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Yvan D'Amours LE POINT SUR L'ALIMENTATION ET LA SANTÉ

LE POINT SUR L'ALIMENTATION ET LA SANTÉ...gaëtan morin éditeur C.P. 180 BOUCHERVILLE, QUÉBEC, CANAD, A J4B 5E6 TÉL : (514 449-236.) TÉLÉC9 : (514 449-109) . 6 ISBN 2-89105-377-X

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  • Yvan D'Amours

    LE POINT SUR

    L'ALIMENTATION ET LA SANTÉ

  • Tableau : Septembre Œ u v r e de Paul-Yvan Gagnon

    Né à Loretteville, Paul-Yvan Gagnon utilise la peinture et la sculpture pour mettre en lumiere certains aspects poétiques de la nature. P

    Pour des œuvres représentant la faune et la flore québécoises, il reçoit en 1989 la

    ^iï^ss.à 13 b i e n n a l e i n t e m a t i o n a l e * * e t M u s i ^ *

    institut national de santé publique du Québec 4835, avenue Christophe-Colomb, bureau 200

    Montréal (Québec) H2J3G8 Tél.: (514) 597-0606

  • Chez le même éditeur :

    • Agir ensemble: rapport sur le développement

    • Deux Québec dans un : rapport sur le développement social et démographique

    • Financement des services de santé : défis pour les années 90

    LE POINT SUR

    L'ALIMENTATION ET LA SANTÉ

  • Yvan D'Amours

    LE POINT SUR

    L'ALIMENTATION ET LA SANTÉ

    gaëtan morin éditeur

    Gouvernement du Québec Conseil des affaires sociales

  • gaëtan morin éditeur C.P. 180, BOUCHERVILLE, QUÉBEC, CANADA J4B 5E6 TÉL. : (514) 449-2369 TÉLÉC. : (514) 449-1096

    ISBN 2-89105-377-X

    Dépôt légal 4e trimestre 1990 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada

    Le point sur l'alimentation et la santé © 1990, gaëtan morin éditeur ltée Tous droits réservés

    1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 G M E 9 0 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0

    Révision linguistique : Gaétane Trempe

    Il est illégal de reproduire une partie quelconque de ce livre sans autorisation de la maison d'édition. Toute reproduction de cette publication, par n'importe quel procédé, sera considérée comme une violation des droits d'auteur.

    Remerciements

    J e tiens à remercier :

    M a d a m e ESTELLE M O N G E A U , Ph.D., nutritionniste

    au Département de nutrition de l 'Université de Montréal

    M a d a m e NICOLE S E O A N E , nutritionniste

    au Service des politiques alimentaires et des relations commercia les du ministère de l 'Agriculture, des Pêcheries et de l 'Alimentat ion

    M a d a m e JOYCE B E A R E - R O G E R S , Ph.D., chef de la Direction de la recherche en nutrition

    à Santé et Bien-être social Canada

    M o n s i e u r ROGER M O N G E A U , chef de la Section des études sur les macronutriments

    à Santé et Bien-être social Canada

    qui ont accepté de lire les versions préliminaires de cet ouvrage. L e u r s précieux commentaires ont contribué à enrichir le contenu de c e t t e publication.

    YVAN D 'AMOURS

  • Avertissement

    Sauf dans les cas où le genre est mentionné de façon explicite, le masculin est utilisé dans ce texte comme représentant des deux sexes, sans discrimination à l 'égard des hommes et des femmes .

    Préface

    Dans une société qui prend de plus en plus conscience des limites de la médecine curative, on constate un intérêt grandissant pour la prévention des maladies. On ne se préoccupe plus uniquement de vivre plus longtemps, mais également de vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Parmi tous les moyens concrets que chacun d 'entre nous peut se donner pour demeurer en santé, l 'alimentation occupe une place de première importance. Compte tenu de l ' abondance d ' informat ions parfois peu nuancées, voire même contradictoires, qui circulent sur l 'alimentation et la santé des Québécois, le Conseil des affaires sociales a cru bon de faire le point sur la situation.

    , La recherche scientifique nous apprend un peu plus chaque jour jusqu ' à quel point la quantité et la qualité des aliments que nous consommons quotidiennement peuvent aider à prévenir ou, au contraire, à favoriser le développement de la maladie. Cependant , les relations entre cette grande chimie alimentaire et la santé humaine constituent un domaine d 'étude à la fois fascinant et très complexe. C o m m e tout ce qui concerne le monde biologique, l 'é tude des liens entre l 'al imentation et les maladies chroniques représente un univers où tout n 'apparaî t jamais complètement noir ni complètement blanc. Cette situation rend particu-lièrement difficile la formulation de recommandations précises ou spé-cifiques lorsqu'on s 'adresse au grand public.

    Dans la première partie de cet ouvrage, YVAN D'AMOURS a tenté d'aller plus loin que les simples données de consommation apparente des aliments pour tracer un bilan un peu plus précis de l 'al imentation au Québec, afin d 'en faire ressortir les éléments qui sont le plus susceptibles d ' influer sur la santé. Particulièrement intéressantes sont les conclusions qu' i l tire des grandes tendances dans la consommation des matières grasses et des glucides, de la comparaison entre l 'al imentation des riches et celle des pauvres ainsi que des comparaisons entre le Québec et l 'Ontario.

    Dans la seconde partie de l 'ouvrage, l 'auteur présente une synthèse de ce que la recherche scientifique et ses experts disent à propos des effets de notre mode d'alimentation sur les risques de développer cer-taines maladies chroniques parmi les plus répandues dans notre société.

  • X Préface

    Le Conseil espère que la publication de cet ouvrage aidera tous ceux qui se préoccupent de leur santé à voir plus clair dans leur mode d'alimentation.

    MADELEINE BLANCHET Présidente du Conseil des affaires sociales

    Table des matières

    Remerciements v i l Préface jx Liste des tableaux et figures XV Introduction i

    PARTIE 1 Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 3

    i. La problématique 5

    ii. La méthodologie 5

    1 L'ALIMENTATION A U Q U É B E C EN 1 9 8 6 8

    1 . 1 Les principaux aliments et boissons consommés 8

    1.2 Les apports moyens en nutriments 9

    1 .3 Les apports en lipides i l

    1 .4 Les apports en cholestérol 13

    1 .5 Les apports en glucides 14

    1 .6 Les apports en f ibres 16

    1 . 7 Les apports en sodium 17

    1 .8 Les apports en calcium 1 8

    1 .9 Les apports en café ine 19

    1 . 1 0 Comparaison avec d'autres études 1 9

    1 . 1 1 Comparaison avec l 'Ontario 20

    2 L'ALIMENTATION DES RICHES ET DES P A U V R E S

    A U QUÉBEC EN 1 9 8 6 2 4

    2 . 1 Les aliments et les boissons les plus populaires 2 5

    2 .2 Comparaison des apports en macronutriments 3 0 3 LES A P P O R T S EN M A C R O N U T R I M E N T S DES Q U É B É C O I S

    V I V A N T EN MILIEU U R B A I N : C O M P A R A I S O N DE L A SITUATION D E 1 9 7 4 A V E C CELLE DE 1 9 8 6 3 2

    3 . 1 Les quantités moyennes d'aliments consommés 3 5

    3 .2 Les apports moyens en macronutriments 3 8

    3 .3 Les changements dans les sources de lipides 4 0

    3 .4 Les changements dans les sources de graisses saturées 4 1

    3 .5 Les changements dans les sources de cholestérol 43

    3.6 Les changements dans les sources de glucides 44

  • XII Table des matières

    3 . 7 Comparaison des données de 1 9 7 4 a v e c cel les de YEnquête nutrition Canada 45

    3 .8 En conclusion 4 6

    CONCLUSION DE L A PREMIÈRE PARTIE 4 7

    PARTIE 2 L'alimentation et la prévention des maladies chroniques 51

    1 NATURE ET FONCTIONS DES DIFFÉRENTS T Y P E S DE NUTRIMENTS 5 3

    1 .1 Les lipides 5 3

    1 . 2 Le cholestérol 5 5

    1 . 3 Les protides 5 6

    1 . 4 Les glucides 5 6

    1 . 5 L'alcool 5 7

    1 .6 Les vitamines 5 9

    1 . 7 Les minéraux 6 2

    2 L A M A L A D I E C O R O N A R I E N N E 6 3

    2 . 1 Les effets associés aux graisses al imentaires 6 4

    2 . 2 Les effets associés aux huiles de poisson 6 5

    2 .3 Les effets associés à la consommation modérée d'alcool 6 6

    2 . 4 Les effets associés à la ca fé ine et au café 6 7

    2 .5 Les effets associés aux f ibres 6 8

    2 . 6 Les effets associés aux vitamines 6 9

    2 . 7 Les effets associés aux minéraux 6 9

    2 . 8 En conclusion 7 0

    3 L A M A L A D I E C É R É B R O V A S C U L A I R E 7 1

    4 L'HYPERTENSION 7 2

    4 . 1 Les effets associés au sodium, au sel de table

    et aux autres minéraux 7 4

    4 . 2 Les effets associés à l 'a lcool 7 5

    4 . 3 Les effets associés aux macronutriments et à la caféine 7 6

    5 LES C A N C E R S 7 6

    5 . 1 Les fibres a l imentaires et le cancer du côlon 7 7

    5 . 2 Les ef fets associés aux graisses, à l 'apport en énergie

    et à la consommation de viandes 7 8

    5 .3 Le rôle de la v i t amine A e t des caroténoïdes 8 0

    5 . 4 L'alcool 8 1

    5 .5 La v i tamine C et la v i tamine E 8 1

    Table des matières XII I

    5 .6 Les a l iments fumés, gri l lés ou marinés 8 2

    6 LE D I A B È T E g 3

    6 . 1 Les e f fe t s associés aux sucres complexes 8 4

    6 . 2 Les e f fe t s associés aux graisses 8 4

    6 .3 Les e f fe t s associés aux protéines 8 5

    6 .4 Les e f fe t s associés aux f ibres 8 5

    6 .5 Les e f fe t s associés à l 'a lcool 8 5

    6 . 6 Les e f fe t s associés aux édulcorants artificiels ou hypoca lo r tques . . . 8 6

    7 L ' E M B O N P O I N T ET L'OBÉSITÉ 8 7

    7 . 1 Existe-t-il des moyens e f f i caces pour maigrir ? 9 1

    8 L E S M A L A D I E S O S T É O A R T I C U L A I R E S 9 4

    8 .1 L'ostéoporose 9 4

    8 .2 L'arthrite 9 8

    9 L ' IMMUNITÉ ET L A PROTECTION C O N T R E

    L E S INFECTIONS 1 0 0

    1 0 LE V I E I L L I S S E M E N T ET L A S A N T É DES A Î N É S 1 0 2

    11 L A C R O I S S A N C E ET LE D É V E L O P P E M E N T DE L ' E N F A N T 1 0 4

    1 1 . 1 L'alimentation du nouveau-né et du nourrisson 1 0 6

    1 1 . 2 L'alimentation de l 'enfant et de l 'adolescent 1 0 9

    1 2 LE V É G É T A R I S M E 1 1 0

    1 3 À P R O P O S DE L A R E S T A U R A T I O N R A P I D E (FAST-FOOD) 1 1 2

    1 4 L E S R I S Q U E S A S S O C I É S À L A P R É S E N C E DE P E S T I C I D E S D A N S L E S A L I M E N T S 1 1 3

    1 5 L A SOCIÉTÉ D E C O N S O M M A T I O N ET LE M Y T H E DE L ' A L I M E N T M I R A C L E 1 1 7

    1 6 L A C O M P L E X I T É D E L A RECHERCHE ET L A C O N F U S I O N DE L' INFORMATION 1 1 8

    C O N C L U S I O N DE L A S E C O N D E PARTIE 1 2 1

    Références 123

    A N N E X E 1 : Teneur en graisses saturées et polyinsaturées (en %) de quelques huiles et corps gras 131

