprouveleproces-sus mais insiste sur « la continua-tion de l’actuel gouvernement jus-qu’à l’achèvement des travaux del’Assemblée constituante», nonsansrappeler,aupassage,sasolida-rité avec le peuple égyptien qui«s’efforce de retrouversa révolu-tiondu25janvier»etaveclepeuplesyrien. Evoquéedès l’assassinat dupremieropposant,ChokriBelaïd, le6février, l’hypothèse d’un gouver-nement de technocrates, pourtantmise en avant par Hamadi Jebali,alors chef du gouvernement etsecrétairegénéral d’Ennahda, avaitété repoussée. Démissionnaire,M.Jebali avait été remplacé par AliLarayedh, issu du même parti,moyennantquelquesportefeuillescédés à des indépendants. Cela n’apassuffi.

Mis en échec sur sa gouvernan-ce, Ennahda ne veut pas abandon-ner la partie les mains vides, sansConstitution, sur un bilan désas-treux. La voie est d’autant plusétroitequeles islamistesobserventavecunecrispationgrandissanteleretour sur la scène publique d’an-ciens partisans de l’ex-dictateurZine El-AbidineBenAli. Dernier endate : l’arrivée dans Nida Tounès,un parti d’opposition dirigé parl’ancienpremierministreBéji CaïdEssebsi qui engrange des rallie-ments de tous bords, deMohamedGhariani.

Accusé de malversations finan-cières, le dernier secrétaire généraldu Rassemblement constitution-neldémocratique (RCD), le parti aupouvoir pendant les années BenAli, avait été remis en liberté enjuillet.p

IsabelleMandraud

Le centre d’accueil desmigrants de Lampedusa, dimanche 6octobre. OLIVIER JOBARD/MYOP POUR «LE MONDE»

Lesdébatssontvifs,auseind’Ennahda,entrepartisansd’unréalismepolitiqueetdéfenseursde

lalégitimitéélectorale

EnTunisie, lesislamistespromettentdequitterlepouvoirEnnahdasigneunefeuillederouteprévoyantla formationd’unnouveaugouvernement

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Page 4: Le Monde - 8 Octobre 2013

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LeCaireCorrespondance

I lestminuitplaceTahrir.Lecou-vre-feu sonne la fin des festivi-tés. Les vendeurs ambulants

repartentlesbraschargésdecame-lote aux couleurs nationales. Lesderniersspectateurs rentrentchezeux satisfaits des célébrations dece quarantième anniversaire de lavictoire du 6octobre 1973, seulebataille remportée par l’arméeégyptienne contre Israël, devenuejourdefêtenationaleetdateincon-tournabledesmanuels d’histoire.

«D’ordinaire, je regarde le défiléà lamaison.Mais cette année, c’estspécial. Jevienspoursoutenirnotrearmée, qui est descendue le 30juinau côté du peuple contre les Frèresmusulmans», précise AhmedRabia,ingénieur,habitantunquar-tier populaire du nord duCaire. Asescôtés, sa fillearboreunmasquereprésentant le général Abdel Fat-tah Al-Sissi,ministre de la défenseet chef d’état-major. «Il nous fautunchefcharismatiquepourcondui-re lepays», s’enthousiasmelepèrede famille.

Homme fort du pays depuis ladestitution, le 3 juillet, de Moha-medMorsi, président issu des Frè-res musulmans, le général Sissis’adresseà la nationdepuisun sta-de militaire en périphérie de lacapitale. Entouré du président dela République par intérim et defigures de l’ancien régime d’HosniMoubarak, lehaut gradésalue l’ac-tion de la police et de l’armée, quitravaillent «d’une seule main»avec le peuplepour concrétiser lesdemandesde la révolution.

Des affrontements meurtriersquiontendeuillé la journée iln’estnullement faitmention. Pourtant,quandlespilotesdel’arméedel’airmanœuvrent dans le ciel, laissantderrière euxune traînéede fuméerouge en forme de cœur sous lesapplaudissements de milliersd’Egyptiens descendus placeTahrir, d’autresmilitaires, épauléspar lapolice,empêchentdesmani-festants d’accéder à la place avantde les réprimer dans un bain desang. Venus à l’appel de l’Alliancecontre le coupd’Etat,unecoalitiondirigée par les Frères musulmans,

ils sontplusieursmilliersàconver-gerverscelieuemblématiquedelarévolution. Certains appellent auretour du président déchu Moha-medMorsi.Tousexigent le respectde la légitimitédesurnes.

«Mêmeen tantqu’opposante, jeveuxfaire entendremavoix. Lavic-toiredu6octobreappartientà tous

les Egyptiens. C’est la victoire denotre armée contre l’ennemi com-mun, Israël», souligneHanna Ibra-him,32ans,ingénieureeninforma-tique,membrede la coalition anti-coup. «Ce n’est pas le rôle de l’ar-méede lutter contre les citoyensquidemandent pacifiquement leursdroits. Elle doit retourner protégerles frontières», ajoute-t-elle. «J’aiservi dans l’armée,mes enfants ontservi dans l’armée, mes petits-

enfants serviront dans l’armée.Pourquoi n’aurais-je pas le droit decélébrer le 6-Octobre? Pourquoi nepourrais-je pas aller place Tahrir?Parceque j’ai votéMorsi?», s’insur-ge Ibrahim Saïd en vidant lespoches de sa djellaba pour mon-trer qu’il ne porte pas d’armes,contrairement à ce que répètentdepuis quelques jours les médiasd’Etat, qui accusent Frères musul-mans, supporters de football etmilitants révolutionnaires de vio-lences.

Les premiers affrontementséclatent en fin d’après-midi. Dansle quartier de Dokki, à quelquescentaines de mètres de la placeTahrir, les forcesde sécurité visentles manifestants à coup de gazlacrymogèneetde tirsdechevroti-ne.Desrafalesdetirssefontenten-dre. Les habitants du quartier serangent du côté des policiers et del’arméeets’enprennentauxmani-festants. Une clinique privée refu-sed’accueillir lesblessésanti-coupd’Etat.Unepoignéedejournalistesse voient confisquer leur télépho-neportableet leurcaméra.Lefrontsedisloqueet les affrontements sepoursuivent jusque tard dans la

nuit dans les rues adjacentes. Leministèredelasantéavancelechif-fre de 45 morts dans la capitale,cinq dans le reste du pays, et deplus de 240 blessés. Parmi eux nefigure aucun policier. Il s’agit dubilanlepluslourddepuislarépres-sionmeurtrière des Frèresmusul-mans par les forces de sécurité le14août, lors de la dispersion desrassemblements de protestationauCaire. Plusde400manifestantsont également été arrêtés, selon leministèrede l’intérieur.

Depuis la place Tahrir, on n’arienvude tout cela. C’est àpeine sil’on sent les relents des gaz. L’ar-mée a fait de l’endroit une placeforte, entouréede fils de fer barbe-lés et de chars, où l’on ne pénètredésormais qu’en passant sous desdétecteurs de métaux. Gamal tra-verse l’esplanade, seul, au milieudes familles enjouées. Lunettes desoleil sur la tête, il presse le pas.«Regardez ces soldats et ces poli-ciers partout. Les gens s’imaginentque Tahrir est la place de la révolu-tion. Ilssontmanipulés.C’est lapla-ce du coup d’Etat. Les générauxnous l’ont volée.» p

MarionGuénard

DelaplaceTahrir,onn’arienvu.L’arméeafaitdel’endroituneplaceforte,

entouréedefilsdeferbarbelésetdechars

Des soldats de l’armée égyptienne aux abords de la place Tahrir, auCaire, le 6octobre. KHALIL HAMRA/AP

AuCaire,affrontementsmeurtriersentrefrèresmusulmansetanti-MorsiAumoins50personnessontmortesenmargedu40eanniversairedelavictoirede1973contreIsraël

IRLANDE

Legouvernementaffaibliparle«non»àlasuppressionduSénatDUBLIN.«Défaite humiliante», «Perte d’autorité» : la presseirlandaise était sévère, lundi 7octobre, à l’égarddu chef dugou-vernementde coalition, EndaKenny, au lendemaindu«non»des Irlandais à l’abolitionde la Chambrehaute.Une réformequelepremierministre défendaitnotammentpar souci d’écono-mies.M.Kennya lui-mêmequalifié cet échec de «gifle».La déconvenue, qui a avivédes dissensions au seinde sonparti,le FineGael (centredroit), est particulièrement inopportuneàunedizainede jours du vote, le 15octobre, d’unnouveaubudgetd’austérité. L’Irlande, au borddugouffre après l’explosiond’unebulle immobilière et le naufragede ses banques, a été contrainte,fin 2010, d’appeler à l’aide ses partenaires européens et le Fondsmonétaire international. Le pays, sorti depuis de la récession,veutquitter d’ici à la fin de l’année cepland’aide. – (AFP.)p

YémenEnlèvement d’un employé de l’UnicefSANAA.Un employéduFonds desNationsunies pour l’enfance(Unicef), originairede Sierra Leone, a été enlevé, dimanche6octo-bre, par des hommes armésà l’entréenordde Sanaa, a indiquéune sourcediplomatiqueoccidentale. Selon cette source, il a étécapturépar des hommesarmésqui ont intercepté sa voiture àun carrefour. Les ravisseursontmenacé son chauffeuryéménite,puis l’ont laissé partir et ont emmené leur victime.Cet enlèvementest intervenualors qu’ungardedu corpsde l’am-bassadriced’Allemagnea été tuédans la capitale yéménite.«Ilsemble qu’il ait été tué en résistantàune tentatived’enlève-ment», a déclaré à l’AFPun responsable duministèredes affairesétrangèresyéménite. – (AFP.)

Chine Le typhon Fitow frappe violemmentla côte orientale de la ChineSHANGHAÏ. Le typhonFitowa frappé, lundi 7octobre, les provin-ces très peuplées duZhejiang et du Fujian, avecdes ventsdépas-sant 200km/h.Aumoinsdeuxpersonnesont été tuées dans laville deWenzhou, oùplus de 1200maisons se sont effondrées.Dans la provincede Zhejiang, au sudde Shanghaï, des zonesontreçuprès de 29cmdeprécipitations endix-septheures. – (AFP.)

LakhdarBrahimi:«EnSyrie,lechimique,c’estterminé»PARIS. Alors que les expertsde l’Organisationpour l’interdictiondes armes chimiques (OIAC)ont supervisé, dimanche6octobre,la premièredestructiond’équipements (têtes demissile, bombesetmatériel de fabrication) de l’arsenal chimiquesyrien, l’envoyéspécial desNationsunies et de la Ligue arabe, LakhdarBrahimi,s’est dit confiant dans le désarmement chimiquedeDamas, lorsde l’émission «Internationales», sur TV5Monde, enpartenariatavec LeMonde et RFI.«La Syrie, qui refusait d’admettrequ’elle avait des armes chimi-ques, a transmis la liste de tout ce qu’elle possédait auxNationsunies et elle est en train dediscuter pour envisager leur destruc-tion…C’est très lent,mais ça va se faire», a affirméM.Brahimi.Interrogé sur la tenue, ennovembre, de la conférencedepaixdite deGenève 2, le diplomate aprécisé: «Cen’est pasune certitu-de. J’essaye d’inviter tout lemondeau cours de la deuxièmemoi-tié de novembre…Onvavoir. Je suis réaliste.»SelonM.Brahimi, cette conférence, soutenueparMoscouetWashington, doit se tenir sanspréconditions, notamment sur ledépart duprésident syrien, BacharAl-Assad, ou l’arrêt des com-bats.«M.BacharAl-Assadne peut pas dire qu’il ne vapas négocieravecXouY, et c’est lamêmechosepour l’opposition,aprécisé l’en-voyé spécial desNationsunies et de la Ligue arabe. Les Russesnousdisent queM.Assad est d’accord.»p ChristopheAyad

JérusalemCorrespondant

C ’est une coïncidence avecl’actualité iranienne etnucléaire de ces dernières

semaines si le quarantième anni-versaire de la guerre israélo-arabedu Kippour, déclenchée le 6octo-bre 1973, a été dominé, en Israël,par denouveaux témoignages surun épisode que l’on croyait bienconnu: la tentation des responsa-bles israéliens d’avoir recours àl’optionnucléairepourenrayerunprocessus militaire qui s’enga-geait très mal face à l’offensiveégyptienne dans le Sinaï et à cellede l’armée syrienne sur leGolan.

Même si, à la fin du conflit, lestroupes israéliennes se sont arrê-téesnonloinduCaireetdeDamas,les Israéliens gardent le souvenird’un cuisant échec, celui en pre-mierlieudesservicesderenseigne-mentet, au-delà,de l’aveuglementdesresponsablesmilitairesetpoli-tiquesdel’époquequi,commel’en-semble du pays à la suite de ladébandadedes armées arabes lorsde la guerre des Six-Jours, en 1967,avaient développé un excès deconfiance dans la toute-puissancedeTsahal.

Ce traumatisme est vivace, per-ceptible au travers des analyses etexégèsesquiontétépubliéesàl’oc-casion de cet anniversaire, lequel,parcequ’ilestvécucommel’évoca-tion d’un fiasco, ne donne donclieu à aucune célébration. Quatredécennies plus tard, les Israélienspoursuiventunesorted’introspec-tion nationale sur les raisons quiont failli entraîner leur pays versunedébâclemilitaire.

Israël, puissance nucléaire avé-rée mais non officielle, qui se tar-gue d’avoir favorisé la prise deconscience de la communautéinternationale face à la menacereprésentée par le programmenucléairede l’Iran, a-t-il été à deuxdoigts de déclencher l’apocalypseatomique en octobre1973? Dansundocumentairetélévisé, l’anciensecrétaire d’Etat américain HenryKissinger vient d’apporter des élé-ments inédits à cette controverse.

Les Etats-Unis n’ont disposé àl’époque d’aucune indication per-mettantdesupposerqu’Israëlétaitsur le point d’utiliser son arsenalnucléaire et, si cela avait été le cas,l’administrationNixon «aurait ététrès opposée» à une telle option,a-t-il souligné. Tout porte à croireen effet que la tentation nucléaire

de l’Etat juif aétécirconscriteàunesortedehuisclosauseindugouver-nement que dirigeait alors la pre-mièreministreGoldaMeir. L’Amé-ricain Avner Cohen, auteur delivres sur le programme nucléaireisraélien, vient de rendre public letémoignage d’Arnan Azaryahou,conseillerd’IsraëlGalili, leministrequi était le plus proche allié politi-quedeGoldaMeir (1898-1978).

Vision apocalyptiqueCes révélations affaiblissent

sérieusement la thèse – relayéedepuis plusieurs décennies parnombred’historiens–selonlaquel-leleministredeladéfensedel’épo-que, Moshe Dayan, avait convain-cu le cabinetdeguerredepréparerle pays à utiliser, éventuellement,l’armenucléaire.

Le refus de Moshe Dayan demobiliser les unités de réserve, endépit d’informations concordan-tes sur l’imminence d’une offensi-vearabe,n’est, lui,pascontesté.Pasplusquel’étatprochedelapaniquequia saisi le lendemaincehérosdela guerre des Six-Jours, au fur et àmesure que se multipliaient lesinformationsconfirmantuneffon-drement des lignes de défenseisraéliennes. L’épisode au cours

duquel le ministre de la défensefaitpartàsesgénérauxdesavisionapocalyptique de l’issue du conflitenévoquant«ladestructiondutroi-sième Temple» (l’Etat d’Israël) estconfirmépardemultiplessources.

C’est ce même 7octobre qu’alieu une réunion de crise du cabi-net israélien. AvnerCohen rappor-te que Dayan a convoqué Shalhe-vet Freier, directeurde la Commis-sionisraéliennedel’énergieatomi-que. Leministre de la défense, per-suadé que la survie d’Israël est enjeu, demandeaupremierministrel’autorisation d’engager les prépa-ratifs pour une «démonstration»de la capaciténucléaired’Israël.

Israël Galili et le vice-premierministre Yigal Allon se disentconvaincus qu’Israël l’emporterapar desmoyens conventionnels ets’opposent à la suggestion duministre de la défense. GoldaMeirlesécouteet,serangeantàleuravis,demandeàMosheDayand’oubliersarecommandation.Toutendécla-rantqu’iln’estpasconvaincu,l’inté-ressé fait cette réponse au premierministre: «Bien, si c’est votre déci-sion,jel’accepte.»Lasuite,lacontre-offensive réussie de l’armée israé-lienne,est connue.p

LaurentZecchini

Le40eanniversairedelaguerreduKippouréclairel’épisodedela«tentationnucléaire»d’Israëlen1973Desrévélationsaffaiblissent la thèseselon laquelle l’Etat juif s’apprêtaitàutiliser l’armenucléaire

4 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 5: Le Monde - 8 Octobre 2013

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la restauration

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des Beaux-Arts de Paris

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Page 6: Le Monde - 8 Octobre 2013

international& planète

L eFondsmondialpourlanatu-re (WWF) a déposé plainte,lundi7octobre,contrelacom-

pagnie pétrolière anglaise Socoauprèsdel’Organisationdecoopé-rationetdedéveloppementécono-miques (OCDE) pour «violationdesnormesderesponsabilitésocia-ledes entreprises internationales».«Les activités d’exploration pétro-lière de Soco dans et aux abordsduparc national des Virunga[République démocratique duCongo, RDC] violent les directivesde l’OCDE concernant l’environne-ment et les droits de l’homme»,avance l’ONG. L’OCDE devrait dired’ici à deux mois si la plainte estrecevable.

C’estunenouvelleétapedans labataille lancée par WWF pour ten-ter d’empêcher les pétroliersdétenteurs de concessions dans leplus ancien parc national d’Afri-que, classéauPatrimoinemondialde l’Unesco depuis 1979, d’utiliserles permis octroyés par le gouver-nement congolais. Trois groupesétaientconcernésjusqu’àprésent:L’italien ENI, Total et Soco. Lesdeuxpremiersont renoncé. Chris-tophedeMargerie, PDGde l’entre-prise française, a assuré, en mai,qu’aucune exploration n’auraitlieuàl’intérieurdes limitesactuel-les duparc. Reste donc Soco.

L’entreprise, créée en 1997 etqui opère en Angola et au Viet-nam, est restée sourde pour lemoment aux avertissements del’Unesco et du gouvernement bri-tannique. Tout comme le gouver-nement congolais, qui a reçu desmises en garde de ses bailleurs, àcommencerpar lepremierd’entreeux, l’Unioneuropéenne. La filialecongolaise de Soco – domiciliéeaux îles Caïmans – détient depuis2007 une concession dénommée«bloc 5»de 7500km2dontplusdelamoitié se trouveà l’intérieurdesVirunga.

En octobre2011, alors que lamobilisation internationale était

déjà lancée,elleaétéautorisée,pardécret duministère de l’énergie, àexplorer«àdes fins scientifiques»,seulmotifprévuparlaloicongolai-se sur la protection de la nature,pour déroger à l’interdiction depénétrer dans une aire protégée.Mais Soco continue de violer lestraités internationaux auxquels asouscrit la RDC en sollicitant l’ins-criptiondesVirungaauPatrimoine

mondial.Lesite,oùviventunquartdes derniers gorilles demontagne,a été classéendangeren2008.

En portant l’affaire devantl’OCDE, le Fonds mondial pour lanature est conscient de s’aventu-rer sur un terrain juridiquementfaible.Les lignesdirectricesde l’or-ganisation internationale ne sontpas contraignantes et les entrepri-ses qui ne les respectent pas n’en-courent aucune sanction. Si cen’est de ternir leur réputation.«Nous voulons attirer l’attentionsur cette société et convaincre ceuxqui détiennent des actions ou vou-draient en acheter d’y renoncer»,explique Jean-BaptisteRoelens, deWWF France. Dans sa procédure,l’ONGdemande à l’OCDE de facili-ter un «dialogue amiable» pouramener l’entreprise à modifierson comportement.

La plainte, rédigée sur 34 pages,liste une série d’entorses auxprin-cipes auxquels sont tenues de seconformer les multinationalesd’un paysmembre de l’OCDE. Par-mi elles, selon le WWF, l’absenced’évaluation de l’impact humainque pourrait avoir une «ruée versl’ornoir»dansunerégionaussiins-table que l’est de la RDC. «Il y a desérieusescraintesquelepétrolen’at-tire encore davantage de groupesarmés et n’alimente les conflits.Socon’apasdémontréqu’elleavaitpriscerisqueencomptecommeelleaurait dû le faire», souligneWWF.

La compagnie aurait aussi failliàsonobligationdefourniruneéva-luation environnementale auxpopulations touchées par le pro-jet. Or, selon le document gardé

confidentiel par l’entreprise etqueWWF produit dans sa plainte,il s’avère que les activités d’explo-ration pourraient avoir desimpactssensiblessurlabiodiversi-té : pertes d’habitats ; risques depollution ; perturbation de lareproduction de la faune aquati-que ; risque de braconnage desemployésdusite…Lebloc 5 traver-

se le lac Edouard sur lequel tra-vaillent environ 27000 pêcheurs.Des tentatives d’intimidation descommunautés locales, dont plu-sieurs se sont regroupées pourdemander au gouvernement demettre fin au projet, ont été rela-tées.

Cette accusation fait écho à l’ar-restation, le 19septembre, d’undes rangers du parc, RodrigueKatemboMugaruka.Aucunechar-ge n’a été encore officiellementretenue contre lui, mais les ONGqui ont pris sa défense pointentl’altercation qu’il aurait eue, deuxjours avant son arrestation, avecdes employés de Soco qui ten-taientd’implanteruneantennedetélécommunicationsansautorisa-tion. L’entreprise nie toute impli-cationdans cette arrestation.p

Laurence Caramel

NewDelhiCorrespondant régional

L e scénario politiquepost-2014 en Afghanistans’est quelque peu éclairci,

dimanche 6octobre, avec la clôtu-re du dépôt de candidatures pourl’élection présidentielle du prin-temps vouée à trouver un succes-seur à Hamid Karzaï, à la tête dupays sans discontinuer depuis lerenversement du régime talibanfin 2001. Cette année électorale àvenir s’annonced’autantplus sen-sible qu’elle marquera la fin duretrait des troupes de l’OTANaprès plus de dix ans d’une guerredontles forcesafghanes–arméeetpolice – prennent la directionpro-gressive face à l’insurrection destalibans. Aujourd’hui s’élevant à87000soldats–dont52000Amé-ricains –, l’effectif des troupesinternationales est censé êtreréduit fin 2014 à un niveau mini-mumqu’il reste à déterminer.

Dans ce contexte d’incertitudesécuritaire, la stabilitéde la sphèrepolitiqueofficielleapparaîtcrucia-le aux yeux de la communautéinternationale, qui continue d’as-surer l’essentiel des financementsdu régime. L’image qui émane dela scène électorale engestation estcelle d’un paysage fracturé, où lesaffiliations politiques formellesont volé en éclatsmais où le soucide compromis interethniquedomine.

Les«tickets»en lice– candidatsà la présidence et aux deux vice-présidences– associent en généraldesreprésentantsdescommunau-tés pachtoune, tadjike, hazara etouzbèke. Plusque jamais, lapoliti-que afghane demeure une affaired’hommes forts, de chefs de clanet d’ex-seigneurs de la guerre,condamnéspour l’instantà scellerdes ententes tactiques – et volati-les – faisant peu de cas des grandsprincipes proclamés. «C’est d’unefluiditéextraordinaire», commen-teundiplomateoccidentalenpos-te à Kaboul. Les grands regroupe-ments partisans qui s’étaientconstitués ces derniersmois danslaperspectivedecetteélectionpré-sidentielle ont tous implosé.

Parmi les vingt-sept candidatsdéclarés, quatre retiennent d’oreset déjà l’attention. Le premier estAbdullah Abdullah, figure de l’op-position à M.Karzaï, qu’il avaitdéjà défié – et mis en ballottage –lorsduprécédent scrutinde 2009.M.Abdullah incarne dans une cer-taine mesure l’héritage de l’ex-«Lion du Panchir», le comman-dantMassoud, chefdeguerrepan-chiri qui avait successivement

résisté aux Soviétiques dans lesannées 1980, puis aux talibansdans les années 1990. Mais leschancesdeM.Abdullahsonthypo-théquées par le fait qu’il n’est pasassociéà lacommunautépachtou-ne–bienqu’ayantuneascendancepachtoune par son père –, handi-cap majeur dans un pays où cegroupe ethnique (entre 39% et42%de lapopulation)seconsidèrecomme le propriétaire historiquede l’Afghanistan, unifié sous sesauspices auXVIIIesiècle.

Aussi la question qui alimenteles spéculations des observateursde la scène afghaneest-elled’iden-tifier « le» Pachtoune susceptibled’avoirétémissurorbiteparlepré-sident Karzaï. Un tel adoubementseraitunatoutdécisifpourcefavo-ri du palais, car il impliquerait lamobilisation de moyens finan-ciers considérables, point capitaldansunpaysdominéparleclienté-lisme.Officiellement,M.Karzaïnesoutient personne et prétend setenir au-dessus de la mêlée. « Ilcherche à apparaître comme lepère de la nation», souligne NajibManalaï, un analyste afghan. Bien

peu croient en la sincérité de saposture, sa préoccupation éviden-te – attestée par ses interventionsen sous-main au fil du dépôt decandidatures – étant de conserverune influence sur son successeur.

Parmi ses trois favoris poten-tiels figurent son ministre desaffaires étrangères, Zalmai Ras-soul,francophoneayantjadismili-tépourleretourenAfghanistandel’ex-roi Zaher Shah (aujourd’huidécédé) lors de son exil à Rome;QayumKarzaï, frère aînéduprési-dent, longtemps chargé descontacts secrets avec les chefs tali-bans par l’intermédiaire de l’Ara-bie saoudite, mais que des ten-sions familiales opposeraient,selon la rumeur, au palais ; enfinAshraf Ghani, anthropologue deformationayant fait carrière com-me économiste à la Banque mon-diale avant d’enseigner dans desuniversités américaines. Ce der-nierprésenteunprofil susceptibled’intéresser Washington. Mais lesAméricainsfont-ilsencorelapoliti-que afghane?p

Frédéric Bobin

WWFcraint«quelepétrolen’attireencore

davantagedegroupesarmésetn’alimente

lesconflits»

LeCongrès équatorien a autori-sé, jeudi 3octobre, des foragespétroliers dans le parc nationalYasuni, en Amazonie.Le président socialiste, RafaelCorrea, avait annoncé en août sadécisionde renoncer à sanctuari-ser cette aire protégée, qui pos-sède une biodiversité remarqua-blemais aussi 20%des réser-ves de pétrole du pays.En 2007, l’Equateur avait lancéune initiative originale en s’enga-geant à ne pas exploiter le sous-sol du parc si la communautéinternationale lui promettait

3,6milliards de dollars (2,65mil-liards d’euros), soit lamoitié desrevenus escomptés du pétrole.Six ans après, seule une infimepartie de cemontant a pu êtrerassemblée.Rafael Correaminimise l’impactdes forages pétroliers sur l’envi-ronnement en assurant qu’ilsn’affecteront que0,01%du bas-sin du Yasuni. Le parc possèdeune superficie de près de10000km2. Les écologistes etles populations indigènes conti-nuent de protester et réclamentun référendum.

Des gardes du parc national des Virunga, en août2009. GAËL TURINE/VU

Officiellement,M.Karzaï–àlatêtedupaysdepuis2001–nesoutientpersonneet

prétendsetenirau-dessusdelamêlée

MoscouCorrespondante

L es trente militants deGreenpeace écroués à Mour-mansk (nord-ouestde la Rus-

sie) pour piraterie risquent quin-zeans deprisonmais, avec unpeude chance, ils verront peut-êtrepasser la flamme olympiquedepuis le soupirail de leur cachot.

Arrivée dimanche 6octobre àMoscou, elle effectuera un par-cours étourdissant à travers les83régionsde la FédérationdeRus-sie avant de gagner la station bal-néaire de Sotchi pour le lance-ment des Jeux olympiques d’Hi-ver 2014. Ce rendez-vous vise àprouver au reste du monde leretour de la Russie sur la scèneinternationale. Portée par14000volontaires, la torche s’ap-prête à parcourir l’immensité rus-

se, 65000kilomètres, de l’Arcti-queaumontElbrouz (Caucase), deMoscou à Novossibirsk, en voitu-re, en train, en avion, en Spoutniket même sur un traîneau tiré pardes rennes.

Embarquée à bordd’un bathys-caphe, elle ira toucher le fond dulac Baïkal en Sibérie pour êtreensuite propulsée dans l’espace,jusqu’à la station spatiale interna-tionale (ISS) où elle fera étape du 7au 11novembre. Après 123 jours devoyage et 2900villes et patelinstraversés, elle terminera sa coursele 7février 2014. «Ce parcours uni-que à travers toutes les régions dupaysmontrera aumonde entier laRussietellequ’elleest, laRussietelleque nous l’aimons», a pompeuse-ment déclaré Poutine en la rece-vant en main propre sur la PlaceRouge,dimanche6octobre.Obnu-bilésparlefeudel’Olympe,lesRus-

ses ne pensaient ce jour-là, ni auxmilitants de Greenpeace empri-sonnésni auxmenacesdesautori-tésnéerlandaisesderecouriràuneprocédured’arbitragepour les fai-re libérer et encoremoins à la sai-sie recordde 19kgdebijoux–dont57000 diamants émeraudes etrubis – chez Svetlana Vassilieva,collaboratrice préférée de l’exministrede ladéfenseAnatoli Ser-dioukov,maintenue depuis un anaux arrêts domiciliaires dans son350 mètres carrés du centre de lacapitale.

Lepaysn’avaitd’yeuxquepourla flamme miraculeuse et lescœurs palpitèrent lorsque la tor-che s’éteignit brusquement, prèsdes murailles du Kremlin, pourêtre ravivée séance tenanteparunmembre du service d’ordre. Lacérémonieétaitsolennelleet théâ-trale à souhait. A peine arrivée sur

letarmacde l’aéroportdeVnouko-vo, la flammefutemmenéeparuncortège31voituresjusqu’aucentrede la capitale, où le maître duKremlin l’attendait entouré dequelques milliers d’invités triéssur le volet. Partout en ville, onaurait dit que l’état d’urgencevenait d’être déclaré, avec 12000policierssurlesdents,desruesblo-quées, des barrières métalliquesdisposées sur tout le trajet.

UneRussie facticeLadélégationofficielle–compo-

sée, entre autres, du vice-Premierministre Dmitri Kozak, du prési-dent du comité organisateur desJeux Dmitri Tchernitchenko et duPrince Albert de Monaco – étaitescorté par 200 motards, avec àleur tête Alexandre Zadolstanov,le chef des «Les loups de la nuit»,dit« lechirurgien».Cebarbuéche-

velé, bon paroissien et ardentpatriote, est le personnage incon-tournable de l’idéologie absolutis-te et messianique mise en avantpar le Kremlin. Familier de Vladi-mirPoutine,«lechirurgien»pous-se régulièrementsaHarley-David-son (l’anti-occidentalismene s’ap-plique pas aux biens de consom-mation) jusqu’àNovo-Ogarievo, larésidence présidentielle près deMoscou, au désespoir, dit-on, desservices de sécurité qui n’aimentpas beaucoup que cet engin rôdedans le parc.

Décoré par M. Poutine enmars2013 de l’ordre du méritepour sa «contribution à l’éduca-tion patriotique», l’homme est detoutes les cérémonies de la Russie«Potemkine», du nom de GrigoriPotemkine, favori de la GrandeCatherine, qui, en 1787, érigea desdécors en carton-pâte pour mas-

quer lamisère ambianteauxyeuxde la Tsarine.

Les Jeux de Sotchi ne sont passans rappeler cette Russie facticeaffichant luxe et beauté côté face,corruption et répression côté pile.Caractérisés par les détourne-ments, les expropriations enmas-seetl’exploitationhonteusedetra-vailleurs immigrés, ces JO serontles plus chers de l’histoire, avec36milliards d’euros dépensés. Enfait d’ouverture aumonde, la Rus-sien’a jamais autant emprisonné:30 militants de Greenpeace, 27manifestants anti-Poutine enattente de jugement et deux jeu-nes femmes du groupe Pussy Riotqui auront peut-être la chanceelles aussi de voir la flamme pas-serdepuis leurs«coloniespéniten-tiaires» de Nijni-Novgorod et deMordovie.p

Marie Jégo

Les forages peuvent commencer àYasuni, en Equateur

PoursauverleparccongolaisdesVirunga,WWFporteplaintecontrelepétrolierSocoLeFondsmondialpour lanatureconsidèreque lacompagniebritanniqueviole lesnormesde l’OCDEenprospectantà l’intérieurdusitenaturel inscrit auPatrimoinemondialde l’Unesco

EnAfghanistan,vingt-septcandidatsenliceafindesuccéderàHamidKarzaï2014seramarquéeparunscrutinprésidentielet la finduretraitdes troupesde l’OTAN

AMoscou,arrivéeàgrandspectaclepourlaflammeolympiquePlusieursmilliersdepersonnesontparticipéàlacérémoniemarquant ledébutd’unpériplede65000kilomètresquis’achèveraàSotchi le7février

Goma

Parc nationaldes Virunga

RÉPUBLIQUEDÉMOCRATIQUE

DU CONGO

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6 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 7: Le Monde - 8 Octobre 2013

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Page 8: Le Monde - 8 Octobre 2013

france

D oux rêveurs », « angéli-ques », « illégitimes »,«droits-de-l’hommistes»…

Qu’ils soient défenseur des droits,contrôleurgénéraldes lieuxdepri-vationdeliberté,responsablesasso-ciatifs, avocats, magistrats, ils ontl’habitude de ces noms d’oiseauxdonton lesaffublepour lesdisqua-lifier d’emblée, eux ou la causepour laquelle ils se battent: la pro-tection de libertés fondamentaleset de droits universels. Autant degaranties indispensables, en parti-culier pour les plus démunis,maisquisontbalayées(avecleursdéfen-seurs)commequantiténégligeablepar gros temps populiste, commeceluiqui frappenotrecontinent.

«Dans cette espèce de maels-tröm, on n’est pas audible», obser-ve Florent Gueguen, directeurgénéral de la Fédérationnationaledes associations d’accueil et deréinsertion sociale (Fnars). «Il estdifficile de sensibiliser les gens, etencoreplusdelesconvaincre»,ren-chérit Patrick Baudouin, avocat etancien président de la Fédérationinternationaledesdroitsdel’hom-me (FIDH), qui évoque un « rou-leau compresseur». «Les gens serecroquevillent. On a un peu l’im-pression d’emmerder le monde»,résume Antoine Grézaud, direc-teur de cabinet du défenseur desdroits,DominiqueBaudis.

L’ampleur de la polémique surles Roms, et la nature des propostenus à ce sujet par Manuel Valls,ont surpris, y compris ceux quicroyaient avoir tout entendu.Jugeant «indignes etmensongers»les propos du ministre de l’inté-rieur, Christine Lazerges, présiden-te de la Commission nationaleconsultative des droits de l’hom-me, observe qu’ils surviennentdans un «inquiétant climat déma-gogique» marqué par «la peur del’autre». Le débat est «centré surdivers exclus qui pollueraient le “vi-vre-ensemble”, détricoteraient lelien social. On laisse entendre queceux qui sont au bord du chemin lesontparleurfaute»,relèvel’ancien-nedéputéesocialiste.

Les uns et les autres ne mesu-rentpasseulementles ingrédientsmais aussi les causes de ce climatsécuritaire. Certaines sont déjàanciennes: ainsi la lutte contre leterrorisme,quipermetde justifier

l’adoptiondemesures répressivesou de mécanismes de surveillan-ce. «Après la chute du Mur de Ber-lin, il y a eu un vrai souffle de liber-té, rappelleMeBaudouin.On avaitle sentiment d’être entendu etd’être au diapason des opinionspubliques. Après les attentats du11-Septembre, s’est produit unretour demanivelle. Un ventmau-vais a commencéde souffler.»

Un vent dont les effets ne sesont pas dissipés. Les révélationssurl’ampleurdel’espionnageélec-troniqueauquels’est livréel’Agen-cenationaledesécurité(NSA)amé-ricaine «n’ont guère suscité de

débat,hormisenAllemagne», relè-ve l’ex-président de la FIDH. «Lecitoyen qui ne pense pas être unecible potentielle ne se sent pasconcerné», déplore-t-il.

A partir de 2008, la crise estvenue ajouter une autre chape deplomb, plus lourde encore, chacunétantincitéàsubveniràsesbesoinsplutôt qu’à ceux des autres. Séna-teur UMP du Nord, ancien rappor-teurde la loipénitentiairede2009,Jean-RenéLecerfsesouvientdecet-te interrogation de syndicalistes:«Pourquoiparlerdutravaildesdéte-nusalorsqu’ilyaduchômageàl’ex-térieurdesprisons?»

Un insidieuxmécanisme de tris’estopéré, dont lesplus enmarge,à commencer par les étrangers,font les frais. «Onne pense l’immi-gration que de façon négative etrépressive. Il est très facile de direque c’est “l’autre” qui nous pose unproblème. Petit à petit, le discoursdu FN a produit son effet», souli-gneleprésidentduGrouped’infor-mationetdesoutiendes immigrés(Gisti),StéphaneMaugendre,selonlequel le gouvernement actuelagit, en lamatière, «dans la lignéeduprécédent».AlaFnars,onenper-çoit les effets sur les places enhébergement d’urgence. «La crise

aréveilléuneformed’égoïsme.Et lasolidaritéestbeaucoupmoins fortepour le migrant que pour le SDF»,constateM.Gueguen.

Une demande de sécurité tousazimuts est allée croissante, ren-dant pour le moins difficile l’exa-men rationnel de tout dispositiftouchant au code pénal ou à l’état(désastreux) des prisons. «QuandChristianeTaubiraproposesimple-ment de penser que les gens quientrent en prison vont un jour ensortir, l’idée qui s’imposeest qu’elleveut vider les établissements péni-tentiaires et ne plus condamnerpersonne. C’est invraisemblable!»,

s’exclame le député DominiqueRaimbourg, vice-président (PS) dela commission des lois. «Il est tou-joursplus facile d’essayerde flatterun certain nombre d’instincts quedefaireappelà l’intelligencedenosconcitoyens», constate en échoM.Lecerf, qui se sait considérécomme un «emmerdeur» au seinde sa famille politique.

Avec une forte inquiétude, lesuns et les autres constatent à quelpoint le discours populiste se pro-page sur l’échiquier politique etdans lesmédias. «Nous, onn’apaschangé. Mais maintenant, comptetenu de la droitisation générale dudiscours,onestpresqueclasséàl’ex-

trême gauche», note FrançoiseMartres, présidente du Syndicatde la magistrature. Porter un dis-cours dénué de pédagogie est «uncalcul à très court terme», met engarde MmeLazerges, qui souligneque « les Français sont plus intelli-gents que les politiques le croient».«Cette régression dans la paroledes politiques joue très négative-ment sur leur image, déjà détério-rée», insiste-t-elle.

Pour Patrice Spinosi, « le pou-voir politique aurait dû éduquerl’opinion, en lui expliquant parexemplelesrèglesduprocèséquita-ble, ou le fait que laprisonn’est pasla solution laplus efficace».AvocatauConseild’Etatetà laCourdecas-sation, MeSpinosi a fait condam-ner la France une dizaine de foisdevant la Cour européenne desdroits de l’homme, obtenant ainsides«victoiresauforceps»enmatiè-re de droit pénitentiaire, de droitdes étrangers ou encore de procé-dure pénale. «Alors que le législa-teur peut être paralysé par une cer-taine opinion publique, ces actionsdevantlesjuridictionseuropéenness’imposent à lui», souligne l’avo-cat,quiyvoit«lemoyenleplusradi-cal d’obtenir un résultat». Désor-mais le seul, peut-être. p

Jean-BaptistedeMontvalon

«Ilesttoujoursplusfaciled’essayer

deflatteruncertainnombred’instincts»

Jean-René Lecerfsénateur UMPduNord

LagrandesolitudedesdéfenseursdeslibertésRoms,prisons,espionnagesur Internet,droitsdesétrangers…Lediscourssécuritaireest le seulaudible

«ToutelaFrancesedurcit,chaquepartidéplacesonlogiciel»QuestionsàDominiqueReynié,directeurgénéralde laFondationpour l’innovationpolitique

Terrorisme:desdérogationsprovisoiresquiperdurent

C’ESTLEMOTMAGIQUE,quiper-met toutes les dérogationsauxlibertéspubliques: le terrorisme.Parfois, le législateurculpabilise, etvotedesdispositionsprovisoires.Cequine changepasgrand-chose.

En2005, après les attentatsdeLondres, le gouvernementVillepinélaboredans l’urgenceune loi anti-terroriste, lahuitièmeendixans.Elleprévoitune«clausede rendez-vous». «Lesdispositions lesplussensibles– j’aibien consciencequ’ilenexiste! – duprojet de loi sontd’uneduréede trois ans»,défendalors leministrede l’intérieur,NicolasSarkozy,devantdesdépu-tésPS sceptiques. Il insistesur lebesoind’un«consensus» face aux«intimidationsdes fanatiques, desassassinsetdesbarbares».

«Fatalisme juridique»Cesdispositions, ce sont lapossi-

bilitéde contrôlesd’identitédansles trains internationaux, l’accèsauxdonnéesde connexions Inter-netet téléphoniqueet auxfichiersadministratifs (permisde condui-re, carted’identité, etc.)pour les ser-vicesde renseignement.AuPS, lesdéputés s’abstiennentet les séna-teurs s’opposent.

Deuxansplus tard, ledéputéJulienDray (PS, Essonne),dansunrapportd’évaluation,nepensepas«qu’il faille, sous le coupd’unesor-

tede fatalismejuridique, et sous lapressiond’hypothétiquesmenaces,considérerque les dispositions tem-porairesde cette loi doivent êtreprolongées». Elles le sontpour-tant,dans l’urgence, encore, par laloidu1erdécembre2008, jusqu’au31décembre2012. Lorsde ladiscus-sion, ladéputéePSdesDeux-SèvresDelphineBathoreconnaîtcertesqu’«à l’usage, les disposi-tionsdesarticles6 [donnéesdeconnexion]et9 [fichiers] se sontrévéléesutiles».Mais les socialistess’opposent: le gouvernementimposeunvotebloqué,qui l’empê-ched’amender ladispositionsurles contrôles frontaliers, détour-néeàdes finsde lutte contre l’im-migrationclandestine.

14novembre2012.Au tourde lagauchededéfendresa loi antiterro-riste,dont lepremierobjetestdeproroger lesmêmesdispositionsjusque fin2015. Les contrôles fron-taliers«ontdémontré leurutilitépour interpellerdes individus impli-quésdansdesactivités terroristes.Ilsdoiventdoncêtre favorisés»,défendM.Valls. Pourvendre sontexte, leministre évoque«les liensqui existententremenaceextérieu-re etmenace intérieure».Maisa-t-il besoinde levendre? La loi estadoptéesans résistancepar lesdéputéset sénateursPSetUMP.p

LaurentBorredon

DOMINIQUEREYNIÉ est le direc-teur général de la Fondationpourl’innovationpolitique, prochedel’UMP. Il est l’auteurdesNou-veauxPopulismes, à paraître le6novembre (HachettePluriel,376p., 9,50¤).EnEurope, les partis populistesprogressent. Quelle est leurinfluence en France?

YIls ont réussi àimposer leur rhéto-riqueet leurs thé-

matiques ces dernières années. Lacampagneprésidentiellede 2012 aété saturéedediscourspopulistes.NiHollande, ni SarkozynimêmeBayroun’ont su éviter ce registredont, bien sûr,MélenchonetMari-ne LePenont été les champions.

Il est très frappantde constaterque le langage réservé jusque-làauxpopulistes est désormais aucentredudébatpolitique. Pre-nons le débat sur les Roms. Lesmots et le registre employésparManuelValls sont très impression-nants.Quandvous comparez sesproposà ceux tenuspar Sarkozylors dudiscours deGrenoble, en2010, c’est bienValls qui emploielesmots les plus durs et qui porteundiscours authentiquementstigmatisant.

Celamontre que l’influenceidéologiquedes populistes, qui sediffusepartout en Europe, touchemême les partis de gouverne-

ment. Il y a vingt ans, le discoursdeValls sur les Roms serait venude Jean-Marie LePen. Il y a troisans, lesproposduprésident Sarko-zy avaient choqué. En 2013, despropospires émanentd’unminis-tre de l’intérieur socialiste. Près de80%des Français sontd’accordavec lui. Le présidentHollande lesoutient de facto. C’est un témoinduglissementdu terrainvers ladroite. Toute la France se durcit.Chaqueparti déplace son logiciel.Quelle est la part de xénophobiedans ce débat?

Laséquenceque l’onvientdevivreenFranceest impressionnan-te caronaassistéàunebanalisa-tionde laparolexénophobe.Dedroiteà gauche,onadiscuté libre-mentet demanièregénéraled’unecommunautétotalementréifiée,considéréedans sagénéralité com-meunproblème.Derrièrecette sor-tedeconsensusanti-Roms, il yavaituneespèced’inconscientmassacreur.Qu’onaitdesproblè-mesréels avec certainsRomsensituationdedétressene justifiepasque l’on sesoit remisàparlercollectivementd’unecommunau-té commeétantunproblème.

Il aurait falluaucontraire spéci-fier lesproblèmesquepeuventposer certainsRomset se tenir àcettespécificationpoury répon-dre, sansgénéraliser. Cette séquen-ceme frapped’autantplusque ces

proposont choquépeudemonde,àpartCécileDuflotqui a euraisondedireque l’onétait sorti du réfé-rentiel républicain.Pourquoi ce type de propos cho-que-t-il demoins enmoins?

Le seuil d’intolérance s’esteffondré.Onne se rendmêmeplus comptede la gravitédes pro-pos tenus. Cet assouplissement,quimeparaît dangereux, est unindicateurmajeur de la droitisa-tion généralede la société.

Cela tient enpartie à l’institu-tionnalisationde lavigilance,qui adonné le sentimentquecettepré-occupationlégitimeétaitunepos-ture.Depuisque ladénonciationde laxénophobiea égalementétéunestratégie– FrançoisMit-terrandaparexempleutiliséSOS-Racismeet le FNpourgêner ladroi-te –, il y aundoutesur la sincéritéde l’engagementdeceuxque lespopulistesappellent«lesbobos»ou«les intellectuels», accusésdenepassavoir dequoi ilsparlentquand ils évoquent les thèmesdel’immigrationoude l’insécurité.

On se retrouvealors dansunesituationd’impuissancedudis-cours. Sitôt que ce discours cessed’êtreprononçable, des sailliesémergent avecune force redouta-ble car, en face, il n’y a plusd’anti-dote.D’une certainemanière, labataille a été gagnéepar les popu-listes.

Qu’est-ce qui caractérise le sty-le populiste?

Uneformeoutrancièredudis-courset lapromotiond’une confu-sion idéologique.Brouiller leslignesentre ladroiteet la gaucheest l’essencede laparolepopuliste.MarineLePennecraintpasdeciter JaurèsetdeGaulle. Le langagepopulisteconsiste égalementànepasviser l’argumentde l’interlocu-teurmais sapersonne,mettantencausesonhonnêteté, en l’accusantd’êtreappointé,d’êtreunprofi-teurouunétrangerafinde ledécrédibiliser, sans répondreà sonargumentation.Enfin, le cœurdustylepopuliste reste l’appeldirectaupeuple,maisunpeuplepur,idéalisé,présentécommeuntout.

Mélenchonneparle pasdesclasses socialesmais dupeuple,soitunemultitudeconfuse réunis-santdes victimesoppresséespardes élites considérées générale-ment commeglobalisées, voiredes apatrides. Cet antagonismesimpliste«élite-peuple» restestructurantpour lespopulistesdegauche comme Jean-LucMélen-chon. Lespopulistesdedroite,commeMarineLePen, y ajoutentunautrecritère en séparant lepeu-pledudedansde celui dudehors,c’est-à-dire les immigrés.p

Proposrecueillis parAlexandreLemarié

et Jean-Baptiste deMontvalon

8 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 9: Le Monde - 8 Octobre 2013

france

conseil généralasPHYXiéPas DeTransPorTs

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Qui d’autre le fera ?Le gouvernement met en péril les citoyens, les entreprises etles collectivités territoriales. le conseil général ne pourraplus assurer les services publics de proximité.

