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6 actualités Actualités pharmaceutiques n° 491 Décembre 2009 On a en effet déjà eu un exemple avec le partenariat signé entre Allianz et le Collectif des grou- pements. D’autres initiatives ne tarderont pas à voir le jour. AP : Vos hypothèses, en par- ticulier la création de sociétés de participation financière des professions libérales (SPF-PL), sont établies dans un contexte de capital détenu en totalité par les officiaux. Que se passerait-il en cas d’ouverture ? M. R. : Le rôle des SPF-PL est de permettre le transfert de sociétés par cession de parts sociales. Les pharmaciens restent aujourd’hui la seule profession à ne pas pouvoir bénéficier de ce système avanta- geux. Si les décrets les autorisant étaient publiés, cela permettrait d’alléger les trésoreries des entre- prises officinales en choisissant des options fiscales, mais surtout de permettre les cessions d’of- ficines (pour le vendeur) dans de meilleures conditions fiscales, avec une acquisition (acheteur) réalisée dans de meilleures conditions, ce qui faciliterait le rapprochement entre les jeunes et les anciens qui souhaitent partir à la retraite, et ainsi préserver le maillage territorial. En ville, où les pharmacies sont parfois en surnombre, les SPF-PL permet- traient leur regroupement, dans le cadre d’une fiscalité attrayante grâce à l’option de l’intégration fiscale. Dans l’hypothèse, improbable aujourd’hui, mais envi- sageable dans l’avenir, d’ouverture du capital à des non-pharmaciens, les SPF-PL pourront servir de protection à l’ouverture du capital des sociétés d’exploitation (SEL) et ainsi garder leur indépendance professionnelle. En effet, les inves- tisseurs entreront dans les socié- tés financières et jusqu’à 33 % de capital au maximum ; ils ne pour- ront pas interférer dans les déci- sions de la SEL puisque la minorité de blocage est fixée statutai re ment à 34 %. La pharmacie filiale restera donc indépendante, permettant de résister à l’ouverture du capital. Le débat n’est plus à l’ordre du jour, mais les SPF-PL apporteront un niveau supplémentaire de pro- tection au cas où. AP : Afin de répondre à leurs nouvelles missions, vous écri- vez que la taille des officines devra augmenter. Faut-il se préparer à la fermeture d’un certain nombre d’entre elles, comme le proposait l’ancien président du conseil national de l’Ordre des pharmaciens ? M. R. : La prise en charge de ces nouvelles missions se fera, initia- lement, à titre expérimental sur la base du volonta- riat. Elle sera poursuivie et étendue si les résultats sont probants. Il faut savoir que cela va permettre aux officines endettées de respirer. Par ailleurs, les jeunes sont très enthousiastes à l’idée que cette nouvelle pratique pro- fessionnelle soit plus valorisante. Effectivement, ces évolutions vont nécessiter une réorgani- sation des officines, notam- ment en milieu rural, car le pharmacien y connaît bien ses patients, passe avec eux un certain temps qui pourrait être utilisé pour l’entretien per- sonnalisé rémunéré. Il est donc envisageable que certaines officines se regroupent afin de disposer d’une taille critique, surtout en milieu urbain où le mètre carré supplémentaire est difficile à trouver et cher. Cependant, je ne pense pas du tout que cela puisse détruire 6 000 officines. Les structu- res qui seront le plus en diffi- culté avec ce nouveau modèle seront peut-être les officines discount , dont l’économie repose sur la maximisation des volumes pour soutenir leur marge faible. AP : Pour conclure, comment imaginez-vous la pharmacie française de demain ? M. R. : Je suis tout d’abord per- suadé que la pharmacie est un métier d’avenir. Le pharmacien est un véritable professionnel de santé, le plus proche de ses patients en raison du maillage démo-géographique, et il doit être en mesure de mieux les prendre en charge. Il a un rôle social et sociétal capital, et est en passe de devenir le poste de santé de proximité, la porte principale d’en- trée dans le système de santé. Son activité sera une dispensation du médicament plus dynamique, en relation avec les prescripteurs. La coordination des soins et les coopérations entre profession- nels de santé vont modifier nos méthodes de travail, mais éga- lement l’organisation et la prise en charge de la médication offi- cinale dans un véritable espace de soins, ainsi que les services à la personne, les actions de pré- vention et de dépistage. Il s’agit d’un repositionnement du rôle du pharmacien dans le système de soins plus professionnel de santé que jamais. Propos recueillis par Sébastien Faure Maître de conférences des Universités, Faculté de pharmacie, Angers (49) [email protected] Les pharmaciens vont devoir se former de manière très pointue pour répondre efficacement à leurs nouvelles missions. L’ Académie nationale de pharma- cie a tenu à rappeler, le 7 octo- bre 2009, lors d’une séance thé- matique, que le pharmacien tenait une place à part entière dans l’humanitaire. Or, rappelle-t-elle, « sur le site de Médecins du Monde, parmi les professions recherchées pour l’expatria- tion, le pharmacien est classé en “divers” » et à peine une centaine de pharmaciens humanitaires sont recensés en France. Pourtant, insiste-t-elle, seul le pharma- cien « peut assurer la continuité de la chaîne pharmaceutique garante de la qualité du médicament en situation de crise ». L’Académie nationale de pharmacie a donc proposé, à l’issue de la séance, de renforcer le rôle des pharmaciens dans les activités humanitaires et de développer une politi- que – de prix, d’investissements... – amé- liorant l’accès au médicament dans les pays en développement. E. D. Source Pharmacie humanitaire : les besoins, les réponses des entreprises du médicament, les réponses des praticiens, Séance thématique de l’Académie natio- nale de pharmacie, 7 octobre 2009. Profession Le pharmacien humanitaire a un rôle-clé © Fotolia.com/Beboy

