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FRANCE La relance laissée en plan La fin du juge d’instruction vue par Éric Halphen N°514 • samedi 17 janvier 2009 • 1,5€ I NTERNATIONAL Conflit Israëlo-Palestinien : interview de Stéphane Hessel PORTRAIT André Lachard HÔPITAL : ÉTAT CRITIQUE

hebdo des socialistes numero 514

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hebdo 514 http://www.ps-soisy.fr/

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FRANCE ■ La relance laissée en plan ■ La fin du juge d’instruction vue par Éric Halphen

N°514 • samedi 17 janvier 2009 • 1,5€

■ INTERNATIONAL ■ Conflit Israëlo-Palestinien : interview de Stéphane Hessel ■PORTRAIT ■ André Lachard

HÔPITAL : ÉTAT CRITIQUE

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L’HEBDO DES SOCIALISTES ■ 17 JANVIER 2009

L’hebdo des socialistes•10, rue de Solférino 75333 Paris Cedex 07 • Tél. : 01 45 56 78 61•Fax: 01 45 56 76 83(Pour obtenir vos correspondants, composez d’abord le 01 45 56 ou écrire à : [email protected]) DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Maurice Braud

• DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Benoît Hamon • RÉDACTRICE EN CHEF: Ariane Gil (78.61) • RÉDACTION: Bruno Tranchant (77.33). Damien Ranger (76.37), Ariane Vincent(76.20), Fanny Costes (76.32). • SECRÉTAIRE DE RÉDACTION: Élisabeth Philippe (76.27) • MAQUETTE: Pascale Lecomte (79.44) et Joëlle Moreau (77.16)

• PHOTO : Philippe Grangeaud (76.00) • SECRÉTARIAT: Odile Fée (78.61) • COMPTABILITÉ : Michèle Boucher (79.04) • ABONNEMENT : Sabine Sebah (78-57)• FLASHAGE ET IMPRESSION : PGE (94) Saint-Mandé • ROUTAGE: Inter Routage - 93300 Aubervilliers. N° commission paritaire : 0109 P 11 223) • ISSN :

12786772 “L’hebdo des socialistes” est édité par Solfé Communications. Ce numéro a été tiré à 243 137 exemplaires.

Les rendez-vous ■ DU PARTI

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Dimanche 1er février 20099 h 30 à 17 hGrande salle de la Mutualité24, rue Saint-Victor 75005 Paris

Rassemblementnational

des secrétairesde section

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■ ÉDITO

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« J’aimerais que vous compreniez que la France vousaime », a déclaré le président de la République lors deses vœux aux personnels de santé. On pourrait sou-rire de cet insupportable cynisme si la situationn’était pas aussi grave. Loin des mots compassion-nels, la vérité est là : la droite a depuis 6 ans fragilisél’hôpital public, à coups de déficits budgétairesorchestrés, de contraintes savamment transvaséesdu privé vers le public, de carte hospitalière masquéeet de non reconnaissance de ses personnels.Elle entend aujourd’hui soumettre l’hôpital à unelogique d’entreprise, en développant une culture dela rentabilité là où le service public assure l’essentiel :la prise en charge de l’humain et la vie.La santé, comme l’environnement, ont souvent étéconsidérés comme des sujets plus consensuels qued’autres. Nous devons impérativement re-politisercette question. Parce que la droite et la gauche ontbien deux visions différentes de la santé et, a fortiori,de l’hôpital public. Pour nous, socialistes, l’égalitéd’accès aux soins pour tous est notre première exi-gence, quand la droite crée les franchises et autresdéremboursements. Pour nous, socialistes, le servicepublic hospitalier doit rester au cœur de notre sys-tème de santé, quand la droite veut l’aligner sur lescliniques privées sans lui en donner les moyens, pourmieux le saborder.C’est pourquoi, nous exigeons le retrait du projet deloi Bachelot qui, loin de résoudre les difficultés, lesaggrave, dans un contexte de légitime inquiétudedes personnels.Et nous serons aux côtés de ceux qui se mobiliserontle 29 janvier pour défendre l’hôpital et tous les ser-vices publics, en même temps que les salariés duprivé, face à l’impuissance gouvernementale devantla crise. Pour sauvegarder l’hôpital, les socialistesseront là !

Actualités FranceLa relance laissée en plan p.6La fin du juge d’instruction vue par Éric Halphen p.8InternationalConflit israëlo-palestinien :interview de Stéphane Hessel p.10DossierL’hôpital public en danger p.12TerritoiresLes réponses socialistes au comité Balladur p.26PortraitAndré Lachard p.36

■ sommaire

Mireille Le Corre,secrétaire nationaleà la santé et àla sécurité sociale

L’hôpital public,une bataille pour la gauche

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Actualités ■ FRANCE

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Découpage électoralCamouflet pourle gouvernement

Le Conseil constitutionnel faitreculer le gouvernement qui

voulait, dans sa réforme dudécoupage électoral, conserverdeuxdéputéspourchaquedépar-tement, quelle que soit leurpopulation.«Leredécoupagedoitse faire en tenant compte desévolutions démographiquesentre les territoires. Il n’est paspossible d’avoir un député pourmoins de 50000 habitantsquand d’autres représentent plusde 180 000 habitants », estime lePS,qui se félicite de la décision duConseil constitutionnel. On réaf-firme ainsi un principe fonda-mental de notre Constitution quiest « celui de l’égalité devant lesuffrage universel ».

ImmigrationLe bilan trèscontroverséd'Hortefeux

Le tristement célèbreministrede l'Immigration et de

l'Identité nationale, BriceHortefeux, rejoindra bientôt leministère du Travail pour rem-placer Xavier Bertrand. Mais le13 janvier, il a d'abord présentéson bilan : en 2008, 29 796 per-sonnes ont été expulsées du ter-ritoire français, soit bien plusque les 26 000 fixés par lePrésident. Quel zèle ! Les asso-ciations attendent de son rem-plaçant plus d'humanité, de dia-logue et d'équilibre.

ÉducationSarkozy instaure unclimat de défiance

Lors de ses vœux aux person-nels éducatifs, à Saint-Lô

(Manche), le 12 janvier, le chefde l’État n’a pas convaincu.«Une mission de concertationpour la réforme du lycée,conduite par Richard Descoings(directeur de Sciences-Po), estune tentative de diversion quimasquemal la volonté de pour-

suivre l’entreprise de déstabili-sation de l’école publique. Il estun peu tard pour annoncer desconcertations alors que toutesles réformes ont été annon-cées ! », dénoncent les socia-listes. Quant à la création d’unHaut commissaire à la jeunesse,c’est « une mascarade indé-cente». La droite n’ayant contri-bué qu’à affaiblir les actionspour la jeunesse, en supprimantpar exemple 25% du finance-ment des associations d’éduca-tion populaire.

TransportLes personneshandicapéespénalisées

Les personnes porteuses dehandicap ont appris que le

remboursement de leurs defrais de transports entre leurdomicile et un centre de soinsétait désormais plafonné. Undécret signé en 2007 parNicolas Sarkozy ainsi queXavier Bertrand et Jean-François Copé a mis fin à laprise en charge à 100% par l’as-surance maladie quand il yavait prescription médicale.Ces dépenses sont aujourd'huiintégrées dans le dispositif dela prestation de compensationdu handicap (PCH). Et plafon-nées à 12 000 euros sur unepériode de cinq ans (soit200 euros par mois, bien endeçà des besoins réels des per-sonnes handicapées). Le PSappelle au retrait d’un décretgénérateur d’injustice sociale.

Page réalisée par Fanny Costes

70% des Français jugent inefficaces les mesures prisespar le gouvernement contre le chômage, selon un sondageréalisé pour le quotidien Libération. Les autres mesuresannoncées par Nicolas Sarkozy pour faire face à la crise ne satisfont pasdavantage. 72% des sondés jugent qu’elles ne permettront pas deréduire les prix à la consommation et 68 % qu’elles n’empêcheront pasles délocalisations.

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EN IMAGE ■ Actualités

Fidèles au posteLe 10 janvier, les socialistes ont répondu présents à l'appel du Comité nationalcontre la privatisation de La Poste. Partout en France, responsables et militantsse sont rendus devant les bureaux de poste pour dénoncer, aux côtés des syndi-cats, le projet de Nicolas Sarkozy. Parmi eux, Martine Aubry, accompagnée dusecrétaire national aux services publics, Razzy Hammadi, à Lille, ou encore leporte-parole du PS, Benoît Hamon, à Paris. Tous se sont mobilisés pour fairesigner la pétition contre la privatisation de l'entreprise publique(http://www.appelpourlaposte.fr/). Le texte rappelle les dangers d’une tellemesure : « L'abandon du service public de La Poste est une erreur économique,une erreur industrielle et une erreur sociale. Nous ne pouvons accepter cela,nous ne pouvons laisser faire cela. »

L’imaGe De La semaine

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Actualités ■ FRANCE

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Pour être pertinent et effi-cace, un plan de relancedoit réunirquatrecaracté-

ristiques : il doit être global,massif, d’effet immédiat etéquilibré entre relance de lademande – c’est-à-dire soutienau pouvoir d’achat – et soutienà l’investissement, expliqueDidier Migaud, président socia-liste de la commission desfinances de l’Assemblée natio-nale. «Et il est fortementpermisde douter que celui que vous[ndlr : le gouvernement] propo-sez réunisse ces quatre caracté-ristiques.» Un jugement sansappel prononcé par le députésocialiste, à la tribune del’Assemblée, le 7 janvier dernier.Revue de détail. Ce plan est-ilglobal et massif ? Les 26 mil-liards annoncés par le gouver-nement seront-ils suffisantspour renverser le cercle vicieuxdans lequel l’économie natio-nale est empêtrée depuis bien-tôt un an?Quand le FMI encou-rage les pays industrialisés àinjecter de 2% à 3%de leur PIB,la France nemobilise qu’à peine0,3 % de son PIB. Car une foissoustraites lesdépensesmisesàla charge des entreprises

publiques (RATP, SNCF, laPoste…), les dépenses qui neseront véritablement engagéesqu’en 2010 (prêt à taux zéro),oules simples anticipations de ver-sements, leplanderelance fran-çais plafonne tout juste àmoinsde 9milliards d’euros. Unegoutte d’eau comparée aux 50milliards engagés par le gouver-nement allemand,ou aux plansjaponais et chinois. Quant auplan américain élaboré parBarack Obama, il dépasse lesmillemilliards de dollars !