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LeFNentêteaupremiertourdelacantonaledeBrignolesLagaucheappelleàvoterpourlacandidateUMPqualifiéepourlesecondtour

L es députés et les sénateursquidevaientexaminer,àpar-tir de lundi 7octobre, le pro-

jet de loi sur les retraites devraientpour leur part pouvoir continuer àbénéficier de leurs généreux régi-mes. Certains politiques avaientappelé à leur suppression en juin.L’ancien ministre Laurent Wau-quiezavaitestiméque,«si lespoliti-ques ne s’appliquent pas à eux-mêmes ce qu’ils demandent auxFrançais, ils n’ont aucune chanced’avoir lamoindre crédibilité».

Il n’estdésormaisplus joignablepour dire s’il compte profiter duprojetdeloipourmettreenapplica-tion son idée. « Il déposera desamendements plaidant pour unrégimeunique, ce qui inclut de faitcelui des parlementaires», assureson entourage, tout en avançantque les régimes de retraite desdéputés,dessénateursetdesmem-bres du Conseil économique etsocial (CESE)nepeuventêtreréfor-més que par les bureaux de cesassemblées, et nonpar la loi.

Ces trois régimes de retraitesont doublement spéciaux car ilsdérogent au régime général, toutenétantenplustotalementdécon-nectésdesautresrégimesderetrai-te. Les parlementaires ne peuventpas faire valoir, dans leurduréedecotisation totale, les périodes vali-dées pendant leur mandat. Cesannées sont «perdues» pour eux.Ce qui justifie, estiment la plupartdes parlementaires, des pensionsplutôt généreuses. En comptantles régimes complémentaires, undéputépeutespérer1200eurosdepensionaprèscinqansdemandat,pour 7100euros brut de salaire.

Par ailleurs, certains parlemen-taires, ceux qui exercent une pro-fession libérale ou les universitai-res, ont l’autorisation de cumuleractivité professionnelle et man-dat, et donc de continuer à cotiserdansleurrégimed’origine.«Conti-nuerd’autoriser le cumulavec seu-lement certaines professions estscandaleux», convient, à titre per-sonnel, Jean-Marc Todeschini,questeur (PS) au Sénat.

«A tomber par terre»«Il y a beaucoup de fantasmes

entretenus par des irresponsablescomme M.Wauquiez qui en par-lent comme s’ils ne connaissaientpas les règles de ces régimes. Lestrois réformes des retraites votéesdepuis dix ans ont été systémati-quement transposées à l’Assem-blée», plaide de son côté BernardRoman, son homologue (PS) del’Assembléenationale.

En 2010, députés et sénateursont prévu l’alignement progressifde leur tauxde cotisation sur celuiduprivéetmisfinaugénéreuxsys-tème de «double cotisation», quipermettait d’atteindre une pen-sion complète après seulement22,5ans de mandat en échange decotisationsplusélevées.L’âgemini-mal légal va aussi être progressive-mentrelevéà62ans.

Avec cette réforme, les pen-sions devraient progressivementdiminuer de 30%, mais elles res-tent élevées : 3 258euros net enmoyenne à l’Assemblée et4382euros au Sénat. Par ailleurs,des régimes complémentairesoptionnels ont été créés. «Notrerégimen’est pas défavorable,mais

il n’est plus dérogatoire du droitpublic comme il l’était il y a quinzeans»,défendM.Roman.

Il reste toutefois quelques ano-malies. Les sénateurs titulairesd’un poste de «dignitaire», com-me la questure ou les présidencesde groupe, peuvent encore cotisersur leurs primes de poste. Media-part avait ainsi révélé en septem-bre2011 qu’un ancien sénateurcommeMichelCharassepercevaitplusde 13000eurosbrutparmoisde retraite.

Des retraites «à tomber par ter-re», convient M.Todeschini, quirappelle qu’après le basculementdu Sénat à gauche en septem-bre2011 il a été décidé de rendrecesprimesnoncotiséesàpartirdu1eroctobre2014.«Iln’yauraplusdetelles retraites à l’avenir, assu-re-t-il,mais comment voulez-vousqu’on supprime quelque chose àquelqu’un qui est retraité depuiscinqoudix ans?»

Bienqueréforméen2011, lerégi-meduCESE,quiversedespensionsmoyennesde 1240euros, continuederendrepossible ladoublecotisa-tion. Fortement déficitaire, il nedoitsonsalutqu’auxlocationsévé-nementielles des locaux du CESE,qui ont permis d’abonder ses res-sources de 1,5million d’euros en2012. Malgré cela, une nouvelleréforme devra intervenir avant2018pouréviter labanqueroute.

Toutaussidéséquilibrés,lesrégi-mes des députés et des sénateurspeuvent compter sur les largesréservesdesdeuxassemblées.Mal-gré tout, aucun des gestionnairesdes trois régimes ne plaide pourleursuppression,maisM.Roman,àl’unisson de ses homologues,«n’imaginepasuninstantqu’onnepuisse pas transposer les disposi-tions de la prochaine réforme desretraitesune foisqu’ellesauront étéadoptées».p

Jean-BaptisteChastand

POLITIQUE

FrançoisFillon«encompétition»avecNicolasSarkozyDans Le Journal dudimanchedu6octobre, François Fillon juge« inévitable»unaffrontement avecNicolas Sarkozy.«Je ne peuxpasassumer toutes les conséquences d’une candidatureà la prési-dentielle et ne pas être en conflit avecNicolas compte tenude sonétat d’esprit. On est de facto en compétition», déclare le députédeParis et ancienpremierministre. Revenant sur les polémiquesqu’il a déclenchées (FN, soutien à la Russie sur la Syrie), l’ex-pre-mierministredit «assumer tout». S’il reconnaît une «maladres-se»dans la formulationde sa recommandationà voter pour« lemoins sectaire» en casde duel PS/FNauxmunicipales, il souli-gneque sonexpressionn’était «pas improvisée». «Onne peutpas se laisser enfermerdans unedoctrine departi qui peut êtreconfortablemais qui ne règle rien», explique-t-il. p

M.Dupont-Aignan dit non à l’UMP, au PSet au FNNicolasDupont-Aignan,président deDebout la Républiqueetancien candidat à la présidentielle, a renvoyédos-à-dos ce qu’ilappelle «l’UMPS» et le FN, lors du congrèsde sonparti, samedi5octobre. «Ni UMPSni FN. Je refuse ce trio infernal», amartelé ledéputéde l’Essonne etmaire de Yerres. – (AFP)

Sécurité routièreDes experts prônent uneréduction à 80km/hLe comitéd’experts duConseil nationalde la sécurité routièrerecommandede réduire la vitesse autorisée à 80km/h sur lesroutesoù elle est limitée à 90km/hdansun rapport révélé same-di 6octobrepar l’AFP.Un tel abaissementpermettraitde sauver450vies s’il s’appliquait sur l’ensembledu réseau concernéet aumoins200viesdans les zonesdangereuses. En 2012, 3653 person-nes sontmortes enFrance. L’association40millionsd’automobi-listes a lancéunepétition en ligne contre cette proposition.

A Brignoles,dansleVar, l’élec-tion cantonale – la troisiè-me en trois ans – n’a pas

mobilisé les électeurs. Les résul-tats, qui étaient attendus, sonttombés dimanche 6octobre à l’is-suedupremier tour:67%desélec-teurs inscrits ne se sont pas expri-més.Dansce contextede lassitudepour un scrutin deux fois annuléparla justice, leFrontnationalarri-ve nettement en tête du premiertour, sansavoirprogresséennom-bre de voix par rapport aux scru-tins précédents.

Le candidat frontiste, LaurentLopez, a obtenu40,4%des voix, etcemalgré la candidaturedissiden-te de l’ancien conseiller généralFN,Jean-PaulDispard,passéauPar-ti de la Francede Carl Lang. Ce der-nier a réuni 9,1 % des suffra-ges.Catherine Delzers (UMP), arri-ve en deuxième position avec20,8% des voix et se qualifie pourle second tour. Exit les candidatsde gauche: Laurent Carratala, PCF(14, 6% des suffrages) et MagdaIgyarto-Arnoult, EELV (8,9%) ontété sortis aupremier tour.

Une défaite pour la gauche etuncamoufletpourleParticommu-niste qui perd un conseiller géné-ral et voit le maire de la ville,Claude Gilardo (PCF), sérieuse-ment menacé à six mois des élec-tionsmunicipales. Peu après l’an-noncedecettedéfaite,leParticom-muniste a dénoncé « la division àgauche provoquée par la candida-ted’EELVetencouragéepardetropnombreux socialistes locaux», qui«prive la gauche de l’accès audeuxième tour».

Cettedérouten’est«pasunesur-prise», admet Laurent Carratala :

«En analysant bureau de vote parbureau de vote, on compte que, enseulement dix-huitmois, la gaucheaperduvingtpoints.En campagne,nousparlionsdepolitiquelocale,onnousrépondaitchômageetdifficul-téàseulementvivre.Cerésultatc’estune sanction de la politiquemenéepar legouvernement!»

«Défaite annoncée»«Cette élection est la chronique

d’une défaite annoncée pour lagauche.Ona le résultat qu’on crai-gnait. Les électeurs de gauchene sesont pas déplacés », reconnaîtMireille Peirano, patronne de lafédération socialiste duVar. Aprèss’être déchirée durant la campa-gne, la gauche brignolaise s’unitdans la défaite pour appeler à sou-tenir la candidate UMP. Le Partisocialiste a publié un communi-qué dans lequel il appelle à faire«barrage au FN». Les candidatslocaux communistes, écologisteset centristes ont tous appelé à un«front civique» contre le FN.

Catherine Delzers, candidateUMP, veut croire à ses chances deréunirderrièreelleun«frontrépu-blicain». «Le Front national a faitle plein de ses voix et l’abstentionest telle qu’il est possible de renver-ser cette élection. Vingtpoints deretard, c’est apparemment unemarcheunpeuhaute.Mais cen’estque millevoix d’écart. Méfiez-vousdes outsiders!», avance-t-elle.

Pour des raisons de revanchepersonnelle, le dissident d’extrê-me droite, Jean-Claude Dispard,quia étéexcluduparti lepéniste, aappelé, lui aussi, à voter «pour lacandidatededroite».p

EricNunès

LesrégimesderetraitedesparlementairesrestentavantageuxDéputésetsénateursdoiventexaminer leprojetde loi àpartirdu7octobre

90123Mardi 8 octobre 2013

Page 10: Le Monde - 8 Octobre 2013

Johanna Bordier (ci-dessus),embauchée depuis deuxmois àl’Ehpad deMorangis, et HadidjaHamada, à l’épicerie sociale dela cité universitaire d’Antony.

LUCILECHOMBARTDELAUWE/LEBARFLORÉAL

POUR «LE MONDE»

france

Témoignages

S tresse pas, prends du choco-lat ! » Hadidja Hamada saitdésormais comment rendre

le sourire à tous ces étudiants bou-clant leur thèse qui débarquent,l’œil cave, en quête de glucides,dans l’épicerie coopérative de larésidence universitaire d’Antony(Hauts-de-Seine) dont elle est lagérante, en emploi d’avenir. EntreNutella et corn flakes à petits prix,elle les convainc qu’ils vont y arri-ver. «J’arrive à les détendre. Ça mefait dubien, jeme sensutile.»

Comment les jeunes qui occu-pentunemploid’avenirsesentent-ils dans cet emploi? Vivent-ils ceénièmedispositifgouvernementald’aide à l’insertion comme unevoie de garage permettant dedégonfler les chiffres du chômage,oucommeunevraiechanceprofes-sionnelle?

Nous avons rencontré six jeu-nes tout juste embauchés enemploi-jeune, par l’entremise deVitacité, lamission localedeMassy(Essonne). Leurs mots relèvent dumême registre positif : «Nickel»,«Magnifique», «Tranquille», « Jeme sens bien, impeccable », etmême: «Ça m’a sauvée!». Leurstémoignages concordent. Ils occu-pentenfinunvraiemploi,et s’ima-ginentdorénavantunavenir.

Comme le prévoyait le disposi-tif destiné aux 16-25 ans les moinsdiplômés, Hadidja Hamada(25 ans), Mohamed Kanane(20ans), Johanna Bordier (22 ans),AllisonCoupin(24ans),AntoniodeAlmeida (19 ans) et GwendolineGateau(21ans)ontvitearrêté l’éco-le : en seconde, après un CAP, unBEP, un bac professionnel ou enplein milieu. Ils n’avaient «pas leniveau»nisouventdeparentssus-ceptiblesdesuivre leurscolarité, etse sont trouvésorientésdavantagequ’écoutés. Parcours classique,comme l’est la vie qui suit, rondesans findepetitsboulots,missionsd’intérim,périodesde chômage.

«Onadumalà faire confianceàun jeune sans le bac», a pu consta-terHadidja, qui a déserté le lycée à17ans sans achever son BEP vente,puis erré, des années durant, dePôle emploi en emplois précaires

de vendeuse, caissière, femme deménage.

Johanna a connu la précarité del’intérim, comme préparatrice decommandes, puis trois années dechômage, de 19 à 21 ans. «Chez lesparents,onsesentmal,onestàchar-ge. Ils me disaient : “Ton frère, lui,avec son bac pro mécanique, il atrouvé du travail.”»Que répondre,lorsqu’on n’a même pas fini sonCAPvente, sinonqu’«on s’est plan-tée»? Et «pleurer parce qu’on n’arien». Embauchée il y a deuxmoisen emploi d’avenir, Johanna adésormais quelque chose: unCDDd’un an (renouvelable deux fois)d’animatriceàlamaisonderetraitemédicalisée de Morangis (Esson-ne). Elle y évolue déjà avec aisance,saluant par son prénom tel rési-dant avec lequel elle a partagé desjeux de mémoire, une lecture dujournal… La fierté pointe lorsqu’el-le explique qu’elle «apprend unmétier tout en étant rémunérée»,qu’elle joue un «rôle important desoutien parce que les familles nepeuvent pas toujours se déplacer»,qu’elle est incitée à préparer lediplômed’animatrice.

Un emploi enfin stable (CDI ouCDD d’un an au minimum), payéauSmic,quirassure,avectouteslesalluresd’un«vrai travail» : descol-lègues qui forment, une directionqui fait confiancemais exprimedevraiesattentes…Untravailquiplaîtpuisque l’on a choisi de postuleraprès lecture d’une fiche de postetrès détaillée. Bref, qui donne l’im-pression d’être tiré d’affaire. Voilàcequedécrivent tous ces jeunes.

Antonio, par exemple, sait sachanced’avoirdécrochéà19ansunCDI que ses copains de 25 ans luienvient. Il travaille dans une PME

(Homelec)«commeunvrai salarié,parfois même tout seul ». Sontuteur le forme au dépannage àdomicileet«bientôtpourlesanten-nes».

Gwendoline, aux ongles rayésblanc et rose, n’en revient pas quelapatronneduBaràbeautédeRam-bouillet (Yvelines), qui l’a embau-chée en CDI, lui ait déjà confié lesalon,touteunesemaine,enjuillet.«Cet emploid’avenir, çam’arrangeparcequejen’avaisqu’unbacproetdeux mois d’expérience. Et lapatronne aussi, parce que c’est enpartie financé. On est encore dansunedémarchederecherchedeclien-tèle.»Le«on»dittoutesonimplica-tion, quatremois seulement aprèsembauche.Gwendolineapprendraici tout ce qu’elle n’a pas appris àl’école, épilation définitive etautres fauxonglesà la résine.

Chaque fois qu’il pénètre dansl’opéra deMassy qui l’a embauchécomme technicien polyvalent(CDD de trois ans) il y a quatresemaines,Mohamedseditque«çale fait ». « Je vois la scène, je meretrouve.»Malheureuxenintérim,dans«desentrepôtstropfroids»,ceguitariste amateur installe désor-maisdesprojecteurs,repeintlascè-ne, «ne dit non à rien», en atten-dant que démarre la saison. Plustard, il se pourrait qu’il suive uneformation de technicien son etlumière. Et même qu’il réalise desfilms«unpeupsychédéliques».

En quelques semaines, ces sixjeunes gens se sont prouvé qu’ilsavaientunevaleur. Ilsseprojettent

désormais dans l’avenir. En sem-blentmêmecommegrisés.

«On grandit plus vite que natu-rellement»,assureAntonio.Hadid-ja,dont l’écolen’était«pas le truc»,songemaintenantauxétudessupé-rieures. Se voir confier des respon-sabilités, côtoyer des étudiants luiont redonné une ambition. Sonemployeur facilitera l’accèsà l’uni-versité. « Je suis au taquet ! Plustard, jepourraiaidermafilleà fairesesdevoirs…»

Ménagelematinàlamaternelle,service et plonge dans une cantinejusqu’en début d’après-midi: Alli-son, arrivée de Calais il y a peu, estdésormais agent d’entretien et derestauration à la mairie de Palai-seau (Essonne). «Aumoins, quandje rangemon chariot, je sais que le

lendemain jevais le reprendre.»Pour l’instant hébergée, elle

attend trois fiches de paie avantd’oser regarder les vitrines d’agen-ces immobilières. Elle se voit aussipasser son permis, s’acheter unepetite voiture d’occasion, mêmepartir en vacances pour la premiè-re fois. «Aux îles Canaries.» Elledemeure pourtant un brin sur sesgardes. « Je suis en CDD d’un anrenouvelable. Faut voir si on ne vapas me jeter au bout de trois ans…J’aurai une expérience, mais il fau-drait repartir à chercher unemploi…» Elle se rassure d’elle-même. «Je vais être reprise. Montuteurm’appelle la fusée!»

Johanna connaît les mêmesinquiétudes. Mais, en aparté, ledirecteur de lamaison de retraite,

Jamil Adjali, confie : «Nous for-mons et fidélisons nos personnelsde demain, avec un coût pris encharge aux trois quarts. Johannas’est acclimatée très vite, elle veutsaisir sa chance, cequi compense lehandicapscolairededépart. Iln’yaaucun problème.» La jeune fillepourra sans doute continuer à fai-re ses «petites emplettes sans riendemander»,etmêmeaiderunpeuses parents.

«C’est très nouveau, ça fait plai-sir. Je vois que jepeux fairequelquechose de ma vie. Pas seulementregarder latélé,passerdescoupsdefil aux boîtes d’intérim et sortir lechien.»Avec son copain, elle com-mence à discuter appartement.«Çame lance dans l’avenir.»p

PascaleKrémer

Lafiertéretrouvéedesjeunesenemploisd’avenirAprèsunescolaritératée,Allison,HadidjaetAntonioont lesentimentd’êtreenfinsortisd’affaire

L’objectifdes100000contratspour2013devraitêtreatteintAPRÈSAVOIRMISplusieursmoisàprendre leur envol, les emploisd’avenir,mesurepharede lapoliti-quede l’emploideFrançoisHollan-de, se signentdésormais ennom-bredans toute la France. Selon lesderniers chiffresduministère, lecapdes60000contrats a étédépassé fin septembre, et il s’ensignedésormais environ500parjour. A ce rythme, l’objectifdes100000emploisd’avenir fixépour2013, qui avait longtempssembléhors deportée, devraitêtre atteint.

Il a falluunpeude temps auxemployeurs et auxmissions loca-les, chargéesdedéployer le dispo-sitif, pour s’emparer de cescontrats aidés de longuedurée,principalementdestinés aux jeu-nespeuoupas diplômés. Lesemploisd’avenir sont réservés enpriorité au secteurnonmarchand(associationset collectivités loca-les). L’aidede l’Etat atteint pour ce

secteur 75%du smic. En échangede l’aide, l’employeurdoit s’enga-ger à fournirune formationà cesjeunespour la plupart sortis troptôt du système scolaire. L’embau-chedoit être faite pour aumoinsunan,mais les contratsde troisans sont préconisés.

Cesconditionsont longtempssuscitédes réticencesde lapartdecertainescollectivitéset associa-tions, à la santé financière fragileoupas forcémentenmesured’en-cadrerdes jeunesendifficulté.Pour lever ces réticences, leminis-tèreaassoupliplusieurscondi-tions imposéesauxemployeurssur laduréeducontratousur l’obli-gationde formation, toutenouvrant les embauchesausecteurmarchand,avecuneaide financiè-re inférieure.

Mais il est resté fermesur lacondition initiale: pasquestiond’ouvrir le dispositifaux jeunesdiplômés,accusésd’avoirmonopo-

lisé les«emplois jeunes»à l’épo-que Jospinaudétrimentdes jeu-nes lesplus endifficulté. Lesder-niers chiffresmontrentainsiqueprèsde90%des jeunesembau-chésn’ontpas lebacet queprèsde45%n’ontaucundiplôme, cequiconstitueunevéritable réussite.

Enrevanche, les assouplisse-mentssuccessifs sur les conditionsdeduréedescontratsont conduità cequeseulement 10%desembauchessoient faites enCDI. LeCDDest lanorme,mêmesi laduréemoyenneestde 26,4mois.

Enfin, alors que 20%desemploisd’avenir devaient êtreréservésaux jeunes issus dezonesurbaines sensibles (ZUS), cen’est actuellement le cas que de15%d’entre eux.Un chiffred’autantplus décevantqu’uneexceptionest prévue dans la loipourpermettre aux jeunes deZUSdepouvoir bénéficier dudis-positif jusqu’auniveau licence.

Les zonesurbaniséessontgloba-lementplus enretardque leszones rurales.Midi-Pyrénéesavaitatteint90%desonobjectif annuelfin septembre, contremoinsde46%pour l’Ile-de-France.La Seine-Saint-Denis fait partiedesdéparte-ments lesplusen retard,en raisondesdifficultéséconomiquesde sescollectivitésetd’unemauvaiseorganisationdesmissions locales.Unrapportparlementaire,publiéle 18septembre,préconisede ren-forcer l’aidede l’Etatpour lesembauchesde jeunesdeZUSet

d’imposer leur embauchedans lesgrandesentreprisespubliques.Sonauteur, ledéputéPS Jean-MarcGermain,proposeégalementd’as-souplirunpeu les conditionsdediplômepourunpetitquotad’em-ploisd’avenir.Maismême lui, quiplaidait cethiverpourélargirbeau-coupplus leniveaudediplôme,n’enparleplus.

ClaudeBartolone, le présidentde l’Assembléenationale, qui étaitsur lamême ligne, a avancé le6octobrequ’il serait raisonnabledeprévoir 50000emploisd’ave-nir supplémentairesen 2014, cequi amènerait le chiffre totaldejeunesembauchésà 200000.«Nous enavonsprévu50000pour2014,mais je voismal, si lacroissancen’estpas là, dire aumoisd’avril, auboutde cinq, sixmois:revenezàuneautre époqueparceque leguichet est fermé», adéfen-duM.Bartolone surRadio J.p

Jean-BaptisteChastand

«Jevoisquejepeuxfairequelquechosedemavie.Passeulementregarderlatélé,passer

descoupsdefilauxboîtesd’intérimetsortir lechien»

JohannaBordier22 ans

Unrapportparlementaire

préconisederenforcerl’aidedel’Etatpourlesembauchesdejeunesdescitéssensibles

10 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 11: Le Monde - 8 Octobre 2013

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NOUVEAU UNE ESCAPADE EN PR IX M IN I

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AuFigaro, l’affaire embarrasse ladirection.Surordredupropriétai-reSergeDassault, le quotidienn’avait dansunpremier tempspasévoqué la situationàCorbeil-Essonnes. Pasunmot sur lavidéo révéléeparMediapart, oùSergeDassault admetdesdonsd’argentopaques via le Liban.Les railleries desconfrères aprèslapublication in extensoducom-muniquédes conseils dumilliar-daire, dénonçant les atteintes àla vie privée, ont achevédeconvaincre la hiérarchie de réa-gir. Le 18septembre, le directeur

de la rédaction,AlexisBrézet, aexpliquéà la société des journa-listesduquotidienqu’il tenait à«un traitement factuel, sobre,neutre et objectif».«A chaqueétape, on doit dire les choses…sans pour autant reprendre tousles éléments de presse»,a-t-ilprécisé.Un journaliste s’est pro-posépour suivre l’affaire.«Pasde scoop à venir», sourit-on eninterne,mais un traitementaminima, validépar le«Rond-Point», siège dugroupe, et RudiRoussillon, le conseiller en com-municationdeSergeDassault.

A intervalles réguliers, lesanciens«grands frères»descités de Corbeil-Essonnes se

rappellent au bon souvenir de Ser-ge Dassault. Selon nos informa-tions, le 24juillet, MamadouK., unjeune homme soupçonné d’avoirproféré desmenaces sur la famillede l’avionneur, a commencé à seconfier au juge parisien RenaudHalem lors d’une première audi-tion.Misenexamenpourtentatived’extorsion,blanchimentetattein-teà la vieprivée, il a expliquéavoirtouché100000eurosen2010delapart de l’ancienmaire (1995-2009)pour avoir convaincu des habi-tants de son quartier d’aller voterpour lui lors des électionsmunici-palesde 2008.

Le jeune homme a égalementmentionné la piste d’un finance-mentpassantparleLiban,évoquéepar Serge Dassault lui-même ennovembre2012 dans une vidéomise en ligne par Mediapart.MamadouK.seseraitrendusurpla-ceen2011pourrécupérerunesom-me d’argent supérieure à la précé-dente. Son audition a été versée àl’instruction des juges Serge Tour-naire et Guillaume Daïeff, quienquêtent sur le volet financier del’affaire à Paris. Contacté, l’avocatdeSergeDassault, JeanVeil, n’apassouhaité réagir.

Cetémoignages’ajouteàunelis-te déjà fournie de déclarationsaccréditant les soupçons d’achatsdevoix,dénoncésdepuisplusieursannéesparlesopposantsdeM.Das-saultet gravésdans lemarbre judi-ciaire par la décision du Conseild'Etat, en 2009, d’annuler l’élec-tion de 2008. Surtout, il braque leprojecteur sur ces «grands frères»desTarterêts, aunord, oudeMont-conseil, au sud, les deux cités deCorbeil qui ont profité des larges-sesdumilliardaire contre la garan-tied’ymaintenirlapaixsociale,voi-redecontribueràsonsuccèsélecto-ral.

Comment ces jeunes des citésaux casiers judiciaires parfois bienremplis ont-ils pu obtenir de l’undespluspuissants industrielsfran-

çaisdessommesquisechiffrentencentainesdemilliersd’euros, voireplus? A l’élection de M.Dassault,en 1995, la cité des Tarterêts et ses8500âmesbouillonnentdeviolen-ce. Au point que, quelques joursaprès son accession à la mairie,M.Dassault s’y fait caillasser etrepart avec deux points de suture.L’édiledécidealorsdeconquérirlesquartiers.

Younès B.est l’un des «grandsfrères » qui ont servi de traitd’union entre la mairie et lesTarterêts. Au début des années1990, il mêle encore ses idéaux demilitant à ses rêves de politique.C’est luiqui, parexemple,organisedes rassemblements contre le tra-fic de drogue. Il est à la fois décritcomme séducteur et charismati-que, impulsif et opportuniste.

Le «gros lézard», comme cer-tains l’appellent, est respecté dansles quartiers, où il flirte avec la

voyoucratie.Maissoninfluenceluioffreuneplace àpart dans l’entou-ragede SergeDassault. C’est à You-nèsque,dansunevidéopirate,l’avi-onneur reconnaît avoir donné1,7million d’euros. Selonune sour-ce policière locale, « il était lemeneur de la bande des Tarterêtsquisévissaitdans lesannées 1990. Ilsetarguaitd’être le“maître”deCor-beil et citait à la cantonade le nomdeses relations».

Commelui,d’autresjeunes,par-ce qu’ils s’étaient imposés dansleur quartier, ont goûté à la politi-que façon Dassault. Rapidement,ils deviennent les relais de l’actuelsénateur UMP de l’Essonne. Cer-tains ouvrent des entreprises dansle bâtiment ou la sécurité, d’autresdes pizzerias. D’autres encore font

carrièreà lamairie.Petit à petit, le système s’instal-

le. Et chacun sent qu’il peut mon-nayer son rôle. Lorsque les jeunesveulent partir en vacances, c’estégalement à la mairie qu’ils vonttoquer.Espagne,Thaïlande,Califor-nie… On ne leur refuse rien.«Quand ils veulent faire du ski, lamairie leur loue deux Laguna et lesenvoie à Avoriaz, se souvient Jac-quesPicard,unéluEELVquia long-temps ferraillé dans l’opposition.C’estunsystèmeenfontaine,oùl’ar-gent retombedans les quartiers.»

En 2002, alors que Serge Das-sault commence son secondman-dat, il est battu aux législatives parManuelValls,alorsmaired’Evry.Leclientélisme s’amplifie. «J’ai com-pris qu’il y avait alors un systèmebis à celui que je dirigeais», expli-que Joël Roret, ancien adjoint à lajeunesse qui a démissionné en2006. Les jeunes défilent dans sonbureau pour «réclamer leur dû».L’ambiancechange.«Parfois, ilsmedisaient: “Tu sers à rien, on est allésvoir le vieuxetonaeucequ’onvou-lait”.»

Les sommes augmentent. Lapression aussi. Les jeunes ne pas-sentplusparlesadjoints,ilss’adres-sentdirectement au «vieux»,dontils ont le numéro de portable. En2006, Serge Dassault «prête »500000 euros à SambaDiagoura-ga, un jeune des Tarterêts devenuconseiller municipal, rapporte leCanard enchaîné de l’époque. Ils’agit, affirmealorsM.Dassault, definancer des «actions humanitai-res»et des«projets industriels».

«Cela a été un tournant. Les jeu-nessesontditquesi luipouvaittou-cher autant, pourquoi pas eux»,déplore l’élu Front de gaucheBruno Piriou, un des premiers àavoir critiqué le système.«Lors desélections, vous aviez des jeunes quistationnaient dans leur voitureavec des centaines de cartes électo-ralessurlesiègepassager.Etplusonapprochait de la fermeture, plus lavoix coûtait cher. Surtout quandl’élection se jouait à quelques dizai-nesdevoix», lâche-t-il.

Il est loin le temps où, en 1999,certains jeunes animaient Pixel,une association audiovisuelle dequartier.Ilsavaientréaliséundocu-mentaire, Les Tarterêts, banlieuesans haine, pour en montrer unvisagepositif. Aujourd’hui, ce sontlesarmesquiparlent.Adeuxrepri-ses, en début d’année, des jeunesont été pris pour cible. Younès,dontlaproximitéaveclemilliardai-re est connuede tous, est soupçon-néd’êtrel’auteurdel’unedestenta-tives d’assassinat. Certains suspec-tent qu’il n’aurait pas redistribuécomme convenu l’argent du mil-liardaire.YounèsB.est aujourd’huien cavale en Algérie. Un anciencadre de la mairie qui l’a bien

connumet en garde: «Il n’y a pasd’un côté le méchant Younès et del’autre lesgentils.Çaarrangetout lemondededirequ’ilagardél’argent.Maisnoussommesdansun théâtred’ombres.»

Lescentainesdemilliersd’eurosdeSergeDassaultquicirculentont-ils fait tourner les têtes? C’est ceque la justice tente de déterminer.L’actuelmaire, Jean-PierreBechter,a été placé en garde à vue en juinpour s’expliquer sur ces événe-ments, avantde ressortir libre. Ser-geDassaultdoit, lui, êtreconvoquéprochainement par les jugesd’Evryenqualité de témoinassistépour «complicité de tentative d’as-sassinat».

La rue et Serge Dassault. La ren-contrededeuxmondes,liésparl’ar-gent,oùs’entrechoquentdesambi-tionset lepaternalismede l’ancienédile. Comme ce jour où sept jeu-

nes se rendent dans son bureaupour lui demander de « l’aide».Une rencontre qu’ils avaient fil-mée discrètement et dont la vidéoavait été publiée par Canal+. «J’aipasosé toutà l’heure,maismainte-

nant j’ose vous le dire. La sommeidéale c’est de commencer avec80000 euros», tente l’un d’eux,qui veutouvrir son restaurant.«Etmoi, c’est mon frère, il a l’ambitionde créer une société de transportinternational. Et ça représente une

somme de 100000 euros», suren-chérit un second. «100000 euros?Etvousvoulezfaireçaoù?»,deman-de benoîtement l’industriel. «Onpart duHavre… On les emmène auCameroun», répond l’un des visi-teurs. «Oui,mais si vous disparais-sez tous,après,moi j’ai plusperson-ne!», s’inquiète alors lemilliardai-re.

Aujourd’hui, plusieurs vidéospirates mettant en cause l’indus-trielsemonnayent.Preuvequel’ar-gent a perverti une partie de cettejeunesse tiraillée entre la volontéde dénoncer un système corrup-teur et celle de faire pression sur leclan Dassault. A l’approche desmunicipales, un jeune desTarterêtsquiaconnulesystèmedel’intérieur en est sûr: «Les équipesse reforment pour revenir prendrede l’argentuneénième fois.»p

ShahzadAbdul et SimonPiel

LaConfédérationgénéraledes peti-tes etmoyennes entreprises(CGPME)apporte des précisionsà l’article «Le financementà boncomptede la CGPME»parudans LeMondedu 25septembre:

«L’article indiqueque la CGP-MEaurait dépensé 3,4millionsd’eurospourune série de campa-gnes autourd’un siteweb consa-cré à la formationet que le budgetsedivise en trois grosses parts surtrois ans: environunmilliond’eu-roshors taxepour la conception,le référencement et lamise à jourdu site, unmilliond’euroshorstaxepour sapromotionet lesdépensesdemarketinget unautremillionen conseil stratégi-que. Telle n’estpas la réalité.D’unepart, le réseau social la For-mationpro. comqui a généré

400000visites dès la premièreannée, a coûté, conception, déve-loppement, animationet promo-tioncomprises, 399333,3 euroshors taxes enmoyennependanttrois ans, soit au total1198000euroshors taxe.D’autrepart, trois campagnesdepublicitéclassiqueont fait pendant troisans la promotionde l’utilisation,de la formationprofessionnellecontinue.Ces trois campagnesontreprésentéau total1686309euroshors taxes, soit enmoyenne502103 eurospar an.Ces campagnesétaient visiblessurdenombreuxsupports,notammentBFMTV, i-Télé, LCI,Europe1, France Info, France Inter,lapressequotidienne régionale, lapressemagazine spécialisée et lapressenationale. Cet article indi-

queégalementque la CGPMEpos-sèdedes institutsde formationcomme l’IFP-PMEou l’IFS-PME,uncentrede formationd’apprentis(PMEapprentissage), unorganis-medegestiondu 1% logement(ACLPME). Telle n’estpas la réali-té. L’IFSPMEn’existeplus, PMEapprentissagedépendde l’Agefaet l’ACLPMEest unorganismeparitaire. Enfin, la Sopepn’éditepas, comme l’article lemention-ne, “deuxmagazines”maisunseuldénommé«PerspectivesEntrepreneurs». Enfin, il est àpré-ciserqu’aucune illégalitén’a étérelevéeet que les comptesde laCGPMEsont contrôlés annuelle-mentnotammentpar ses commis-saires aux comptes et publiésconformémentà la réglementa-tionenvigueur.»p

Aujourd’hui,cesontlesarmesquiparlent.

Adeuxreprises,endébutd’année,desjeunesontétéprispourcible

LarueetM.Dassault,deuxmondes

oùs’entrechoquentdesambitions

etlepaternalismedel’ancienédile

ACorbeil,ces«grandsfrères»dévoyésparl’argentdeDassaultUnnouveautémoignageaccrédite l’existenced’unsystèmed’achatdevoixdans lescitésde lavilledirigéepar l’industrielde1995à2009

CORRESPONDANCEUne lettrede laCGPME

Au«Figaro», un traitement aminima

Serge Dassault lors du défilé du 14-Juillet sur les Champs-Elysées. DENIS ALLARD/REA

110123Mardi 8 octobre 2013

Page 12: Le Monde - 8 Octobre 2013

Art contemporain

I l faut imaginer le soleil tombé,le musée déserté : que devien-nent-elles, la nuit, cesœuvres?

Nul doute, elles rêvent. Elles ontdes songes de miel et de glace, decarnaval, de littérature et de ter-rier. Elles ont leur vie rien qu’àelles. Mais tout cela, elles ne nousle raconteront pas; même quand,au jour, nous viendrons les sur-prendre : les œuvres de PierreHuyghe existent pour et par elles-mêmes.Films,photographies,per-formances, souvenirsd’unmondeflottantet autresopus indescripti-bles… Elles nous sont organismeslointains, aucune de leurs énig-mes ne saurait être brisée, et l’éco-système qu’elles construisent enguised’expositionestnotreplanè-te étrangère.

Etpourtant…Nulnepeuts’arra-cher sans tristessede lamagistralerétrospectivecomposéepar l’artis-te français, à partir d’un corpus de50œuvres et présenté au CentrePompidou jusqu’au6 janvier.

Comment quitter le pingouinalbinos qui n’attendait qu’unecaméraetunpeuderomancepourexister sur une île où l’Arctiquefond pour se faire imaginaire ?Pourquoi renoncer à contemplercette brume colorée qui bat aurythme des Gymnopédies deSatie ? Et vraiment, ne jamaissavoircequ’iladviendradesexplo-rateurs de cette forêt tropicale néesur la scènede l’opérade Sydney?

Il faudra s’y résoudre, et partirdans un brouillard de questions.Mais parfois, au fil de la nuit – lanôtre–, ces personnages et leursîles secrètes reviennent hanterqui est venu les visiter (les déran-ger?) au musée. Alors ils devien-nent évidence, dans leur singuliermystère.

Et pourtant… Toujours ils serefusent à nous. Alors, à quoi tien-nent ces heures passées à errer del’unàl’autre?Acela,peut-être:parleur présence, ces œuvres récla-ment de nous la même intensité.Unefemmeaucorpsoffertalevisa-ge caché sous un essaimd’abeillesqui, chaque jour, burinent légère-ment son allure ; un lévrier blancet décharné trottine, indifférent àcette patte rose qui le fait créaturede dessin animé; une patineusesourit en glissant sur une surfaceglacée, noire comme lave froide…

«Ceschosesnedansentpaspournous, elles sont indifférentes ànotreprésence,ellesnesontpaspri-sesdansunfiletquilesdomestique-rait, revendiquel’artiste.Maisbiensûr elles intensifient ce qui est. Et

paréchofontduvisiteuruntémoinsauvage. Comprendre que l’on necomprendpas,c’estpréférerl’inten-sité à l’infantilisation.» *

Le soir du vernissage, le 25sep-tembre,réactivantuneperforman-ce ancienne, Huyghe avait chargél’écrivainThomasClercderetrans-crire endirect les situations obser-vées. Aujourd’hui placardé aumur, son texte peut servir demodèle : en terrain non conquis,accepter les bruissements d’unelangue inconnue.

Et choisir l’éveil, l’hyper-conscience, pour tenter de trans-percer les murs du regard : ici,même les cimaisesont des secrets.Elles ne cachent pas leurs fantô-mes. A commencer par les précé-dents occupants des lieux, queHuygherévèle enponçant laparoipourévoquerencreuxleurarchéo-logie;qu’ilhonore,aussi,ens’infil-trantexactementdanslascénogra-phie imaginée cet été pour MikeKelley. «Quand j’arrive dans un

corps donné, je m’acclimate, je melaisse influencer par le contexte,j’accepte les règles. Et si j’ai enviedeles refuser, je trouve d’autresmodes de monstration, un espacepublic, une rivière… », remar-que-t-il.

Pourtant l’animal est loind’être domestiqué: il a beau êtreconsidéré comme l’un des plusgrands plasticiens au monde, samise en scène dans le parc de Kas-sel, en Allemagne, pour la Docu-menta de 2012 – rejouée ici –, abeau avoir fait le tour du monde,on ne l’enterrera pas sous lestuyauxde RenzoPiano.

Certes, aujourd’hui, il rêve sur-tout d’investir un site naturel où«jouerduminéraletduvégétal,dif-fuserlagrippeetse libérerdel’auto-rité de l’art pour tous»… Mais enattendant d’avoir le temps et lesmoyensde ce jardin sauvage («Unlieu qui serait. Point. »), il invitedans lemuséecette vie qued’ordi-naire l’institution refuse. Des

microcosmes qui s’imposent enautarcie : colonies de fourmisacharnées, araignées amusées dubon tour joué à la conservationpréventive… Pour Huyghe, cesêtres «amènent dans ce lieu desti-né à séparer le vivant du figé quel-quechosed’incontrôlable,quin’est

pas joué.Lesanimauxont leurécri-ture, faussement aléatoire, et j’aide plus en plus envie de l’exploi-ter».

Dérogeantauxcontraintesd’hy-gièneetdesécurité, leCentrePom-pidouaainsi annexéunepartiedeson terre-plein extérieur pour y

prolonger l’exposition. Ce semiplein air évite aux abeilles desaccèsdeclaustrophobie; il est aus-si microclimat: l’eau, la brume, laglace tombentduplafond, selon lerythme d’un récit d’Edgar AllanPoe qui se livre enmorse à traversles éléments. Superbementdébor-dante et débordée, l’expositionrappelle combien elle émane d’unartisterétif,quis’esttoujoursrefu-sé à l’exercicede la rétrospective.

Il le raconte en crypté, quand ilévoque cet aquarium au fondduquel, en dialogue avec des cra-bes-insectes indéterminés, reposelaMuse endormie de Brancusi. Ungros bernard-l’ermite en a fait sacoquille : «Comme moi je vienshabiter ce lieu, il hérite de quelquechose qu’il n’a pas construit. Unemuse qui dort, dans l’endroit oùsont lesmuses… Lemusée. On peuts’amuser avec ce genre d’interpré-tation,oujustedirequec’estuncra-be dans la tête de quelqu’un.»

On ne dira rien de plus. Inutile

de déflorer les œuvres dans leurdiversité; résumer les films d’unedensité parfois folle serait vain. Ilfaut juste savoir gré à ces œuvresde sortir un temps, pour nous, deleurnuit. Car toutes ressemblentàcette grotte récemmentdécouver-teauMexique,quiétincelledecris-taux géants, et que l’artiste a pho-tographiée: «Le site a existé dansla fiction avant d’exister dansnotre réalité. Maintenant qu’il estdécouvert, les cristaux cessent degrandir, et il estpromisà lamort.»

Ces œuvres, il ne faut donc pastrop les réveiller : la nuit, elles serechargent, et c’est la conditiondeleur lumière. p

Emmanuelle Lequeux

Pierre Huyghe, Centre Pompidou, PlaceGeorges-Pompidou, Paris 3e.Tél. : 01-44-78-12-33. Tous les jours saufmardi, de 11 à 21heures. De 9 à 13euros.Jusqu’au 6 janvier. Centrepompidou.frCatalogue : éd. Centre Pompidou,272p.,38euros.

culture

CatherineLarrèreTechniqueet nature

Conférence

Fondation Calouste Gulbenkian – Délégation en France39, bd. de la Tour-Maubourg, 75007 Paris / www.gulbenkian-paris.orgRetrouvez-nous sur Facebook : Centre Calouste Gulbenkian

Réservation obligatoire :01 53 85 93 93

Lemardi 8octobre 2013à 19 h 00.

Art

Moscou

L es biennales d’art contempo-rain se suivent et ne se res-semblentpas.Antithèsede la

Biennaled’Istanbulcolléeàl’actua-lité la plus brûlante, celle de Mos-cou, organisée jusqu’au 20octo-bre par la commissaire belgeCatherinedeZegher, aprisunpar-ti plus esthétique. Cette édition,intitulée «More light», se tientpour la première fois au Manège,imposant bâtiment jouxtant leKremlin.

Une proximité géographiquequi,symboliquement,metl’événe-ment sous surveillance et amortittoute question politique. Celle-cis’infiltre tant bien que mal danslespancartesminiaturesanti-Pou-tine noyées dans l’installationd’images contestataires de l’artis-te irlandais Tom Molloy. Encorefaut-il avoir de bons yeuxpour lesdéceler. Elle s’inscrit en creuxchezl’Iranienne Farideh Lashai (1944-

2013),quiaeffacé lesscènesd’atro-cités dans les Désastres de laguerre, de Goya, pour n’en garderque le décor. Elle s’invite plus clai-rement dans le cruel théâtre demarionnettesducollectifdecomé-diens syriens Masasit Mati, met-tant en scène la folie meurtrièredudictateurBacharAl-Assad,dontl’alliéprincipaln’estautrequeVla-dimir Poutine.

Cette vidéo très frontale paraîtincongrue dans une expositionglobalement «soft», sans bruit nifureur. A l’agit-prop, Catherine deZegher a préféré des films exi-geantdutempsetdel’écoute,com-me celui de Bouchra Khalili, néeauMaroc,surlatristeviequasicar-cérale d’unmarin philippin. Elle aaussioptépourd’immensesinstal-lationspétrifiéesdans lanostalgie.

Mêmeles artistes lesplus âpresont perdu de leur aspérité. De laPalestinienne Mona Hatoum, lacommissaire n’a pas gardé lessculptures les plus urticantesmais un réseau arachnéen de bul-les de verre propice à la rêverie.

Cet excès méditatif finit paranesthésier le visiteur. L’œuvre laplus subversive de l’ensemblesembleainsividéedesonsuc.Bap-tisée En plein air, elle réactive uneaction effectuée, en mai2012, parun groupe d’artistes russes aprèsla fermeture forcée d’une exposi-

tion. En signe de protestationmutique, ces derniers avaient ins-tallé leurs chevalets devant leKremlin et recouvert leurs toilesdepeintureblanche.Cettecouleurn’estpas anodine: elle est l’emblè-medepuisdeuxansdelacontesta-tion civile contre le régime.Déployée au fond d’une des sallesde la biennale, l’installation de

tableaux immaculés paraît toute-fois exsangue.

«C’est la toucheblanchequi faitjoli, décoratif. Il y a de bellesœuvres, mais au final elles sonttrop formelles», regrette le galeris-te Marat Guelman. Débarqué enjuinde la directionduMuséed’artmodernedePermpouravoirmon-tré une exposition tournant enridicule les Jeux olympiques deSotchi, cedernierregrettequenul-le allusion ne soit faite au sort desPussyRiot ni à la censuregalopan-te: «Une biennale qui ne tient pascompteducontexteesthorssujet.»

«La Biennale de Moscou est unévénementinternational, répliqueson fondateur, Joseph Backstein.Elle ne doit pas se concentrer uni-quement sur les problèmeslocaux.» Comment le pourrait-elled’ailleurs,alorsqu’elleestpres-que entièrement financée par leministère russe de la culture… p

RoxanaAzimi

Biennale deMoscou, jusqu’au20octobre. 5th.moscowbiennale.ru/en

Huygheinvitedanslemuséecetteviequed’ordinairel’institutionrefuse:coloniesdefourmis,araignées,abeilles...

ABeaubourg, l’écosystèmedePierreHuygheluitLeplasticienpeuple leCentrePompidoudesesœuvresorganiques,à l’occasiond’unerétrospectivemagistrale

AntithèsedelaBiennaled’Istanbulcolléeàl’actualité laplusbrûlante, celledeMoscouaprisunparti

plusesthétique

«Untilled» (2011-2012), de PierreHuyghe. PIERRE HUYGHE/ADACP/PARIS 2013

SouslesfenêtresduKremlin,unebiensagebiennaleSansbruitni fureur, lamanifestationmoscoviteamortit toutequestionpolitique

12 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 13: Le Monde - 8 Octobre 2013

culture

OCTOBER 11/12/13th

DIANE PERNETpresents

www.ashadedviewonfashionf i lm.com / Photo : Sis ter Act by El len Von Unwerth

Centre Pompidou, Paris

Baroque

Bourg-en-Bresse (Ain)Envoyée spéciale

E n trente-trois ans, Alain Bru-netafaitduFestivald’Ambro-nay l’une des places fortes de

lamusiquebaroqueenFranceetenEurope. Le flambeau de directeurgénéral qu’il passera le 1ernovem-breà son jeunehomologue,DanielBizeray, est vif, puisque la 34e édi-tion, qui vient de se dérouler, faitétatd’unehaussede fréquentationde 18%, soit 17 523billets éditéspour39concerts.

