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Le cas EURO RSCG C&O 2010-2011 Mémoire Master 1 Management et Organisation « Les faiblesses des hommes font la force des femmes » ? Voltaire Wendy Souvannarath Lori Gulmez 2010-2011 Le plafond de verre, la conséquence d’un phénomène d’autolimitation des femmes?

Le plafond de verre, la conséquence d’un phénomène d ...chairediversite.fondation.dauphine.fr/sites/managementdiversite... · Son ampleur se manifeste par la multiplication des

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Le cas EURO RSCG C&O

2010-2011

Mémoire Master 1 – Management et Organisation

« Les faiblesses des hommes font la force des femmes » ? Voltaire

Wendy Souvannarath

Lori Gulmez

2010-2011

Le plafond de verre, la conséquence d’un

phénomène d’autolimitation des femmes?

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REMERCIEMENTS

En préambule à ce mémoire, nous souhaitions adresser nos remerciements les plus sincères

aux personnes qui nous ont apporté leur aide et qui ont contribué à l'élaboration de ce

mémoire.

Nous remercions chaleureusement les professionnels de l’agence EURO RSCG C&O qui ont

pris le temps de nous recevoir :

- Laurent Habib, Président Directeur Général

- Mme X, Directrice Générale Adjointe en charge de la coordination

- Mme Y, Partner

- Mlle Z, Responsable du pôle Développement

- Mme W, Responsable Développement Ressources Humaines

Nous remercions tout particulièrement notre tuteur David Abonneau pour la richesse de nos

échanges, sa disponibilité ainsi que son soutien.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ................................................................................................................ 5

PRÉSENTATION DE L’ENTREPRISE ...................................................................................... 8

METHODOLOGIE ............................................................................................................. 10

Partie 1 : Les fondements juridiques de l’égalité hommes-femmes .................................. 13

I. Le rôle des organisations internationales dans l’égalité professionnelle ............................ 13

II. L’impact de la législation européenne dans l’égalité professionnelle ................................. 14

III. La législation française ................................................................................................. 14

Partie 2 - Le plafond de verre, vers une tentative de compréhension du phénomène ....... 18

I. Panomara de la situation des femmes sur le marché du travail ......................................... 19

A. La formation initiale des femmes en France ......................................................................... 19

B. Les femmes dans la population active .................................................................................. 20

C. La sous représentation des femmes aux postes à hautes responsabilités ........................... 21

D. La sous représentation des femmes au sein des Conseils d’Administration ........................ 22

E. Les différences de rémunération .......................................................................................... 22

II. Une différence de fait : articulation entre vie privée et vie professionnelle ....................... 24

A. Une question de culture organisationnelle ........................................................................... 24

B. Une répartition inégalitaire des tâches domestiques ........................................................... 24

C. La question de la maternité................................................................................................... 25

D. Le congé paternité, l’émergence des entreprises « father friendly » ................................... 28

III. Obstacles spécifiques auxquels les femmes sont confrontées ....................................... 30

A. Le poids des représentations ................................................................................................ 30

B. Des pratiques qui visent à changer les mentalités ................................................................ 33

Partie 3 - Femmes, maternité et carrière : Le cas EURO RSCG C&O ................................... 38

I. La double carrière féminine : entre femme professionnelle et mère ................................. 38

A. La gestion de la maternité : une vision propre à chaque femme.......................................... 38

B. Entre hommes et femmes, une inégalité de fait ................................................................... 42

C. Vers une évolution des mentalités et des mœurs ? .............................................................. 44

II. Le plafond de verre : construction de la femme ou de l’organisation ? .............................. 46

A. Le positionnement des femmes dans le rapport de force .................................................... 46

B. L’usage de la féminité : frein ou moteur dans la carrière des femmes? ............................... 50

Partie 4 : Implications managériales et perspectives ........................................................ 57

CONCLUSION .................................................................................................................. 61

SOURCES ........................................................................................................................ 64

5

INTRODUCTION

Lorsque l’on essaye de définir la diversité, on est souvent tenté de la résumer à un seul

mot. En effet, les dictionnaires, notamment le Larousse, utilisent des mots tels que variété,

pluralité ou encore multiplicité.

Dans le monde de l’entreprise, la diversité « désigne la variété de profils humains qui peuvent

exister en son sein »1. Elle fait référence à de nombreux critères tels que l’âge, le sexe, le

handicap, l’origine de pays, l’orientation sexuelle, etc.

La reconnaissance de la diversité et sa prise en compte, notamment dans le monde

professionnel est de plus en plus forte. Son ampleur se manifeste par la multiplication des

nouveaux termes qui font référence à cette réalité. On parle notamment de Responsabilité

Sociale ou Sociétale de l’Entreprise. Ce concept apparu dans les années 19602 a depuis fait

l’objet de nombreuses déclinaisons théoriques, et englobe de multiples enjeux dont l’égalité

hommes-femmes n’est qu’un des volets.

Dans le cadre de notre mémoire, nous avons limité l’étude de la diversité à celle du genre car

si la législation consacre largement la parité entre les sexes, le constat de son existence

seulement partielle est accablant.

En effet, la mise en œuvre de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes résulte

d’un long travail du législateur. Le principe de l’égal accès au travail et de l’égalité de la

rémunération entre hommes et femmes est posé dans la constitution.

Ainsi la multiplication des mesures prises par le législateur pousse les entreprises à la

conformité avec la loi, notamment en prévoyant des sanctions en cas de non respect de celle-

ci.

Cependant, le seul travail des pouvoirs publics n’est pas suffisant pour atteindre une réelle

égalité des droits et une égalité des chances. Alors que la prise de conscience et l’engagement

sont réels, l’évolution des mentalités pour atteindre cette égalité reste encore insuffisante.

On constate que les femmes aux postes de direction des grandes entreprises font exception.

Dans ce contexte, nous avons choisi d’étudier la question de la parité hommes/femmes

chez les cadres au sein de l’agence EURO RSCG C&O, dont nous dressons à présent une

rapide présentation.

Tout d’abord, soulignons que 65% des employés de EURO RSCG C&O sont des femmes,

donc une entreprise à population fortement féminine à en croire les chiffres du bilan social. Si

cette donnée parle d’elle-même, l’ambiance à l’agence ne la contredit pas. En effet, faire un

tour des locaux suffit à s’apercevoir que les femmes sont loin d’être sous représentées, et que

cette tendance semble avoir un impact sur le discours de chacun concernant des questions de

1 http://www.charte-diversite.com/charte-diversite-glossaire.php

2 Social Responsabilities of the Businessman de H. Bowen en 1953, et The Responsible Corporation de G Goyder

en 1961

http://fr.wikipedia.org/wiki/Responsabilit%C3%A9_sociale_des_entreprises

6

parité, ou encore de parentalité. Pour l’heure la question est de savoir si cette prédominance

de genre reste valable à chaque échelon de la hiérarchie.

Le pourcentage déclaré se vérifie t-il autant au niveau du comité opérationnel qu’au pôle de la

direction générale ?

De manière générale les disparités entre hommes et femmes subsistent toujours en termes de

développement de carrière, et EURO RSCG C&O ne fait pas exception. Il semble, comme

dans la majorité des entreprises françaises, que le nombre de femmes diminue à mesure que

l’on gravit l’échelle hiérarchique. Ainsi ne trouve t-on plus qu’un tiers de femmes au statut de

partner, ce qui ne s’améliore pas à la direction générale qui est composée de 5 membres dont

une seule femme.

Si l’on en croit les dires de Mme X, Directrice Générale adjointe de l’agence en charge de la

coordination, il semble qu’il existe une sorte de barrière fictive, de frontière invisible à

laquelle les femmes se confrontent à un certain moment de leur évolution professionnelle à

l’agence, et qui les empêche d’atteindre certains postes honorables.

« Après le stade de partner, il y a comme un blocage hiérarchique et la proportion de femmes

diminue considérablement. Elle était même nulle il y a tout juste un an ».

En prononçant cette phrase, Mme X vient de soulever un aspect majeur de l’inégalité

professionnelle hommes-femmes qui est aussi une réalité effarante : l’existence du plafond de

verre.

EURO RSCG C&O est une agence de conseil en communication, secteur a priori qualifié de

féminin. Cependant si la forte représentativité de femmes dans ce domaine semblerait limiter

l’effet plafond de verre, elle ne l’exclut pas entièrement dans la mesure où le portail

hiérarchique reste bel et bien présent. Ainsi l’agence ne comporte que 35% d’hommes, mais

pour autant ces derniers sont très représentés au sein des postes à hautes responsabilités. La

difficulté d’accès des femmes aux postes supérieurs est une réalité.

Comment expliquer la construction de ce plafond ? Est-ce uniquement la conséquence d’une

culture organisationnelle et du poids de l’histoire ?

Les entretiens menés nous ont permis d’obtenir l’avis de salariés à des stades différents de

leur carrière, et ainsi de s’interroger sur une explication non communément évoquée : la part

de responsabilité féminine dans la construction de ce plafond. La question est de savoir si les

femmes, à travers leur comportement et leur personnalité, participent à la mise en place de

cette cage de verre. Cette interrogation nous a amenées à la problématique suivante : peut-on

légitimement et objectivement affirmer qu’il existe une auto censure des femmes face à

de potentielles opportunités professionnelles ?

Dans l’optique d’apporter une réponse pertinente à cette question, nous commencerons par

établir un état des lieux afin de connaître la position du législateur à ce sujet, et la situation

des femmes en général.

Une deuxième partie nous permettra de soulever l’ensemble des aspects théoriques relatifs à

la carrière des femmes et à leur évolution, en passant notamment par les thématiques de la

7

maternité, des stéréotypes associés à la femme et des pratiques RH. Cela nous offrira ainsi la

possibilité de les confronter au discours des acteurs que nous étudierons en troisième partie.

Enfin, nous terminerons sur une dernière partie discussion dans le but de revenir sur les

implications managériales des résultats, et d’effectuer un bilan de la position de l’agence

EURO RSCG C&O.

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PRÉSENTATION DE L’ENTREPRISE

L’agence EURO RSCG C&O fait partie du réseau d’agences EURO RSCG Worldwilde,

lequel est intégré au groupe Havas. Le groupe est présent dans une cinquantaine de pays et

emploie plus de 13 000 personnes dans le monde.

Spécialisé dans la communication de marque et dans la communication institutionnelle,

l’activité de l’agence s’organise autour de trois piliers :

- Le conseil stratégique

- La création

- Les stratégies se basant sur des moyens innovants.

Chaque jour, 400 collaborateurs définissent des stratégies visant à renforcer leur capital-

clients, leur capital-talents et leur capital-influence.

L’agence, dirigée par Laurent Habib et par une Direction Générale collégiale est issue de la

fusion d’Euro RSCG Corporate et d’EURO RSCG Omnium en 2002. Elle est aujourd’hui une

des premières agences du marché français.

La composition de l’agence suit les mêmes tendances que celle du groupe. En effet, au sein

d’Havas, les femmes représentent 55% des effectifs en 2009. L’agence EURO RSCG C&O

est elle composée de 65% de femmes.

Cependant, on retrouve au sein du groupe et de l’agence un phénomène bien connu dans les

entreprises : la proportion de femmes au sein des organes de décision est inférieure à celle des

hommes, voire parfois inexistante.

On le voit dans le tableau ci-dessous, les femmes n’occupent que 30% des postes de direction.

Au sein d’EURO RSCG C&O, ce schéma se retrouve. En effet, la direction collégiale de

l’agence, composée de cinq personnes, n’accueille qu’une seule femme.

9

Représentation de la hiérarchie – Répartition hommes-femmes

Comité opérationnel= managers de pôle

1/3 hommes, 2/3 femmes

Partners= patrons commerciaux

2/3 hommes, 1/3 femmes

ss

Vice présidents

100% Hommes

DG

1 femme

4 hommes

Président

Directeur

Général

Homme

10

METHODOLOGIE

Le point de départ de ce mémoire a été le choix du sujet qui s’est naturellement porté

sur une question Ressources Humaines, dans la mesure où nous nous destinons toutes les

deux à poursuivre nos études dans ce domaine.

Une fois le thème général décidé, nous avons considéré un certain nombre de questions

pouvant faire l’objet d’une recherche approfondie. C’est à la fois parce qu’il s’agit d’une

question d’actualité et qu’elle est un véritable enjeu pour la Gestion des Ressources Humaines

de demain, mais aussi pour les pouvoirs publics et la société, que nous avons décidé de

travailler sur la diversité.

Afin de fixer le cadre de notre recherche, nous avons délimité le sujet à la question de la parité

hommes-femmes, et plus particulièrement la parité hommes-femmes pour les postes les plus

hauts et les plus responsabilisants de la hiérarchie.

Après avoir déterminé notre sujet, nous avons mené la phase de recherche d’entreprise et de

recherche documentaire en parallèle.

Dans un premier temps, nous avons recensé l’ensemble des sources se rapportant à notre

sujet, qu’il s’agisse de textes officiels, d’ouvrages ou d’articles de presse et de magasines

spécialisés.

En effet, le droit traduit l’évolution des mentalités vis-à-vis de l’égalité professionnelle et du

droit des femmes au travail, et constitue un référentiel commun dans lequel toutes les

entreprises doivent s’inscrire. C’est donc une source qu’il est essentiel d’explorer pour

comprendre l’environnement dans lequel évoluent les entreprises d’aujourd’hui.

Les ouvrages consacrés à la GRH ou ceux traitant de la question de la parité, mais aussi les

études consacrées à ce sujet nous ont permis de dégager les principaux courants de pensée sur

la notion de la parité hommes-femmes.

Enfin, les articles de presse et de magasines nous ont permis d’avoir une vision de l’ampleur

du traitement de cette problématique dans les entreprises d’aujourd’hui.

Afin d’étoffer nos sources, nous avons contacté l’ensemble des personnes de nos entourages

respectifs en mesure de nous mettre en contact avec le service Ressources Humaines de leur

entreprise. Nous avons eu la chance de pouvoir communiquer avec le Président Directeur

Général de l’agence de communication EURO RSCG C&O.

Cette agence constitue un terrain d’enquête idéal compte tenu de notre sujet. En effet, la

proportion de femmes, majoritaire à la base de l’agence, diminue à mesure que l’on

s’intéresse aux plus hauts échelons de la hiérarchie.

L’agence matérialise donc le phénomène du plafond de verre, c’est pourquoi nous avons

décidé d’adopter une approche temporelle et carriériste. L’objectif était de retracer de manière

globale l’évolution d’une femme dans l’échelle hiérarchique, et de voir quels pouvaient être

les freins auxquels la femme était confrontée au travers de cette évolution. Dans ce cadre, afin

de déterminer la façon dont est perçue et vécue la question de la parité entre les sexes par les

femmes de l’agence, nous avons rencontré trois femmes à des stades différents de leur carrière

11

et de leur vie de femme et/ou de mère. Nos critères de sélection et de pertinence ont été les

suivants : le sexe, l’âge et le profil personnel (ou situation familiale).

En effet, nous avons choisi d’interroger des femmes afin d’être en contact direct avec les

acteurs concernés par l’objet de notre mémoire. Le but est ici d’obtenir les avis et sentiments

de femmes de l’agence, leur approche personnelle de la question de la parité.

Le deuxième critère de l’âge se justifie par la volonté de suivre le parcours d’une femme en

agence, et de dégager les opportunités en termes de mobilité au sein de celle-ci.

Enfin, ce sont des femmes qui présentent, a priori et d’après la description rapide qui nous en

est faite lors du choix des acteurs, des particularités caractéristiques de profils types.

Tout d’abord une jeune femme n’ayant pas d’enfant, identifiée comme un haut potentiel et qui

gravit rapidement l’échelle de la hiérarchie. Ensuite une femme d’environ 40 ans, mariée et

ayant deux enfants, occupant le poste de patron commercial, c’est-à-dire la position la plus

haute avant d’intégrer la Direction Générale de l’agence, et la Directrice Adjointe responsable

de la coordination dans une Direction Générale collégiale, âgée d’environ 35 ans, enceinte de

son deuxième enfant. Enfin, nous avons rencontré la Directrice des Ressources Humaines qui

nous a donné une vision plus globale de la situation des femmes dans l’agence, en termes de

pourcentage de femmes dans les différents postes de la hiérarchie. Elle nous a également

permis d’établir un panorama du traitement de la question de la diversité et de la parité au sein

de l’agence.

Pour mener ces entretiens, nous avons réalisé un guide d’entretien qualitatif se divisant en

plusieurs parties, que nous avons ensuite adapté au profil de chacune des personnes

rencontrées. Une première partie a pour but de retracer le parcours scolaire et professionnel de

la personne, à la fois hors de l’agence et à l’intérieur de celle-ci afin de repérer les étapes clés

de la carrière. Cela nous a également permis d’identifier les forces favorisant l’avancement de

carrière mais aussi les blocages éventuels. Une deuxième partie est consacrée à la façon dont

est vécue, ressentie et comprise la question du genre par les femmes de l’agence. Dans cette

partie, nous nous intéressons notamment à la qualité des rapports des femmes avec leurs

collègues masculins et à leur projet d’avenir professionnel. Enfin, nous avons consacré une

partie à la façon dont elles concilient leur vie de femme active et de mère.

Nous avons réalisé ces entretiens en utilisant à la fois des questions directives et semi

directives, destinées d’abord à cadrer le sujet, à laisser la personne développer un point

particulier, et à relancer la discussion sur des éléments particuliers ou généraux.

Après avoir réalisé les entretiens, que nous avons enregistrés puis retranscrits, nous avons

dégagé les grands thèmes évoqués à l’aide de tableaux nous permettant de coder les données.

Cela nous a permis de voir les points de convergence et de divergence dans le discours de

chacune des femmes interrogées, mais aussi de rapprocher les thèmes évoqués et les

problèmes relevés des données théoriques identifiées lors de l’exploration des différentes

sources documentaires.

C’est donc à travers ces entretiens et la synthèse de nos sources documentaires que nous

avons établi notre plan et élaboré notre problématique.

12

Ainsi, si cette méthode ne semble pas généralisable dans la mesure où elle ne s’intéresse qu’à

une partie restreinte de la population d’une agence, elle nous paraît toutefois pertinente. En

effet, la sélection des profils a fait l’objet d’une réflexion approfondie sur la possibilité de

dégager des tendances intéressantes, à partir d’un échantillon limité mais le plus représentatif

possible.

De toute évidence, une enquête de terrain dans diverses entreprises de secteurs différents

aurait pu être bénéfique. Cependant, dans la période de temps impartie, il nous a semblé plus

pertinent de miser sur l’analyse en profondeur d’un cas d’école, et de tirer un maximum des

entretiens que nous avons ainsi menés sous une forme qualitative.

Cela nous a notamment permis d’entretenir des discussions élaborées avec chacun de nos

interlocuteurs, et de réussir à dépasser le stade de l’entretien pour atteindre parfois des stades

de confidence. C’est à ces moments que nous avons probablement tiré le plus profit de ces

rencontres.