    A N N E X E 2 : Consommation annuelle moyenne par personne de différents aliments et boissons selon le quintile de revenu, Québec, 1986 132

  • Liste des tableaux et figures

    TABLEAU 1.1 Consommation estimée par personne et par année de certains aliments et boissons, Québec, 1986 9

    TABLEAU 1.2 Apports quotidiens estimés (Québec, 1986) et apports quotidiens recommandés par personne pour certains nutriments 10

    TABLEAU 1.3 Principales sources de lipides et de graisses saturées dans l'alimentation du Québécois moyen en 1986 1 2

    TABLEAU 1.4 Coupes et produits de viandes contenant moins de 10 % de graisses après cuisson (gras visible enlevé) 1 3

    TABLEAU 1,5 Principales sources de cholestérol dans l'alimentation du Québécois moyen en 1986 . . . 13

    TABLEAU 1.6 Principales sources de glucides dans l'alimentation du Québécois moyen en 1986 15

    TABLEAU 1.7 Principales sources de fibres alimentaires dans l'alimentation du Québécois moyen en 1986 . . 16

    TABLEAU 1.8 Principales sources de sodium dans l'alimentation des Québécois en 1986 18

    TABLEAU 1.9 Principales sources de calcium dans l'alimentation des Québécois en 1986 18

    TABLEAU 1.10 Apports estimés en caféine par personne et par jour selon la source, Québec, 1986 19

    TABLEAU 1.11 Comparaison des résultats de la présente étude avec ceux obtenus dans d'autres études récentes . . 20

    TABLEAU 1.12 Principaux aliments et boissons dont la consommation (par année par personne) est plus élevée au Québec qu'en Ontario 21

    TABLEAU 1.13 Principaux aliments et boissons dont la consommation (par année par personne) est plus élevée en Ontario qu'au Québec 22

    TABLEAU 1.14 Comparaison des apports (par personne et par jour) en certains nutriments au Québec et en Ontario en 1986 23

  • XVI Liste des tableaux et figures

    TABLEAU 1,15 Caractéristiques générales des familles se situant dans les quintiles inférieur et supérieur de revenu, Québec, 1986 25

    TABLEAU 1.16 Aliments les plus consommés, en quantités absolues, par les personnes vivant dans les familles riches et les familles pauvres, Québec, 1986 26

    TABLEAU 1.17 Différences observées dans la consommation annuelle (par personne) de certains types d'aliments et de boissons entre les personnes vivant dans une famille à faible revenu et celles vivant dans une famille à revenu élevé, Québec, 1986 27

    TABLEAU 1.18 Données comparatives concernant la consommation de légumes frais par les riches et les pauvres, Québec, 1986 28

    TABLEAU 1.19 Données comparatives concernant la consommation de fruits frais par les riches et les pauvres, Québec, 1986 29

    TABLEAU 1.20 Apports moyens en macronutriments par jour et par personne, quintiles inférieur et supérieur de revenu, Québec, 1986 31

    TABLEAU 1.21 Comparaison des types d'aliments constituant les principales sources de macronutriments chez les riches et les pauvres, Québec, 1986 . . . . 33

    TABLEAU 1.22 Quelques caractéristiques des échantillons de population du regroupement Québec-Montréal pour 1974 et 1986 34

    TABLEAU 1.23 Comparaison des résultats obtenus par l'échantillon provincial avec ceux obtenus par l'échantillon urbain, Québec, 1986 35

    TABLEAU 1.24 Aliments dont la consommation moyenne par personne par année a augmenté au Québec urbain entre 1974 et 1986 36

    TABLEAU 1.25 Aliments dont la consommation moyenne par personne par année a diminué au Québec urbain entre 1974 et 1986 38

    TABLEAU 1.26 Apports moyens quotidiens en macronutriments au Québec urbain en 1974 et en 1986 39

    TABLEAU 1.27 Rangs relatifs occupés par les principales sources de lipides dans l'alimentation au Québec en 1974 et en 1986 40

    Liste des tableaux et figures X V I I

    TABLEAU 1.28 Principales sources de graisses saturées dans l'alimentation des Québécois vivant en milieu urbain en 1974 et en 1986 41

    TABLEAU 1.29 Hausse des apports en graisses saturées (g) liée à la consommation accrue de certains aliments ou boissons entre 1974 et 1986 42

    TABLEAU 1.30 Principales sources de cholestérol alimentaire (en mg par personne par jour) selon leur rang en 1974 et en 1986, Québec urbain 43

    TABLEAU 1.31 Principales sources de glucides selon leur rang en 1974 et en 1986, Québec urbain 45

    TABLEAU 1.32 Comparaison des résultats de la présente étude (Québec urbain, 1974) à ceux de l'échantillon québécois de l'Enquête nutrition Canada (1972) . . 46

    TABLEAU 2.1 Principaux facteurs de risque associés à la maladie coronarienne 63

    TABLEAU 2.2 Concentration en caféine de certaines boissons et de certains aliments 68

    TABLEAU 2.3 Recommandations aux diabétiques en matière d'alimentation 87

    TABLEAU 2.4 Effets potentiels des diètes très pauvres en énergie sur la santé 92

    TABLEAU 2.5 Suggestions concernant l'âge d'introduction des aliments solides ou semi-solides 108

    TABLEAU 2.6 Groupes d'aliments protéiques devant faire partie de tout repas végétarien (strict) afin de procurer un mélange équilibré d'acides aminés 112

    TABLEAU 2.7 Taux de mortalité (décès par 100 000 habitants), ajustés pour l'âge, rattachés à certaines maladies chroniques, Canada, États-Unis et Japon 119

    FIGURE 2.1 Nomogramme de l'indice de masse corporelle (IMC) et degré de risque pour la santé 88

    FIGURE 2.2 Facteurs pouvant intervenir dans une fracture ostéoporotique 98

  • Introduction

    S'alimenter est un besoin primaire pour tout être vivant. De sa naissance jusqu'à sa mort, une personne prendra en moyenne 90 000 re-pas totalisant environ 29,5 millions de kilos d'aliments et 36,1 millions de litres de boissons de toutes sortes. On comprend facilement qu'une telle quantité d'aliments et de boissons contenant eux-mêmes une mul-titude de nutriments qui interagissent de façon complexe puisse avoir des effets importants sur le développement et le fonctionnement du corps humain.

    L'influence de l'alimentation sur la santé humaine est reconnue depuis l'Antiquité. Déjà, 400 ans avant Jésus-Christ, Hippocrate décri-vait les effets de l'alimentation sur la santé humaine^). Cependant, ce n'est qu'au XVIIe siècle que l'on commença à établir de façon scienti-fique des liens entre la consommation de certains aliments et la guérison de maladies comme le scorbut et le rachitisme, fort répandues à l'époque. On découvrit par exemple que la consommation de fruits de la famille du citron pouvait guérir le scorbut. On commença également à utiliser l'huile de foie de morue dans le traitement du rachitisme. AuXIXe siècle, on découvrit que l'iode pouvait guérir le goitre et que certains compo-sants des aliments pouvaient être regroupés par familles comme les huiles (lipides), les saccharines (sucres) et les albumineux (protéines).

    Malgré toutes ces découvertes, ce n'est qu'au début du siècle présent que l'on comprit vraiment les mécanismes par lesquels certains nutriments pouvaient agir sur différentes fonctions biologiques essen-tielles au maintien d'une bonne santé. Ainsi, entre 1900 et 1950, on identifia plusieurs vitamines et leurs mécanismes d'action. On comprit également l'importance de l'alimentation de la femme enceinte pour la santé du bébé. Quant à certains minéraux présents en quantités infimes dans les aliments, ce n'est qu'au cours des années 1950 et 1960 que l'on reconnut leur rôle essentiel dans le métabolisme des graisses, des sucres et des protéines ainsi que leur contribution à la solidité des os, au fonctionnement des muscles et du système nerveux.

    Les progrès de la recherche scientifique réalisés à ce jour mettent en lumière le fait que plusieurs maladies chroniques parmi les plus répandues dans notre société, telles que les troubles cardiaques et cer-tains types de cancers, sont associées au mode d'alimentation nord-américain. Comme ces maladies dégénératives portent atteinte chaque année à la qualité de vie de milliers de Québécois et qu'elles génèrent des dépenses de plusieurs milliards de dollars en soins curatifs, il importe

  • 2 Introduction

    de tracer périodiquement un portrait des habitudes alimentaires afin de faire le point sur l'évolution de la situation et de préciser clairement les messages prioritaires de prévention à adresser au public. L'estimation des apports en macronutriments qui ont un effet potentiel sur la santé et la prévention des maladies chroniques n ' a pas été faite au Québec depuis près de 20 ans, c'est-à-dire depuis VEnquête nutrition Canada(2) effec-tuée en 1972.

    L'objet de la première partie du présent ouvrage est d o n c de refaire un portrait plus récent de l'alimentation du Québécois moyen afin de déterminer quels seraient les éléments prioritaires à retenir en matière de prévention. Ce portrait est également tracé pour les Québécois riches et les Québécois pauvres afin d'examiner si la qualité de l 'alimentation dépend significativement du niveau de revenu. De plus, une étude qui compare l'alimentation des Québécois en 1974 avec celle de 1986 a été effectuée afin de déterminer s'il y a eu ou non de véritables améliorations sur le plan de la santé. Enfin, une comparaison entre le Québec et l 'Ontario permet de dégager si la différence de culture entre la population de ces deux provinces se répercute sensiblement dans la composit ion de l 'alimentation.

    La seconde partie de cet ouvrage vise à faire le point sur l 'état des connaissances actuelles concernant les liens entre l 'al imentation et certaines maladies parmi les plus répandues dans notre société. Ce sujet, très à la mode actuellement, fait malheureusement l 'objet d 'une vaste entreprise commerciale où chacun interprète les résultats de recherches scientifiques réelles ou fictives de façon à en tirer profit. L e consomma-teur est soumis, d'une part, à un certain discours moralisateur où presque tous les aliments semblent mauvais pour la santé et, d 'autre part, à une multitude de messages où on entretient entre autres le mythe de l 'aliment ou du supplément miracle. La deuxième partie de cet ouvrage vise donc à tenter d 'y voir plus clair.