Certes, Alain Brunet a préparésa dernière saison (intitulée «LaMachine à rêves ») en invitantbeaucoup de ceux qui ont fait lesriches heures d’Ambronay (JordiSavall, William Christie, RenéJacobs), qui y ont débuté (PhilippeJaroussky, Stéphanie d’Oustrac),qui en ont été les derniers artisanszélés. A leur tête, le chef d’orches-tre argentin Leonardo GarciaAlarcon, en résidence àAmbronaydepuis2010,quianotammentres-suscité les deux seuls chefs-d’œuvre disponibles du composi-teurpalermitainMichelangeloFal-vetti (1642-1692): IlDiluvioUniver-sale et Il Dialogodel Nabucco.

Cette année, entouré de sesmusiciens de la CappellaMediter-raneaet du fidèleChœurdecham-bredeNamur, ilaouvert lesfestivi-tés le 13septembre avec Les Vêpresde la Vierge de Monteverdi(concert diffusé sur France Musi-que le8octobre).AvecMonteverditoujours–cettefoisavecles jeuneschanteurs et instrumentistesde la20e Académie baroque européen-ne d’Ambronay –, il les clôture enprésentant l’emblématique Orfeode 1607 au Théâtre de Bourg-en-Bresse, prélude à une importantetournée.

Le metteur en scène LaurentBrethomeréaliseavecOrfeosapre-mièremise en scène d’opéra. On yretrouveleshabituelsdéfauts(plé-thore gestuelle et transpositionssujettes à caution) inhérents àceuxpour qui «prima le parole».

La partie festive est franche-ment ratée (les noces d’Orphée etEurydice en perruques fluo, bal-lons, cotillons et robes trop cour-tes), plus proche du satiriqueOrphée aux Enfers d’Offenbachquedelabucolique«fableenmusi-que»monteverdienne.

S’ensuit une interminable scè-nedecondoléances–Orphéevientd’apprendre la mort d’Eurydice. Ilfaut attendre l’arrivée de l’aèdemythique au royaume des mortspourquelamiseenscènesedécan-te et trouve ses marques pluto-niennes, servie par la scénogra-phiedeRudySabounghi,leslumiè-res chtoniennes de David Debri-nay, la chorégraphie infernale deYann Raballand. Un Charon punk,une Proserpine hollywoodienne,un Pluton façon «StarWars» (cos-tumes de Marie-FrédériqueFillon), tous trois accorderont àOrphée de revoir les étoiles enramenantcellequ’ilaime.Avantleretournement fatal qui rendraaux ténèbres la petite fille dont lasilhouette gracile s’efface derrièreun écrandeplexiglas.

Sensde la lignePas plus que le rôle-titre assez

platement interprété par le ténorFernandoGuimaraes (déjà profes-sionnel), la jeune distribution dechanteurs, dont certains sortenttout juste du conservatoire, n’apas révélé de divines surprises.Pourtant la Musica de FrancescaAspromonte, le Berger baryton deJulianMillan, à unmoindre degréYannis François (Pluton), AngelicaMonjeTorrez(laMessagère)ouRic-cardoPisani (Apollon), ont su faireentendredelamusique.Demême,les vingt instrumentistes dans lafosseduThéâtredeBourg-en-Bres-se, dont l’acoustique sèche n’a pasflatté les imperfections. Il a fallutouteladirectioninventiveetraffi-née de Leonardo Garcia Alarcon,sonartdelaligne,sonsensduthéâ-tre et du récit, pour transcendercettepartition fondatrice de l’opé-ra, dont l’étude vient de faire l’ob-jetd’uncollectifpassionnantéditésous la direction de la musicolo-gue Sylvie Pébrier : Les Chants dupossible-Interpréter L’Orfeo deClaudio Monteverdi (Ed. Ambro-nay, 149p., 14 ¤).p

Marie-AudeRoux

Orfeo, de Monteverdi. Avec FernandoGuimaraes, les solistes, chœur etorchestre de la 20e Académie baroqueeuropéenne d’Ambronay, Leonardo Gar-cia Alarcon (direction). Ambronay.org

Ambronays’offreundernier«Orfeo»avantrésurrectionAlainBrunetaclôturésadernièreéditionauxcommandesdufestivaldemusiquebaroque

Exposition

Aix-en-Provence(Bouches-du-Rhône)Envoyée spéciale

D ix grands écrans incurvésoù apparaissent, mobiles,des citations. C’est une

exposition en forme d’épiloguequi s’est ouverte le 5octobre à laCité du Livre d’Aix-en-Provence. Ala faveur du centenaire de sa nais-sance, marqué par une floraisondepublications,lePrixNobeldelit-térature a droit à 300m2 de cimai-ses. Choisi par la mairie, le scéno-graphe d’«Albert Camus, citoyendumonde»,YacineAïtKaci, avou-luunparcourssensorielcentrésurlalangue,telle«unebande-annon-cedel’œuvre»,dit-il.«Notrehérita-ge à tous, ce sont ses mots. Tout lereste est interprétations.»

Un groupe de lycéens sembleapprécier. «C’est ludique et joli »,estime Lou Bianchi, en 1re au lycéeDuby. Quoi d’autre? Des petitesvitrines provenant du centre dedocumentation Albert-Camus,qui occupe un bâtiment adjacent.Elles présententplusieursmanus-crits, des exemplaires dédicacés,des coupures de presse, une sériede photos. Cohabitant sous verre,la guerre froideet la guerred’Algé-rie sont évoquées en quelquesphrases. Rien qui fâche, aucuncadrage général, contrairement àl’album de l’exposition, lui, riche-ment documenté. Une simplechronologie? Elle sera fourniedans le dépliant remis gratuite-ment auxvisiteurs, jure-t-on.

Pourtant, le comité scientifi-que, qui a élaboré les dix thèmes(lieu, métier, amitié, langage, lapensée de midi, jeu, etc.) autourdesquelss’articuleleparcours,réu-nit quatre des meilleurs spécialis-tes de Camus. Mais la dimensionvisuelle l’a emporté sur la pédago-giecritiqueet lamiseenperspecti-ve historique. «Et encore, on a dûbatailler bec et ongles pour impo-ser les vitrines», souffle le philoso-pheMauriceWeyembergh.

Il y a encore quelquesmois, untelprojetsemblaitbeletbienenter-ré.Annoncéen2009commecom-missaire de l’exposition Camus,l’historienBenjaminStora, spécia-liste duMaghreb, fut brutalementécarté enmai2012 en raisonde sesdivergencesdevueavec lesnostal-giques de l’Algérie française, viva-ces dans la cité aixoise et prochesdelamaireUMP,MaryseJoissains-Masini. «Dans l’écheveau des cau-ses qui ont conduit à l’annulation,il est bien difficile de faire la partentre la mauvaise volonté des unset le manque de soutien desautres…,note-t-il dansCamus brû-lant, (Stock, 128p., 12,50euros), sor-ti le4septembreetécritencollabo-

rationavecledocumentaristeJean-Baptiste Péretié. Reste qu’un rejetde la vision d’Albert Camus quenous portions ainsi que la tenta-tion demettre l’écrivain au serviced’une certaine ligne politiqueconstituent selon nous l’arrière-planqui éclaire cette affaire.»

Benjamin Stora? « Je ne savaismême pas qu’il était historien,nous a déclaré, le 4 octobre,Maryse Joissains-Masini. Il m’amise en causemais je n’y suis pourrien.» Dans cette affaire qui a faitgrandbruit, chacuncontinuedeserenvoyer la responsabilité. Storaévincé, le philosophe MichelOnfray accepta de lui succédermais, face à la polémique, finit parabdiquer le 14 septembre 2012.«Pour des raisons de calendrier,l’exposition semble condamnée:les délais sont désormais tropcourts pour bâtir, avec sérieux, unprojet de cette importance», avaitalors confié auMonde (édition du18 septembre 2012) Jean-FrançoisChougnet, directeur général de«Marseille-Provence2013».

D’autant que la ministre de laculture, Aurélie Filippetti, avaitdécidé de retirer la subvention de400000eurospromiseà l’exposi-tion dans le cadre des manifesta-tions. Résultat : si «Albert Camuscitoyen du monde» porte bien,

finalement, le label MP13, l’événe-ment a été entièrement financépar lamairie d’Aix-en-Provence.

Au-delàde cette controverse, cequinelaissepasd’étonnerestcom-bien Albert Camus, l’auteur fran-çais le plus vendu à l’étranger, res-te mal aimé dans l’Hexagone.Aucune grande exposition dignede ce nom n’y a jamais vu le jour,quand la Bibliothèque nationale

de France (BNF) a consacré en sesmurs Jean-Paul Sartre, GastonLeroux, Boris Vian, Casanova,GuyDebord…

«C’est incroyable,unvraimystè-re, reconnaîtl’éditeurAntoineGal-limard.On a avancé plusieurs foisl’idée.Depuis longtemps,onpose laquestion. On n’a jamais eu deréponse, ni de la BNF, ni de Beau-bourg,niduministèredelaculture.Il semble y avoir des problèmesdepuis qu’on a évoqué le transfertde Camus au Panthéon. On pense

qu’il est consensuel. Or, il ne l’estpas. Et personnen’ose le dire.»

C’est la même conclusion àlaquelle parviennent BenjaminStora et Jean-Baptiste Péretié dansCamus brûlant : «Social-démocra-te et libertaire. Contre le systèmecapitaliste et le système soviétique.Pour la justice en Algérie et contrel’indépendance. Français etAlgérien… Cette position duelle,paradoxale,quel’onpourraitquali-fier d’“étrangeté”, nous semblecaractériser fortement Camus.Pour cette raison même, l’écrivainse retrouve pris dans des logiquesde récupération et d’exclusion quidénaturent totalement sa volontédedialogue et d’ouverture.»

Mais la force de Camus, lorsmême qu’il est cité continûmentpar des politiques de tous bords,que l’idée court encore, tel un pré-jugétenace,qu’ilprêchaitunepen-sée tiède, est d’avoir su y résisterpar son humanisme intransi-geant, réfractaire aux dogmes et àtoutes les idéologies.p

MachaSéry

Albert Camus, citoyen dumonde. A laCité du Livre, 8-10, rue des AllumettesAix-en-Provence (Bouches-du-Rhône),jusqu’au 4 janvier 2014. Entrée libre.Catalogue de l’exposition édité parGallimard, 208p., 29¤.

JohnColtraneAfroBlue ImpressionsPublié en 1977, dix ans après lamort du saxophoniste américainJohn Coltrane,Afro Blue Impres-sions, enregistré à Berlin et Stock-holm lors d’une tournée euro-péenne à l’automne 1963, avaitété réédité en CD en 1993. La pré-sente réédition, qui ravira toutamateur du saxophoniste, ajouteà l’albumoriginal trois thèmesdu concert de Stockholm jus-qu’alors dispersés dans d’autrespublications. Le temps n’est plusoù Coltrane, par son jeu éperdu,enmouvement, suscite des criti-ques. Il n’a pas encore enregistréavecMcCoy Tyner (piano), Jim-myGarrison (contrebasse) etElvin Jones (batterie) le grandœuvreA Love Supreme – ce serachose faite le 9décembre 1964. Lerépertoire des concerts est parta-gé entre des compositionsde Col-trane, toujours en recherche, et

des standards. Les ballades, icideux versions du superbeNaima,en ouverture Lonnie’s Lament,peuvent prendre des envols tour-billonnants.Afro Blue Impres-sions (combinaisondes titres dedeux compositions de Coltrane)est un superbe rappel de la forcede ce quartette, influence tou-jours vivace du jazz aujour-d’hui. pSylvain Siclier1 double CD Pablo-ConcordMusic/Universal Music

Elvis Costello andTheRootsWiseUpGhostBatteur du groupede rap de Phila-delphie The Roots, Questlove(Ahmir Thompson) insuffle àWiseUpGhost, album réalisé avecElvis Costello, une concisiondont lemaître anglais avait étéprivé lors de ses derniers essaisen solo, Secret, Profane&Sugarca-ne (2009) etNational Ransom

(2010). The Roots ramèneCostel-lo vers les rivagesmultiples de lamusiquenoire, du funk, de lasoul, et s’amuse de collages sono-res luxuriants (WiseUpGhost)autant que des phrasés festifs etdésespérés d’unMarvin Gaye

(WalkUsUptown), oudes effets sudis-tes rappelantTheRiver InReverse (2006)enregistré avec

le pianiste de La Nouvelle-Orléans Allen Toussaint. Reg-gae,roulement de caisse claire,cuivres et violons, électroniquehip-hop offrent un tapismusicalà un Costello en forme, voix enavant, textes épineux.WiseUpGhost joue dans son époque, alan-guie, endormie, et pourtant enguerre permanente. p

VéroniqueMortaigne1CD Blue Note/Universal

TamikrestChatmaSi les propositionsdemusiqueactuelle touareg souffrent par-fois de redondance,Chatma, letroisième albumdugroupeTamikrest, formé à Kidal (nordduMali), a lemérite de varier lesclimats. Au-delà des titres «bluesrock», efficacesmais ne se démar-quant guère de ce que l’onconnaît déjà, l’introductiondevoix parlées oumurmuréesouvre un chemin à l’étonne-ment. Dédié aux femmes, Chat-ma (« les sœurs») parle (en lan-gue tamasheq) de culture, derésistance et d’indépendance, desthèmes au cœur des préoccupa-tions du leader du groupe, le gui-tariste et chanteurOusmaneAgMossa. Celles, en fait, de tous lesmusiciens touareg découvertsdans le sillage du groupe Tina-riwen. pPatrick Labesse1CD Glitter Beat/Differ-Ant

SÉLECTION CD

Tournéede l’Académiebaroqueeuropéenned’Ambronay avec«Orfeo», deMonteverdi

8octobre à l’Opéra-ThéâtredeSaint-Etienne (Loire).Operatheatredesaintetienne.fr

11octobre à l’Opéra deVichy(Allier). Opera-vichy.fr

13octobre auGrandRdeLaRoche-sur-Yon (Vendée).Scene-nat-rochesuryon.com

15 et 16octobre auThéâtre etauditoriumdePoitiers (Vienne).Tél. : 05-49-39-29-29.Tap-poitiers.com

19 et 20octobre à l’Opéra deReims (Marne).Operadereims.com

Ladimensionvisuellel’aemporté

surlapédagogiecritiqueetlamiseenperspectivehistorique

COLL. C. ET J. CAMUS, FDS ALBERT CAMUS, AIX-EN-PROVENCE

AlbertCamusàAix-en-Provence:autopsied’ungâchisMarquéeparunegenèse tumultueuse, l’exposition«AlbertCamus, citoyendumonde»déçoit

130123Mardi 8 octobre 2013

Page 14: Le Monde - 8 Octobre 2013

Accompagnée de sa demi-sœurNORAH JONES,produite par le compositeurNITIN SAWHNEY,la chanteuse/musicienneredéfinit la musique classiqueindienne moderne.

nouvel album

TRACES OF YOUsortie le 7 octobre

ANOUSHKASHANKAR

Locations : 01 48 65 97 90 // www.soireespectacles.com // FNAC, TICKETNET, CARREFOUR Et points de vente habituels

EN CONCERTLE 22 OCTOBRE 20H30

120 BOULEVARD DE ROCHECHOUART 75018 PARIS

culture

Bandedessinée

J acques Glénat a un «grave»problème dans la vie : il estatteint de « collectionnite

aiguë». Le créateur et patron dugroupe d’éditionportant sonnomnecachepasunetendancecompul-sive à l’acquisition de biens cultu-rels aussi différents que des meu-blesHache, des peintures demon-tagne ou des planches originalesde bande dessinée, sa plus ancien-nemarotte.

C’est au nom de cette dernièrequ’ilvientd’ouvrirdansle3earron-dissementdeParis, ruedePicardie,unegalerieentièrementconsacréeau 9e art. Jacques Glénat est le pre-mier éditeur d’importance às’aventurersurce terrain,occupéàParis par une dizaine de galeriesindépendantes.Unmarchéenplei-neexpansion,stimulédepuisquel-quesannéespar lesopérationsréa-lisées par des maisons de ventescommeArtcurial, TajanouMillon.

Dans ce nouvel espace de160m2, Jacques Glénat n’entendpasvendre lesœuvresdesaproprecollection, pas plus qu’il n’expose-ra uniquement les planches debédéastes publiés chez Glénat.«Notremission est de faire connaî-trede jeunesauteurs,maisaussi depasser commande à des auteursplus confirmés en leur demandantde réaliser des peintures, des illus-trations et même des sculptures. Ilest intéressant de les faire sortir deleur univers et leur donner l’occa-sion de montrer qu’ils ne sont pasdes purs scribouillards de bandedessinée», explique le Grenoblois.Parmi les «commandes»déjàpas-sées : trente toiles de PhilippeDruillet représentant le personna-ge récurrent de ses albums, Lone

Sloane;ettrentedessinsgrandfor-mat de l’Italien Tanino Liberatoresur le thème des Fleurs du mal.Trouver des illustrations et desplanches correspondant à desalbums existants ne devrait pasêtre «trop compliqué», veut croireJacquesGlénat,malgrél’avancepri-se par les salles des ventes et lesautres galeries: «Les auteurs sonttrès demandeurs», indique-t-il.

Chat espiègleDe plus en plus d’illustrateurs

n’hésitent plus à se séparer deleurs originauxdevant la promes-se de revenus complémentaires,qui peuvent se révéler supérieursà leurs droits d’auteur. Alors quelesventesd’albumsdebandedessi-née ont chuté ces dernièresannées, la cession de planchespeut permettre de financer desprojets plus exigeants ou deman-dant beaucoupde temps.

Afind’attirerleplusgrandnom-bre d’acheteurs – fans de BD, ama-teurs d’art contemporain et… spé-culateurspatentés–, lagalerieGlé-nat n’a pas oublié de faire entrerdans ses collections quelques«monstres sacrés» commeMana-ra, Zep, Otomo, Reiser, sansoublierlechampiontoutescatégo-ries des ventes d’originaux, EnkiBilal, présent à travers une plan-chede l’albumFroidEquateurpro-posée au prix de 47000euros.AndréFranquinest ausside lapar-tieavec ledessind’unetêtedechatespiègle, d’une valeur de30000euros. Cher, diront cer-tains.Mais sublime. p

Frédéric Potet

Galerie Glénat. 22, rue de Picardie,Paris 3e. Tél. : 01-42-71-46-86. Dumardiau samedi, de 11heures à 19heures.

L’éditeurJacquesGlénatouvreunegalerieàParisLe lieudevraaffronter laconcurrenced’unedizained’autresgaleriesconsacréesà laBDCinémaet danse

Châlons-en-Champagne(Marne) et Rennes

C adrer », au cinéma, ou« tirer», sur un champ debataille, font appel au

mêmemot «to shoot» en anglais.Cette coïncidencede langagen’estpas le seul lien troublant unissantle cinéma et la guerre, sur tous lesécrans (de la salle obscure auxjeux vidéo). Au-delà des imagesd’archives, la fictiona toujoursétéunmoteurpuissantpourévoquerun conflit. Aujourd’hui, lesconflits armés ou les traces qu’ilslaissent sur les populations conti-nuent de nourrir une belle créa-tion. La démonstration est faiteavec deuxmanifestations.

Lapremièreestunnouveaufes-tival de cinéma. Dirigé par Philip-peBachman,WaronScreena tenusapremièreédition,du2au6octo-bre, à Châlons-en-Champagne, àMourmelon et à Suippes (Marne)– la Champagne-Ardennes était ladernière régionde France àne pasavoir son festival de cinéma, voilàqui est fait.

Unjuryprésidéparla réalisatri-ce palestinienne Hiam Abbass adistingué trois filmsparmi les dixen compétition: le Grand Prix aété attribué à Rose, film polonaisdeWojciechSmarzowski,quiretra-ce les souffrancesde la veuved’unsoldatallemand; lePrixspécialdujuryaétédécernéàCamp14:TotalControl Zone, documentaire alle-manddeMarcWiese.C’estunpuis-sant témoignage d’un jeuneCoréen, né dans un camp de tra-vail en CoréeduNord, dans lequelil a subi la torture. Il a réussi à s’enéchapper,mais sesent totalementperdu dans cette Corée du Sud oùdes gens se suicident, dit-il, parmanque d’argent. De belles

séquencesd’animationnousplon-gent dans le quotidien de cescamps de la mort. Deux bour-reaux nord-coréens (dont unancien responsable de camp) selivrent face caméra. L’un dit sahonte, l’autre sa peur de revoir unjour ses anciennes victimes, si lesdeuxCorées se réunifient.

«Neiges télévisuelles»Enfin, le film palestinien

Omar,deHanyAbu-Assad,quisor-tiraensalles le 16octobre,a reçu lePrix de la mise en scène –aprèsavoir été primé à Cannes. Omarscrute un désastre intime en Cis-jordanie : comment des liensd’amitié entre trois jeunes mili-tants palestiniens, ainsi qu’unehistoire d’amour, explosent sousl’effet du conflit israélo-palesti-

nien. Un focus sur la bataille deStalingrad et une rétrospectiveRobert Aldrich complétaient cet-te riche programmation.

Ceux qui ont raté War onScreen peuvent se rendre à Ren-nes, auMuséede la danse, où l’ex-position «Danse et guerre» pro-posedenombreuses installationsvidéo –encore des écrans. D’unecertainemanière, la danseestunediscipline du corps, à l’image del’entraînement du soldat. Lesartistes invités devaient aussirépondre à cette question : com-ment scruter les traces de laguerresurlemouvement?LeLiba-nais Rabih Mroué s’intéresse aux«petits riens». Ses «neiges télévi-suelles », qu’il a enregistréesdepuis une trentaine d’années,signalent la bataille de l’image

quese livrent leschaînesdetélévi-sionlibanaises–avec les interrup-tions de programmes. Il y a aussicettevidéoquidécortiquela fabri-cation d’une scène dramatique.Une femme pleure, peut-être unfils ou un mari perdu au combat.En bas de l’écran, un texte défile.Pour magnifier la scène, on peutajouter de la musique, ralentirl’image, incruster une voix offrécitant un poème patriotique,etc. Mélo, documentaire, imagesd’archives ? Tout se trouble, etl’exercicede styledeRabihMrouéfait joliment écho à War onScreen. p

Clarisse Fabre

Danse et guerre.Musée de la danse,38, rue Saint-Melaine, Rennes. Jusqu’au24octobre. Museedeladanse.org

Cinéma

BeyrouthCorrespondance

D e l’avis de Colette Naufal,directriceduFestival inter-national du film de Bey-

routh, L’Inconnu du lac, d’AlainGuiraudie, est un film «osé. Troposé pour le Liban, semble-t-il». Pri-méàCannes, le thriller devait êtreprojeté samedi 5 et dimanche6octobre au Festival internatio-nal du film de Beyrouth. ColetteNaufal avait été conquise «par sa

qualité».Mais le comité de la cen-sure en a décidé autrement : lefilm ne répond pas à « ses critè-res».

Ceux-cin’ontpasétéexplicités,mais il n’est pas besoin d’êtredevin pour les saisir. «L’Inconnudu lac parle d’homosexualité. Etaprès ? C’est ridicule de l’interdi-re», dénonceMme Naufal, qui pen-sait, après «quelques améliora-tions» depuis 2010, que les cen-seurs, « crispés sur le thème,s’étaient unpeu libérés».

Se fondant sur une loi relative-ment floue, la censure peut inter-dire tout film libanais ouétrangerconsidéré comme provocateurpour la paix civile ou les bonnesmœurs.Aprèslapolitiqueet lareli-gion, la sexualité est le troisièmesujet qui coince, selon un rapportà paraître établi par le mouve-ment March, un watchdog sur lacensure.

Difficulté supplémentairepour aborder à l’écran l’homo-sexualité, celle-ci reste punie parlaloi,mêmesi leLibanestconsidé-ré commeplus libéral par rapportàsespairsarabes.«L’homosexuali-té se pratique. C’est quand on arri-veàunniveaudevisibilitéqueceladevient plus critique. On vit dansunesociétécomplexe,oùsemêlentplusieurs facteurs: politiques, reli-gieux… Sur la sexualité, les cen-seurs ne veulent pas être attaquésparlesautoritésreligieuses»,expli-que l’artiste Akram Zaatari, dontdeux films, Red Chewing-gum(2000) et How I Love You (2001),traitent de l’homosexualité.

Pour ce photographe et vidéas-te, c’est la questionde la représen-tation qui doit être reposée : «Sil’homosexualité était dépénalisée,ce serait peut-être un premier pas.Mais cela ne changerait pas le pro-blème de fond. Une relation hom-me-femme est autorisée au Liban,

lamontrer à l’écran est tabou.»Parmilesautrespelliculesinter-

dites de projection pour la 13eédi-tion du Festival international dufilm de Beyrouth figure un court-métrage libanais consacré aumariagemuta,uneformed’unionpouruneduréedéterminéeconve-nue entre les époux, parfois prati-quée au sein de la communautémusulmane chiite.

«Les télévisions (privées et affi-liéesàuncourantpolitique)n’hési-tent pasàmontrer undébatpoliti-que incendiaire, qui provoque lamoitié du pays, poursuit AkramZaatari.Mais, dès qu’il y a une scè-ne de cul, on censure tout de sui-te.»

Au cours de ses éditions précé-dentes, le festival a été plusieursfois forcé de déprogrammer desfilms sélectionnés. Pour ColetteNaufal, la censure est pourtant«d’un autre temps». Et inutile.«L’Inconnu du lac sera vendu enDVD piraté, comme les autresfilms prohibés, professe-t-elle.D’une manière ou d’une autre, ilsera visible.»

En2009, lemilieu culturel bey-routhin avait organisé des projec-tions privées deValse avec Bachir,d’Ari Folman, proscrit – commetoutproduit israélien.AkramZaa-tari, dont les films sur l’homo-sexualité ont été diffusés auLiban, plaide pour une autreapproche : «Ne pas montrer lesfilms à la censure.»p

Laure Stephan

Monfilm,mabatailleDufestivalWaronScreenà l’exposition«Danseetguerre», les conflitsassaillent lesécrans

AkramZaatariplaidepouruneautre

approche:«Nepasmontrerlesfilmsàlacensure»

«L’Inconnudulac»,frappéd’invisibilitéauLibanLecomitédecensureaempêché ladiffusiondufilmd’AlainGuiraudieauFestivaldeBeyrouth

«Rose», film polonais deWojciech Smarzowski, Grand Prix du festivalWar on Screen.WAR ON SCREEN

Danse

U neimagepersistanterecou-vre le spectacle MamelaNyamzaet lesKidsdeSowe-

to, créé par Mamela Nyamza avecles cinq danseurs du Soweto’sFinest. Habillée d’une combinai-son noire effet latex, la chorégra-phe contemporaine sud-africaineprend chacun des jeunes dans sesbras et les pose l’un après l’autresur le plateau. Manière de mater-ner sa petite troupe d’hommesmais aussi de les couper de leurshabitudesetdecequi lesconstitueen tant qu’interprètes.

Fini le hip-hop swinguant desgenoux sur un joyeux roulementde caisses dans lequel les Soweto’sFinestexcellent!Placeà l’immobi-lité et au silence. Enfin presque.Mamela Nyamza aura beau cou-perleson,ellen’aurapaslederniermot: montés sur ressorts, les cinqkids sortent par la porte et revien-nent par la fenêtre. Leur spécialitéest le sbuja, quivientdumot fran-çais «bourgeois», combinantdan-sestraditionnellesetrythmeszou-lous pour électriser tout le corpsjusqu’au visage. Et ça siffle, et çahulule, et que ça saute!

Forces irrationnellesLa règle de conduite de cette

production cosignée par MamelaNyamza et Thomas BonganiGumede, leader des Soweto’sFinest? Avoir l’audace de perdresesmarques et de voir venir. Sansforcer la situation, le spectacle, àl’afficheduMuséeduQuaiBranly,semble reconduire devant lepublicleprocessusdelarencontre.La remise des compteurs à zérofait surgir une série de sons et de

gestes qui se propagent et entraî-nentunedansequi donne l’imagi-nationd’uneautre…Etainsidesui-te. Les séquences se recouvrentcommedes vagues.

Au fil de cette pièce volontaire-ment déséquilibrée, tant du pointde vuedu casting quede l’autoritéqui s’y joue,MamelaNyamza, seu-le femme, et aussi la plus âgée dugroupe –elle a 37ans, les kids ontentre18et26ans–, louvoieentre lerôle de chef, de copine… Elle neperd en revanche jamais son aurade personnage ambivalent surlequel des forces irrationnelles segreffent. Sans ostentation, elleendosse les avatars liés à sa situa-tion aumilieu de la bande et posediscrètement des questions sur laplace de la femme. Lorsqu’on saitcombien le clivage entre les sexesest aigu enAfriqueduSud…

Mamela Nyamza, programméepour la première fois en France auFestivald’Avignoncetété, a créésacompagnie en 2008 et s’est déjàtaillé un nom sur le front d’unféminisme déterminé. Inconnusjusqu’à présent, les Soweto’sFinest, grandis dans le townshipde Johannesburg, vivent de leurart au gré de shows commerciauxtout en donnant des cours auxenfantsdeSoweto.Ilsserontàl’affi-chedeSuresnesCitésdanse2014.p

RositaBoisseau

Mamela Nyamza et les Kids de Sowe-to.Musée du Quai Branly, 37, quai Bran-ly, Paris 7e. Jusqu’au 11octobre, à20heures Tél. : 01-56-61-70-00.De 15 à 20euros.En tournée le 16novembre à Toulouse,le 18 à Lyon, le 19 à Chalon-sur-Saône(Saône-et-Loire), les 27 et 28 à Mulhou-se (Haut-Rhin).

MamelaNyamzamèneladansedes«kids»deSowetoLachorégraphesud-africaine investit leQuaiBranlyavecunepièceféministeetambivalente

14 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 15: Le Monde - 8 Octobre 2013

sport

Football

MarseilleEnvoyé spécial

A vant même de féliciter sescoéquipiers, Blaise Matuiditraverseencourantlapelou-

seduStade-Vélodromepoursaluerles300supporteursduParis-Saint-Germain parqués en tribune. Aucoup de sifflet final, l’infatigablemilieu de terrain communie quel-ques instants avec ses fans après lavictoire(2-1)desaformationcontrel’OlympiquedeMarseille.Enclôtu-rede la9e journéedeLigue 1, lePSGa signé, dimanche 6octobre, sonpremier succès dans l’antre de sonrivaldepuis 2008, et son rachat, enmai2011, par les actionnaires deQatar Sports Investments. Si elle aremporté les trois dernièresconfrontations et reste invaincueface à l’OM depuis près de deuxans, l’équipeparisienneafaitpreu-ve de caractère en renversant unesituation qui lui était particulière-mentdéfavorable.

Alademi-heuredejeu,lescham-pions en titre se retrouventréduits à dix après l’expulsion deThiagoMotta.Aprèsavoir raté sondégagement de la tête, l’Italienheurte le pied du PhocéenMathieuValbuenaetprovoqueunpenalty. La sentence est transfor-mée par André Ayew et le publicdu Vélodrome semet à rugir, ravide voir les honnis visiteurs en simauvaise posture. Mais les Pari-siens égalisent juste avant lami-tempsgrâceaudéfenseurbrési-lienMaxwell.En inférioriténumé-rique, la formation de la capitaleopère par contre-attaques et finitparprofiterde lanaïvetéde l’arriè-re-gardeolympienne.

A la 65e minute, le défenseurMarquinhos est déséquilibré dansla surface marseillaise. L’arbitreClément Turpin désigne de nou-veau lepoint depenalty.Malgré lelaser qui le vise et les huées éma-nant des travées du Vélodrome,

Zlatan Ibrahimovic inscrit sonsixième but en quatre matchscontre l’OMetoffre à son clubunevictoiredeprestige.«Je ne sais passi ce fut une démonstration de for-ce. Il y a eu le sentiment quemême

à dix, on pouvait l’emporter »,confie après la rencontre LaurentBlanc, l’entraîneur du PSG. Auda-cieux, le technicien n’a d’ailleurspashésitéàopterpourunsystèmeavec deux attaquants après l’ex-pulsiondeMotta. En fin dematch,sa formationaétéà la fois solideetroublarde, jouant la montre pourconserver son résultat.

«Achaquefois contre lesgrosseséquipes, on fait de bons matchsmaisà la fin on se prendune carot-te», tempêtepour sapartMathieuValbuena. Le dénouement dumatchreflète ledéséquilibreaccruentre un PSG avide de rivaliseravec les ténors européens et unOM aux ambitions plus limitées.«QueParis soit favori, c’estuneévi-

dence, estimait avant la rencontreVincentLabrune, leprésidentmar-seillais. Ils ont un budget de430millions d’euros, et nous de125. » Invaincu toutes compéti-tionsconfonduesdepuis le 2mars,le PSG avait sereinement abordéceclasicoenétrillant(3-0), le2octo-bre, Benfica en Ligue des cham-pions.Laveille,Marseilleavaitchu-tésurlemêmescorecontrelesAlle-mands du Borussia Dortmund,finalistede la précédente édition.

«L’argentne faitpas lebonheur.L’OM, si», pouvait-on lire sur unebanderoledéployéeauVélodromeparlessupporteursphocéens.L’en-traîneur marseillais Elie Baupavait, lui aussi, présenté ce clasicocomme celui de «la logique finan-

cière et sportive contre la logiquedu cœur». Visant une troisièmeplace sur le podium final de laLigue 1, les dirigeants olympiensse sont, eux-mêmes, exclus de lacourse au titre. L’émergence del’AS Monaco, actuel leader duchampionnat à la différence debuts avec le PSG, a conduit lesobservateursàrelativisercettesai-son l’intérêt sportif du clasico.

Effet collatéralSeuleombreautableaudesPari-

siens, la situation de l’internatio-nal français Jérémy Ménez, mis àl’écart par Laurent Blanc aprèsavoir manifesté son mécontente-mentd’être resté sur la touche lorsdumatch contreBenfica. La préca-

ritédeMénez renvoieauxdifficul-tés vécues par les Français du PSG.BlaiseMatuidiest le seul représen-tant parisien (contre quatre del’OM) dans la liste des joueursconvoqués par le sélectionneurDidierDeschampspourlesrencon-tres contre l’Australie et la Finlan-de, vendredi11 etmardi 15octobre.Christophe Jallet (5 sélections) etl’internationalespoirsLucasDignevégètent sur le banc des rempla-çantsdans l’ombredes stars étran-gères. Mamadou Sakho (Liverpo-ol), Kevin Gameiro (FC Séville) etClément Chantôme (Toulouse)ont, eux, choisi l’exil au mercato.C’estl’effetcollatéraldeladémons-trationde forceduPSG.p

RémiDupré

RésultatsMontpellier-Lyon 5-1Bordeaux-Sochaux 4-1Marseille-PSG 1-2Monaco-Saint-Etienne 2-1Guingamp-Rennes 2-0Nantes-Evian 3-0Lille-ACAjaccio 3-0Toulouse-Nice 1-0Valenciennes-Reims 1-1Bastia-Lorient 4-1

Classement: 1.Monaco:21points.2.PSG: 21.3. Lille : 17.4.Marseille : 17.5.Nantes : 16.6.Nice: 14. 7.Saint-Etienne: 13.8.Montpellier : 12.9.Reims: 12.10.Bastia : 12. 11.Rennes: 12.12.Toulouse: 12.13.Guingamp:11. 14. Lyon: 11. 15.Bordeaux: 10.16.Evian : 9. 17.Ajaccio: 7.18.Lorient : 7. 19.Sochaux: 5.20.Valenciennes: 4.

LePSGpoursuitsadémonstrationdeforceMêmeeninférioriténumériqueetauStade-Vélodrome,leParis-Saint-Germaingagne

EtRafaelNadalretrouvasontrônedenuméro1mondialEnhuitmois, l’Espagnola remporté65des69matchsdisputésdepuis sonretourdeblessure

RALLYE

SébastienLoebsortdepisteA40ans, SébastienLoebadisputédimanche6octobre, enAlsace,ledernier rallyedesa carrière. Pendantdixans, lepilote françaisdeCitroënadominésadisciplineenremportantneuf titresdechampiondumonde (un record) etpasmoinsde78courses. C’estsoncompatrioteet ex-coéquipierSébastienOgierqui apris la relè-veendécrochantsonpremier titre, dès jeudi 3octobre, et ensignantsa 7evictoirede la saisonauRallyedeFrance.«C’étaitdutrèshautniveau,a réagi SébastienOgier.Bien sûrpourmoi, c’estunweek-endde rêve.Mêmesi je savaisque le titrenepouvaitplusm’échapper, j’ai ressentiuneémotion immense jeudi.Ajoutezàcelaunevictoire enFrance. Jenepouvais rêvermeilleur scénario.»p

Formule 1RomainGrosjeanmonte sur le podiumenCoréeduSudLe Français RomainGrosjean a terminé 3eduGrandprixdeCoréeduSud, remportédimanche6octobre par l’AllemandSebastianVettel (RedBull). C’est la troisième fois que le pilote de l’écurieLotus-Renaultmonte sur le podium.Au classementdu cham-pionnatdumonde,Grosjeanest 8e, très loin deVettel qui caraco-le en tête avec 77 pointsd’avance sur l’EspagnolAlonso.

CyclismeL’Espagnol JoaquimRodriguezremporte le Tour de LombardieUne semaineaprès sa désillusionen Italie aux championnatsdumondede cyclisme, l’Espagnol JoaquimRodriguez s’est consoléen remportant, dimanche6octobre, pour la deuxièmeannéeconsécutive le Tourde Lombardie. Le coureurdeKatusha adevancé son compatrioteAlejandroValverdede 17secondes.

HippismeLePrix de l’Arc deTriomphe pour TrêveLa jument françaiseTrêve,montéepar Thierry Jarnet et proprié-té de Cheikh JoaanAl-Thani, le fils de l’émir duQatar, a remportéleQatar Prix de l’Arc de Triomphe, dimanche6octobre, devant lefavori japonaisOrfèvre.

La9e journée de Ligue 1

Le Parisien Zlatan Ibrahimovic, auteur du but de la victoire (2-1) sur penalty contre l’Olympique deMarseille, dimanche 6octobre, au Stade-Vélodrome. BERTRAND LANGLOIS/AFP

Tennis

F raîchement sacré à Roland-Garros en juin, Rafael Nadal,alors classé 4e joueur mon-

dial,nefaisaitpasuneobsessiondelareconquêtedelapremièreplace:«Toutlemondepréfèreêtren˚1quen˚4.Maisquandjemelèvelematin,je ne suis pas plus heureux si je suisn˚ 1. » En ouvrant les yeux, lundi7octobre, l’Espagnol n’était doncpeut-être pas plus heureux que laveille, mais il était de nouveau ausommetde la hiérarchie du tennismondial,malgré sadéfaite la veille(6-3, 6-4) face à Novak Djokovic enfinaledu tournoidePékin.

Nadalétaitassurédèssamedidereprendre à son rival serbe le trônequ’il n’avait plus occupé depuisjuillet2011, à l’issue de sa victoire –sur abandon – en demi-finales,après laquelle leMajorquinn’avaitpas semblé plus ému que cela parsonnouveaustatut:«Sijesuissatis-fait, cen’estpasparcequeje suisn˚1mondial aujourd’hui, c’est en rai-son de tout le travail que j’ai faitpourenarriver là.N˚1, c’est justeunchiffre. En allant au lit ce soir, je

n’aurai pas le sentiment d’être lemeilleur joueurdumonde.»

En2013,Nadalapourtantsurvo-lé les courts, et Djokovic, l’un destrois joueurs à l’avoir battu cetteannée, était le premier à le recon-naître:«Jedois féliciterRafaelcar ilmérite vraiment d’être le n˚1mon-dial, avec la saisonqui a été la sien-ne. Il est lemeilleur joueur de 2013,aucun doute là-dessus.» «Evidem-mentquec’est spécialderevenirausommetduclassementaprès avoirpasséplusd’unsemestresans jouerau tennis», a tout demême recon-nu l’intéressé.

Genou rafistoléCarRafaelNadal revient de loin.

Et il enest revenuàunevitesse fol-le. Fin juin2012, éliminé dès ledeuxième tour à Wimbledon, lepuissantgaucherdésertelescourtspendant septmois afin de soignerun genou en souffrance. Long-tempsprivé de raquette, contraintde soulever de la fonte et d’alignerles longueurs pour s’entretenir, illoupe les Jeux olympiques de Lon-dresenjuillet, l’USOpenenaoût,etl’Opend’Australie en janvier. Lors-

qu’il réapparaît en février, au tour-noi deViña delMar (Chili), il a glis-sédu2e au5erangmondial.

Depuis, en huit mois, Nadal adisputé quatorze tournois, en aremporté dix – dont l’USOpen, enseptembre –, et perdu trois autresenfinale,pouruntotalde65victoi-res en 69matchs. Jamais, avant salongue pause, il n’avait affiché detelles statistiques. Wimbledonconstitue son unique faux pas del’annéepuisquel’Espagnolenaétééjectédès lepremier tour– laseuleélimination de sa carrière à ce sta-de en Grand Chelem – par le BelgeSteve Darcis, 135emondial. Legazon du tournoi londonien estimpitoyablepour songenou rafis-tolé, car il impose, au moment defrapper la balle, une flexion de lajambeplusimportantequelaterrebattue de Roland-Garros ou lecimentde l’USOpen.

Compte tenu de son come-backremarquable et du système quirégit le classement ATP, le retourau sommet de Nadal était prévisi-ble. Un joueur voit son total depoints évoluer en fonction desrésultats qu’il obtient d’une année

sur l’autre : être éliminé tôt d’untournoi que l’on avait remportél’année précédente coûte cher ;remporter un tournoi dont onavait vite disparu un an plus tôtrapporte gros. «Rafa» n’ayant pasjoué le moindre match entrejuillet2012 et février2013, chaquevictoire acquise depuis juillet2013lui a valu unmaximumde points,et chaque succès jusqu’enfévrier2014 confortera sa positionau-dessusdelamêlée.Onpeutdéjàsupposer que Nadal débarquera àRoland-Garros, en mai prochain,dans le costumedun˚1mondial.

Ce costume, Roger Federer l’aporté pendant 302 semaines.Nadal entame, lui, sa 103e semaineavec–Djokovic,désormaisn˚2,res-te bloqué à 101 –, et le record duSuisse semble intouchable. Maisun autre record peut trembler :celui du nombre de trophées enGrand Chelem. Federer en totalise17. Nadal en est à 13. A 32 ans, sur ledéclin, le Suisse devrait en resterlà. A 27 ans, au sommet de son art,l’Espagnol a le temps d’en ajouterquelques-unsà sa collection.p

Henri Seckel

150123Mardi 8 octobre 2013

Page 16: Le Monde - 8 Octobre 2013

16 0123Mardi 8 octobre 2013carnet

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AU CARNET DU «MONDE»

Naissances

Maxime TARONet Pauline LE MORE

ont la joie d’annoncer la naissance de

Adrien, GeorgesTARON - LE MORE,

le mardi 3 septembre 2013,à Sèvres (Hauts-de-Seine).

Marcela et Paul-Laurent ASSOUNet leur fille,

Rachel,ont la joie d’annoncer la naissance de

Benjamin,

le 28 septembre 2013.

Bruxelles. Saint-Avit-de-Soulège(Gironde).

Richard Gregor Jakob.

Arndt.

Jeanne SAUVAGEOTet Benjamin ROTTIER

ont la joie d’annoncer la naissance de

Joseph,

le 9 septembre 2013, à Paris.

Giuseppe et Giovanna de MARTE,Christine PURCE-JOXE

et Denis JOXE,les grands-parents,

sont heureux d’annoncer l’arrivée de

Olivia,née à Bruxelles, le 1er octobre 2013,à 22 h 53,

au foyer de leurs enfants,Raffaella de MARTE et Julien JOXE.

Rue de Neufchatel, 64,1.060 Bruxelles.

Décès

MmeAdrienne Bordes,Mme Anne-Marie Lelièvre,M. Noël Paoletti,

ses frère et sœurset leurs conjoints,Ses neveux et nièces,La famille Avron,

ont le chagrin de faire part du décès de

Mme Ophélia AVRON,survenu le 2 octobre 2013,dans sa quatre-vingt-onzième année.

La cérémonie religieuse sera célébréele mercredi 9 octobre, à 14 h 30, en l’églisede Hardivillers-en-Véxin (Oise) suiviede l’inhumation au cimetière de la mêmecommune.

C’est avec une vive émotion que

La Société française de psychothérapiepsychanalytique de groupe,Ses membres,Son conseil d’administration,Son président,

ont appris le décès, ce 2 octobre 2013,de leur grande amie et collègue,

Ophélia AVRON,psychanalyste,

présidente de la SFPPG de 1994 à 1998.

Par la continuité de son engagement,ses qualités exceptionnelles de présence,son écoute, sa rigueur, sa capacité desollicitude, son énergie,À l’écoute du corps et de la parole

d’autrui, Ophélia Avron a beaucoupapporté à la pratique psychanalytique dugroupe, à la compréhension des processusgroupaux et d’interliaison et, bien entendu,à la vie de notre société.

La SFPPG adresse à sa famille,à tous ses proches, à ses nombreux amis,ses très sincères condoléances.

Denise et Yvette Busquet,ses fillesEt ses proches,

ont la tristesse d’annoncer le décès de

Rose BUSQUET,enseignante spécialisée

pour l’enfance handicapée,membre de l’ordre

des Palmes académiques,membre fondatrice de l’APAJH,

survenu le 4 octobre 2013.

Un service religieux sera célébréle mercredi 9 octobre, à 14 h 30, en l’égliseNotre-Dame-de-Lorette, Paris 9e, et serasuivi de l’inhumation au cimetièrede Montmartre.

Martine de Leiris, née Vallon,son épouse,Eric, Nelly, Rémi,

ses enfantset leurs conjoints,Léo, Célio, Chloé, Julien, Paul

et Clara,ses petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

Hervé de LEIRIS.

La cérémonie aura lieu le 8 octobre2013, à 14 h 45, au centre funéraireintercommunal de La Tronche.

Ni fleurs ni plaques.

38180 Seyssins.

On nous prie d’annoncer la mort du

docteur Olivier LOUIS,ancien chef de clinique à la Faculté,

neuropsychiatre,

d’une tumeur stromale foudroyante.

«Whence comme you ? The East -Whither directing your course ?

The West. »

Un service religieux a été célébréle samedi 5 octobre 2013, à 9 heures,en l’église de Saint-Macaire, suivi del’inhumation à la sépulture familialede Saint-Christoly-de-Blaye (Gironde).

17, rue Amiral Courbet,33490 Saint-Macaire.

Nicole, née Léon,son épouse,Denis, Marie, Jean-François

et Catherine,ses enfantset leurs conjointsSes petits-enfantsEt son arrière-petite-fille,

ont la tristesse de faire part du décès de

Michel LUCQUIN,professeur honoraire de Lille 1,

officierdans l’ordre des Palmes académiques,

survenu le 12 septembre 2013,à l’âge de quatre-vingt-six ans.

Les obsèques ont eu lieu le lundi16 septembre, en l’église de Wasquehal(Nord), avec ses plus proches amiset dans l’intimité familiale.

Mme Emmanuelde Malezieux du Hamel,son épouse,M. et Mme Edouard Lemaistre,

ses enfants,Ses quatre petits-enfants,

ont la tristesse d’annoncer le rappel à Dieude

M. Emmanuelde MALEZIEUX de HAMEL,

croix de la Valeur militaire,chevalier

dans l’ordre des Arts et des Lettres,

le 27 septembre 2013.

La cérémonie religieuse et l’inhumationont eu lieu le 2 octobre, à Noyers-sur-Serein (Yonne).

Denise Parnaud-Imatz,son épouse,Catherine Parnaud,

sa fille,Jean-Michel et Eve Bidart-Parnaud,

ses enfants,Ses petits-enfants,Ses arrière-petits-enfants,Sa famille, sa belle-famille,Ses alliés et amis,

ont le regret de faire part du décès de

Ned PARNAUD,docteur en médecine,

croix de guerre 1939-1945,

survenu à Nice,à l’âge de quatre-vingt-onze ans.