Le pharmacien humanitaire a un rôle-clé

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6actualités

Actualités pharmaceutiques n° 491 Décembre 2009

On a en effet déjà eu un exemple avec le partenariat signé entre Allianz et le Collectif des grou-pements. D’autres initiatives ne tarderont pas à voir le jour.

AP : Vos hypothèses, en par-

ticulier la création de sociétés

de participation financière des

professions libérales (SPF-PL),

sont établies dans un contexte

de capital détenu en totalité par

les officiaux. Que se passe rait- il

en cas d’ouverture ?

M. R. : Le rôle des SPF-PL est de permettre le transfert de sociétés par cession de parts sociales. Les pharmaciens restent aujourd’hui la seule profession à ne pas pouvoir bénéficier de ce système avanta-geux. Si les décrets les autorisant étaient publiés, cela permettrait d’alléger les trésoreries des entre-prises officinales en choisissant des options fiscales, mais surtout de permettre les cessions d’of-ficines (pour le vendeur) dans de meilleures conditions fiscales, avec une acquisition (acheteur) réalisée dans de meilleures conditions, ce qui faciliterait le rapprochement entre les jeunes et les anciens qui souhaitent partir à la retraite, et ainsi préserver le maillage territorial. En ville, où les pharmacies sont parfois en surnombre, les SPF-PL permet-traient leur regroupement, dans le cadre d’une fiscalité attrayante grâce à l’option de l’intégration

fiscale. Dans l’hypothèse, i m p ro b a b l e aujourd’hui , ma i s env i -s a g e a b l e dans l’avenir, d’ouverture du capital à des non-pharmaciens, les SPF-PL pourront servir de protection à l’ouverture du capital des sociétés d’exploitation (SEL) et ainsi garder leur indépendance professionnelle. En effet, les inves-tisseurs entreront dans les socié-tés financières et jusqu’à 33 % de capital au maximum ; ils ne pour-ront pas interférer dans les déci-sions de la SEL puisque la minorité de blocage est fixée statu tai re ment à 34 %. La pharmacie filiale restera donc indépendante, permettant de résister à l’ouverture du capital. Le débat n’est plus à l’ordre du jour, mais les SPF-PL apporteront un niveau supplémentaire de pro-tection au cas où.