13

Partie 1 : Les fondements juridiques de l’égalité hommes-femmes

On faisait jusqu’alors confiance aux entreprises pour progresser dans le domaine de la

parité hommes-femmes. En effet, dans la pratique en France, des efforts ont été faits.

La plupart des entreprises ont signé chartes et accords visant à accompagner la carrière des

femmes et à améliorer l’équilibre vie privée-vie professionnelle.

Alcatel-Lucent, qui compte 100 000 salariés en France dont 25% de femmes, a signé un

accord d’égalité hommes-femmes qui l’engage à consacrer une enveloppe d’un million

d’euros sur trois ans à des actions de promotion de salaires des femmes. La société assure

également qu’à chaque poste de manager ouvert, une candidature de femme sera présentée.

Dans la même optique, Eiffage s’est fixé pour objectif de recruter chaque année 18% de

femmes parmi ses ingénieurs contre 13,7% actuellement. Le groupe facilite les évolutions de

carrière par un système de «mentorat».

Toutefois, l’initiative privée ne fait pas suffisamment ses preuves. La plupart des entreprises

se contentent de «mesurettes»: guides de la parentalité, respect des horaires pour les réunions,

etc, mais au final, ces mesures renvoient surtout les femmes à leur statut de mère.

Ce constat justifie l’importance des dispositifs législatifs relatifs à la parité hommes-femmes.

I. Le rôle des organisations internationales dans l’égalité professionnelle

En 1948, l’Organisation des Nations Unies s’inspire de la Déclaration des Droits de

l’Homme et du Citoyen rédigée durant la révolution française et pose, entre autres, le droit à

l’égalité universelle et affirme l’égalité hommes-femmes. Bien que ce texte n’ait aucune

portée juridique et qu’il ne crée aucune obligations juridiques pour les signataires, il a le

mérite d’affirmer que chaque individu, peu importe sa couleur ou son sexe, a les mêmes

droits.

Les années suivantes, l’Organisation Internationale du Travail institue le principe de non

discrimination en matière d’emploi et de profession. En effet, les signataires de la convention

N°111 de 1958 s’engagent à éliminer les discriminations relatives à « l’accès à la formation

professionnelle, l’accès à l’emploi et aux différentes professions, ainsi que les conditions

d’emploi ».3 Il est donc important de définir le terme discrimination qui comprend au sens de

la convention, « toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le

sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale, l'origine sociale (ou tout autre

motif spécifié par l'Etat Membre) et qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité des

chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession ».

De plus, en 1951 l’Organisation Internationale du Travail pose au travers de la convention

N°100 le principe d’égalité des rémunérations entre les hommes et les femmes pour un travail

de valeur égale.

3 Article 1 de la convention N°111 de l’OIT.

14

Depuis sa création, l’Union européenne tend à promouvoir les mêmes principes qui

s’inscrivent dans sa législation.

II. L’impact de la législation européenne dans l’égalité professionnelle

L’égalité entre les hommes et les femmes est l’un des objectifs de l’Union européenne.

Ce principe est renforcé par la législation et la jurisprudence européenne.

Le traité d’Amsterdam va plus loin en introduisant de nouveaux éléments. L’article 2 et

l’article 3 rappellent que l’égalité hommes-femmes est un objectif à atteindre dans toutes les

activités (« gender mainstreaming »), et l’article 141 permet d’agir au delà du domaine de

l’égalité des rémunérations. En effet, il permet à l’Union européenne d’agir dans le domaine

de l’égalité des chances et autorise donc les discriminations positives en faveur des femmes

en matière d’emploi et de travail.

L’Union européenne adopte à partir de 1975 une série de directives ayant pour but d’élargir ce

principe d’égalité et d’éliminer les discriminations dans le monde du travail. Plusieurs

programmes de promotion de l’égalité de traitement sont mis en place. Entre 2001 et 2005, le

cinquième programme d’action visait exclusivement la promotion de l’égalité hommes-

femmes.

III. La législation française

La législation française prohibe de façon générale tous les types de discriminations,

selon le principe d’égalité devant la loi.

Nous allons le voir, la France a légiféré en matière d’égalité entre les hommes et les femmes.

Toutefois, on s’aperçoit que la contrainte communautaire est bien souvent la source de cette

prise en main.

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen affirme déjà en 1789 les principes

d’égalité et de liberté. Par la suite, l’égalité des hommes dans leurs droits comme dans leurs

devoirs est reconnu à travers le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Plus précisément, l’article 3 du préambule de la Constitution de 1946 dispose que « la loi

garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».

Ce principe sera confirmé le 4 octobre 1958 dans le préambule de la constitution de la Vème

République qui « proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux

principes de souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789,

confirmés et complétés par le préambule de la constitution de 1946 ».

15

Qu’en est-il des textes réglementaires adoptés en France ?

En premier lieu est adoptée la loi du 22 décembre 1972 qui vise à établir un socle

garantissant, en plusieurs strates successives, l'égalité de rémunération entre les hommes et les

femmes.

Le principe est le suivant : « Tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour

un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ».

Cependant, la difficulté qui subsiste est celle de savoir comment il est possible de mesurer

correctement et justement la valeur du travail.

S’en suit la loi « Roudy » du 13 juillet 1983, première loi relative à l’égalité professionnelle,

qui pose le principe de l’égalité de traitement des femmes et des hommes par rapport à l’accès

à l’emploi. L’objectif est le rééquilibrage entre les sexes par la mise en œuvre de mesures

temporaires spécifiques au profit des femmes.

Ainsi la loi institue l’obligation d’établir un rapport annuel sur la situation comparée des

femmes et des hommes dans l’entreprise par rapport à l’emploi et à la formation.

La loi « Roudy » apporte également des éclaircissements quant à la notion de valeur de

travail.

Cependant, si cette loi est un réel pas en avant, elle reste relativement imprécise et surtout ne

prévoit pas de sanction lorsque les plans d’égalité professionnelle ne sont pas suivis. C’est

pour cette raison qu’apparaît la loi Génisson une vingtaine d’années plus tard.

La loi Génisson du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les

hommes est d’une importance capitale pour les femmes qui travaillent puisqu’elle vient

renforcer la loi Roudy en développant le dialogue social sur l’égalité professionnelle.

En effet, ce nouveau texte ajoute spécifiquement l’égalité professionnelle aux autres

négociations annuelles obligatoires au sein des entreprises.

Les négociations doivent s‘appuyer sur le rapport annuel de la situation comparée des

hommes et des femmes à l’intérieur de l’entreprise. Ce rapport sert ainsi de base à une analyse

de la situation portant en particulier sur les conditions générales d’emploi (effectifs,

embauches et départs, promotions…) ainsi que sur les rémunérations, la formation et les

conditions de travail.

Une fois les constats faits, la négociation doit permettre de délimiter des champs

d’intervention afin d’améliorer de façon significative l’égalité entre hommes et femmes en

mettant en œuvre des actions spécifiques.

Au niveau de la branche, une négociation doit désormais également porter, tous les trois ans,

sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mais également sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées,

notamment pour ce qui concerne les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la

promotion professionnelle et pour ce qui est des conditions de travail et d’emploi.

16

Enfin, la loi modifie le régime de l’aide financière de l’Etat pouvant être accordée à

l’entreprise de moins de 300 salariés qui met en oeuvre une action visant à établir l’égalité des

chances entre les hommes et les femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui

affectent les femmes. Cette action peut être consignée dans un plan d’égalité professionnelle

ou être prévue dans le cadre d’un accord collectif.

Trois ans plus tard, en 2004, est signé l’Accord national interprofessionnel relatif à la mixité

et à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (1er mars) et est adoptée la

Charte de l’Egalité.

Cette même année, la loi du 30 décembre 2004 promulgue la création de la Haute Autorité de

lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

Ses missions sont de deux ordres : le traitement de cas de discrimination et les actions de

promotion de l’égalité des chances.

Enfin, l’année 2006 est également une année charnière qui met en œuvre deux principales

lois.

Tout d’abord, la loi du 23 mars relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Il

s’agit de supprimer « les écarts de rémunération avant le 31/12/2010, discriminations

interdites en matière d’intéressement et de distribution d’actions, protection de la grossesse,

conciliation de la vie parentale et de la vie professionnelle, négociation collective sur les

objectifs en matière d’égalité professionnelle. »

Cette loi poursuit quatre objectifs :

- Supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

- Réconcilier vie professionnelle et vie familiale

- Promouvoir l'accès des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles

- Améliorer l'accès des jeunes filles et des femmes à l'apprentissage et à l'offre de formation

professionnelle initiale et continue

Enfin, la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances donne de nouveaux

outils à la politique de cohésion sociale, en renforçant les moyens d’action de la HALDE pour

lutter contre les discriminations et en créant l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des

chances.

Le rapport Gresy-loi Copé

En juillet 2009, Brigitte Gresy, inspectrice des affaires sociales remet au ministre du travail un

rapport ayant pour but d’effectuer un bilan des différences de traitement entre les hommes et

les femmes, et de proposer des solutions pour une meilleure représentation des femmes dans

les instances de décision des entreprises.

Après avoir rappelé que les femmes connaissent un chômage supérieur à celui des hommes,

qu’elles doivent faire face à une plus grande précarité et subir encore des écarts de

17

rémunération, le rapport dresse le constat de l’invisibilité des femmes dans les instances de

gouvernance des entreprises. Par exemple, en 2009 les femmes de représentent que 10,5% des

effectifs dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40.

Pour parvenir à une meilleure représentation des femmes, le rapport présente quarante

propositions portant à la fois sur l’égalité professionnelle, sur la précarité du travail des

femmes, et sur leur place dans les instances de direction.

En particulier, le rapport propose un quota de 40% de femme dans les conseils

d’administration et de surveillance dans un délai de 6 ans. Des sanctions sont prévues en cas

de non respect.

Cette préconisation du rapport relatif à la féminisation des conseils d’administration a fait

l’objet d’une loi, promulguée en janvier 2011, après avoir été reprise par Jean François Copé

et Marie Jo Zimmermann.

L’adoption d’une telle loi témoigne donc d’une évolution des mentalités. En effet, l’idée des

quotas était dès le départ refusée par les femmes elles-mêmes, inquiètes d’être favorisées

grâce à leur statut de femme et non leurs compétences. L’acceptation d’une telle proposition

traduit une prise de conscience de la nécessité d’intégrer les femmes aux instances de

direction.

Finalement on s’aperçoit qu’en France, la promotion de l’égalité professionnelle entre

femmes et hommes n’est pas mise de côté puisqu’au contraire le contexte législatif apparaît

plutôt complet sur le sujet. Cependant, quel bilan concret peut-on tirer quatre ou cinq ans

après le vote de la dernière loi pour l’égalité en 2006 ?

L’année 2010 était la date donnée pour évaluer ses effets et éventuellement sanctionner

certaines entreprises. Ces dernières avaient jusqu’au 31 décembre pour se mettre en

conformité avec la loi, autrement dit ouvrir des discussions en leur sein sur l'égalité

professionnelle. Malheureusement, force est de constater qu’en 2010, six mois avant la date

butoir, seules 8 % des entreprises avaient signé un accord avec les partenaires sociaux. 4

4 http://www.osezlefeminisme.fr/article/egalite-professionnelle-un-demi-pas-en-avant-vingt-sept-ans-en-

arriere

18

Partie 2 - Le plafond de verre, vers une tentative de

compréhension du phénomène

L’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans les entreprises donne lieu

à des politiques spécifiques, à des programmes d’action et s’intègre plus généralement à la

problématique de la diversité.

S’il est évident que tout un chacun rencontre des difficultés et obstacles pour évoluer dans la

hiérarchie, il semble que ces obstacles soient plus importants pour les femmes. En effet dans

les postes d’encadrement, la parité n’est pas encore de mise.

Ainsi après avoir fait un état des lieux des différentes lois visant à favoriser la parité, la

question est désormais de savoir dans quelle mesure ces programmes permettent de briser le

plafond de verre dont nous allons parler à présent.

L’expression apparait aux États-Unis à la fin des années 1970 pour désigner l’ensemble des

obstacles que rencontrent les femmes pour accéder à des postes élevés dans les hiérarchies

professionnelles. C’est ensuite à travers un article du Wall Street Journal en 1996 qu’est

popularisé le terme de plafond de verre, ou encore glass ceiling.

Un an plus tard, le BIT le définit comme « les barrières invisibles, artificielles, créées par des

préjugés comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux plus

hautes responsabilités ».

Tout se passe comme si un plafond invisible empêchait les femmes de grimper les échelons.

Autrement dit, il existerait des niveaux au-dessous desquels les femmes seraient capables

d’avancer hiérarchiquement et au-dessus desquels elles ne pourraient plus progresser. Les

femmes stagneraient souvent à des postes de middle management.

Le phénomène n’est donc pas nouveau. Malgré leur place croissante dans le monde du travail,

la présence de femmes dans les instances décisionnelles des entreprises est bien souvent

limitée voire quasi inexistante. On parle de ségrégation verticale pour expliquer cette faible

capacité des femmes actives à accéder à certaines fonctions de direction ou d’encadrement

supérieur.

Comment expliquer l’existence de ce plafond ?

Le plafond de verre peut être compris comme une construction subtile faite de préjugés, de

stéréotypes et de concepts qui participent au renforcement d’une division hommes-femmes.

Il semble en effet que les femmes n’aient pas les mêmes chances de faire carrière que les

hommes et donc d’atteindre des postes de pouvoir.

En effet, si l’on associe l’ambition, la compétitivité et l’autorité aux hommes, c’est davantage

à la sensibilité, à la rigueur et à l’aspect famille que l’on renvoie les femmes. De plus, on

considère souvent que les femmes ont une moindre confiance en elles. Il s’agit là de

représentations plus que de vérités générales, nous le verrons.

Ainsi les facteurs psychologiques liés au poids des stéréotypes ne sont pas à laisser de côté.

19

Toutefois, comprendre le plafond de verre nécessite également de s’intéresser au contexte

historique, au fonctionnement des organisations et à la culture organisationnelle

traditionnellement masculine.

En effet, on ne peut comprendre ce phénomène sans appréhender la question de l’articulation

entre vie privée et vie professionnelle.

Les entreprises valorisent la disponibilité d’un point de vue général. Or, peut-on affirmer que

les hommes et les femmes sont à égalité en termes de disponibilité et de temps libre, dès lors

qu’existe encore aujourd’hui un partage inéquitable des tâches domestiques ?

Dans la même optique la maternité ne va pas en faveur des femmes qui, bien qu’abordant une

phase mémorable de leur vie de mère, doivent assumer des discontinuités dans leur carrière.

Cela soulève également la question du temps partiel choisi ou contraint qui constitue sans

aucun doute un frein dans la progression de carrière.

En tentant de concilier vie professionnelle active, réussie et épanouie et responsabilités

familiales, les femmes sont confrontées à un défi particulièrement difficile qui n’est pas posé

à leurs homologues masculins.

Elles ne peuvent ainsi pas complètement se consacrer à leur travail et sont davantage stressées

par la multiplicité des tâches à gérer en une seule journée. Cela contribue de toute évidence à

limiter leur évolution de carrière. C’est une des raisons pour lesquelles les femmes demeurent

sous-représentées dans les postes de direction.

Finalement, malgré une certaine évolution des mentalités, l’accès des femmes aux postes de

haut management reste rare et les progrès sont plutôt lents. L’image sociale du cadre, mais

surtout celle du dirigeant, est encore largement masculine.

I. Panomara de la situation des femmes sur le marché du travail

A. La formation initiale des femmes en France

Le taux de scolarisation des filles, notamment dans l’enseignement supérieur a connu

un essor depuis quelques dizaines d’années. Par exemple, le taux de scolarisation des jeunes

filles de 20 ans est passé de 35% à près de 47% entre 1991 et 2008. Ces taux dépassent les

taux de scolarisation des garçons, respectivement de 27.7% et 37.5 %.

De plus, depuis les années 1970 la réussite scolaire des filles dépasse celle des garçons. Elles

sont en effet plus nombreuses à obtenir le baccalauréat.

20

1

L’accès des filles et des femmes à la formation initiale en France a connu d’importantes

évolutions au cours des dernières décennies. De plus en plus scolarisées, mais aussi de plus en

plus performantes à l’école, les femmes semblent avoir les cartes en main pour réussir leur

entrée sur le marché du travail.

Dans l’enseignement supérieur, les choix d’orientations se confirment.

A l’université, même si les femmes représentent plus de 57% des effectifs, elles ne

représentent que 47.9% des effectifs dans les sections scientifiques.

Les femmes sont majoritaires dans les filières sélectives menant à des carrières de gestion,

mais sont sous représentées dans l’informatique. De même, elles ne représentent que 23.9%

des étudiants du secteur secondaire et 27.3% de ceux des écoles d’ingénieurs.

Les femmes sont donc minoritaires dans les sciences exactes et les sciences de l’ingénieur.

Cette désaffection pour la science peut tout d’abord s’expliquer par les goûts personnels, mais

aussi par une certaine anticipation des difficultés à exercer des emplois dits masculins ou trop

prenants. Annie Cornet5 rappelle les résultats de certaines études démontrant que

l’anticipation par les filles de leur vie familiale conditionne certains choix futurs. En effet,

contrairement aux lycéens, les lycéennes évoquent déjà des arbitrages entre leur travail et leur

famille futurs, et une vie professionnelle articulée autour de la vie familiale.

Ainsi, les choix d’orientation tendent à créer une segmentation sexuée du monde

professionnel.

B. Les femmes dans la population active

Les femmes représentent une part de plus en plus importante de la population active

française. En effet, elles représentent près de 48% de celle-ci en 2009, soit près de 10 points

de plus par rapport à 1978.

5 GRH et genre. Les défis de l’égalité hommes-femmes

21

Par ailleurs, le taux d’emploi des femmes a également progressé, atteignant en 2008 l’objectif

de 60% fixé à l’horizon 2010 par le conseil européen de Lisbonne.

Ce partage de l’espace professionnel entre hommes et femmes fait état d’un phénomène de

ségrégation horizontale de l’emploi. De la même façon que les étudiants et les étudiantes ne

se dirigent pas vers les mêmes filières d’études, les hommes et les femmes n’occupent pas les

mêmes familles d’emplois. Les trajectoires professionnelles des hommes et des femmes sont

donc le résultat d’inégalités construites en amont du marché du travail.

Ce partage de l’espace professionnel entre hommes et femmes se retrouve lorsque l’on

considère les postes à hautes responsabilités. Ainsi, la ségrégation professionnelle ne se limite

pas à une restriction des femmes dans certaines occupations (ségrégation horizontale), elle

apparait également au travers d’une restriction de celles-ci à des postes de niveaux inférieurs

en termes de responsabilité (ségrégation verticale).

C. La sous représentation des femmes aux postes à hautes responsabilités

Les stéréotypes ont leur rôle à jouer. Ainsi la présence de femmes dans les postes de

direction vient remettre en question les rôles dits traditionnels de chacun dans la société. Ainsi

au couple féminin/famille on oppose celui du masculin/travail.

Malgré une féminisation indéniable du monde professionnel, les postes d’encadrement restent

majoritairement masculins.