Une bénédiction aura lieu à l’Athanéede Nice, 42, avenue Saint-Augustin,le lundi 7 octobre, à 9 h 15.

Les obsèques se dérouleront en l’égliseSaint-Vincent d’Hendaye, le mardi8 octobre, à 16 h 30.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Mme Jean-François Peyre,née Marie-Hélène Krafft,son épouse,

Christophe et Esther Peyre,Klara, Lucas, Oscar,Florence et Vincent Henriet,Chloé, Louise, Maïlys, Lucile,Cécile et Antoine Dubuquoy,Agathe, Apolline, AthénaïsFrédéric et Vanessa Peyre,Eugénie, Balthazar, Ulysse,

ses enfants et petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

Jean-François PEYRE,croix de guerre 1939-1945,croix du combattant volontaire

1939-1945,

survenu le 5 octobre 2013, à Paris,dans sa quatre-vingt-neuvième année.

La messe sera célébrée en l’égliseNotre-Dame du Cap-Lihou, à Granville(Manche), le mercredi 9 octobre,à 10 h 30.

Cet avis tient lieu de faire-part.

63, rue de Grenelle,75007 Paris.

Michèle Teissier du Cros,sa femme,Sarah de l’Orne d’Alincourt,

sa fille,Jean-Rémi, Thibault et Bernard,

ses petits-fils,

ont le chagrin de faire part du décès de

Rémi TEISSIER du CROS,ministre plénipotentiaire e.r.,officier de la Légion d’honneur,

commandeurde l’ordre national du Mérite.

survenu le 16 septembre 2013.

Ses obsèques ont été célébrées dansl’intimité à l’Espérou (Gard).

Une cérémonie aura lieu le mercredi16 octobre, à 15 heures, au temple dePentemont, 106, rue de Grenelle, Paris 7e.

51, avenue de Ségur,75007 Paris.

Conférence

L’Association amicale des anciens élèvesdu Lycée Condorcet

organise une conférence,le jeudi 17 octobre 2013, à 18 h 15,au Lycée, 8, rue du Havre, Paris 9e,La distribution des marchandisesdans Paris : problèmes, enjeux

et perspectives,présentée par Jérôme Libeskind,

ancien élève.Entrée libre sur réservation :

Nicolas de Kervern : 06 60 53 77 40,[email protected]

Table-ronde

À l’occasion de la sortie de deuxnouveaux ouvrages de la collection« Profession cadre, service public »,le SCÉRÉN-CNDP et l’ESEN

organisent une table-ronde sur le thème« Imagination managériale

et e-gouvernance ».Conférence de clôture

Anne-Marie Idrac, ancienne ministre,lundi 7 octobre 2013, à 18 heures.École nationale d’administration,

2, avenue de l’Observatoire, Paris 6e.Information et inscription à [email protected]

ou tél : 05 49 49 79 68.

Soutenance thèse

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Le 1er octobre 2013, dans les locauxde l’université Paris Diderot - Paris 7,Marie Sonnette a soutenu sa thèse ensociologie sous le titre « Des manièrescritiques de faire du rap : pratiquesart is t iques , prat iques pol i t iques .Con t r i bu t i on à une soc i o l og i ede l’engagement des artistes », sous ladirection de M. Laurent Fleury etde M. Bruno Pequignot.

Elle a obtenu la mention Très Honorableavec les félicitations du jury.

Remerciements

Mme Françoise GuérinEt ses enfants

très touchés des marques de sympathie quevous leur avez témoignées lors du décèsde

M. Yves GUÉRIN,

vous prient de trouver ici leurs sincèresremerciements.

Page 17: Le Monde - 8 Octobre 2013

0123 est édité par la Société éditrice du «Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).Rédaction 80,boulevardAuguste-Blanqui, 75707Paris Cedex13 Tél. : 01-57-28-20-00Abonnements par téléphone: deFrance32-89 (0,34¤TTC/min) ; de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89Tarif 1 an :Francemétropolitaine : 399¤Courrierdes lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/;Parcourrierélectronique:[email protected]édiateur:[email protected]: site d’information:www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi :www.talents.fr/ Immobilier:http ://immo.lemonde.frDocumentation: http ://archives.lemonde.frCollection: LeMonde surCD-ROM :CEDROM-SNI01-44-82-66-40LeMondesurmicrofilms: 03-88-04-28-60

M édias, lemagazine», queprésenteThomasHugues chaquediman-

che sur France 5 à 12h35, est l’unede ces émissionsde télévisionquiparlentdes émissionsde télévi-sion. (Aquandune émissiondetélévisionqui parle des émissionsde télévisionquiparlent des émis-sionsde télévision?)

Ainsi qu’ailleurs, il est rared’yvoir critiquéunprogrammede lamêmechaîneoudumêmegrou-pe,mêmesi, dimanche6octobre,Huguesabordaprudemment lessoucisd’audiencede SophiaArametde«Jusqu’ici tout vabien» surFrance 2. A l’inverse, tresser leslouangesd’unproduitmaison,dontonnepeut imaginerqu’il ensoit dit autre chose, sonne imman-quablement faux. Ainsi,mêmesiThomasHugues aime sincère-ment «Nous», la nouvelle émis-siondeMarieDrucker, dont le pre-miernuméro seradiffusé à 20h45le 8octobre sur France 2, le fait dele dire à son animatrice, invitéesur leplateau, attirede facto lapré-somptiondemensonge.

Certes, le chroniqueurAnthonyBellanger tenta de jouer les espritsindépendantsen faisant remar-querque «Nous» ressemblaitbeaucoupà «Britain fromAbove»(2008), produitpar la BBC, la com-posante scientifiqueenmoins.MarieDruckerbotta en toucheenrappelantque«Nous»n’était«pas du toutune adaptation»desonprésumémodèlebritannique.Et l’onpassa vite à autre chose.

La fin de«Médias, lemagazi-ne» révéla cependantune séquen-ce étonnante. Le chroniqueurCyrillede Lasteyrie tentademon-trer, avecune salutaire acidité,comment la télévisionavait sou-

ventpeur duvide (et dubide) et leremplissait volontierspar de lamusique jouée endirect et lesrires et applaudissements forte-ment encouragés– ou contrefaits–des invités et dupublic.

Pourexemple, Lasteyrie lança àsecuneblaguebien grasse: «C’estl’histoire d’unpingouinqui respirepar les fesses ; il s’assoit et ilmeurt.» Flop. Il la réitère enenga-geant les participants autourde latable à se gondoler et en complé-tant leurhilaritépardes rirespréenregistrés. Effet bœuf.

Jene sais si j’ai rêvé,mais ilm’asembléque cette chroniquecausti-quedécrivait sournoisementcequi semblesepasser sur leplateaudeSophiaAram:après lespremiè-res émissions, où lepublic sem-blait transide consternation,onconstataunehausseassez sensiblede l’applaudimètreet de l’hilarité,alorsque lesblagounettesd’Arametde sesaffligeants comparsesretombaient toujoursaussi bas.

L’exerciceaurait étéparfait si«Médias, lemagazine»n’avaitplu-tôt choisid’attaquerThierryArdis-son, enmontrantunextrait de«Salut lesTerriens!» surCanal+,alorsque lesmêmes reprochespourraientêtreplus justementadressésà «Jusqu’ici toutvabien».Maisonne touchedécidémentpasauxproduitsmaisonsur les chaî-nesdeFranceTélévisions.p

C’EST À VOIR | CHRONIQUEpar Renaud Machart

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RigaRomeSofiaStockholmTallinTiranaVarsovieVienneVilniusZagrebDans le mondeAlgerAmmanBangkokBeyrouthBrasiliaBuenos AiresDakarDjakartaDubaiHongkongJérusalemKinshasaLe CaireMexicoMontréalNairobi

New DelhiNew YorkPékinPretoriaRabatRio deJaneiroSéoulSingapourSydneyTéhéranTokyoTunisWashingtonWellingtonOutremerCayenneFort-de-Fr.NouméaPapeetePte-à-PitreSt-Denis

Paris

Madrid

Séville

Rabat

AlgerTunis

RomeBarcelone

Tripoli

Le CaireJérusalem

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Athènes

Berne

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Copenhague

Riga

Varsovie

Kiev

Ankara

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OdessaBudapest

Vienne

Prague

Munich

ZagrebMilanBelgrade

Bucarest

St-PétersbourgHelsinki

Minsk

Moscou

35 à 40° > 40°30 à 35°25 à 30°20 à 25°15 à 20°10 à 15°5 à 10°0 à 5°-5 à 0°< -5°

Amiens

Metz

Strasbourg

Orléans

Caen

Cherbourg

Rennes

Brest

Nantes

Poitiers

Montpellier

Perpignan

Marseille

Ajaccio

Nice

Clermont-Ferrand

Lyon

Chamonix

Bordeaux

Biarritz

Limoges

Besançon

Rouen

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Châlons-en-champagne

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assezensoleillébienensoleilléenpartieensoleillébienensoleillé

bienensoleillé

bienensoleillébienensoleillébienensoleilléenpartieensoleilléenpartieensoleilléaverseséparsesbeautempsbeautempssoleil,oragepossiblebeautempsenpartieensoleilléenpartieensoleillébienensoleillébeautempsaverseséparsesbeautempsenpartieensoleillébeautempsaversesdeneige

bienensoleillébeautempsfortespluiesorageusesbeautempspluiesorageusesbeautempsbienensoleillépluiesorageusesbeautempsassezensoleillébeautempspluiesorageusesbeautempspluiesorageusesbeautempsenpartieensoleillé

beautempsassezensoleillébienensoleillésoleil,oragepossiblebeautempsbienensoleillé

pluiesorageuses2219enpartieensoleillé

bienensoleillébienensoleilléassezensoleillépluiesorageusesassezensoleillépluiemodérée 1413

pluiesorageusespluiesorageusesbienensoleillésoleil,oragepossiblesoleil,oragepossibleassezensoleillé

Mercredi

Mardi 8 octobre08.10.2013

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Pélagie97

“Danas” ce puissant typhon se rapproche du sud du Japon

En Europe12h TU

Les hautes pressions resterontpositionnées sur la Bretagne à 1027hectopascals. Cela engendrera un tempsrelativement calme sur le pays, maiscomme souvent en cette saison celarimera aussi avec quelques bancs degrisailles et de brumes enmatinée. Puis lesnuages se développeront en journée parendroits, avec aussi des éclaircies. Desondées orageuses se déclencheront desAlpes frontalières à la Corse.

Coeff. demaréeLeverCoucher

LeverCoucher

Encore doux avant la chute

Aujourd’hui

Horizontalement Verticalement

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

Solution du n° 13 - 237HorizontalementI. Substitution. II. Arobases. SA.III. CGT. RTT. Must. IV. Réel. Ravit.V. Insérerai. Fa.VI. St. Sesostris.VII. Tif. Garées.VIII. Asiniennes.IX. Ite. Emet. Tan.X.Nerveusement.

Verticalement1. Sacristain. 2.Urgentiste.3. Botes. Fier. 4. Sb. Les. 5. Tar.Reliée. 6. Istres. Emu. 7. Têt.Rognes. 8.Us. Rasante. 9.Maître.10.UV. Reste. 11.Ossifié. An.12.Nattassent.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1. Evite de salir le lavabo. 2. Prendla bonnemesure des feuilles.3. Sans lemoindre intérêt. Protègela couche. 4. Bout d’intestin. Virilà chaque bout. 5.Un peu d’oseille.Mont de Vénus. 6.Message pourvous engager à poursuivre. Selancera. 7.Devant la cage. Letemps de faire un tour complet.8. Pour les amateurs de beaux etgrands chagrins. 9.Désagréableen bouche. Chez Barack O.10. Supporte la grille. Diffusai unparfum d’algues. 11.Doux etcharmeur. Enmusique. 12. Serapporte à l’ensemble.

I. Evitent de rentrer chez soi, maisne permettent pas demangerchaud. II. Il vous a à l’œil. Auteurdu Premier Cercle chanté.III. A chacun de bien tenir le sien.Naissances à l’étable.IV. Personnel. Tyrannisent.V. Provient. Prête à prendre lapose. En fin dematinée.VI. Legros reste en cuisine. Pourra doncvivre.VII. Présence du passé.Maintient le kimono en place.VIII. Permet aux pois de grimper.Point chaud. IX. Entends commeavant. Dieu porteur de disquesolaire. Le premier sur les lieuxde l’accident.X.Dame de Gouda.

Lundi7octobreTF1

20.50 Camping Paradis.Série. Mon meilleur ami (2013, audiovision).22.45 New York unité spéciale.Série. Un homme peut en cacher un autre(S14, 12/24, inédit)V ; Telle mère... telle filleU.Retour sur TerreV (S10, 3 et 4/22) (150min).

FRANCE2

20.45Castle.Série. Tueur intergalactique (S5, 6/24, inédit) ;Les Dessous de la loi (S2, 9/24) ; Sous hautetension (saison 3, 8/24)U. Avec Nathan Fillion.22.50Mots croisés.Débat. Thème : Fermé le dimanche !0.25 Etoile sans lumièrepFilmMarcel Blistène. Avec Edith Piaf,Serge Reggiani (France, 1945, 85min).

FRANCE3

20.45 Tout peut changer.Gaspillage alimentaire : les pieds dans le plat.Invités : Serge Papin, Elisabeth Laville...22.45Météo, Soir3.23.50 La Case de l’oncle Doc.Le Prix à payer. Documentaire (France, 2013).0.40 Les Carnets de Julie (55min).

CANAL+

20.55 Platane.Série (S2, 10 à 12/12, inédit). Avec Eric Judor.22.35 Spécial investigation.Dealers des cités : overdose de cash. Magazine.23.25 L’Œil de Links. Magazine.23.55 Captivepp

Film Brillante Mendoza (coprod., 2012, 115min)V.

FRANCE5

20.40 LesMariées de l’isle Bourbon.Téléfilm. Euzhan Palcy. Avec Jean-Yves Berteloot,Cécile Cassel, Marie Piot. [2/2] (France, 2007).22.25 C dans l’air. Magazine.23.35 Avis de sorties. Magazine (10min).

ARTE

20.50 Rebeccappp

Film Alfred Hitchcock. Avec Laurence Olivier,Joan Fontaine, George Sanders (EU, 1940, N.).22.55 Le Veilleur de nuitFilm Ole Bornedal. Avec Ewan McGregor (1997).0.35 La Lucarne.Ravioli, la boîte à rêves (Fin., 2009, 80min).

M6

20.50 Retour au pensionnatà la campagne. Le Respect.23.00 Retour au pensionnat, vu par... Les Parents.0.00 C’est ma vie. Magazine (75min).

météo& jeux écrans

Sudokun˚13-238 Solutiondun˚13-237Mardi8octobreTF1

20.50Mentalist.Série. Le Repenti (saison 5, 9/22, inédit) ;Fils prodige. Promo 95 (saison 2, 10 et 11/23).23.20 Baby boom.Neuf mois (S3, 5/9, inédit) ; Ce que femme veut(S2, 4/7) ; Quand la vie côtoie la mort (saison 3,3/9). Documentaire (235 min)U.

FRANCE2

20.45Nous. Présenté par Marie Drucker.22.30 Infrarouge.Dans le secret du Mont-de-Piété. Documentaire.23.25 Premier job : bon pour le service civique.0.40 Au clair de la lune- Intolleranza.Opéra. Par l’Orchestre du Théâtre de la Fenice,dir. Lothar Zgrosek (65min).

FRANCE3

20.45Un village français.Série. Naissance d’un chef. La Répétition(saison 5, ép. 3 et 4/12, audio., inédit).22.30 «Un village français»...ils y étaient. Une population déboussolée.22.35Météo, Soir3.23.45OrpailleurpFilmMarc Barrat (France, 2009, 90min)U.

CANAL+

20.55Quelques heuresde printempspp

Film Stéphane Brizé. Avec Vincent Lindon,Hélène Vincent, Olivier Perrier (France, 2012)U.22.40 Piazza Fontanap

FilmMarco Tullio Giordana (It., 2012, 125min)U.

FRANCE5

20.40 Le Monde en face.Dans la peau d’un chômeur de plus de 50 ans.21.45 Le Stress : portrait d’un tueur (EU, 2008).22.35 C dans l’air. Magazine.23.50 Entrée libre. Magazine (20min).

ARTE

20.50 Thema- La viande in vitrobientôtdansnosassiettes?22.20 Débat. Présenté par Emilie Aubry.22.55 Les Secretsde la forteresse Europe.[1-2/2]. Documentaire. Michael Richter (2013).23.45 La Ville du futur,le futur de la ville. Documentaire (45min).

M6

20.50On ne choisit pas ses voisins.Le Mans - Caen. Valenciennes - Aix-en-Provence.1.05 Dollhouse.Série (saison 2, 5 et 6/13, 100min)U.

Lessoiréestélé

Résultats du tirage du samedi 5 octobre.

7, 9, 14, 27, 38 ; numéro chance : 9.Rapports :

5 bonsnuméros etnuméro chance : 2000000,00 ¤;5 bonsnuméros : 50308,00 ¤;4 bonsnuméros : 646,30 ¤;3 bonsnuméros : 6,90 ¤;2 bonsnuméros : 4,10 ¤.Numérochance : grilles à 2 ¤ remboursées.Joker : 3955155.

Dans«Médias,lemagazine», ilestraredevoircritiquéunprogrammedumêmegroupe

Motscroisés n˚13-238

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6 8 4 7Realise par Yan Georget

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Algérie 80 DA,Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤,Autriche 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 3,95 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤,Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 650 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤,Malte 2,50 ¤,Maroc 10 DH,Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1,9 DT, Turquie 2,20 ¤,USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA,

Barack etMichelleObama, à pied sur Pennsylvania Avenue,mardi 20 janvier, se dirigent vers laMaisonBlanche. DOUGMILLS/POOL/REUTERS

a Les carnets d’une chanteuse.Angélique Kidjo, née au Bénin, a chantéaux Etats-Unis pendant la campagnedeBarackObama en2008, et de nouveaupendant les festivités de l’investiture,du 18 au 20 janvier. Pour LeMonde, elleraconte : les cérémonies, les rencontres– elle a croisé l’actrice Lauren Bacall,le chanteur Harry Belafonte… et l’écono-miste Alan Greenspan. Une questionla taraude : qu’est-ce que cet événementva changer pour l’Afrique ? Page 3

a Le grand jour. Les cérémonies ;la liesse ; lesambitionsd’unrassembleur ;la première décision de la nouvelleadministration: la suspensionpendant cent vingt jours des audiencesde Guantanamo. Pages 6-7 et l’éditorialpage 2a It’stheeconomy...Il faudraà lanou-velle équipe beaucoup d’imaginationpour sortir de la tourmente financièreet économique qui secoue la planète.Breakingviewspage 13

a Feuille de route.« La grandeurn’est jamais un dû. Elle doit se mériter. (…)Avec espoir et vertu, bravons une foisde plus les courants glacials et enduronsles tempêtesà venir. »Traduction intégraledu discours inaugural du 44e présidentdes Etats-Unis. Page 18aBourbier irakien.Barack Obamaa promis de retirer toutes les troupesde combat américaines d’Irak d’iciàmai 2010. Trop rapide, estiment leshautsgradésde l’armée.Enquêtepage19

GAZA

ENVOYÉSPÉCIAL

Dans les rues de Jabaliya, lesenfants ont trouvé un nou-veau divertissement. Ils col-

lectionnent les éclats d’obus et demissiles. Ils déterrent du sable desmorceaux d’une fibre compactequi s’enflamment immédiatementau contact de l’air et qu’ils tententdifficilement d’éteindre avec leurspieds.« C’est du phosphore. Regar-dez comme ça brûle. »

Surlesmursdecetterue,destra-cesnoirâtressontvisibles.Lesbom-bes ont projeté partout ce produitchimique qui a incendié une petitefabrique de papier. « C’est la pre-mièrefoisque jevoiscelaaprès trente-huit ans d’occupation israélienne »,s’exclame Mohammed Abed Rab-bo. Dans son costume trois pièces,cette figure du quartier porte ledeuil. Six membres de sa familleont été fauchés par une bombedevant un magasin, le 10 janvier.Ils étaient venus s’approvisionnerpendant les trois heures de trêvedécrétées par Israël pour permet-tre auxGazaouis de souffler.

Le cratère de la bombe est tou-jours là. Des éclats ont constellé lemur et le rideau métallique de la

boutique. Le père de la septièmevictime, âgée de 16 ans, ne décolè-re pas. « Dites bien aux dirigeantsdes nations occidentales que ces septinnocents sont morts pour rien.Qu’ici, il n’y a jamais eu de tirs deroquettes. Que c’est un acte crimi-nel. Que les Israéliens nous en don-nent la preuve, puisqu’ils sur-veillent tout depuis le ciel », enrageRehbi Hussein Heid. Entre sesmains, il tient une feuille depapier avec tous les noms desmortsetdesblessés, ainsi que leurâge, qu’il énumère à plusieursreprises, comme pour se persua-der qu’ils sont bienmorts.

MichelBôle-RichardLire la suite page 5et Débats page 17

Ruines, pleurs et deuil :dans Gaza dévastée

WASHINGTON

CORRESPONDANTE

D evant la foule la plus considérablequi ait jamais été réunie sur le Mallnational de Washington, Barack

Obama a prononcé, mardi 20 janvier, undiscours d’investiture presquemodeste. Aforce d’invoquer Abraham Lincoln,Martin Luther King ou John Kennedy, ilavait lui même placé la barre très haut. Lediscoursne passera probablement pas à lapostérité, mais il fera date pour ce qu’il a

montré.Unenouvellegénérations’est ins-tallée à la tête de l’Amérique. Une ère detransformation a commencé.

Des rives du Pacifique à celles de l’At-lantique, toute l’Amérique s’est arrêtéesur le moment qu’elle était en train devivre : l’accession au poste de comman-dant en chef des armées, responsable del’armenucléaire,d’un jeunesénateurafri-cain-américain de 47 ans.

Lire la suite page 6Corine Lesnes

EducationL’avenir deXavier Darcos«Mission terminée » :le ministre de l’éducationne cache pas qu’il seconsidérera bientôt endisponibilité pour d’autrestâches. L’historiende l’éducation ClaudeLelièvre expliquecomment la rupture s’estfaite entre les enseignantset Xavier Darcos. Page 10

AutomobileFiat : objectifChryslerAu bord de la failliteil y a quelques semaines,l’Américain Chryslernégocie l’entrée duconstructeur italien Fiatdans son capital, à hauteurde 35 %. L’Italie se réjouitde cette bonne nouvellepour l’économie nationale.Chrysler, de son côté, auraaccès à une technologieplus innovante. Page 12

BonusLes banquiersont cédéNicolas Sarkozy a obtenudes dirigeants des banquesfrançaises qu’ils renoncentà la « part variablede leur rémunération ».En contrepartie,les banques pourrontbénéficier d’une aidede l’Etat de 10,5 milliardsd’euros. Montantéquivalent à celle accordéefin 2008. Page 14

EditionBarthes,la polémiqueLa parutionde deux textes inéditsde Roland Barthes,mort en 1980, enflammele cercle de ses disciples.Le demi-frère del’écrivain, qui en a autoriséla publication, essuieles foudres de l’ancienéditeur de Barthes,François Wahl.Page 20

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L’investiture de Barack ObamaPremières mesures Le nouveau président américain a demandé la suspension des audiences à Guantanamo

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Lesjeux

Loto

La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritairedes publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN0395-2037

PRINTED IN FRANCE

Imprimerie du « Monde »12, rue Maurice-Gunsbourg,

94852 Ivry cedex

Toulouse(Occitane Imprimerie)

Montpellier (« Midi Libre »)

80, bd Auguste-Blanqui,75707 PARIS CEDEX 13Tél : 01-57-28-39-00Fax : 01-57-28-39-26

Président : Louis DreyfusDirectrice générale :Corinne Mrejen

170123Mardi 8 octobre 2013

Page 18: Le Monde - 8 Octobre 2013

ANALYSEparGilles vanKoteService Planète

Demain

www.lemonde.frdans

Dans le sillage des sous-marins

Une récente thèse de phys

ique décrit

des phénomènes demécanique

des fluides qui pourraient i

ntéresser

lamarine nationale. PAGE 2

De l’intérêt d’être généreux

Le dilemmeduprisonnier, un classique

de la théoriedes jeux, est r

evisité par de

nouvelles études quimontrent que l

’al-

truisme est plus «rentable». PAGE 3

Improbablologue Ses travaux

loufoques nourrissent rég

ulièrement

la chroniquescientifique.

Nicolas

Guéguen fait de la rueun laboratoire

depsychologie expérimentale. PAGE 7

Cannabis:unmédicamentenherbe

Intraitable sur l’usage récré

atif ducannabis, la Francevientd’

ouvrir la voieà sonusage thérap

eutique

contre les contracturesde l

a sclérose enplaques. Peut-être la finde la clandest

initépour tous lesmalades

qui l’utilisentdéjàdepuis lo

ngtempspour soulager leurs sym

ptomes

PAGES 4-5

Le jus de raisin a de l’avenir

Saviez-vousque cenectar s

ans alcool

estplus sucréqu’un soda?Poury

remé-

dier et régleraussi lesprob

lèmesde

production, une filière est c

réée. PAGE 3

Reprogrammation cellulaire

: un

pas de géant!Des chercheurs es

pa-

gnols ont obtenu, in vivo, des cellu

les

souches iPS chez la souris.

Un résultat

salué par lesscientifiques

. PAGE 2

En croisade pour les patients

Le diabétologue AndréGri

maldi fait de

l’accès aux soins pour tous son combat

et rappelle auxmédecins qu’ils

ont des

devoirs vis-à-vis desmalades. PAGE 7

Guédelon,château-école

Financégrâceauxdeniersd

esvisiteurs, ce château fortuniquee

nEurope, situédans l’Yonne,

se construit dans lesmêmes conditions

qu’auMoyenAge.Unextraordinaire laboratoire

où tailleursdepierre, forgeron

souencore

menuisiers confrontent leur

pratiqueauxconnaissance

sdes scientifiques.Undialogue fruc

tueux. PAGES 4-5

Le château deGuédelon, en octobre 2012

. FRANÇOIS FOLCHER

Infarctus: sus aux g

lobules

blancsUne étude récente

pointe

le rôle du système immunitaire dans

les dommages aux tissus cardiaques.

Un traitement est à l’étude. PAGE 2

Lamalédictiondes coupe

urs

de canneAuNicaragua, commedans

d’autres pays, sévit unemystérieuse

épidémie parmi les travailleurs de

l’industrie sucrière. PAGE 3

Prix Pulitzer du cancer L’onc

ologue

SiddharthaMukherjee s’es

t fait le

biographe del’«empereur de tou

tes

lesmaladies». Ce best-seller est

traduit

en français. Entretien. PAGE 7

c a r t e b l an ch e

NicolasGompel,

Benjamin

P d’homme

Le rat-taupen

u,Heterocephalus glaber, a l’a

ir

d’une créature fragile, san

s défense, etpour tout

dire improbable. Glabre commeun ver, les yeux

atrophiés, deux petits trous e

n guise d’oreilles et d’en-

combrantes incisives, ce petit

rongeur troglodyte relè-

ve plus de l’alien que duhamster, son proche cousi

n

évolutif. Pourtant, le rat-t

aupe possède une arme de

défense absolue, une résis

tance parfaite à tous les ca

n-

cers qui lui confère une lo

ngévité de plus de tren-

teans, un record pour unmammifère aussi petit.

Depuis des décennies, la s

ouris de laboratoire s’est

imposée comme lemodèle de choix pour étudier

les

cancers. En effet, il est très facile d’ind

uire, chez cette

espèce, différents cancers

qui ressemblent aux

nôtres. De surcroît, cemodèle permet l’étude des

mécanismes génétiques et cellulaire

s impliqués dans

Les recherches utili-

La résistanceaux cancers du rat-taupe inv

ite à ren-

verser la question, en cherchant à c

omprendre non

pas comment un cancer se forme,mais comment un

organismeprévient naturellement son apparition.

C’est ce que font VeraGor

bunova et AndreiSeluano

v,

à l’universitéde Rochester

. Leur équiperapporte,

dans le n˚346de la revueN

ature, avoir identifié un

signalmoléculaire permettant aux cellules du rat-tau-

pe de freinerleur proliféra

tion et donc d’empêcher la

formationde cancers.

Chez tous lesanimaux, la croiss

ance cellulaire est

régulée, entre autres, par

les contacts entre les cellu

-

les : plus un tissu est dense,moins ses cellules prolifè-

rent. Cette sensibilité de c

ontact à ses voisines est pe

r-

due par les cellules cancér

euses, et leurs divisions

s’emballent alors. Les cellules

perçoivent leur environ-

nement, y compris les contacts avec leurs

voisines, et

s’y adaptent,grâce à des v

oies de signalisation. Ces

des relaismoléculaires qui

l’intérieur de

résistance aux cancers du rat-taupe exi

ste

lesmammifères, l’homme compris. Elle

chaque cellule sur la dens

ité de voisines

rent, et régule la proliféra

tion cellulaire

ce. Dès qu’untissu devient trop

dense

croissance est freinée. Che

z le rat-taupe,

sensibilité decette voie de

signalisation

si bien qu’un faible signal,quelques con

tacts

res avec des voisines, suffi

t à stopper

bien avant qu’unetumeur ne puisse

découverte ouvre de nouv

elles pistes

dans la luttecontre le can

cer, par exemple

tation de l’activité de cette voie c

hez

Au-delà du cancer, ce travail illustre

poursuivre l’exploration

de la diversité

cet exercice d’accumulation de connaissa

nces,

but trop défini a priori (quelle idée

taupes!), suscite émerveillement et

lectuelle, il peut également, par ricoc

het,

les solutionsà des problèm

es que

millions d’années.

Le secret anticancerdu rat-taupenu

Climat: letempsdel’expertise

Pour sonnouveaurapportquidoitpréciser l’a

mpleurdu réchauffementde laplanèteà l’horizon

2100, leGrouped’experts

intergouvernemental sur l’évo

lutionduclimat aétudiéplusde9000publications

scientifiqueset a enrichi se

smodélisations.

Mais lesmargesd’erreur restent large

s, et lesdébats scientifique

s sont toujoursvifs. PAGES 4-5

Photo extraite de la série «En route pour B

ehring». FRANÇOISE HUGUIE

R/AGENCE

Géolocalisation:naviguer dans les bâtimentsLes industriels développentdes GPS d’intérieur

Votre supplément

Il en est des biocarburants comme del’énergie éolienne: à première vue, quoideplusvertueuxquede faireproduiredel’électricitéparleventouderemplacerlesénergies fossiles, polluantes et en voied’épuisement, par des végétaux dont la

productionse renouvelleenpermanence?C’estdans un deuxième temps qu’apparaissentinconvénientset effetsperversnonanticipés.

L’heuredelaremiseencauseasonnépourlesbiocarburantsdepremièregénération–ouagro-carburants –, produits à partir de plantes utili-sées pour l’alimentation humaine ou animale.Ils entrent non seulement, par définition, enconcurrence avec les cultures alimentaires,mais le bilan carbone de certains d’entre euxseraitpirequeceluidescarburantsfossiles,àcau-sede leurmodedeproduction.

La communauté internationale, emmenéepar les Etats-Unis, le Brésil puis l’Union euro-péenne (UE), s’était lancée dès les années 1970 –et le premier choc pétrolier – tête baissée dansles agrocarburants. Elle se pose aujourd’hui laquestiondelapertinencedesonchoix.Uneques-tion qui va être débattue pour la première fois

danslecadredesNationsunies.Ellese trouveeneffetà l’ordredujourdela40esessionduComitéde la sécurité alimentairemondiale, qui se réu-nitàRomedu7au11octobre.LesEtats,maisaus-si lasociétécivileet lesecteurprivé,ydébattrontautour d’une étude lancée en 2011 sur les liensentreagrocarburantset sécuritéalimentaire.

Certains attendaient de ce rapport unecondamnation des agrocarburants, accusésd’avoirconstituéleprincipalfacteurdel’envoléedes prix alimentairesqui a provoquédes émeu-tes de la faimdans plusieurs régions dumondeen2008. Cen’estpas tout à fait le cas. «Les agro-carburants ont effectivement influé de manièredéterminantesurlahausseàcourttermedesprixdes produits alimentaires observée depuis 2004,mais la questionde savoir s’ils enont été la causeprincipalene fait toujourspas l’unanimité», esti-ment les auteurs du rapport. «Quelques exem-plesmontrentqueledéveloppementdesagrocar-burants peut avoir un effet positif sur l’emploi etlesmoyensd’existencedans leszones rurales [despays du Sud]», affirment-ils. En conclusion, lesexperts recommandent «aux gouvernementsd’adopterunestratégie coordonnéepour la sécu-ritéalimentaireet la sécurité énergétique».

Le développement rapide des agrocarbu-rants,dontlaproductionmondialeestpasséedemoins de 20milliards de litres par an en 2001 àplusde 100milliards en 2011, a créé en effet unecorrélationentreprixdel’énergieetcoursdecer-tainesdenréesalimentaires.

C’est surtout le cas pour les huiles végétales,qui entrent dans la fabrication du biodiesel : lademande européenne de ce carburant a entraî-né une augmentation des prix des oléagineuxqui pourrait atteindre 30 à 50% sur le long ter-me, selon l’Institut international de recherchesur les politiques alimentaires (Ifpri), auxdépens notamment des habitants les plus pau-vres de la planète, qui consomment cesmêmeshuilespour leuralimentation.

Apparences vertueusesLesorganisationsdelasociétécivilevontpro-

fiter du Comité de la sécurité alimentaire pourrendrepubliqueune lettre ouverte dans laquel-le elles appellent «les gouvernements à suppri-mer les subventions directes et indirectes auxagrocarburants, y compris les objectifs contrai-gnantsd’incorporationet lesmandats».

L’UE, où le tauxd’incorporationdes agrocar-burants est de 4,5%, n’en est pas encore là,même si elle a opéré un revirement en 2012, endécidant de limiter la part des agrocarburantsdans son objectif de 10%d’énergies renouvela-bles dans les transports en 2020. Ce qui revientde fait à renoncer à celui-ci, les biocarburantsdits avancés (produits à partir de déchets végé-taux, d’alguesoude levures) n’étantpas prêts àprendre le relais. La question est de savoir si ceplafond sera fixé à 5%, ainsi que l’a proposé laCommission, soutenue par les organisationsnon gouvernementales, ou plutôt à 7%, ainsi

que le souhaite la présidence lituanienne.Lapositionde laFranceestambiguë.Elles’est

prononcée parmi les premières, en 2012, enfaveur d’une pause dans la course aux agrocar-burants. Mais, soucieuse de ne pas aller contreles intérêtsde sapropre filièredeproductiondebiodiesel, qui lui permet d’atteindre un tauxd’incorporation d’agrocarburants de 6,8%, ellesoutient la proposition lituanienne. Leministè-re de l’environnement ainsi que les ministresécologistes du gouvernementmilitent pour unplafonnement plus bas, mais c’est la positiondéfendue par le ministère de l’agriculture quisemble l’emporterpour l’instant.

Lespolitiquesdemandatsd’incorporationdebiocarburants sont-elles condamnées à terme?C’est la convictiondeDavid Laborde, économis-te à l’Ifpri et auteur d’une étude sur le sujet, quiaffirme que «ces politiques demandats sont lespires, car elles engendrent de la rigidité là oùauraitplutôt besoinde souplesse».

En matière de sécurité alimentaire, «il fau-drait faire en sorte que quand les prix montent,les gens consommentmoins de biocarburants»,dit-il. Or c’est bien le contraire qui se passe :quandlescoursdesdenréesalimentairesse ten-dent, la demande constante en agrocarburantsne fait qu’aggraver le phénomène. Sous leursapparencesvertueuses, certaines idéespeuventcacherdesmécaniques infernales.p

[email protected]

¶Laurent Fabius,ministre des affairesétrangères

¶Le Grand Rendez-Vousest diffuséchaque dimanchede 10 heuresà 11 heuresavec « Le Monde »sur Europe 1et i-Télé

décryptages

LE DÉVELOP-PEMENTRAPIDE

DES AGRO-CARBURANTS

A CRÉÉUNE CORRÉ-LATION

ENTRE PRIXDE L’ÉNERGIEET COURS

DECERTAINESDENRÉESALIMEN-TAIRES

Sur le drame de Lampedusa, quedoivent faire les Européens?

Les Italiens et les Français ontdemandé que le drame de Lampe-dusa soit porté à l’ordredu jourduconseildesministresde l’intérieurdemardi. Je n’excluspas que Fran-çois Hollande demande des déci-sions au prochain conseil euro-péen d’octobre. La Méditerranéene peut pas rester un immensecimetière à ciel ouvert, ce n’est paspossible. Le pape s’est expriméavecgrandeforce.Lahonte, lahon-te: il faut agir, et beaucoupmieuxqu’onne l’a fait jusqu’ici. Celaveutdire : développement, contrôle,sanction. Développement : lesgens qui viennent sur les côtes del’Europen’y viennent pas par plai-sir, ils sont chassés par la misère,par des régimespolitiques abjects,et il faut donc absolument aider ledéveloppement de ces pays.Deuxième point, il faut unmeilleurcontrôle. Ildevraityavoirdes garde-côtes, y compris du côtédes pays du Sud, pour faire que lesgens ne soient pas repoussés dra-matiquement, mais qu’on puisseleurmontrer le cheminet les aiderau développement. Enfin, il fautdes sanctions. Il n’y a pas de passa-ge d’immigrants sans passeur. Cesgens-là se font des fortunes sur lamort des immigrants. Il faut êtreextrêmementduravec eux.Les réserves du guide iranien AliKhamenei sur le voyage àNewYork duprésidentHassanRohanimontrent-elles que lesOccidentaux se sont emballésun peu vite sur lamarge demanœuvre deM.Rohani?

Pour l’instant, il y a des paroles,et ces paroles sont ouvertes, maisnous voulons des actes. La ques-tion principale pour nous, c’est lenucléaire.Nous disonsoui à l’utili-sation du nucléaire civil, mais nonà l’arme atomique. Cela entraîne-rait une dissémination nucléaireextrêmementdangereuse, notam-mentdanscetterégionquiestérup-tive. Mais nous n’arrivons pas àavoir une transparence complètesur ce qu’il se passe. Pendant quenous parlons, les centrifugeusesqui permettent de fabriquer de lamatière fissile continuent de tour-ner.Ça fait des années qu’on le dit.

Oui, mais cela continue, et il y aunnouvel élément qui s’appelle lacentrale d’Arak. Ce réacteur n’est

pas de type classique. Il s’agit d’unréacteur dit à eau lourde, qui pro-duit du plutonium. Si ce réacteurvient jusqu’à complétude, on nepourra pas le détruire. Parce quequand on veut bombarder du plu-tonium, tout s’échappe. Il s’agitdoncd’une course contre le temps.Les gensdisent à peuprèsunan. Sice réacteurva jusqu’aubout, ladis-cussion avec les Iraniens changeracomplètement de nature, parceque les Américains, les Israéliens,d’autres, ne pourront pas dire: «Sivous ne venez pas à résipiscence,onprenddes sanctions», car onnepourrapasprendrecetypedesanc-tion.Selon vous, le Front national est-il un parti d’extrêmedroite?

Bien sûr. Historiquement, per-sonne ne peut contester que leFrontnationals’estbâtiàpartirdesmouvements d’extrêmedroite,ex-OAS, anciennement collabora-teurs. C’était le fondsdeM.LePen.Mais comment convaincre lesFrançais à partir dumoment oùMarine Le Pen n’explicite plusces racines et prétend attaqueren justice ceux qui la qualifientd’extrêmedroite?

Il faut regarder les choses,mêmeaveclesourire.Cecomporte-ment qui consiste à dire «voilàcomment il faut m’appeler, pasautrement»sedénoncelui-même.C’est comme le philosophe quiécritungroslivredontlethèmeest«le langagen’existepas».Combat-tre cela, c’est difficile. Victor Hugodisait : «Souvent la foule trahit lepeuple.»Mme Le Pen s’adresse à lafoule,mais elle trahit le peuple. Etc’est ce qu’il fautdémontrer.p

Proposrecueillis parMichaelDarmon,AlexandreKara et

ArnaudLeparmentier

Lesagrocarburants et lamécaniquede la faim

LE GRAND RENDEZ-VOUS EUROPE 1,LE MONDE, i-TÉLÉ

LaurentFabius:«MarineLePentrahit lepeuple»

18 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 19: Le Monde - 8 Octobre 2013

AprèslePS, l’UMPachoisidedésignersescandidatsenfaisantvoter lessympathisants.Mais ladémocratisationpolitiquen’estpasaurendez-vous

Primaires, larévolutioninachevée

débats

Lesystèmedesprimairesa long-temps été jugé impensable etinassimilable en France,contraire à sa culture politiqueet à l’«esprit» des institutionsde la VeRépublique, mais aussi

attentatoire aux prérogatives des partispolitiques. Ce principe s’institutionnalisepourtant peu à peu dans la vie politiquefrançaise.

A lasuiteduPS, l’UMPaadoptéstatutai-rement en juin le principe des primaires(article34desstatuts)dansunequasi-indif-férence. Cette adoption est pourtant lour-de de conséquences : elle transforme enprofondeurlesrèglesdujeude lacompéti-tion à droite et dévalue en apparence lesressources liées à la maîtrise de l’appareilpartisan.

Présentées unanimement comme unsuccès «démocratique», les primairessocialistes de 2011 ont créé un précédent.Pari risqué sur le plan logistique et politi-que, ce mode de désignation a démontréune incontestable efficacité électorale. SiellesontconsacrélaprésidentialisationduPS et la fin dumodèle historique du partimilitant, lesprimairesontpermisdefabri-queruncandidatincontesté,detrancherleproblèmedu leadership et de solder la cri-

se consécutive au congrès tragi-comiquedeReimsde2008.

Le PS, replié depuis 2002 sur ses luttesinternes, a donné une image d’ouvertureetde«rénovation»d’autantplusfortequelesvaincussesontrangésderrièrelecandi-datdésigné.

En dépit d’une faible participation desmilieux populaires, la très fortemobilisa-tion (près de trois millions de sympathi-sants)aproduitunedynamiquepré-électo-rale qui a constitué une solide rampe delancement pour François Hollande. Le PSest parvenu à mobiliser plusieurs moisavant l’électionautourde30%desonélec-toratde référence.

Le candidat socialiste aurait-il vaincuNicolasSarkozy sanscettepremièrephasede campagne? Il est difficilede ledétermi-ner mais sa victoire a de fait validé etconforté a posteriori la pertinence duchoix des primaires ouvertes. De cultureparlementaire,lePSaentérinésaprésiden-tialisation lors du congrès de Touloused’octobre2012 où la décision a été prise decaler le rythmedes congrès sur l’échéanceprésidentielle. Les statuts stipulent (arti-cle3.21) que le congrès se réunit désormaisdeux fois, avant et après laprésidentielle.

L’instrumentdesprimairesestattractifdansunsystèmed’alternancesélectoralesrépétées qui fait de la question du lea-dership un enjeu central pour le parti àvocationmajoritaire entré dans l’opposi-tion (la participation d’un président sor-tant aux primaires apparaît improbable).Avec le quinquennat et l’inversion ducalendrier électoral, les luttes partisanesinternes se structurent très fortementautour de la conquête du trophée prési-dentiel. La tentation était donc grandepour l’UMP d’adopter une procédure quiproposeunoutilderégulationetd’arbitra-ge de la compétition partisane qui a faitsespreuves auPS.

Le ralliement des dirigeants de l’UMPauxprimaires ouvertesn’obéit cependantpas qu’à une logique mimétique. Il a desressorts propres. Il faut d’abord rappelerque ladroitegaulliste a étépionnièredanslamise sur l’agenda politique des primai-res. Les primaires apparaissent à la fin desannées1980commeunmécanismed’arbi-trage possible entre le RPR et l’UDF aprèsles deux défaites de1981 et 1988. CharlesPasquaprenden1989latêted’uneassocia-tion «pour les primaires à la française».

Lesrésistancessontnéanmoinstrèsfortes.Leprojet avorte.

Depuis les années 1990, Jacques ChiracpuisNicolasSarkozyontcherché,nonsansdifficultés,à fairedelamaîtrisedupartiunlevieressentieldelasélectionprésidentiel-le. A partir de 2002, la conquête de l’UMPest centrale dans la stratégie de NicolasSarkozy qui, devenu son président en2004, impose peu à peu « le principe d’unrèglementpartisandelacandidatureprési-dentielle» (pour reprendre les termesde lapolitisteFlorenceHaegel).

Au terme d’âpres négociations, l’UMPdécide en décembre2005 qu’elle ne sou-tiendraofficiellementqu’unseul candidatetqu’il seradésignépar lesmilitants.Cetterèglemarque une rupture dans lamesureoù la désignationpar lesmilitants du can-didat était conçue jusque-là comme uneentorseàladéfinitiongaullienne(nonpar-tisane) de l’élection présidentielle. Pourasseoirsadomination,NicolasSarkozylan-cealorsunecampagnederecrutementiné-

dite qui élargit considérablement la basemilitante (340000adhérents en jan-vier2007). Les sondagesmontrent que lesnouveaux adhérents s’engagent d’abordpoursoutenirNicolasSarkozy,quiestdési-gné en janvier2007par lesmilitants (il estl’unique candidat). En 2007 à l’UMP, àl’inverseduPS,leadershippartisanetprési-dentiabilitéapparaissentcouplés.Leprési-dent de l’UMP est le candidat «naturel» àl’électionprésidentielle.

C’est en vertu de ce principe que Jean-François Copé et François Fillon se livrentunebataille acharnéepour la conquêteduparti après la défaite de 2012. L’adoptiondes primaires ouvertes, validée par lesadhérents de l’UMPen juindernier à 92%,est le résultatd’uncompromisqui solde lacrise ouverte par l’élection controverséede Jean-François Copé en novembre2012.Les fraudes attestées lors duvoteontdélé-gitiméleprinciped’unedésignationinter-ne pour le futur candidat. De la mêmemanière, les irrégularités lors des votes

internesaucongrèsPSdeReimsontpréci-pité l’adoption des primaires, comme unaveud’impuissance.

Mais, surtout, François Fillon a fait del’adoptiondelaprimaireouverte laprinci-pale conditiond’unepacificationduparti.L’ex-premier ministre renonce à exigerune nouvelle élection pour la présidencedupartimais pense avoir démonétisé cet-te fonction.

Dès lors que les adhérents perdent lemonopole de la désignation, son pari estque la maîtrise de l’appareil cesse d’êtreune ressource primordiale. Les candidatsdoivent désormais chercher à séduire le«peuplededroite»au-delàdelaseulecom-munautédesmilitants encartés. C’est ain-siqu’ilfautcomprendrelavolte-facerécen-te de François Fillon à l’égard du Frontnational, les sympathisants de l’UMPétantà49%favorablesàdesalliances loca-les avec leparti deMarineLePen.

La primaire de l’UMP a donc déjà com-mencé,maisira-t-elleàsonterme?Denom-breuses incertitudes pèsent sur le proces-sus à venir. Le ralliement aux primairess’est fait sans enthousiasme et sans réeldébat.Lepostedeprésidentdupartin’apasperdu toute légitimité, d’autant plus sil’UMP remporte les prochaines électionsintermédiaires. La primaire socialiste de2011 a montré que les ressources partisa-nes des candidats n’étaient pas négligea-bles(toutdépendenfaitduniveaudeparti-cipation à la primaire). Le prochain candi-dat de l’UMP sera-t-il désigné nécessaire-

mentparuncorpsélectoralélargiauxsym-pathisants? Rien n’estmoins sûr. Ainsi lespartisans de Nicolas Sarkozy, hostiles auxprimaires,misent surune sélectionpar lessondages ou une primaire de ratificationsans réelle concurrence (comme Domini-queStrauss-Kahnenson temps).