Doses homéopathiquesSi ce plan n’est pas global etmassif, est-il au moins d’effetimmédiat? Sur ce point encore,le compte n’y est pas. En sous-traitant une partie de son mai-gre plan de relance aux entre-prises publiques, le gouverne-ment n’est pasmaître du calen-drier de sapropreaction.Et il y afort à parier que les entreprisesconcernées n’aient pas lesmarges de manœuvres finan-cières, ni techniques d’ailleurs,pour jouer le rôle que leur aassigné le gouvernement dansle temps imparti. DidierMigaud rappelait d’ailleurs les

propos d’un des responsablesde Réseau Ferré de France (RFF)qui déclarait, il y a quelquessemaines, que «pour RFF, le faitd’accélérerunchantiern’est pasune question d’argent ». Sepose avant tout la question dela faisabilité.Qu’en est-il alors de l’équilibreentre relance du pouvoir d’achatet soutien à l’investissement?«Sur les prétendus 26milliardsd'euros du plan de relance, unmilliard est affecté à ce quidevrait en être le second volet, àsavoir la consommation, lademandeet le pouvoir d'achat»,notait Henri Emmanuelli dansl’hémicycle lors du débat. La

Sept discours. Nicolas Sarkozy a prononcé pas moinsde sept discours sur la crise, depuis le 25 septembredernier. Beaucoup de mots pour rien ? Alors quel’Assemblée nationale étudiait, il y a quelques jours,le plan de relance du gouvernement, force est deconstater que la logorrhée présidentielle ne parvientpas à masquer un déficit d’actes concrets. Retour surun plan qui n’a de relance que le nom.

La relance laissée en plan

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balance pèse donc lourdementd’uncôté.Audétriment dupou-voir d’achat. Ainsi, la liste desmesures proposées à destina-tiondesménagespour relancerle pouvoir d’achat est vite dres-sée : une prime de solidaritéactive, qui sera versée en avril,unedotationau titrede l’accom-pagnement des demandeursd’emploi, une aide à l’améliora-tion de l’indemnisation du chô-mage partiel, et la fameuseprime à la casse… Des doseshoméopathiques comparées aurecours à la chirurgie lourdepour voler au secours desbanques il y a quelques mois.«Le pouvoir d’achat du salairemédian dans ce pays n’a prati-quement pas augmenté depuis2003.Imaginezdanscecontexte

la stupeur et l’étonnement denos concitoyens qui, chaquejour,entendentdesannoncesausujet de centaines de milliardsd’eurosallouésauxacteurs de lasociété financière», a rappeléHenri Emmanuelli au gouver-nement.

Lubie socialiste ?Michel Sapin en est mêmearrivé à se demander «si cen’est pas une lubie socialiste,communiste, ou tout simple-ment de gauche,que de prôner,dans le cadre d’un plan derelance, une aide à la consom-mation?», devant le peu de casque fait la majorité à proposdes aides au pouvoir d’achatdes ménages. «Non, comme lemontre Olivier Blanchard, éco-

nomiste du FMI, qui n’est pasconnu pour des travaux ultra-gauchistes», a-t-il précisé dansla foulée.Au-delàduchoix idéo-logique libéral, privilégiant lesoutien de l’investissement àcelui de la consommation, legouvernement se trouve piedset poings liés par un déficitimportant et une dette abys-sale creusée de façon exponen-tielle depuis plus de six ans. Les15 milliards du paquet fiscal,présenté comme élément desoutien au pouvoir d’achat parleministre de la relance, PatrickDevedjian – les plus précairesapprécieront – viennent unefoisdeplusamputer lesmargesde manœuvres du gouverne-ment. Ces 15 milliards d’euros,soit plus de la moitié du mon-tant du plan de relance déclarépar le gouvernement, pour-raient venir équilibrer labalance entre l’investissementet la relance de la consomma-tion. Doublement de la primepour l’emploi, exonérations fis-cales pour les entreprises accor-dant de véritables augmenta-tions de salaires, abaissementde la TVA sur les produits depremière nécessité, autant demesures déjà mises en œuvresdans les pays voisins, qui per-mettraient une réelle politiquede relance.

Damien Ranger

Witt

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Didier Migaud, député socialiste etprésident de la Commission desfinances à l’Assemblée nationale,lors de son intervention sur le plande relance, le 7 janvier.

Sur les prétendus26 milliards d’eurosdu plan de relance1 milliard seulementest affecté au pouvoir

d’achat.”“

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Actualités ■ FRANCE

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Quel est le sens de l’annoncede Nicolas Sarkozy d’une sup-pression du juge d’instructionqu’il souhaite remplacer parun juge de l’instruction ? Etque cache ce changementsémantique ?Ce n’est pas qu’un simple chan-gement sémantique. Il s’agitd’un bouleversement total dela procédure. Actuellement, lejuge d’instruction, magistratindépendant, mène l’enquêteet le parquet qui dépend, lui,duministère de la justice, repré-sente l’intérêt de la sociétédevant les juridictions pénales.Dernier acteur de la procédure:l’avocat de la défense.En supprimant le juge d’ins-truction, l’enquête sera entiè-

rement dirigée par le parquetet donc par le pouvoir en place.C’est une mainmise totale dupouvoir exécutif sur le pouvoirjudiciaire. Les conséquencessur les affaires politico-finan-cières notamment sont évi-dentes. Le parquet n’ira pasenquêter sur une affaire quipeut gêner le pouvoir en place.

Nicolas Sarkozy prétend, lui,qu’une telle réforme garantiradavantage les droits de ladéfense…C’est une escroquerie pure etsimple. Ce projet est aucontraire très dangereux pourles droits de la défense. Lejuge d’instruction joue unrôle d’arbitre et instruit àcharge et à décharge. Il peutmême remplacer la défensequand celle-ci est défaillante.Si le juge d’instruction dispa-raît, il ne restera plus qu’unparquet surpuissant et rienen face, surtout si la personnemise en cause n’a pas lesmoyens de se payer un avocatchevronné.De la même manière, NicolasSarkozy estime que la mise enexamen est une atteinte à la

présomption d’innocence.Maisce qu’il comptemettre en placeest aussi une atteinte considé-rable à ce principe. Il souhaiteque ce soit désormais un tribu-nal collégial en audiencepublique qui décide de la miseen examen. Cela ne fera querenforcer la suspicion à l’égardde la personne concernée.

Il y a pourtant des dysfonction-nements dans le système judi-ciaire. L’affaire d’Outreau l’amontré. Comment y remédier ?Certes, il y a des dysfonction-nements dans l’instructionmais supprimer le juge d’ins-truction n’est sûrement pasla bonne réponse. La commis-sion Outreau a ainsi proposéune collégialité de trois jugespour remédier à la solituded’un magistrat et aux dérivespossibles. La collégialité a étévotée par le Parlement et là,Sarkozy annule tout. En réa-lité, il veut procéder à unerefonte totale des procé-dures, ce qui est très inquié-tant pour l’indépendance dela justice.

Propos recueillis parElisabeth Philippe

Nicolas Sarkozy a confirmé le 7 janvier, son intention de supprimer le juged’instruction à l’occasion d’un discours prononcé lors de l’audiencesolennelle de rentrée de la Cour de cassation. Aujourd’hui vice-présidentdu tribunal de Paris, Éric Halphen, le juge d’instruction qui a notamment

enquêté sur l’affaire des HLM de Paris, pointe les dangers qu’une telle mesure faitpeser sur l’indépendance de la justice et l’égalité des citoyens face à cette institution.

« Une mainmise totale del’exécutif sur le pouvoir judiciaire»

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INTERNATIONAL ■ Brèves

SidaUn Malien à la têted’ONUSIDA

M ichel Sidibé, Malien de56ans, a été nommé à la

tête du programme commundes Nations Unies contre leVIH-sida (ONUSIDA) pour suc-céder à Peter Piot. Le choix deBan Ki-Moon, secrétaire géné-ral des Nations Unies, com-porte une valeur symboliqueévidente, comme le confirmeMichel Sidibé lui-même :« 26millions de personnes sontinfectées par le VIH en Afriqueet plus de 4 millions d’entreelles auraient besoin de traite-ment et n’y ont pas accès. » Etl’homme a déjà prouvé sescompétences dans les ins-tances de l’ONU, à l’Unicefnotamment pour laquelle il aagi au Zaïre, au Swaziland et auBurundi. Pays dans lesquels il aété directement confronté auxravages du Sida.