En 2008, un peu moins d’un tiers des postes d’encadrement dans les entreprises du secteur

privé et semi-public sont occupés par des femmes.

Par ailleurs, cette proportion varie considérablement d’un secteur à l’autre. En effet, le secteur

de la construction présente la plus faible proportion de femmes cadres avec seulement 13,5%,

tandis que la présence est la plus forte dans le secteur des services où elle s’élève à 34,2 %.

22

Si les femmes apparaissent indéniablement minoritaires chez les cadres, la situation ne

s’améliore pas parmi les dirigeants salariés d’entreprise où elles représentent 17,1%.

D. La sous représentation des femmes au sein des Conseils d’Administration

L’optimisme est à l’ordre du jour. De 10,5% en 2009, le taux de féminisation des

conseils d’administration du CAC 40 a sensiblement augmenté et est passé à 15,3% en 2010.

Ce chiffre reste modeste mais laisse présager d’une belle évolution. Aujourd’hui une seule

entreprise compte plus de 30% de femmes dans son conseil d’administration, mais il semble

bien que cette affirmation soit vouée à ne plus être vérifiée à l’avenir.

E. Les différences de rémunération

Une étude de la Dares de 2006 démontre que les écarts salariaux entre hommes et

femmes n’ont pas disparu. En effet, les salaires des femmes sont en moyenne inférieurs de

27% à ceux des hommes.

Dans les études qui neutralisent l’effet du travail à temps partiel, les femmes travaillant dans

le secteur privé ou semi public en 2007 gagnaient en moyenne 19,1% de moins que leurs

23

homologues masculins. Cet écart tend à diminuer, mais une égalisation totale des salaires

semble être un processus long, puisque l’écart était de 19,4% en 2004.

Cependant, tout secteur d’activité confondu, l’écart salarial le plus fort entre hommes et

femmes s’observe chez les cadres. À ce poste, les femmes gagnent en moyenne 23.4% de

moins que les hommes.

On remarque donc que les écarts de salaires entre hommes et femmes sont une réalité difficile

à faire disparaitre. Cependant, cet objectif n’est pas impossible à atteindre. Les pouvoirs

publics mais aussi les entreprises qui s’y investissent peuvent faire avancer les choses.

Certaines grandes entreprises se sont attelées à la tâche, et ont réussi à réduire voire à faire

quasiment disparaitre l’inégalité salariale. C’est le cas d’EDF ou d’AXA.

En effet, les écarts sont aujourd’hui de 0.6% pour EDF et de 3% pour AXA (contre plus de

10% en 2006). La diminution des écarts salariaux demande beaucoup d’investissement de la

part des entreprises. Certaines ont décidé de faire face à ce problème d’une façon assez

radicale, comme Total qui a budgété plus de 4 millions d’euros en 2010 pour augmenter les

salaires des femmes. Ainsi, la moitié des effectifs féminins de l’entreprise ont été augmentés

de 3.7%. Un accord signé en 2010 engage la direction à mettre fin aux écarts injustifiés de

rémunération. L’enquête réalisée par un prestataire extérieur sera renouvelée en 2011, afin

d’assurer un suivi de l’accord et de ses résultats.

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à signer des accords les engageant à réduire

les inégalités salariales. En 2009, on recensait 1500 accords d’entreprise.

Par ailleurs, elles ne se limitent pas à réduire les écarts mais cherchent aussi à faire évoluer les

parcours intra-organisationnels des femmes en favorisant leur accès à des postes plus

valorisants.

24

II. Une différence de fait : articulation entre vie privée et vie

professionnelle

A. Une question de culture organisationnelle

Il est intéressant de soulever une théorie élaborée par Rosabet Moss Kanter en 1977

sur l’effet de la proportion de femmes managers dans une entreprise.

Selon elle, de par la domination numérique des hommes, les femmes managers deviennent

très rapidement des figures de proue, ce qui a trois conséquences majeures : la visibilité, la

polarisation et l’assimilation.

La visibilité renvoie à l’attention importante et parfois disproportionnée qui est portée aux

femmes dans l’entreprise. Celle-ci renforcerait la pression qui repose sur elles quant aux

performances à atteindre.

Par ailleurs, les différences entre les figures de proue et les dominants sont exagérées par le

fait de la polarisation qui renforce les frontières du groupe et conduit à leur mise à l’écart.

Enfin, l’assimilation pousse la femme à se conformer à des rôles préétablis.

L’ensemble de ces trois facteurs permet de mettre en valeur la permanence des stéréotypes sur

les femmes managers. Les femmes ont ainsi du mal à se projeter et il semble que cette

configuration participe à l’existence des barrières à l’avancement.

B. Une répartition inégalitaire des tâches domestiques

Malgré une progression de la norme égalitaire, il est encore possible d’affirmer

aujourd’hui que les femmes assurent la majorité des responsabilités familiales. Elles gardent

un rôle central de soutien dans la sphère familiale, rôle qui semblerait parfois jouer en leur

défaveur dans le monde professionnel.

En d’autres termes, les femmes subissent de façon accrue le conflit travail/famille, autrement

dit « une sorte de conflit interrôle dans lequel les pressions des rôles venant du domaine du

travail et de la famille sont dans une certaine mesure mutuellement incompatibles »

(Greenhaus et Beutell, 1985).

En effet, si l’homme est en mesure de répondre à la grande disponibilité que requiert un poste

à haute responsabilité, la femme apparaît confrontée à un ensemble de contraintes

domestiques qui la paralysent à un certain niveau hiérarchique.

La maternité, élever les enfants, les tâches ménagères… sont autant d’éléments qui pèsent

majoritairement sur le dos féminin, et qui peuvent être considérés comme incompatibles avec

un poste hautement rémunéré.

Ainsi hormis le jardinage et le bricolage, aujourd’hui encore 80% du noyau dur des tâches

domestiques sont assurées par des femmes.

25

Si l’on en croit l’enquête Emploi du temps de l’Insee, les femmes consacrent quatre fois plus

de temps que les hommes à faire le ménage, et deux fois plus de temps à s’occuper des

enfants ou d’un adulte à charge à la maison.

Au total on atteint donc une moyenne de 3h48 de temps occupé par ces tâches pour la femme,

contre seulement 1h59 pour les hommes. À savoir un écart considérable.

Quelle pourrait être la solution à cette tendance traditionnelle ?

Il semble que le partage inéquitable des tâches soit une source évidente de désavantage pour

les femmes qui soutiennent leur mari à leurs dépens. Un des facteurs déterminants de

l’évolution professionnelle des femmes pourrait donc être de développer l’appui marital en

sens inverse.

De nouvelles politiques et stratégies pour faire face aux responsabilités familiales doivent

aussi continuer d’être inculquées à tous les niveaux de l’entreprise pour qu’une répartition

plus équitable du temps s’établisse et devienne la norme.

C. La question de la maternité

Le conflit vie privée-vie professionnelle est bien évidemment plus sensible chez les

femmes qui occupent des postes à responsabilité ou qui souhaitent en occuper, et peut

conduire les femmes à faire un choix entre famille et carrière en se plaçant dans une logique

d’anticipation (Laufer, 1982).

La femme professionnelle, la femme-femme, la femme-mère ? Lequel de ces trois visages la

femme doit-elle adopter en priorité ?

Une chose est certaine, l’image qu’ont les entreprises de la maternité est en général

relativement négative, c’est pourquoi les femmes continuent de porter sur elle ce poids.

Chaque femme est en effet naturellement une mère potentielle, mais pour quelles raisons parle

t-on de poids pour désigner cet événement a priori heureux ?

Le congé de maternité est fixé depuis le 7 mars 2007 comme un ensemble de 16 semaines,

que la mère peut prendre comme elle le veut autour de la naissance, après avis médical. Une

durée incompressible de trois semaines avant la naissance est néanmoins prévue.

La durée légale du congé de maternité, fixée par le Code du travail, varie selon le nombre

d’enfants que la salariée attend et le nombre d’enfants qu’elle a déjà à sa charge, de 16

semaines à 46 semaines.

Cependant, malgré la courte durée du congé maternité, c’est à absentéisme et difficultés

d’organisation que ce terme renvoie le plus souvent pour l’employeur. Ainsi la décision

d’embaucher une femme entre 25 et 35 ans n’est pas prise sans considération de cette

question, et empêche bon nombre de femmes de progresser à cet âge dans le milieu

professionnel. En effet l’employeur redoute cette période qui serait synonyme de

complications, il ne souhaite pas être confronté au congé maternité, comme s’il s’agissait

d’une période d’absence irrattrapable.

Or, il ne s’agit que de trois mois, voire deux mois et demi pour certaines.

26

De plus, dans la mesure où une femme enceinte se doit d’avertir son employeur de son état au

maximum au troisième mois, l’organisation semble ne pas être un obstacle insurmontable. Il

s’agit pour l’employeur d’accepter un minimum le rôle de mère, et de trouver en parallèle des

solutions de court terme pour remplacer la femme enceinte.

C’est ainsi qu’en plus du déficit de disponibilité du fait de l’importance des tâches familiales

assurées par les femmes, ces dernières sont frappées de plein fouet par la culture de

présentéisme qui règne notamment en France.

Le présentéisme correspond au fait d’être effectivement présent dans l’entreprise. On mesure

l’engagement des salariés en grande partie par leur présence au bureau, mais jusqu’à quel

stade cette mesure est-elle pertinente ? Être plus présent signifie t-il être plus productif ? Rien

n’est moins sûr.

La députée UMP Marie-Jo Zimmerman s’est attaquée à cette culture du présentéisme le mardi

22 mars lors de la discussion sur la résolution relative à l’égalité entre les hommes et les

femmes. Elle a ainsi cherché à démontrer le rôle de cette culture du présentéisme dans les

inégalités hommes-femmes dans l’entreprise.

« On ne doit plus voir dans les femmes que des mères qui travaillent, mais on doit voir dans

l’ensemble des salariés des parents qui gèrent leur double vie », a expliqué la présidente de la

délégation aux droits des femmes de l'Assemblée.

Cependant, si l’employeur est parfois à condamner, les obstacles à la progression de carrière

de la femme résident également dans l’ensemble des choix que cette dernière effectue de plein

gré.

En effet, de nombreuses femmes choisissent d’adopter un mode de vie différent lorsqu’elles

mettent au monde des enfants, afin de laisser davantage de place à leur vie personnelle et au

développement de leur cocon familial.

Ainsi en France, si le taux d’emploi des femmes sans enfant est élevé et proche de celui des

hommes, celui des mères diminue fortement avec le nombre d’enfants.

En 2009, le taux d’emploi des femmes en couple avec un enfant est de 76,5 % contre 89,9 %

pour les hommes.

Dans la même optique, certaines femmes ont recours à un ajustement du temps de travail.

Sur dix, on compte près de quatre femmes qui connaissent une modification de leur activité

professionnelle après un premier enfant. En toute logique ce chiffre s’accroit avec le nombre

d’enfants puisque près de six sur dix vivent ce changement au troisième enfant.

Ce constat n’est bien évidemment pas vérifié pour les hommes. Toujours dans ce même cadre

des responsabilités familiales, l’homme tire son épingle du jeu. L’impact des naissances sur la

situation professionnelle des hommes est faible et varie peu avec le nombre de naissances.

On s’aperçoit finalement que l’arrivée des enfants au sein de la famille peut bouleverser le

mode d’organisation professionnelle de la femme. Mais qu’en est-il des hommes ? Ne

pourraient-ils pas au même titre bénéficier d’aménagement de leur temps de travail au

moment des naissances, afin de rééquilibrer la donne ?

27

Une progression notable, qui est tout de même loin de gagner l’unanimité. Si le recours au

temps partiel est une mesure fortement adoptée par les femmes (d’autant plus au fil des

enfants), elle est en revanche très peu convoitée par les hommes.

Par ailleurs, cette solution peut être considérée pour les femmes comme un sacrifice au

bénéfice de leur vie familiale et de leurs enfants. Les hommes voient davantage le temps

partiel comme une solution à subir ou un moyen d’articuler d’autres activités simultanément à

leur vie professionnelle (une formation par exemple).

Nous venons de voir un ensemble de mesures adoptées par la femme pour accompagner

notamment ses enfants après leur naissance. Nous avons présenté cette question comme la

résultante d’un choix voulu, d’un choix souhaité. Mais est-ce toujours vrai ? Les femmes

choisissent-elles le temps partiel par pure volonté, ou parce qu’elles n’ont pas d’autres

solutions ?

Pour reprendre une fois de plus les termes de la députée UMP Marie-Jo Zimmermann :

« Concrètement, il faut encourager les entreprises à développer les crèches d’entreprises et

les aides financières aux frais de garde (…) Mais il faut aussi faire une petite révolution dans

les mentalités. La France est le seul pays qui récompense le présentéisme ; en Allemagne ou

en Suisse, on vous soupçonne plutôt d’être mal organisé quand vous passez vos soirées au

bureau. »

Ainsi se pose la question du rôle de l’entreprise dans l’aide apportée aux femmes. Si les

employeurs se plaignent d’un soi-disant désengagement croissant de la femme au fil des

enfants, pourquoi ne proposent-ils pas des alternatives à l’aménagement du travail ?

Les crèches d’entreprises sont un premier exemple, mais nombre de dispositifs de ressources

humaines peuvent être mises en place par une entreprise à cet effet.

Nous verrons plus tard les différents programmes d’action RH choisis par les entreprises.

28

D. Le congé paternité, l’émergence des entreprises « father friendly »

Depuis le 1er

janvier 2002, le congé de paternité est d’une durée de 11 jours successifs,

ou 18 jours en cas de naissances multiples. Les pères peuvent en bénéficier dans les quatre

mois suivant la naissance de l’enfant.

On note aujourd’hui que près de deux tiers des pères prennent leur congé de paternité, et

semblent donc apprécier cette période qui leur est offerte pour découvrir leur nouveau né.

Toutefois, cette donnée serait-elle la même si le congé de paternité était allongé et devenait

obligatoire ?

Certaines entreprises s’engagent dans des actions de masculinisation de leurs métiers féminins

et favorisent la parentalité masculine. En effet, dans une optique de lutte contre les stéréotypes

liés au genre qui ont tendance à pénaliser la progression professionnelle des femmes, un

nombre croissant d’entreprises cherche à mettre en place des programmes visant à donner à

l’homme un rôle nouveau, plus proche de celui traditionnel associé à la femme.

On parle d’entreprises « father friendly » 6 .

L’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises a effectué une étude sur « la

place des hommes dans les accords d’entreprise sur l’égalité professionnelle », étude qui a été

présentée le 4 mars 2011 lors d’une conférence intitulée « Impliquer les hommes dans les

politiques d’égalité dans les entreprises ». Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des

Solidarités et de la Cohésion sociale, et Laurence Parisot, présidente du Medef, étaient

présentes.

En effet, le gouvernement a décidé de changer son fusil d’épaule. L’égalité professionnelle ne

passe désormais plus par l’égalité salariale qui a plutôt été un échec, mais bel et bien par un

égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités familiales.

En parallèle, la ministre du Medef annonce qu’elle est favorable à un « congé paternité

obligatoire ».

Cette implication des hommes dans la parentalité est nouvelle, mais il se pourrait bien qu’elle

se répande assez vite. L’idée a par exemple déjà été intégrée chez CSF (supermarchés

Champion) qui a posé le principe selon lequel les congés parentaux doivent être accessibles

aux hommes comme aux femmes. Il peut également s’agir de prendre des mesures de

sensibilisation des hommes aux dispositifs parentaux.

Selon Merck Santé (2010), il faut « mieux faire connaître aux pères et futurs pères, les

dispositifs existants auxquels ils peuvent avoir recours : congé de paternité, congé parental,

congé d’adoption, absence Soins Parent Malade… ». Un guide de la parentalité a été élaboré

à Accenture, une plaquette d’information à l’Afpa ou encore des actions de sensibilisation des

pères existent au Crédit Mutuel de Normandie (2006).

6 Entreprise et Carrières n°1039- du 8 au 14 mars 2011

29

Finalement, comme le dit Roselyne Bachelot-Narquin dans la lettre de mission transmise le

13 janvier 2011 à l’IGAS, « si un consensus s’est créé pour dire que les inégalités

professionnelles viennent de l’inégal partage de la parentalité entre les hommes et les

femmes, alors c’est du côté des conditions d’exercice de la paternité dans le monde du travail

qu’il faut investiguer ».

BNP Paribas est un bon exemple d’entreprise qui semble soigner tout particulièrement la

parentalité masculine.

En effet, si l’on en croit son accord sur l’égalité professionnelle de 2007, « l’égalité

professionnelle repose sur la possibilité des deux conjoints d’exercer leurs responsabilités

parentales ». Ainsi la banque a t-elle décidé de prendre en charge intégralement les salaires

des hommes en congé de paternité, en complétant les indemnités de sécurité sociale perçues

dans le cadre de congé, à savoir 11 jours. Il s’agit d’inciter ouvertement les pères, y compris

cadres, à prendre un tel congé.

Les résultats ne se font pas attendre. Le groupe enregistre une augmentation de 37,5% du

nombre de congés paternité entre 2007 et 2010, avec une nette progression chez les cadres où

l’on passe de 68% à 76%.

Aussi, l’avenant du 2 juillet 2010 à l’accord rappelle que le congé parental d’éducation à

temps complet est ouvert « à la mère comme au père ».

Enfin, BNP Paribas ne semble pas faire les choses à moitié puisque dans la mesure du

possible, il est également prévu que les réunions de travail doivent être planifiées et se

dérouler de préférence avant 17h30. L’objectif est évidemment de prendre en compte les

contraintes de la vie privée du personnel, masculin ou féminin.

Dans la même optique, certaines entreprises telles que Hennessy, Bayer Santé, ou Union

Invivo prolongent le congé paternité. Bayer Santé prévoit même pour les futurs pères des

autorisations spéciales d’absence pour le suivi médical des grossesses ou des cours prénataux.

Danone également donne la possibilité aux pères de transformer leur 13ème

mois en 22 jours

de congés supplémentaires.

Finalement, de plus en plus d’entreprises suivent ce chemin et présentent des accords en

faveur de l’égalité professionnelle et de la parentalité masculine. Toutefois, il convient de

relativiser cette affirmation car il ne s’agit que de textes qu’il faudrait comparer aux mesures

réellement adoptées par les entreprises, pour pouvoir porter un jugement. Il faudrait par

exemple observer des indicateurs tels que l’évolution de la prise de congés de paternité,

comme nous l’avons fait pour BNP Paribas.

Il n’en reste pas moins que si les actions ne sont pas toujours mises en œuvre, tout au moins le

discours permet de donner quelques indications sur la prise en compte de l’égalité dans les

entreprises qui s’engagent dans cette voie.

La question de la parentalité masculine est en train d’émerger, c’est un premier pas qui

soulève l’évolution des mentalités.