Au niveau municipal, la diffusion desprimaires ne procède pas desmêmes logi-ques. Limitée, non systématique, stricte-ment encadrée par les partis, elle ménageles intérêtsdesélus enplace. Lesdeuxpar-tis dominants ont organisé des primairesouvertes là où ils n’ont pas de sortants etdans les villes où la victoire est envisagea-ble (Colombes dans les Hauts-de-Seine,Lyon,ParisetGrenoblepourl’UMP,Aix-en-Provence, Béziers, Boulogne-Billancourt,LaRochelle,LeHavre,Marseillepour lePS).Cesprimairesdeconquêteoudereconquê-tepoursuiventdesobjectifsvariables ici etlà. Leplus souvent, il s’agit de trancherdesquerelles internes ou de constituer uneprédynamiqueélectoraleautourd’uncan-didaten luipermettantdegagnerennoto-riété(lesobjectifsdemobilisationoscillententre3%et 5%ducorpsélectoral).

A Paris, la primaire organiséepar l’UMPenmaidernieroùunepré-inscriptionétaitrequiseavait pour fonction, après la défec-tion de Rachida Dati, de légitimer locale-ment Nathalie Kosciusko-Morizet, para-chutée à Paris (la maire de Longjumeau aaidésesrivauxàsefaireparrainer).Ils’agis-saitaussidedonneràlacandidateunecau-tionpopulaire et d’enfermer son adversai-resocialiste,AnneHidalgo,dansuneimagede femme d’appareil cooptée. Mais sansréel enjeu, la primaire parisienne n’a pasvraimentmobilisé (20000votants contre50000attendus). La primaire lyonnaise aété plus disputée et mobilisatrice. A Mar-seille, que le PS peut prendre à l’UMP, l’ob-jectif est de réinitialiser un jeu politiquelocal encore marqué par le système clien-télistede Jean-NoëlGuérini (voir encadré).

A en croire leurspartisans auPS, lespri-maires citoyennes de 2011 devaient être lapremière étape d’une rénovation en pro-fondeur de l’organisation socialiste.ArnaudMontebourgannonçaitlagénérali-sationdesprimairesà l’ensembledesscru-tins. D’autres prévoyaient un afflux demilitantsdansunparti redevenuattractif.Or le processus de rénovation entaméparMartineAubrys’estenlisé.Pour lapremiè-re foisdepuis 1981, la victoireprésidentiel-le de 2012 ne s’est manifestée par aucunélargissementdelabasemilitante.Partiaupouvoir, le PS est aussi et surtout un partid’élus locauxattachésà leursmandats.

Les quelques primaires mises en placeneremettentpasencause leprincipe, tou-jours intangible, de la reconduction dessortants et de la sélection dans l’entre-soi.Ladirectionnationaleadécidéd’organiserdes primaires locales seulement là où unconsensus se dégageait en leur faveur. Lesprimairesserontdoncferméesdanslaqua-si-totalitédesvilles, leséluscontrôlantfor-tement les électorats militants. La démo-cratisationpar lesprimairesestencore lar-gementunvœupieux. p

RémiLefebvreProfesseur de science politique à l’université Lille-II

et chercheur au Ceraps (Centre d’études et de recherchesadministratives, politiques et sociales). Il a notamment

publié «Les Primaires socialistes. La fin du partimilitant» (Raisons d’agir, 2011) et «Leçons d’introduction

à la science politique» (Ellipses)

Les nouveaux statuts de l’UMP

Aveclequinquennatetl’inversionducalendrier

électoral, lesluttespartisanesinternes

sestructurenttrèsfortement

autourdelaconquêtedutrophéeprésidentiel

Leprochaincandidatdel’UMPsera-t-ildésignénécessairementparuncorpsélectoralélargiauxsympathisants?Rien

n’estmoinssûr

DANSLACITÉPHOCÉENNE,où Jean-ClaudeGaudins’apprêteàbriguerunqua-trièmemandat,uneprimaire fermée(réservéeauxmilitants) était difficile-mentenvisageable.Alorsque la fédéra-tionsocialistedesBouches-du-Rhôneesttoujourssous tutelleet que Jean-NoëlGuériniexerceuneemprise toujours fortesur laville, confier ladésignationducandi-dataux seuls2200adhérents socialisteseûtété choisir symboliquement laprolon-gationdu«système». Six candidats s’af-frontentdansunecampagnedominéepar

le thèmede l’insécurité: laministreMarie-ArletteCarlotti, leprésidentde la commu-nautéurbaineEugèneCaselli, la sénatriceSamiaGhali, lesdéputésHenri Jibrayel etPatrickMennucci et le conseillergénéralChristopheMasse. SiMarie-ArletteCarlot-ti etPatrickMennuciprennent leursdis-tancesavec le «systèmeGuérini», l’ensem-bledes candidatsa été lié àunmomentouàunautreauprésidentduconseil général.LaHauteAutoritédesprimaires chargéedeveiller à la transparenceduscrutinaétéconfiéeà l’avocat Jean-PierreMignard,

membreduconseil nationalduPS.Prèsde10000Marseillais (sympathisantsoumili-tants)ont apporté leursparrainagesauxcandidats. Laparticipationdéborde-ra-t-elle largementau-delàde ces cerclesdesympathisants? 27000Marseillaisontparticipéauxprimaires socialistesen2011.Quel rôle jouera lepuissantsyndicatForceouvrièreet ses6000adhérents? La clefduscrutinapparaîtdans la capacitédescandidatsen lice àélargir leurs soutiensau-delàde leurs réseauxd’influenceetdeleursclientèles.

L’ article 34 des statuts de l’UMPa étéadopté en juin. Il prévoit l’organisationd’une primaire en vue de la désignationdu candidat à la présidence de la Répu-blique.Celui-ci est désigné à l’occasiond’une primaire ouverte à l’ensembledes citoyens adhérant aux valeurs de laRépublique et se reconnaissant dansles valeurs de l’UMP.Il n’est pas organisé de primaire lors-que le président de la République estissu de l’UMPet candidat pour unsecondmandat.

Lesclésduscrutinsocialistemarseillais

190123Mardi 8 octobre 2013

Page 20: Le Monde - 8 Octobre 2013

Le Monde Académieremet le couvert. En2012, 68 jeunes franco-phones de 18 à 25ans,passionnés de journa-lisme et sélectionnés

sans condition de diplômes, ontécrit et publié dans Le Monde etLemonde.fr des sujets originaux,rémunérés aux tarifs de la profes-sion.Telle est l’ambitiondecepro-jet, soutenu par EDF et Google :ouvrir lespagesduquotidienetdusite à denouveaux talents, de toushorizons. Cette année, la deuxiè-me promotion, qui vient d’êtresélectionnée, compte 69candi-dats–autantque l’âgedu journal–qui auront en outre la possibilitéd’œuvrerpourd’autresmédiasduGroupe Le Monde : Télérama etCourrier international.

Cette deuxième promotion,commelapremière,portelescarac-téristiques d’une génération. Ain-si, les thèmes abordés dans leursdossiers de candidature (articles,vidéos, photos, infographies, web-documentaires, etc.) sont très sou-vent internationaux: les athéesdeJérusalem, les moines de Birma-nie, les Arméniens d’Istanbul, lasituation au Kosovo, l’éducationau Chili, les mariages forcés enInde, l’après-séisme en Nouvelle-Zélande...

Ce n’est pas un hasard. Que cesoitàtraversdeséchanges,despro-grammes Erasmus ou par simpleenvie d’aller voir ailleurs ce qui s’ypasse, les jeunes Français se mon-dialisent. Quatorze des nouvellesrecrues sont d’ailleurs installés àl’étranger (au Royaume-Uni, auBrésil,maisaussien Inde, enChineou en Arménie). La promotioncompte par ailleurs deux Suisses,deux Belges, deux Marocaines etuneArgentine.

Sur les 48participants résidant

en France, 18 vivent en province,de Roubaix à Marseille et deLaRochelleàStrasbourg.Les sujetsqu’ils ont traités dans leur dossierne sont pas moins originaux etvariés: le crowdfunding (levée defonds sur Internet pour financerdesprojets)enAvignon,lesraisonsdes échecs des start-up, les cultu-res urbaines à Roubaix, les étudesenprison, lesantifascistesdeLyon,l’amourdansleshôpitauxpsychia-triques ou la vie chaotique deschauffeurs routiers.

Autre caractéristique: les «aca-démiciens» de cette annéemaîtri-sent mieux que leurs prédéces-seurs les techniquesde la vidéo, del’infographie et des nouveaux for-matsnarratifsinteractifs.Lescurri-culum vitae en images et en sonsqu’ils nous ont proposés font

assautd’imagination, de créativitéet deprouesses techniques.

Si un tiers d’entre eux font ouont fait une école de journalisme,lamajoritédes autresont suivi destrajectoires des plus variées : unanalyste financier, un chimiste,des informaticiens, des déve-loppeursWeb,unmédiateurcultu-rel, un apprenti urbaniste, des jeu-nes diplômés d’écoles de commer-ceoudemanagement.

Encadréspardes journalistesduMonde, du Monde.fr, de Téléramaou de Courrier international, ils sesontmis au travail pourneufmoissamedi5 et dimanche 6octobre,lorsdupremierdesquatreséminai-res organisés dans les locaux duMonde,boulevardBlanqui.

Ilsontreçulàquelquesbases,dela part de journalistes confirmésdu Monde, sur la déontologie, lafaçon d’identifier et de traiter unsujet, le journalisme de données,la vidéo ou l’infographie animée.Ilsontaussireçulesconseilsavisésd’«académiciens» de la premièrepromotion, embauchés en CDD àla finde leurannée, etnotammentcelui-ci : ne pas proposer de tropbonnes idées de sujets sans leurdonner suite, au risque de se faire

harcelerensuiteparles troissigna-taires de cet article…

Surtout, les 69 ont travaillédurant ces deux jours. Sept confé-rences de rédaction parallèles ontété organisées pour faire sortir lessujetset lesaffûter,dessujets indi-viduels oudes travauxde groupe.

Si les « académiciens » seretroussent les manches – ils ont,en tout cas, l’air d’en avoir envie –,noslecteursetnosinternautesver-ront apparaître, entre autres, cesprochaines semaines, un web-documentaire sur Casapound àRome, un centre social néofascistedangereusement séduisant qui arecruté des milliers de jeunes Ita-liens,unesériedesujetssurlaréin-vention du travail par les jeunes,unreportagesurdesjuifsorthodo-xes délurés, les tribulations d’ungroupe de rap syrien en exil, untémoignagesurlaguerredesclôtu-resdans les rues tranquillesde Sei-ne-et-Marne, l’exode rural dans leLadakh (Inde) à cause de la fontedesglaciers,uneenquêtesurlebio-hacking. Vous avez dit éclecti-que?p

FlorenceAubenas,Martine Jacot

et SergeMichel

Vingtetunerecruesviennent

del’étranger.Surles48résidantenFrance,18vivent

enprovince

Etc’est reparti !Pendantneufmois,69jeunes«académiciens»vont faire leurspremièresarmesde journalisteau«Monde»,à«Télérama»ouà«Courrierinternational».Lecoupd’envoidecettenouvellesessionaétédonnésamedi5octobre

MondeAcadémie

Deuxièmeédition

20 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 21: Le Monde - 8 Octobre 2013

MondeAcadémie

Les 69 «académiciens»de la promotion 2013-2014ZakariaABYAA,AlexanderABDELILAH,ThomasDiegoBADIA,AdrienBARBIER,JérémieBERLIOUX, EugénieBLAISE,Marie-SarahBOULEAU, JustineBOURDAIS,ZaynabBOURDELLAH, SimonBRUNEEL-MILLION,CéciliaBRY,HovigCANCIOGLU, JuliaDENNI,NdeyeDIOBAYE, BastienDJIAN,GuillaumeDUCHEMIN,MarineGIRARD,GuillaumeCARRET,LaurannCLEMENT, Emile COSTARD, ThomasDEVENYI,MathildeDOIEZIE, AlbineDUFOULEUR,GuillaumeELMASSIAN,Hélène FROMENTY,LauraGEISSWILLER,Maria CelesteGOMEZ,HélèneGOUTANY, RémiHATTINGUAIS, EdwigeJEANNENOT, Julie KASINSKI,Antonin LAMBERT,TomLANNEAU,MaximeLEBUFNOIR, JulienDE LEI-RIS, Alice LENA, Brice LE BORGNE,Kelly LEGUEN,MattéoMAILLARD,Marie-LaureMATHOT,ShérihaneMANAA, AlbanMERYDEMONTIGNY,JuliaMOURRI,AnaïsMOUTOT,AgnèsNABAT,LiseOUANGARI, FabienPALEM, Lola PALMIER, LéoPIERRARD,Alisée PORNET,WilliamPLUMMER,Juliette POISSONNIER,AlexandreDEPOMMEREAU,TessRAIMBEAU,KimRODRIGUEZ,GuilleminROSI,Kora SACCHARIN,Neal SAUNIER, Céline SCHOEN,Marie-SarahSEEBERGER, Jérémie SEROUT, LéonoreSTANGHERLIN, Jean-LoupTHIEBAUT, Camille THO-MINE, FlorenceTRAINAR, KévinVERGER, BenoîtVERNAY,Olivia VILLAMY, EmelineWUILBERCQ.

Qui veut partir à l’étranger ? Quiveut rester en France ? Au prin-temps,nous avions posé la questionà52des68participantsà lapremièrepromotionduMondeAcadémieréu-nis en séminaire. Trente-neuf d’en-tre eux ont dit souhaiter quitter laFrance à la fin de leur cursus, dontvingt pour essayer de s’installerdurablement à l’étranger et quatrepour ne jamais revenir. Dix autresenvisageaient un départ, mais sansavoir tranché. Qui veut rester enFranceà tout prix?Deux, seulementdeux!Le thème de l’expatriation s’estimposé comme celui d’une grandeenquête commune lancée par nosacadémiciens2012-2013etdontvoicila synthèse.

C ommechaqueannée à l’Institutd’études politiques de Rennes,le tapis rougea étédéroulépour

la remise des diplômes, et Patrick LeFloch, le directeur, a prisplace sur l’es-trade. Mais, en ce printemps 2013, onprête davantage attention auxabsents qu’aux présents : soixanteanciens élèves ne sont pas là et, parmieux, la moitié a quitté la France pourunpremier emploi.

Surl’écran,lesnomsetlespaysdéfi-lentcommeunhymneaudépart:Pier-reenOuzbékistan,GuillaumeenTuni-sie,AnneauSoudanduSud,ouPaulauCongo. Lorsque la majore de promo-tion est appelée au podium, deux élè-ves s’avancent, brandissant en triom-phe un téléphone: la jeune fille appa-raît,ouplutôtsonvisage,surSkype,enChine où elle s’est installée, souriantesur l’écranduportable.

Dans la salle, la conversation tour-ne autour des prochains départs.Marion a un plan pour le Brésil, Laurapour la Roumanie. Mehdi attend uneréponsedeNewDelhi. Quelqu’un lan-ce:«Et toi, tu faisquoi?»Certains sou-rires sont embarrassés. «Je cherche.»Traduction: «Je reste en France, maisjen’ai rien trouvé.»

Partir ? Rester ? Au début desannées 2000, les jeunes gens choisis-saient avant tout les pays étrangersdans le cadre de leurs études. Aujour-d’hui, ils partentde plus enplusnom-breux,mais d’abord pour travailler. Siles programmes d’échanges universi-taires du type Erasmus avaient été lacarte d’embarquement de toute unegénération, le PVT semble le nom decodede lasuivante: le«permisvacan-ces travail », réservé aux 18-30 ou35ans.«Songrandavantageestdeper-mettre d’aller rechercher du travaildirectement sur place, explique Nico-las Perocheau, de la Maison des Fran-çais de l’étranger, à la différence d’unvisa de travail classique, pour lequel ilfaut avoir préalablement trouvé unemployeur.»

LePVTprovoquedes ruéesdans lesambassadesdes sixpaysquiont signéun accord avec la France et proposentunquota de visas: Canada, Argentine,Australie,CoréeduSud,Japon,Nouvel-le-Zélande. Si l’Australie reste la desti-nation laplus courue–prèsde20000départsparan–, leCanadaa levent enpoupe. Il y a deux ans, les 7000PVTproposés s’étaient envolés en troismois. En 2012, il a fallumoins de troisjours. Au total, plus de 30000Fran-çaispartent enPVTchaqueannée.

L’histoire ne se résume pas à uneéquation économique, une recetteanti-crise des 18-25ans, cette généra-tion stagiaire et Pôle emploi. D’autresfacteurs entrent en jeu. Anne Selles,26ans, avait un emploi en CDI, décro-ché avec difficultés, dans la région deMontpellier. Elle est partie, elle aussi,le 8avril 2013. «Pourquoi j’enavais tel-lement envie ? Je ne sais pas. » Pourcomprendre,ellead’ailleursdécidédedemander à tous les Français expa-triés croisés en chemin les raisons deleur départ pour les collecter dans unblog au nom introspectif, «Aller voirailleurs si j’y suis».

De fait, le rêve d’ailleurs, le départaupetit-bonheur-la-chance,estenpas-se de se transformer en industrie. Surplace, auQuébec, au Royaume-Uni ouen Allemagne, des entreprises se sont

montées pour accueillir et guider lesFrançais fraîchementdébarqués. Bue-nos Aires Connect en est un exemple.HéloïseVélay,30ans,fondatricedecet-te société, découvre l’Argentine en2009 à l’occasion du mariage d’uneamie, et décide d’y rester. Deux mas-ters et trop de stages non payés l’ont«fatiguéede la France».

Mais que faire au 34eparallèle sud?«Il était prétentieux de penser arriverdans un pays inconnu et réussir, dit-elle.Durantmes six premiersmois, j’aiapprivoisé l’environnement, fait lafête, rempli mon carnet d’adresses etappris l’espagnol.» Puis elle transfor-me ses découvertes en fonds de com-merceet lancesaboîteainsique le siteBuenos Aires Connect, qui emploiedésormaisseptpersonnes,dontcertai-nes à temps partiel. « J’ai déménagéquatorzefoisici, jemesuisrenducomp-tequ’ilyavaitunevraiedemandedansle secteur de la location pour expa-triés. » Contre une commission de150euros, ellemeten relationdespro-priétairesfiablesetdesnouveauxarri-vants, à qui elleproposeaussi lesbonsplanspour s’amuserou travailler.

Malgré ce succès, Héloïse annoncedéjà son départ en Inde d’ici un an,pourlanceruneautreentreprise,avecquelques recettes apprises sur le tas:«Pasd’investissementfinancier,misersur le relationnel, avoir unand’écono-mies pour se faire un carnet d’adres-ses, choisir un secteur où la demandeexiste,sanstropdeconcurrence»,énu-mère-t-elle.

A Londres, l’adresse de référenceest plus institutionnelle. En 2012,7890francophones se sont dirigésvers le Centre Charles-Péguy, subven-tionné par le ministère français desaffaires étrangères, et plus de 250783

sont passés par leur site. Pour60 livres (71 euros) par an, troisconseillers de l’association à but nonlucratifaccompagnentles jeunesfran-cophonesdans leurs démarchespourtrouver un emploi, un logement etfaciliterl’adaptationauxcodesprofes-sionnels anglo-saxons.

«La crise a accru le nombre de visi-teurs, explique Marine Deneux, ladirectrice du centre, qui a connu unpic de fréquentation en 2009 avec10498 francophones passés dansleurs locaux. L’accès à un emploi estplus simple qu’en France en raison dela flexibilité dumarchédu travail, sur-tout pour les petits boulots. 70% denos offres concernent la restaurationet l’hôtellerie.» Et de nuancer: «Maisla crise se fait aussi ressentir, nosemployeurssontbienplusexigeants.»

Pouranticiper lescoupesbudgétai-res, le ministère des affaires étrangè-res a conclu, en septembre2012, unpartenariatavec sixgrandesentrepri-ses françaises au Royaume-Uni: EDFEnergy, Eurotunnel, La Fondation dela Société générale, Bouygues, TLSContact et International SOS. «Ici, lesdiplômes comptentmoins qu’en Fran-ce, constate l’expatriée CharlotteDes-hayes. Les employeurs s’intéressentplutôt à la personnalité du candidat.On donne aussi plus de chances auxjeunes qui ontmoins d’expérience.»

Et pour beaucoup de Français quise lancent, ça marche. Arnaud Tan-guy, 29ans, n’aurait pu rêver en Fran-ced’unecarrièrecommecellequ’il esten train de mener en Angleterre. Ilaurait dû passer par une grande écolealors qu’à Londres, son travail achar-

néetsonmasterdemathématiquesetinformatiquede l’universitédeBreta-gne-Sud ont suffi. En juillet2010, ildécroche un VIE (contrat volontaireinternational en entreprise) d’un anau laboratoire de recherche londo-nien d’Orange. Jackpot. En sixmois, ilpasse en CDI, puis démissionne pourrénover l’architecture du site deStreamhub, une start-up qui fournitentempsréelunserviced’analysesdedonnées en ligne destiné auxmédias.«Jesuisdirecteurtechniqued’uneéqui-pe de six personnes, explique-t-il. Ledéfi est important puisque je gère tou-te la plateforme et suis chargé deschoix technologiquesde l’entreprise.»

Cécile Zeitoun, une Franco-Alle-mande de 30ans, a choisi Berlin pourlancer, il y a trois ans, sa propre mar-que de couture, Zeit. Une griffe jeune,à la mode mais pas trop chère. «Lecontexte est aussi difficile, les difficul-tés comparables : économiquement,mon projet n’est pas plus rentable enAllemagne qu’en France. Ce qui chan-ge, c’est l’état d’esprit»,dit-elle.

AParis, elle se souvient surtoutdes«discours décourageants qui tour-naientenbouclesur lacriseet lemilieude la mode, tellement prisé et sélectif.Amis, famille, banquiers, tous crai-gnaient la débâcle. J’ai fui ce pessimis-meambiantqui paralyse». Elle racon-te Berlin et les «opportunités quiparaissent inimaginables en France»,lepatrond’ungrandhôtelquiluioffregratuitementunlieupoursespremiè-resphotosdemodeparcequ’il veut lasoutenir, les sept salariés «payés defaçon équitable», les étiquettes d’une« transparence absolue», qui indi-quent la provenance du tissu et lenom de couturière. Elle évoque lesquartiers abandonnés où des locauxsont loués pour presque rien à descréateurs. Bref «un souffle neuf»,«une émulation culturelle», l’espritde«collectif etd’entraide». Le contrai-re du climat français.

Cettesensationd’unpayssanshori-zon, si elle revient sans cesse dans lesdiscours, s’accompagne souvent,pour les expatriés, d’une découverteréjouissante: les jeunes Français sontune catégorie plutôt prisée hors desfrontières.«J’habitaisdansunecitédeNanterre qui n’évoluait pas, jeme sen-tais restreinte. En France, j’avais l’éti-quette deuxième génération d’immi-grésissuedelabanlieue,expliqueMae-vaGriffit-Dem, 26ans, d’origine séné-galaiseetmartiniquaise. Ici,àLondres,l’étiquette“jeuneetFrançaise”estvalo-risée, j’apparaiscommedébrouillarde.C’est unbon sésame.»

Si les récits de succès se racontentvolontiers, les échecs s’avouentmoins facilement. Marc, qui devaittémoignerdeson«fiascoenNouvelle-Zélande», se met finalement auxabonnés absents. Sophie, qui s’était«plantée à Londres», ne répond plusau téléphone.NaceraElGuebassi, elle,avait quitté Dijon pour ouvrir uneonglerie au Maroc, pays d’origine desafamilleet«enpleineexpansionéco-nomique». Elle a tenu trois mois.«J’étaispartieavecdes idéestoutesfai-tes : il y a une différence entre passerdes vacances quelque part et y vivre.Moi, je rêve en français, pas enarabe.»

Même s’il était prévu, le retour aparfois un goût amer. Après dix-huitmoisauMuséedesbeaux-artsdeMon-tréal dans le cadre des fameux PVT,Amélie reprend l’avion pour Nantes.A28ans,unretouraudomicileparen-tal lui semble «inévitable». Sa princi-pale appréhension? Se sentir endéca-lage et retrouver certains des aspectsdesonpaysquine luiontpasmanquéauQuébec: lestressautravail, les lour-deurs administratives et les entre-tiensd’embauche«à la française»,oùles diplômes déterminent tout. Ellecraint de vivre l’expérience du retourcomme une « immigration en sensinverse».

Avec la peur de se départir de cetétat d’esprit qui l’a poussée hors dechezelle,pourdécouvriretentrepren-dre. Redevenir elle-même «trop fran-çaise», en somme.p

LeMondeAcadémie,première promotion

Lors du séminaired’intégrationde la promo 2013duMondeAcadémie,samedi 5octobre,au siègedu «Monde»,à Paris.JEAN-CLAUDE COUTAUSSE

POUR «LE MONDE»

«Ici, lesdiplômescomptentmoinsqu’enFrance.Lesemployeurs

s’intéressentplutôtàlapersonnalitéducandidat.Ondonneaussiplusdechancesauxjeunesquiont

moinsd’expérience»CharlotteDeshayesexpatriée à Londres

Resteroupartirà l’étranger?Lapromo2012aenquêté

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U nnouvel animalpolitique est en trainde s’imposer sur la scènemédiatiquemondiale. Visibilité optimale, sourire

chaleureux, verbehabile,messagepercutant,le pape François a conquis, en l’espace de sixmois, un auditoire qui dépasse largementcelui de ses ouailles. A 77 ans, il a incontesta-blement ce que les professionnels américainsdes relationspubliques appellent le starpower. Il parle – beaucoupet librement –,embrasse, caresse, plaisante, écrit des lettres,téléphone, tweete et, ce qui est plus impor-tant, surprend. Ce saint-pèrepositif enperpé-tuelmouvement force l’admirationdes com-municants.«C’est le pape dumondede la glo-balisation, dit de lui l’écrivain italienUmbertoEcodans le journal argentinLaNacion. Il repré-sente quelque chosed’absolumentnouveaudans l’histoire de l’Eglise. Peut-êtremêmedans l’histoire dumonde.»

Maisquoi?Queva-t-il fairede ce starpower?Va-t-il lemettreau serviced’une réfor-meprofondede la gouvernancede l’Eglise?CepremierFrançois sera-t-il le papede la renais-sancede la communautécatholique? Fascinéspar le contrasteavec le stylede sonprédéces-seur, les vaticanistes scrutentdans lamultipli-cationdes gestes d’ouverturedupape lessignesd’une révolutionpossible, au-delàdusimplediscours.

Carun tweetne fait pas le printemps: c’est,audemeurant, le très austèreBenoîtXVIquiavaitouvert le compte@Pontifex, suivi aujour-d’huiparplusieursmillionsde followersdanssesdifférentes langues.Certes, prendre sesquartiersdans lamodestemaisonSainte-Mar-the endélaissant l’appartementpapal, laverlespiedsdesdétenues,porter sonsac enmon-tantdans l’avion,prendreplacedans la 4Ld’uncurédebanlieueavec 300000kmaucomp-teuroudécrocher son téléphonepourappelerEugenioScalfari, fondateurde LaRepubblicaetathéedevant l’éternel, sont des symboles forts.

Incontestablement, ils ont faitmouche. Fran-çois a suaussi imprimer, commeondit dans lacommunication,des concepts comme lapau-vreté, lamiséricorde, lediscernement. Il amon-tré, parquelques expressionschocs –«lamon-dialisationde l’indifférence» face auxdramesdeLampedusa,«Qui suis-jepour jugerunhomosexuel?»,«la lèpredes courtisans» à laCurie,«le génie féminin» –, qu’aucunsujet nelui fait peur.

Tout cela est formidable.Mais lorsqu’ils’agit de l’Eglise catholique, quin’estniunmodèlede transparenceniunpharede ladémocratie, les gestes et les symbolesne sau-raient être à euxseulsdes garantiesde change-ment.C’est unpeu, finalement, commepourles régimescommunistes.Rienne ressembleplus à la kremlinologiedéfunte (enfin,pres-que)que la vaticanologie.

Egliseet Parti communiste chinoisD’ailleurs, Françoisnevous rappelle-t-ilpas

Mikhaïl SergueïevitchGorbatchev? Lui aussiarriva, élupar sespairs, succédantàdesvieillardscacochymesà la têted’unempireencrise. Luiaussi stupéfiapardesgestes inatten-dus,uneaudacenouvelledans l’expres-sionetlestyle,desdiagnosticssans complaisan-ceetdespromessesde réformesqui suscitè-rent les espoirs lesplus fousendehorsde chezlui. Lui aussiparlaitbeaucoup– trop,parfois.Luiaussi «imprima»desmots–glasnostetperestroïka, transparenceet restructuration.Luiaussi tentadecontourner l’appareil conser-vateurdesonorganisation.Le seul atoutque lepapepourrait lui envier, c’était sa femmeRaïssa,premièreet dernièrepremièredamesoviétiquemoderne.

Unhomme,GeorgeYeo, vaplus loindans lacomparaison.Fin connaisseurà la fois de laChine,d’oùvient sa famille, et de l’Eglise catho-lique,dont il partage la foi,GeorgeYeo, 59 ans,est singapourienet brillantissime.Diplôméde

CambridgeetdeHarvard, il a été généralde l’ar-méede l’air desonpays, député,ministre,notammentdesaffairesétrangères, et dirigeaujourd’huiunegrosseentreprisede logisti-quebaséeàHongkong.

Depuis longtemps,GeorgeYeos’amuseàtrouverdespoints communsentre l’Eglise et leParti communistechinois. Et voilàqu’en juilletlepape lenommeauseind’unecommissionchargéede«la simplificationet la rationalisa-tion»desactivitéséconomiqueset financièresduSaint-Siège– enclair, pourmenerunauditdeses structures?GrandepremièreauVatican,cette commissionest composéedesept laïcs,dontGeorgeYeo, deuxFrançais etune jeunefemmeitalienne.

Cette commissionpourra collaboreravec legroupedehuit cardinaux, le«G8»,mis surpiedenavril pour réformer la gouvernancedel’Eglise,maisne remettra sonrapportqu’ausaint-père lui-même: la confiance règneauVaticanàpeuprèsautantqu’auKremlin sousGorbatchev.Le«G8»a, depuis, été élevéaurangde«conseildes cardinaux»et vuses com-pétencesétendues. Les grandesmanœuvresont commencé.

Dansunarticle diffusé en août par le siteTheGlobalist, George Yeoa précisé ce quel’Eglise et le PCCont en commun. Lepape, élule 13mars, et Xi Jinping, intronisé le lende-main, ont tousdeux la charged’un cinquièmede l’humanité. La Chine et l’Eglise sont toutesdeux«anciennes et gérées par desmanda-rins» ; l’idée d’une électionde son chef au suf-frageuniversel direct «aurait paruabsurde»à l’une commeà l’autre. Chacune«prétendauleadershipmoral. Chacune voit dans l’autreune concurrente». Elles sont profondémentattachées au centralismedémocratique.

Enoutre, observeM.Yeo, «la structurehié-rarchiquedupouvoir en Chine et dans l’Eglisecatholiqueest attaquéepar la révolutiondesmédias sociaux», qui ont notammentmis aujour «la corruptionet les abus sexuels». «LeprésidentXi comme le pape François,conscientsde la gravitédu défi, ont pris desmesurespour adopter un tonnouveau, enutili-santdes symboles forts». Onne souhaitepasaupape le sort deMikhaïlGorbatchev.Maisonattendavec impatienceune rencontre ausommetFrançois-Xi.p

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L’AIRDUTEMPS | CHRONIQUEpar Sylvie Kauffmann

LaperestroïkaselonlepapeFrançois

0123

COMMEFRANÇOIS,GORBATCHEVSTUPÉFIAPAR DESGESTES

INATTENDUS,UNE AUDACENOUVELLEDANS

L’EXPRES-SION, DESDIAGNOS-TICS SANSCOMPLAI-SANCEET DES

PROMESSESDE RÉFORMES

pTirage duMondedatédimanche6-lundi 7octobre2013 : 380051 exemplaires. 2

Le pape François à Assise, en Italie,le 4 octobre. ANDREAS SOLARO/AFP

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LES AMBITIONSCOMMERCIALESAMÉRICAINESEN ASIECOMPROMISESPAR LE«SHUTDOWN»LIRE PAGE4

Solvaymisesur legazdeschisteauxEtats-UnisLIRE PAGE5

UN MOIS DANS LE MONDE

LE MONDE MENSUEL N° D’OCTOBREÀ RETROUVER EN KIOSQUE

07/10 - 9H30

L’AMÉRICAINMONDELEZCONCURRENCENESPRESSOAVEC SESDOSETTESCARTE NOIRELIRE PAGE 3

J CAC 40 4 118PTS– 1,11%

Public ou privé? DepuisleMoyenAge, la Francebalance. Dans un paysoù le service public est

érigé en vertu nationale, lerecours au privé, souvent unpeu honteux, est finalement lanorme. Que l’on se préoccupede l’éducation,de l’accèsà l’eaupotable ou de sa santé, nullepart ailleurs dans le monde necoexistent dans de telles pro-portions lemarchéet l’Etat.

Ainsi, dans le seul domainede la santé, le privé représente40% des capacités et la moitiédes interventions chirurgica-les. Et pourtant, les hôpitauxpublics sont puissants. L’Assis-tance publique-Hôpitaux deParis, l’AP-HP, est l’un des toutpremiers ensembles hospita-liers dumonde, à la fois en ter-mesdetailleetd’excellence.Unsystème qui combine justicesociale, efficacité et liberté. Lepatient peut à tout momentchoisir, comme il le fait avecsonmédecin de ville. C’est celal’exceptionhospitalièrefrançai-se. Le citoyen britannique, lui,n’a le choix que s’il a lesmoyens.Quantàl’Américain, ilresteprisonnierdesamutuelle

etdesafilièredesoinintégrée,dumédecin à l’hôpital. La Francecumule donc des hôpitauxpublics de classe mondiale et lepremier réseau de cliniques pri-véesd’Europe.

Aubord de l’indigestionMais cet équilibre étonnant

est aussi particulièrement fragi-le. Il est lourd, déficitaire et noncoopératif. Avec ses 95000 per-sonnes réparties dans 37 établis-sements, l’AP-HP est une institu-tion vénérable au bord de l’indi-gestion. Créée en 1849 pourrecueillir les indigents de Paris,elle est comme l’Hôtel-Dieu, sonplus ancien hôpital, un monu-ment perpétuellement menacépar sa bureaucratie et ses querel-les intestines. Premieremployeur et recruteur de l’Ile-de-France, elle peine à se réfor-mer. Il en est de même de seshomologuesdeprovince,pris entenailleentrecontraintesmédica-les et impératifsdegestion.

L’équationfinancièreest aussiune menace. L’hôpital, qu’il soitpublicouprivé,absorbeàluiseullamoitié des dépenses de l’assu-rance-maladie et, en dépit desplans d’économies qui s’enchaî-

nent, le secteur reste largementdéficitaire.

L’Etatserredonclavis. Il impo-se chaque année de nouvellescoupes et une réduction conti-nuedes tarifs, alors que les coûtsaugmentent dans l’autre sens,avec la complexité desmaladieset le vieillissement de la popula-tion. Une arme financière égale-ment utilisée pour réguler laconcurrence entre privé etpublic. Et éviter que le public nepâtissetropdesamoindreeffica-cité.Mais,comptetenudelacriseactuelle, et en l’absence de toutecroissance forte, le systèmemal-thusien actuel ne pourra jamaiséquilibrer ses finances.

La solution est probablementdans une meilleure coopérationentrelesacteurs.Maislesopposi-tions sont tenaces, comme entrel’enseignement privé et l’écolepublique.Des affrontementsquiplongent dans l’histoire. Pour-tant, si l’onveutgagner lepari dela médecine prédictive dedemain, et sauver l’exceptionhospitalière française, il faudraréunirtoutlemondeautourd’unmêmeobjectif,partagé,pourunefois, par la totalitédes Français.p

LIRE PAGES6-7

Quanddes parentsde salariés s’invitentdans l’entrepriseDejeunesAméricains invitentleursparentsà semêlerde leurvieaubureauetbouleversentlescodesdu travail.DesgroupescommeGoogledécidentdeséduire«mom»et«dad».LIREPAGE10

L’innovation va-t-ellepouvoir relancer l’emploiindustriel?Sur fondd’annoncesrégulièresdesuppressionsdepostes,unemyriadedenouvellesdisciplinesapparaît.Cesontautantdenichesporteusespour les jeunesdiplômésdans le secteurindustriel.LIREPAGES8-9

J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,33%

J PÉTROLE 108,47 $ LE BARIL

PERSPECTIVE | par Philippe Escande

Fragileexceptionhospitalière française

Fiscalitédesentreprises: l’exécutifrecule faceà lagrognepatronale

k EURO-DOLLAR 1,3557

Leministredel’économieetdesfinan-ces, Pierre Moscovici, a annoncé,dimanche6octobre,quelegouverne-ment renonçait à la contribution sur

l’excédentbrut d’exploitation (EBE) inscritedans le projet de loi de finances pour 2014.Pasplusqu’ilne chercheraàmodifier cedis-positif, comme il l’avait laissé entendre cesderniersjours,enlefaisantportersur l’excé-dent net d’exploitation (ENE). «Il n’y aurapasdans leprojetde loide financespour2014cettetaxesur l’EBE-ENE,ellen’aurapas lieu»,

a déclaré M.Moscovici lors du «Grand juryRTL-Le Figaro-LCI», précisant qu’elle seraitremplacée par «une surtaxe temporaire surl’impôt sur les sociétés».

Ce revirement constitue un véritablerecul pour le gouvernement. Il avait instau-ré cette taxe faute d’être parvenu à unaccordglobalaveclesorganisationspatrona-les sur la fiscalité des entreprises. L’objectifurgent, pour lui, était de récupérer 2mil-liards d’euros pour assurer l’équilibre deson budget.Moyennant quoi, il s’est heurté

àunelevéedeboucliersdelapartdesorgani-sationspatronales,tandisquelamesurepro-poséesoulevaitdenombreusescritiquesjus-quedanssapropremajorité.Soucieuxdenepas voir se reproduire l’épisode des«pigeons», qui avait empoisonné le précé-dent budget, le gouvernement a fait rapide-mentmachinearrière. Ilpromet la tenue,auprintemps 2014, d’assises de la fiscalité desentreprises. Le Medef a accueilli positive-ment ce recul.p

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MANAGEMENT

SPÉCIAL INDUSTRIE

j DOW JONES 15072PTS +0,51%

Vol d’essai d’unA350XWBd’Airbus, le 14 juin, à Toulouse.

CHEN CHENG/XINHUA PRESS/CORBIS

tLegouvernement abandonne sonprojet, très contesté, de taxer l’excédent d’exploitation

France Royaume-Uni

IrlandeAllemagne

Taux normal de taxation des profits

33,3%27,5

23 12,5

AIRBUSÉCORNELE MONOPOLEDE BOEINGAU JAPON

t JapanAirlinescommande 56avionslong-courriersA350,pour9,5milliardsdedollars

t Airbusn’avait encorejamais réussi unepercéeimportante auprèsdes compagniesaériennes japonaises,jusque-là chasse gardéede l’américain BoeingLIREPAGE3

OFFRESD’EMPLOICHAQUE LUNDIPAGES 12 ET 13

Mardi 8octobre 2013

Cahier du «Monde »N˚ 21374 datéMardi 8 octobre2013 - Ne peut être vendu séparément

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L’improbablerencontredescréateursdela«banqueaucafé»HuguesLeBret, l’ex-banquierde laSociétégénérale,publie«NoBank»,récitdesonparcoursavecRyadBoulanouar,petitgéniede la technologie

Vous avez aimé Intouchables?Vous adorerez NoBank, « l’his-toire d’un fils d’immigré quisauve un ex-PDG de banquepour lancerunebanque révolu-

tionnaire» ! Pour la «promo»dunouveaulivre d’Hugues Le Bret – cet ancien prési-dentdeBoursorama, labanqueen lignedela Société générale, forcé à la démissionpour avoir publié son journal de bord del’affaireKerviel,LaSemaineoù JérômeKer-viel a failli faire sauter le système financiermondial (2010) –, les éditions Les Arènesn’ontpasmis longtempsàtrouver leurslo-gan.

Le livre, qui sort jeudi 10octobre, réunittouslesingrédientsducontedeféesmoder-ne. Primo, une situation de départ noire :un banquier déchu de son piédestal pouravoir enfreint la règle du silence, lâchépartous (oupresque…)et sansavenir.

Secundo, un élément perturbateur quivamodifier le coursdesonexistence: l’im-probablerencontreavecunjeuneentrepre-neur de banlieue, Ryad Boulanouar, ingé-nieuren informatiquetalentueuxetméri-tant, l’un des meilleurs de sa génération,quival’embarquerdansunefolleaventurede banque sans banquiers ni guichets,implantée chez les buralistes et ouverte àtoussansconditionsde revenus.

Enfin, tertio, la résolutionduproblème:lamisesurlesrails,àforcedepersévérance,de ce projet totalement fou. Le tout servipar un récit cadencé et sincère, entremê-lant deuxhistoires personnelles très diffé-rentes,quipourraitbienenfaireunjolisuc-cès de librairie…Le premier livre d’HuguesLeBrets’estvenduà55000exemplairesenFrance et en Allemagne, et est distribué enChine depuis l’été. Il vient d’être édité enpoche,uneconsécration…

Une rencontre improbable autour d’unprojet fou? RyadBoulanouar, yeuxplisséstout en sourires et barbe de trois jours,40ans en novembremalgré une allure degaminen jeanet baskets, en rigole encore:«Pour notre première rencontre, Huguesm’a invité auMurat, dans le 16e. Çam’a faitdrôle. La deuxième fois, j’ai proposé le Caféde Flore, déjà un peu plus au centre deParis… – Parce que, m’as-tu dit, c’est à unquart d’heure de Mobylette d’Alfortville!»,l’interromptHuguesLeBret,dedixanspilesonaîné,maisvisiblementtrèscompliceetravidejouerlecontrastebanlieueest-ban-lieueouest.

Avantd’ajouter:«Commeonnefréquen-te pas lesmêmes gens et qu’on ne part pasen vacances auxmêmes endroits, on ne seseraitjamaiscroiséssi lehasardnes’enétaitpas mêlé. – On s’est tout de suite compris,

poursuit l’ancien banquier de la Générale,on a parlé plus de deuxheures du projet deRyad, de ce “compte-nickel” qui s’ouvriraiten 5 minutes au café comme on achète unpaquet de chewing-gum, donnerait droit àune carte de retrait sansdécouvertni créditetseraittrèspeucoûteux.Jel’aidémontépiè-ce par pièce avec ma connaissance desmodèles bancaires et des technologies decommunication.Iln’yavaitaucunefaille!»

Le hasard se nomme Pierre de Per-thuis, ancien d’Havas et d’EuroRSCG,quicroiseunjourRyadBoula-nouar dans leur banque commune,

HSBC,enquêted’unbanquierpourconcré-tiser son idée de «banque au café ».M.dePerthuis lui recommandeM.Le Bret,qui, avant d’êtrePDGdeBoursorama, étaitdirecteur de la communication de la«Générale», et avant encore, l’un despiliers de Publicis et d’Euro RSCG. Il le saitenquêted’unsecondsouffle,aprèssamiseà l’écart. «Essaie, ça peutmarcher», dit-il àRyad.

Nous sommes en février2011, quatremoisaprès laparutiondu livre sur l’affaireKerviel, et c’estpeudireque la sollicitationtombeàpointnommépour l’ex-banquier.Fier d’avoir bravé la sommation qui luiavaitété faitepar leprésidentde laGénéra-le (Frédéric Oudéa, nommé PDG après ladécouverte de la fraude et le départ deDaniel Bouton) de renoncer à la publica-tion de son récit, pour ne pas livrer desecrets d’entreprise, le «quadra» en restecependant groggy. Il a créé une société deconseil qui vivote. Les grandspatronsqu’ilcontacte lui servent le même discoursgêné: «Tu comprends, je ne peux pas faireça, Frédéric est un copain…» Il doit rebon-

dir. Le projet de Ryad Boulanouar tombepile. «C’est l’ange sur le pont qui apparaîtauhérosde“Lavieestbelle”, le filmdeFrankCapra…», glisseM.LeBret.

«Oui, la vie est espiègle, quandmême»,renchéritsonnouveaucompagnonderou-te, avec, à l’esprit, le souvenir de ses pro-pres tours et détours. L’histoire deM.Bou-lanouar commence en 1973, dans unefamillealgériennetout justedébarquéeenFrance. Son père, journaliste, fervent sou-tien du FLN, a fui le pays après le coupd’Etat de Boumediene du 19juin 1965, quil’a laissésansillusionsniavenir.EnFrance,il devient maraîcher et s’épuise à fairevivresa famille. Samortprématuréelaissele jeune Ryad face à un abîme. Qu’il sur-monte grâce à sa mère… et à sa passionpourl’électronique,seulecapabledeluifai-reoublierlespetitsactesdediscriminationquotidienne.

«Lepetit basanéd’Alfortville», commeilsenomme,sortmajordel’universitédeCré-teil,major encore de l’Institut national dessciences appliquées. «A 10 ans, je fabri-quais des décodeurs Canal+ pour mescopains, à 15, je copiais les cartes téléphoni-quesdeFranceTélécom…»

Suiventdes annéesdifficilesoù il est«lebeur qui ne trouve pas de boulot», jusqu’àce que la SNCF lui donne, enfin, sa chance:«Ilsm’ont dit que j’étais surqualifié pour leposte. Je leur ai répondu: “OK, exploitez-moi!”» Son ascension est rapide: il passede lamaintenance à la réalisation du PassNavigo. Puis, débauché par une société deservicesen informatique, il conçoit la carteMonéo, avant de créer, à 30 ans sa société.Le transfertd’argentMoneypass, c’est lui.

En quelques années, il devient million-naire. Mais un millionnaire qui roule enTwingo, porte des baskets et cherche sanscesse de nouveaux territoires à explorer.Jusqu’à créer sa banque, «une banque quinecréepas l’exclusionmaislarésoutet luttecontre les carcans sociaux et réglementai-res».L’obtentiondel’agrémentparl’autori-tédetutellebancaire–4000pagesdedocu-mentation sur le projet ! – est l’une de sesplusgrandesvictoires.

Aujourd’hui, les deux associés n’ontqu’une idée en tête:meneràbien leurpro-jetde«banqueduXXIesiècle». Ilsenrêventla nuit : le démarrage des tests est pournovembre, et le lancement à grande échel-le, janvier2014. Ils ont investi toutes leurséconomiesdans leurstart-upde87salariés(La Financière des paiements électroni-ques). «Mais déjà nous sommes des hom-meslibresetheureuxdenefairequecequiadusenspournous», relèvent-ils.p

AnneMichel

«ON A PARLÉPLUS DE DEUXHEURES DUPROJET DERYAD. JE L’AIDÉMONTÉAVEC MA

CONNAISSANCEDES MODÈLESBANCAIRES.IL N’Y AVAITAUCUNEFAILLE ! »

Hugues Le Bret

plein cadre

L’AGENDAMARDI 8 OCTOBREFondsmonétaire internationalPublicationàWash-ingtondes«Prévisionsde l’économiemondiale» duFMIet, le 9, du«Rapport sur la stabilité financière»danslemondeet du rapportde «Surveillancebudgétaire».Emploi 5e Forumpour l’emploi des jeunesde Seine-Saint-Denis, au Stadede France.https ://www.facebook.com/direccteFrancePrésentationduprojet de «Rapport annuel surl’état de la France en 2013»duConseil économique,social et environnemental.www.lecese.frPatronatRéunionMedef-CGPMEà Lyonpour discuterdesdifficultésdes entrepreneurs.www.medeflyonrhone.frRenault Inaugurationofficielle à Tanger de la deuxiè-me chaînedeproductionde l’usine géante.RésultatsVilmorin (annuels).

MERCREDI 9 OCTOBRESocialColloque «Handicaps: enjeuxéconomiquesetsociétaux, apport de la recherche», auministèredesaffaires sociales et de la santé, à Paris (et 10).https ://sites.google.com/site/colloquehandicapsCasino Le présidentdugroupededistribution, Jean-CharlesNaouri, prend la tête du conseil d’administra-tionde la filiale brésiliennePaodeAçucar (CBD-GPA).Commerce Sephora ferme sonmagasindes Champs-Elysées à 21heures.