Cambodge30 ans aprèsles Khmers

C ’était le 7 janvier 1979. Lerégime Khmer rouge dirigé

d’une main de fer par Pol Potétait destitué au Cambodge.Près de 2 millions d’habitantsont trouvé la mort en raison dela famine et des violences, ce enquatre ans seulement. Trenteans après, le pays a du mal à seremettre de ce régime de la ter-reur. 35% de la population vit endessous du seuil de pauvreté etle Cambodge dépend très large-ment de l’aide internationale.

GabonArrestations passéessous silence

La police judiciaire gabonaisea procédé, le 31 décembre

dernier, à l’arrestation de cinqmembres d’ONG. Pourtant legouvernement français n’a fait

aucune déclaration. Un silencequi étonne et inquiète le Partisocialiste. Qui rappelle au pas-sage son soutien à l’initiative«Publiez ce que vous payez» ,qui vise à accroître la transpa-rence de la gestion des revenuspétroliers. Le coordonnateur decette initiative au Gabon, MarcOna Essangui, fait partie descinqmilitants arrêtés.« Le PS,quiavait eu l’occasion de le recevoirl’année dernière, demande salibération immédiate ainsi quecelle des quatre autres militantsassociatifs détenus. »

EnvironnementLe désherbantRoundup toxiquepour les humains

Dans une étude publiée par larevue Chemical Research in

Toxicology, le chercheur françaisGilles-Éric Séralini, estime que ledésherbant Roundup est dange-reux pour la santé, même à trèsfaible dose. Ce n’est pas la pre-mière fois que des scientifiquesmettent en cause ce pesticideproduit par la firmeMonsanto etle plus vendu aumonde.Mais ceproduit continue d’être acceptépar les agences sanitaires.Pourtant le constat de Gilles-EricSéralini fait froid dans le dos :«Nousavons travaillé sur des cel-lules de nouveaux-nés avec desdoses de produits 100000 foisinférieures à celles avec les-quelles le jardinier lambda est encontact. Les Roundup program-ment la mort des cellules enquelques heures. »

Page réalisée par Fanny Costes

La famine s’accroît dans le monde à cause de lacrise financière et économique. Selon le dernierrapport annuel de la FAO (Organisation des Nationsunies pour l'alimentation et l'agriculture), les personnes sous-ali-mentées seraient aujourd'hui 963 millions, contre 923 millions à la finde 2007.

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Actualités ■ INTERNATIONAL

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Quel est votre sentiment sur l’is-sue de l’offensive israélienne àGaza ?À l’évidence, ce sera unecontre-performance pourIsraël. Obtenir la fin desroquettes du Hamas sur le sudd’Israël me paraît être unebien maigre satisfaction :Gazarestera forcément aux mainsdu Hamas. En revanche, l’opé-ration a un effet grave pourIsraël et plus généralementpour la situation des juifs danslemonde. Israël s’est livré à des

actes et à des actions qui sontimpardonnables.

Cette offensive prendra fin tôtou tard. Mais après avoir subiou provoqué près de 1000morts, peut-on encore separler?Oui, on peut toujours se parler.Une haine n’est jamais défini-tive. Nous avons vu des casdans le monde de réconcilia-tionsaprèsdesmassacres.Maispolitiquement, il n’y a pas d’is-sue possible par un simple

contact entre Israéliens etPalestiniens. Il est indispensa-ble qu’une intervention viennede la communauté internatio-nale et surtout des États-Unis.

Barack Obama constitue-t-il,selon vous, un espoir pour lapaix ? Et à quelles conditions?Barack Obama et les États-Unisen général constituent le seulvrai espoir de paix. Parce qu’ilssont les seuls à avoir vis-à-visd’Israël une très forte capacitéde pression. En effet, Israël tireune grande partie de ses res-sources en armement, et pluslargement, elle bénéficie d’ungrand soutien financier desÉtats-Unis. Il sera difficile pourIsraël de résister à la volontédes Américains.

L’Union européenne n’a-t-ellepas tout de même un rôle àjouer ?À l’instar de Jean-Pierre Dubois,le président de la ligue desdroits de l’homme, je dirais quesi l’Union européenne étaitplus courageuse, elle rappelle-rait à Israël que le respect desdroits de l’homme fait partiedes conditions de nos relations

Pour Stéphane Hessel, diplomate et ancien résistant français, rédacteurde la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, l’offensiveisraélienne à Gaza risque de produire « des effets graves pour Israël etplus généralement pour la situation des juifs dans le monde ». Ce qui neveut pas dire que le processus de paix ne peut pas reprendre. Il ne pourraêtre initié que par la communauté internationale.

« Une interventioninternationale

de

En France, le conflit israélo-palestinien attise aujourd'hui les sensibilités.Mais cette actualité tragique ne doit pas laisser place à des actes odieux,

comme ceux commis à Toulouse, à Saint-Denis où à Villiers-le-Bel. « La réac-tion des autorités politiques françaises qui s'en remettent aux instances reli-gieuses pour prévenir la violence n'est ni admissible sur le terrain de la laïciténi de nature à prévenir les dangers qu'elles invoquent », analyse t-on dans uncommuniqué collectif, signé entre autres par le Parti socialiste, la LDH et laLigue de l'enseignement. Par ailleurs, les organisations signataires s’inquiè-tent de l'organisation de manifestations communautaires de soutien à l'un oul'autre acteur du conflit qui risquent de renforcer les tensions et de provoquerdes assimilations dangereuses pour les individus. « Sans alarmismemais avecvigilance, les organisations soussignées, attachées au respect de l'égaleliberté de chacun, refusent toute mise en scène d'un prétendu « conflit descivilisations » et rappellent qu'aucun individu ne peut être étiqueté, stigmatiséou agressé en raison de ses origines ou de sa foi ».

Refuser une instrumentalisation communautaire

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commerciales. Et constatant lenon-respect des droits del’homme,elle pourraitmenacerd’interrompre ces relationscommerciales. Cela aurait uneffet dissuasif très fort surIsraël qui a besoin du marchéeuropéen.Donc, s’il est vrai quece sont les États-Unis qui sontles premiers à pouvoir exercerune pression efficace sur Israël,l’Union européenne n’est pasinnocente, elle n’a pas encoreutilisé jusqu’ici, la pressionqu’elle pourrait avoir sur Israël.

L'importation du conflit enFrance vous paraît-elle inévi-table ?Jusqu’ici, que ce soient lesmanifestants pro-palestiniensou les manifestants en faveurd’Israël, tous ont pris grandsoin de faire le distinguo entrece que l’on reproche à un payset ce que l’on pourrait repro-cher à une population – auxjuifs en général ou aux arabesen général. Il s’agit d’un conflitPalestine-Israël et non pas d’unconflit islam-judaïsme. Maisl’image de manifestations deplus en plus turbulentes, vio-lentes, exaspérées par lesdégâts faits à Gaza pourraitfaire pencher les foules arabes,les foules musulmanes ou sim-plement les foules anti-Israëlvers une mise en question passeulement d’Israël mais desjuifs en général. Donc, la tenta-

tion de l’antisémitisme existeet doit être vigoureusementcombattue. Ce qu’il faut à toutprix éviter,ce sont des hostilitéscommunautaristes entre juifset musulmans.

Comment dans un contexte sifragile, les démocraties mo-dernes chez qui le conflit s'estexporté, doivent s’adresser àleurs populations ?Le discours doit être, en Franceen premier lieu, celui de la laï-cité. Nous sommes un payslaïque et nous devons protéger

notre laïcité. Tous les Françaissont frères, qu’ils soient juifs,musulmans, chrétiens ouathées. Ce langage est essen-tiel, il faut le tenir. En France,perdure cette vieille idée d’unerépublique laïque. Dans lesautres pays, il doit se fonder surle fait que la religion estquelque chose qui doit existerdans le privé et pas dans lepublic et que la coexistencepacifique des religions fait par-tie de la Déclaration universelledes Droits de l’Homme.

Propos recueillis par Ariane Gil

ne

de la communautéest indispensable »

Mardi 13 janvier, le bureau national du PS a invité les collecti-vités locales socialistes à venir en aide à la population de Gazaen contribuant au financement d'initiatives humanitaires defaçon coordonnée. Le PS a également décidé de l’organisationprochaine d’un grand meeting pour la paix.

L’opération «Plombdurci» engagée parIsraël contre le Hamas,dans la Bande deGaza, a débutéle 27 décembre.

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Dossier � HÔPITAL PUBLIC EN DANGER

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 17 JANVIER 2009

L’hôpital public et ses personnels ont été, cesdernières semaines, au coeur d’une drama-tique actualité. Au-delà, se pose, et cela nedate pas des vacances de Noël, la questionrécurrente des conditions d’existence del’hôpital public. Comment, et à quelles fins,la droite organise, depuis 2002 et plus parti-

culièrement aujourd’hui à travers le projetde loi « Hôpital, santé, patients et terri-toires » le démantèlement de ce servicepublic de santé ?Le sous-financement de l’hôpital est l’objetde ce dossier de l’hebdo, qui développe aussiles propositions du PS.