30

III. Obstacles spécifiques auxquels les femmes sont confrontées

A. Le poids des représentations

Les femmes doivent faire face à des handicaps spécifiques, tels que la maternité et le

poids de la parentalité dans leur vie. Elles doivent aussi faire face à un certain nombre de

préjugés et de stéréotypes qui peuvent freiner leur évolution professionnelle.

Cependant, nous verrons que ces contraintes sont souvent intériorisées par les femmes, ce qui

explique généralement leur positionnement vis-à-vis du pouvoir. Ce positionnement est à son

tour un des facteurs du plafond de verre.

1. Les stéréotypes de genre

Les stéréotypes sont le résultat de la culture, qui crée des modèles. En effet, dès la naissance

la société fait peser sur les garçons et les filles, et donc sur les hommes et les femmes un

certain nombre d’attentes liées au respect des comportements de la féminité et de la

masculinité.

Ces stéréotypes, ces attentes se retrouvent dans les organisations. Ainsi, arrivées à un certain

niveau en entreprise, les femmes font l’objet de nombreuses interrogations. Qu’elles

concernent le leadership, l’ambition, l’émotivité ou la résistance à la pression, toutes ces

interrogations se réfèrent à des préjugés et stéréotypes.

Dans l’imaginaire collectif, le leader est un homme. Les représentations qui entourent l’image

du leader sont généralement masculines, et de fait, l’homme est associé au leadership et au

pouvoir. Le leader doit être charismatique, être capable de porter de lourdes responsabilités

sur ses épaules, et imposer le respect.

Paradoxalement, parmi les qualités associées aux femmes7, on leur reconnait largement la

capacité de « faire du multitâches », le sens de l’organisation, et la capacité à mobiliser des

équipes.

Alors comment expliquer que les postes de leader échappent encore aux femmes ?

On se rend compte que les critères de définition du leadership sont encore le fruit d’une

histoire, de préjugés culturels et sexués.

En effet, l’idée selon laquelle les femmes ne savent pas trancher persiste et joue en leur

défaveur. Parmi le vocable qui leur est associé, on retrouve les expressions « arrondir les

angles » ou encore « faire en sorte que le virage soit moins aigu ». Elles sont le résultat des

préjugés relatifs à l’émotivité des femmes et la peur du conflit.

Ces conceptions de la femme se retrouvent à différents niveaux organisationnels, notamment

pour la formation et la promotion. Elles ont pour conséquence de les tenir à l’écart de certains

7 Enquête réalisée par l’Observatoire Cegos en septembre 2010

31

métiers qui sont considérés comme des métiers d’hommes, et les empêchent d’accéder aux

postes de pouvoir, pour lesquels elles ne possèderaient pas les qualités nécessaires.

En effet, les qualités attendues des femmes, telles que le dévouement ou l’attention portée aux

autres sont contradictoires avec les qualités associées aux professions dites masculines. Les

représentations autour des contraintes professionnelles associées aux postes à hautes

responsabilités, notamment la disponibilité et la mobilité, empêchent les entreprises

d’imaginer d’autres modes de fonctionnement. Cette idée fait référence au double statut de

femme et de mère qui les place face à des priorités contradictoires.

Le fait d’avoir des enfants ne joue pas sur la productivité ou la performance des femmes à leur

travail, mais il contribue à une moindre disponibilité et une moindre mobilité. Le conflit

travail-famille est un conflit encore largement féminin, que peu d’hommes ressentent.

Ce genre d’idée reçue ainsi que ces contraintes liées à la maternité amènent les managers, les

dirigeants d’entreprises à penser qu’une femme ayant des enfants est moins engagée dans

l’entreprise. Ainsi elle ne pourra pas totalement s’investir dans des projets importants et longs,

ou à des postes demandant une grande implication et une grande disponibilité.

2. L’internalisation des contraintes mène à une autolimitation des femmes

Nous avons vu que les femmes doivent combattre un certain nombre d’idées reçues qui

continuent d’exister dans la société mais aussi dans l’entreprise, et qui constituent des

barrières aux postes de dirigeants. Cependant, les femmes doivent aussi combattre ces

stéréotypes à un niveau beaucoup plus individuel. En effet, les normes sociales associées aux

femmes, les cantonnant à des postes subalternes dans l’entreprise ont été internalisées. Il faut

donc tenir compte des attitudes individuelles qui structurent les trajectoires des femmes, et les

pousse à faire des choix et adopter des comportements qui renforcent le plafond de verre.

De la même façon que la socialisation conditionne les choix de formation, l’intériorisation de

ces stéréotypes conditionne la carrière des femmes. Elle a pour conséquence de diminuer la

confiance en soi des femmes qui ne se mettent pas nécessairement en avant lorsque des

possibilités de promotions apparaissent dans l’entreprise.

On peut donc se demander quelle est la perception des femmes face à leur propre situation au

travail. Sont-elles confiantes quant à l’évolution de leur carrière ? Sont-elles au contraire

convaincues que les obstacles les séparant des postes de dirigeants sont insurmontables ?

En 2009, 55% des femmes cadres n’étaient pas confiantes quant aux chances de progression

qui lui seront offertes8. Plusieurs profils de femmes cadres apparaissent : les motivées,

satisfaites et confiantes ; les optimistes ; les désespérées qui ne sont ni satisfaites, ni

confiantes ; et les résignées. Ces dernières représentent 27% des cadres, et sont satisfaites de

leur situation professionnelle, mais considèrent que leurs perspectives d’évolutions sont

limitées.

8 Baromètre de confiance des femmes cadres, Institut LH2

32

L’intégration de ces différentes contraintes amène les femmes à agir dans l’anticipation. En

effet, de nombreuses femmes cadres anticipent à l’approche de la trentaine les contraintes

liées à leur vie familiale future. Ainsi, elles auront tendance à privilégier une mobilité

fonctionnelle plutôt que les carrières organisationnelles. En particulier, elles évoluent vers des

postes nécessitant une disponibilité moindre. Cela leur permet à la fois d’avoir le sentiment

d’une réussite professionnelle mais aussi une certaine liberté dans la façon de mener leur

carrière.

Alors quels sont les différents outils qui permettent aux femmes de dépasser cette barrière des

préjugés ? Quelles stratégies peuvent-elles mettre en place ?

Tout d’abord, certaines pratiques RH peuvent permettre de combattre ces idées reçues et de

mieux prendre en compte la question de la parentalité.

3. La féminité, un atout pour les femmes ?

Yves-Frédéric Livian nous explique dans Gérer le pouvoir dans les entreprises et les

organisations, l’analyse des comportements politiques, que face aux stéréotypes, deux types

de comportements peuvent être identifiés.

Tout d’abord, les femmes qui cherchent à « être plus homme que les hommes ». Lorsqu’elles

évoluent dans un environnement masculin et qu’elles aspirent à des postes dominés par le

modèle masculin, les femmes peuvent mettre en place une stratégie de ressemblance à

l’homme. Elles cherchent à coller au maximum aux comportements masculins, ou tout du

moins, à coller aux stéréotypes qu’elles associent aux comportements des hommes cadres.

Ainsi, en niant les différences relatives au sexe, la femme cherche à adopter les

comportements en vigueur, ceux qu’elle associe au poste qu’elle convoite.

Y-F Livian cite l’exemple de la gestion, par les femmes, de leur image politique. Elles

adoptent dans ce cas des comportements reflétant une image éloignée du modèle de la femme

féminine, sensible, intuitive et dépendante.

Cependant, on peut remarquer que ce type de comportement est parfois mal vécu par les

femmes elles-mêmes. En effet, il apparait comme un arbitrage obligatoire entre leur féminité

et le pouvoir.

Le second comportement identifié par Y-F Livian est l’utilisation politique de ces stéréotypes.

Ce comportement fait référence aux femmes qui utilisent les stéréotypes les concernant pour

les tourner à leur avantage. En effet, elles cherchent à en tirer le maximum de bénéfices.

L’auteur identifie ainsi des zones de pouvoir « féminin » construites autour des stéréotypes

que l’homme se fait de la femme. Ce type de stratégie est mis en œuvre par des femmes qui

ont adopté vis-à-vis d’elles-mêmes des schémas de pensées identiques à ceux des hommes.

Elles ont intégré l’idée selon laquelle elles n’étaient pas sur un pied d’égalité avec les

hommes. Cette stratégie est par ailleurs essentiellement mise en œuvre par des femmes qui,

33

occupant des postes traditionnellement associés à la femme, cherchent à utiliser le plus

rationnellement possible les ressources dont elles disposent, et qui sont liées à leur statut de

femme.

L’auteur donne trois exemples de stéréotypes associés aux femmes qui peuvent faire l’objet

d’un jeu politique.

Tout d’abord, l’idée selon laquelle les femmes ont une capacité relationnelle plus développée

que les hommes. Elles seraient plus aptes à écouter les autres, seraient plus sensibles et

auraient plus de facilités à convaincre grâce à leur « charme naturel ». Ces qualités sont

particulièrement recherchées dans certains secteurs tels que la publicité ou les relations

publiques. Dans ces situations, les femmes qui adoptent cette stratégie cultivent une certaine

conformité au stéréotype du « naturel féminin ».

Le second exemple qu’il cite s’attarde sur un stéréotype très répandu concernant la femme,

celui de l’intuition féminine et de la créativité. Ces éléments de caractère constituent pour les

femmes un atout majeur, notamment lorsqu’il est admis que « la rationalité froide et sèche,

présumée exclusivement masculine, montre ses limites ».

Dernier exemple de jeu joué par les femmes, celui du conseil et de mère protectrice qui aide et

assiste. C’est une carte jouée par des femmes qui ne sont pas au premier plan dans

l’organisation. En effet, elles vont se construire une image de support et de conseil,

indispensable à celui qui assume les responsabilités. Elles peuvent ainsi peser sur les

décisions prises par les dirigeants sans pour autant s’exposer et en se comportant

conformément au rôle traditionnel d’assistance associé à la femme. Les femmes font ici une

utilisation rationnelle et logique des qualités que les hommes leur attribuent. Elles utilisent les

contraintes associées à leur statut de femme pour se rendre indispensables.

Enfin, on remarque que les femmes, pour évoluer et accéder aux postes à hautes

responsabilités, doivent démontrer leur légitimité, bien plus que les hommes.

B. Des pratiques qui visent à changer les mentalités

1. Vers une lutte contre les stéréotypes

Certaines entreprises mettent en œuvre des politiques RH destinées à favoriser la parité

hommes-femmes, notamment aux instances de directions. Elles se traduisent par des

changements et des ajustements organisationnels. Nous nous attarderons sur ces politiques

plus loin.

Tout d’abord, nous remarquons que de plus en plus d’entreprises signent des accords

exprimant leur volonté de travailler sur les stéréotypes hommes-femmes, de communiquer et

de sensibiliser les travailleurs sur cette question.

C’est le cas d’EDF qui a inclus, dans un accord de 2007 destiné à rattraper les écarts salariaux

entre hommes et femmes, un volet sur les mentalités. En effet, l’égalité professionnelle ne

34

peut être atteinte sans une évolution des mentalités et des représentations associées aux

femmes et aux hommes. Dans ce cadre, la direction d’EDF a, avec les syndicats, développé

une plaquette et un CD-Rom destiné à sensibiliser les salariés, et organise des réunions de

sensibilisation sur les stéréotypes. Plus persuasif, le taux de participation à ces réunions est un

des critères de l’accord d’intéressement. 9

Ensuite, on remarque que les femmes utilisent les stéréotypes, que ce soit de manière

consciente ou non, afin soit de les neutraliser, soit d’en jouer et d’en user à leur avantage.

2. Les femmes, parties prenantes des dispositifs émergents

a. La relation mentor-protégé

Selon Y-F Livian, « le pouvoir dans une organisation, c’est, en effet, une affaire de réseau de

relation ». Il est important d’avoir dans son entourage professionnel des personnes influentes

qui seront des soutiens.

Avoir un mentor dans une organisation permet d’en découvrir le fonctionnement et la culture.

Le mentorat peut être défini comme une relation d’accompagnement bénévole à long terme

entre un manager expérimenté et un manager moins expérimenté, dans le but de transmettre

une expérience, des savoirs, et notamment des savoir-être, et de partager un réseau. Le

mentorat se distingue du conseil ou du coaching. En effet, le mentorat crée une relation

privilégiée au sein de laquelle le potentiel du protégé peut se révéler.

Les rapports qui lient le mentor et son protégé sont basés sur des apports réciproques. En

effet, le mentor qui conseille se sent valorisé dans ce rôle ; et le protégé qui bénéficie des

conseils de son mentor détient des atouts majeurs dans le jeu politique qui se joue au sein de

l’organisation. Le mentor assure différentes fonctions vis-à-vis du protégé.

Tout d’abord des fonctions carrière qui visent à préparer et favoriser l’avancement de carrière

du protégé. Ensuite, le mentor a des fonctions psychosociales, basées sur la confiance,

l’intimité et un lien interpersonnel. Il est un modèle, il conseille et intègre le protégé dans

l’organisation, ce qui peut indirectement jouer sur ses possibilités d’évolution.

Pour le protégé, le mentorat permet de développer ses compétences, mais aussi sa carrière. Il

bénéficie d’échanges transverses et intergénérationnels, de soutien et développe son réseau.

Le rôle du mentor est souvent décrit comme indispensable par les dirigeants qui ont, à un

moment donné de leur carrière, bénéficié des conseils et de la protection d’un manager

expérimenté. C’est le type de mentor qu’Y-F Livian nomme mentor « grand-père ». En effet,

celui-ci ne se sent pas menacé par son protégé, et ne craint donc pas de partager son

expérience et sa connaissance des rouages de l’entreprise.

9 Entreprises et Carrières, N°1038

35

Ces relations de parrainage semblent être un facteur déterminant de l’avancement de carrière

des femmes. Cependant, les femmes rencontrent de nombreuses barrières dans l’accès aux

relations de parrainage.

Une première explication réside dans le fait que les hommes préfèrent être le mentor d’autres

hommes. Or, la question des relations entre les sexes se pose dès lors que les individus

susceptibles d’avoir un rôle de parrain sont majoritairement des hommes, en raison de leur

position dans la hiérarchie. Les relations mentor-protégé mixtes sont difficiles du fait du poids

de l’image, de la perception et des interprétations de ces relations au sein de l’organisation.

Ainsi, la deuxième explication découle de la première. Les femmes vont chercher des mentors

auprès d’autres femmes avec lesquelles il leur sera plus aisé de nouer des relations. Le

problème réside alors dans le fait que le nombre de femmes susceptibles d’assurer ce rôle, ou

souhaitant l’assurer, est limité puisqu’elles sont peu nombreuses à occuper des postes le

permettant.

Un troisième frein à l’accès des femmes à ces relations privilégiées réside dans la force des

stéréotypes sur les femmes au travail. En effet, les hommes susceptibles d’être parrain d’une

femme présument que celles-ci ne recherchent pas tant l’avancement de carrière que des

conditions de travail plus avantageuses.

Toutefois, le mentorat ou parrainage est un des outils que les femmes mettent de plus en plus

en place, notamment pour pallier les insuffisances des dispositifs classiques. On peut observer

le développement d’une forte entraide qui pousse au développement d’une entreprise dans

l’entreprise. Il peut s’agir d’un ensemble de relations qui constituent un outil stratégique pour

les femmes qui veulent accéder aux couches supérieures de la hiérarchie.

b. Les politiques RH women-friendly

Quels sont les dispositifs et les pratiques RH qui permettraient de briser le plafond de verre ?

Nous avons vu que dans l’accès à de hautes responsabilités dans l’entreprise, le rôle des

mentors et parrains est primordial. Il permet à la femme de marquer sa place dans les jeux

politiques.

Alors comment améliorer l’accès des femmes à ce type de relation ?

Pour les favoriser, des programmes formels peuvent être mis en place. Cela permet de lever

les barrières d’accès des femmes à ces relations. Dans le cadre de ces programmes, ces

relations font l’objet d’un encadrement et d’une aide de l’organisation. Un parrain est désigné

officiellement pour un protégé, et des rencontres régulières sont organisées afin de leur

permettre d’échanger.

Toutefois, nous pouvons nous demander si ces programmes sont aussi efficaces que le

parrainage informel.

36

Il semble que les relations informelles satisfassent le plus les protégés. En effet, selon Ragins

et Cotton10 c’est dans le cadre de ces relations informelles que les fonctions psychosociales et

d’avancement de carrière sont le plus mises en œuvre par les parrains. Ils conseillent donc aux

entreprises de favoriser le parrainage informel.

Nous pouvons citer certaines entreprises ayant mis en œuvre des politiques spécifiques, qui

peuvent servir d’exemple à d’autres organisations.

Parmi les « bonnes pratiques », on peut citer l’exemple d’IBM qui, pour améliorer la mobilité

professionnelle des femmes a créé le réseau Elles en 1999. Ce réseau a pour vocation de

promouvoir la diversité. Il contribue à changer la perception de la place des femmes chez

IBM et participe à leur évolution interne.

On retrouve un système de parrainage dont le but est de faciliter les retours de congés

maternité, ainsi que des programmes de mentorat qui accompagnent les femmes dans les

étapes clés de leur trajectoire professionnelle. IBM propose des mesures d’aide à l’équilibre

entre vie privée et vie professionnelle, ainsi qu’un forum et un intranet spécifiques aux

femmes afin qu’elles puissent partager des informations.

Ce type de réseaux exclusivement féminins se développe de plus en plus. En effet, on peut

citer le réseau InterpElles chez EDF ou Accent sur Elles chez Accenture. Progressivement, les

femmes s’organisent, créant de plus en plus de réseaux de solidarité, d’entraide dans le but de

faciliter leur progression de carrière et d’apprendre les comportements corrects et nécessaires

à l’avancement.

3. La question de la discrimination positive

Lorsque l’on traite de la question de la diversité on se retrouve souvent face à un arbitrage

entre différentes approches. On distingue l’approche libérale et radicale.

L’approche libérale se décline en trois principes. Tout d’abord celui de l’égalité des chances

qui consiste à mettre en place des règles du jeu équitables via des politiques et des méthodes

non-discriminatoires. Ensuite le principe de l’action positive vise à apporter une aide aux

groupes désavantagés. Cela passe par exemple par un suivi des groupes concernés ou des

formations spécifiques. Enfin, le principe de l’action positive basé sur le traitement

préférentiel de certains groupes consiste à mettre en place des politiques de conciliation

travail-famille par exemple.

L’approche radicale est quant à elle basée sur le principe de la discrimination positive. Elle

vise à remédier à une sous représentation de certains groupes de façon provisoire, et peut

passer par la sélection préférentielle et les quotas.

10 Dans l’étude “Mentor functions and outcomes: a comparison of men and women in formal and

informal mentoring relationships”, 1999

37

Comment faire accepter ce genre de mesure et est-elle efficace ?

Si nous reprenons l’exemple du rattrapage salarial chez EDF, nous pouvons conclure que la

mesure a été positive, puisque les écarts de salaire entre hommes et femmes ont diminué de

plus de quatre points depuis 2004.