    PARTIE 1

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé

  • 10 Partie 1 Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 5

    i. La problématique

    Au cours des dernières années, beaucoup d ' informat ions ont circu-lé au sujet de la qualité de l 'alimentation des Québécois . Cependant, ces informations étaient rarement fondées sur des données objectives tou-chant la répartition des macronutriments qui ont une influence reconnue sur l 'état de santé. On entend parfois dire que les Québécois mangent plus de légumes et de fruits qu'auparavant, mais également que la quantité de graisses et de sucres consommés est encore trop élevée. Ces observations ne permettent malheureusement pas de donner une évalua-tion d'ensemble sur la qualité de l 'alimentation.

    C'est donc pour faire le point sur l 'état de l 'a l imentat ion au Québec que cette étude a été menée. De façon plus précise, l 'objet de la présente section est de tenter de répondre aux questions suivantes :

    1. Quelle est la situation québécoise en matière d 'al imentation-santé et sur quels aspects prioritaires devrait-on s 'at tarder dans la pré-vention des principales maladies chroniques ?

    2. L'alimentation des Québécois riches est-elle meil leure que celle des Québécois pauvres ?

    3. Quelle est la situation du Québec par rapport à celle de l 'Ontario ?

    4. Dans quelle mesure les habitudes alimentaires ont-elles vraiment évolué au Québec au cours des 10 ou 15 dernières années ?

    ii. La méthodologie

    L'évaluation objective du comportement des Québécois en matière d'alimentation-santé pose quelques difficultés, compte tenu de l 'absence d 'enquêtes spécifiques et régulières sur le sujet. Dans les médias, on présente parfois des données de « consommation apparente » d 'al iments par personne publiées chaque année par Statistique Canada^3)*. Celles-ci sont en fait des données de disparition des aliments, déterminées à partir des volumes de production, des stocks ainsi que des quantités d 'al iments importés et exportés. Si de telles données sont utiles à l ' industrie alimentaire, elles constituent cependant une méthode plutôt sommaire pour juger de la qualité de l 'alimentation en regard de la santé de la population.

    Les calculs de disparition alimentaire surestiment de façon impor-tante les quantités d 'al iments réellement consommés puisqu' i ls ne tien-

    * Les chiffres entre parenthèses renvoient aux références placées à la fin de l'ouvrage.

  • 10 Partie 1

    nent pas compte des quantités jetées ou perdues lors de la transformation et de la préparation chez le détaillant et le consommateur. Ils ne tiennent pas compte non plus des pertes associées aux parties non comestibles des aliments, ni des quantités perdues lors de la cuisson.

    Les données de disparition alimentaire ou de « consommation apparente » ne sont donc pas suffisamment précises pour déterminer le contenu des aliments en macronutriments ; de plus, il n'est pas possible d'obtenir ce type de données par province à cause de la circulation des denrées alimentaires d'un bout à l 'autre du Canada.

    Par ailleurs, VEnquête sur les dépenses alimentaires des familles au CanadaW, effectuée par Statistique Canada, offre des possibilités d'utilisation fort intéressantes. Cette enquête est menée auprès de mil-liers de familles canadiennes et québécoises ; elle se déroule durant les 12 mois d 'une année et est reprise tous les 4 ans. Chaque famille parti-cipante complète un journal détaillé portant sur la nature, les quantités et les prix de tous les aliments achetés en magasin pendant deux semaines, à l'exception des boissons alcoolisées. Les rapports compren-nent également des informations sur les repas pris à l 'extérieur de la maison. L'Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada présente un taux global de réponse de 78,9 % pour l 'édition 1986, ce qui est excellent comparativement à la plupart des enquêtes nutritionnelles. Par exemple, pour l'Enquête nutrition Canada menée en 1972, on n ' a obtenu qu'un taux de réponse de 46 %, ce qui représente un risque non négligeable de biais dans les données recueillies.

    La méthodologie utilisée dans cet ouvrage pour estimer les apports moyens en macronutriments, en cholestérol et en fibres alimentaires, à partir des données de l 'enquête, est similaire à celle employée par Robbins et Robichon-Hunt(5) pour estimer l 'apport en macronutriments au Canada en 1986. Cependant, contrairement à ces auteurs, des données de consommation apparente de boissons alcoolisées ont été incluses dans les calculs afin d'éviter une sous-estimation de l 'apport total en énergie et en glucides, ainsi qu'une surestimation de la contribution des lipides à l'apport énergétique total.

    À cet effet, les données de Statistique Canada® relatives à la consommation de bière, de vin et de spiritueux au Québec ont été utilisées pour les années concernées. Ces quantités totales de boissons alcoolisées ont ensuite été divisées par le nombre d'habitants du Québec afin d'obtenir la consommation par personne. Contrairement aux valeurs de consommation de boissons alcoolisées par personne publiées par Statistique Canada, les données ont été divisées par le total de la population et non par la population âgée de 15 ans et plus, de façon à ce

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 7

    qu'el les soient compatibles avec les autres données de consommation d 'al iments.

    Pour calculer la consommation quotidienne par personne des dif-férents aliments, les quantités hebdomadaires de tous les aliments ache-tés en magasin ou produits à la maison par les familles ont d'abord été corrigées en appliquant un facteur de rendement propre à chaque type d 'a l iments afin de tenir compte des pertes attribuables aux parties non comestibles, à la préparation et à la cuisson. Les rendements des viandes ont été obtenus à partir des études canadiennes récentes sur le sujet(7 ' 8> 9) alors que les rendements des autres types d'aliments ont été tirés des tables publiées par le Département d'agriculture des États-Unis (10). Puis les quantités ont été divisées par le nombre moyen de personnes par famille. Les valeurs obtenues ont ensuite été corrigées afin de tenir compte du nombre de repas pris à l 'extérieur de la maison. Finalement, les quantités d'aliments ont été divisées par sept jours.

    Le contenu en macronutriments de chaque type d'aliments a été tiré du Fichier canadien sur les éléments nutritifs de Santé et Bien-être social Canada^1) . La valeur énergétique attribuée aux macronutriments s 'établit à quatre kilocalories par gramme pour les protéines et les glucides, à sept kilocalories par gramme pour l 'alcool pur et à neuf kilocalories par gramme pour les lipides.

    Mentionnons que les différents facteurs de correction qui ont été appliqués aux données de base de l 'enquête avaient pour but de produire des estimés quantitatifs de consommation d'aliments par personne qui se situent le plus près possible de la réalité. Parmi ces différents facteurs de correction, seul le rendement des aliments a modifié quelque peu la répartition des macronutriments qu 'on pouvait retrouver en analysant directement le contenu du panier d'épicerie.

    Comme la présente étude n'inclut pas les pertes de nourriture dues aux restes de table, il est possible que les apports quotidiens exprimés en valeurs absolues soient légèrement surestimés : c 'est le cas notam-ment de 1' apport total en énergie (calories), en cholestérol et en fibres alimentaires. Cependant, le fait d 'exprimer les apports en macronutri-ments en pourcentages de l 'apport énergétique total permet d'éviter, dans une certaine mesure, la surestimation qui peut influer sur les quantités absolues d 'aliments. Il importe de préciser que les résultats de la présente étude sont des moyennes ; c'est donc dire qu'ils s'appliquent à l 'ensemble de la population étudiée et non à des individus ou à des groupes particuliers de la population. Ainsi, l 'étude ne permet pas de distinguer les tendances de consommation selon le sexe ou le groupe d'âge, par exemple.

  • 10 Partie 1

    1 L'ALIMENTATION AU QUÉBEC EN 1986

    Les données de base qui ont servi aux calculs de la présente section proviennent de l'échantillon québécois de VEnquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada de 1986. L'échantillon québécois comporte 4 097 journaux hebdomadaires d'achat d 'al iments tenus par 2 085 familles. Le nombre moyen de personnes par famille s 'é lève à un peu plus de deux et demi (2,61) et on compte en moyenne près de quatre (3,94) repas hebdomadaires par famille pris à l'extérieur de la maison.

    1.1 Les principaux aliments et boissons consommés

    Le tableau 1.1 montre la consommation annuelle de certains types d'aliments et boissons par personne au Québec en 1986. On doit insister sur le fait qu'il s'agit ici de quantités consommées qui sont par consé-quent moindres que les quantités achetées à cause des pertes dues à la préparation et à la cuisson. Les fruits et les légumes frais (pommes de terre exclues) sont les aliments dont la consommation est la plus élevée. Parmi les fruits frais les plus populaires, on trouve, par ordre décroissant d'importance, les pommes, les bananes et les oranges. Dans le m ê m e ordre, les légumes frais les plus consommés sont les tomates, les carottes, les oignons et la laitue. L'écart observé entre, d 'une part, les fruits et légumes et, d'autre part, les autres aliments devient encore plus impor-tant lorsqu'on ajoute aux fruits et légumes frais ceux qui sont vendus en conserve, congelés et séchés.

    Le bœuf est la viande la plus populaire, et près de 40 % de la quantité consommée l'est sous forme de steak haché. Concernant la volaille, 90 % de la viande consommée est du poulet. Du côté des boissons, le lait et le thé sont les plus consommées. Des 117,6 litres de lait consommé annuellement par personne, on trouve 59,8 litres de lait entier (3,25 % m.g.), 54,4 litres de lait à faible teneur en gras (2 % m.g.) et 3,5 litres de lait écrémé.

    Dans le cas du café et du thé, précisons qu'il se vend plus de café que de thé au poids mais que le rendement de un kilo de thé (143,4 litres) est beaucoup plus élevé que celui de un kilo de café (26 litres). '

    Malgré l'intérêt des données de consommation présentées ci-dessus, il importe de préciser que les quantités de nourriture consommée ne permettent pas vraiment d'apprécier si l 'alimentation est saine ou non. Pour être en mesure d'évaluer cet aspect important, on doit calculer les quantités et la répartition des nutriments qu'apporte l 'ensemble de ces aliments.

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 8

    T A B L E A U 1.1 C o n s o m m a t i o n est imée par personne et par année de cer ta ins a l iments et bo issons , Québec, 1986

    ALIMENTS CONSOMMATION (kg)

    BOISSONS CONSOMMATION (D

    Fruits frais 46,5 Lait 117,6 Légumes frais 42,5 Thé 84,8 Pain 40,2 Bière 81,5 Pommes de terre 26,6 Boissons gazeuses 50,3 Bœuf 23,3 Café 49,5 Pâtes alimentaires 20,6 Jus de fruits 39,3 Volaille 13,9 Vin 11,0 Biscuits et desserts 13,7 Jus de tomate Viandes préparées 13,3 et de légumes 8,0 Porc 11,8 Spiritueux 3,3 Légumes en conserve 11,4 Boissons aux fruits 3,0 Sucres et sirops 10,4 Fromages 9,9 Condiments 9,1 Yogourt 4,8 Friandises 3,7 Croustilles 2,1 Œufs (unités) 175,0

    NOTE : Les légumes frais ne comprennent pas les pommes de terre. Les viandes préparées comprennent notamment le saucisson de Bologne, les saucisses non cuites, le foie et les autres abats ainsi que les préparations à base de viande en conserve ou non. Les biscuits et les desserts comprennent les biscuits sucrés, les gâteaux, les beignes, les tartes et autres pâtisseries achetées. Estimations concernant les boissons alcoolisées effectuées à partir des données de vente par province publiées par STATISTIQUE CANADA (référence 6). Estimations pour les autres éléments effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986, échantillons par province.