Urgence !

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Sommaire

Le diagnostic de Patrick Pelloux, médecin urgentiste p.14 à 17Soigner, une mission de plus en plus difficile. Des hospitalier témoignent p.18La France des déserts sanitaires : le cas de Lourdes p.20L’égalité dans l’accès aux soins menacée. Une interview de Jacques Cotta, documentariste engagé p.22Les propositions socialistes pour sauver l’hôpital public p.24

!

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Dossier � HÔPITAL PUBLIC EN DANGER

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 17 JANVIER 2009

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« Ladroite tue le servicepublic à l’hôpital »

Lors de ses vœux aux personnels de santé, le 9 janvier, à Strasbourg, le chef de l’Etat arépété que les problèmes de l’hôpital ne tenaient pas auxmoyensmais à unemau-vaise organisation. Pourtant, en période hivernale notamment, lemanque de lits estflagrant et les personnels hospitaliers, en sous-effectif, ont dumal à faire face. PourPatrick Pelloux,médecin urgentiste et président de l’Amuf (association desmédecins

urgentistes de France), la droite privatise et détruit la notion d’hôpital public.

Quel est l’état des hôpitaux de Franceaujourd’hui ?On peut être positif et considérer queles hôpitaux cherchent à avoir unaccueil social le plus abouti possible, enmettant en place des Samu sociaux parexemple.Mais le constat général est catastro-phique. Le déficit de l’hôpital publicdépasse le milliard d’euros. Pourtantles divers plans mis en œuvre depuis2002 visaient la fin des déficits. Ils’agissait notamment des fameusesrecettes du professeur ministre Mattei.Tout ça est un échec. La notion d’hôpi-tal-entreprise a, par ailleurs, casséconsidérablement le rythme de déci-sion collégiale et de démocratie socialedans les hôpitaux, non seulement avecla tarification à l’activité mais aussiavec la naissance de pôles hospitalierset la nouvelle gouvernance. Et surtout

une pléthore d’administratifs et detechnostructures sont mises en placesans qu’on en voit l’utilité. Un départe-ment d’étude de veille sur les urgencesa ainsi été créé à la direction généralede la santé, il y a deux ans. Il ne sertstrictement à rien. Il ne verrait mêmepas une épidémie de choléra ! MartineAubry et Bernard Kouchner avaientcréé l’institut national de veille sani-taire. Il faut le faire vivre, lui donner desprérogatives, lui permettre d’avoirautorité sur les hôpitaux pour exigerde laisser des lits ouverts lorsqu’il y aune épidémie de grippe. C’est ça lamodernité.

Comment expliquer le manque deplaces dans les hôpitaux, en partie àl’origine de la récente série de drames ?Ce n’est pas la première fois que çaarrive malheureusement. D’abordbeaucoup d’hôpitaux ont des contratsde retour à l’équilibre avec des restric-tions de budget telles qu’ils doivent sepasser de personnel soignant. Pour lapremière fois de l’histoire de l’hôpital,le plan Bachelot prévoit le licenciementde 20 000 personnes dans les établis-sements publics de santé. Au CHU deNantes, du Havre ou de Nancy, des

« Le planBachelotprévoit lelicenciement de20000personnesdans lesétablissementspublics de santé »

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bureaux de reclassement ont étéouverts. Alors qu’on constate unmanque de personnel, on lui demandede s’en aller. Cet hiver, c’est la canicule àl’envers. La pénurie qui existe pour leslits est absolument délirante.

Les personnels accumulent donc lesheures supplémentaires…Oui, et non payées. Car, n’en déplaise auPrésident, le plan d’application quidevait être mis en œuvre dans le cadrede l’instauration des 35h pour payer lesheures supplémentaires a tout simple-ment été abandonné. Après, c’est facilede mettre sur le dos des 35 heures tousles problèmes de l’hôpital. Le progrèssocial n’est pas l’ennemi de l’organisa-tion et de la modernisation des hôpi-taux. Il faut simplement donner lesmoyens au progrès social. Le pouvoiractuel peut bien avoir un discoursdégoulinant de compassion en disantque les infirmières sont formidables et

les médecins très beaux. Mais à côté deça, il ne paye pas ce qu’il leur doit. Lamodernité serait de reconnaître letemps de travail en heures des person-nels de l’hôpital et de le payer. À l’heureactuelle, l’État ne l’entend pas de cetteoreille. Je connais un ambulancier quicumule plus de 1000 heures supplé-mentaires non payées. Et quand ildemande à être rémunéré, on luirépond qu’il n’y a pas de budget. Il adonc proposé de prendre tous ses joursen repos. On lui a rétorqué que c’étaitimpossible étant donné le manque depersonnel.

Sarkozy estime qu’il ne s’agit pas d’unmanque de moyens mais d’un pro-blème d’organisation et d’efficacité…C’est un écran de fumée.Tout le mondepeut être d’accord avec ce discours.Mais l’application ? Zéro. Rien. On afermé 100 000 lits d’hospitalisation aucours des dix dernières années. Le bud-

Médecinurgentiste etprésident del’Associationdes médecinsurgentistes deFrance, PatrickPelloux s’estfait connaîtrelors de la cani-cule de 2003.Il se distinguesurtout parson implica-tion dans ladéfense del’hôpitalpublic. Il estégalementvice-présidentde laConfédérationdes Praticiensdes Hôpitaux,une des orga-nisationsintersyndi-cales regrou-pant les prati-ciens hospita-liers de toutesles disciplinesmédicales etpharmaceu-tiques. Seschroniquesdans CharlieHebdo sontparues enrecueil sous letitre Histoired’urgencesaux éditionsdu ChercheMidi (2007).

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get des hôpitaux s’écroule. On a desplans de licenciement. Jamais, aucontraire, on a autant réorganisé. Enregroupant des structures. En fermantdes maternités et des services de psy-chiatrie. Est-ce que ça a amélioré leschoses ? Non. Au final, le système hos-pitalier est totalement désorganisé. Auclassement européen EHCI des hôpi-taux, nous arrivons en dixième posi-tion. En 2007, nous occupions la pre-mière place.La dégradation est indéniable. Le per-sonnel hospitalier, les médecins en pre-mière ligne, passent aujourd’hui leurtemps au téléphone à trouver desplaces pour les malades au lieu de lessoigner. C’est intolérable. On nous parlede performance économique. Mais la

rentabilité appliquée à l’hôpital estcontradictoire avec l’idée même de ser-vice public de la santé. On ne calculepas nos actes, on soigne des êtreshumains !

Pourtant, le Président a précisé que23 milliards d’euros supplémentairesavaient été accordés à l’hôpital entre1998 et 2008…Ce n’est pas aussi simple. Le déficit s’estcreusé entre 1998 et 2008 notammentà cause de l’augmentation du nombrede personnes âgées en France. Entreces dates, il y a également eu la cani-cule. Et les différents plans de « moder-nisation » mis en place ont eu un coût.Notamment le plan hôpital 2006-2007 qui a instauré la notion d’hôpitalentreprise. De soi-disant réinvestisse-ments pour construire de nouveauxbâtiments étaient prévus. Mais le fonc-tionnement en auto-financement desétablissements hospitaliers les aendettés. Ainsi pour occuper ces nou-veaux bâtiments, les hôpitaux et l’Étatdevront les louer à des prix prohibitifsaux gros consortiums de bâtimentpublic. C’est ridicule.

La loi HPST au scalpel

Le projet de loi rebaptisé « portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé etaux territoires » (HSPT) devrait être examiné en février au Parlement. Il comprend 33 articles

et comporte quatre volets : « modernisation des établissements de santé », « l’accès de tous àdes soins de qualité », « prévention et santé publique » et « l’organisation territoriale du sys-tème de santé » avec la création des Agences régionales de santé (ARS). Pour le PS, il présentele risque majeur de dérive vers un hôpital « entreprise ». On y trouve notamment la redéfinitiondes missions de service public hospitalier avec la participation indifférenciée des cliniques pri-vées ; ou encore une gouvernance de l’hôpital calquée sur le modèle de l’entreprise (directeur,directoire, conseil de surveillance) et ce sans démocratie sociale, sanitaire et locale (place desélus, des professionnels et syndicats remise en cause). Sur la santé publique, le texte de loi esttrès limité. Le chapitre III se contente de restreindre l’accès à l’alcool pour les mineurs. Plusrien sur la santé des femmes, alors que l’avant-projet de loi prévoyait un accès élargi à la pré-vention médicalisée et à la contraception facilitant notamment la prescription de contraceptifs.

« La rentabilitéappliquéeàl’hôpital estcontradictoireavec l’idéemêmedeservice publicde la santé »

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Un nouveau projet de loi baptiséHôpital Santé Patients Territoires(HSPT) sera discuté le mois prochain auParlement. Il est censé réorganiser lesétablissements hospitaliers et les adap-ter aux exigences du XXIe siècle. Qu’enpensez-vous ?Ce projet de loi ne servira à rien. Il estempreint du même néo-libéralismeque défendait Margaret Thatcher dansles années 1980 : en réalité, on veut pri-vatiser le plus possible l’hôpital, donnerun maximum d’avantages aux grandesmultinationales de la santé. C’est enle-ver la démocratie en supprimant lesconseils d’administration dont lesmaires occupaient la présidence. C’estmettre fin à toute notion de proximité.Ce plan n’est ni pour l’hôpital ni pourles patients. Il va démanteler les terri-toires.Mettre en œuvre un directoire en rem-plaçant les maires à la présidence desconseils d’administration par des diri-geants formés dans le privé ne va rienaméliorer. Certains maires étaient desincapables, d’autres étaient bons.Comme il y a des ministres de la santéincapables et d’autres qui entrepren-nent de vrais changements.L’Etat fait preuve d’une certaine perver-sion car il passe son temps à dire qu’ilveut renforcer le service public en utili-sant des termes comme « efficacité ».Le plan de communication est excel-lent. Mais dans les faits, il tue le servicepublic à l’hôpital.