Cependant, une telle mesure peut être source de tensions. Chez EDF, bien qu’elle visait la

compensation d’un écart injustifié, et concernait aussi bien les femmes que les hommes, elle

était associée à une augmentation non pas en raison des performances mais en raison du statut

de femme. Une mauvaise communication autour des mesures de rattrapage salarial par

exemple peut avoir des effets pervers.

Tout d’abord ces dispositifs préférentiels peuvent amener les femmes à avoir une image

négative d’elles mêmes. Ils peuvent générer chez les femmes un sentiment de honte lié au fait

de ne pas progresser au titre de leurs compétences. Les femmes promues pensent l’être en

raison de leur sexe plus qu’en raison de leurs compétences. Cela peut les mener à douter de

leurs capacités.

Dans le cas d’EDF, il était essentiel que la direction explique que la mesure visait la

compensation d’un préjudice.

38

Partie 3 - Femmes, maternité et carrière : Le cas EURO RSCG

C&O

I. La double carrière féminine : entre femme professionnelle et mère

A. La gestion de la maternité : une vision propre à chaque femme

Les aspects théoriques nous ont permis de soulever une problématique majeure de la

parité hommes/femmes, celle de l’articulation bien souvent délicate entre vie privée et vie

professionnelle. Il s’agit désormais de savoir comment les femmes de l’agence EURO RCSG

C&O abordent cette question, autrement dit les potentielles stratégies qu’elles mettent en

place à cet effet.

Commençons par un événement touchant, de manière générale, chaque femme au cours de sa

carrière professionnelle, on pense bien évidemment à la maternité.

On pourrait imaginer que les femmes, face à une même difficulté (à considérer que la

maternité soit ici envisagée a priori comme un certain frein à l’évolution professionnelle),

réagissent de façon identique. Et pourtant, l’étude des différents entretiens réalisés nous

permet de dresser un constat tout à fait original, faisant émerger plusieurs profils et réactions.

Deux types de comportement sont principalement mis en valeur. Si l’un passe par

l’anticipation au maximum de cette période de fragilité en mettant tout en œuvre en amont

pour organiser efficacement la question dans une perspective de carrière, l’autre est plus

centré sur une volonté de gestion au quotidien du sentiment de culpabilité.

Mme Y, partner de l’agence EURO RSCG C&O et mère de deux enfants, envisage la

maternité comme une parenthèse assez courte qui se résout par une maitrise complète de

l’organisation qui structure l’arrivée d’un nouveau-né. En effet selon cette dernière, la clé de

la réussite est sans aucun doute l’organisation. De la naissance jusqu’aux premières

fréquentations de l’enfant, il faut prévoir et anticiper afin de trouver au plus tôt des moyens

pour résoudre des conflits qui pourraient naitre et compromettre l’articulation entre vie privée

et vie professionnelle.

« Je crois que ce qui pose problème, c’est quand on n’a pas l’organisation derrière qui va

avec, pour le retour. Parce que non seulement vous laissez votre bébé, mais en plus si vous

êtes pas en confort avec le mode de garde que vous avez choisi… Je pense qu’il faut être très

sûr de son mode d’organisation à la maison. J’ai toujours eu une organisation, une double

organisation à la maison, la nounou de la journée, la jeune fille au pair qui prenait le relai.

J’ai toujours mis en place une organisation qui faisait que j’étais pas à regarder ma montre,

à partir de 18h30 en me disant il faut que je rentre pour la nounou. »

Cette partner semble avoir opté pour un mode de fonctionnement qui lui permette de

bénéficier d’un confort d’esprit au travail. Dans ce métier prenant en agence avec des clients,

39

des équipes et des sujets qui exigent une grande disponibilité, le choix pour cette femme est

de s’assurer que « tout roule à la maison ».

Il semblerait ainsi que la maternité soit comprise comme un frein dans la mesure où pour

éviter sa concrétisation négative, Mme Y décide de se libérer de certaines contraintes

familiales au profit d’un esprit libre et aéré au travail.

« Alors après certainement les enfants doivent crier un peu, je sais que quand je les ai au

téléphone à chaque fois ils me disent « tu rentres pas tard maman », c’est systématique.».

Toutefois, la même interrogée précise que si elle délègue certaines tâches, il est primordial

pour elle d’avoir « une confiance totale dans l’organisation », « que les enfants soient bien et

qu’ils aient une stabilité ».

On comprend que si le statut de partner permet à cette femme d’accéder à des niveaux de

revenus assurément convenables, une grande partie est automatiquement réservée à

l’organisation contrôlée des enfants. Dans cette stratégie qui consiste à consacrer des moyens

et un investissement financier importants au profit d’une liberté professionnelle, comment

peut-on comprendre les ambitions de cette femme ?

« Dès le démarrage, on s’est mis sur une organisation comme celle là. C’est pas par

carriérisme. C’est pas l’idée. Mais je ne voyais pas comment je pouvais faire mon métier

sinon. », en ajoutant, « Aujourd’hui dans une agence je ne vois pas quelqu’un qui devient DG

ou partner en partant tous les jours à 18h30 ».

Sans porter aucun jugement qui serait hâtif, il semblerait que le discours de Mme Y soit tout

de même orienté carrière. En effet les choses sont claires, la vie privée ne doit pas entraver la

vie professionnelle.

Cette vision de la maternité ne semble pas être unanime.

En effet, s’il paraît évident qu’un minimum d’organisation est nécessaire pour gérer l’arrivée

d’un nouveau venu, c’est sous un angle différent qu’Mme X, DG adjointe de l’agence en

charge de la coordination, aborde cette question de la maternité.

La carrière trouve sans aucun doute sa place parmi les priorités d’une directrice générale,

toutefois il reste essentiel aux yeux de cette femme d’être présente pour ses enfants à des

moments clés de la vie, moments qu’elle n’abandonnerait pour rien au monde.

Il s’agit ici de considérer qu’il y a des impératifs dont les enfants font clairement partie, mais

que cet impératif ne doit en rien être considéré comme un handicap à l’évolution

professionnelle. « La grossesse, ce n’est pas une maladie. Ce qui peut poser problème, c’est

comment vous revenez du congé. ».

À l’inverse d’une organisation en amont, c’est ici à une réaction sur le tas et non anticipée que

l’on fait référence. Il semblerait qu’il existe deux types de femmes, « celles qui rentrent plus

fortes et celles qui rentrent plus faibles », ou en d’autres termes celles que la grossesse révèle,

et celles que la grossesse fragilise. La question n’est donc plus d’offrir un cadre stable aux

enfants pour s’assurer une stabilité professionnelle, mais bel et bien de mettre l’accent sur

l’évolution des sentiments de la femme à son retour de congé.

Le profil de la directrice générale est celui d’une femme dont la grossesse a permis

l’épanouissement à la fois personnel et professionnel. Plus solide, plus forte, plus d’assurance,

Mme X pense que la grossesse rend la vie meilleure de manière générale, et que l’équilibre

40

professionnel dépend notamment de l’équilibre personnel. Il ne s’agit donc pas de prioriser les

aspects métier et carrière, mais de comprendre la période de maternité comme un moteur à

l’évolution de la femme dans tous ses aspects.

De cette approche découle l’organisation et l’articulation du rôle de mère avec celui de

directrice générale.

Selon Mme X, les femmes fortes sont celles qui réussissent à articuler travail et famille, celles

qui ne sont pas trop fusionnelles au point de mettre en danger leur carrière pour se consacrer

entièrement aux enfants. On oppose donc les femmes fortes à celles qualifiées de « faibles, au

sens professionnel du terme ».

« Il faut se fixer des règles. À partir du moment où j’avais décidé qu’il y avait des soirs où je

le verrais pas, parce que c’était inévitable, et qu’il y avait des soirs où je le verrais beaucoup,

parce que je rentrerais plus tôt, et que le week end, de toute façon, je ne travaillerais jamais.

Ou alors quand il dort. ».

Pour établir une rapide comparaison, Mme Y se présentait plus flexible à ce sujet « Pour

autant je pense qu’effectivement, j’ai pas levé le pied. Ce que certaines femmes font. Et donc

ça n’a pas entrainé le fait que bon voilà on peut pas faire de nocturne, travailler les jours

fériés, les weekend etc. Ça n’a jamais … quand il fallait il fallait. ».

Ainsi pour la directrice générale, la question n’est pas véritablement celle d’un choix entre vie

professionnelle et vie familiale, mais celle d’un arbitrage, d’un partage équitable et équilibré

entre les deux. Il existerait comme une interdépendance entre le bien être familial et le bien

être en milieu professionnel.

La directrice générale adjointe semble être prise de passion par son nouveau poste de

coordinatrice au sein de la direction, mais elle confesse que son bien être et son

épanouissement passent inévitablement par des moments clés et uniques au cours desquels

elle s’octroie le droit et le devoir de profiter de son cocon familial.

Ainsi, si le confort reposait pour Mme Y (partner) sur le fait de savoir ses enfants entre de

bonnes mains, pour Mme X rien ne remplace la présence physique et ces petits moments de

complicité.

« Je ne peux pas être loin des miens, je suis beaucoup trop animale. En revanche, il faut

savoir ce sur quoi on est d’accord ou pas. Moi je refuse les week-ends et les voyages. Le soir

oui, parfois je travaille et il dort quand je rentre. Je lui fais un petit bisou, ça me fout un peu

les boules voire beaucoup, et le lendemain je suis toute prête quand il se réveille. Ça aussi

c’est de l’organisation. Je me lève une demie-heure avant lui, et je suis prête quand il se lève.

J’ai une heure avec lui. Une heure pour une femme qui dirige une agence, au minimum. Je me

dis qu’il y a pleins de femmes qui n’ont pas ça. »

À un niveau différent il s’agit là aussi d’une question d’organisation, il ne faut pas rater les

moments symboliques au niveau personnel et professionnel.

41

« Si je n’avais pas réussi à faire un deuxième enfant, j’en aurais tellement voulu à cette

agence que j’aurais fini par partir. Je pense qu’à un moment quand vous travaillez comme

une dingue mais que vous n‘arrivez pas à faire d’enfant vous êtes tellement frustrée, tellement

aigrie que vous finissez par vous dire que c’est la raison pour laquelle vous n’avez pas

d’enfant. Vraiment, j’aurais fini par trouver mon poste de DG too much. J’aurais finis par me

poser des questions sur la place du boulot dans ma vie».

Autrement dit la question de l’équilibre est fondamentale.

Mlle Z, clairement identifiée comme un haut potentiel de l’agence, ne contredit pas l’avis de

la directrice générale à ce sujet.

Même si cette dernière n’a pas encore connu sa première grossesse, elle envisage assurément

de prendre son rôle de mère un jour, et elle ne compte pas en faire une parenthèse courte.

Au même titre que Mme X, on retrouve là l’idée de perspective de carrière en tentant d’être

au maximum proche de sa famille. Si la directrice générale a vécu et continue de vivre un

congé de maternité, Mlle Z sera très vite confrontée à cette question puisque cette dernière

souhaite mettre au monde son premier enfant aux alentours de 30 ans. « C’est pour ça aussi

qu’elle veut aller très vite maintenant. », nous confie Mme X à son sujet.

Et cette affirmation est confirmée par l’intéressée : « Ce qui est marrant c’est que ma mère

m’a dit, ma mère qui est une femme qui a eu 3 enfants, qui n’a jamais cessé de travailler, qui

rentrait très tard au début, puis quand elle a eu son troisième, a pris un congé parental de 2

ans. C’est une femme très active, qui est clairement un modèle pour moi, m’a dit quand j’ai

eu ce poste « je pense que tu aurais raison de le faire maintenant, ne serait ce que pour ne

pas avoir à le faire dans 10 ans quand tu auras une famille. » Ce n’est pas impossible d’avoir

un enfant dans ma situation, mais ce n’est pas ma vision de la maternité. ».

On s’aperçoit que les discours des deux femmes présentent des points communs.

En effet, la jeune femme haut potentiel espère réussir son arbitrage entre vie privée et vie

professionnelle, et considère que celui fait par Mme X est un exemple dans la mesure où

l’objectif est d’occuper un poste à hautes responsabilités tout en jouissant de moments

uniques avec ses enfants. Mlle Z nous confie « En fait si j’arrive comme Mme X à ne pas

passer à côté de ces choses là (les moments symboliques près de l’enfant), moi je serais ravie.

C’est l’objectif. Je ne veux rien sacrifier, ou au minimum ».

Toutefois, le parcours de ces deux femmes risque de présenter des différences dans la mesure

où Mlle Z souhaite gravir les échelons hiérarchiques le plus rapidement possible, et ainsi,

éviter le plus de sacrifice possible. L’écart ne se fait pas sur des modes de pensée différents,

mais sur des déroulements de parcours qui permettent ici à la jeune femme de faire des calculs

de grossesse afin d’articuler au mieux vie privée et vie professionnelle. C’est probablement

une option qui n’a pas été envisageable pour Mme X.

Finalement, ces différentes approches de la maternité reposent plus largement sur des visions

différenciées de la vie dite privée ou personnelle.

En effet, si Mme Y l’envisage comme un tout intégré, mettant plus ou moins sur un pied

d’égalité différents aspects de la vie (amis/famille/voyage/vie professionnelle), il n’en est pas

42

de même pour Mme X ou encore Mlle Z qui semblent vouloir donner une certaine priorité au

cocon familial pour asseoir un bien être à la fois personnel et professionnel.

En effet pour la partner, il paraît lunaire de concevoir la vie autour du noyau familial, ce

dernier doit au contraire se nourrir de tous les aspects extérieurs, qu’il s’agisse du travail, des

amis ou encore des voyages.

Ainsi les enfants sont une pierre de l’édifice, mais une pierre parmi d’autres. L’exemple des

amis est probant : « Les enfants ont aussi vécu avec ça. C’est-à-dire que oui on sort. Et oui on

reçoit encore quelqu’un. Et alors « oh encore des amis ce soir à la maison ? », « oui on reçoit

encore des amis ce soir ».

Au contraire pour Mlle Z ou Mme X, il n’y a pas de problème à mettre la famille au cœur des

préoccupations extra professionnelles.

La partner semble d’ailleurs être consciente que son mode de fonctionnement n’est pas

commun et qu’il s’agit là d’une réflexion propre à chaque femme.

« Je pense que la maternité est un vrai sujet. À partir du moment où on est mère, je pense que

c’est une réaction personnelle face à la maternité. Est-ce que ça change sa relation au boulot

ou pas ? ».

On peut se poser la question suivante : la femme se sentira t-elle épanouie et prête à

poursuivre ses objectifs de carrière, ou au contraire développera t-elle un sentiment de

culpabilité maternelle trop important qui l’empêchera de s’épanouir professionnellement ?

B. Entre hommes et femmes, une inégalité de fait

Le poids de la culture organisationnelle, la part plus conséquente des tâches

domestiques, la question de la maternité… Autant de contraintes qui semblaient en première

partie peser sur la progression de carrière des femmes aujourd’hui. Mais surtout autant de

caractéristiques favorables aux hommes.

Si les statistiques permettaient de justifier cette tendance, quelle est l’impression des femmes

de l’agence EURO RSCG C&O sur cette question ?

Pour la directrice générale adjointe, il n’y a pas l’ombre d’un doute, les questions relatives à

la grossesse, « ce sont des questions que ne se posent pas les hommes. Et ce ne sont pas des

questions que vous vous posez avec les mecs. Vous êtes seules dans ces histoires la. Ces

questions la prennent de la place, il faut le savoir, et les affronter. ».

Autrement dit, il s’agit clairement d’un obstacle auquel est confrontée la femme seule, et

qu’elle doit gérer seule. De toute évidence les hommes échappent à cette difficulté car s’ils

peuvent jouer un rôle de soutien des femmes, ils n’ont aucun choix cornélien à faire au cours

de leur carrière. La question du sacrifice, si complexe à gérer pour la gente féminine, ne se

pose pas pour le genre opposé.

« Le choix entre vie de famille, et la carrière, c’est un choix qu’un homme ne ferait jamais. ».

De plus, dans la mesure où il est toujours apparu naturel pour les hommes d’atteindre le top

management, l’idée de carriérisme est très bien acceptée. Alors qu’elle peut être considérée

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chez les femmes comme un abandon des responsabilités familiales au profit d’un avenir

professionnel.

« On n’est pas égaux, et les hommes sont un peu durs la dessus pour être honnête. Ça veut

dire que si vous êtes trop arriviste, vous vous occupez pas de vos mômes, ils sont capables de

vous faire des réflexions, « et tes mômes, tu les vois de temps en temps » ? Phrase que moi je

ne dirais jamais. . Et donc il faut surtout pas se laisser faire par ce genre de petite phrase.

C’est facile de répondre, il suffit de dire « bah et toi alors, toi aussi t’as des enfants non ? Et

le pire c’est que si vous êtes du genre à aller chercher vos enfants tous les jours à 18h chez la

nounou vous n’avez pas d’ambitions. Vous voyez ?»

Selon Mme X, les femmes et les hommes ne seront jamais exactement sur un pied d’égalité

dès lors qu’est uniquement imposée à la femme ce dilemme, et que la légitimité de carrière

continue d’accompagner naturellement les hommes bien plus qu’elle ne se déplace au profit

des femmes.

Il en est de même pour la question des tâches domestiques.

Les mœurs font apparaître la femme au premier plan des tâches ménagères et familiales, plus

largement domestiques. L’évolution constante de la société vers un partage des tâches

bouscule ce mode de pensée, mais ne permet pas d’éradiquer la vision générale et largement

partagée selon laquelle la femme en fait plus en dehors du travail.

Mme Y l’affirme, « Un homme il va pas chercher l’enfant à la crèche. C’est ça le problème.

Oui il y a l’égalité entre l’homme et la femme mais, dans le couple, c’est quand même plus

souvent la femme que l’homme qui va chercher l’enfant à la crèche. ».

« Il y a encore des trucs où c’est quand même la femme qui est obligée d’y penser, de penser.

Le goûter d’anniversaire, le machin, les inscriptions au judo, karaté et autres… C’est vrai

qu’on est quand même nous multitask. »

On a parlé de choix, d’articulation ou encore d’arbitrage, mais celui-ci doit-il nécessairement

être perçu comme négatif ?

La possibilité, le droit de choisir, n’est-ce pas plutôt une opportunité pour les femmes qui, en

toute connaissance de cause, font leur choix en fonction de leurs motifs et représentations

personnels, de leur conception individuelle de la vie ?

On l’a vu, en fonction des profils, des points de vue différents et intéressants se dégagent.

De plus, selon la partner, « les hommes ont maintenant une envie aussi d’équilibre plus

important ce qui n’était peut être pas le cas il y a quelques années. Donc je pense que les

autres choses s’équilibrent, on revient à peu près au même plateau. ». Il s’agit de penser qu’à

mesure que l’homme donne de l’importance au cocon familial, il est également concerné par

la question du choix à son tour.

L’ultime question qui reste à poser est celle relative à la paternité.

Est-il envisageable d’offrir aux hommes un rôle nouveau, visant à diminuer l’écart d’accès

aux responsabilités familiales ?