    1.2 Les apports moyens en nutriments

    Lorsqu 'on parle d 'alimentation-santé, il est courant de retrouver les apports en macronutriments tels que les protides, les glucides et les l ipides exprimés en pourcentage de l 'apport total en énergie. D'ailleurs, c ' e s t le plus souvent de cette façon que sont exprimées les recomman-dat ions des commissions d 'é tude ou des groupes d 'experts en matière d 'al imentat ion et de santé. Le tableau 1.2 présente les apports moyens estimés en nutriments au Québec en 1986, de même que les apports moyens recommandés par les commissions d 'étude ou les groupes d 'exper t s dans le domaine de la nutrition et de la santé.

    Les recommandations concernant les apports moyens en glucides, en protéines, en lipides, en graisses saturées, en graisses polyinsaturées

  • 10 Partie 1

    et en calcium, ainsi que l'apport énergétique provenant des boissons alcoolisées, sont tirées du Consensus canadien sur le cholestérol(12) et des Recommandations sur la nutrition (édition 1990) de Santé et Bien-être social Canada(13). La recommandation concernant l 'apport en cholestérol alimentaire est celle de Y American Heart Association(14) alors que l'apport recommandé en fibres alimentaires vient du National Cancer Institute des États-Unis(15). Enfin, la recommandation concer-nant le sodium vient du National Research Council des États-Unis(41). L'ensemble de ces recommandations s 'applique à tous les groupes d'âge à l'exception des enfants de moins de deux ans. Il n 'existe cependant pas de recommandation concernant l'apport quotidien en énergie puisque les besoins énergétiques varient beaucoup d 'une personne à l 'autre en fonction de certaines caractéristiques comme l 'âge, le sexe, la masse corporelle et le degré d'activité physique. Ce qu'on mentionne habituel-lement dans certaines publications sont des estimations des besoins moyens en énergie qui n'ont qu'une valeur indicative et n e constituent donc pas des recommandations. Par exemple, pour un adulte canadien d'âge moyen et de poids corporel moyen, on peut estimer que les besoins énergétiques quotidiens se situent entre 1 800 et 2 000 kilocalories pour une femme et entre 2 300 et 2 800 kilocalories pour un homme.

    Comme on le voit au tableau 1.2,1 ' apport quotidien en énergie pour le Québécois moyen se situait à 2 502,8 kilocalories en 1986.

    TABLEAU 1.2 Apports quotidiens estimés (Québec, 1986) et apports quotidiens recommandés par pe r sonne pour certains nutr iments

    NUTRIMENTS APPORT ESTIMÉ APPORT RECOMMANDÉ

    Energie totale (kcal) 2 502,8 Protéines (%) 15,0 (94,4 g) 10-15 Glucides (%) 46,0 (287,5 g) 55-60 Lipides (%) 36,4 (101,2 g) 30 Graisses saturées (%) 13,0 (36,2 g) 10 ou moins Graisses polyinsaturées (%) 8,2 (22,9 g) 10 Graisses monoinsaturées (%) 15,1 (42,2 g) 10 Cholestérol (mg) 342,2

    (42,2 g) 300 ou moins

    Fibres (g) 12,2 20-30 Calcium (mg) 894,5 800 Sodium (g) 2,83 1,1 à 3,3* Alcool (%) 5,5 5 ou moins

    * Il s'agit ici d'un apport jugé « sans danger ».

    NOTE : Les valeurs entre parenthèses indiquent les apports en grammes. Estimations effectuees à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986, données non publiées

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 11

    Quant aux effets potentiels sur la santé, l 'aspect le plus significatif du bilan québécois présenté au tableau 1.2 est sans doute le déséquilibre qu 'on observe entre les apports estimés et les apports recommandés en lipides et en glucides. Il y a surconsommation relative de l ipides et de graisses saturées et une sous-consommation relative de glucides, de fibres et de graisses polyinsaturées. Ce constat n'est pas exclusif au Québec puisque, comme on le verra un peu plus loin, le portrait québé-cois ressemble à celui observé en Ontario et aux États-Unis.

    1.3 Les apports en lipides

    Dans le cas de l 'apport total en lipides, on est plutôt loin des recommandations du Consensus canadien sur le cholestérol qui a fixé à 30 % la part des lipides dans l 'apport total en énergie. En fait, passer de 36,4 % à 30 % demanderait des changements fort importants dans les habitudes alimentaires des Québécois. Avant de voir plus concrètement quels devraient être ces changements, examinons d 'abord quelles sont les principales sources de lipides et de graisses saturées dans l 'a l imen-tation des Québécois.

    Le tableau 1.3 donne un aperçu des principales sources de lipides. C o m m e on peut le constater, les corps gras de consommation courante, c 'est-à-dire la margarine et le beurre, constituent la principale source de lipides dans l 'alimentation des Québécois. Ces corps gras sont le plus souvent consommés avec le pain (sandwichs, rôties, etc.) ainsi que dans la préparation et la cuisson des aliments.

    Afin de réduire l 'apport en lipides provenant de ces sources, il serait possible de modifier certaines habitudes, comme mettre moins ou pas du tout de corps gras sur le pain et diminuer les quantités utilisées dans la préparation et la cuisson des aliments. Une autre possibilité consiste à utiliser de la margarine à teneur réduite en matières grasses. D e plus, la cuisson au four, à la vapeur ou encore l'utilisation de poêles anti-adhésives sont des solutions de rechange à la cuisson dans un corps gras.

    Les produits laitiers dans leur ensemble, et en particulier les fro-mages et le lait entier, constituent également une source importante de lipides et de graisses saturées. Dans ce cas, une consommation modérée de f romages et le choix de f romages « allégés » en matières grasses, de même que la substitution du lait entier par du lait à plus faible teneur en gras (2 % ou 1 %) contribueraient de façon significative à réduire l 'apport en lipides et en graisses saturées. Au cours des prochaines années, le consommateur pourra trouver une gamme encore plus vaste de produits laitiers à faible teneur en matières grasses, notamment à

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    cause de la mise en marché de substituts de gras comme Simplesse, déjà disponible dans l'industrie alimentaire depuis 1988. Ce produit, consti-tué à partir de protéines d'œufs ou de lait, peut être employé dans la fabrication d'aliments comme la crème glacée, les fromages mous et le yogourt. Un tel substitut de gras peut permettre de réduire de 56 % la teneur en calories d'une portion de crème glacée (125 ml) et d'en ramener la teneur en gras de 12 grammes à moins de un gramme(16).

    TABLEAU 1.3 Principales sources de lipides et de graisses saturées dans l'alimentation du Québécois moyen en 1986

    ALIMENTS LIPIDES GRAISSES SATURÉES RANG ALIMENTS

    grammes rang grammes rang GLOBAL

    Beurre 9,7 2 6,0 1 1 Viandes préparées 9,3 3 3,5 3 2 Fromages 7,5 4 4,6 2 2 Margarine 14,6 1 2,6 6 3 Lait entier 5,4 8 3,0 4 4 Bœuf 7,2 5 2,9 5 4 Biscuits et desserts achetés 5,7 7 1,4 8 5 Huiles végétales 5,9 6 0,7 10 6 Lait 2 % 2,9 10 1,7 7 7 Crème glacée et lait glacé 3,9 9 0,9 9 8 Œufs 2,9 10 0,9 9 9

    NOTE : Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986, données non publiées.

    Toujours au tableau 1.3 on remarque également l ' importante source de lipides que constituent les viandes préparées ainsi que les biscuits et desserts achetés. Les viandes préparées comprennent notam-ment la saucisse, le saucisson de Bologne, les abats, les viandes cuites et les charcuteries. Les biscuits et les desserts achetés comprennent entre autres les craquelins, les brioches, les biscuits sucrés, les beignes, les petits gâteaux et les autres pâtisseries. Ici encore, il s 'agirait de réduire la consommation de ces différents produits. La même remarque s'applique pour la consommation de bœuf ; de plus, le choix des coupes les plus maigres est à recommander. Le tableau 1.4 présente certaines sugges-tions de coupes pour le bœuf et d'autres viandes.

    On retiendra qu'afin de diminuer la consommation de lipides et de graisses saturées provenant des viandes, il s 'agit non seulement de choisir les coupes les plus maigres, mais également de servir des portions raisonnables, c'est-à-dire de petits morceaux, et de ne pas en consommer tous les jours. On peut par exemple remplacer la viande par du poisson.

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 13

    TABLEAU 1.4 Coupes et produits de viandes contenant moins de 10 % de graisses après cu i s son (gras visible enlevé)

    BŒUF PORC AGNEAU VEAU VIANDES TRANSFORMÉES*

    Ronde Jambon* Gigot Cuisse Jambon cuit tranché Flanc Longe Longe Escalope Rôti de bœuf cuit Faux-filet Epaule Epaule Côtelette Bœuf fumé Croupe Filet Epaule Viandes froides maigres Surlonge Contre-filet Côte d'aloyau

    * Ces viandes doivent être consommées avec modération parce qu'elles présentent généralement une forte teneur en sodium.

    SOURCE : Référence 17.

    1.4 Les apports en cholestérol

    Comme on l 'a vu au tableau 1.2, l 'apport quotidien moyen en cho-lestérol est de 342,2 mg par personne. Les principales sources de choles-térol dans l 'alimentation des Québécois sont présentées au tableau 1.5. L 'une des premières choses qu 'on remarque en examinant ce tableau est que plusieurs des aliments riches en cholestérol alimentaire se retrouvent également dans la liste des principales sources de graisses saturées.

    TABLEAU 1.5 Principales sources de cholestérol dans l'alimentation du Québécois moyen en 1986

    SOURCE APPORT EN CHOLESTÉROL (mg par jour par personne)

    Œufs 102,1 Bœuf 44,8 Volaille 30,3 Beurre 26,1 Fromages 24,6 Porc 22,4 Lait entier (3,25 %) 22,1 Viandes préparées 20,6 Lait faible en gras (2 %) 11,0 Poissons et crustacés 10,5 Biscuits et desserts achetés 7,1 Crème glacée et lait glacé 5,9 Veau, agneau et mouton 5,0 Crème 2,8 Vinaigrettes et mayonnaise 1,8 Aliments précuits congelés 1,8

    NOTE : Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986.