Quelles sont alors les mesures à mettreen œuvre pour améliorer l’offre et laqualité de soins pour tous à l’hôpital ?Reprendre l’idée d’une taxe Tobin sur legrand capital et les mouvements bour-siers en l’appliquant aux profits réali-sés par les grandes industries pharma-ceutiques. C’est la sécurité sociale quifait leur richesse. C’est elle qui donne

de l’argent aux grands groupes desmaisons de retraite, comme Korian. Ilss’enrichissent et envoient ensuite leursdividendes aux actionnaires, via lesfonds de pension. Ce serait un moyend’accroître le financement de l’hôpitalpublic. Une mesure de justice socialeen somme.De plus, à l’origine, dans les statuts dela sécurité sociale, on ne pouvait pasfaire du profit sur la maladie des êtreshumains. Il y avait une modernité quel’on n’a plus. Le discours du Présidentn’évoque pas du tout ces questions.Quant à une meilleure organisation,personne n’en demande moins. Maisencore faut-il que les suppressions depostes ne viennent pas empêcher noshôpitaux de prendre en charge lespatients.

Propos recueillis par Fanny Costes

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Qu’est-ce que la T2A ?

La tarification à l’activité, dite T2A, est devenue, au 1er jan-vier 2008, le mode de financement unique des établisse-

ments publics de santé (EPS). À l’origine, son instauration visaitnon seulement à mettre en place un cadre unique de factura-tion et de paiement des activités hospitalières des établisse-ments publics et privés, mais aussi à assurer une meilleurerépartition des ressources. Avec ce système, les hôpitauxpublics ne perçoivent plus une dotation globale de fonctionne-ment (DG), versée annuellement. La DG était en effet calculéesur la base de l’exercice annuel précédent. Aujourd’hui, ce sontles recettes issues des activités hospitalières réalisées danschaque établissement qui déterminent les dépenses et non l’in-verse. La distribution des ressources se fait donc en fonction dela nature et du volume des activités. Cette réforme du finance-ment de l’hôpital public a provoqué plusieurs critiques. Car ellepousse à une forme de productivité des actes médicaux et peutconduire à renoncer aux actes non rentables. La contradictiondu système a été soulevée par les praticiens : l’hôpital publicdevrait fournir plus de qualité des soins, plus d’offre de soins etplus de sécurité mais avec plus de contraintes budgétaires.

F.C

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« Dans mon hôpital, au service psychiatrie, il y aseulement quatre médecins pour quatorzepostes à occuper normalement. Car la psychia-trie est un secteur d’activité où il est beaucoupplus intéressant d’être dans le privé que dans lepublic. C’est le même phénomène chez les radio-logues. Dans le public, c’est devenu un personnelrarissime. Ensuite pour les patients, ça signifieun temps d’attente considérable ou un coûtélevé.Aux urgences, nous avons le personnel suffi-sant.Cet hiver, mais comme chaque année, il y aen effet eu plus de patients. Mais de plus en plusde personnes âgées se rendent aux urgences.Seulement, comme les places en médecinemanquent furieusement, elles restent dans lescouloirs.Nous n’arrivons plus à nous concentrer surl’exercice de notre profession. L’essentiel du tra-vail du médecin est normalement d’établir undiagnostic, une relation avec son patient et de

lui proposer un traitement. Aujourd’hui, l’essen-tiel de notre temps est pris par la recherche delits.Je travaille dans un centre hospitalier organisésur trois sites. Nous sommes déjà le produitd’une fusion opérée il y a une dizaine d’années.Deux maternités ont été fermées. Et le projet encours est de tout regrouper sur un bloc. Audépart, la fusion devait améliorer la situation etdonner à chacun une responsabilité précise. Enréalité, la fusion aboutit à des coupes claires. Etles temps d’acheminement pour les maladessont beaucoup plus importants. Pour ma part,j’ai pris l’habitude d’accoucher les mères chezelles ou dans l’ambulance. »

Desmots sur lesmauxdes perL’hôpital,malade incurable ? La presse s’est beaucoup penchée sur les erreursmédicales,moins sur lemalaise des personnels hospitaliers. Pourtant, eux aussisouffrent. Leurs maux : un financement inadapté,des surcharges de travailet les fermetures de lits.Témoignages.Frédéric Pain, médecin urgentiste,Centre hospitalier Nord Deux-Sèvres (79)« L’essentiel de notre tempsest pris par la recherchede lits »

Michel Lacher, secrétaire général adjoint dela CGT des HUS (Hôpitaux Universitaires deStrasbourg), employé administratif des HUS«Nous sommesconstammenten sous-effectifs »

« On est dans une situa-tion d’impasse budgé-taire depuis la réformehospitalière de 2004. Latarification à l’activitételle qu’elle est conçue yest pour beaucoup. Deplus, nous n’avons plusle droit, en tant qu’« en-treprise », de reporter

un déficit d’une année sur l’autre.Nous devons pré-senter des comptes à l’équilibre, sinon on estcondamné à faire un plan de retour à l’équilibre. Cequi nous est arrivé en 2008.On nous demande donc de privilégier les activitésplus rentables au détriment d’actes moins bien

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Amina Yamgnane, gynécologueobstétricienne à la maternitédu CHU de Necker (Paris)« L’État souhaite se déchargerdes soins les plus onéreux »

« Je travaille dans un centre hospitalier universi-taire (CHU). La décision de permettre aux hôpi-taux d’être financés à 100% par la tarification àl’activité ne nous permet pas d’avoir un budgetsuffisant pour fonctionner normalement. Leproblème, c’est que l’État a calculé le coûtmoyen d’une prise en charge par maladie. Parexemple, on dit qu’un accouchement sera fac-turé X euros. Mais sur l’ensemble des patients,

certains sortent de la moyenne par le bas car ilssont soignés ou guérissent plus vite que ce quel’on croit, et inversement. On sait bien que lesservices qui concentrent les cas les plus lourdsne parviendront pas à un budget équilibré.Ainsi,un chef de service normalement pensant se dit :« il faut que j’augmente mon activité sur de lapathologie dont la prise en charge est inférieureà la moyenne calculée par l’État. Je vais doncfaire des choses simples car en proportion, ça vame faire gagner de l’argent. »Dans notre maternité, on fait donc de plus enplus d’accouchements simples avec des arrivéesà terme sans complication, tout en conservantnos pathologies très lourdes car personne d’au-tre ne peut s’en occuper. Dans un centre hospita-lier universitaire,nous n’avons normalement pasvocation à traiter des patients plus légers quipeuvent être parfaitement soignés dans d’au-tres hôpitaux.On se retrouve donc avec une surcharge de tra-vail importante. Et le citoyen est doublementperdant : l’acte coûte plus cher au contribuabledans un CHU, et la qualité des soins est moinsbonne qu’auparavant. En réalité, l’Etat souhaitese décharger des soins de santé les plus lourds etdonc les plus onéreux, en vidangeant les hôpi-taux universitaires. »

des personnels hospitaliers

rémunérés afin de maintenir les comptes. Maisnous sommes en déficit comme tous les CHRU deFrance, excepté un. Je ne dis pas qu’il faut automa-tiquement revenir à la dotation globale, mais lesystème de tarification à l’activité actuel estincompatible avec l’idée de service public de lasanté. Elle devait régler les problèmes de déficitmais c’est un échec. Le Président nous dit que la rai-son de ces déficits tient à une mauvaise utilisationdes moyens et à une mauvaise organisation. Celasignifierait donc que tous les directeurs et direc-trices d’hôpitaux sont des incapables !

En réalité, nous sommes constamment en sous-effectifs. On est obligé de faire des gains de pro-ductivité pour réduire le coût de fonctionnementde l’établissement. Le nouvel hôpital civil deStrasbourg, que Nicolas Sarkozy a inauguré le 9janvier, a été construit dans ce but. Le ratio de per-sonnel par rapport au nombre de lits est en baisseconstante. Et maintenant c’est tellement serréqu’on ferme des lits. Sinon on ne peut plus assurer.Il ne faut donc pas s’étonner de ce qui a pu se pas-ser ces dernières semaines. »

Propos recueillis par Fanny Costes

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La ville de Lourdes, dans lesHautes-Pyrénées, risque de seretrouver bientôt privée d’hôpital.Pourtant, en plus des 15 000 habi-tants de la commune, l’hôpital deLourdes gère les patients des val-lées avoisinantes, soit au total plusde 50 000 personnes. Insuffisantau regard des nouvelles disposi-tions gouvernementales.Un nou-veau désert médical à venir.