JEUDI 10 OCTOBREIndicateur économiquePublicationde l’indicede la production industrielle (août) de l’Insee.FormationRéunionpatronat-syndicats sur la réformede la formationprofessionnelle.HistoireRendez-vousde l’histoiredeBloissur le thèmede «LaGuerre» (jusqu’au 13).RésultatsCegid (troisième trimestre).Entrepreneuriat Journées régionalesde la création etde la reprised’entreprise, à Rennes (et 11).www.jrce.orgInnovation Journées FrenchClustersDays, organiséespar FranceClusters, à Lille (Nord), au conseil régional(et 11).www.french-clusters-days.com

VENDREDI 11 OCTOBREFMI-BanquemondialeAssembléesannuelles duFondsmonétaire international (FMI) et de la Banquemondiale àWashington (jusqu’au 13).Banquede FrancePublicationdes chiffres de la balan-cedes paiements (août).RoyalMail Première cotationà la Boursede Londresdugroupebritanniquede servicespostaux.Commerce Libéralisationdans l’Union européennedela taille des emballages de sucreblanc.

SAMEDI 12 OCTOBRESuezOpération sur 40sitespourprésenter lesmétierset les emploisproposés par le groupe, qui prévoit l’em-bauchede 8000jeunes d’ici à 2015.Textile Lamarqued’habillementaméricaineFore-ver21 ouvre sonpremiermagasinparisien ruedeRivoli,après sa première implantationen France début 2012.Philatélie Fête du timbre dans 106villes de France(et dimanche13).www.ffap.netAfrique«Afrique,matières premières et développe-ment», forumorganisé à l’Institut de rechercheet d’étu-des africaines (IREA), à Paris.

LUNDI 14 OCTOBREUnioneuropéenneChiffres de la production indus-trielle en août dans la zone. A Luxembourg, réuniondesministresdes finances de la zone euro.AfriqueAnnonce à Londres du lauréat duprixMo Ibra-him, qui récompensed’anciensdirigeants africainspour leur «leadershipd’excellence».PrixAnnoncedu PrixNobel d’économieà Stockholm.AlitaliaAssemblée généraledes actionnaires sollicitéspour approuverune augmentationde capital d’aumoins 100millionsd’euros.EmploiOpération«1 semainepour 1 emploi», par PôleemploiRhône-Alpes: 80manifestations, 2000recru-teurs, 10000postes à pourvoir (jusqu’au 18).www.1semainepour1emploi.fr

1963Naissance d’Hugues LeBret àNeuilly-sur-Seine.1999Directeur de la communication delaSociété générale,membre du comitéexécutif.2008 La Société générale annonce uneperte de4,9milliards d’euros imputée autrader JérômeKerviel.2010NomméPDGdeBoursorama enjanvier, il démissionne enoctobre pourpublier librement son premier livreconsacré à l’affaire Kerviel.

1973Naissance deRyadBoulanouarà Lyon.1996Chef de projet du passeNavigo.2012Crée la Financière des paiementsavecHugues LeBret et trois associés.

Hugues Le Bret et RyadBoulanouar, le 3 octobre. GUIA BESANA/pour «LE MONDE»

RENDEZ-VOUSAssembléesgénéralesduFMIetdelaBanquemondialeDU 11 AU 13 OCTOBRE, À WASHINGTON

S i elles devaient durer, la bataille entre républicains etdémocratesausujetdubudget fédéralaméricain,à l’origi-ne de la mise au chômage technique de quelque

900000fonctionnaires, et celle qui se profile à propos du pla-fondde la dette, risquent de peser sur les assemblées généralesduFondsmonétaireinternational(FMI)etdelaBanquemondia-le.«Laparalysiebudgétaireestdéjàasseznéfastemaisl’incapaci-té de relever le plafond de la dette serait pire encore, et pourraitnonseulementgravementendommagerlesEtats-Unis,maiséga-lement l’ensemble de l’économie mondiale», a prévenu, jeudi3octobre, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde. Plu-sieurs milliers de personnes – banquiers centraux venus de188pays, ministres des finances et du développement, chefsd’entreprise, experts, etc. – y sont attendus pour échanger surl’état de l’économieet de la finance et sur la lutte contre la pau-vreté. L’économiste en chef duFMI, OlivierBlanchard, doit pré-senter, mardi 8octobre, le traditionnel rapport annuel sur lesPerspectivesdel’économiemondiale.UnG20financesestégale-mentprévu jeudi10 et vendredi 11octobre.p ClaireGuélaud

2 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 25: Le Monde - 8 Octobre 2013

économie&entreprise

Emploiprésente

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Q ui d’autre ? », pourraitdemander George Clooney,indéfectible soutien de Nes-

presso. Cette fois, c’est le grouped’agroalimentaireaméricainMon-delez (ex-Kraft) qui vient à sontour défier le géant suisse Nestlé,sur un de sesmarchés de prédilec-tion: la capsule de caféNespresso.

Des capsules compatibles Nes-presso, à la marque Carte Noire,vont faire leur apparition dès cemois-ci dans les rayons de la gran-dedistribution,enFrance,enEspa-gne et en Autriche. L’entrepriseaméricaine veut aussi porter l’of-fensiveenAllemagne,avecsamar-que Jacobs, et en Hollande, avecVeloursNoir.

EnFrance, lesdosettesCarteNoi-re compatibles Nespresso, décli-nées en quatre «parfums», dun˚3aun˚9, seront commercialiséesauprix de 3,3 euros les dix, légère-ment moins cher que Nespresso.Lespremièressortentdéjàde l’usi-ne Mondelez de Lavérune(Hérault).Selonlessyndicats, l’ins-tallation de cette nouvelle lignedevrait s’accompagner d’unesoixantaine d’embauches d’ici à2014, ce qui porterait les effectifsdu site à 130 personnes. Un soula-gement pour les salariés quiconstataient une érosion des ven-tes de paquets de café.

Mondelez,quirevendique,avec20% des parts, la place de leadereuropéen du café vendu dans lesgrandes enseignes, compte sur laforce de ses marques pour titillerNestlé. En France, Carte Noire areprésenté un chiffre d’affaires de465millions d’euros en 2012.L’américain est déjà présent sur lemarché du café en dosettes avecson système Tassimo.Mais il sou-haite étendre son activité sur cesegment très dynamique.

Selon le cabinet d’études Euro-monitor, le marché du café endosettesa doublé enquatreans enEurope, pour atteindre 4milliardsd’euros en 2012. Il pèse désormaisprèsd’unquartdumarchédu caféeuropéen. Euromonitor estimeque la dynamique va se poursui-

vre avec un objectif de vente de6,1milliardsd’euros en 2017.

Sur cemarché, Nespresso a uneplaceàpart.Nestlés’est inspirédescodes du luxe pour transformerune boisson fonctionnelle en unproduit sélectif. Résultat : la mar-queauxmarges juteusespesait en2012 près de 4milliards de francssuisses (3,2milliardsd’euros).

Le succès de la pépite de Nestlén’a pas échappé aux concurrents.Les « coucous» désireux de senicherdans lesmachinesNespres-so ont commencé à apparaître en2010. La société Ethical CoffeeCompany (ECC), fondée par unancien patron de Nespresso, Jean-PaulGaillard,et legéantaméricainSaraLee, reprisdepuisparDEMas-

ters Blenders (DEMB), sont sortisduboisquasisimultanément.L’af-faire fit grandbruit.

Moins disert sur les chiffresDepuis, ces dosettes compati-

bles, venduesde 10%à20%moinscher que Nespresso, ont trouvéleur place dans les linéaires de ladistribution. DEMB estime avoirécoulé en France 800millions decapsules l’Or Espresso, depuis sonlancement en avril2010. Et 1,5mil-liard en tenant compte des sixautres pays de commercialisation.Toutessontproduitesdanssonusi-ne Maison du café d’Andrézieux-Bouthéon (Loire).

Le suisse ECC, associé à l’origineà Casino et dont l’usine est instal-

léeàVille-la-Grand(Haute-Savoie),s’est heurté, pour sa part, à lacontre-offensivedeNestlé.Lespor-tes du marché suisse lui sont tou-joursfermées.Lestribunauxhelvè-tes ont donné raison à Nestlé, quirevendique un droit de propriété

sur la formede la capsule. De plus,M.Gaillardaffirmequel’opérationde Nestlé «dents de la mer», pourmodifier le «harpon» chargé depercerlefonddelacapsuledanslesmachines Nespresso Pixie, levisait. Il est vrai qu’ECC, contraire-

ment aux autres concurrents, achoisiunmodèledecapsuleleplusproche,danssaconception,del’ori-ginal. Pour rendre à nouveau sadosettecompatible,ECCaainsiper-du de précieux mois. L’entreprisequi a, entre autres investisseurs, lefonds 21 Centrale Partners, lafamille Benetton et Unigrains,aimeraitbien trouverunacheteur.

ECCn’estpaslaseulePMEpartieàl’assautdeNespresso.Méo, lepre-miertorréfacteurfrançaisindépen-dant (140millions d’euros de chif-fre d’affaires), qui a fusionné avecsonalteregolilloisFichaux,ainves-ti4millionsd’eurosdanssonusinepourproduiredescapsulescompa-tibles. Elles arrivent en cemomentdanslesrayonssousmarquedistri-buteur chez Intermarché et Carre-four.

Face à cette offensive,Nestlé estde moins en moins disert sur leschiffres. Il a évoquéunecroissance«à deux chiffres» de Nespresso en2012,puisplusrien. Legéantsuissecontinue à cultiver les ingrédientsqui ont fait le succès de samarqueavec le lancement de nouveauxcrusde café etdenouvellesmachi-nes. Il étend son réseau de bouti-ques (à Tokyo, à Los Angeles…). Etboude toujours les linéaires desupermarché, Internet étant sonpremier canal de distribution. Auprintemps 2013, il a lancé laconstruction d’une troisième usi-neNespressoenSuisse.Uninvestis-sement de 300millions de francssuisses. La belle mécaniqueva-t-elle résister à la pression desconcurrents? p

LaurenceGirard

L’usine d’Avenches deNespresso, dans le canton deVaud, en Suisse. DENIS BALIBOUSE/REUTERS

LaguerredesdosettessecorsepourNespressoLegéantaméricainMondelezarrivecemois-cidans lessupermarchésavecsescapsulesà lamarqueCarteNoire

U necommandehistorique!»La direction d’Airbus n’apasboudésonplaisir, lundi

7octobre, en annonçant la vente àla compagnie aérienne nipponeJapan Airlines (JAL) de cinquante-sixA350,sontoutderniergros-por-teur long courrier,

Il fautdirequecettecommande,d’unmontant–prixcatalogue–deplus de 9,5milliards de dollars(7milliards d’euros), constitue unsacré coup pour le constructeureuropéen.Depuis la findelasecon-de guerre mondiale, l’Archipel estune chasse gardée des américains.Avec cette commande de 56A350,dont 31 fermes, «c’est plus qu’uncailloudanslachaussuredeBoeing,ironise l’avionneureuropéen.C’estun très très gros succès, car le JaponétaitunmonopoledeBoeing».

Jusqu’à cette commande,l’avionneur n’avait jamais réussivraiment à percer au Japon sur lesecteurdesappareils long-courrier– à l’exception de quelques raresgros-porteurs utilisés pour le fret.Au Japon, Airbus est encore unnain comparé à son rival améri-cain. L’avionneur européen n’ydétient que 10% de parts de mar-ché.

Depuis près de trois ans, Airbusa commencé à desserrer l’étau deBoeing. Notamment en vendantune centaine d’appareils auprèsdepetites compagnies japonaises.

Mais, jusqu’à présent, la Japan

Airlines et All Nippon Airways(ANA)résistaientàsesavances.Lesdeux compagnies refusent tou-jours d’acquérir des A380. Toute-fois Skymark Airlines, un petittransporteur local, en a comman-déquatre auprèsd’Airbus.

Pour arracher la signature de laJAL, le PDG d’Airbus, Fabrice Bré-gier amouillé la chemise.«Il aprisenmainlanégociation», commen-te-t-on chez l’avionneur, se ren-dant à quatre reprises au Japondepuis le début de l’année. In fine,cette commande «est un succèspersonnelde FabriceBrégier», pré-cise-t-on chezAirbus.

Stratégie confortéeAvec cette percée japonaise,

l’A350 confirme qu’il s’imposecommeunnouveau «best-seller»d’Airbus, après l’A320.Alors que lelong-courrier n’a été lancé indus-triellement qu’en 2006, Airbussignale qu’il a déjà dépassé les 750commandes fermes.

Pour enlever cette commande,le patron du constructeur euro-péen aurait aussi profité desennuisàrépétitiondu787Dreamli-nerdeBoeing.A la suite deproblè-mes électriques récurrents, ayantnotamment provoqué des incen-dies à bord, le nouveau long-cour-rier de Boeing a été immobilisé ausol pendant plus de trois moisdébut 2013.

Depuis, l’avioncontinued’accu-

muler les déboires de tous ordres.«Cela a dû écorner la confianceabsolue»quelescompagniesjapo-naisespouvaientplacerenBoeing,fait-on savoir de bonne source.Compagnies de lancement duDreamliner,la JALetANAontdûsepasser de leurs 787 pendant plu-sieursmois.

LamauvaisepassedeBoeing«aaussi dû faire prendre conscienceàla JAL qu’une compagnie aériennede cette importance pouvait avoirdes fournisseurs différents».

La commande annoncée, lundi,valide un peu plus la stratégied’Airbus en Asie. L’avionneur, quia installé une usine d’assemblagedanslagrandebanlieuedePékin,aengrangé de fortes commandesauprès, notamment, de compa-gnies chinoises et vietnamiennes.

Depuis début 2013, Airbus a lesourire. «Les résultats seront trèssupérieurs aux estimations dudébut de l’année», assure le grou-pe. L’avionneur, devancé parBoeing en 2012, domine cetteannée son rival. Airbus a pris plusde 1000commandes depuis jan-vier. Boeingn’en compteque 800.

Et ce n’est pas terminé. Selonnos informations, Airbus est endiscussions avec les deux compa-gnies régulières japonaises la JALet ANA pour leur vendre tous lestypes d’appareil. Et notammentunenouvelle fournéed’A350.p

GuyDutheil

AirbusvenddesA350àJapanAirlinesetécornelemonopoledeBoeingauJaponLeconstructeureuropéen,quinedétientque 10%dumarchénippon,aconcluunecommandede56avions,pour9,5milliardsdedollars

30123Mardi 8 octobre 2013

Page 26: Le Monde - 8 Octobre 2013

M arche arrière toute. Leministredel’économieetdes finances, Pierre Mos-

covici,aannoncé,dimanche6octo-bre au «Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI», l’abandonde la contributionsur l’excédent brut d’exploitation(EBE) inscrite dans le projet de loide finances (PLF) pour 2014, pré-senté le 25septembre. Onze joursqui ébranlèrent le gouvernement.

«Il n’y aurapas dans le projet deloidefinances2014cettetaxesurl’E-BE-ENE,ellen’aurapaslieu»,adécla-ré M.Moscovici lors de cette émis-sionradiotélévisée,précisantqu’el-le serait remplacée par «une sur-taxe temporaire sur l’impôt sur lessociétés». Un véritable revirementalorsque, jeudi3octobre, encore, legouvernement laissait entendrequ’il s’apprêtait à modifier lui-même, par voie d’amendement, ledispositif qu’il avait inscrit dans lePLFenlefaisantporternonplussurl’excédentbrutmaissur l’excédentnetd’exploitation (ENE).

L’affaire, il est vrai, était malemmanchée. Tout commence lorsde l’université d’été duMedef, finaoût, à Jouy-en-Josas (Yvelines). Leministre de l’économie, invitéd’honneur pour un débat sous legrand chapiteau avec le présidentduMedef, Pierre Gattaz, multiplieles avances en direction du patro-nat. Il promet que les impôts pourles entreprises n’augmenteront

pas «dès le projet de loi de financespour 2014» et que, sur la suite duquinquennat,«le niveau des prélè-vementsobligatoiresquipèsentsurlesentreprisesvabaisser».Leminis-tre veutouvrirune réflexionsur la«modernisation»delafiscalitédesentreprises.Banco,répondleprési-dent duMedef, qui se dit prêt à serendre à Bercy dès le lundi matinsuivant pour engager la négocia-tion. «J’apporterai les croissants»,lanceM.Gattaz.

Aplusieursreprises,M.Moscovi-ci et leministre délégué chargé dubudget, Bernard Cazeneuve, reçoi-vent les représentants patronauxduMedef,delaCGPMEetdel’Asso-ciation française des entreprisesprivées (AFEP), qui regroupe lesgrands groupes exerçant en Fran-ce. Euxplaidentpourune remise àplat de la fiscalité des entreprises,incluantsesdifférentescomposan-tes. Le gouvernementaquant-à luiun objectif de rendement à courtterme.Il luifauttrouver2milliardsd’euros pour assurer l’équilibre deson budget et il réclame un effort

de la part des entreprises. Il faitvaloirquecelles-cinesontpasmal-traitées, bénéficiant à la fois ducumul des crédits d’impôt recher-che (CIR) et compétitivité emploi(CICE) ainsi que de la compensa-tion intégrale de l’augmentationdes cotisations retraite.

Faute d’accord, le gouverne-ment décide de prendre l’initiati-ve. Dans un premier temps, ilannonce la création d’un impôtassis sur l’excédent brut d’exploi-tation des entreprises (EBE), d’untauxde1%pourlesentreprisesréa-lisant un chiffre d’affaires supé-rieurà50millionsd’eurosetlasup-pression concomitante de l’impo-sition forfaitaire annuelle (IFA). Leproduitde la taxesur l’EBEestesti-méà2,5milliardsd’eurosquandl’I-FA en rapportait 500millions.

Le gouvernement renonce, enrevanche, à supprimer, comme ill’avaituntempsenvisagé,lacontri-bution sociale de solidarité dessociétés (C3S), d’un rendementplus élevé. «Nous jetons les basesd’une réforme sur l’imposition desentreprises pour que celle-ci pèsemoins sur les facteurs de produc-tionetprennedavantageencomp-te la situation des entreprises», seféliciteM.Moscovici.

Immédiatement, le patronatpart en campagne contre cettenouvelle taxe. Selon M.Gattazavec la taxe sur l’EBE, «on va taxer

unenouvelle fois lesgensqui inves-tissent». Du côté de l’AFEP, on sedit «atterré». «Cette taxe a à peuprès tous les inconvénients possi-bles, assure au Monde son direc-teur général, François Soulma-gnon. Il aurait fallu aller jusqu’aubout. On a voulu mélanger deuxexercices incompatibles : allégerun impôt de production et cher-cher 2,5milliards. On ne comprendpas l’objectif économique qu’il y aderrière. C’est en germe un impôtextrêmementdangereux.»

Les représentantspatronaux sedisentprêts, toutefois,à reprendrelangue avec le gouvernementpour«éviterlepire».«Passerde l’E-BEà l’ENE,ceseraitdéjàunprogrès,

défend M.Soulmagnon. L’ENE estmoins concentré sur certainesentreprises. Une deuxième solu-tion consiste à augmenter le tauxde surtaxe de l’impôt sur les socié-tés pour les entreprises qui réali-sentplus de 250millionsd’eurosdechiffre d’affaires. C’est beaucoupmoinsdistorsif. Si onavait le choix,onpréférerait celle-là.»

Plus surprenant, la nouvelletaxe sur l’EBE ne trouve guère departisans chez les parlementairessocialistes, qui la jugent très malcalibrée.Mardi 1eroctobre,M.Caze-neuve amorce un mouvement derepli. «J’entends les remarques surle fait qu’un impôt sur l’excédentbrutd’exploitationpourraitpénali-

ser l’investissement, concède-t-il.Nous sommes tout à fait désireuxdeprocéderàdesajustementstech-niques qui permettraient de faireen sorte que cet impôt nouveau nepénalisepas l’investissement.»

En fait d’«ajustement techni-que», ce sera un pur et simpleabandon au profit d’une surtaxe«exceptionnelle». «La politique,c’est aussi de la psychologie», aadmis M.Moscovici dimanche,qui avait encore reçu, jeudi, lesreprésentants patronaux. LeMedef a pris acte de ce recul. Ilattenddésormaisla tenuedesassi-ses de la fiscalité des entreprises,prévuespour le printemps2014.p

PatrickRoger

économie& entreprise

L ’ambition américaine deconclure, d’ici à la fin de l’an-née,lePartenariattranspacifi-

que (Trans Pacific Partnership, ouTPP), cet accord de libre-échangeentre douze pays représentant40%duproduitintérieurbrut(PIB)mondial, apparaît aujourd’hui deplusenplus sujetteà caution.

L’absence, lundi 7octobre, pourcause de paralysie budgétaire auxEtats-Unis,duprésidentaméricain,Barack Obama, au sommet duForum de coopération de l’Asie-Pacifique (APEC) à Bali (Indonésie),puis à celui de l’Asean (Associationdesnationsd’AsieduSud-Est)et del’Asie orientale à partir de mercre-di, va en effet peser sur l’avancée

des discussions. Le premierminis-tremalaisien Najib Razak a recon-nu que l’échéance de la fin 2013était très ambitieuse. «C’est uncalendrier très serré. Notre senti-ment est que cela pourrait prendreplus longtemps», a-t-il soulignédimanche.

Le secrétaire d’Etat, John Kerry,a néanmoins assuré, dimanche,que«riendecequisepasseàWash-ington ne diminue d’un iota notreengagement auprès de nos parte-naires en Asie et notamment nosefforts pour promouvoir le com-merce et les investissements dansla région.»

M.Kerry et le représentantamé-ricain au commerce, Michael Fro-

man ont insisté sur le fait que lesministres des différents pays res-tent déterminés à mettre en placeles bases de ce pacte transatlanti-que,que lesEtats-Unisont lancéen2004 et que M.Obama a présentécommel’undesélémentsdesastra-tégiede repositionnementenAsie.

Première esquisse d’accordLes sherpasdes douze pays

impliqués dans ce pacte commer-cial(Japon,Australie,Brunei,Cana-da, Chili, Malaisie, Mexique, Nou-velle-Zélande, Pérou, Singapour,Etats-Unis,Vietnam)neménagentpas leurs efforts depuis six jourspour aboutir à une premièreesquissed’accord.

Il s’agit pour ces douze nationsde libérer entre elles le commercedebiensetde servicesetdemettresurpiedsunaccorddelibre-échan-ge encore plus vaste qui incluraitles 21 pays du Forum de coopéra-tion de l’Asie-Pacifique, dont laChine,devenueunesuperpuissan-ce commerciale, estmembre.

Ces deux projets d’accord delibre-échange ne sont pas seule-ment importants parce qu’ils tou-chent potentiellement la moitiédu commerce mondial. Ils le sontaussi sur le plan qualitatif : ilsconcernent aussi bien les tarifsdouaniers qu’un certain nombrede règles relatives, entre autres, àl’investissement, à la protection

de la propriété intellectuelle ouencore à la place des entreprisesd’Etat dans les pays émergents.

Surfonddeblocagedesnégocia-tions multilatérales ouvertes parl’Organisation mondiale du com-merce(OMC), il yadouzeans,dansle cadre du cycle de développe-mentdeDoha,lepaysagecommer-cial mondial s’est profondémenttransformé ces dernières années,fait valoir Sébastien Jean, le direc-teur duCEPII, un centre de recher-che et d’expertise en économieinternationale.

«Ilyaeuunemultiplicationiné-dite d’accords régionaux en 2012.249sontenvigueurselonlesderniè-res données de l’OMC et même 575

encomptant lesaccordsdebiens etde services. L’année 2013 a vu denouveauxchangementsavecquel-quesmega-dealsengestation,qu’ils’agisseduPartenariat transpacifi-que, du projet d’accord de libre-échange entre l’Asean et six autrespays d’Asie-Océanie, des négocia-tions américano-japonaises ouencoreduPartenariattransatlanti-que entre l’Europe et les Etats-Unis», relevait ce chercheur, le11septembre, lors d’un séminairesur l’économiemondiale en 2014.

Lanatureayanthorreurduvideet le processus multilatéral étantdans l’impasse, les Etats se sontmis à bouger sous la pression desentreprises qui cherchent desdéveloppements à l’international.Et c’est à partir de ce qu’ils sontprêts à faire que les projets d’ac-cord sontdésormaisnégociés.

«Dans le multilatéralisme, onest dans des logiques Top-Down eton assiste à un renversement enfaveur du Bottom-Up préconisépar les Etats-Unis et par la Chinedans les négociations sur le climat.On part désormais de ce que lesEtatsveulentfaire»,analyselepoli-tologue Zaki Laïdi, chercheur àSciences Po, qui a travaillé sur ladimensionpolitiquedelamondia-lisation.

Pour boucler leur accord delibre-échange, les douze paysimpliqués dans le TPP ont encoredu pain sur la planche: plus de 20chapitres sur 29 restent à écrire,dont, bien sûr, les plus sensibles.p

ClaireGuélaud

«Lapolitique,c’estausside

lapsychologie»PierreMoscovici

ministre de l’économie

L’exécutifenvisaged’alourdirl’impôtsurlessociétésFaceà lagrognedespatrons, legouvernementaabandonnésonprojetdetaxesur l’excédentd’exploitation

Bernard Cazeneuve,ministre du budget, et PierreMoscovici, ministre de l’économie, le 11septembre. AFP

L’absencedeBarackObamaretardel’accorddelibre-échangetranspacifiqueEnraisondelaparalysiebudgétaireauxEtats-Unis, leprésidentaméricainestabsentduForumdecoopérationdel’Asie-Pacifique,àBali

LaChineestplusouverteauxinitiativesaméricainesenAsiePékincorrespondance

Plusd’échanges, d’investisse-ments,maisaussid’intégrationcommercialeetde«connexions»dans les transports: laChinen’estpasvenue lesmainsvides ausom-metduForumdecoopérationéco-nomiquepour l’Asie-Pacifique(APEC),qui adébuté,dimanche6octobre, àBali (Indonésie). L’évé-nementcoïncideavec lapremièretournéeenAsieduSud-Estdupré-sidentchinoisXi Jinping,qui s’estrendu,avantBali, envisiteofficiel-le enMalaisie et en Indonésie.

L’absenceduprésident améri-cainBarackObama, retenuàWashington, renforce lamaind’uneChinequi fait tout pour semontrer bienveillante face à sespartenairesduSud-Est asiatique,après les coupsde griffe qui ontdressé contre elle plusieurs desriverainsdemerdeChineorienta-le sur les questions territoriales.

Pékinnepromet ainsi rienmoins qu’une «nouvelle route dela soiemaritime» à l’Asie duSud-Est. Il s’agit, a déclaréM.Xi lors desondiscours auParlement indo-nésien, le 3octobre, de «construi-re ensembleune communautédedestin» encoreplus «serrée»

qu’elle ne l’est aujourd’hui aveclespays de l’Associationdesnationsde l’Asie duSud-Est(Asean).

L’unedes propositionsdeM.Xiest d’approfondir la zonede libre-échangeChine-Asean, entrée envigueur en janvier2010, avec l’am-bitionde faire passer les échangesde 400milliardsde dollars(295milliards d’euros) en 2012 à…1000milliards en 2020.

Face à la pléthore d’accordsdelibre-échangeexistant dans toutela zoneAsie-Pacifique, la nécessi-té demécanismesd’intégration àplus grande échelle amis aujour-d’hui deux initiatives en concur-rencepartielle. Concurrencequireflète la bataille d’influenceàlaquelle se livrent dans la régionlaChine et les Etats-Unis.

La première est le Trans-PacificPartnership (TPP), ou PartenariatTrans-Pacifique, le traitémultila-téral de libre-échangeentrepaysriverainsduPacifiquedont lesEtats-Unis font activement la pro-motion. L’arrivéedu Japon, il y aquelquesmois en tant quedouziè-memembre, a grandement ren-forcé ce projet. La CoréeduSuddoit également le rejoindre.

La secondede ces initiatives,moins contraignanteenmatière

denormeset de propriété intellec-tuelle, est le Regional Comprehen-sive EconomicPartnership(RCEP), oupartenariat économi-que régional intégral.

Lancéeen 2011 par les pays del’Asean, elle exclut les Etats-Unis,englobe l’Inde et le Japon et estsoutenuepar Pékin commeunealternativeplus pragmatiqueetsouple auTPP. Elle opposemoinsdebarrières à l’activitédes grou-pes d’Etat chinois que le TPP, plusenclin àprotéger les droits desmultinationales.

Intégration économiqueEnChine, notent les observa-

teurs, le discours sur le TPPesttoutefois en traind’évoluer etPékin joue visiblement la carte delamagnanimité.

Interrogé juste avant sonvoya-gepar la presse d’Asiedu Sud-Estsur le sujet, le présidentXi a insis-té sur le fait que la Chineprofes-sait «une attituded’ouvertureface à quelquemécanismeque cesoit capable [de favoriser] l’inté-grationéconomique».

Dans le longdiscoursprononcéle4septembrepar le premierministre, Li Keqiang, pourprésen-ter lanouvelle politique chinoisevis-à-visde l’Asean, lors de la foire-

expositionChine-AseandeNan-ning (Région autonomeduGuan-gxi), celui-ci a précisé que la Chineétait«prête à discuterdes échan-ges et des interactions» entre leRCEPet d’autres accords-cadre.

Il anotammentcité le TPP,«afinde créer un climat ouvert,inclusif etmutuellementbénéfi-que», et «de faire fonctionnerensemble les deux rouesdu com-merce régional et global».

Cetteouverture chinoises’estaccompagnéed’unchangementde tondans lesmédiasofficielsvis-à-visduTPP, auparavantdécrié commel’avataréconomi-quede la stratégiedu«pivot»américainvers l’Asie.

Plusieursexperts chinoisontsouligné l’opportunitépour laChinede rejoindre le TPPen tantque treizièmemembre, l’encoura-geantàbénéficierde réformes«par lehaut».

Wei Jianguo, secrétaire généralduCentre chinoispour les échan-ges internationauxet ancienvice-ministredu commerce, seposeparexempleenavocatd’uneparti-cipationchinoise auxdeuxméca-nismesTPPetRCEP, afinque leurconvergencemèneà l’instaura-tion«d’unvéritable traité de libre-échangeAsie-Pacifique».

PourPékin, l’objectif affichéest, accords régionauxoupas,d’entraîner l’Asie du Sud-Estdansune intégrationéconomique,dont l’unedes piècesmaîtresses,tel que l’a exposé Li Keqiang àNanning, est une accélérationdela «connectivitémutuelle» entrela Chine et ses voisins. Sous for-me, par exemple, de réseaux rou-tiers, de cheminsde fer et de télé-communicationsque Pékinaide-ra à financer.

La Chine, sur ce terrain, estgagnanteà coup sûr : les Etats-Unis sont bien trop loinpour laconcurrencer. p

BricePedroletti

4 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 27: Le Monde - 8 Octobre 2013

économie& entreprise

Auditorium du Monde80, boulevard Auguste-BlanquiParis 13e - M°GlacièreEntrée libre dans la limitedes places disponiblesInscription obligatoire :iau-idf.frSuivez-nous sur Twitter@iauidf avec le hashtag#cartesenmain

LES CARTESEN MAINJeudi 17octobre 2013 ///////

9h 00 à 13h 00

Jacques Lévy, Romain Lacombe,Fouad Awada, Jean-Louis Fréchin,Antoine Picon, Alain Amedro,Patrick Braouezec, Bruno Marzloffdébats animés par la rédaction du Monde

La question urbaine est aujourd’huibousculée. Applications numériques, cartescollaboratives, «big data »… L’urbain peutdésormais être pensé et représenté encontinu. Chercheurs, experts et professionnelsde la carte et du numérique invitent à poserun regard renouvelé sur la conception de laville, abordant, en toile de fond, les questionsd’ordre éthique et démocratique.

en partenariat avec

Les Cahiers n° 166octobre 2013disponibles sur iau-idf.fr

en collaboration avec

NiceCorrespondance

L e week-end dernier a étéanxiogènepour le personneldu groupe Nice-Matin, qui

traverse la plus grave crise de sonhistoire. Plus d’un millier de sala-riés – près de 600 au quotidien,selon la CGT, et plus de 400 dansses deux filiales Eurosud et Publi-Nice Service (portage et distribu-tion) – s’apprêtaient, lundi 7octo-

bre, à prendre connaissance d’unplande restructuration.

Propriété à 75% de la familleHersant à travers la holdingGrou-peHersantMédia (GHM)depuis le«divorce», en juillet, entre Philip-peHersantetBernardTapie,aupa-ravant associés à parts égales, lequotidien perd entre 200000et300000 euros par mois. Le grou-peNice-Matindevraitfinir l’exerci-ce 2013 avec un déficit de plus de6millions d’euros.

C’est Dominique Bernard, lePDGdeGHM,qui devait présenterau personnel, lundi à 9h30, unplan de développement sur troisans, accompagné d’un volet socialpotentiellement douloureux. Lechiffrede200départsaétéévoquépar la directionet les syndicats.

Le 20septembre, la directionavait annoncé que trois investis-seurs potentiels avaient proposéd’injecter«5à 10millionsd’euros»dans le groupe, mais exigeaientune réorganisation «avant leurarrivée ». Wagram CorporateFinance, une banque d’affaires, aété chargée, selon une source syn-dicale, de trouver des investis-seurs.

Mais à quelques heures de ladivulgationduplandedéveloppe-

ment, lundi matin, le personnelignorait si un ou des investisseursavaient confirmé leur intérêt.Contacté par Le Monde, FrédéricTouraille, directeur général délé-gué,s’estrefuséàtoutcommentai-re.

En attendant, l’inquiétude dessyndicats est à son comble. «Noussommes dans l’obscurité, souligneGérard Pitocchi, délégué CGT deNice-Matin, qui juge « inaccepta-ble la suppression de 200 emploisdont nous a parlé la direction. Jeme demande comment on pourrafaire un journal avec 200 salariésdemoins».

Unsalariésur trois risqued’êtreconcerné.Or, selonledéléguéCGT,« seule une minorité de salariéss’approche de l’âge de la retraite,d’où le risque de licenciementssecs».

Le plan, redoute-t-il, pourraitaffecter la plupart des services: larédaction, qui regroupe 290 jour-

nalistes, comme le service techni-que, qui comprend 160ouvriers.

Un autre sujet provoque l’émoides syndicats : l’hypothèse d’unecession totale du titre – rentable –Corse-Matin à La Provence de Ber-nard Tapie. A l’heure actuelle, lequotidien insulaire est détenu àparts égales parGHMetM.Tapie.

«NotrefilialeCorsePresse,éditri-ce de Corse-Matin, serait sur lepoint d’être offerte à BernardTapie», a affirmé le syndicat SNJ,vendredi 4octobre.

M.Tapie a indiqué à l’AFP qu’ils’agissait d’une«hypothèsede tra-vail évoquée comme d’autres »avec la famille Hersant. « Il n’y ariend’arrêté», selon l’hommed’af-faires, qui rappelle que la réparti-tion des titres avec la famille Her-sant doit encore être finalisée d’icià la fin de l’année. «J’aime autantNice-Matin et Corse-Matin queLaProvence, même si j’ai une petitepréférence pour La Provence, a-t-il

précisé aux Echos. Quel que soit lepartage, jeme sentirai une respon-sabilitépour l’avenir des titres.»

«La perte de Corse-Matin, quicontinue d’apporter un ballond’oxygèneaugroupe,seraitdrama-tique, confiait dimanche soirGérard Pitocchi. Ce serait la porteouverte à un démantèlement, etsuicidaire pour le groupe Nice-Matin.»

«Nousredoutionsunecuredou-loureuse d’amaigrissement social.Sans le flux de trésorerie de CorsePresse, c’est l’anorexie qui nous estpromise à court terme», estime deson côté le SNJ.

Les syndicats avaient l’inten-tion d’obtenir, lundi, un démentide ladirectionsur cette éventuellecession du titre corse à La Proven-ce. Les salariés, eux, attendaientimpatiemment l’assemblée géné-rale du personnel, programméelundi à 13h30.p

PaulBarelli

CONJONCTURE

Asie:prévisionsdecroissancerevuesàlabaisseLaBanquemondiale a abaissé, lundi 7octobre, ses projectionsdecroissanceéconomiquepour2013 et 2014 enChine et dans la plu-part despays endéveloppementd’Asie de l’Est. En cause: le ralen-tissementde l’activité chinoise et le recul des cours desmatièrespremières. Elle prévoit à présent une croissancede 7,1%en 2013pour la zone, et 7,2%en 2014.Dans ses projectionsd’avril, elleanticipait 7,8%pour cette année et 7,6%pour l’anprochain. Pourla Chine, elle s’attenddésormais à une croissancede 7,5% en2013(contre8,3%en avril), et 7,7% en 2014 (8% enavril). – (Reuters.)p

Finance LaSociété généralemonte au capitaldu russeRosbankLa Société générale a annoncé, lundi 7octobre, qu’elle allait por-ter à 92,4% saparticipationdans sa filiale russeRosbank, après lasignatured’unaccord-cadrevisant à acquérir auprèsdeVTBunepart supplémentairede 10%. La banque françaisevendra aussi àson concurrent russedes crédits et actifs immobiliers enRussie.

Matières premièresLeNiger va revoir ses contratsavecArevaLeNiger va «passer aupeigne fin» ses contratsminiers avecAre-va, qui y exploite depuisprès d’undemi-siècle l’uranium,maisavec lequel le partenariat est jugé «déséquilibré», a annoncé,dimanche6octobre, le premierministre, Brigi Rafini. Arevaextrait auNiger plus du tiers de sonmineraid’uranium,par l’in-termédiairede deux sociétés, la Somaïr et la Cominak. – (AFP.)

Distribution La justice annule le licenciementd’une soixantaine de salariés des 3SuissesLe conseil des prud’hommesdeRoubaix (Nord) a annulé, vendre-di 4octobre, le licenciementd’une soixantained’ex-salariésdesespacesboutiques 3Suisses et a condamné le groupe à leurpayerdesdommages et intérêts allant de 12800à 155000euros. Ladirectiona décidéde faire appel.

EnergiePetronas va investir 26milliards d’eurosauCanadaLe géantmalaisienPetronas a annoncé, dimanche6octobre,qu’il allait investir 35milliardsde dollars canadiens (26milliardsd’euros) dansunprojet de gaznaturel liquéfié auCanada lié àProgress Energy. Selon le premierministremalaisien,NajibRazak, ce projet est «le plus gros investissementdirect étranger»jamais réalisé auCanada. – (AFP.)

SmartphoneBlackBerry poursuivipar une action collectiveUneactioncollective a été déposéecontreBlackBerryparunactionnaireaccusant le fabricantde smartphonesd’avoir trompéles investisseurs sur sesperspectives,notamment sur le Black-Berry10. Elle vise à rallier les investisseursqui ont achetédestitres entre le 27septembre2012 et le 20septembre2013. – (AP.)

Bernard Tapie, à l’imprimerie du groupe «Nice-Matin», à Bastia, enmars. PASCAL POCHARD CASABIANCA/AFP

P eut-onexiger d’un candidatàun stage qu’il ait «aumoins bac +3» et «déjà une

ouplusieurs expériences profes-sionnelles»? La questiona agitéles réseaux sociauxaprès lapubli-cationpar lemagazine Elle,mardi1eroctobre, d’unappel à candidatu-res comprenant ces deux critères.

A l’originede la démarchedutitre féminin: lamise enplaced’une«ElleAcadémie» destinéeàaccueillir douze stagiairesdansl’entreprise, de janvier àjuin2014. Particularitésde cette«académie» par rapport à un sta-ge ordinaire: les stagiaires bénéfi-cientd’un «coachingpersonnali-sé»dispensépar desmembresdustaff d’Elle, et les «académiciens»réalisent ensembleunnumérospécial dumagazine, publié àl’été 2014.

Mais l’accès à cette belle aven-ture sera sélectif. Parmi les forma-tions «favorisées»dans le choixdes candidats, les écolesde jour-nalisme, la Femis ouLouis-Lumiè-re pour les profils «Cinéma-Peo-ple», ou les écolesdemodepourla rubriqueMode-Beauté.

Il n’en fallait paspluspourdéclencherdes commentairesindignésaupiedde l’articledusited’Elleprésentant cette initiati-ve, ainsi quesurTwitter(#elleacademie),accusant lemaga-zinedevouloir sedoter àvilprixdeprofils surqualifiés.Unpoint

devueque récuseValérieTora-nian, la directricede la rédaction.«Nousvoulons faireentrer chezElledenouveauxtalents, s’est-elleexpliquéeauMonde.Or les candi-datures spontanéesquenous rece-vonsprésentent toujours lesmêmesprofils.D’où l’idéede cetteacadémie,quidoitnousaideràdiversifiernotre recrutement.»

«Diversité»L’objectif serait doncd’appor-

ter de la «diversité»dans les équi-pesd’Elle –unenjeu aussi pourd’autresmédias, dont LeMonde,qui a lancé sonAcadémieen 2012.SelonMmeToranian,Elle s’est atta-ché les servicesdu cabinetderecrutementMozaïkRH, spéciali-sédans lesprofils issusdes «quar-tiers populaires». Le cabinet pro-poserades candidatsdont Elleespèrequ’unepartie pourrarejoindre son «académie».

Dans ce cas, pourquoidonnerl’impressionde cibler les grandesécoles?«Peut-être avons-nouscité trop d’écoles, onpeut corrigerl’annonce», concèdeMmeTora-nian, qui avouenepas bien com-prendre les commentairesnéga-tifs : «Nous essayonsde faire deschosespour aller dans le bon senset trouver ceux qu’onn’arrivepasàattraperpar les canauxhabi-tuels. Ces stagespermettront defaire émerger des jeunes.»p

AlexisDelcambre

«Elle»recherchestagiaire«aumoinsbac+3»

Lespersonnelsde«Nice-Matin»dansl’attented’unplansocial«douloureux»Legroupeaccusede lourdespertesetdoitêtre restructuréavant l’arrivéedenouveauxcapitaux

«SanslefluxdetrésoreriedeCorse

Presse,c’est l’anorexiequinousestpromise

àcourtterme»,estimeleSNJ

L ’opération est politiquementtrès incorrecte. Solvay aannoncé, lundi 7 octobre,

l’achat de Chemlogics, une sociétécalifornienne spécialisée dans lesproduits chimiques utilisés pourexploiter le pétrole et le gaz deschiste.Précisémentcequifaithur-ler les écologistes!

Il en fautpluspour freiner Jean-PierreClamadieu,l’industrielfran-çais qui a pris les rênes de Solvayl’andernier. Ilsigneici laplusgran-de acquisition du chimiste belgedepuis la reprise du championfrançais Rhodia, en 2011.

Danslecadredesenchèresorga-nisées pour la vente de Chemlo-gics, Solvay a en effet mis sur latable 1,3milliard de dollars, soit990millions d’euros. Une sommerondelette pour une société quicompte seulement 277 personneset trois petites usines, et dont lechiffre d’affaires annuel ne dépas-se guère 500millionsde dollars.

Le prix, qui équivaut à 10,7 foisl’excédent brut d’exploitation deChemlogics, «est relativement éle-vé pour la chimie, concède M.Cla-madieu.Maiscetteentreprisecorres-pond précisément au modèle verslequel nous voulons aller : unechimie moins gourmande en capi-taux,maisencroissancegrâceàdessavoir-faire pointus, et très renta-ble».Ensens inverse, Solvayadéci-dé cette annéede se retirer à termeduPVC,unplastiquedevenubanal.

Chemlogics, une société discrè-te au point de ne pas avoir de siteInternet, a été fondée en 2002 parBill Frost. Ce biochimiste, dona-teur régulier du Parti républicain,venait alors de revendre une pre-mière entreprisepour 60millions

de dollars. Avec Chemlogics, cetentrepreneuraencoremieuxréus-si.En2011, ila commencéparcéder37% du capital au fondsOne Equi-ty Partners. Aujourd’hui, à 65 ans,il vend l’entreprise pour un mon-tant record.

RévolutionC’estqueChemlogicsestspécia-

liste d’un domaine très porteur :les produits chimiques utilisésdans le cadre des forages horizon-taux, ceux qui, conjugués avec lafracturationhydraulique, ont per-mis l’essor du pétrole et du gaz deschiste en Amérique du Nord.Depuis 2000, grâce à l’associationde ces deux technologies, la partdes gaz de schiste dans la produc-tion américaine de gaz est passéede 17%à49%.Lepétrolede schistea connu, lui aussi, une ascensionfulgurante, et représente aujour-d’hui 20% de l’or noir extrait dusous-sol américain.

Une révolution qui fait pleu-voir lesdollarssur les fournisseursdes produits chimiques nécessai-res. Pour un forage horizontal, ilsvendent en moyenne 11500dol-lars de produits par jour, six foisplusquepourunforageclassique!

Avec Chemlogics, Solvay espèrebien récupérer une part de cettemanne. En Amérique du Nord,maisaussienAustralie,enChineeten Russie, où le groupe entendexporterlestechnologiesdesanou-velle filiale. En Europe, où certainspays comme la France restent fer-mésaugazdeschiste,«nousn’ima-ginonspas aujourd’hui de dévelop-pement rapide», indique en revan-cheM.Clamadieu. p

Denis Cosnard

Solvaymise1milliardd’eurossurl’essordugazdeschisteauxEtats-UnisEns’offrantChemlogics, legroupebelgerenforcesonoffredeproduitschimiquespourleforage

50123Mardi 8 octobre 2013

Page 28: Le Monde - 8 Octobre 2013

80% À 90%DU CHIFFRED’AFFAIRES

DES CLINIQUESET HÔPITAUXPRIVÉS LEURSONT VERSÉS

PARL’ASSURANCE-

MALADIE

dossier

C’est un secteur économiquepascomme les autres qui entreaujourd’hui en ébullition. Sousl’effet conjugué d’une crise decroissance, de la concentration

desacteurset de l’évolutionde sonmodè-le économique, le marché des cliniquesprivéesestà laveilled’unerecompositionmajeure. Un sujet d’intérêt public, puis-que l’hospitalisation privée représenteaujourd’hui plus d’un tiers de l’offre desoins des établissements de médecine-chirurgie-obstétriqueenFrance,etnotam-ment plus de 50% de la chirurgie. Uneexceptionmondiale.

En dépit d’un discours des gouverne-ments successifs très orientévers le servi-ce public et l’hôpital, « la France disposed’un système d’une très grande libertépour le patient comme pour le médecin»,souligneMireilleFaugère,directricegéné-ralede l’Assistancepublique-HôpitauxdeParis, pour expliquer le poids du privédans le secteur.

Les quelques 1 100cliniques et hôpi-taux privés de France sont des PME loca-les, parfois réunies dans des ensemblesrégionaux, ou des filiales de groupesnationaux. Bref, des entreprises enconcurrencesurunmarché.Maisce«mar-ché» est extrêmement réglementé. Sesacteurs n’y ont ni la liberté d’installationni celle du choix des activités et encoremoins celle de fixer les prix : 80% à 90%de leur chiffred’affaires est versépar l’As-surance-maladie sur la base d’une grilletarifaire. «Nous sommes des entreprisessemi-publiques», aime à dire Marcel Her-mann, expert-comptable et vigneron, quiabâti, en septans, àpartir deMontpellier,l’un des groupes les plus importants dupays,Médipôle Sud Santé.

Avec le déficit abyssal de la Sécuritésociale (6,2milliards d’euros prévus en2014pour la seule branchemaladie), l’âged’or des cliniques serait-il révolu? Le sec-teur,quiavusa rentabilité fondrecesder-nièresannées,n’estpourtantpascondam-né. Mais sa transformation s’accélère.SelonleschiffresdelaFédérationdel’hos-pitalisationprivée(FHP),unquartdeséta-

blissements est en déficit. La rentabilitémoyennedesétablissementsest tombéeà1,8%en 2011.