  • 10 Partie 1

    Ce constat est peu surprenant, compte tenu du fait que les c o r p s gras d'origine animale contiennent du cholestérol et un pourcen tage élevé de graisses saturées tandis que les huiles et les corps gras de s o u r c e végétale ne contiennent pas de cholestérol et relativement peu d e graisses saturées. On note toutefois quelques exceptions à cette r è g l e puisque l 'huile de coco, l 'huile de palme et l 'huile de coton sont d e s huiles végétales riches en lipides saturés. On les retrouve souvent d a n s les biscuits, les pâtisseries et autres aliments préparés commercia lement . La teneur en graisses saturées et en graisses polyinsaturées de q u e l q u e s huiles et corps gras d'utilisation courante est présentée à l 'annexe 1. P o u r les personnes qui ont un taux de cholestérol sanguin trop élevé, il e s t important de limiter la consommation des produits qui apparaissent a u tableau 1.5. Pour les consommateurs en général, l 'effort doit porter s u r la diminution de la consommation des aliments riches en lipides et e n graisses saturées puisque, d 'une part, les évidences scientifiques q u i associent le cholestérol alimentaire à la maladie coronarienne sont m o i n s fortes que celles qui lient les graisses saturées à cette même maladie e t que, d 'autre part, en réduisant la consommation de graisses saturées, o n réduit du même coup la consommation de cholestérol. Voilà pou rquo i les experts qui ont formulé le Consensus canadien sur le cholestérol n 'ont pas fait de recommandation spécifique quant à la quantité l i m i t e de cholestérol alimentaire à consommer. Signalons qu'une enquête( 1 8 ) effectuée en 1989 indique que seulement 29 % des Canadiens in te r rogés ont déclaré « se soucier beaucoup » du cholestérol dans leur a l imenta -tion.

    1.5 Les apports en glucides

    Outre la consommation élevée de lipides et de graisses saturées u n autre element du bilan de l 'alimentation des Québécois est préoccupant II s agit de la sous-consommation relative des glucides, et en part iculier des glucides ou sucres complexes. Ce problème est en fait associé à l a surconsommation de lipides. La consommation excessive d ' a l imen t s riches en lipides se fait aux dépens des aliments riches en glucides.

    En 1986, le Québécois moyen consommait 287,5 grammes d e glucides par jour. La part des glucides dans l 'apport énergétique quot i -dien se situe a 46 % alors que les recommandations en matière de s a n t é sont de l 'ordre de 55 % à 60 %. Non seulement la consommation d e glucides est-elle trop faible, mais une part trop élevée des g luc ides actuellement consommés consiste en sucres concentrés ou raffinés C e s derniers sont généralement pauvres en vitamines et en fibres d 'où l eur

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 15

    surnom de «calor ies v ide s» . Le tableau 1.6 montre les principales sources de glucides dans l 'al imentation du Québécois moyen.

    TABLEAU 1.6 Principales sources de glucides dans l'alimentation du Québécois moyen en 1986

    SOURCE APPORT EN GLUCIDES (g par personne par jour) RANG

    Pain 56,8 1 Sucres et sirops 28,6 2 Fruits frais 21,4 3 Biscuits et desserts achetés 20,3 4 Pommes de terre 14,6 5 Boissons gazeuses 13,5 6 Pâtes alimentaires 13,0 7 Jus de fruits 12,0 8 Farine 10,2 9 Céréales à déjeuner 9,6 10 Bière 8,5 11 Friandises 8,2 12 Lait entier (3,25 %) 7,6 13 Lait faible en gras (2 %) 6,9 14 Légumes frais (sauf pommes de terre) 6,1 15 Riz 5,7 16 Condiments 5,0 17 Légumes congelés 3,8 18 Confitures, gelées et garnitures aux fruits 3,7 19 Crème glacée et lait glacé 3,3 20 Croustilles 2,8 21

    NOTE : Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986.

    En examinant le tableau 1.6, on remarque que certaines sources importantes de glucides sont également des aliments riches en lipides c o m m e les biscuits et les desserts achetés ainsi que le lait entier. Par conséquent , si on se donne comme objectif d 'augmenter la part des g lucides dans l 'alimentation, on doit prendre soin de n 'augmenter que la consommat ion d 'al iments qui sont à la fois riches en glucides et pauvres en lipides. De plus, on choisira de préférence des sources de g luc ides qui apportent également des vitamines, des minéraux et des f ibres alimentaires nécessaires au bon fonctionnement de l 'organisme. D a n s cette perspective, il est souhaitable de faire une consommation accrue de fruits, de jus de fruits, de légumes, de pâtes alimentaires, de riz, de pain et de céréales à grains entiers, de lait écrémé ou partiellement éc rémé et de yogourt à faible teneur en matières grasses. Al ' inverse , on devrai t réduire la consommation de sucres et de sirops, de biscuits et de

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    desserts achetés, de boissons gazeuses, de bière, de friandises et de croustilles. Le lait entier et la crème glacée devraient être remplacés respectivement par du lait à 2 % ou 1 % de matières grasses et par du lait glacé.

    1.6 Les apports en fibres

    L'appor t moyen total en f ib res par personne se s i tuai t à 12,2 grammes par jour en 1986, soit à un niveau nettement inférieur à la recommandation du National Cancer Institute. De plus, comme dans le cas de l 'apport en cholestérol, la quantité de fibres estimée dans la présente étude est probablement légèrement surévaluée à cause des pertes dues à la nourriture jetée. Le tableau 1.7 présente les principales sources de fibres dans l'alimentation du Québécois moyen en 1986. Il est peu surprenant de constater que les fruits et les légumes dans leur ensemble, c'est-à-dire frais, congelés, en conserve et sous forme de jus, constituent les principales sources de fibres alimentaires.

    TABLEAU 1.7 Principales sources de fibres alimentaires dans l'alimentation du Québécois moyen en 1986

    ALIMENTS APPORT EN FIBRES (g)

    Pain* 2,96 Fruits frais 2,80 Légumes frais 2,35 Pommes de terre 0,75 Légumes en conserve** 0,70 Pâtes alimentaires 0,46 Jus de fruits 0,43 Beurre d'arachide 0,40 Farine 0,39 Céréales à déjeuner 0,23 Noix 0,22 Fruits en conserve et séchés 0,12

    * Le calcul de l'apport en fibres a été effectué en assumant qu'en 1986, 30 % du pain consommé était fait de blé entier. Cette estimation a été fournie par les grandes boulangeries du Québec.

    ** Ne comprend pas les jus. NOTE : Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur

    les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986, données non publiées.

    Les légumes (incluant les jus) occupent la première place avec un apport quotidien total de 3,8 grammes, alors que les fruits et jus de fruits arrivent au deuxième rang avec un apport de 3,6 grammes. Le pain

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 16

    consti tue également une source importante de fibres. Il est intéressant de mentionner que d 'après les données fournies par les grandes boulan-ger ies du Québec, la part relative du pain de blé entier est passée d 'un peu moins de 30 % en 1986 à près de 40 % en 1990. Le pain fournirait donc aujourd'hui 3,1 g de fibres alimentaires comparativement à 2,96 g en 1986. Même si elle s 'avère positive, cette modification récente est cependant trop modeste pour faire augmenter significativement l 'apport total moyen en fibres.

    Au Canada, la majorité des groupes d'experts en santé et en nutrition n 'ont pas fait de recommandations spécifiques quant à la quanti té de fibres à absorber quotidiennement. On recommande simple-men t de consommer davantage d'aliments riches en fibres comme les f ru i t s et les légumes ainsi que les céréales à grains entiers. L'apport opt imal en fibres alimentaires est un élément qui n 'a pas vraiment fait l ' ob je t d 'un consensus dans la communauté scientifique. Les propriétés et les mécanismes d 'act ion des différents types de fibres alimentaires ne sont pas encore parfaitement connus. Comme on le verra dans la deuxième partie de cet ouvrage, les fibres solubles et les fibres insolubles diffèrent sensiblement par leurs propriétés ainsi que par leurs méca-nismes d'action. Une consommation accrue de fruits et de légumes ainsi que de pain et de céréales à grains entiers demeure donc souhaitable non pas pour augmenter la quantité de fibres, mais pour hausser la part des glucides complexes dans l 'alimentation.

    1.7 Les apports en sodium

    Le sodium est un minéral essentiel qu'on trouve abondamment dans une foule d'aliments. Par conséquent, les carences en sodium sont inexistantes dans des conditions normales de vie. En fait, on se pré-occupe davantage de la surconsommation de sodium puisqu'elle est associée à l 'hypertension. L'apport quotidien en sodium par personne au Québec se situait à 2,83 grammes en 1986. Cette valeur se situe assez près des 3,1 grammes trouvés par Mongeau et ses collaborateurs^3) dans u n e étude menée auprès d'un groupe d'adultes montréalais.

    L'apport moyen en sodium au Québec se situe donc dans les limites considérées comme sécuritaires par le National Research Council des États-Unis, c 'est-à-dire entre 1,1 et 3,3 grammes par jour. Cependant, un tel apport en sodium se situe bien au-delà des besoins réels de l 'organisme, lesquels sont estimés à moins de un gramme par jour. Pour cet te raison, Santé et Bien-être social Canada(13) recommande de limiter au minimum l'utilisation du sel dans la préparation, la cuisson et l 'assaisonnement des aliments. On sait que le sel de table contient 40 %

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    de sodium et que plusieurs autres condiments en contiennent des quan-tités assez élevées. Les principales sources de sodium dans l 'alimenta-tion des Québécois sont présentées au tableau 1.8.

    TABLEAU 1.8 Principales sources de sodium dans l'alimentation des Québécois en 1986

    SOURCE APPORT QUOTIDIEN (mg)

    Pain 559,1 Viandes préparées 443,4 Condiments (incluant le sel) 332,3 Fromages 240,0 Margarine 188,2 Lait 164,5 Biscuits et desserts achetés 149,9 Beurre 117,5

    1.8 Les apports en calcium

    _ Le calcium est un minéral essentiel à une bonne santé osseuse et à plusieurs autres fonctions corporelles. Environ 99 % du calcium présent dans l 'organisme se trouve dans les os et les dents. L'apport quotidien en calcium alimentaire se situait à 894,5 mg par personne en 1986. Cette valeur se situe assez près des 842,5 mg trouvés en 1989 par Mongeau et ses collaborateurs dans l'étude d'un groupe d'adultes montréalais(13).

    L'apport en calcium estimé dans la présente étude correspond à peu près à la quantité recommandée par Santé et Bien-être social Canadaf1 3) soit 800 mg pour un adulte. Cependant, d 'autres études plus détaillées' dont celle de Mongeau citée plus haut, montrent que l 'apport moyen masque le fait que les hommes en consomment un peu plus que la quantité recommandée tandis que les f emmes ont un apport inférieur aux recommandations. Le tableau 1.9 présente les principales sources de calcium alimentaire des Québécois en 1986. Le lait, le yogourt et les fromages allégés en matières grasses constituent d 'excellentes sources de calcium tout en étant pauvres en lipides.

    TABLEAU 1.9 Principales sources de calcium dans l'alimentation des Québécois en 1986

    SOURCE APPORT QUOTIDIEN (mg) Lait Fromages Pain

    401,1 160,4 94,5

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 19

    1.9 Les apports en caféine

    La caféine est une substance qu'on trouve dans plusieurs produits de consommation courante comme le café, le thé, les boissons gazeuses au cola et le chocolat. C o m m e il en est question à la section 2.4 du présent ouvrage, un apport excessif en caféine ou en café peut entraîner diffé-rents malaises et pourrait même, à fortes doses, favoriser l 'appari t ion de problèmes cardiovasculaires. Le tableau 1.10 présente les principales sources de caféine dans l 'alimentation des Québécois.