Lors de ses vœux, en janvier 2007,Jean-Pierre Artiganave, le maire UMPde Lourdes avait annoncé la ferme-

ture prochaine de la maternité de sa com-mune. La première étape d’une série defermetures qui se succèdent depuis 2 ans.Le personnel hospitalier et la populationse mobilisent pour sauver l’établissement.Avec ténacité. Présidente du comité desoutien au centre hospitalier de Lourdes,Catherine Pierrard explique le sens de cecombat : « Nous nous battons depuisdeux ans pour que l’on arrête de nousmentir sur les raisons des fermetures deservices, et dans notre combat, noussommes de plus en plus nombreux. »Cette sage-femme qui exerce depuis 17ans à Lourdes en a assez des « faux pré-

textes » qui ont conduit à l’annonce de lafermeture de son service.Motif officiel : lemanque de pédiatres. Pourtant, plusieurspédiatres ont présenté leur candidature.Ils ont été fortement découragés par l’ad-ministration du site.« Le vrai problème estévidemment budgétaire, s’insurge la pré-sidente du comité. Nous allons passer en2009 à 100% de la tarification à l’acte.Nous entrons donc dans une logique derentabilité et dans ce cadre, les conditionssont claires :pour qu’un hôpital soit « ren-table », il doit couvrir une population de80 000 personnes. Or, nous n’en comp-tons « que » 50 000. »

Moins de lits

Il fut d’abord question de centralisertoutes les activités à l’hôpital de la préfec-ture, Tarbes, à 20 kilomètres de Lourdes.Pour Catherine Pierrard, cette opérationaurait un coût social et médical lourd :« Selon mes calculs, plus de 7 000 per-sonnes seraient, avec ce déménagement,à plus de trois quarts d’heure d’un hôpital,d’un service d’urgence et de réanimation.En omettant les embouteillages ou lesaléas climatiques, la neige étant monnaiecourante, l’hiver, dans la région. Sans

ÀLourdes, pas demiracle pour l’hôpital

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compter les 5 millions de personnes quiviennent chaque année visiter la ville etsa grotte et qui ne se trouvent pas tou-jours dans les meilleures conditionsmédicales. » La deuxième solution envi-sagée, « plus acceptable » selonCatherine Pierrard, consiste à regrouperles deux hôpitaux, celui de Lourdes etcelui de Tarbes, pour bâtir un complexe,situé entre les deux villes. Une issue pasencore officiellement validée et qui com-porte un risque : une diminution consi-dérable du nombre de lits. « Si c’est pourqu’un plus un égale un et demi, ce n’estpas la peine », résume la sage-femme.

« Ruminologie »

Pour l’heure, le combat continue donc.Élus, médecins et usagers mobilisent àcoups de tracts et de pétitions. « Avantde comprendre qu’il devait, d’unemanière ou d’une autre, soutenir sonhôpital, le maire nous accusait de « rumi-nologie » à propos de nos actions de sen-sibilisation », s’agace Catherine Pierrard,précisant que l’élu n’a que très tardive-ment accepté l’existence du collectif desoutien. Pour Alain Garrot, chef de filedes socialistes au conseil municipal,« l’égalité territoriale est aujourd’huiremise en cause en toute impunité ».Comme un peu partout en France.

Ariane Vincent

l

Président de la coordination nationale des comités dedéfense des hôpitaux et maternités de proximité,Michel Anthony est plus mobilisé que jamais. Et pourcause : la loi Bachelot prévoit une désertificationaccélérée des lieux de soins dans les zones à faible etmoyenne densité de population.

Quelle est la vocation de votre organisation ?Nous nous battons au quotidien contre le recul du servicepublic de la santé pour tous, et ce, par le biais de l’aménage-ment du territoire. Notre association est fédérale et compteplus de 230 comités à travers le pays. Si certains ont plus de25 ans d’existence, la coordination de l’ensemble de ces comi-tés date de 2004. Ce qui fait l’originalité de notre organisation,c’est sûrement que nous avons réussi à fédérer les profession-nels de santé, mais aussi les usagers - je suis moi-même pro-fesseur de collège à la retraite - et les élus. Mais surtout àcause de l’irresponsabilité d’un pouvoir (présidence, ministèreet agences régionales de l’hospitalisation) qui continue à vou-loir gérer l’hôpital comme une entreprise, avec l’obsession dela maîtrise budgétaire, continuant pour cela à supprimer despostes et à fermer les services.

Vous vous opposez aujourd’hui frontalement à la loiBachelot…Comment le gouvernement ose-t-il encore nous faire croireque c’est pour notre bien, dans l’intérêt de notre santé quecette réforme est menée ? La désertification sanitaire s’accé-lère et les services que l’État devrait maintenir et perfection-ner, au nom de l’intérêt général, se raréfient.

Quelles conséquences peut-on redouter ?Partout se multiplient des transferts et transports coûteux, stu-pides écologiquement, insuffisamment sûrs, et causes depertes de temps qui peuvent avoir de graves effets sur le planmédical. Partout, les plus démunis et les plus fragiles d’entrenous consultent moins ou ne consultent plus. Partout, les hôpi-taux et « maternités-usines » qui se constituent du fait de cesregroupements autoritaires, connaissent des difficultés deprise en charge, des files d’attente, des retards dramatiques etparfois terribles pour les personnes concernées. Les person-nels sont sous pression, subissent stress et chantages. Ilssont, de plus en plus, en nombre insuffisant par rapport à desbesoins croissants. Nous devons tous ensemble dire non àcette réforme et faire porter notre voix contre l’augmentationdes disparités territoriales. A.V.

D.R.

« La désertification sanitaire s’accélère »

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Dans votre documentaire, vous vous attachez àmontrer toutes les inégalités dans l’accès auxsoins. Comment se manifestent-elles au niveaude l’hôpital ?Elles se concrétisent de plusieurs manières.D’abord sur un plan territorial. Les sites hospita-liers ferment les uns après les autres, des ser-vices seulement ou carrément des hôpitaux deproximité. Ces fermetures s’inscrivent dans l’at-taque généralisée que mène la droite contre lesservices publics. Avec les écoles, les tribunaux etles hôpitaux qui disparaissent, des régionsentières sont condamnées à devenir de vraisdéserts. Mais cette casse est évidemment à met-tre en relation avec la paupérisation de la popu-lation. Ces suppressions d’hôpitaux de proximitén’aident évidemment pas à accéder à des soinsde plus en plus privatisés.

Qu’entendez-vous par « des soins de plus en plusprivatisés » ?Je prends l’exemple de la ville de Saintes(Charente-Maritime), même si elle est loin d’êtreseule dans ce cas. La division entre les soins four-nis par l’hôpital public et ceux prodigués par les

cliniques privées y est quasi-mécanique. Lesactes plus rentables du type opération devarices, prothèses de hanches ou autres hospita-lisations de courte durée sont attribués au privé.Au public d’assumer seul, les hospitalisations delongue durée : cancer, diabète… Seulement,quand les spécialistes de l’hôpital public sontsollicités pour des problèmes aussi aigus, ils pra-tiquent des dépassements d’honoraires. Il y adonc toute une population qui se trouve excluede ces soins. Je pense notamment à ces millionsde travailleurs pauvres qui touchent moins de722 euros par mois ou encore aux 12 millions depersonnes qui vivent avec moins de 843 eurosmensuels.

Privatiser revient donc à accroître les inégalités…Oui et en cela Sarkozy ne fait qu’amplifier lespolitiques menées par les gouvernements pré-cédents qui tous, depuis 1982, se sont soumisaux exigences européennes. Or l’Europe consi-dère la santé comme une marchandise. EnFrance, le principe de la sécurité sociale selonlequel les personnes sont soignées en fonctionde leurs besoins et non de leurs moyens est entrain de s’écrouler. Il est menacé par des pra-tiques qui visent la rentabilité. Ainsi, profitant dela fermeture des hôpitaux publics, de plus enplus de fonds de pension investissent dans descliniques privées. Mais que deviendront ces éta-blissements le jour où il sera plus intéressantd’investir dans les ascenseurs ? C’est la catas-trophe sanitaire assurée.

Propos recueillis par Elisabeth Philippe(1) Dans le secret de… « L’accès aux soins en danger », dif-fusé le 15 janvier sur France 2. Jacques Cotta est aussil’auteur Riches et presque décomplexés et 7 millions detravailleurs pauvres, deux ouvrages aux éditions Fayard.

«C’estlacatastrophesanitaireassurée»Documentaristeengagé,JacquesCotta (1) vient de réaliserundocumentaire surles inégalitésd’accèsaux soins,récemment diffusé sur France2. Ilmet en causeles franchisesmédicales,lesdéremboursementset plusglobalement,laprivatisationenmarchedusystèmedesantéquimenaceparticulièrement l’hôpital.Et la santédespopulations lesplusdéfavorisées.

AFP

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»

Alors que la France se dirige vers unecentralisation à outrance de son systèmede santé,d’autres pays en Europe commel’Angleterre ou l’Espagne ont faitd’autres choix. Celui de la régionalisationpar exemple. Les résultats obtenusdevraient faire réfléchir.