C’est la conséquence de l’effet deciseaux imposé par les pouvoirs publics.«Entre2006et 2013, les tarifs à l’activitédel’Assurance-maladie ont augmenté de 3%,tandis que les charges [personnel,médica-ments, etc.] ont bondi de 28%», dénoncePascalRoché,directeurgénéraldelaGéné-ralede santé, le plusancienet le pluspuis-sant groupe privé (1,9milliard d’euros dechiffre d’affaires en 2012). Pour respecterl’objectifdedépensesdel’Assurance-mala-die, fixéchaqueannée(+2,4%en2014,soitla plus faible progression depuis quinze

ans) lors du vote du budget de la Sécuritésociale, les tarifs de nombreux actes sontrevus à la baisse. Et la promesse d’un ali-gnement des tarifs des actesmédicauxduprivé sur ceux de l’hôpital public (l’écartest enmoyennede 22%) a été abandonnéeen2012par laministredesaffairessocialesetde la santé,MarisolTouraine.Une situa-tion qui permet à l’hôpital public de rega-gner des parts demarché.

Onnevoitpascommentcescontraintespourraients’alléger. Sans compter la fisca-lité du secteur. D’après les calculs de laFHP,lafactured’impôtsetdechargessocia-les liés au statut privé s’élève à 600mil-lions d’euros par an. Pour faire face, le sec-

teur parle industrialisation des procédéset économies d’échelle. «Le volume per-met la qualité et l’efficacité économique»,assure Pascal Roché. «Nous allons connaî-tre une nouvelle phase de concentration»,prévient JérômeNouzarède, qui a créé en2000 le groupeVedici (31établissements).

Après la constitution de groupesnationaux, souvent à l’aide defonds d’investissement commeBlackstone chez Vitalia, le numé-

rodeuxdumarché,LBOFrance (Médi-Par-tenaires),ApaxPartners(Capio),3i (Vedici)ou Bridgepoint (Médipôle Sud Santé), lemariage entre poids lourds est envisagé.

LesentreprisesprivéesontprisenFranceuneplaceincontournabledansl’offredesoinshospitaliers.Lesecteurestaujourd’huifragiliséparunefortebaissedelarentabilitéetparledésird’unepartiedesfondsd’investissementdeseretirer.Avisdetempête…sousl’œildespouvoirspublics

Veilléed’armessurlemarchédescliniquesprivées

«Jenesaispassi l’accèsauxsoinspournosassurésestgarantiàl’avenir, comptetenudelafragilitédusecteurprivé»Questionsà...GuillaumeSarkozy,déléguégénéraldeMalakoffMédéric

1985

1 2 3 4 5 6

600 000

1 928 710 559 550 530 350

Soit 16 %du marché del’ hospitalisationprivée

GÉNÉRALE DE SANTÉ Datede création

2006 1990 2000 1994 2006

Chiffre d’affaires,en millions d’euros, en 2012

Nombred’établissements

Top 6des groupes privésde santé, en France

Nombrede médecins

Nombre de patients,par an

MÉDI-PARTENAIRES VEDICI CAPIO MÉDIPÔLE-SUD SANTÉVITALIA

Nombre de lits

10615 307 5 600 4 4004 000 2 800 2 450

5 000

1 500 000 550 000 700 000 450 000 249 000

1 4002 000 2 100 1 325652

47 36 31 25 18

GUILLAUMESARKOZYest délé-gué général deMalakoffMédéric,groupemutualisted’assurancessanté et de retraite complémentai-re. Son chiffre d’affaires est de3,4milliardsd’euros.Pour quelle raison le groupeMalakoffMédéricmène-t-il uneréflexion sur l’opportunité d’in-vestir dans des cliniques ouhôpi-taux privés?

YEn réalité,nousavonsdéjà investidans l’offredesoins

dès2008enprenantuneparticipa-tionde 13%aucapitaldeKorian,ungroupedétenantdesmaisonsde retraitesetdes établissementsdesoinsde suite.Nousavonsaussiinvestidansdes cliniquesenBreta-gne, aucôtéd’HarmonieMutuelle.Notreobjectif est devoir commentaméliorer le service et l’accèsauxsoinspournosassurés.A ce jour, il

n’yapasd’autresprojetsà l’étude.Des dossiers de groupes de clini-ques à vendre circulent…

Biensûr,mais cen’estpasnou-veau. Lesactionnairesqui contrô-lent cesgroupesseposentdesquestionssur l’avenirdusecteur:30%à40%descliniquesprivéessontendifficulté. Si l’onmedemandaitaujourd’huisi l’accèsauxsoinspournosassurés estgarantià l’avenir, jene sauraisquerépondre,compte tenude la fragili-té actuelledusecteurprivé. Il estdenotredevoir, en tantquecom-plémentairesantéàbutnon lucra-tif, denousposer cesquestions.Entrer au capital d’établisse-ments privés peut-il être unefaçon de juguler l’explosion desdépenses hospitalières?

Entre2010 et 2012, les dépensesd’hospitalisationrembourséesparMalakoffMédéric ont aug-

mentéd’environ 10%chaqueannée. Les principales raisonssont le développementde lachambreparticulière et les dépas-sementsd’honoraires.Nous cher-chons àmaîtriser ces dérives, nonpas en entrant dans le capitald’établissementsprivés,maisdansunedémarche contractuelleet enproposantdes partenariats.Vous évoquez une certaine opa-cité des politiques tarifairesdans le secteur privé…

Pourunmêmeacte, nous rem-boursonsdesdépassementsd’ho-norairespouvantallerde 1 à 10d’unmédecinà l’autre.Quandquelqu’unvendunservice, il n’éta-blitpas le tarif en fonctionduclientmaisdecritèresobjectifs.J’aimeraisqueces critèresdevien-nentégalement transparentsdansla santé.Or, il arriveque le tarif dela chambreprivéesoit fixéen fonc-

tiondesgarantiesde lamutuelledontbénéficie lepatient.La Fédération de l’hospitalisa-tion privée est totalement oppo-sée à l’idée de réseaux de soinsque vous préconisez…

Nousproposonsdenous inspi-rerde ce quenousavons fait surles lunettes. En trois ans et demi,nousavonsconstitué lepremierréseaud’opticiens,Kalivia, auquelont adhéré4250partenaires. Il apermisde faire baisserde 25% leprixdes lunettes. C’est un réseaudoublementouvert, c’est-à-diresansnumerusclausus, et nonobli-gatoirepournos assurés. Je vou-draisouvrir le dialogueavec les cli-niquesprivées.Mais nombredemédecinsontpeurque lapratiquede lamédecine libérale soit diffici-le dansun réseaude soins. Et lesordresdemédecins freinent.p

Proposrecueillis par J.-B. J.

6 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 29: Le Monde - 8 Octobre 2013

dossier

«LE RYTHMEDES RACHATSD’ÉTABLIS-SEMENTS VAS’ACCÉLÉRER»

PhilippeDurandDGdeCapio France

Cela permettrait à certains actionnairesde sortir dumarché. Les fonds d’investis-sement, pour beaucoup arrivés il y a unedizained’annéesaumomentoùlarentabi-litédes cliniquesétait àunniveauhistori-quement élevé, ont aujourd’hui des four-misdans les jambes. Lesdossiersdeventedeplusieurs de ces groupes circulent.

MêmelaGénéraledesanté,dontlecapi-tal est contrôlé par une personne physi-que, le médecin italien Antonino Ligresti,estdanscetteproblématique.Lepacted’ac-tionnaires qui compte le fonds De Agosti-ni et Mediobanca arrive à échéance fin2014.Pourl’heure,afind’allégersonendet-tementetdeconserversacapacitéd’inves-tissement, le groupeamisenvente cet étél’ensembledesabranchedesantémentale(27établissementsdemoyenséjour).

Une situation qui alarme EtienneCaniard, le présidentde laMutualité fran-çaise. «Ce va-et-vient d’investisseurs augrédel’évolutiondelarentabilitédéstabili-se lemarchéetcréeuneextrêmevulnérabi-lité de l’offre de soins sur le territoire»,explique-t-il. Le secteur privé à but nonlucratifestleparentpauvredeceduelpoli-tico-économiquequiopposepublicetpri-vé. C’est pourtant lui qui domine le mar-chédansdenombreuxpays.

La situation des grands groupes restebienmeilleure que celle de la plupart descliniquesmoyennes.Carl’équationécono-miquedevient délicate, notammentdansles villes intermédiaires. Vitalia, Vedici etCapio focalisent leur stratégie d’acquisi-tionsur ce typed’établissements,pour lesregrouper ou les rattacher à un centremédico-chirurgicalderéférence.«Le ryth-medes rachats d’établissements va s’accé-lérer», anticipe Philippe Durand, promule 1eroctobre directeur général France dugroupesuédoisCapio.Lesrégionauxcom-me OC Santé (Hérault), HPM (Nord) ouCourlancy (Champagne-Ardenne) sonteuxaussi acteursde cette consolidation.

Le mouvement de concentration s’ex-plique par le niveau élevé des investisse-ments. Jean-BaptisteMortier, lepatrondeVitalia –constitué de 47établissementsachetés les uns après les autres–, investiten moyenne 40millions d’euros par an,«entièrement autofinancés», précise-t-il.La capacité d’investissement devient lenerf de la guerre. Elle permet aussi d’atti-rer les médecins, chirurgiens et anesthé-sistes.Car,autreétrangetédecesentrepri-ses privées, elles n’ont des patients que sielles ont des médecins… Or, les quelque40000praticiens qui y travaillent n’ensont pas salariés. Ils exercent en libéral etperçoivent leurs honoraires contre uneredevanceà l’établissement.

«Un plateau technique comprenantquinze blocs opératoires, c’est 10millionsd’euros, hors immobilier», chiffre MarcelHermann. La clinique Toulouse-Lautrecd’Albi (Tarn), du groupe Vitalia, vient des’offrir pour 2millions d’euros un robotDa Vinci pour la chirurgie de la prostate.«Celasatisfaitnosurologues,quiviennentégalement de notre établissement de Cas-tres, cela réduit de huit à quatre jours le

séjourdupatientet de 70% les risquespos-topératoires,etçarenforcel’imagedemar-quede l’établissement», résumeJean-Bap-tiste Mortier. A coups d’investissementstechnologiquesetdeconstructiondenou-veaux bâtiments, les cliniques, transfor-mées en polycliniques, deviennent hôpi-tauxprivés.Lavaleurcommercialeduter-mehôpital est grande.

Si leprivéestpénalisépardestarifsinfé-rieurs à l’hôpital public, il n’a pas lesmêmes contraintes et sans doute pas lamême clientèle. Il peut mettre en placedes organisations plus efficaces, soupleset économes. L’hôpital privé d’Antony(Générale de santé) dans lesHauts-de-Sei-ne, troisième service d’urgences d’Ile-de-France, s’enorgueillit d’un temps d’atten-temoyendes patientsdeneufminutes.

Avec une activité de chirurgie ambula-toire programmée importante, voire pré-pondérante, de nombreux services fer-ment la nuit et le week-end. Chez Vitalia,des accords ont été négociés pour que lepersonnel fasse des journées de dou-zeheures, cequi correspondà l’amplitudehoraire d’un bloc opératoire, en échangede récupérations et deweek-ends de troisjours. L’hôpital public, contraint notam-ment par le statut des personnels et unelourdeur administrative, commence seu-lement à rattraper son retard en matièrede chirurgie ambulatoire, alors que lesautorités sanitaires du pays en avaientfait unepriorité.

Pour diversifier les recettes, de nou-veaux services sont concoctés. LaGénéra-le de santé teste, depuis 2012, dans l’un deses gros hôpitaux, un poste de directeurdu marketing et des relations patients,notamment en direction des jeunesmamansde lamaternité.

Maiscesontsurtoutdenouvellesactivi-tés, moins gourmandes en capitaux, quisont recherchées. De nombreux groupes

constituent désormais des filières auniveau départemental en intégrant desétablissementsde soins de suite et de réa-daptation. Une activité plus rentable quela chirurgie. «C’est le pendant du dévelop-pement de l’ambulatoire», confirmeMar-celHermann.Songroupeaaussisaproprefiliale d’assistancemédicale à domicile.

Cette bataille pour la rentabiliténe doitpasfaireoublierquelemarchéestprotégé(pasdenouveauxentrants)etencroissan-ce. Sa clientèle est solvable grâce à l’Assu-rance-maladie et aux complémentairessanté. «Je sais à 80% que mon établisse-ment sera là dans vingt ans, ce qui est rarepour une entreprise privée», avoue Jean-LoupDurousset, le présidentde la FHP.

Mais les choses vont changer. Soit parl’actiondesautoritésdesanté,soitpar l’ar-rivée d’une nouvelle catégorie d’investis-seurs.Lesregardssetournentvers lescom-plémentaires santé, largement capitali-sées et inquiètes des dérives de l’hôpital.Ce sont elles qui solvabilisent les dépasse-ments d’honorairesdes praticiens.

EtienneCaniard rejette fermement cet-te hypothèse. «L’économie sociale et soli-daire n’est pas là pour jouer les supplétifsde l’économiedemarché lorsquecelle-cinefonctionne plus», lance-t-il. Le présidentde laMutualité française attendd’ailleursde l’Etat une plus grande pérennité desrègles et des tarifs afin de pouvoir plani-fier des investissements à long terme.«Les mutuelles ont la même obligationd’équilibrer leurs comptes», rappelle-t-il.

Réduire le coût de la santé sans dimi-nuer l’offre de soins à unmoment où lesréseauxprivéssontfragilisés,telest leche-min étroit qui attend le gouvernement.Un défi d’autant plus délicat que l’Inspec-tion générale des affaires sociales s’éton-nait récemment de la «connaissance limi-tée du secteur par l’administration».p

Jean-Baptiste Jacquin

Leboomdesmaisonsderetraite

POIDS DES CLINIQUES PRIVÉES

1 057+ 3%13,1 milliards d’euros

de chiffre d’affaires en 2011

40%

28%

54%

de l’ensembledes établissementsde santé

des entrées et venues

de la chirurgie

établissements privés en France en 2011

par rapport à 2010

– 14,2 %Evolution

2009/2011

SOURCES : GREFFE DES TRIBUNAUX DE COMMERCEVIA ALTARÈS, FHP, RAPPORT SECTORIEL, ÉDITION 2013

RÉPARTITION DES COMPTES DES CLINIQUES ETDES HÔPITAUXPRIVÉS, EN 2011,PAR CHAMPD’ACTIVITÉ

Médecine, chirurgie, obstétrique

Soins de suite et de réadaptation

44%

25%

Psychiatrie

Mixte14 %

17%

BÉNÉFICE MOYENPAR ÉTABLISSEMENT, 2011

221 000euros

Bloc opératoirede la cliniquedeGassin (Var),groupeGénéralede santé.IAN HANNING/REA

C’ESTUNAUTREMARCHÉ,auxres-sortsdifférentsde ceuxdes clini-quesprivées,maisavecune logi-que immobilièrevoisine. Surtout,il ne connaîtpas la crise.Malgrél’irruptionrégulièredans l’actuali-téd’événementsplusoumoinsdramatiquesdansdesmaisonsderetraitevétusteset enmanquedepersonnel,quelquesgrandsgrou-pesprospèrent surcemarché.

Les troisplusgrosacteurspri-vés français sontOrpea,KorianetMedica.Tous trois cotésà laBour-sedeParis, ils affichentdebellescroissances,dontpeude secteurspeuventse targuer.Orpeaavusonchiffred’affairesaugmenterde14%aupremier semestre2013, à782millionsd’euros. Lenuméroundumarchés’est lancédansunestratégie internationale.Avec431établissements, les troisquartsenFrance, il est présentenBelgi-que,Espagne, Italie et Suisse. Legroupe,qui pèseprèsde 2mil-liardsd’eurosenBourse, vise laChine,où il prévoitd’ouvrir sapre-mièremaisonderetraite fin2014.

Perspectives de croissanceDans cette course,Medica accé-

lère sa politiquede croissanceexterne. Il a bouclé en septembrele rachat de Senior LivingGroup,premieropérateurbelge de la pri-se en chargede la dépendance.Uneopérationqui va lui permet-tre de fairemonter la part de l’in-ternationalde 10%à 30%.Au30juin, ses facturations attei-gnent 381millionsd’euros (+9%)et il table désormais sur 825mil-lions sur l’ensemblede l’année.Malgréunepolitiqueactive decroissance (interne et externe), larentabilité d’exploitationdeMedica a atteintunniveau recordau30juin, de 27% (avant loyers).

Koriann’estpas enreste, lui quiapris, enmars, le contrôlede l’alle-mandCuranumgrâceàuneoffrepubliqued’achat. Il estdésormaisle leaderdumarchéoutre-Rhin,où il étaitdéjàprésent, et souhaitedétrônerOrpeade laplacedenumérouneuropéen.Sonchiffred’affairessemestriel aatteint663millionsd’euros (+21%).

Cesgroupesnesedétournentpaspourautantdumarché fran-çais,dont lesperspectivesdecrois-sancecollentauvieillissementdelapopulation.Selon l’Insee, lenombredepersonnesâgéesdépen-dantesdevraitpasserde 1,2mil-lionen2010à2millionsen2040.Et enattendantunegranderéfor-mede ladépendance, les créditspublicsversésauxétablissementsd’hébergementpourpersonnesâgéesdépendantesaugmententàunrythmeélevé:+5,2%, à8,7mil-liardsd’euros, en2012.p

J.-B.J.

LESPROFESSIONNELSde santécontestent les classementsannuels deshôpitauxet cliniquesréaliséspar les hebdomadairescomme Le Point. Mais tous s’y pré-cipitent. Les lecteurs aussi. LaHau-teAutorité de santé (HAS) devraitmettre tout lemonded’accord enlançant, d’ici à la fin de l’année, unsite Internet destiné augrandpublic offrantune informationdétaillée et pédagogique sur laqualité des soinsdans l’ensembledes établissements français.

Cette autorité indépendante,qui a pour objet l’améliorationdela qualité du systèmede santé, estdéjà chargéede la certificationdetous les hôpitauxet toutes les cli-niques sur lamêmebase, quelque soit leur statut. En 2012, la loide financementde la Sécuritésociale lui a attribué la tâche derassembler et de diffuser toutes

les informations sur la qualité dela prise en charge. «Nous avons,grâce à la certification, une som-med’informations extrêmementriche sur chaque établissement, etnous y ajoutons des indicateurs dequalité et des indicateurs de prati-ques cliniques», précise Jean-LucHarousseau, le président de laHAS. Le développementde ce sitereprésenteun investissement de290000euros.

Cettemise à dispositiond’unemassede donnéesunique seraune étapedans l’évolutionconsu-méristede la santé.Mireille Fau-gère, directricegénérale de l’Assis-tancepublique-Hôpitauxde Paris,constateque «les patients veulentde l’information, veulent pouvoircomparerpour avoir le sentimentd’êtremaîtres de leur santé».

Les secteursprivé et public seréjouissentde l’arrivéede ce site,

car tous pensent y trouverdesarguments. Pascal Roché, à la têtede laGénérale de santé, y voit unoutil commercial. «Qui peut croi-re que les 1800acteurs en Franceoffrent lamêmequalité?», lan-ce-t-il, avec une idée derrière latête: «Nous souhaitons qu’à ter-me la qualité des soins soit diffé-renciéepar les tarifs.»

«Evaluation incontestable»GérardVincent, le délégué

général de la Fédérationhospita-lièrede France (les hôpitauxpublics), espère, lui, que cet opendatapermettrade « lancerune éva-luation incontestablede la perti-nencedes soins». Lepublic repro-che auprivéune surconsomma-tiond’actes, comme la césarienneou l’opérationde la cataracte,pourdes raisonsplus économi-quesquemédicales.Mais, laHAS

ne sera pas enmesurede trancherpas ce débat.

Chaqueparamètreseradisponi-bleafinque lepatientpuisse fairesonchoixen fonctionde sonbesoin,des tauxd’infectionsnoso-comialesparétablissement jus-qu’à la qualitéde laprise en chargede ladouleurou l’envoid’une«let-trede sortie» aumédecin traitant.

«Nous travaillons sur denou-veaux indicateurs sur la sécuritédespatients qui viendrontultérieu-rement comme le tauxde réhospi-talisationà la suite d’une interven-tionou le tauxdemortalité», pré-vient Jean-LucHarousseau.

Dans cettebataille de l’informa-tion, l’hôpital public rattrape sonretard.Avec le privé, il s’adresseradeplus enplus aupatient, aprèsavoir lutté pour attirer lesméde-cins.p

J.-B.J.

L’ouverturedesdonnéespourlepatient-consommateurLaHauteAutoritédesanté lanceunsite Internetpourcomparer laqualitédesétablissements

70123Mardi 8 octobre 2013

Page 30: Le Monde - 8 Octobre 2013

L ’innovation va-t-elle pouvoirrelancer la croissance indus-trielle? Air liquide prévoit la

suppression de 160 postes ; Totals’apprête à fermer une de ses usi-nes pétrochimiques à Carling(Moselle). Avec 3,2millions de per-sonnes, l’industrie ne représenteplus que 15%de l’emploi salarié enFrance,et12,6%delavaleurajoutéetotale, contre 20,6% en 1980.MaislesFrançaisnedoiventpasdésespé-rerpourautantde leur industrie.

Grâce à 34 grands projets, pré-sentés en grande pompe, le 12sep-tembre,àl’Elysée,FrançoisHollan-deentendbiendégripperlamachi-ne. Et créer ou sauvegarder, à unhor izon de dix ans ,475000emplois sur les 750000quiontétédétruits lorsdelaprécé-dente décennie. «Depuis quinzemois, nous avons affronté un cer-tain nombre de plans sociaux, derestructurations, de licenciements.Le ministre du redressement pro-ductif ainsi que ses collègues augouvernement ont fait face. Maisnotrestratégienepeutpasêtreseu-lementdéfensive.Elledoitêtreréso-lument offensive», a-t-il insisté.Pourmener àbien cette reconquê-

te, un seulmotd’ordre : innover.«La France est une nation d’in-

venteurs, de pionniers, d’entrepre-neurs, de producteurs, a rappelé lechefde l’Etat.Notrehistoire estglo-rieuse, de la machine à vapeur autrainàgrandevitesse, de l’automo-bile à la puce électronique, du ciné-ma à la batterie rechargeable, desmontgolfières jusqu’à l’avion.Nous avons le devoir de poursuivrecerécit.»L’aviontout-électrique,la

voiture consommant moins de2 litres aux 100km ou encore leTGV plus spacieux, plus rapide etmoins polluant sont déjà pressen-tis pour écrire le prochain chapi-tre. Mais après ? Les inventionsrévolutionnaires ne se trouventpas sous le sabot d’un cheval. Ledéfi est lancé aux chercheurs.

Oui mais voilà, la recherche etdéveloppement (R &D) est sou-vent le premier poste sacrifié surl’autel de la crise. Le crédit d’impôtrecherche–aidefiscalemiseenpla-ce en 1983 – n’y change rien. Selonle rapport de la Cour des comptesdu 11septembre, les entreprises deplus de 5000 salariés ont eu beaurecevoir 130% d’aides supplémen-taires de l’Etat entre2007 et 2011,elles n’ont pas augmenté leursdépenses de recherche d’un iota.D’aprèslestrajectoiresdecroissan-ce de l’économie française dessi-nées par la direction générale duTrésor et l’ancien Centre d’analysestratégique, remplacé en avril parleCommissariatgénéralàlastraté-gie et à la prospective (CGSP), uneaugmentation des dépenses de R&D équivalente à 2,7% du produitintérieur brut (PIB) à l’horizon2030 permettrait pourtant decréer4%d’emploisindustrielssup-plémentaires,parrapportàunetra-jectoiredecroissanceoùlesdépen-sesdeR&Dstagneraient.

Encorefaut-ilmisersur lesbonschevaux. «Plus question d’investirdans des produits standardisés,trop facilement délocalisables,

insisteCécile Jolly, chargéedemis-sion au département travailemploi duCGSP. La réussite indus-trielle de la France repose sur dessegmentsàhautevaleurajoutée.Aterme, ce sont principalement lesservices à la personne, l’économieverte et les “emplois cognitifs”regroupantlarechercheetdévelop-pement, le design, l’ingénierie, l’ar-chitecture, lemarketinget lapubli-cité qui devraient constituer lesprincipauxgisements d’emplois.»

En mettant la priorité sur latransitionénergétiqueet environ-nementale, la santé et le numéri-que, le président de la Républiquesembledoncplutôt sur le bon che-min. «Ce sont des secteurs qui nonseulement irradient toutes lesautres industries, mais en plusmobilisent des savoir-faire trèspointus, donc moins exposés à la

concurrenceinternationale», com-mente l’économiste Lionel Nesta,directeur adjoint du départementinnovation et concurrence à l’Ob-servatoire français des conjonctu-res économiques.

La fuiteenavantsemble irréver-sible.«Danslesannées1960,l’indus-trieconstituaitunformidablepour-voyeur d’emplois pour les tra-vailleurs sans diplôme», rappelleDavid Thesmar, professeur à HECet coauteur avec Augustin Landierde 10 idées qui coulent la France(Flammarion,160p., 12,35¤).«Cetteépoque est bel et bien révolue, assu-reM.Thesmar.Touteslestâchesrou-tinièresserobotisantpeuàpeu, l’in-dustrie n’aura plus besoin à termeque d’ingénieurs et de technicienspour concevoir et programmer lesmachines.»A long terme, cette ter-tiarisation de l’activité industrielle

n’estpasforcémentmauvaisepourl’emploi. Au contraire, «ce sont lesfirmes les plus économes en emploipeu qualifié qui croissent le plus»,noteM.Nesta.

Pour réussir, cettemutation del’emploi industriel doit cepen-dant s’accompagner d’importan-tes réformes structurelles. «Met-tre en œuvre une politique indus-trielle verticale ne suffit pas, assu-re l’économiste. Il faut en mêmetemps repenser l’accès aux créditspour les PME, réformer les conven-tions collectives, adapter le systè-me de formation à la demande detravail des entreprises, harmoni-ser les règles concurrentielles àl’échelle européenne… Ce n’estqu’enarticulantcesdifférentesfor-mes d’innovation que l’industriepourra sortir de l’ornière.» p

Elodie Chermann

LeConseil d’orientation pourl’emploi (COE) a remis,mardi1eroctobre, son diagnostic surlesmétiers en tension en Fran-ce. L’institution, chargée dedécrypter l’évolution dumarchédu travail, a analysé les principa-les raisons de la vacance dura-ble de ces emplois (manque d’at-tractivité desmétiers, inadéqua-tion des compétences, segmen-tation dumarché du travail).Lesmétiers de l’industrie y tien-nent une bonne place, indique lerapport duCOE, qui recenseplus de 20000 emplois vacantsdans ce secteur au 4e trimestre2012, dont 13338 dans les entre-

prises de plus de dix salariés.Selon les entreprises, les recru-tements sont particulièrementdifficiles pour une vingtaine demétiers : tuyauteur, régleur qua-lifié d’équipements de fabrica-tion, chaudronnier, ouvrier quali-fié travaillant par enlèvement demétal,mouliste et usineur, etc.Le taux d’emplois vacants dansl’industrie est relativement sta-ble depuis dix ans, se situantdans une fourchette de 0,2%à0,6%dans les entreprises dedix salariés et plus, selon les sta-tistiques duministère du travail(Dares, indicateurs, septem-bre2013).

Reportage

MetzCorrespondant

«Jem’attendais à végéter à Pôleemploi ou à galérer dans l’inté-rim…Trouver un boulot aussivite, en CDI, c’est inespéré !»HakimLounis, 23ans, ne boudaitpas sonplaisir en signant,mercre-di 2octobre, son contrat au cen-tre de Saint-Avold (Moselle) del’Associationnationale pour laformationprofessionnelle desadultes (AFPA). Ce jeune Lorraina rejoint depuis la centralenucléaire de Fessenheim, où lasociété Fives Nordon, sous-trai-tant d’EDF, lui a offert un emploide tuyauteur industriel.

SonBEP de chaudronnier enpoche,Hakims’était engagédansl’arméepourunepériode de troisans avant de revenir à la vie civile.Sitôt libéré des obligationsmilitai-res, il a été contacté par lamissionlocale. Elle lui a proposéun stagede sixmois devant déboucher surun certificat de qualificationpro-fessionnelle et, surtout, unemploi stable. Cinq autres person-nes ont été recrutées à l’issue decette «action territoriale d’inser-tion» animéepar l’AFPAet cofi-

nancée, à hauteur de40000euros chacun, par larégion Lorraine et FivesNordon,spécialiste des tuyauteries à hau-te technicité.

«On était une soixantaine audépart, vingt-quatre candidatsont été retenus après une série detests psychotechniques et unentretien avec un psychologue dutravail. L’entreprise a opéré lasélection finale», relate Patrick

Klemm, recruté, pour sa part, à lacentrale nucléaire du Bugey,dans l’Ain.

A 49ans, cet ancienmineur defond s’est retrouvé «sur le car-reau» après avoir travaillé vingt-cinq ans en Allemagnepour lecompte d’un fabricant demachi-nes-outils. «Je ne pensais pas res-

ter si peu de temps au chômage,témoigne-t-il lui aussi. Il a falluque jeme replonge dans les livres,que jeme remette à la trigonomé-trie et au dessin industriel,sachant que nous devions suivreenmême temps le stage d’habili-tation nucléaire. On a bossé durmais le résultat est là. Un CDIdans l’industrie, àmon âge, cen’était pas gagné.»

«Ce type d’opération, c’est vrai-ment dugagnant-gagnant, souli-gneAntoine Santin, directeur ducentreAFPAde Saint-Avold. Noussommespartis des besoins de l’en-treprise. Le cahier des charges de laformationa été dressé par FivesNordon, dont l’activité connaît unrythmede croissance soutenuavec 200recrutements annuels»,explique ce spécialistede la for-mation industrielle.«L’industriesupprimebeaucoupd’emplois.Notre région, la Lorraine, est bienplacéepour le savoir,mais elle encréeaussi denouveaux», ajouteM.Santin.

Ce que confirmeBrunoCarbo-naro, directeurgénéral de la socié-té FivesNordon: «Lamaintenan-ce industrielle est un secteur enplein essor qui peinepourtant àtrouverdes gens formés. Accosterdes tuyauteries de granddiamètredansune centrale nucléaire, c’estunvrai boulot d’expert qui impli-queunemaîtrise de la lectureisométrique, des calculs d’angle,mais aussi un respect scrupuleuxdes contraintes de sûreté.»

Sans faux-semblant, ce diri-geant confie : «On a fait le calcul.Si nous avions dû financer la for-mation à 100%, nous aurions euplutôt intérêt à débaucher cheznos concurrents.Mais grâce à cepartenariat avec la région, nousavons pu créer six emplois encontrat à durée indéterminée. Dèslors que les intéressés ont passé labarre de la formation, nousn’avions aucune raison de fairedes contrats précaires sur desemplois pérennes et évolutifs.»p

NicolasBastuck

économie& entreprise SPÉCIAL INDUSTRIE

EnLorraine:«TrouverunboulotaussiviteenCDI,c’est inespéré!»

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Alongterme,latertiarisationdel’activitéindustriellen’estpasforcémentmauvaisepour

l’emploi

Quellesinnovationspourraviverl’emploiindustriel?Transitionénergétiqueetenvironnementale,santéet secteurnumériquedevraientconstituerlesprincipauxgisementsdepostes

Technicien tuyauteur au Centre industriel de stockage géologique deBure (Meuse). PATRICELATRON/LOOKATSCIENCES

Les vingtmétiers qui n’arrivent pas à recruter

8 0123Mardi 8 octobre 2013

Page 31: Le Monde - 8 Octobre 2013

SPÉCIAL INDUSTRIE économie & entreprise

L’énergie est notre avenir, économisons-la!

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Vous aussi, suivez le fil et rejoignez-noussur edfrecrute.com

L e bilan dressé par la sociétéfrançaise de veille économi-que Trendeo est lourd :

17000suppressions nettes d’em-plois pour l’industrie manufactu-rière au cours des huit premiersmois de 2013. Mais, dans lemêmetemps, cette industrie peine àrecruter.Lafauterevientessentiel-lementàunfortdéficitd’imagedel’industrieauprèsdesjeunesdiplô-més, alors même que ce secteurprofiteàceuxquiontfait leparides’y engager.Car, commele résumeJulien Weyrich, directeur ingé-nieursettechnicienschezPagePer-sonnel : «L’industrie vit mieuxqu’onne le dit.»

La façon dont les jeunes diplô-més appréhendent le marché del’emploi et les opportunités quileur sont offertes témoignede cet-tedifficultéàcernerlesecteur.L’in-dustrie est plurielle, en mutationpermanente. On peut, d’une part,distinguer des secteurs aux recru-tements réguliers, les «valeurssûres» : l’aéronautique, l’énergie(mêmesi l’éolienoulephotovoltaï-que accusent une baisse de dyna-

misme), le nucléaire ou encore leferroviaire.

D’autrepart, si l’on s’intéresseàdes industries moins porteuses,l’automobile, par exemple, uneconjoncture contrastée apparaît :«La situation de l’emploi n’est pasporteuseducôtédes constructeurs,mais des équipementiers ayantréussi à capter des marchés étran-gers, notamment allemands, peu-ventbienvivreetrecruterrégulière-ment», analyseM.Weyrich.

Par ailleurs, travaillant à leurpropre renouveau, des filières endifficulté, telle l’industrie papetiè-re, présententun double visage. Sicelle-ciapparaîtaujourd’huiencri-se, les organismes de formationassurent que de belles carrièrespeuvent y être réalisées. «Ungrandtravailestactuellementréali-sépour lacréationdebatteriesélec-triques et de systèmes imprimés enpapier», expliqueMireille Jacomi-no, vice-présidente formation deGrenoble INP. Elle poursuit :«Quand on parle d’une industriequi s’effondre, on fait référence àuneindustriecentréesur lafabrica-

tion d’une gamme de produits surcatalogue.Or, aujourd’hui, la réali-tén’estplus celle-ci. Il y amêmedespotentialités très fortes.»

Actuellement, la tendance esttoujours à une baisse générale desemplois: la perte s’élèverait à prèsde 140000postes depuis 2009,selon Trendeo. Elle touche dure-ment les profils n’ayant pas dediplôme du supérieur. Mais unemyriade de nouvelles disciplinesapparaissent comme autant deniches porteuses pour les jeunesdiplômés. Les centres de forma-tion suivent le mouvement enouvrant de nouvelles filières :«Nousavons lancéune licencepro-fessionnelle liée à l’optoélectroni-que et la nouvelle génération dediodes que cette branche propose,indique ainsi Jean-Loup Salz-mann, président de l’universitéParis-XIII. Et tous nos étudiantstrouvent des débouchés sans pro-blème.»

L’industrie peut donc favoriserl’émergence de nouveauxmétiers,notammentdansdesmar-chés enplein essor: «La robotique

domestique et médicale est en fortdéveloppement, indique AlexisMéténier, directeur des relationsavec les entreprises à l’Institutnational des sciences appliquéesde Lyon. Cela va provoquer l’arri-vée de nouvelles fonctions mêlanttoutà lafois informatiqueetméca-nique. » De nouvelles missions

peuventégalementêtre confiéesàdesdocteurs,dontlaplaceétait jus-qu’alors relativement réduitedans les entreprises. Les liens plusétroitsobservésentre les entrepri-ses privées et la recherche pour-raient favoriser leur recrutement.Ils seraient appréciés pour accom-pagner l’intégration des innova-tionsen interne,notammentdansles procédés de fabrication.

Autre mouvement de fond :au-delàdudéveloppementdesolu-

tions, les industriels travaillent àla mise en place d’offres de servi-ces.«UnesociétécommeSchneiderElectric va par exemplemener uneréflexionsur l’intégrationdes solu-tions pour la maison», expliqueMme Jacomino.Devenant «intégra-teurs» d’innovations ou d’usages,elles vont développer là aussi denouvelles fonctions.

Avec cet élargissement dudomained’interventiondesentre-prises, les aptitudes exigées desjeunes diplômés augmentent.«L’ingénieurdevraassocierdeplusen plus des compétences techni-ques à des compétences marke-ting, commerciales, financièrespour intégrer plus vite les change-ments et s’y adapter », expli-que-t-on à l’Union des industrieset des métiers de la métallurgie.Même constat pour les bac+2 :«On demande aujourd’hui davan-tage aux techniciens qu’il y a dixans,estimeM.Weyrich.Au-delàdeleur cœur de métier, ils doiventsavoir gérer les relations avec lesclients, avoir des compétences lin-guistiques, être disponibles et réac-

tifs.» Les industriels se tournentnotammentverslesécolesdecom-mercedontlesétudiantssontdiffi-ciles à séduire. Directrice carrièreset prospective à l’Edhec,ManuelleMalot confirme : « Ils ont beau-coup cherché à attirer nos étu-diants, notamment par les “gra-duate programs”», dispositifs àtravers lesquels l’entreprise défi-nit pour le jeune diplômé un par-coursprofessionnel attractif.

Les carrières peuvent égale-ment être intéressantes pour lesdiplômésdes filières scientifiquess’orientant vers des secteurs por-teurs.C’estenparticulier le casdesbac+2 (DUT réseaux et télécom-munications, par exemple). Lescapacités de séduction des indus-tries ont toutefois leurs limites.«Dans certaines écoles d’ingé-nieurs,20%à30%desjeunesdiplô-més se dirigent vers des secteurscomme l’audit ou la finance», rap-pelleM.Weyrich.Larémunérationproposéeàun jeunediplômépeuty être supérieure de 10000à15000eurospar an.p

FrançoisDesnoyers

DesnouveauxmétierspourlesjeunesdiplômésDesfilièresendéveloppementcommela robotiqueou l’optoélectroniqueoffrentdesperspectivesderecrutement

I ls se cachent dans les voitures,les trains, les avions, les mon-tres, les télévisions ou encore

les lave-vaisselle. Les systèmesembarqués «peuvent être intégrésabsolument partout», expliquePascalBrier.Pourledirecteurgéné-ral adjoint du groupe Altran, lessystèmes embarqués, «ce mélan-ge de matériel et de logiciel quiconstitue un système qu’on vaenfouir dans un autre objet», tou-chenttous lesdomainesd’activité.En créant de nouveaux emploisdans lesmétiers de l’industrie.

«Si les systèmes embarqués ontfait leurapparitiondans lesannées1990, le termeest à lamode depuisprès de cinq ans : il y a une grossedemandecôté industriel pour faireévoluer les produits et mieux lescontrôler», raconte Pierre-Emma-nuel Hladik, correspondant de lachaire systèmes embarqués criti-quesàl’Institutnationaldesscien-ces appliquées (INSA).

Autre raison qui suscite unengouement pour les systèmesembarqués: leur évolution. «Cessystèmessontdésormaisconnectésen temps réel et permettent d’en-voyer des informations à toutmoment. On commence d’ailleursà parler de systèmes intelligents»,expliquePascalBrier.

Concrètement, on pourra avoirdescompteursintelligentsàdomi-cile qui envoient des alarmes encasdeconsommationanormaleetinterviennentàlademande.«Sientemps réel je peux contrôler laconsommation des ménages fran-çais, un pays pourra régler saconsommation d’électricité sanscourir de risques de black-out ni degaspillages», s’enthousiasmeM.Brier.

Enfin, la standardisation desméthodes de développement deces systèmes rend leur essor plusrapide. «Nous sommes passés del’artisanatà l’industrie.Avant, cha-que entreprise avait son propremodèlededéveloppement.Aujour-d’hui, des sociétés sont en train dedévelopper une sorte de Windowsdu logiciel embarqué, c’est-à-direune plate-forme commune avecdes modèles de développementstandardisés», poursuitM.Brier.

Résultat : ce besoin, en pleinenvol, et qui touche presque tousles secteurs d’activité, se traduitpar une demande toujours pluspressante d’ingénieurs capables

de travailler sur ces sytèmes. Legroupe Assystem prévoit ainsid’embaucher «300professionnelsdans ce domaine, soit 20% de sesembauches l’année prochaine»,explique Cristelle Jacq, responsa-ble recrutement et diversité chezAssystem.

Les offres se multiplient dansdifférents secteurs d’activité, del’aéronautique à l’automobile, enpassantpar ledomainemédicaloul’électroménager. «Le principed’un systèmeembarqué, c’est denepas exister en tant que tel maisd’être à l’intérieur d’un systèmeplus global. Il y en a vraiment par-tout», confirmeM.Hladik.

Si chaquesecteura sesspécifici-tés et ses règles, on retrouve par-tout«lemêmecœurdemétier:pro-grammer avec une certainerigueur », raconte ChristopheConil, delivery manager chez

Altran.Sonparcoursentémoigne:«J’ai travaillé dans l’aéronautique,pour un radar dans la défense,pourunsystèmetactiledansl’auto-mobile.»Unepolyvalencequimar-que souvent les parcours de cesexperts en systèmesembarqués.

François Contou-Carrère, lui,est manager technique, responsa-ble des activités électroniqueschezAssystem. Ilatravaillésurdesjumelles de vision nocturne infra-rouges, des radars pour hélicoptè-res, des calculateursdenavigationpour les sous-marins… Pour lui, sile métier requiert une certainepolyvalence, c’est aussi parce qu’ilfaut savoir faire le lien entre lesarchitectesde système,qui tradui-sent en amont le besoin du client,et«tous lesautresmétiers : les ingé-nieurs enmécanique, électronique,ceux qui sont spécialisés dans lasécurité.Il fautdesrouagestrèshui-lés entre les différentes professionspour arriver à un produit fiable etrobuste». p

MargheritaNasi

Lesindustrielstravaillentàlamiseenplaced’offres

deservices

«Ilyaunegrossedemandecôté

industrielpourfaireévoluerlesproduitsetmieuxlescontrôler»Pierre-EmmanuelHladik

Institut national des sciencesappliquées

Del’automobileaumédical,lessystèmesembarquéscréentdel’emploiIngénieursenmécanique, enélectroniqueouspécialisésdans la sécurité sontsollicités

90123Mardi 8 octobre 2013

Page 32: Le Monde - 8 Octobre 2013

QUESTIONDEDROIT SOCIALParFrancisKessler,maîtredeconférences

àl’universitéParis-I-Panthéon-Sorbonne

Peut-onimposerla languederédactionducontratdetravail?

C en’est pas cosmétique.» Lorsque AbdelAïssou décrit la politique de la diversi-té que mène l’entreprise qu’il dirige,

RandstadFrance, il tientà insistersur lasincé-rité de sa démarche. Il le sait : une société quiaffiche ses engagements sociétaux ou enfaveur de l’égalité des chances est souventsuspectée de mener avant tout une opéra-tion de communication. Parfois à juste titre.Lui veut croire que «nous sortons de l’époquedu “marketing de la diversité” où il suffisaitd’affirmer des choses. Désormais, il faut qu’el-les soient vérifiables, notamment grâce auxlabels qui introduisent une traçabilité desengagements».

Decepointdevue,Randstadafaitsespreu-ves.«Nousavonsobtenu les labelsDiversité etEgalitéprofessionnelle quenousavons renou-velés. Nous avons d’ailleurs longtemps été laseule entreprise française à cumuler lesdeux.» L’homme a également reçu plusieursdistinctions pour son action, la dernière endate étant le Prix du dirigeant, décerné le26septembre auxTrophéesde ladiversitéducabinet Diversity Conseil. Mais c’est assuré-ment son parcours qui constitue la preuve laplus fiablede sonattachementpersonnel à lalutte contre les discriminations. Unparcoursmarqué par un engagement constant pourl’égalité des chances, depuis la Marche desbeurs à laquelle il a participé en 1983.

D’origine kabyle, cet énarque passé par lapréfectorale a d’ailleurs souvent été présen-té en France comme le symbole d’une inté-gration réussie. En 2004, alors en poste auministère de l’intérieur, il sera à l’origine duprogrammedes cadets de la Républiquedes-tiné à favoriser l’accueil de jeunes de tousniveaux et horizons au sein de la police. « Ilne s’agissait pas de faire de la diversité pourla diversité, mais de favoriser l’existenced’une police nationale à l’image de lanation», insiste-t-il. Son arrivée à la direc-tion générale de Randstad a permis à cetancien haut fonctionnaire de mettre enmusique ses idées dans la sphère privée. Lelancement, voilà six ans, d’un plan stratégi-

que consacré à la diversité dans l’entreprisea coïncidé avec sa prise de fonctions.

S’en est suivi un vaste train demesures eninterne,notammentautourde laquestiondel’égalité femmes-hommes. «C’est la mère detoutes lesbatailles, estimeAbdelAïssou.Nousavons d’abord choisi de nous concentrer surles stéréotypes. Nous avons prohibé les plai-santeries sexistes, les blagues sur les blondesqui sous-entendent que toutes les femmessont stupides. Au XXIe siècle, on ne parle pluscomme dans Les Tontons flingueurs…» Laquestion des rémunérations a également étéabordée. «Les écarts de salaire inexpliquésentre les femmes et les hommes sont infé-rieurs à 2%», assure-t-il.

Une telle politique a-t-elle un coût pourl’entreprise? «Oui, reconnaît Abdel Aïssou. Ilyauninvestissementmassifàréaliser,notam-ment en formation. En deux ans, nous avonsformé 700managers.» Tout nouveau salarié

suit trois joursdemodules, dontdes sessionsd’une demi-journée à une journée sur ladiversité et l’égalité des chances. «Les tempsde formation sur notre cœur de métier abor-dentégalement lesquestionsdediversité,pré-cise-t-il. Il s’agitparexempled’expliquerànossalariés comment répondre à une demandepotentiellementdiscriminanted’uneentrepri-se cliente.»

«Nous sommes intermédiaires de l’emploiet devons donc en permanence faire ladémonstrationque l’onpeut rendre employa-ble chacune et chacun», ajoute Abdel Aïssou.On imagine que l’argument a dû être utilisépour tenter de convaincre les réticents à unetellepolitique.«Detoutefaçon,aucuneentre-prise ne pourra faire l’économie de se poser laquestion de sa responsabilité sociétale, pour-suit-il.Ne serait-ce que parce qu’il y a des obli-gations légales. »p

François Desnoyers

E n2012, enFrance,unquartdessalariésétaientemployéspardes groupesmultinationaux. Le travail transfronta-lier se développe. Aussi, la langue de travail, en France,

n’est souvent plus le français,mais l’anglais.L’article L.1221-3 du code du travail requiert néanmoins que

lecontratdetravailsoitrédigéenfrançais.Mais, lorsquelesala-riéestétrangeretsursademande, l’employeurdoitétablirunetraduction du contrat dans la langue du salarié. De même, lerèglement intérieur, ainsi que «tout document comportantdes obligations pour le salarié ou des dispositions dont laconnaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail»,doit être en français, selon le codedu travail.

En 2011, la Cour de cassation a ainsi déclaré inopposable àunsalariédesobjectifsdontdépendait lapartievariablede sarémunération, puisqu’ils avaient été rédigés en anglais. Seu-le exception jurisprudentielle : un arrêt de cettemêmeCour,pris en 2012, pour «les documents liés à l’activité de l’entrepri-se de transport aérien dont le caractère international impli-que l’utilisation d’une langue commune, et dès lors que, pourgarantir la sécurité des vols, il est exigé des utilisateurs, com-meconditiond’exercicede leurs fonctions, qu’ils soientaptesàlire et comprendre des documents techniques rédigés en lan-gue anglaise».

La Cour de justice de l’Union européenne a confirmé, le16avril 2013, que la défense et la promotiond’uneoudes lan-gues officielles d’unEtatmembrepeut constituerunobjectiflégitime justifiant l’entrave à la libre circulation des person-nes, que constitue la rédaction du contrat de travail dans lalangue nationale.Mais «une réglementation d’un Etat mem-bre (…), qui permettrait en outre d’établir une version faisantfoi de tels contrats également dansune langue connuede tou-tes les parties concernées, seraitmoinsattentatoire à la libertéde circulation des travailleurs que la réglementation en causeau principal».

Le législateur français devrait donc, enprincipe, amender lecode du travail : le contrat devrait pouvoir également être tra-duit dans une «langue connuede toutes les parties».

Il conviendra, en tout cas, de s’interroger, dans l’hypothèsed’un contentieux, si le salarié entre bien dans la catégorie destravailleurs transfrontaliers. Il faudra ensuite vérifier si la lan-gueutilisée était «suffisamment connue»du salarié pour queleconsentementàtelleoutelleclauselitigieusesoit«suffisam-ment éclairé».p

NewYorkCorrespondance

Les jeunesAméricainsde lagénération «millénium»des 18-29ans boulever-sent les codes du travail,avec lacomplicitéde leurs

parents. Des «moms and dads»très protecteurs que les expertsont rebaptisés«parentshélicoptè-res», car ils ont tendance à sur-veiller de près les progrès de leursprogénitures.