Il s’agirait de rapprocher le rôle de l’homme de celui traditionnellement rattaché à la femme,

en lui proposant une implication grandissante dans la parentalité. Cela passerait notamment

par la mise en place d’un congé de paternité rallongé.

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Il n’est pas certain que Mme Y, partner de l’agence EURO RSCG C&O, se prononce en

faveur de cette mesure. En effet, il semble que le rôle du mari à cette étape de la vie ne soit

pas primordial. Elle nous confie une fois de plus qu’il existe des impératifs professionnels

auxquels ni elle, et encore moins son mari, ne peuvent déroger.

« À l’époque il n’y avait pas les 15 jours c’était 3 jours. Et je crois qu’il ne les a pas pris les

deux fois. Mais bon à sa décharge euh voilà il était sur des dossiers compliqués à ce moment

là et c’était pas possible. Je pense qu’il faut l’accepter mais c’était pas très grave. ».

Quant à Mme X, rien ne dit explicitement qu’elle trouverait la mesure intéressante, mais

l’ensemble de l’entretien nous permet d’affirmer qu’elle ne serait pas contre. En effet, Mme X

nous énonce à plusieurs reprises que les mœurs et habitudes jouent un rôle essentiel dans la

construction des relations hommes/femmes au quotidien. Un vrai combat semble exister au

jour le jour pour que la femme gagne en légitimité sur le terrain professionnel, et que

l’homme se reconnaisse plus actif au sein des responsabilités familiales.

Finalement on comprend que si les hommes ne sont pas confrontés au même environnement

que les femmes au quotidien, il semble qu’un équilibre tende à s’établir progressivement, cet

équilibre devant émaner à la fois du comportement de la femme et de celui de l’homme.

C. Vers une évolution des mentalités et des mœurs ?

À cette étape d’analyse des entretiens, si l’évolution concrète vers une parité

hommes/femmes est notable tout en restant timide, qu’en est-il de l’évolution des

comportements et des perceptions vis-à-vis de la question ?

Mme W, DRH de l’agence EURO RSCG C&O, nous confie à ce sujet qu’ « un homme a une

place légitime, alors que la femme doit prouver qu’elle est légitime. Elle doit prouver encore

plus qu’un homme. C’est ça la difficulté de la femme aujourd’hui. ».

On a pu le constater dans la première partie d’analyse, la dernière marche à gravir

hiérarchiquement pose toujours plus de difficultés aux femmes. Le fait est que le

comportement des femmes a tendance à renforcer ces difficultés dans la mesure où elles les

intériorisent bien souvent.

La réaction de MmeY quant à la compréhension de son mari vis-à-vis de sa volonté de

s’épanouir professionnellement, ne contredit pas cette affirmation.

« Je pense que ce que j’ai pas dit c’est que j’ai un mari qui a toujours compris ce que je

faisais. Je pense que d’être comprise par son conjoint sur ces types de contrainte c’est

indispensable. S’il y a un gros décalage, s’il ne comprend pas, je pense que c’est

insupportable. D’ailleurs je ne lui ai même pas dit à mon mari, merci !».

Dans un sens il parait intéressant de voir que l’homme accepte les contraintes professionnelles

de la femme dans la mesure où lui-même en connaît les enjeux, c’est une progression

intéressante dans l’esprit des hommes aujourd’hui. Dans un autre, et c’est là que l’évolution

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dépend réellement de la perception que les femmes ont d’elles-mêmes, on soulève ici

l’attitude reconnaissante de MmeY qui remercie son mari d’être compréhensif.

On s’aperçoit en effet que sa compréhension est perçue comme un effort reconnu à l’homme

de comprendre les perspectives de carrière de sa femme. Autrement dit il n’est pas encore

considéré comme naturel pour une femme de souhaiter gravir les échelons de la hiérarchie.

On se positionne ici uniquement sur l’avis des femmes de l’agence, mais qu’en pensent les

hommes, premiers concernés ?

Nous n’avons pas eu l’occasion d’interroger des membres masculins de l’agence, toutefois

notre entretien avec Mme W, DRH de l’agence EURO RSCG C&O, nous permet d’évoquer

l’idée d’un basculement des générations.

En effet, si les femmes ont une certaine vision d’elles-mêmes et du rôle du père, les hommes

de l’agence semblent aujourd’hui vouloir donner une place grandissante à leur vie

personnelle.

Concernant le congé paternité, « À l’agence en tout cas, nous faisons 10 jours de congé

paternité. Je crois que tous les garçons le prennent. C’est quand même incroyable. Enfin moi

je trouve ça exceptionnel de voir les mecs s’absenter 10 jours pour s’occuper de leur nouveau

né, de leur femme. On est dans une bascule de génération. ».

Il est intéressant de noter la surprise et l’étonnement des femmes vis-à-vis de ce basculement.

Par ailleurs, la DRH nous confie également qu’au-delà du simple congé paternité, désormais

les hommes ont l’air de se sentir plus impliqués. « J’ai des hommes qui ont une trentaine

d’années qui me disent « ah c’est embêtant je viens d’acheter une maison dans le 94 donc ouh

là là j’aurai 2h de transport, et puis en plus je viens d’avoir un bébé je le verrai pas. Ah bah

non je prends pas le poste ».

Finalement, on s’aperçoit que chaque femme développe sa propre stratégie de défense face

aux contraintes qui lui sont imposées au quotidien. En effet, malgré une évolution notable des

mentalités, due notamment à une plus grande légitimité accordée à la femme aujourd’hui, ces

dernières continuent de devoir se battre sur tous les plans pour pouvoir prétendre à un poste à

hautes responsabilités. Cela comprend la gestion de la grossesse, de l’éducation, de la

majorité des responsabilités familiales, mais également la gestion d’une problématique

carrière.

Ainsi, il apparaît qu’existe un réel plafond de verre que les femmes tentent tant bien que mal

de briser. Par ailleurs, on le verra, les dispositifs de l’agence quant à ces questions

d’articulation sont très peu formalisés, cela peut justifier le comportement des femmes qui

créent elles-mêmes des outils qui sont propres à leur vision et représentation de la vie. Il s’agit

donc quelque part d’un moyen pour ces femmes de pallier à l’absence de pratiques définies,

on parlerait de stratégies informelles.

Cependant, si les femmes mettent assurément en place des moyens de lutter contre certaines

limites professionnelles, ne sont-elles pas quelque part coupables de l’existence de ces

barrières invisibles ?

Nous allons le voir, les femmes ont leur rôle à jouer dans la construction du plafond.

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II. Le plafond de verre : construction de la femme ou de

l’organisation ?

De nombreux stéréotypes sont associés aux femmes, qui peuvent soit en jouer, soit les

combattre. Les femmes de l’agence EURO RSCG C&O en ont conscience. Dans leur discours

et leurs explications des différences qui peuvent exister entre les genres, notamment en termes

d’accès aux postes à hautes responsabilités, ces stéréotypes jouent un rôle majeur. Cependant,

il est important de noter que ces stéréotypes ne sont pas rapportés par des hommes, ils sont

expliqués à travers un regard féminin. Il s’agit de voir comment les femmes comprennent les

stéréotypes qui leur sont associés ainsi que ceux qu’elles associent aux hommes, et de montrer

comment ces idées reçues peuvent influer sur leurs comportements.

A. Le positionnement des femmes dans le rapport de force

Dans la pyramide représentant la hiérarchie de l’agence EURO RSCG C&O on se rend

compte que le nombre de femmes présentes dans les instances de direction diminue au fur et à

mesure que les échelons de la hiérarchie augmentent. Alors qu’au sein du comité opérationnel

on trouve deux tiers de femmes pour un tiers d’hommes, ces valeurs s’inversent pour les

patrons commerciaux. À l’échelon suivant, la direction générale, on trouve seulement une

femme pour quatre hommes, et un comité de vice-présidents qui sont tous des hommes. Enfin,

le PDG est également un homme.

Comment expliquer ce phénomène ? Comment est-il vécu et interprété par les femmes de

l’agence EURO RSCG C&O ?

Lorsque l’on interroge certaines femmes de l’agence à ce sujet, on retrouve tout d’abord l’idée

selon laquelle leur propre comportement joue un rôle majeur. Il semble que la façon dont les

femmes se positionnent dans l’entreprise et notamment dans le rapport de force avec les

hommes reflète une certaine intériorisation des stéréotypes qui leur sont généralement

associés.

En effet, selon Mme X, DG adjointe de l’agence en charge de la coordination, les hommes et

les femmes ont des façons différentes de se positionner. Elle considère que la question clé est

celle de la confiance en soi. Les hommes auraient une plus grande confiance en eux et une

façon de présenter leur travail plus assurée. Ils seraient beaucoup plus sûrs de la qualité de

leur travail et le présenteraient comme tel, alors que les femmes auraient tendance à décrire le

leur comme non terminé et imparfait.

« Les hommes, si c’est à moitié fait, c’est fait. Nous si ce n’est pas complètement fait, voire à

150% fait, ça n’est pas fait » déclare Mme X.

« Même âge, même CV, la personne de sexe masculin va arriver avec une très grande

confiance en lui, alors que ça sera parfois ni fait ni à faire, mais il va me le présenter comme

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un travail fini. La fille ça peut très bien être parfaitement bouclé, elle y a passé la nuit entière,

mais elle va quand même me le présenter comme un truc pas finalisé. »

Ainsi paraît-il plus aisé pour les hommes de se démarquer, de faire leurs preuves et donc de

pouvoir potentiellement évoluer lorsque l’on considère qu’ils expriment plus que les femmes

leur volonté de prendre des responsabilités.

En effet, selon Mme X le manque de confiance des femmes en elles est un enjeu de parité.

Elle nous dit « Je connais très peu de femmes qui m’aient dit ‘‘ je veux prendre le lead sur ce

dossier’’ alors que les mecs me disent ‘‘c’est bon, ce n’est pas la peine de mettre quelqu'un

au dessus, je vais me débrouiller’’ ».

Selon elle, les femmes n’assumeraient pas d’occuper les postes de direction les plus hauts.

Ainsi, si les femmes considèrent qu’elles ne seront jamais leader parce qu’elles ne savent pas

comment l’être et qu’elles ne sont pas faites pour ce rôle, alors elles ne pourront jamais

marquer de points auprès de la hiérarchie. Une femme aura plus de difficultés à se mettre en

avant « alors qu’un mec ne va jamais se dire qu’il n’est pas fait pour être leader même s’il

n’a pas du tout les capacités ».

On l’a compris, les femmes ont plus de difficultés à convaincre, et contribuent à véhiculer une

image de la femme peu sûre d’elle, incapable d’assumer de grandes responsabilités, incapable

de prendre le pouvoir et de l’assumer.

On retrouve cette idée dans le discours de Mlle Z, clairement identifiée comme un jeune

talent, un haut potentiel de l’agence.

En effet, à la question « Si vous étiez à la tête de l’entreprise et que vous aviez les pleins

pouvoirs, que feriez-vous pour favoriser la parité ? » elle nous répond que pour encourager la

montée des femmes dans les derniers échelons de la hiérarchie, d’une part elle « rééduquerait

les hommes en leur collant des femmes dans les pattes » mais aussi elle « rééduquerait les

filles dans l’ambition qu’elles doivent avoir ».

Selon elle, « ce sujet de top management vient du fait qu’il y a beaucoup d’hommes qui sont

plus à l’aise avec des hommes. Ils ont l’impression d’avoir un rapport plus simple avec les

hommes. Ce n’est pas seulement une histoire d’estime. Je ne sais pas, c’est une question de

culture je pense, une culture d’entreprise à refaire. »

Les hommes ne seraient pas, par leurs comportements vis-à-vis des femmes, les seuls

responsables du blocage dans la hiérarchie. Celles-ci joueraient, par manque d’ambition, un

rôle actif dans cette situation.

Enfin, on retrouve le même type de discours chez Mme Y, partner de l’agence EURO RSCG

C&O. Après lui avoir fait remarquer que les femmes étaient d’autant moins nombreuses que

le niveau hiérarchique considéré augmentait, elle explique ce blocage par le fait que les

femmes ont « probablement une façon de se mettre en avant un peu moins importante »

même si elle pense que le fait d’être une femme n’a jamais joué sur l’avancement de sa

carrière. Elle ajoute :

« C’est vrai qu’on a certainement pleins de qualités mais on n’a certainement pas les mêmes.

On est moins dans l’imposition des choses, probablement, on est peut être un peu plus

consensuelle quoi que on sait quand même imposer nos vues »

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Ces propos nous conduisent à penser qu’il existerait une attitude et une mentalité propres aux

femmes, dont découlerait ce positionnement face aux hommes. On parlerait même d’un

phénomène d’autolimitation des femmes qui, par leur comportement, prendraient part à la

construction du plafond de verre.

On retrouve ici le concept de violence symbolique développé par Pierre Bourdieu. Il fait

référence à l’intériorisation d’une domination sociale liée à la position sociale occupée par les

agents de cette domination. Elle s’appuie sur une domination structurale, c'est-à-dire sur la

domination d’une position en fonction d’une autre, et non pas sur la domination d’un individu

sur un autre. La violence symbolique aboutit donc à imposer comme légitime cette

domination.

Selon lui, cette violence explique la perpétuation des rapports de domination, et la division

sociale hommes-femmes façonne les comportements des individus. De façon inconsciente et

involontaire les dominés, ici les femmes, incorporent la vision du monde des dominants, les

hommes. Les femmes contribuent ainsi à perpétuer l’ordre social existant dans lequel elles

sont les opprimées.

Selon Bourdieu, le monde social est fondé sur un ensemble d’oppositions qui trouvent leurs

sources dans la distinction hommes-femmes et qui véhiculent des valeurs implicites, intégrées

par les individus, créant une domination masculine « dans l’ordre des choses ».

Cette notion d’intégration des oppositions entre les sexes se retrouve dans le discours des

femmes interrogées chez EURO RSCG C&O. En effet, Mme X nous dit à propos du fait que

peu de femmes occupent les plus hauts postes dans les organisations : « sauf que les femmes,

il y a ce moment délicat, c’est ce passage à à l'étape du dessus, et il y en a quelques unes qui

assument, mais pas beaucoup, c’est ce moment où j’assume d’être le numéro un, j’assume

d’être le chef, le leader, le grand. Pas à la direction générale, l’étape du dessus. C’est la où

on trouve les qualités des hommes, que nous les femmes n’avons pas forcément ».

A partir de l’analyse de Bourdieu selon laquelle les dominées ont intériorisé de manière

inconsciente la domination, on peut identifier deux visions qui s’opposent.

D’une part celle de l’anthropologue Maurice Godelier qui développe le concept de

consentement et d’autre part celle de Nicole Claude Mathieu qui réfute cette interprétation.

Godelier cherche à comprendre comment un pouvoir de domination, en l’occurrence ici le

pouvoir de domination du sexe masculin sur le féminin, peut perdurer. Selon lui, cette

domination est composée de deux éléments : la violence et l’acceptation. En effet, la violence

doit être accompagnée du consentement pour que la domination soit maintenue.

Alors comment les individus consentent-ils à ce pouvoir ? Godelier répond que cette

domination n’apparait pas contraire à leurs intérêts, elle est un service qui leur est rendu, ce

qui légitime la position des dominants sur les dominés. Ainsi, on aboutit à un partage de

représentations. À la différence de Bourdieu, Godelier insiste sur la spontanéité de l’adhésion

des femmes à ces représentations.

Peut on dire que les femmes adhèrent aux représentations qui leur sont associées parce

qu’elles se sentent redevables d’une dette vis-à-vis des hommes ?

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Nicole Claude Mathieu, réfute cette analyse fondée sur le consentement. Selon elle ce n’est ni

la violence ni la reconnaissance de la légitimité du pouvoir de domination masculin qui

maintient cette domination. Les dominées auraient conscience de cette domination mais pas

les moyens pour en sortir. La responsabilité de cette domination n’est pas attribuable aux

femmes et il y aurait non pas un partage des représentations mais plutôt un refoulement de la

domination.

Que peut-on en conclure dans le cas d’EURO RSCG C&O ?

On peut remarquer qu’on retrouve ces deux théories dans le comportement des femmes. En

effet, l’intériorisation des stéréotypes peut laisser penser qu’elles partagent les représentations

masculines. Il apparait de plus qu’elles ont conscience de l’existence du plafond de verre,

mais qu’elles n’aient pas encore les outils leur permettant de faire le dernier mètre les séparant

du pouvoir dont parlait Mme X.

Un autre facteur explicatif de la persistance du plafond de verre réside dans le fait que les

stéréotypes concernant les femmes n’ont pas été uniquement intériorisés par celles qu’ils

concernent directement. Une intégration de ceux-ci notamment par les responsables

hiérarchiques et les collègues peut contribuer à les renforcer. En effet, en ayant des idées

préconçues sur les qualités des hommes et des femmes, les attentes les concernant au travail

diffèrent et peut consolider leur position actuelle dans l’organisation.

En effet, Mme X nous met en garde : « il faut se méfier d’un truc, c’est que nous même

femmes managers on peut reproduire ça ; c'est-à-dire que moi je reconnais que je suis plus

sensible à une fille qui fera pas sa copie qu’à un mec. […]. C’est aussi parce que les

personnes en face se positionnent comme ça. Il y a une espèce de cercle vicieux où la parité

en termes d’attente n’existe pas. En tout cas on n’attend pas les mêmes choses. Les gens ne se

positionnent pas pareil ».

Ainsi, il existe selon elle un risque pour les femmes d’être enfermées et de s’enfermer dans ce

cercle vicieux où les représentations de leurs qualités les cantonnent à des postes de numéro

deux. En effet, Mme X nous dit « je suis clairement beaucoup plus consciencieuse, beaucoup

plus impliquée, beaucoup plus soucieuse des choses, du collectif, de l’efficacité. Et pourtant je

ne suis pas numéro un, je suis numéro deux ».

Quelle est l’explication de ce phénomène ?

Selon elle, cela est dû au fait que les femmes n’ont pas forcément les mêmes qualités que les

hommes. En effet, les femmes manquent de confiance en elles et ne diront jamais des choses

dont elles ne sont pas sûres. A l’inverse, les hommes ont plus de facilité à se projeter, même

s’ils ne sont pas sûrs de ce qu’ils avancent, et réussissent à fédérer un collectif de travail

autour de cette projection. On leur prête des qualités telles que la créativité ou la prise

d’initiative.

Par ailleurs, on associe souvent aux femmes des capacités d’organisation, de formalisation, de

rigueur et de management qui sont prétendues acquises, d’autant plus que cette logique

commence dès la scolarisation des femmes. « Plus on est forte scolairement par rapport aux

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hommes, plus on va attendre ça de nous. Comme on est plus forte de toute façon scolairement,

c’est statistique, on va s’enfermer dans ça ».

Ainsi, il semblerait que les hommes à la tête de l’entreprise pensent le mouvement qui

entraine le collectif, ont une certaine vision, mais que les femmes sont celles qui vont faire en

sorte qu’il se fasse grâce à une certaine efficacité managériale.

Selon Mme X, « il n’y a pas de bons numéro un sans un bon numéro deux ».