Souvent cité en contre-exemple, le système desanté britannique a connu une évolutionconstante depuis sa création en 1948. Après unedérive concurrentielle (sous Thatcher et Major),le NHS (National Health Service) est revenu àdes pratiques plus saines sous Tony Blair. Le ter-ritoire a d’abord été quadrillé en 300 centres desoins (médecine de ville), desservant une popu-lation moyenne de 100 000 personnes. La gra-tuité des soins réaffirmée, il restait à réduire lesdélais d’attente, à l’hôpital et aux urgences. Leproblème venait en premier lieu des plageshoraires restreintes d’ouverture des cabinetsmédicaux. Les médecins de ville ont donc étécontraints d’augmenter leurs plages horairespour que le patient puisse les consulter plutôtque de filer directement aux urgences.Seulement, comme en France, nombreux sontceux qui contournent quand même le système.Résultat, les effets de cette première mesure sesont peu fait sentir. Pour réduire l’engorgementdes urgences, l’Angleterre a donc rationalisé sonsystème de triage.Tous les cas de « bobologie »sont envoyés dans des « maisons médicales »qui se trouvent juste à côté des services des

urgences et qui dispensent des consultations degénéraliste à des horaires de nuit. Cet ensemblede réformes a permis de réduire de manière nonnégligeable les délais d’attente.Le cas espagnol est également digne d’intérêtet de réflexion. Le système est basé sur ungrand principe de solidarité réaffirmé par legouvernement Zapatero. Le pays obéit à unelogique de décentralisation jusque dans lasanté. Madrid alloue les budgets aux 17 commu-nautés autonomes du pays selon des indica-teurs démographiques. Charge à elles d’utiliserl’argent. Le système d’information développépar les régions est exemplaire. Il a d’ailleurs ins-piré le système anglais. Si certaines inégalitésse font sentir, c’est en faveur d’une meilleureprotection : il arrive ainsi que des autonomiesplus riches abondent la dotation de l’État. Lefinancement des hôpitaux appartient égale-ment aux communautés autonomes, qui ren-trent parfois dans des logiques de partenariatpublic/privé (notamment à Madrid aux mainsdu Parti populaire/droite). Le Pacto de la Sanidad(le pacte pour la santé), feuille de route du PSOE,a toutefois réaffirmé son intention de garantirl’équité entre les citoyens, par la mise en com-mun des initiatives régionales au sein des sixcomités de discussion. Le dernier baromètresanitaire publié fin 2007 a montré que 7 espa-gnols sur 10 étaient satisfaits de leur systèmede santé publique. Comme quoi, solidarité peutrimer avec efficacité.

Stéphanie Platat

Cespays qui soignent leurs hôpitaux

AFP

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Dossier � HÔPITAL PUBLIC EN DANGER

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Alors que les professionnels de santé, les patients et lesélus ont été ignorés lors de l’élaboration de la loi HPST,le PS propose une concertation avec tous les acteursconcernés par l’avenir de l’hôpital. Le Parti socialistesuggère également une série de solutions concrètes etvolontaristes pour remédier à la crise de l’hôpital.

� Le Parti socialiste refuse le plan social engagé par le gouvernement etses déclinaisons sur les territoires qui risquent de se traduire par la sup-pression de 20 000 postes. Nous exigeons le retrait du projet de loi etune concertation réelle avec les professionnels pour tirer les consé-quences de la situation de crise actuelle vécue très difficilement par lespersonnels et plus globalement par la population.

� Le Parti socialiste prendra l’initiative d’une concertation avec tous lesacteurs soucieux de l’avenir de notre hôpital public et proposera un plande sauvegarde de l’hôpital, alternatif au projet de loi HPST.

� D’ores et déjà, les pistes suivantes existent et doivent être souli-gnées :

Des marges de financements existent pour la santé (sécurité sociale etassurance maladie) :� Les niches sociales représentent, en 2008, 41 milliards d’euros : unréexamen de leur bien-fondé s’impose. Par ailleurs, les niches fiscalesreprésentent 73 milliards d’euros, soit au total près de 115 milliards d’eu-ros.� La loi TEPA concernant les heures supplémentaires coûte aux financespubliques 5,5 milliards d’euros ; elle détruit en outre des emplois aumoment où le chômage s’accroît et contribue ainsi à la décélération dela masse salariale globale.� La Cour des Comptes a souligné que la non-taxation des stock-optionset des parachutes dorés représente un manque à gagner de 3,5 milliards.� Le dossier de la progressivité des cotisations sociales au traversnotamment de l’éventuelle fusion impôt sur le revenu / CSG doit êtreréouvert.

Propositions : des remèdes de

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Un autre financement de l’hôpital est à rechercher :� Il manque 800 millions d’euros aux hôpitaux publics alors que les res-titutions liées à l’application du bouclier fiscal, qui ne concernent que lesplus fortunés des Français, représentent plus de 500 millions d’euros. Ilfaut envisager un plan d’apurement de la dette des hôpitaux publics.� Il convient par ailleurs de concevoir un mode de financement plusintelligent des hôpitaux, afin de revenir sur les effets pervers de la tarifi-cation à l’activité et des critères conduisant à une recherche systéma-tique de rentabilité.Il faut conforter le rôle de l’hôpital public avec une organisation adaptéeaux besoins, et non pas dictée par la pénurie supposée et organisée desmoyens.En réponse tant au contenu du projet de loi qu’aux problèmes mis enexergue par les événements dramatiques, le Parti socialiste propose de :� Renforcer la démocratie sanitaire et sociale (élus, professionnels, asso-ciations de patients)� Respecter les droits des malades, notamment en termes d’information� Maintenir et améliorer le maillage territorial : nous devons refuser dedéshabiller l’hôpital public sous prétexte - souvent plus supposéqu’avéré - de sécurité sanitaire, et organiser la coopération plutôt que laconcurrence entre établissements� Reconnaître et valoriser le travail des professionnels (autre mode derémunération des praticiens hospitaliers, tenant compte de la pénibilité etdes conditions de travail ; reconnaissance du travail des infirmières encommençant par l’équivalence légitime de leur diplôme à bac+3, prise encompte de la situation des médecins étrangers actuellement sous-payés…)� Mettre en place une vraie politique de formation continue, sanslaquelle les erreurs peuvent se multiplier� Maintenir le réseau des SAMU et SMUR au plus près des patients, enrefusant l’idée implicite de la ministre sur une régionalisation des SAMU.� Rechercher des solutions relatives à l’organisation globale des soins età travers une meilleure coopération avec la médecine de ville.

Ce plan de sauvegarde poursuivra les objectifs de l’égal accès aux soinspour tous et de la préservation de l’hôpital public au cœur de l’excel-lence du système de santé.Il s’inscrira aussi pleinement dans nos réflexions sur un vrai plan derelance dans son volet relatif aux services publics.

des de gauchepour l’hôpital

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Territoires � DÉCOUPAGES

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Tous les élus se sentent poten-tiellement menacés par laréforme de l'organisation terri-toriale. À tort ou à raison ?Les craintes des élus sont d'au-tant plus légitimes qu'on voitbien quelles sont les véritablesintentions de Nicolas Sarkozy. Ilentend d'abord restreindre lespérimètresde l'actionpublique,partout où c'est possible : État,régions, départements et com-munes. Il poursuit, ensuite, desvisées électoralistes enmettanttout en œuvre pour éviter, àl'occasion du scrutin de 2010,une réplique du scénario de2004 qui a valu à la gauche deconquérir 21 régions sur 22, enmétropole.

La volonté politique affichéepar le président ne masque-t-elle pas une absence deréflexion sur le rôle de l'État ?Nous voulons un État stratègeet non un État tatillon, quiassume ses missions réga-liennes, finance les grandespriorités nationales. Avec ladroite, ceci n'est plus faitcomme lemontre l'état des pri-sons et des hôpitaux, les réduc-tions de crédits et de personneldans l'éducation. Une réformeest indispensable car l'enchevê-trement des compétences nuit

à la démocratie et à la qualitéde l'action locale. Les citoyensne s'y retrouvent en effet plus.Ils ne savent pasqui de l'État,dela région ou du départements'occupe d'emploi, de forma-tion, de logement ou de santé.Les élus se voient contraints defrapper à la porte des guichetspour obtenir des financementsou la réalisation d'équipementscollectifs. Les entreprises y per-dent en compétitivité.Il est doncnécessaire de clarifierles compétences, là où il y aenchevêtrement. Et d'abordentre l'État et les collectivitéslocales. Malgré la décentralisa-tion, de nombreux doublonssubsistent qui génèrent gaspil-lages, confusions, retards etralentissements entre l'État,d'une part, et les départementset régions, d'autre part. Avec,pour principale conséquence,une déperdition de la qualitédes services publics. Quid, dansces conditions, de l'avenir desDirections départementalesd'action sociale (DDAS), dessous-préfectures, des Directionsrégionales de l'industrie de larecherche et de l'environne-ment (DRIRE) ? La réforme del'État est la première priorité.Entre régions et départements,des blocs de compétences exis-

tent de fait : pour les régions, laformation, l'essentiel des trans-ports ; pour les départements,l'action sociale. Il faut les confir-mer.Cesdeuxniveauxdecollec-tivités partagent entre 10 et20 % de compétences dans lesdomainesde la culture,du sportet des loisirs, notamment. Là, ilfaut désigner un chef de file.