Ils les ont suivies à l’université.Etmaintenant que ceux-ci entrentdans le monde du travail, papa etmaman s’accrochent… Ils répon-dent avec enthousiasmeà l’invita-tion du New York Stock Exchangepourfaireuntourdelamaisonauxcôtésdesnouveauxembauchés.Etsont tout excités à l’idée de visiterLinkedIn, Logitech, Regus, Trulia…le 7novembre dans le cadre de lapremière journée «Bring in yourparents». Au grand dam des psy-chologues qui estiment qu’il esttempsde lâcherprise.

Neil Howe, président de Life-courseAssociates,lespécialistedeschangementsgénérationnels, a vuce phénomène émerger dix ansplus tôt dans l’armée : «Les ser-gents recruteurs s’arrachaient lescheveux quand ils voyaient lesmamans accompagner leurs fils àl’entretiend’embauche.»

Les cadresde l’armée, surpris, sesont d’abord fâchés, avant des’adapter. Les publicités des mari-nes aujourd’hui, signées «armystrong», conseillent aux jeunes dediscuter avec leurs parents d’uneéventuelle carrière sous les dra-peaux.«Iln’yaplusdegapgénéra-tionnel, analyseNeilHowe. Les jeu-nes d’une vingtained’années écou-tent la mêmemusique, portent les

mêmes vêtements que leursparents… Et, en fin de journée, ilsappellent lamaisonpour parler duchefde service.»

«Laissez-le tranquille»Jeffrey Arnett, psychologue de

l’universitéClark (Massachusetts),n’a pu que constater la proximitéentrejeunesadultesetparents.Unsondage réalisé auprès de 1000familles américaines montre que56% des parents sont en contactchaque jour oupresque avec leursenfants; les mères (67%) encoreplus que les pères (51%). Et quand

ces jeunes finissent leurs études,ils ont tendance à retourner à lamaison, avec la bénédiction desparents: 61%y sont favorables.

Faut-ilalorsprolongercettehar-monieuse relation enfants-parents jusqu’au bureau? Et lais-sermamanparler auchefde servi-ce?«C’estuneénormeerreur,s’em-porte Susan Smith Kuczmarski,professeur de la Kellogg School ofManagement, à l’université Nor-thwestern (Illinois). Le travaildevrait être une relation exclusiveentre employeur et jeune adulte.Parents et enfant ont besoin de se

détacher.Votreadolescentasespro-pres idées, laissez-le tranquille.»

Les professionnels des ressour-ces humaines citent ainsi un son-dage réalisé en 2007 par laMichi-gan State University auprès de700employeurs.Cetteétuderévè-le que 31% des intéressés ont reçudes curriculumvitae envoyés parles parents, 26% ont entendu lesparents vanter les qualités dejunioret4%sesontmêmeprésen-tés aux entretiens d’embauche!«Lesrecruteursrésistentlepluspos-sible», assure Neil Howe. «Maisnous savonsaussi que les jeunes les

plus intelligents et les plus créatifssontprochesdeleursparents.Onnepeutpas les éviter», conclut-il.

Certains groupes ont donc déci-dé de se présenter sous leurmeilleur jour auxparentsdes sala-riés.LegéantGoogleaainsimissurorbite une porte ouverte auxfamilles aumois demai. LinkedInet quelques autres compagniesamies ont pris date le 7novembre,dans lesbureauxdequatorzepays.«Ce sera un jour amusant pour seretrouver ensemble et faire com-prendre aux parents ce que fontleurs enfants », promet GrantGreenberg, porte-parole de Regus,l’unedesentreprisesparticipantes.

Enterprise Holdings, le loueurde voitures, est sur la même lon-gueur d’ondes. «Depuis deux ans,nous avons constaté que les jeu-nes diplômés restent chez leursparents plus longtemps. Cesparents sont devenus des amis enqui ils ont confiance», expliqueLisaMartini,porte-paroled’Enter-prise Holdings. Quand la sociétéoffre un emploi à une nouvellerecrue, elle prend soin d’envoyerdes informations aux parents.

Le courtier d’assurances Nor-thwestern Mutual va encore plusloinavec les famillesdeses jeunesstagiaires. Des notes sur les pro-grès réalisés leur parviennent, lesemplois proposés leur sont expli-quésendétail. Lesparentss’impli-quent. Et le moral des jeunes ygagne. Leur travail aussi : depuis2007, le nombre des stagiairesayant atteint leurs objectifs deventes a cru de 40% chez Nor-thwestern Mutual. Et conseilléspar leurs aînés, ils comprennentmieuxlesplansderetraiteetassu-rance-santédeleurnouvelleentre-prise.MerciMom!p

CarolineTalbot

F rançois est sorti déprimé desonentretienannueld’évalua-tion. Il a bien «performé», lui

aditsonsupérieur.Maisildevrafai-re +20% en 2014. Comme sa collè-gueAnne,Françoisestimequec’estmission impossible. Mais il vadevoir«sedonneràfond»,«êtreungagnant». Combien sont-ils, lesFrançois et Anne, sommés de fairetoujours plus et mieux ? Leurangoisse, c’estde fairemoinsbien.

En nous enjoignant en perma-nencede «faire les bons choix», denous «maintenir dans la course»,cette mécanique insidieuse de laperformance nous stresse et nousétouffe. Pire : elle nous isole. Onhésiteà confier sesdifficultés.Unecolère contre nous-même émergeparcequenousn’arrivonspasàfai-re aussi bien que le voisin. Cetteimportance donnée à l’apprécia-tion extérieure empêche de seconstituer un regard intérieurbienveillant. Connaître ses forceset ses faiblessespermetde trouverplus facilement des solutions.Mais aussi d’anticiper, de faire lesbons choix. Il est temps de dépas-ser le jeu du fort et du faible pourse rencontrer sur un même ter-rain: celui où chacun, à sa maniè-re, souffred’être fragile.

Nos désillusions nous appor-tent sur un plateau la possibilitédepartagernotrefragilité.«Reven-diquons-la. Nous devons préservernotre fragilité commenousdevonssauver l’inutile. L’inutile, parcequ’il nous sauve du simple calculproductif, devenumaître dumon-de. La fragilité, parce qu’elle nousrapproche les uns des autres, alorsque la force a suffisamment prou-vé combien elle nous éloigne»,écrit Jean-Claude Carrière (Fragili-té, Odile Jacob, 2007). p

Sophie Péters

L’HOMME DE LA SEMAINEEngagépourl’égalitédeschances,ceténarqueporteladiversitéaucœurdelapolitiqueRH

AbdelAïssou,directeurgénéraldeRandstadFrance

LECOINDUCOACH

Performanceetsouffrance

management

LesjeunesAméricainsinvitentmamanaubureauQuandla«mom»surveille lacarrièredesesenfants jusquedans l’entreprise, lesmanagers s’adaptent

2013Reçoit le «prix du dirigeant» à la8eédition des Trophées de la diversité.

2011Randstad France reçoit le labeleuropéenEgalité professionnelle (GEES).

2009Randstad France reçoit le labelDiversité.

2007Rejoint Randstad en tant quedirecteur général délégué chargédes ressources humaines.

DR

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Page 33: Le Monde - 8 Octobre 2013

idées

Confiscation | par STEVE SACK

La France a de belles grandes entreprises :40 se classent dans les 500 premièresmondiales, contre 39 allemandes. Elle estégalement riche de PME. Mais elle man-que d’entreprises de taille intermédiaire(ETI), catégorie qui regroupe les entrepri-

sesde50millionsà1,5milliardd’eurosdechiffred’af-faires. Les statistiques sont alarmantes pour notrepays: 4600ETI en France contre 12500 en Allema-gneet 10000auRoyaume-Uni.

Etsi cetteanémierésultaitavanttoutde lamaniè-re dont l’Etat perçoit les entreprises familiales, quiforment le gros du bataillon des ETI? A leur égard,lesdécideurspolitiquesont longtempshésité entreméconnaissance et a priori idéologique. Récem-ment encore, un ministre proposait de distinguerles «entrepreneurs qui prennent des risques» des«héritiers de papa-maman». Cette conception a puêtre partagée un temps au niveau mondial. Avecl’émergence des marchés financiers, le modèleactionnarial etmanagérial de l’entreprise familialeconstituait une incongruité au regard de la recher-che de l’efficacité à court terme imposée par lapublication de résultats en continu ou de la pres-sion d’actionnaires financiers.

Tel n’est plus le cas, comme en témoigne le PrixNobel d’économie 2006, EdmundPhelps, selon qui« le court-termisme a nui» là «où les dirigeants onteu trop de pouvoir par rapport aux propriétaires».

De fait, de nombreux économistes s’intéressentdésormais aux entreprises familiales et soulignentleurperformance.DansuneétudemenéeenFranceen 2012 auprès de 230dirigeants, le cabinet PwC aconstaté que la grande majorité des entreprisesfamilialesontaffichéunecroissancedechiffred’af-faires de 5% à 10%, bien supérieure à la moyennenationale. Et une étude de la banque Oddomontreque, sur quinze ans, les résultats des entreprisesfamiliales cotées sont de plus de 40% supérieurs àla croissance du marché boursier dans les princi-paux pays européens.

Efficaces, lesETI familialessontaussiutilesà leurenvironnement. Elles forment l’ossature économi-que des régions : 65% de leurs sièges sociaux sonten province. Entre janvier2012 et avril2013, les ETI–dont plus de 80% sont familiales– ont été la seulecatégorie d’entreprises qui a embauché :180emplois créés sur la période pour 100emploissupprimés.

Commentexpliquercetteréussite?Unentrepre-neur a une idée qu’il développe. Mais pour allerplus loin,construireunemarque,acquériruneposi-tionforteà l’exportation, lancerdescyclesd’innova-tion, monter en gamme, il faut diriger l’entreprise

avec une perspective de long terme. Quand il a cethorizon,unchefd’entrepriseestprêtàaccepterunerentabilité initiale faible, à réinvestir, à consacrerles efforts nécessaires à l’exportation. Par construc-tion, les entreprises familiales s’inscrivent dans celong terme.

Or la France n’a pas le culte de l’entreprise delong terme. Si elle se passionne pour les technolo-gies, elle s’intéresse trop peu à la construction demarquesmondiales. C’est un tort que nous payonschèrement! Le doublement des droits de succes-siondécidé en 1983 a eupour effet collatéral de ren-dre impossibles pendant vingt ans les transmis-sions d’entreprises familiales de l’après-guerre,entraînantdescessionsmassivesdontnousvoyonsencore les traces.

Dans notre rapport –«Les entreprises familialesau service de la croissance et de l’emploi» (InstitutMontaigne, septembre2013)–, nous faisons dix pro-positions pour reconstruire un «Mittelstand» à lafrançaise. Pour cela, notre pays a impérativementbesoinde créer un écosystème favorable à ses entre-prises familiales.

Horizon de tempsL’un des verrous principaux reste la transmis-

sion d’entreprise. En France, seulement 14% desentreprises familiales sont transmises, contre 51%enAllemagneet70%enItalie. L’Etatdoitveillerànepasbloquerartificiellementles transmissionsd’en-treprises et à ne pas déstabiliser leur actionnariat,au risque de provoquer des ventes forcées. L’enjeuéconomique est majeur car sont en jeu190000entreprises qui devront se transmettre, sevendreoudisparaîtred’ici à 2020.Malgré lespactesDutreil –qui offrent un abattement d’impôts auxactionnaires qui s’engagent à ne pas vendre leursparts pendant deux ans en vue d’une transmis-sion–, la transmission reste plus complexe et coû-teuse que chez nos voisins européens. Et l’impôt desolidaritésur la fortune(ISF)sur lespartsd’entrepri-se déstabilise l’actionnariat familial, au risque depousser les entreprises à la vente.

Nous proposons de créer un «Pacte+» exoné-rant la transmission des parts d’entreprise, à l’ins-tarde l’Allemagne,de laGrande-Bretagneoudel’Ita-lie, en contrepartie d’une détention allongée à dixans des titres sociaux.

Une entreprise ne peut avoir une vision de longterme que si elle s’appuie sur un actionnariat quipartage cet horizon de temps. Nous proposons decréer un «statut de l’investisseur de long terme»,qui étende le régime de l’outil de travail du diri-geant à l’ensemble des actionnaires – familiaux,salariés ou tiers– à condition, là aussi, qu’ils s’enga-gent à détenir les titres pendant aumoins dix ans.

Les pouvoirs publics doivent comprendre que lafiscalité du patrimoine ne doit pas avoir pour effetindésirable de détruire nos entreprises les plus pro-metteusesenlespoussantà lavente.Le«Pactes+»etle «statut de l’investisseur de long terme» ont pourmérite de neutraliser ces effets nocifs pour notreappareil productif et notre tissu industriel.

Pour l’Etat commepour l’entreprise, le redresse-ment productif ne passera que par un écosystèmefavorableau long terme. Les grands arbres ne pous-sent pas en un jour. p

La crise a révélé les excès d’unmodèle d’entreprise fondéessentiellement sur la dimen-sionégoïstedel’investisseuroude l’entrepreneuret lamaximi-sation de leurs gains. Il existe

un autre modèle, reposant sur l’altruis-me: les«entreprisessolidairesdedévelop-pement»,dontlaréussitesemesureàl’au-ne de leur impact dans la lutte contre lapauvreté, la précarité et l’exclusion, et oùl’essentiel, voire la totalité des profits estréinvesti dans l’entreprise pour en accen-tuer l’impact social.

Dans les pays en développement, lesopportunitésdebâtir de telles entreprisesnemanquentpas, qu’il s’agisse de donnerauxplus pauvres accès aux biens et servi-cesessentiels– lanourriture, l’eau, le loge-ment, l’énergie, la santé, l’éducationou lesservices financiers – ou de développer àleurprofitdeschaînesdevaleur inclusive.

Plus encore que dans l’entrepreneuriatclassique,lesuccèsdesentreprisessolidai-resdedéveloppementreposesurl’innova-tion: elles inventent dans les modes deproduction, de distribution et de finance-ment,pourmettreproduitsetservicesà laportée des plus défavorisés tout en assu-rant leur équilibre économique ; ellescréent des formes juridiques nouvelles etdes mécanismes originaux de partage dela valeur ajoutée pour associer les acteurslocaux dans une véritable co-création.S’inscrivant dans une perspective à longterme, elles requièrent des entrepreneurstenaces et des investisseurspatients.

De telles entreprisesontdéjà été crééespardegrandsgroupes industrielsdans lesmétiers où ils excellent. Allant trèsau-delà de leur responsabilité sociale etenvironnementale (RSE) traditionnelle,ces groupes investissent leurs capacitésd’expertise et de management et leurréputationpour fairede ces coentreprisesdes prototypes susceptibles de grandir etde se répliquer.

Parallèlement, le secteur de la phi-lanthropie évolue d’une logique tradi-tionnellededonversuneapprocheentre-preneuriale. Ainsi, les grandes fonda-tions américaines peuvent investir enfondspropresdansdesentreprisesà fina-lité sociale, au lieu d’offrir des subven-tions à fonds perdus.

Certainesorganisationsnongouverne-mentales évoluent également vers unmodèle de «social business», en logeantdansdesentreprisesdontellesdétiennentla majorité du capital tout ou partie desactivités économiques qu’elles ont étéamenées à créer pour répondre auxbesoinsdespopulations les plusdéfavori-sées.

Les acteurs publics du développementsontégalement intéresséspar les effetsdelevier et d’entraînement que recèle lemodèle de l’entreprise solidaire de déve-loppement. Témoigne de cet intérêt l’ac-cordrécemmentpasséentrel’agenceamé-ricaine d’aide au développement, Usaid,et le professeur Muhammad Yunus envue de promouvoir le «social business»dansdes pays endéveloppement.

Au travers de ces nouvelles formes deRSE,dephilanthropieetdepolitiquepubli-que, se dessineunnouveauparadigmedepartenariat entre les grandes entreprises,les fondations, les organisationsnon gou-vernementaleset le secteurpublic, au ser-viced’undéveloppementdurable et équi-table.

Pouren libérer tout lepotentiel, encorefaut-il lever des obstacles, créer des outilset dissiper certaines craintes.

Lever des obstacles : les fonds d’épar-gne salariale solidairenepeuvent investiractuellement que dans des entreprisessolidaires établies sur le territoire natio-nal.Lacréationd’unlabel«entreprisesoli-daire de développement» permettrait àces fonds d’investir également dans dessociétés poursuivant unemission socialede lutte contre la pauvreté et l’exclusiondans les pays endéveloppement.

Créer des outils : les agences et les ban-ques de développement savent investiren fonds propres à condition de dégagerune rentabilité qui n’est pas très différen-te de celle attendue d’un fonds d’investis-sement en entreprises («private equity»).Il est temps de compléter la boîte à outilsdu développement en y introduisant unecapacité d’investissement sans but lucra-tif ou un instrument de garantie partielleencapitalaubénéficedesentreprises soli-daires de développement ou des fondsd’investissementspécialisés.

Dissiper les craintes ou les procès d’in-tention sur le thèmedu «socialwashing»(c’est-à-dire l’achat à peu de frais d’une«bonne conscience» sociale) : la créationdu label «entreprise solidaire de dévelop-pement», évoqué précédemment, l’adhé-sion à une charte publique définissant lamission sociale ainsi que les indicateursde suivi, l’obligationde se soumettre à unaudit périodique de l’impact social desprojets, sont autant de dispositions denature à prévenir les procès d’intentionque pourrait susciter l’implication desgrands groupes dans les problématiquesdudéveloppement.

A la «main invisible dumarché» chèreà l’économiste Adam Smith (1723-1790),substituonslamainbienvisibledel’entre-preneuriat solidaire, conduite par uneintention sociale explicite agissant sur lemodede lacoopérationdetous lesaltruis-mes, plutôt que sur celui de la confronta-tionde tous les égoïsmes. p

SI ELLEPASSIONNEPOUR

LES TECHNO-LOGIES,

LA FRANCES’INTÉRESSETROP PEU À LACONSTRUC-TION DEMARQUESMONDIALES

S’inscrivantdansuneperspectiveàlongterme,lesentreprisessolidairesdedéveloppementrequièrentdesentrepreneurstenaces

etdesinvestisseurspatients

¶Jean-Luc Perronest vice-président dela plateforme de réflexionConvergences, destinée à établirde nouvelles convergencesentre acteurs publics, privés etsolidaires pour promouvoirles Objectifs duMillénaire pourle développement et luttercontre la pauvreté et la précarité

L’entrepreneuriatsolidairecommemodèleéconomiqueDesmodesdeproductionetdegouvernanceinnovants

ClaudeBébéarInstitutMontaigne

Philipped’OrnanoSisley

Jean-LucPerronFondation Grameen Crédit agricole

Paru dans «Star Tribune», Etats-Unis © [email protected]

¶Claude Bébéarest présidentde l’InstitutMontaigne.Philipped’Ornano,président de Sisley,a dirigé le groupede travail«Les entreprisesfamiliales au servicede la croissanceet de l’emploi»

Pourun«Mittelstand»àlafrançaiseFavoriser latransmissiond’entreprises

D’AUTRESDÉBATSSURLEWEB

a «Formation professionnelle: il faut en finir avec l’obligation légale de “formeroupayer”»,ArnaudChéron, directeurdupôle de rechercheen économiede l’Edhec.a «L’OpenData, laministre de la santé n’en veut pas», Initiative transparence san-té, collectif d’associations, d’entreprises et de chercheursœuvrantdans le domainedela santé (www.opendatasante.com).a «L’Irlande,modèle de réussite pour les politiques d’austérité? Pas si sûr…»,YannickCabrol, EconomicDevelopmentOfficer auWaterfordCountyCouncil(Irlande), AodhQuinlivan,maître de conférences en sciencespolitiques à l’UniversityCollegedeCork (Irlande).

110123Mardi 8 octobre 2013

Page 34: Le Monde - 8 Octobre 2013

12/LEMONDE/MARDI 8 OCTOBRE 2013 REPRODUCTION INTERDITE

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les oFFRes D’eMPloi

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La FaCULTÉ de MÉdeCINe eTLes HÔPITaUX UNIVeRsITaIRes de GeNÈVe

ouvrent une inscription pour un poste de

PROFesseUR ORdINaIRe OU assOCIÉeT MÉdeCIN CHeF de seRVICe

d’aNesTHesIOLOGIe (H/F)Il s’agit d’un poste hospitalo-universitaire incluant une fraction deposte professoral s’ajoutant à une charge complète de médecin chefdu Service d’anesthésiologie. Ce poste est rattaché au Départementd’anesthésiologie, pharmacologie et soins intensifs des HôpitauxUniversitaires de Genève et de la Faculté de médecine.

Les candidats doivent avoir une expérience clinique solide enanesthésiologie ainsi que des qualités reconnues d’organisateur etde leadership pour diriger un grand service. Une capacité à dirigerdes recherches de haut niveau dans un des domaines de l’anesthé-siologie, ainsi que des compétences reconnues à enseigner auniveau prégradué et postgradué sont également requises.

Ils doivent faire preuve d’une capacité à tisser des liens avec lesservices partenaires dans le cadre d’une mission transversale.

TITRe eT eXPeRIeNCe eXIGÉs : Doctorat en médecine et spécialisationen anesthésiologie ou titre jugé équivalent. Expérience de directionde recherches et de l’enseignement. Publications dans des revuesinternationales.

eNTRÉe eN FONCTION : 1er octobre 2014 ou à convenir.

Directives pour constitution dossier : [email protected]

Inscription en ligne obligatoire avant le 15 octobre 2013 sur :

http://www.unige.ch/academ

+ envoi du dossier de candidature auDoyen de la Faculté de médecine, Université de Genève,

CMU, 1, rue Michel-Servet, CH-1211 Genève 4

Dans une perspective de parité,l’Université encourage les candidatures féminines.

UTTUniversité

de technologiede Troyes

L’UTT, grande école d’ingénieurs, cherche son (sa)

Directeur(trice) desRelations InternationalesMaster ou + avec expérience significative dans le domaine des relations internationales

Vos missions : Vous participez à la définition et à l’élaboration d’un plan stratégique desrelations internationales pour les 10 ans à venir, en liaison avec les objectifs de l’établisse-ment. Vous mettez en œuvre la politique de coopération européenne et internationale del’établissement, en lien et en appui aux programmes d’enseignement et de recherche. Vousproposez et établissez le budget dédié. Vous êtes membre du comité de direction.

Activités :< Assister et conseiller le comité de direction sur la stratégie de coopération internationale< Organiser la concertation et la réflexion sur le développement de nouveaux programmes< d'enseignement et sur les actions à mener en vue d’optimiser les programmes existants< Réunir et animer le comité stratégique de coordination des relations internationales< Impulser et organiser une veille sur les dispositifs européens et internationaux existants< dans le domaine de la recherche et de l’enseignement, diffuser l’information sur la< coopération internationale< Entretenir et renforcer les réseaux professionnels< Coordonner les actions menées par l’UTT en matière de relations internationales pour< le groupe des Universités de Technologie (UTSEUS…)< Développer et coordonner les manifestations internationales : colloques, séminaires,< accueil de délégations…< Instruire et suivre les dossiers de candidature et d’évaluation des actions spécifiques< de coopération

Vous maîtrisez l’organisation de la recherche et de l’enseignement supérieur français ainsique des principaux systèmes internationaux et communautaires. Vous avez une excellentemaîtrise du management interculturel et de la conduite de négociations à l’international.Vous maîtrisez parfaitement le français et l'anglais à l'oral comme à l'écrit, la connaissanced'une autre langue serait un plus. L’activité demande une grande disponibilité et requiertdes déplacements fréquents en France et à l’étranger.

Merci d’adresser votre candidatureau plus tard le 18 octobre 2013à Mme Eva Zanczak, Direction desRessources Humaines, par courrielexclusivement à [email protected]

Au coeur de l’Aube en Champagne, Troyes vousaccueille dans un environnement privilégié tantpar la qualité du cadre de vie que par la richesseet la variété de son patrimoine.

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Le Conservatoire national des arts et métiers, grand établissementd’enseignement supérieur et de recherche dédié à la formation tout au longde la vie,

recrutedeuxprofesseurspour sondépartementÉconomie, finance, assurance, banque :

• un professeur (H/F) du Cnam pour la chaire d'assurances,

• un professeur (H/F) du Cnam pour la chaire de finance d’entreprise.

Pour chacun des postes,le candidat sera :

• soit un universitaire ayant prouvésa connaissance des métiersconcernés (des expériencesopérationnelles en entrepriseou des missions d’expert et/oude conseil à haut niveau serontparticulièrement appréciées) ;

• soit unprofessionnel expérimentéayant prouvé son intérêt pourl’enseignement supérieur et larecherche.

Missions principales :

• développer les formations existantes etélaborer de nouveaux enseignements ;

• animer l’équipe pédagogique etcoordonner les formations développéesauseindes centres régionauxduCnam ;

• promouvoir les activités de recherche.

Lescandidaturesdevrontêtreadressées,dansundélaidehuit semainesàcompterde la publication de l’avis au Journal officiel (le cachet de la poste faisant foi), à

Monsieur l’administrateur général du Cnam,direction des ressources humaines, Case 4DGS03,292, rue Saint-Martin - 75141 Paris cedex 03.

Se reporter à la publication au JO du 14 septembre 2013.

Pour en savoir plus :efab-ms.cnam.fr

La Fondation deRothschild,créée en 1852,reconnue d’utilitépublique, gère13 établissementsmédico-sociaux etsanitaires,

recherche pourl’EHPAD deMONTREUIL (93)(80 lits)

Un Directeurd’établissement (H/F)Sous la responsabilité hiérarchique de la DirectriceGénérale de la Fondation de Rothschild, vous serezchargé de mettre en œuvre :• conjointement avec la DG, les orientations straté-giques de l’établissement définies par le Conseild’Administration • l’élaboration, l’application et ledéve loppemen t du p ro je t d ’é tab l i s semen t• une gouvernance harmonieuse entre les différentsacteurs (médical, paramédical et administratif) • êtreforce de proposition pour la mise en place de projetsconcernant l’établissement • participer à la gestionde dossiers transversaux de la Fondation • s’assurerde l’appl icat ion des disposi t ions légales etrég lementa i res pour le fonc t ionnement del’établissement • satisfaire aux demandes des auto-rités de contrôle après validation par la DirectionGénérale.

De formation bac +5, vous possédez le CAFDES et jus-tifiez d’une expérience dans le secteur médico-social.Doté(e) d’un excellent sens du relationnel, vous serezforce de proposition et aurez un rôle de conseil sur lapréconisation d’évolution de l’établissement,aussi bienen terme d’outils que de méthodes. Très disponible,autonome, organisé, avec une forte capacité de travail,vous vous adaptez rapidement aux changements.

Merci d’adresser votre candidature parmail : [email protected]

>Education,Dirigeants,Finance

Page 35: Le Monde - 8 Octobre 2013

REPRODUCTION INTERDITE LEMONDE/MARDI8OCTOBRE2013/13

L’OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTIONDES REFUGIES ET APATRIDES

(OFPRA)recrute

10 officiers de protectioninstructeurs

Descriptif du poste : Instruction de dossiers de demande d’asile,audition des demandeurs et rédaction de projets de décisionmotivés en droit et en fait. Recherches géopolitiques et veilledocumentaire sur les pays d’origine.

Profil : Master, I.E.P.Statut du poste : CDD de 3 ans renouvelable.Date de disponibilité : 2 janvier 2014.

Les dossiers de candidature comprenant une lettre de motivationet un curriculum vitae détaillé devront être adressés, pour le11 octobre 2013, par voie postale ou par courrier électroniqueaux adresses suivantes : OFPRA - Chef du service des ressourceshumaines - 201, rue Carnot - 94136 Fontenay-sous-Bois [email protected]

Plus d’informations sur l’OFPRA: www.ofpra.gouv.fr

Plus d’ infos sur www.hrw.org/jobs

Date limite de candidature :vendredi 18 octobre 2013

Human Rights Watch lance unappel à candidatures pour leposte de Directeur exécutif adjointen charge du plaidoyer.

ARRETE DU 3 SEPTEMBRE 2013PORTANT OUVERTURE EN 2014

D’UN CONCOURS EXTERNESUR TITRE AVEC EPREUVES:

CONCOURSD’EDUCATEUR TERRITORIAL DE JEUNES ENFANTS

Par arrêté du Président du Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale desPyrénées-Atlantiques en date du 3 septembre 2013, un concours externe sur titreavec épreuves d’EDUCATEUR TERRITORIAL DE JEUNES ENFANTS est organisépar le Centre de Gestion des Pyrénées-Atlantiques en 2014 en convention avec lesCentres de Gestion de la Creuse (23), de la Dordogne (24), de la Gironde (33),des Landes (40) et de Lot-et-Garonne (47).

NOMBRE DE POSTES : 30 postes.

CONDITION D’ACCES AU CONCOURS EXTERNE : être titulaire du diplôme d’Etatd’éducateur de jeunes enfants ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent dans lesconditions prévues par le décret du 13 février 2007 modifié relatif aux équivalencesde diplômes requises pour se présenter aux concours d’accès aux corps et cadresd’emplois de la fonction publique.

CONCOURSDE PUERICULTRICE TERRITORIALE DE CLASSE NORMALEPar arrêté du Président du Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale desPyrénées-Atlantiques en date du 3 septembre 2013, un concours externe sur titreavec épreuves de PUERICULTRICE TERRITORIALE DE CLASSE NORMALE estorganisé par le Centre de Gestion des Pyrénées-Atlantiques en 2014 en conventionavec les Centres de Gestion de la Dordogne (24), du Gard (30), de la Haute-Garonne(31), de la Gironde (33), du Lot-et-Garonne (47), du Tarn (81) et de la Vienne (86).

NOMBRE DE POSTES : 26 postes.

CONDITION D’ACCES AU CONCOURS EXTERNE : être titulaire du diplôme d’Etat depuériculture.

CONDITIONS GENERALES D’INSCRIPTION :• être de nationalité française ou ressortissant d’un autre état membre de la com-munauté européenne ou d’un autre état partie à l’accord sur l’espace économiqueeuropéen. Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne oud’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen autre que laFrance ne peuvent occuper un emploi dont les attributions ne sont pas séparablesde l’exercice de la souveraineté ou comportent une participation directe ou indirecteà l’exercice de prérogatives de puissance publique ;• remplir les conditions générales d’accès à la Fonction Publique.

EPREUVE ECRITE : en principe le 4 FEVRIER 2014 dans l’agglomération paloise oubayonnaise.

EPREUVE ORALE : en principe en MAI 2014 dans l’agglomération paloise.

RETRAIT DES DOSSIERS DE CANDIDATURE ET RENSEIGNEMENTS :du 22 OCTOBRE 2013 au 27 NOVEMBRE 2013 (minuit)• par Internet en téléchargeant le dossier sur le site www.cdg-64.fr,• par voie postale (le cachet de la poste faisant foi) auprès du Centre de Gestionde la Fonction Publique Territoriale des Pyrénées-Atlantiques - Maison desCommunes - Cité Administrative – CS 40609 – 64006 PAU CEDEX (joindre uneenveloppe au format A4 affranchie au tarif en vigueur pour un envoi de 250 g etlibellée aux nom et adresse du candidat),• au CDG 64.

DEPOT DES CANDIDATURES : Les dossiers de candidature doivent être complétés,signés et renvoyés au plus tard le 5 DECEMBRE 2013 à minuit (le cachet de laposte faisant foi) au Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale desPyrénées-Atlantiques - Maison des Communes - Cité Administrative –CS 40609 - 64006 PAU CEDEX – Tél. : 05.59.84.59.45.

L’Oise, le département pionnier !

Directeur Exécutif h/f - Réf. 082/CG60/DESous l’autorité du Président et du Directeur du SMOTHD, vous coordonnez et contrôlez les services du Syndicat, proposez et impulsez les orientationsstratégiques, suivez l’ensemble des contrats passés avec les prestataires de services et gérez l’ensemble des moyens alloués. Bras droit du Directeur,vous assistez le Président, le Comité syndical et le Directeur général pour la définition des axes stratégiques. Garant de la mise en œuvre des décisionsprises, vous supervisez la gestion administrative, budgétaire et des ressources humaines, traduisez les orientations du Syndicat en projets de service,suivez et analysez les données d’activité du Syndicat et proposez des axes d’évolution. En parallèle, vous organisez, préparez, suivez et exécutez lesdélibérations des comités syndicaux, mettez en place l’organisation administrative et budgétaire, veillez à la qualité juridique des actes syndicaux,préparez et exécutez le budget, animez une équipe composée de 9 agents.

Issu de la filière administrative ou technique, vous avez le goût du challenge et de l’inventivité. Idéalement, vous avez des connaissances techniquesdans le domaine des réseaux de communication électronique et savez ce que procédures administratives et commande publique signifient. Reconnupour votre talent d’organisateur et votre leadership, rompu au management, vous savez responsabiliser. Force de proposition, vous mettez en avantune expérience réussie dans la conduite de projets innovants.

Responsable Administratif et Financier h/f - Réf. 083/CG60/DAFSous l’autorité du Directeur Exécutif, vous êtes le garant du bon fonctionnement des domaines suivants : gestion budgétaire et comptable, suivi desdossiers de financement, pilotage des DSP de télécommunications électroniques, relations publiques, gestion du personnel et commandes publiques.A ce titre, vous êtes chargé :• d’élaborer et de gérer le budget du syndicat, des business plans, tableaux de bords… ;• de veiller à la gestion de la trésorerie, la réalisation des subventions et participations financières attribuées ;• de suivre l’ensemble des dossiers de financement, dont les conventions avec les adhérents (département, communes et EPCI) et la réalisation des

opérations financières et comptables ;• de gérer la coordination et le secrétariat du comité et du bureau syndical ;• de contribuer au pilotage financier des délégations de service public pour l’exploitation des réseaux de télécommunications électroniques ;• d’assurer les relations publiques du syndicat, de la gestion du personnel et de la commande publique ;• d’animer une équipe de 2 experts.

Diplômé de formation supérieure, vous maîtrisez la gestion d’entreprise privée (SPIC et régime de la TVA, suivi des délégataires de services publics).La connaissance de la gestion publique (budgétaire, comptable, emprunts, statuts et rémunérations des personnels, commande publique) n’est pasindispensable car votre curiosité intellectuelle vous permettra de vous y investir. Doté d’un vrai sens relationnel, force de proposition, vous apportezdes conseils et des solutions. Homme de projets, vous êtes de ceux qui aiment donner une dimension responsable à leur mission dans une structureà haute valeur ajoutée.

Pour ces postes statutaires ou contractuels basés à Beauvais (60),adressez votre candidature à notre conseil :[email protected] sous la réf. du poste choisi.

Dans le cadre de l’aménagement et du développement économique du territoire, le Syndicat Mixte Oise Très Haut Débit(SMOTHD), créé en mai 2013, exerce la coordination et le suivi de l’établissement des infrastructures et réseaux publics/privés de télécommunication.

Au-delà de la compétence du service public des réseaux locaux de communications électroniques, le SMOTHD metà disposition de ses adhérents la mise en œuvre d’un système d’information géographique et le développement dese-services auprès des administrations et des administrés.

La Cour internationalede Justice à La Haye (Pays-Bas)recrute

des Référendairesauprès des juges de la Cour(classe P-2).

La date limite d’envoi des candidatures est le 23 octobre 2013.

Le français et l’anglais sont les deux langues officielleset de travail de la Cour.

Pour tous renseignements complémentaires, veuillezconsulter le site internet de la Cour : www.icj-cij.org

« 7e département deFrance (1 500 000habitants, 894 communeset 1,641 Mrd d’€ debudget). »

Envie de (re) donner dusens à votre carrière enalliant pratique médicale etlien social ?Vous souhaitez exercer vostalents dans le cadre demissions diversifiées, nousmettons à votre disposition desmoyens matériels importants.

Pour son Pôle Solidarités, le Conseil Général duPas-de-Calais (à 50 mn de Paris) enTGV, recrute :

des médecins h/fsous différents statuts (titulaires ou contractuels)

• un chef de service départemental dePMI médecin généraliste ou spécialiste

(gynéco-obstétrique ou enpédopsychiatrie ou en santé publique)• un chef de mission planification et

éducation familiale(gynécologue-obstréticien ou

gynécologue médical….)• un médecin conseil en santé

publique (expérience et/ou formationen santé publique souhaitée)

• des médecins de PMI• un médecin du travail

Le Doctorat de médecine et le permis B sont indispensables.

Vous possédez une bonne connaissance de la législation sociale. Votre aptitude à piloterun projet et des qualités managériales sont des atouts supplémentaires pour certains deces postes.Régime de travail attractif : ARTT, pas d’astreinte ni de garde, horaires de bureau, tempsplein ou temps partiel (selon le poste).

Vous êtes intéressez pour intégrer le Pôle Solidarités ?Votre implication sera notre réussite.Renseignements et profils de postes détaillés disponibles sur http://www.pasdecalais.fr/cherche/emploi

Merci d’ adresser votre candidature manuscrite, accompagnée d’un CV détaillé à : M. le Présidentdu Conseil Général du Pas-de-Calais, DRH, Bureau des recrutements, Hôtel du Département,62018 ARRAS Cedex 9, avant le 31 octobre 2013 ou par messagerie à l’adresse suivante :[email protected]

Constructeur d’avenir

>Collectivitésterritoriales,International

La FaCULTÉ de MÉdeCINe eT Les HÔPITaUXUNIVeRsITaIRes de GeNÈVe eT LaUsaNNe

ouvrent une inscription pour un poste de

PROFesseUR ORdINaIRe OU assOCIeeT ResPONsaBLe de L’UNITe

de NePHROLOGIe PedIaTRIQUedes HÔPITaUX UNIVeRsITaIRes de

GeNeVe eT LaUsaNNe (H/F)Il s’agit d’un poste professoral incluant une charge complète de responsable del’Unité universitaire romande de néphrologie pédiatrique de la Suisse franco-phone. Cette position est rattachée aux Hôpitaux Universitaires de Lausanne etde Genève, ainsi qu’à la Faculté de médecine de l’Université de Genève et à laFaculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne.

Les candidats doivent faire preuve d’une expertise et expérience cliniquesimportantes dans le domaine de la néphrologie pédiatrique. Une capacité àdiriger des recherches de haut niveau ainsi qu’à enseigner au niveau prégra-dué et postgradué sont également requises.

Les candidats devront diriger des recherches spécifiques dans l’une despathologies de néphrologie, au plus haut niveau national et international,financées par des subsides de recherche compétitifs, et favorisant des colla-borations interdisciplinaires. Ils devront démontrer des qualités reconnuesd’organisation et de leadership, et faire preuve d’une capacité à tisser desliens avec les services partenaires dans le cadre d’une mission transversalesur l’arc lémanique et en particulier sur les sites Genevois et Lausannois.

TITRe eT eXPeRIeNCe eXIGÉs : Doctorat en médecine et spécialisation ennéphrologie pédiatrique ou titre jugé équivalent. Expérience de direction derecherches et d’enseignement. Publications dans des revues internationales.

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*daté mardi 15 octobre.

Page 36: Le Monde - 8 Octobre 2013

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S i l’onentendpar«crise» l’ensembledestensionsfinancièressusceptiblesdemena-cer l’édifice institutionnelde la zoneeuro

etde renforcer les tendancesdépressives, la cri-sede la zoneeuroest, aumoinsprovisoire-ment, terminée. Si l’onentendpar«crise» lecaractèrenon idéalde lagouvernanceenplaceet lapersistanced’unesous-performancemacroéconomique, la criseest largement là.

Alorsque la zoneeurose remettait àpeinedelagrave récessionde2008-2009, lamauvaisegestionde la crisede ladette souveraine l’aconsidérablementaffaiblie l’annéesuivante.Apartirde la fin2011, il est indéniableque laBan-quecentraleeuropéenne(BCE), seule institu-tionfédéraleopérationnellede la zone,a com-mencéàapporterdes réponsesplus convain-cantes, surtoutpar lebiaisde l’OMT(lapossibili-téd’achats illimitésd’obligationspubliquessouscertainesconditions)à l’été 2012. Le stresssystémiques’est ainsi réduit sur les comparti-mentsdemarchésdecapitaux lesplussensi-bles. Bref, laBCEa réduit les facteursd’«incen-die»et leurpotentieldecontagion.

D’autresaméliorationsen termesdegouver-nancese sontmises enplace (notamment lacréationduFondseuropéendestabilisation

financière–FESF–puisduMécanismeeuro-péende stabilisation–MES)etont contribuéàcombler lesdéficiencesantérieures,mêmesicelaest encore très loind’êtreoptimal. L’octroidedélais supplémentairespour le respectdesobjectifsde financespubliquesa aussidonnéplusdesouplesseauxpolitiquesbudgétaires.

Parallèlement, les ajustements«doulou-reux» (baissede lademande intérieure)etl’améliorationde la compétitivitédans lespaysattaqués (EuropeduSudet Irlande) leurontper-misde retrouverenmoyenne l’équilibredeleurbalancecourante.

Peut-ondirepourautantque la crisede lazoneeurosoit terminée?

Il restebeaucoupà fairepour laBCE. Le créditauxentreprisesest encore insuffisantdans laplupartdespays. Les tauxréels (notammentceuxproposésauxentreprises) enEuropeduSudsont tropélevés. L’euroeffectif réel a certeseffacéaucoursdesderniersmoisenviron lestroisquartsde labaisseenregistréedepuis ledébut2010.Mais laBCEdoit encoreconvaincrepar sondiscours et surtoutpar ses actesqu’elleestdélibérémentet durablementengagéedansunedémarcheaccommodante.Et contraire-mentà cequi est souvententendu, elledispose

encoredenombreuxmoyensd’intervention.Rappelonsqu’elle est la seulegrandebanquecentraledumondedéveloppéànepasavoirengagédevéritablequantitativeeasing (rachatmassifde titrespublics).

Au-delàde lapolitiquemonétaire, les autresavancéessont insuffisantes; il n’y ani trans-fertsbudgétairesentrepaysni coordinationdespolitiquesbudgétairesnationalesen fonc-tiond’unoptimumeuropéenpréalablementdéfini. Enmatièrebancaire, il subsistedenom-breuses lacunes (pasdepriseen chargecomplè-teducoûtdes crisesbancaires,ni de réellegarantiedesdépôtseuropéens…). La corrélationentre risquesouverainet risquebancairen’apassuffisammentbaissé sur lesmarchés.

Le«piège japonais»Lamarchevers la fédéralisationn’est, par

ailleurs,pasnécessairementoptimale.D’unepart, ledispositif institutionnelrisque

dedemeurerpendant très longtemps impar-fait, souvent fluctuantetparfoisparalysant.D’autrepart, le risqueestde tomberdans le«piège japonais»;nepas subirdecontrainteextérieure (commele Japondepuisvingtansgrâceà sonexcédent courant)pousseàvivre«sur ses acquis». Il estd’ailleursassez logiqueque lespolitiques français, après avoirprônél’euro il y avingt ans, conduisantainsi à suppri-mer la contrainted’équilibreexterne, cher-chentmaintenantàperpétuer leur immobilis-meà travers les eurobonds.C’est sansdoute cequ’a compris l’Allemagneetqui l’empêcheaujourd’huideprésenterdes initiativesplusambitieuses (unvéritable fédéralisme)enmatièred’Europepolitique.

Enfin,onconfond les conditionsdebon fonc-tionnementd’uneunionmonétaireavec lesavantagesque l’onsouhaite enobtenir: lafédéralisationnesignifieenaucuncasquecelle-ci seraoptimalepour chaquenationnipourl’ensemble.L’Uniondepayssous-performantsn’a jamaisdébouchésurunquelconqueopti-mum.Laprincipale illusionconcerneencoreaujourd’hui la croissancepotentielle futureetla capacitéde réassuranced’uneAllemagnequivaperdreplusieursmillionsd’habitantsd’ici à2050, àmoinsd’unchangementradical dans lanatalitéou les fluxmigratoires.

Leproblèmede la zoneeuron’estpasqu’ins-titutionnel. Lacroissancepotentielleest sansdouteaujourd’huiauplusbasdepuis 1945.Entre lepremier semestre2007et lepremiersemestre2013, l’investissementtotal a chutéde19%.Deuxpays-clés commel’Espagneet l’Italie(30%duPIBde la zoneàeuxdeux)ont connuunchocdépressifmassif sur cettepériode: –38%et–27%respectivement.

Fin2007, le ratiodette totale/PIB sesituait à236%pour l’ensembledespaysattaqués.Cinqansplus tard, il est à 291%.Rappelonsque lespressionsdéflationnistesrestent intensesdanslazone. Il estdoncpeuréalistedeparier sur lasoutenabilitédesdettesd’uncertainnombredepayssi la croissancenominale resteaussi fai-ble et les tauxd’intérêtaussi élevés. Leproblè-meplusgénéralde l’Europeest lemanquedepréparationauxexigencesde lamondialisa-tionetduvieillissement.Cen’estpas la fédérali-sationquiapporteraensoi les réponsesadap-téesà cesdéfis. Cen’estpasBruxellesqui appli-quera les réformesque lespaysneveulentounepeuventpasmettreenplace. p

J eudi 10octobre, c’est la Fête desvoisins…au travail. Unenouvel-le trouvaille d’Atanase Périfan,

l’inventeurde la Fête des voisins,événement français devenueuro-péen, puismondial, et grâceauquel les habitantsd’unmêmeimmeubleouquartier partagentboissons, quiches et tartesmai-son, chaquedernier vendredi dumois demai oupremierdumoisde juin.

Les voisins domestiques étantdésormais largement servis, pla-ce donc à la fête pour les voisinsdubureau. Un jeudi (et nonunvendredi) bien sûr. Pas questionquandmêmeque ces réjouissan-ces empiètent sur le départ enweek-end…Et, en octobre, quandchacun est encore plein d’allantet de bonnes résolutions.Unepériodepropice à la convivialitérecherchée.

Apéro, buffet, déjeuner oupetit déjeuner, tous lesmoyensseront bons pour inciter collè-gues de l’entreprise ou d’à côté àvenir festoyer. Pour créer desliens, bien sûr, et davantage desolidarité.D’autant que celle-ci seserait considérablementdégra-dée, selon 74%des personnes enactivités, interrogées par Viavoi-ce, en septembre.

L’enjeu est de taille, souligneM.Perifan. Tant vie privée et vieprofessionnelle s’interpénètrentdésormais. Les temps de travail

ne sont plus aussi délimités quedans le passé, depuis que les nou-velles technologies permettentde travailler en tout temps et entout lieu.

Vie de quartierLe vocabulaire s’uniformise

entre ces deux sphères. ChezBain,cabinetde conseil, le personneln’est pas regroupéphysiquementpar service, ou fonction,mais par«quartier». Pourque salariés etassociés, souventdispersés chezleurs clients, aient quandmêmele sentiment de revenir «chezeux» quand ils repassent aubureau. Pour «créer un sentimentd’appartenance», explique-t-onau cabinet.

Dansunmêmequartier seretrouventunevingtainede sala-riésd’âges,de formations,d’an-ciennetés,de spécialitésdifféren-tes.Unpeucommedans la vraievie, où il est rarequesonvoisin fas-se lemêmemétierque soi. La«viedequartier» est encouragée, sti-mulée.Chaquequartierdisposed’unbudgetpouracheterdescrois-santsun jour, oupourdéjeuner«entrehabitants», unautre.

«Onnepeut être heureuxdanssa vie si l’onn’est pas heureux autravail, et réciproquement», expli-queAtanasePérifan. Et dans cecas, la productivité s’en ressent. p

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L’ÉCLAIRAGE| CHRONIQUEpar Jean-Pierre Petit

Euro:unepanacéefédéraliste?

MA VIE EN BOÎTE | CHRONIQUEpar Annie Kahn

Voisindebureau

0123

¶Jean-Pierre Petit

est économiste etprésident de la

société de conseilLes Cahiers verts de

l’économie

LES INDÉGIVRABLES | par Xavier Gorce

14 0123Mardi 8 octobre 2013