    TABLEAU 1.10 Apports es t imés en caféine par personne et par jour selon la source, Québec, 1986

    SOURCE

    APPORT, TOUS LES GROUPES D'ÂGE

    CONFONDUS (mg par personne par jour)

    APPORT, ADULTES DE 16 ANS ET PLUS

    (mg par personne par jour)

    Café 91,7 122,3 Thé 78,2 101,1 B o i s s o n s au cola 6,1 6,1 Chocolat 0,6 0,6 TOTAL 176,6 230,1

    NOTE : Comme plusieurs médicaments contre le rhume ou les maux de tête contiennent de la caféine, l'apport total sera un peu plus élevé chez les personnes qui en font usage de façon régulière.

    La recommandation de Santé et Bien-être social Canada est de ne pas consommer plus de l 'équivalent de quatre tasses de café par jour, soit environ 480 m g de caféine. Comme le suggèrent les estimations présentées au tableau 1.10, la consommation moyenne de caféine par personne au Québec est relativement faible et ne devrait donc pas constituer un élément important de préoccupation pour l ' ensemble de la population.

    1.10 Comparaison avec d'autres études

    Les études récentes qui font état des apports en macronutr iments sont peu nombreuses. Deux autres études sur le sujet ont été repérées, l ' une effectuée aux États-Unis(19) auprès de 2 600 personnes en 1985 et l 'autre effectuée ^au Québec(2 0) en 1987 auprès de 300 résidents de Montréal et de l ' î le-Jésus. Malgré des différences importantes de mé-thodologie et de population étudiée, il s 'avère néanmoins intéressant de comparer les résultats obtenus. Comme on peut le voir au tableau 1.11,

  • 10 Partie 1

    il est quelque peu surprenant de constater la similitude de plusieurs des résultats obtenus dans ces trois études fort différentes.

    TABLEAU 1.11 Comparaison des résultats de la présente é tude avec ceux obtenus dans d 'aut res études récentes

    APPORT ESTIMÉ MACRONUTRIMENTS

    PRÉSENTE ÉTUDE

    ÉTUDE AMÉRICAINE*

    ÉTUDE MONTRÉALAISE**

    Energie (kcal) 2 502 2 543 Protéines (%) 15,0 16,0 Glucides (%) 46,0 45,5 46,6 Lipides (%) 36,4 36,0 34,1 Graisses saturées (%) 13,0 13,0 13,4 Graisses polyinsaturées (%) 8,2 7,0 6,0 Cholestérol total (mg) 342 370 326 Cholestérol/1 000 kcal 136 133 Fibres (g)

    * n i u . «

    12,2 14,0 * Référence 19.

    ** Référence 20.

    Cette comparaison suggère que, globalement, le mode d'alimenta-tion nord-américain est assez homogène comme en témoigne la réparti-tion à peu près semblable des macronutriments. Les différences entre les résultats des trois études sont plutôt faibles ; aussi, même si elles sont reelles, il paraît peu probable qu'elles puissent donner lieu à des diffé-rences importantes d'effets sur la santé des populations étudiées

    1.11 Comparaison avec l'Ontario

    11 e s t intéressant de comparer l 'alimentation des Québécois à celle de leurs voisins ontariens. La comparaison est possible puisque l 'Eti-quete sur les dépenses alimentaires des familles au Canada de 1986 comporte un échantillon de 2 632 familles ontariennes (2 085 familles dans le cas du Quebec). Le Québec et l 'Ontario présentent beaucoup de similitudes sur le plan de l 'urbanisation et de l 'économie, mais l'origine ethnique de leurs populations est différente. L'alimentation étant liée

    de S r e S a , a / U l t r d ' U n p e u p l e ' 0 n P ° u r r a i t s ' a t t e n d r e à retrouver L ? a 'a consommation de certains aliments et peut-être dans la repartition des macronutriments.

    Mentionnons d'abord qu 'à l 'exception du revenu moyen des fa-milles, es profils démographique et familial des deux p ^ p u S o n s

    STeVr r e S , f b 6 a U C 0 U p ' n 0 t a m m e n t c e qui a tr à" taille de la famille, à l 'âge et au nombre d 'enfants , d'adultes et de

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 21

    personnes âgées. Cependant, le revenu net avant impôt, le nombre de repas pris au restaurant ainsi que le nombre de membres de la famille qui agissent comme soutiens financiers sont un peu plus élevés en Ontario qu 'au Québec.

    Les tableaux 1.12 et 1,13 présentent les différents types d'aliments pour lesquels on retrouve un écart sensible de consommation entre le Québec et l 'Ontario. Les aliments sont classés selon l 'indice de variation globale, c 'est-à-dire le produit de l'écart absolu et de l'écart relatif. L 'examen simultané des tableaux 1.12 et 1.13 montre que les différences de consommation entre les deux populations touchent surtout les bois-sons. L'écart le plus frappant se trouve dans les quantités relatives de lait entier et de lait à faible teneur en gras consommées. À ce chapitre, on note la prédominance du lait entier au Québec, alors que le lait à faible teneur en gras est le plus populaire en Ontario.

    TABLEAU 1.12 Pr inc ipaux al iments et boissons dont la consommat ion (par année par personne) est plus élevée au Québec qu 'en Ontar io

    ALIMENTS OU BOISSONS

    CONSOMMATION ÉCART

    ABSOLU

    ÉCART RELATIF

    (%)

    fNDICE DE

    VARIATION

    ALIMENTS OU BOISSONS ONTARIO QUÉBEC

    ÉCART ABSOLU

    ÉCART RELATIF

    (%)

    fNDICE DE

    VARIATION

    Lait entier 15,4 59,8 44,4 287,5 12 781 Boissons non alcoolisées 2,5 7,6 5,1 205,7 1 053 Jus de tomate et de légumes 3,6 8,0 4,4 119,9 524 Yogourt 2,3 4,8 2,5 107,2 265 Légumes frais 34,3 42,5 8,2 23,9 197 Bœuf 17,6 23,3 5,7 32,4 189 Légumes en conserve 8,5 11,4 2,9 34,5 100 Viandes préparées 10,2 13,3 3,1 30,5 95 Biscuits et desserts 11,0 13,7 2,6 23,8 63 Margarine 4,9 6,6 1,7 35,0 60 Pâtes alimentaires 17,5 20,6 3,1 18,0 57 Vin 9,3 11,0 1,7 18,4 32 Pommes de terre 24,1 26,6 2,5 10,4 26 Poissons et crustacés 4,6 5,4 0,8 17,2 14 Fromage cheddar 2,3 2,9 0,6 25,9 16 Fruits frais 44,2 46,5 2,3 5,2 12 Fruits en conserve 2,9 3,5 0,6 20,0 12 Sucres et sirops 9,6 10,4 0,8 10,3 7

    NOTE : Les quantités d'aliments et de boissons sont exprimées respectivement en kilogrammes et en litres. Les légumes frais ne comprennent pas les pommes de terre. Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, échantillons par province, 1986.

  • 10 Partie 1

    On note également une consommation de thé nettement plus élevée en Ontario qu'au Québec. Les légumes frais sont plus populaires au Québec alors qu'il y a peu de différence dans la consommation de fruits frais. Dans la même veine, la consommation de fromage cheddar est un peu plus élevée au Québec, mais il n 'y a pas de différences dans la consommation des autres types de fromages. Même situation concernant les corps gras d'usage courant puisque la margarine est un peu plus utilisée au Québec alors qu'il n 'y a pas d'écart entre les deux provinces pour la consommation de beurre. Concernant les boissons alcoolisées, on note une consommation totale plus élevée en Ontario. L'écart est particulièrement sensible dans le cas des spiritueux qui sont beaucoup plus populaires en Ontario. Seuls les vins sont plus populaires au Québec. Pour les autres catégories d 'aliments qui ne figurent pas aux tableaux 1.12 et 1.13, les écarts entre les deux provinces sont très faibles ou nuls.

    TABLEAU 1.13 Principaux al iments et bo issons dont la consommat ion (par année par personne) est plus élevée en Ontar io qu'au Québec

    ALIMENTS OU BOISSONS

    CONSOMMATION ÉCART

    ABSOLU

    ÉCART RELATIF

    (%)

    INDICE DE

    VARIATION

    ALIMENTS OU BOISSONS ONTARIO QUÉBEC

    ÉCART ABSOLU

    ÉCART RELATIF

    (%)

    INDICE DE

    VARIATION Lait 2 % 101,8 54,4 47,5 46,6 2211 Thé 125,2 84,8 40,4 32,3 1 305 Œufs (unités) 201,5 174,9 26,5 13,2 350 Spiritueux 6,9 3,3 3,6 52,6 192 Café 58,8 49,5 9,3 15,8 148 Jus de fruits 47,1 39,3 7.8 16,6 131 Aliments précuits congelés 3,6 2,1 1,6 43,3 69 Bière 87,5 81,4 6,1 6,9 42 Légumes congelés 5,4 4,1 1,3 24,4 33 Lait écrémé 4,7 3,5 1,2 25,7 31 Porc 13,7 11,8 1,9 13,6 25

    " " « w i o o u i i o o u m cApiiiiiBes lesptscnvement en kilogrammes et en litres, sauf celles des œufs qui sont exprimés en unités. Estimations basees sur les données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, échantillons provinciaux, 1986.

    Voyons maintenant si les différences observées entre les deux populations dans la consommation de certains types d'aliments sont d une ampleur suffisante pour se répercuter sur les apports en nutri-ments. Le tableau 1.14 présente le bilan comparatif des apports en certains nutriments au Québec et en Ontario

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 22

    T A B L E A U 1.14 Compara ison des appor ts (par personne et par jour) en cer ta ins nut r iments au Québec et en Ontario en 1986

    NUTRIMENTS QUÉBEC ONTARIO

    Énergie (kcal) 2 502,8 (100%) 2 419,4 (100%) Protéines (g) 94,5 (15,0%) 90,2 (14,9%) Glucides (g) 287,5 (46,0 %) 283,9 (46,9 %) Lipides (g) 101,3 (36,4%) 93,1 (34,6%) Graisses saturées (g) 36,2 (13,0%) 33,1 (12,3%) Graisses polyinsaturées (g) 22,9 (8,2%) 21,7 (8,0%) Graisses monoinsaturées (g) 42,2 (15,2%) 38,3 (14,2%) Cholestérol (mg) 342,2 334,0 Cholestérol (mg/1 000 kcal) 136,7 138,0 Fibres (g) 12,2 11,6 Calcium (mg) 894,5 878,1 Sodium (g) 2,8 2,5 Alcool (%) 5,5 6,8

    NOTE : Les valeurs entre parenthèses indiquent la contribution relative (en %) du nutriment à l'apport énergétique total quotidien.

    Les principaux éléments qui se dégagent du bilan comparatif dressé au tableau 1.14 sont les apports plus élevés en énergie, en lipides et en graisses saturées au Québec qu 'en Ontario. Les principaux aliments ou boissons responsables de ces apports accrus enregistrés au Québec sont, dans l 'ordre, le lait entier, la margarine, le bœuf et les viandes préparées.