AP : Afin de répondre à leurs

nouvelles missions, vous écri-

vez que la taille des officines

devra augmenter. Faut-il se

préparer à la fermeture d’un

certain nombre d’entre elles,

comme le proposait l’ancien

président du conseil national

de l’Ordre des pharmaciens ?

M. R. : La prise en charge de ces nouvelles missions se fera, initia-

lement, à titre expérimental sur la base du volonta-riat. Elle sera poursuivie et étendue si les résultats sont

probants. Il faut savoir que cela va permettre aux officines endettées de respirer. Par ailleurs, les jeunes sont très enthousiastes à l’idée que cette nouvelle pratique pro-fessionnelle soit plus valorisante. Effectivement, ces évolutions vont nécessiter une réorgani-sation des officines, notam-ment en milieu rural, car le pharmacien y connaît bien ses patients, passe avec eux un certain temps qui pourrait être utilisé pour l’entretien per-sonnalisé rémunéré. Il est donc envisageable que certaines officines se regroupent afin de disposer d’une taille critique, surtout en milieu urbain où le mètre carré supplémentaire est difficile à trouver et cher. Cependant, je ne pense pas du tout que cela puisse détruire 6 000 officines. Les structu-res qui seront le plus en diffi-culté avec ce nouveau modèle seront peut-être les officines discount, dont l’économie repose sur la maximisation des volumes pour soutenir leur marge faible.

AP : Pour conclure, comment

imaginez-vous la pharmacie

française de demain ?

M. R. : Je suis tout d’abord per-suadé que la pharmacie est un métier d’avenir. Le pharmacien est un véritable professionnel de santé, le plus proche de ses patients en raison du maillage démo-géographique, et il doit être en mesure de mieux les prendre en charge. Il a un rôle social et sociétal capital, et est en passe de devenir le poste de santé de proximité, la porte principale d’en-trée dans le système de santé. Son activité sera une dispensation du médicament plus dynamique, en relation avec les prescripteurs. La coordination des soins et les coopérations entre profession-nels de santé vont modifier nos méthodes de travail, mais éga-lement l’organisation et la prise en charge de la médication offi-cinale dans un véritable espace de soins, ainsi que les services à la personne, les actions de pré-vention et de dépistage. Il s’agit d’un repositionnement du rôle du pharmacien dans le système de soins plus professionnel de santé que jamais. �

Propos recueillis par

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités,

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

Les pharmaciens vont devoir se former

de manière très pointue pour répondre efficacement à leurs nouvelles missions.

L’ Académie nationale de pharma-

cie a tenu à rappeler, le 7 octo-

bre 2009, lors d’une séance thé-

matique, que le pharmacien tenait

une place à part entière dans

l’huma nitaire. Or, rappelle-t-elle,

« sur le site de Médecins du Monde, parmi les professions recherchées pour l’expatria-tion, le pharmacien est classé en “divers” » et à peine une

centaine de pharmaciens humanitaires

sont recensés en France.

Pourtant, insiste-t-elle, seul le pharma-

cien « peut assurer la continuité de la chaîne pharmaceutique garante

de la qualité du médicament en situation de crise ».

L’Académie nationale

de pharmacie a donc

proposé, à l’issue de la

séance, de renforcer le

rôle des pharmaciens dans les activités

humanitaires et de développer une politi-

que – de prix, d’investissements... – amé-

liorant l’accès au médicament dans les

pays en développement.

E. D.

SourcePharmacie humanitaire : les besoins, les réponses

des entreprises du médicament, les réponses des

praticiens, Séance thématique de l’Académie natio-

nale de pharmacie, 7 octobre 2009.

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Le pharmacien humanitaire a un rôle-clé

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