Enfin, il est important de s’intéresser à la question salariale du point de vue de la

représentation de la femme dans l’entreprise, mais surtout dans le monde du travail. Sans

tomber dans un lieu commun consistant à dire qu’une femme, du seul fait de son sexe sera

moins payée qu’un homme, on peut toutefois voir, dans le discours des femmes, que la façon

dont est perçue leur contribution financière au foyer joue un rôle sur le niveau de leur

rémunération. En effet, ce n’est qu’en mai 1942 que toutes les interdictions relatives à

l’emploi des femmes mariées ont été levées. Jusqu’alors, leur travail est perçu comme un

travail d’appoint permettant au foyer d’avoir un second salaire.

Ainsi, lorsque nous abordons la question des rémunérations avec Mme Y, elle nous dit : « Je

pense que dans le regard aussi de vos patrons successifs, vous êtes la femme donc c’est pas

très grave si votre prime est moins forte. […] Moi je suis intimement persuadée, pas

forcément de façon très objectivée, mais que ça rentre en ligne de compte. Je suis pas sûre

qu’ils se le disent vraiment « bon Mme Y ça va son mari gagne sa vie, c’est pas la peine ». Je

suis pas sûre que ce soit quelque chose qui ait été dit et pensé aussi concrètement que ça, quoi

que. Mais c’est certainement entré en ligne de compte. […] Au niveau de mon salaire, des

primes, je suis sûre qu’à des moments ça a joué ».

On peut donc penser que ces différentes représentations de la femme et de ses qualités sont les

raisons pour lesquelles au sein de la Direction Générale, la seule femme occupe un poste de

coordination. Son rôle est donc d’organiser et d’assembler un certain puzzle de management,

vu parfois comme une aptitude innée pour les femmes.

Le fait de ne pas attendre les mêmes choses d’un homme et d’une femme contribue à

cantonner les femmes dans des postes d’organisation, de soutien aux hommes. Cela peut

renforcer les stéréotypes à leur égard et les bloquer dans l’accès aux plus hautes positions.

B. L’usage de la féminité : frein ou moteur dans la carrière des femmes?

La division sexuelle du monde social se retrouve également dans le monde du travail,

ce qui aboutit à associer aux femmes et aux hommes un certain nombre de qualités et défauts

qui leurs sont propres.

Ces stéréotypes sont encore présents dans l’imaginaire collectif. Ainsi, certaines spécificités

associées aux femmes peuvent les servir ou au contraire leur porter préjudice. Quels sont ces

différents aprioris ?

Comme nous l’avons vu, on prête aux femmes des qualités d’organisation, de rigueur, de

sérieux. Dans le discours des différentes femmes interrogées on retrouve ces mêmes idées.

Ces qualités prétendument acquises aux femmes peuvent les cantonner à certaines positions.

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Cependant, face aux spécificités associées à la féminité, deux types de comportement peuvent

être observés.

Tout d’abord, le fait d’utiliser les stéréotypes associés aux femmes à son avantage, et d’user

de la féminité à des moments clés de la vie professionnelle ; ensuite le fait au contraire de

mettre de coté cette féminité pour qu’elle ne soit pas utilisée contre les femmes.

Il est courant d’entendre qu’une femme risque d’être trop sensible, trop émotionnelle,

incapable de gérer la pression, ce qui peut pousser ses responsables à ne pas lui confier

certains dossiers. En effet, Mme X nous dit : « quand vous êtes en concurrence avec un

homme, souvent la question de la poigne et de l’autorité se pose. C'est-à-dire que pour des

clients, on se demande « est ce qu’elle aura assez de poigne, est ce qu’elle aura assez

d’autorité ». C’est là où les femmes, en fonction de leur comportement, ça va beaucoup jouer.

Est-ce qu’elle est trop ceci, trop cela, trop douce, trop dans le compromis, dans le consensus,

dans la séduction. […]On se posera moins la question pour un mec qui a une quarantaine

d’années, mais qui physiquement s’est arrondi, en costard cravate, une voix rauque ».

Ainsi, les qualités dites féminines d’empathie ou de compréhension peuvent créer des doutes

sur leurs capacités à mener à bien certains dossiers.

Selon Mme Y « il y a effectivement des clients qui préfèrent travailler avec des hommes, enfin

des alchimies qui se font et qui font que ça apporte des choses intéressantes d’avoir des gens

divers ».

À l’inverse, face à certains clients le fait d’être une femme jouera en leur faveur. Mme X

ajoute donc : « parfois c’est plus malin de mettre une femme parce que justement le client, qui

va voir quelqu'un arriver avec sa grosse virilité sur la table, ça va l’énerver, ça va le

braquer, ça va l’agresser. Et donc parfois il vaut mieux une fille. On a des profils de femmes

partners extrêmement sérieuses, très droites, très compétentes, qui sont plus à l’écoute, plus

dans l’empathie. Et pour certains clients c’est ça qu’il faut ».

La question de la féminité est essentielle lorsque l’on s’intéresse à la façon dont sont perçues

les femmes dans l’entreprise et à la façon dont elles mêmes se perçoivent, car cela influe sur

leur comportement.

On retrouve tout d’abord l’idée développée par Livian selon laquelle les femmes peuvent faire

une utilisation politique des stéréotypes, ce qui leur permet de se créer des zones de pouvoir

féminin. En effet, lorsque les femmes usent de cette féminité à des instants clés, elles peuvent

gagner du terrain et se démarquer.

Par exemple, la DG adjointe nous dit : « Mon directeur financier me dit qu’un truc qui aide

beaucoup les femmes c’est qu’on les croit plus. On nous croit plus, et ça il faut le savoir et il

faut savoir en jouer même si je n’aime pas trop le mot. C'est-à-dire prendre le pouvoir en

étant là dans les moments de vérité qui sont durs à dire et en les portant. Ne pas laisser les

moments durs portés par les hommes. C’est un bon moyen de grimper parce qu’on assume la

décision »

Il est ici sous entendu par le directeur financier que les salariés la croiront plus parce qu’elle

est une femme, et qu’il est plus difficile d’imaginer la perversité de la femme. En étant celle

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qui s’exprime et celle qui porte la gestion, elle s’affirme ici sur un moment clé qui est celui

d’expliquer des décisions financières touchant les salariés.

Elle ajoute : « Pour prendre le pouvoir, ce n’est pas tous les jours un peu, c’est surtout des

grands moments où on s’affirme. Ces moments là il faut les travailler et il faut y croire ».

On retrouve également un exemple de stéréotypes pouvant être l’objet d’utilisation cité par

Livian. En effet, lorsque Mlle Z évoque sa nomination à la tête du pôle développement, elle

évoque le jeu du conseil et de la mère protectrice décrit par Livian. Elle nous dit : « Je suis

arrivée là bas sur un mode assez maternel. […]Mais la posture de sœur ainée, qui n’est pas

tant quelqu’un qui donne des ordres, même si c’est moi qui demande aux uns et aux autres de

travailler sur telle ou telle chose ; mais qui est quelqu’un qui 1/ nous représente, représente le

collectif, 2/ nous protège, 3/ nous donne des conseils. […] J’ai toujours été dans une posture

assez maternelle. [… ]Et je pense que ca m’a beaucoup aidé ».

A l’inverse des femmes jouant le jeu de la féminité, Livian décrivait des femmes qui

cherchent à cacher cette féminité, en étant « plus homme que les hommes ». Ces femmes font

le choix de mettre de coté toute féminité et d’adopter des comportements dits masculins. Ce

n’est pas la posture qui a été choisie par les femmes interrogées, bien qu’elles s’accordent sur

le fait que jouer la carte de la féminité les décrédibilise.

Lorsque nous posons la question de la féminité à Mme Y, elle répond que pour avancer et être

légitimes, les femmes ont parfois besoin de mettre de coté cet aspect.

« Oui, vraiment, c’est évident. Avec qui je parlais encore y’a pas longtemps justement… Et je

me suis forcée, j’ai dit « ah j’ai pas pleuré, devant lui j’ai pas pleuré ». C’est vrai que il faut

faire attention à ne pas se décrédibiliser par une sensibilité trop importante, ou en tout cas

par des signes de sensibilité trop importante ».

Pour elles, ne pas jouer cette carte ne signifie pas se comporter comme un homme.

Mme X insiste sur ce fait : « La féminité c’est hyper important parce qu’il y a rien de pire que

d’essayer de faire comme les mecs et ça ne s’use qu’avec une dose acceptable qui ne vous

fragilise pas ».

Mlle Z confirme cette idée : « On n’est pas des femmes qui ont joué la carte de la féminité

face aux hommes. […]Je n’ai jamais cherché la caricature ou la virilité déguisée. Le charme,

la fragilité, je n’utilise pas du tout ces éléments. Sur le ring, dans les moments où il faut

construire, on n’est pas des caricatures de camionneurs mais on ne va jamais utiliser le fait

d’être une femme pour obtenir des choses. Je pense que ca nous apporte l’estime des hommes

».

Ainsi, les femmes de l’agence semblent plutôt unanimes sur la question, il ne faut pas faire

l'homme pour gagner du terrain. Et pourtant, si l'on en croit Mme X, les femmes confrontées à

la prise de pouvoir sont amenées à se demander : « Est-ce que je m’en sens les couilles

presque ? ».

Un tel questionnement nous laisse penser que malgré tout, pour réussir à assumer des postes

de pouvoir, occupés jusqu’alors par des hommes, la femme doit se sentir homme.

53

S'en dégage l'idée que la femme se reconnaitrait davantage de légitimité et se sentirait plus

capable en se mettant dans la position de l’homme.

Le but est toutefois ici de ne pas se décrédibiliser en tant que femme. En effet, jouer ce jeu là

irait à l’encontre de l’idée de parité, dans la mesure où user de la fragilité ou de la

vulnérabilité associée revient à ne pas se considérer comme l’égal de l’homme.

Mlle Z confirme cette idée : « Ca ne crée pas un système égalitaire, ca sous entend qu’on

aurait besoin d’utiliser les atouts féminins qui sont parfois des fragilités ou des faiblesses

pour aller chercher des biais et vices masculins ».

Un des risques de l’utilisation stratégique de la féminité est lié au fait que les hommes ne

perçoivent pas la féminité de la même façon que les femmes.

Cette idée est évoquée par Mme X et Mlle Z, à deux reprises.

Tout d’abord, Mme X y fait référence lorsqu’elle parle de sa grossesse. En effet, elle s’est

attachée à ne pas faire cas de sa grossesse, à ne pas l’évoquer ni à en jouer dans son travail car

le risque est de transformer la vision que les hommes autour d’elle ont de la femme enceinte.

Elle nous dit : « Moi par exemple j’ai vécu toute ma grossesse sans jamais leur dire quoi que

ce soit. On me demandait « ça va », « ouais super « . Pour tout le monde, j’ai eu une

grossesse invisible, au sens où je n’en ai jamais exprimé le moindre sentiment de fatigue.

[…]Parce que les phrases derrière ‘‘oh là là laisse tomber, en ce moment elle est enceinte, tu

peux plus rien lui donner à faire’’ même si ce n’est pas vrai, et vous en ferez toujours quatre

fois plus que les mecs autour de vous, ça va vite ».

Mlle Z évoque le même type d’idée alors qu’elle nous parle d’une féminité plus visible à

travers un style vestimentaire. Selon elle, il n’est pas utile de se censurer à partir du moment

où elle ne joue pas de cela dans ses rapports professionnels. Elle nous dit : « Je peux être en

robe et talons si ca me fait plaisir, mais pour autant je ne jouerai jamais de ça dans mon

travail. D’ailleurs dans ces moments là, je suis plutôt du genre à aller chercher un très gros

gilet avant d’aller en réunion, parce que de fait je jouerais jamais cette carte dans une

situation de négociation, de collaboration ou de conflit avec mon patron ou un partner ».

Elle nous explique alors que cela consiste à gérer sa féminité. En effet, elle nous rapporte les

dires de son supérieur : « Laurent qui me dit « je veux que tu fasses attention, je veux que tu

gères ta féminité. Ne te censure pas, mais pour autant, il faut que tu sois consciente que les

hommes ont un rapport aux femmes dans le monde de l’entreprise qui ne doit jamais être

dominé dans la féminité » ».

Ainsi, nous avons vu que l’intériorisation des stéréotypes hommes-femmes, qu’ils soient

véhiculés au sein de la sphère familiale, scolaire ou professionnelle conduit les femmes à

adopter des comportements d’autolimitation quant à leurs aspirations professionnelles. Ces

idées reçues sur les prétendues qualités féminines sont intégrées comme une vérité générale,

influençant alors la capacité des femmes à se projeter dans des postes de direction.

De plus, elles sont tentées de reproduire sur leurs subordonnés les mêmes schémas de pensée

qui leur sont appliqués et contribuent donc à renforcer les stéréotypes. Cela favorise la

54

création d’un cercle vicieux dans lequel les représentations s’entretiennent et se renforcent

entre elles.

Enfin, l’intériorisation des stéréotypes conduit les femmes à questionner leur féminité et la

place qu’elle doit jouer dans leur travail. Elles sont alors tentées de mettre en place des

stratégies d’utilisation de cette carte, ou au contraire à adopter des comportements masculins

pour gagner en légitimité. Alors que les hommes ne remettront jamais en cause leur

masculinité, les idées reçues sur la féminité conduisent les femmes à s’interroger sur une

partie d’elles mêmes qu’elles ne peuvent ignorer.

Finalement, l’analyse des différents entretiens nous permet d’identifier trois profils au sein de

l’agence que l’on peut résumer à travers les tableaux suivants, qui présentent successivement

Mme Y, Mme X et Mlle Z.

Nombre

d’enfants

Carriérisme Priorité

pour les

enfants

Conciliation vie

privée/vie

professionnelle

Description

du métier

Intériorisation

stéréotypes

Plafond

de

verre ?

Mme Y 2 Primordial Stabilité Formaliser la

garde des enfants

(nounou), avoir

l’esprit libre au

travail

Très prenant Oui Non,

choix de

la

femme

Nombre

d’enfants

Carriérisme Priorité

pour les

enfants

Conciliation vie

privée/vie

professionnelle

Description

du métier

Intériorisation

stéréotypes

Plafond

de

verre ?

Mme X 2 Très

important

Présence

physique à

des

moments

clés

S’épanouir au

niveau personnel

pour s’épanouir

au travail

Très prenant Oui Oui

Nombre

d’enfants

Carriérisme Priorité

pour les

enfants

Conciliation vie

privée/vie

professionnelle

Description

du métier

Intériorisation

stéréotypes

Plafond

de

verre ?

Mlle Z 0 Très

important

Présence

physique à

des

moments

clés

Évoluer

rapidement pour

faire le moins de

sacrifices

personnels

Très prenant Oui Oui

La question qui se pose est désormais de savoir si ces différents profils sont généralisables.

On se rend compte que les profils identifiés ne correspondent pas forcément à des profils

types. En effet, de manière générale, on distingue chez les femmes trois façons d’articuler vie

privée et vie professionnelle, en ce qui concerne notamment l’arrivée des enfants dans leur

vie.

55

Pour certaines femmes, la problématique de conciliation est vite résolue. Dans la mesure où il

n’est pas question pour elles de sacrifier leur carrière ou encore d’accepter des contraintes

d’horaires, la solution est l’appel à la nounou à plein temps ou à la jeune fille au pair.

L’objectif est bien souvent de se libérer de certaines responsabilités familiales pour se sentir

libre d’évoluer dans sa carrière.

D’autres au contraire optent pour la solution opposée, à savoir la stagnation dans le poste. La

femme choisit ponctuellement de ne pas évoluer dans sa carrière, et en contrepartie s’offre

l’opportunité de s’occuper de son nouveau-né tout en gardant une vie professionnelle. Il s’agit

finalement d’une pause dans l’investissement de carrière de manière à s’investir plus

personnellement dans la gestion des enfants au quotidien.

Enfin, le dernier profil présente une femme qui choisit une formule intermédiaire, celle du

temps partiel. Sans freiner sa carrière, elle diminue son temps à son poste de travail et son

salaire, mais s’octroie par exemple la possibilité de passer son mercredi entier aux côtés de

son enfant.

Dans le cas des femmes interrogées on se rend compte que le premier profil identifié

correspond à celui de Mme Y, qui a clairement fait en sorte que sa vie de famille et son statut

de mère n’entravent pas sa carrière.

Mme X, DG adjointe responsable de la coordination, bien qu’elle n’ait pas fait le choix du

temps partiel, est assez proche du dernier profil identifié. Sans sacrifier sa carrière

professionnelle ni son salaire, la conciliation de tous les aspects de sa vie passe par une

organisation et un cloisonnement des différents temps sociaux : celui consacré à son travail et

celui consacré à sa famille, de façon à ce que l’un ne pâtisse pas de l’autre.

De la même façon, les anticipations faites par Mlle Z nous permettent de penser qu’elle

opterait pour cette même solution.

Ainsi il semble que soit absente de notre analyse le second profil type qui renvoie à la femme

souhaitant mettre sa vie de famille en avant quitte à faire stagner sa carrière.

De la même manière, on s’aperçoit que l’alternative du temps partiel, qui pourrait paraître

bénéfique à la conciliation vie privée-vie professionnelle, n’est pas une solution adoptée par

les femmes interrogées.

En effet, si cela apparaît bien souvent comme une solution intermédiaire permettant à la

femme de trouver un compromis entre la poursuite de sa carrière et l’éducation de ses enfants,

aucune des femmes de l’agence interrogées ne l’envisage. Cela est notamment justifié par le

fait que le métier d’agence demande une grande disponibilité. La partner Mme Y nous confie

qu’il s’agit selon elle d’un « total plan loose » dans la mesure où à temps plein ou partiel,

chaque agent se doit d’être réactif à la demande du client, et qu’opter pour cette solution

reviendrait simplement à être moins rémunérée pour finalement fournir presque autant de

travail, mais à distance.

Cette configuration est donc également un élément qui paraît spécifique au contexte du métier

en agence de communication, et qui en l’espèce n’est pas généralisable.

56

57

Partie 4 : Implications managériales et perspectives

Les différents entretiens que nous avons réalisés avec les femmes de l’agence EURO

RSCG C&O nous ont permis d’avoir un aperçu de la façon dont était vécue et comprise la

question de la parité hommes-femmes. Cette question, largement traité par les pouvoirs

publics est également considérée avec sérieux au sein du groupe Havas.

En effet, le groupe Havas, dont fait partie l’agence EURO RSCG C&O, a depuis plusieurs

années mis en place différents dispositifs en faveur de l’égalité professionnelle. La politique

sociale de l’entreprise, énoncée notamment dans des documents de communication officiels11,

s’efforce de répondre davantage aux attentes de la société.

Parmi l’ensemble des actions qu’elle mène, on peut notamment souligner les efforts faits pour

éliminer toutes formes de discrimination en matière d’emploi et de profession.

Le groupe a également fait de la promotion de la diversité, de l’égalité hommes-femmes et de

la lutte contre les discriminations, avec l’intensification de la politique de couverture santé et

l’intensification de la politique de formation, un axe prioritaire de la politique sociale.