    L'apport un peu plus élevé en cholestérol (en valeur absolue) observé au Québec est également associé à une consommation plus grande de lait entier, de bœuf et de viandes préparées. On note par ailleurs un apport en fibres un peu plus élevé au Québec qu'en Ontario en raison surtout d 'une plus grande consommation de légumes frais. L'apport en calcium est un peu plus élevé au Québec qu'en Ontario en raison d'une plus grande consommation de produits laitiers. Les apports en sodium sont un peu plus faibles en Ontario en bonne partie à cause de la plus faible consommation de viandes préparées dans cette province.

    Sur le plan de la santé, le profil alimentaire de l 'Ontario paraît donc globalement un peu meilleur que celui du Québec, quoiqu'il ne soit pas certain que les écarts trouvés puissent être suffisants pour influer sur la prévention des principales maladies chroniques, comme la maladie coronarienne ou les cancers de l 'appareil digestif. Pour les deux popu-lations comparées, le constat général est le même, c'est-à-dire que des changements importants de comportements de consommation sont né-cessaires si on veut se rapprocher des recommandations établies par les experts en santé et en nutrition.

  • 10 Partie 1

    Les principaux changements souhaitables consistent d 'abord à consommer moins de viandes et de produits laitiers riches en graisses saturées et de choisir les produits contenant le moins de matières grasses. En contrepartie, on doit consommer davantage de fruits, de légumes, de céréales, de pâtes alimentaires et de pain à grains entiers. De telles recommandations ne sont certes pas nouvelles mais demeurent toujours prioritaires.

    2 L'ALIMENTATION DES RICHES ET DES PAUVRES AU QUÉBEC EN 1986

    Il ressort de plusieurs études que le niveau de revenu influe sur le mode d'alimentation. Afin de vérifier dans quelle mesure la qualité de l 'alimentation peut varier entre les riches et les pauvres, on a analysé les données de l'échantillon québécois de l'Enquête sur les dépenses ali-mentaires des familles au Canada de 1986 en fonction du revenu. Plus spécifiquement, on a comparé le profil alimentaire des personnes vivant dans les 20 % des familles dont le revenu est le plus faible (premier quintile) à celui des individus vivant dans les 20 % des familles dont le revenu est le plus élevé (cinquième quintile). Parce que des données manquaient sur certains aliments, la comparaison de tous les quintiles de revenu n ' a pu être effectuée. Cependant, pour le lecteur intéressé aux tendances de consommation dans les cinq quintiles de revenu, les estimations ont été faites pour la plupart des aliments et boissons de consommation courante. Celles-ci sont présentées à l 'annexe 2.

    ^ Concernant la comparaison entre l 'alimentation des riches (quintile supeneur) et celle des pauvres (quintile inférieur), le tableau 1.15 montre la difference de revenu très évidente entre les deux types de familles comparées ; cet écart de revenu demeure important, m ê m e si on 1 exprime par personne afin de tenir compte du nombre moyen plus élevé de personnes dans les familles à revenu élevé. On note également un m o m s grand nombre d 'enfants ainsi qu 'un nombre plus important de personnes agees dans les familles les plus pauvres. De plus, on compte davantage de femmes chefs de famille dans les milieux pauvres que dans les milieux riches, ce qui reflète à la fois la présence de familles monoparentales et de ménages formés d 'une personne âgée de sexe

    r r - r L e S Cu0 U p l e S m a r i é s s e r e t r o u v e n t d a n s u n e propor-tion de 91,6 % chez les riches et de 21,4 % chez les pauvres. Le nombre de repas servis à des invités est à peu près le même que le nombre de

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 25

    repas pris chez d 'autres personnes (données non montrées) . C o m m e il fallait s ' y attendre, le nombre de repas hebdomadaires pris au restaurant et à la cafétéria est plus élevé chez les riches (6,51 repas) que chez les pauvres (1,58 repas). Cependant, cette différence s 'a t ténue lorsqu 'on tient compte de la taille de la famille ; on prend alors 1 repas au restaurant par personne et par semaine dans le quintile inférieur comparat ivement à 2 repas dans le quintile supérieur. Pour les deux quintiles de revenu comparés , le repas du midi à la cafétéria représente le type le plus f réquent de repas pris à l 'extérieur tandis que le déjeuner est le moins f réquent .

    TABLEAU 1.15 Caractéristiques générales des familles s e situant dans les quintiles inférieur et supérieur de revenu, Québec, 1986

    C A R A C T É R I S T I Q U E S QUINTILE

    INFÉRIEUR QUINTILE

    SUPÉRIEUR

    Nombre de familles dans l'échantillon 364 455 Nombre de rapports alimentaires hebdomadaires obtenus 710 896 Revenu net avant impôt 7 995 $ 59 729 $ Nombre de personnes par famille 1,58 3,32 Nombre d'enfants (15 ans et moins) 0,22 0,80 Nombre d'adultes (16 à 64 ans) 1,00 2,44 Nombre de personnes âgées (65 ans et plus) 0,36 0,08 Âge du chef de famille 50,3 42,8 Pourcentage de couples mariés 21,4 91,6 Nombre de repas hebdomadaires pris au restaurant 1,58 6,51 Pourcentage d'hommes chefs de famille 46,6 86,2

    NOTE : Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986, données non publiées.

    2.1 Les aliments et les boissons les plus populaires

    Il est intéressant de regarder s ' i l existe, au chapitre des aliments et des boissons les plus consommés, des différences notables entre les personnes vivant dans les familles à faible revenu et celles vivant dans les famil les à haut revenu. Le tableau 1.16 présente en ordre décroissant les 11 aliments les plus consommés en quantités absolues.

  • 10 Partie 1

    TABLEAU 1.16 Aliments les plus consommés , en quantités absolues, par les personnes vivant dans les familles riches et les familles pauvres, Québec, 1986

    RANG QUINTILE INFÉRIEUR QUINTILE SUPÉRIEUR

    1 Légumes frais Fruits frais 2 Fruits frais Légumes frais 3 Pain Pain 4 Pommes de terre Pommes de terre 5 Bœuf Bœuf 6 Pâtes alimentaires Pâtes alimentaires 7 Riz Biscuits et desserts 8 Volaille Volaille 9 Viandes préparées Porc

    10 Œufs Fromages 11 Sucres et sirops Légumes en conserve

    NOTE : Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986, données non publiées.

    On constate que les aliments les plus populaires sont à peu près les mêmes chez les riches et les pauvres puisque ce n'est qu'à partir du septième rang que l'on observe des différences. Cependant, au chapitre des quantités de plusieurs types d 'al iments consommés, il existe des écarts importants comme en témoignent les données présentées au tableau 1.17. Les aliments sont présentés par ordre décroissant selon l 'ampleur (en quantités absolues) de l 'écart observé entre riches et pauvres. La colonne de droite représente l 'écart exprimé en pourcentage. Ainsi, on remarque que la consommation de yogourt est de 81,3 % plus élevée chez la personne riche que chez la personne pauvre mais que, compte tenu de la consommation relativement faible de cet aliment en quantités absolues, cette différence est peu susceptible d'avoir un impact sur la santé.

    On remarque également au tableau 1.17 que les pauvres préfèrent le lait entier au lait à faible teneur en matières grasses, tandis que le comportement inverse s 'observe chez les riches. La consommation totale de lait par année est de 10,8 litres (9,4 %) de plus chez les pauvres que chez les riches. On remarque aussi que les pauvres consomment plus de margarine que de beurre comme principal corps gras, alors que les riches consomment les deux en quantités égales. La consommation totale d'huiles et de corps gras est de 15,9 % plus élevée chez les pauvres que chez les riches. La consommation totale de produits laitiers ne présente pas de différences quantitatives entre les deux groupes comparés.

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 26

    TABLEAU 1.17 Différences observées dans la consommation annuelle (par personne) de certains types d'aliments et de bo issons entre les personnes vivant dans une famille à faible revenu et celles vivant dans une famille à revenu élevé, Québec, 1986

    ALIMENTS OU BOISSONS PAUVRES RICHES ÉCART ABSOLU

    ÉCART RELATIF

    (%>

    Thé (I) 123,9 62,9 -61,0 -49,2 Lait entier (I) 78,4 46,7 -31,7 -40,4 Lait 2 % (I) 44,2 63,3 +19,1 +43,2 Jus de fruits (I) 24,2 39,4 +15,2 +62,8 Boissons gazeuses (I) 34,9 47,4 +12,5 +35,8 Café (I) 55,6 65,9 +10,3 +18,5 Bœuf (kg) 17,3 24,1 + 6,8 +39,3 Biscuits et desserts (kg) 9,4 15,5 + 6,1 +64,9

    Riz (kg) 11,7 5,9 - 5,8 -49,6 Porc (kg) 9,9 14,3 + 4,4 +44,4 Pâtes alimentaires (kg) 14,7 19,1 + 4,4 +29,9 Fromages (kg) 7,8 12,0 + 4,2 +54,5 Jus de tomate ou de légumes (I) 5,2 9,6 + 4,5 +86,5 Légumes frais (kg) 47,7 43,7 - 4,0 - 8,4 Margarine (kg) 8,2 5,1 - 3,1 -37,8

    Fruits frais (kg) 43,4 47,5 + 4,1 + 9,4 Légumes en conserve (I) 8,8 11,9 + 3,1 +35,2

    Crème et lait glacés (I) 6,8 9,8 + 3,0 +44,1

    Œufs (kg) 10,5 7,8 - 2,7 -25,7

    (unités) 210,0 156,0 -54,0 -25,7

    Yogourt (I) 3,2 5,8 + 2,6 +81,3

    Condiments (I) 7,1 8,9 + 1,8 +25,3

    Friandises (kg) 3,0 4,2 + 1,2 +40,0

    Pommes de terre (kg) 27,4 25,8 - 1,6 - 5,8

    Volaille (kg) 12,2 13,2 + 1,0 + 8,2

    Pain (kg) 41,1 40,0 - 1,1 - 2,7 Croustilles (kg) 1,4 2,4 + 1,0 +71,4

    Beurre (kg) 4,3 5,1 + 0,8 +18,6

    Lait écrémé (I) 2,8 4,7 + 1,9 +67,9

    Crème (I) 1,1 1,8 + 0,7 +63,6

    Poissons et crustacés (kg) 5,8 6,2 + 0,4 +22,4

    Céréales à déjeuner (kg) 4,3 4,9 + 0,6 +14,0

    NOTE : Pour les 25 autres catégories d'aliments, les différences se sont avérées à peu près nulles. Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986, données non publiées.

  • 10 Partie 1

    Par ailleurs, on note qu 'une personne pauvre consomme en moyenne, annuellement, 3,95 kilos de légumes frais (pommes de terre non comprises) de plus qu'une personne riche. Cet écart de 9 % disparaît toutefois lorsqu'on considère la consommation totale de légumes (frais, en conserve, congelés, séchés). La consommation de pommes de terre est légèrement plus élevée chez les pauvres que chez les riches.