Enfin, le groupe suit l’évolution des indicateurs NRE, issus de la loi sur les Nouvelles

Régulations Economiques. Cette loi impose aux entreprises de prendre en compte l’impact

environnemental et social de leurs activités en forçant la mise en place d’indicateurs. Par

exemple, le volet « social et gouvernance » comporte des indicateurs sur les rémunérations,

leur évolution et l’égalité hommes-femmes. Cet indicateur indique par exemple que seules

20% des membres des comités de direction sont des femmes.

On peut donc dire que la question de la parité hommes femmes fait l’objet d’une formalisation

au niveau du groupe.

Si l’on s’intéresse plus précisément à l’agence EURO RSCG C&O, on peut remarquer qu’un

certain nombre de dispositifs ont été mis en place. En particulier, l’agence est signataire de la

charte de la parentalité depuis 2005. Celle-ci s’inscrit dans une logique de prise en compte de

la parentalité au sein de l’entreprise, afin de favoriser l’égalité entre les hommes et les

femmes. Elle vise un meilleur équilibre et une meilleure conciliation de la vie privée et

professionnelle. L’agence a également signé la charte de la parité en 2008.

Cependant, lorsque l’on demande à la DRH de nous parler de ces différents dispositifs, ou

d’autres dispositifs destinés à favoriser la parité hommes-femmes, elle insiste plus sur le fait

que l’agence soit constituée majoritairement de femmes, y compris chez les cadres, que sur

les problèmes de parité en eux-mêmes. Cette question semble la gêner. En effet, elle nous

dit : « En fait on est toujours très mal à l’aise avec ces sujets de diversité et parité ».

Elle semble également gênée à l’évocation des différentes actions que l’agence met en place.

Lorsque nous lui demandons s’il existe des dispositifs de communication pour promouvoir la

parité et l’égalité, elle nous répond : « Non, alors nous on ne communique pas (…). C’est vrai

qu’on pourrait le faire parce qu’on est bons et forts, mais nous on est plutôt du genre discrets

en fait. On fait les choses à notre rythme».

11

Havas, communication sur le progrès, 2008/2009

58

Il nous semble donc que les efforts du groupe soient peu déclinés au niveau de l’agence. On

remarque un manque de coordination entre le niveau global du groupe et celui de l’agence. La

question de l’égalité entre les sexes, bien qu’elle ne soit pas taboue, semble être abordée

comme un non problème, quelque chose qui ne nécessite pas de communication ni de

promotion ou d’encouragement. On s’aperçoit que la DRH a tendance à éviter ces questions

pour nous rappeler l’importance des valeurs au quotidien dans l’agence, et réoriente souvent

la discussion sur la diversité en général, pour nous faire la publicité de tous les dispositifs

adoptés visant une meilleure intégration des personnes en situation de handicap ou encore des

jeunes issus de banlieues.

En dépit de l’absence de réelle formalisation dédiée aux pratiques RH concernant la parité

hommes-femmes chez EURO RSCG C&O, y a t-il quand même dans les faits des actions ?

La DRH revendique l’idée d’une culture, de valeurs propres à l’agence qui inciteraient chacun

à se sentir concerné par les questions de parité, sans qu’une formalisation soit nécessaire.

L’étude que nous avons menée nous permet de recenser, au sein d’un tableau, l’ensemble des

points positifs à l’égalité mais aussi ceux pouvant freiner l’équilibre entre la vie privée et

professionnelle :

Points positifs Points négatifs

Une flexibilité des horaires implicite,

permettant à chacun d’organiser sa journée et

ses horaires de travail.

Une nécessaire disponibilité à tout moment,

liée à la nature du domaine d’activité

(conférence téléphonique très tôt ou très tard,

empiètement sur le temps libre et la vie

privée)

Une bonne compréhension de la part des

supérieurs et des collègues, liée à l’ambiance

de travail compréhensive et amicale qui

règne dans l’agence.

Une absence de communication autour des

dispositifs mis en place par l’agence,

poussant à une auto-organisation des femmes

(plus de vacances, refus des voyages ou du

travail les week-ends).

Des formes d’organisation du travail à

distance permettant à la femme de terminer

sa journée plus tôt pour s’occuper de ses

enfants, et de continuer ses tâches à partir de

son domicile.

L’absence de formalisation de relation

d’entraide, s’inspirant du modèle américain

de relation mentor-protégé.

Cette analyse nous a permis de dresser un bilan de la situation actuelle de EURO RSCG

C&O, mais nous pensons qu’il pourrait être intéressant de faire part à l’agence de nos

réflexions sur le sujet.

Tout d’abord, nous pourrions envisager pour cette question plus d’action en termes de

communication. En effet, l’agence ne communique ni à l’extérieur ni à l’intérieur sur les

dispositifs favorables aux femmes.

59

Par ailleurs, nous pourrions imaginer une meilleure déclinaison des programmes proposés au

niveau d’Havas SA. En effet, lorsque nous demandons aux femmes rencontrées quels seraient

selon elles les éléments d’amélioration possibles, elles nous répondent qu’une crèche interne à

l’agence ou la mise en place d’un fond d’aide à la garde des enfants pour les parents ne

pouvant quitter l’agence tôt, seraient les bienvenus.

Aussi, des services d’assistance personnelle tels que les livraisons de courses directement sur

le lieu de travail ou des services permettant de trouver une nounou de remplacement,

permettraient à la femme de concilier au mieux sa vie personnelle et professionnelle. Cela

peut contribuer à limiter la culpabilité de la femme lorsqu’elle est amenée à travailler tard par

exemple.

Ces réponses démontrent l’absence de coordination entre le niveau siège et agence, puisque le

comité d’entreprise d’Havas propose dans ses œuvres sociales un programme de participation

aux frais de crèche et de garderie.

Enfin, nous pourrions également proposer à l’agence de s’inspirer d’autres entreprises ayant

mis en place des programmes destinés à améliorer l’égalité et la parité professionnelle et dont

les résultats sont positifs.

C’est le cas de la BNP Paribas qui fait en sorte d’organiser des réunions avant 17h30, afin de

permettre aux salariés, hommes ou femmes, de pouvoir aller chercher leurs enfants à la sortie

de l’école ou de leur éviter des frais de garde.

Plus globalement, nous pensons qu’il est essentiel que les femmes enceintes soient suivies de

près par la direction des ressources humaines, ou tout au moins par une personne du pôle

Ressources Humaines. Cela dans l’optique d’éviter que les femmes soient effectivement

pénalisées dans leur déroulement de carrière lorsqu’elles retrouvent leur poste après un congé

de maternité. On parlerait par exemple d’une gestion des carrières féminine afin de prendre en

compte des problèmes particuliers au genre, dont fait essentiellement partie la question de la

maternité.

Un moyen concret pour l’entreprise d’aider la femme à ne pas se couper du monde

professionnel serait de lui proposer de garder le contact avec l’entreprise durant le congé. Ou

encore de lui offrir une formation à son retour de congé de maternité.

Il s’agit plus généralement de mettre en place des politiques de lissage de carrière, et cela

s’effectue notamment en tentant d’éviter au maximum les ruptures trop brutales lors des

congés de maternité.

Nous aimerions également soulever un autre élément qui répond principalement à l’absence

de formalisation : la création de réseaux formels ou informels. Comme on a pu le voir

précédemment, les rôles de mentor et de parrain sont un moyen pour la femme de marquer sa

place dans les jeux politiques.

Ainsi, si au sein de l’agence il existe certaines relations informelles entre les femmes, il

paraitrait intéressant de mettre en place de telles pratiques RH visant à améliorer l’intégration

de la femme et à favoriser son parcours professionnel.

60

Enfin, nous nous sommes intéressées à la question de la discrimination positive. Ce dispositif

se base sur une sélection préférentielle et des quotas. Une telle solution est-elle pertinente

dans le cas de l’agence EURO RSCG C&O ?

La forte féminisation de l’agence, notamment au niveau opérationnel, pose le problème

inverse. En effet, selon les dires de toutes les personnes interrogées et notamment la DRH,

l’agence est confrontée à un besoin de rééquilibrage des effectifs masculins et féminins.

En revanche, on peut se demander ce qu’il en est pour les niveaux les plus élevés de la

hiérarchie ? Pourrait-on envisager la discrimination positive pour féminiser la direction ?

Selon la DRH, une telle pratique ne s’inscrit pas dans les valeurs de l’agence : «En fait on est

toujours très mal à l’aise avec ces sujets de diversité et parité parce que déjà, ce serait de la

discrimination positive. On fait les choses à notre rythme, on en parle après à travers les

étudiants, voilà c’est plutôt comme ça que ça se passe ». Elle semble refuser une approche qui

brusquerait les choses.

Mais ne s’agit-il pas pour la DRH d’un moyen de justifier l’absence de formalisation de ces

pratiques au sein de l’agence ? En effet, dans la mesure où celles-ci sont toujours très

délicates à mettre en place et à faire accepter, l’idée de la discrimination positive n’est pas

celle qui viendrait en premier à l’esprit. Cependant, nous l’avons vu un tel dispositif a déjà

fait ses preuves dans certaines entreprises.

De plus, l’informel domine les pratiques et les relations au sein de l’agence. Un programme

de discrimination positive, mis en place pendant une période déterminée et qui vise des

objectifs précis et visibles au sein de l’agence, aurait probablement un impact plus fort sur les

mentalités et pourrait favoriser leur évolution.

Cette option n’est donc pas à exclure.

61

CONCLUSION

Nous avions élaboré une problématique en introduction : peut-on légitimement et

objectivement affirmer qu’il existe une auto censure des femmes face à de potentielles

opportunités professionnelles ?

L’hypothèse de départ selon laquelle la réponse à cette question semble plutôt positive est-elle

confirmée ou infirmée, si l’on en croit les résultats obtenus grâce à l’agence EURO RSCG

C&O ?

En premier lieu, nous sommes amenées à répondre qu’en effet, les femmes s’autolimitent

professionnellement par leur comportement au quotidien et leurs perceptions. En effet, au vu

de l’analyse menée, on s’aperçoit que l’intériorisation des contraintes et l’auto-identification

systématique aux stéréotypes, participent du blocage de la femme à un certain niveau de la

hiérarchie.

Si elles revendiquent la parité hommes/femmes comme une vraie valeur à défendre, chacun

des profils que l’on a interrogé continue de garder l’image de la femme plus fragile, plus

sensible, moins légitime. C’est ainsi que même en exprimant une volonté de défendre leurs

positions, leur discours laisse transparaitre un sentiment que l’on pourrait qualifier

d’infériorité, dans la mesure où elles se construisent elles-mêmes certaines barrières

psychologiques qui les empêchent bien souvent d’évoluer aussi vite que les hommes.

Toutefois, il n’y a pas qu’une seule réponse admise à la problématique posée.

En effet, si d’un côté elles intègrent bien souvent trop les perceptions que les autres (et en

l’occurrence les hommes) peuvent avoir d’elles, d’un autre elles mettent en place des

mécanismes afin de lutter contre cet écart de considération entre hommes et femmes.

La gestion de la maternité et de ses conséquences en constitue une parfaite illustration. On a

pu voir que les femmes que nous avons interrogées présentent des personnalités et des visions

de la maternité différentes.

En effet, on avait opposé dans un premier temps MmeY (la partner) qui fait de son métier sa

priorité et qui fournit un cadre stable à ses enfants, Mme X qui souhaite être présente à des

moments clés tout en exerçant sa profession de directrice générale, et enfin Mlle Z qui, bien

que non encore confrontée à la question, est déjà dans une perspective de calcul qui lui

permettrait d’éviter tout sacrifice (ou le maximum) dans le futur.

Il n’est pas étonnant que les modes d’organisation soient spécifiques à chacun, toutefois

notons que le dilemme ne repose pas uniquement sur l’articulation entre vie privée et vie

professionnelle, mais aussi sur la représentation que chacun se fait du plafond de verre.

Si la directrice générale adjointe Mme X nous confie clairement que « Après le stade de

partner, il y a comme un blocage hiérarchique et la proportion de femmes diminue

considérablement. Elle était même nulle il y a tout juste un an », Mme Y n’est pas de cet avis.

Selon elle, ce n’est que fiction, seule la volonté et le choix des femmes expliquent leur faible

représentativité aux postes à haute responsabilité.

62

« Le côté je grimpe les échelons jusqu’à un certain niveau ok, mais peut être qu’après vous

n’avez plus envie. Tout bêtement, ou vous vous sentez pas les compétences, ou parce que ça

vous intéresse pas, parce que ça intègre des choses que vous n’avez pas envie de faire. Et

c’est pas grave ! Ce qui serait embêtant, c’est si ça n’était pas possible. ».

La partner concernée n’attend pas pour justifier ses propos « La preuve il y a Mme X à la

direction ! ».

Quel que soit leur âge, elles se représentent d’une façon similaire les sentiments de

contraintes, et d’inégalité quasi naturelle avec les hommes. Elles expriment également une

volonté partagée de confier un poids important à la vie professionnelle.

Pour autant, on le voit à travers cet exemple, les femmes de l’agence ne se représentent pas

l’idée du plafond de verre de la même manière. Peut-on supposer qu’un certain sentiment

d’infériorité pousse Mme Y à ne pas reconnaître l’existence de ce phénomène, pourtant

démontré et redémontré ?

N’est-ce pas justement un autre type de stratégie, un moyen de se protéger et de se battre

contre cette cage de verre ?

Ce qui est certain, c’est que le plafond de verre a largement prouvé son existence depuis

l’apparition du terme à la fin des années 1970. La question était de savoir quel rôle les

femmes jouaient dans sa construction.

On l’a compris, les femmes ont leur part de responsabilité par le biais de l’intériorisation.

Cependant, avec la définition des trois profils on s’aperçoit qu’elles tentent également coûte

que coûte de se défendre contre et de le combattre en mettant en place certaines manœuvres

spécifiques, allant même parfois jusqu’à en nier l’existence.

Finalement nous l’avons vu, la question de la parité hommes-femmes n’est pas encore

complètement résolue. Si de nombreuses avancées peuvent être soulignées, autant par le biais

d’une évolution législative que sociologique, il n’en reste pas moins que les statistiques

continuent de faire pencher la balance en faveur du genre masculin.

Toutefois ne soyons pas pessimistes, les politiques visant à favoriser l’égalité entre les

hommes et les femmes sont de plus en plus nombreuses et permettent déjà d’évoquer les

prémices d’un basculement de génération. Ainsi il ne serait pas étonnant de constater de

profondes mutations d’ici une dizaine d’années. Nous pensons à ce sujet qu’il serait

intéressant et pertinent de réaliser cette même étude au sein de EURO RSCG C&O dans dix

ans, afin d’analyser l’évolution des mentalités notamment.

Par ailleurs, les questions sous-jacentes à la problématique posée pourraient également

amener à s’interroger sur l’importance de la présence de femmes en entreprises.

«Nous avons noté que la présence de femmes dans les comités de direction entraînait moins

d’erreurs dans les prises de décision», énonce le directeur Diversité chez Orange.12

12

Laurent Depond, directeur Diversité chez Orange -L’Express du 12 mars 2011

63

Toujours selon lui, «Parmi les boutiques les plus performantes, sept sur dix sont gérées par

des femmes».13

Cependant, au-delà de l’aspect éthique et parité, pouvons-nous affirmer avec certitude qu’il

existe un lien direct entre la proportion de femmes et la performance ? Autrement dit, la

parité, s’intégrant plus largement dans le thème de la diversité, est-elle facteur de

performance ou est-ce uniquement un enjeu posé par la loi et les mœurs ?

Une première approche de la question nous a permis de comprendre qu’aucune étude ne

permet véritablement de fournir une réponse claire et précise. S’il n’est pas démontré que la

diversité de genre va à l’encontre de la performance, rien ne permet d’affirmer qu’elle en est

une source.

Toutefois, il paraîtrait intéressant d’approfondir le sujet afin de mettre en avant des

corrélations entre les politiques de féminisation et la performance des organisations.

13

Laurent Depond-La Tribune du 1er décembre 2010

64

SOURCES

Ouvrages

GRH et genre, les défis de l’égalité hommes-femmes. Ouvrage coordonné par Annie

Cornet, Jacqueline Laufer et Sophia Beighiti-Mahut

Gérer le pouvoir dans les entreprises et les organisations, l’analyse des comportements

politiques, Yves-Frédéric Livian

La domination masculine, Bourdieu

Études et rapports

Enquête réalisée par l’Observatoire Cegos en septembre 2010

Reconceptualizing mentoring at work : a developmental network perspective 2001

Dans l’étude “Mentor functions and outcomes: a comparison of men and women in

formal and informal mentoring relationships”, 1999

Les cahier du CERGOR : au-delà du plafond de verre ? L’introduction de la

dimension genre dans les politiques de gestion des ressources humaines.

Numéro 03/01, janvier 2003

Domination masculine, consentement et partage des représentations. Ludovic Gaussot.

2002.

L’égalité entre les femmes et les hommes : les chiffres clés 2010. Le Service des droits

des femmes et de l’égalité de la Direction générale de la cohésion sociale.

Revues

Entreprises et Carrières, N°1038 :

- Baromètre de confiance des femmes cadres, Institut LH2

- Une égalité difficile mais pas impossible

Entreprise et Carrières n°1039- du 8 au 14 mars 2011 :

- Égalité hommes-femmes : les entreprises father-friendly ouvrent une nouvelle

- BNP Paribas soigne la parentalité masculine

Liaisons Sociales Quotidien, 16 août 2010 : Égalité hommes-femmes : écart de

salaires

65

Séminaires et conférences

Théories et Pratiques des Organisations, Pierre Romelaer. Université Paris-Dauphine.

Politiques Ressources Humaines, David Abonneau, Eric Campoy, Fabien Blanchot.

Université Paris-Dauphine.

Politique, Entreprises : Les enjeux de la Diversité. 9 Mars 2011 à l’Université Paris-

Dauphine, Fondation Paris-Dauphine

Sites internet

http://www.charte-diversite.com/charte-diversite-glossaire.php

http://www.latribune.fr/carrieres/carrieres-salaires/20090625trib000392325/les-femmes-

cadres-motivees-mais-sans-grande-confiance-en-l-avenir.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Responsabilit%C3%A9_sociale_des_entreprises

http://www.focusrh.com/strategie-ressources-humaines/diversite-emploi/a-la-une/les-femmes-

face-au-travail.html

http://www.osezlefeminisme.fr/article/egalite-professionnelle-un-demi-pas-en-avant-vingt-

sept-ans-en-arriere

http://www.lefigaro.fr/entreprise/2010/01/20/05011-20100120ARTFIG00068-une-loi-pour-

imposer-un-quota-de-femmes-en-entreprise-.php

http://lexpansion.lexpress.fr/economie/la-loi-sur-la-parite-va-mettre-bon-nombre-d-

entreprises-en-difficulte_225027.html

http://www.focusrh.com/strategie-ressources-humaines/diversite-emploi/a-la-une/egalite-

hommesfemmes-le-compte-n-y-est-pas.html?id_article=3371