    TABLEAU 1.18 Données comparatives concernant la consommation de légumes frais par les riches et les pauvres, Québec, 1986

    TYPES DE LEGUMES C O N S O M M A T I O N A N N U E L L E PAR P E R S O N N E

    P A U V R E S R I C H E S E C A R T

    A B S O L U E C A R T %

    Consommés davantage par les pauvres Carottes (kg) Pommes de terre (kg) Choux (unités) Oignons (kg) Navets et rutabagas (kg) Laitue (unités) Radis (kg)

    Consommés davantage par les riches Concombres (unités) Maïs (unités) Champignons (kg) Tomates (kg) Brocoli (kg) Haricots (kg) Céleri (unités) Piments (kg) Choux-fleurs (unités) Épinards (kg) Autres (kg)

    9,5 27,3

    2,5 5.8 1.9

    12,9 0,6

    6,5

    0,9 7.7 1,4

    4,0 1.8

    5,0 25,7

    1,3 4,8 1,3

    12,6

    0,4

    8,5 8,4 1,9 8,4 1,9 1 , 1

    4,4 2,2

    1,0 0,2 3,0

    4.5 1.6

    1,2

    1,0

    0,6

    0,3 0,2

    2,0 ?

    1 , 0

    0,7 0,5 ?

    0,4 0,4 ?

    ? ?

    90.0 6 , 2

    92,3 20,8 46.1

    2,4 50,0

    30,8 ?

    111,1

    9,1 35,7 ?

    10,0 22,2

    ?

    ? ?

    NOTE. Les tirets représentent des quantités trop faibles pour être fiables. Estimations effectuées a partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986, données non publiées.

    D ' a f u t r e Part, une personne riche consomme en moyenne 4,1 kilos de fruits frais de plus qu'une personne pauvre. Lorsqu'on additionne les quantités de fruits et de légumes consommés sous toutes leurs formes (frais, en conserve, congelés et séchés), on constate que les riches consomment 27,5 % plus de fruits et 4,1 % plus de légumes que les pauvres. On observe également que non seulement la quantité mais aussi

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 29

    l e s types de fruits et de légumes frais consommés diffèrent chez les riches e t l e s pauvres. Comme on peut le constater au tableau 1.18, certains types d e légumes sont un peu plus populaires chez les pauvres que chez les r i ches , et inversement. Cependant, on note que les écarts sont générale-m e n t faibles.

    On note également que la consommation de maïs, de haricots, de choux- f l eu r s et d 'épinards est trop faible pour produire des estimations f i a b l e s dans le quintile inférieur de revenu. La consommation moindre d e certains légumes frais comme les champignons et le brocoli par les p a u v r e s est probablement liée en partie au prix relativement élevé de ces l é g u m e s . On remarque d'ailleurs que les types de légumes consommés d a v a n t a g e par les pauvres sont, comme on pouvait s 'y attendre, ceux qui s e vendent moins cher. Au total, les pauvres consomment une quantité u n peu plus élevée de légumes frais que les riches, et ceci même l o r s q u ' o n fait abstraction des pommes de terre. Ce constat quelque peu ina t t endu est attribuable en bonne partie à une grande consommation de ca ro t t e s chez les pauvres.

    TABLEAU 1.19 Données comparatives concernant la consommation de fruits frais par les riches et les pauvres, Québec, 1986

    TYPES DE FRUITS

    CONSOMMATION ANNUELLE PAR PERSONNE

    TYPES DE FRUITS PAUVRES RICHES

    ÉCART ABSOLU

    ÉCART %

    Consommés davantage par les pauvres Bananes (kg) 8,4 7,3 1,1 15,1

    Poires (kg) 3,5 2,5 1,0 40,0

    Pamplemousses (unités) 6,0 5,1 0,9 17,6

    Consommés davantage par les riches Fraises (I) — 4,2 ? ?

    Pêches et nectarines (kg) 2,0 2,6 0,6 30,0

    Autres fruits tropicaux (kg) — 3,4 ? ?

    Consommés à peu près également Pommes (kg) 11,9 12,2

    Oranges (kg) 5,4 5,6

    Raisins (kg) 2,8 3,0

    Melons (unités) 1,6 1,8

    Prunes (kg) 1,5 1,5

    Citrons et limes (kg) 0,5 0,4

    NOTE ; Les tirets indiquent des quantités trop faibles pour être fiables. Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, 1986, données non publiées.

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    Le tableau 1.19 présente les données comparatives sur les f ru i t s frais. On peut voir que lorsqu'on considère chaque type de fruits u n à un, les différences entre riches et pauvres s'avèrent souvent fa ib les si l'on considère qu'il s'agit de la consommation annuelle. Dans le c a s de plusieurs types de fruits comme les pommes et les oranges, on note u n e consommation à peu près égale entre les riches et les pauvres.

    Les deux tableaux précédents indiquent que la nature et les quan -tités d'un certain nombre d'aliments consommés diffèrent légèrement selon le quintile de revenu du consommateur. Ces différences influent-elles sur la qualité de l'alimentation par rapport à la santé ? Les r i ches s'alimentent-ils mieux que les pauvres lorsqu'on tient compte de l ' e n -semble des habitudes de consommation ? À la section suivante, on ten te de répondre à ces questions en analysant la répartition des macronutri-ments chez les riches et les pauvres.

    2.2 Comparaison des apports en macronutriments

    L'estimation des apports moyens en macronutriments chez les riches et les pauvres pose un problème particulier puisqu'il n'existe pas , à notre connaissance, de données sur la consommation de boissons alcoolisées par quintile de revenu au Québec pour l 'année 1986. C o m m e on l 'a mentionné auparavant, VEnquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada ne contient pas de données sur les boissons alcoolisées. De plus, les données sur la consommation apparente de bière, de vin et de spiritueux ne peuvent pas s'appliquer à des sous -groupes de la population. La plupart des études(21> 22- 23) indiquent q u e les riches consomment plus de boissons alcoolisées que les pauvres, en particulier dans le cas des vins, mais aucune de ces études ne précise les quantités consommées. Par conséquent, les apports totaux en énergie présentés au tableau 1.20 s 'en trouvent légèrement sous-estimés, t and i s que la part des lipides dans l 'apport énergétique est surestimée. Ces e f f e t s sont probablement plus importants dans le quintile supérieur de revenu que dans le quintile inférieur.

    _ Autre limite à mentionner concernant les données de la présente section : quelques aliments peu consommés n'ont pu être inclus d a n s les calculs, les quantités étant trop faibles pour être fiables pour les d e u x quintiles de revenu comparés. Par conséquent, les apports en mac ro -nutriments exprimés en valeurs absolues présentés au tableau 1 20 s ' e n trouvent légèrement sous-estimés.

    _ Le tableau 1.20 présente les apports moyens estimés en mac ro -nutriments pour les personnes vivant dans une famille se situant dans le quintile infeneur de revenu et celles vivant dans une famille se s i tuant dans le quintile supérieur de revenu.

    Un portrait de la situation québécoise en matière d'alimentation-santé 30

    TABLEAU 1.20 Apports moyens en macronutriments par jour et par personne, quintiles inférieur et supérieur de revenu, Québec, 1986

    MACRONUTRIMENTS QUINTILE INFÉRIEUR QUINTILE SUPÉRIEUR

    Énergie (kcal) 2 178,3 (100%) 2 369,4 (100 %) Protéines (g) 83,8 (15,4%) 97,5 (16,4 %) Glucides (g) 253,7 (46,6 %) 280,0 (47,3 %) Lipides (g) 95,6 (39,5 %) 100,1 (38,0%) Graisses saturées (g) 33,0 (13,6%) 36,6 (13,9 %) Graisses polyinsaturées (g) 23,7 (9,8%) 22,3 (8,5%) Cholestérol (mg) 333,0 341,9 Chofestérol (1 000 kcal) 152,8 144,3 Fibres (g) 12,0 12,5 Fibres (1 000 kcal) 5,5 5,3

    NOTE : Estimations effectuées à partir des données de STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada, Québec, 1986, données non publiées.

    À la lecture du tableau 1.20, on constate d'abord chez les deux g roupes comparés les mêmes tendances que celles observées dans la populat ion québécoise en général en 1986 (voir section 1). Les princi-p a u x problèmes qu 'on retrouve ici sont, d 'une part, la consommation excess ive de lipides et de graisses saturées et, d'autre part, une sous-consommat ion relative de glucides. Précisons que ces constats n 'au-ra ien t pas changé même si on avait inclus dans ce bilan la consommation de boissons alcoolisées. Tout au plus, les apports quotidiens en énergie aura ient été un peu plus élevés et la proportion de l'énergie provenant des lipides s 'en serait trouvée légèrement abaissée, tandis que la part des g luc ides aurait été un peu plus élevée, en particulier chez les personnes se si tuant dans le quintile supérieur de revenu. Chez ce dernier groupe, il e s t probable que la part relative des lipides et celle des glucides se sera ient situées autour de 35 % et de 50 % respectivement si on avait app l iqué les données de consommation apparente de boissons alcooli-s é e s .

    On note par ailleurs que, de façon constante, les apports en macro-nut r iments sont plus élevés chez les riches que chez les pauvres. Lorsque expr imés en pourcentage de l 'apport énergétique total, les apports rela-tifs en macronutriments présentent de légères différences entre les riches et l e s pauvres. Ainsi, on remarque que la part des glucides et celle des l ip ides se situent respectivement à 47,3 % et à 38 % de l 'apport énergé-t ique total chez les riches, tandis qu'elles se situent à 46,6 % et à 39,5 % chez les pauvres. Ces données suggèrent donc, à première vue, une répartition

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    des macronutriments un peu plus favorable à une bonne santé chez les riches que chez les pauvres. Cependant, les écarts observés entre les deux groupes étant relativement faibles et l 'erreur de mesure inconnue, il n 'est pas possible de déterminer s'ils sont réels ou non. De plus, on note que la part relative des graisses saturées est à peu près égale dans les deux quintiles de revenu comparés et que la contribution des acides gras polyinsaturés à l'apport en énergie est plus élevée chez les pauvres que chez les riches. Quoi qu'il en soit, il est probable que les différences notées au tableau 1.20, même si elles sont réelles, ne sont pas suffisantes pour influer significativement sur l 'état de santé ou la prévention de certaines maladies chroniques, particulièrement si on considère que les apports en graisses saturées, qui représentent l 'élément le plus lié aux maladies chroniques, ne montrent pas de différences appréciables entre les deux groupes comparés.

    Le tableau 1.21 donne un aperçu des aliments qui constituent les principales sources des différents macronutriments chez les deux groupes étudiés. Bien qu'ils n'apparaissent pas nécessairement dans le même ordre, on constate que pour chacun des macronutriments identi-fiés, les principales sources sont sensiblement les mêmes chez les riches et les pauvres. En fait, on voit ressortir les aliments les plus populaires déjà identifiés à la section précédente (voir section 2.1).

    3 LES APPORTS EN MACRONUTRIMENTS DES QUÉBÉCOIS VIVANT EN MILIEU URBAIN : COMPARAISON DE LA SITUATION DE 1974 AVEC CELLE DE 1986

    Avant 1982, Y Enquête sur les dépenses alimentaires des familles au Canada ne comportait pas d'échantillons provinciaux ; elle portait uniquement sur un ensemble de grandes villes canadiennes, dont Québec et Montréal. Afin de voir si les Québécois ont modifié leur alimentation au cours des 10 ou 15 dernières années, nous avons regroupé les données de 1974 des villes de Québec et de Montr