Que vous inspire le principed'une fusion entre régions etdépartements que certains élusappellent de leurs vœux ?L'essentiel est de rendre lisiblesles principaux blocs de compé-tences. Il n'est donc pas utile defusionner départements etrégions. Les premiers formentun échelon de proximité parti-culièrement précieux pourmettre en œuvre les politiquesd'action sociale dont ils s'ac-quittent avec succès. Le tempsest venu de conforter leursparts d'autonomie et de res-ponsabilité, en évitant les dou-blons avec les DDAS. Dans lemême temps, l'État doit veillerau renforcement du rôle desrégions, parce qu'elles sont laclé du développement écono-mique, des politiques de trans-ports et de la formation.Le principe de fusion ne réponddonc pas aux vrais problèmes.

À l'heure où la commission Balladur se penche sur de nouveaux découpagesterritoriaux et des rapprochements possibles entre collectivités, ÉlisabethGuigou,députée de Seine-Saint-Denis et secrétaire nationale en chargede la Réforme de l'État et des collectivités territoriales a élaboré,en concerta-tion avec les responsables socialistes concernés,un document de travail quiservira de base à l’expression du PS devant le comité Balladur, le 28 janvier.

« Remédier aux iné g

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Le gouvernement fait diver-sion, avec pour seule ambitionde « ruraliser » le scrutin régio-nal pour augmenter seschances de victoire aux pro-chaines élections.

Quelles pistes de réformes pré-conisez-vous pour remédier àcet enchevêtrement de compé-tences ?Le Parti socialiste poursuit undouble objectif : mener ladécentralisation jusqu'à sonterme et remédier aux inéga-lités territoriales, qui sesituent pour l'essentiel, aucœur même des régions.Nous défendons le principed'un État stratège assumantpleinement ses missionsrégaliennes enmatière de jus-tice, de police et de politiquesinternationales, soumises,depuis plusieurs années, à defortes dégradations. Il lui fautégalement agir sur le front dela recherche, de l'éducation etdu logement, et remplir desfonctions de solidarité natio-nale, en veillant au respectd'une juste péréquation entrecollectivités territoriales.Deuxième priorité : le renfor-cement de l'intercommuna-lité. Les lois du 6 février 1992,sur l'administration territo-riale de la République, et du12 juillet 1999, relative au ren-forcement et à la simplifica-tion de la coopération inter-communale – dite « loiChevènement » –, impulséespar la gauche en ont favorisé

l'émergence, au point que90 % des communes ont inté-gré depuis ces niveaux de col-lectivités. Il faut achever ceprocessus, comme le préconi-sait déjà le rapport Mauroy, en2000. Ces regroupements doi-vent être pertinents, autour debassins de vie et d'emploiincluant les municipalités lesplus pauvres. Ce, en privilé-giant une meilleure réparti-tion de la péréquation et desregroupements de com-munes. Or, je n'ai rien vu de teldans les propositions formu-lées jusqu'ici par la droite.

Quel message entendez-vousprioritairement adresser augouvernement ?

L'État doit impérativementdonner aux collectivités lesmoyens d'assumer les poli-tiques dont elles ont la charge.Et cesser de leur transférer descharges qu'elles ne peuventplus assumer, faute de res-sources suffisantes. Il doitégalement assurer la mise enœuvre d'une véritable péré-quation financière pour corri-ger les inégalités entrerégions et à l'intérieur des ter-ritoires. Il lui appartient enfinde veiller à l'autonomie descollectivités, en menant leprocessus de décentralisationjusqu'à son terme.

Propos recueillis parBruno Tranchant

é galités territoriales »

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Territoires � PLAN DE RELANCE

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Convaincus que le plan derelance concocté par le chefde l’État ne portera pas sesfruits, les élus cherchentde leur côté à activer lacroissance.Gros plan sur leConseil régional deHaute-Normandie qui consacre50millions d’euros à lamiseenœuvre d’un ambitieuxdispositif anti-crise.

«O n ne réformerapas la Francecontre les élus,

mais avec eux, c’est la condi-tion de la réussite ». Depuislongtemps déjà, les exécutifslocaux ont fait leur la résolu-tion finale adoptée à l’unani-mité par le Congrès desmaires, en novembre dernier.Et ils n’ont pas attendu lesignal de l’Élysée pour mettreen œuvre une politique derelance efficace.Exemple en Haute-Norman-die. Accentué par la crise, leralentissement de l’économie

française, observé depuis plusd’un an, se répercute dure-ment sur les entreprises et lessalariés normands. « Cettesituation nous a conduit àmettre en œuvre un pro-gramme d’actions globalvisant à soutenir l’économierégionale, souligne Alain LeVern, président du Conseilrégional de Haute-Normandie.Tous les leviers dont nous dis-posons seront actionnés pouramortir le choc et les consé-quences de la récession pour

laquelle les différents plans dugouvernement semblent au-jourd’hui inopérants. »

Crédits supplémentairesÀ l’heure où l’État ne disposeplus de marges suffisantes, laRégion mobilise 50 millionsd’euros d’autorisations de pro-gramme et 25 millions de cré-dits de paiement dédiés à lamise en œuvre de son disposi-tif d’actions. Tous les secteurssont concernés, à commencerpar l’industrie automobiledurement éprouvée par les dif-ficultés de Renault. « Nousavons accéléré l’ensemble desprojets routiers contractuali-sés avec les départements del’Eure et de Seine-Maritimepour un montant d’1,2 milliardd’euros sur la période 2007-2013 », ajoute Alain Le Vern.Lequel se dit prêt à engager lescrédits programmés au titredu dernier Contrat de Plan, auprofit du rail. « Réseau ferré deFrance (RFF) sera sollicité trèsprochainement pour étudierles chantiers susceptibles

Crise globale, actions locales

Du concret avant toute chose« Devant l’ampleur de la crise, une mise en place d’actions concrètes etrapide semble de mise », estime Christian Bourquin, président du Conseilgénéral des Pyrénées-Orientales. Lequel suggère d’inscrire les projets ini-tiés par les exécutifs locaux dans un délai de quinze jours, avant de lancersous trois mois les appels d’offre correspondants. « Les travaux en ques-tion ne doivent pas excéder une durée de douze mois, poursuit-il. Le gou-vernement financerait ces projets, une partie au lancement des appelsd’offre et l’autre une fois les chantiers achevés dans les délais. Rien quepour le Conseil général des Pyrénées-Orientales, ce ne sont pas moins de40 millions d’euros de projets qui peuvent être menés dans ce laps detemps ». Soit un total de 10 milliards d’euros pour l’ensemble des dépar-tements français investis dans des projets concrets. B.T.

D.R.

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EN BREF � nos élus

es d’être lancés rapidement et debénéficier de crédits régio-naux », poursuit l’élu. Entémoigne l’action menée endirection des entreprises dubâtiment et des travauxpublics.Un comité d’ingénieriedoit être créé afin d’accélérer lemontage des projets et d’avan-cer le calendrier de réalisation,en concertation avec les collec-tivités locales.

Anticipation« Nous sommes prêts à pour-voir aux difficultés de liquiditédu gouvernement en antici-pant sur le financement degrandes infrastructures, dansle cadre du contrat de projetÉtat-Région », renchérit AlainLe Vern, décidé à consolider lescrédits accordés aux PME etfavoriser l’octroi par lesbanques de liquidités visant àfinancer leurs besoins enfonds de roulement. « Nousavons haussé les plafonds dufonds régional de garantie de50 à 70 % pour permettre auxentreprises de poursuivre leursinvestissements, ajoute-t-il. Etaugmenter les plafonds desdispositifs d’accompagnementet de facilité de trésorerie. »La Région s’efforce enfin d’en-courager la formation dessalariés, via un dispositifd’aide spécifique aux entre-prises, tout en soutenant lepouvoir d’achat des ménagesen examinant les conditionsd’une refonte des tarifs régio-naux enmatière de transportsferroviaires (TER). Du concret,loin des vaines promesses pré-sidentielles.

Bruno Tranchant

Leçon d’anticipation enChampagne-Ardenne

Le Conseil régional de Champagne-Ardennen’a pas attendu le plan de relance gouverne-mental pour dynamiser son économie. Le 13mars 2006, l’équipe dirigée par Jean-Paul

Bachy adoptait ainsi un Schéma régional du développe-ment économique et de l’emploi au terme d’un processusengagé dix mois auparavant. « Il ne constitue cependantqu’une étape suivie par la mise en œuvre d’actionsconcrètes qui feront l’objet d’une adaptation permanenteà l’évolution des enjeux économiques et sociaux », pré-cise Jean-Paul Bachy.Quatre principes guident l’action régionale : concerta-tion, cohérence, partenariat et prospective.« Concertation d’abord, car l’ensemble des forces vivesde Champagne-Ardenne a été invité à s’exprimer et s’estlargement mobilisé au cours des réunions consacrées àl’économie sociale et solidaire et au renforcement desliens entre recherche et entreprises, se félicite le chef defile de l’exécutif. Cohérence et partenariat ensuite, carnotre démarche n’aura d’impact que si elle permet declarifier les rôles de chacun et de favoriser leur mise encohérence. Prospective enfin, car notre action communedoit s’inscrire dans la durée pour soutenir le développe-ment économique que nous souhaitons mettre enœuvre. »Lors de l’adoption du budget primitif 2009, à la mi-décembre, Jean-Paul Bachy a décidé d’adresser un cour-

rier au Premier ministre pour luiréclamer une partie des 26 milliardsd’euros du plan de relance. « LaChampagne-Ardenne pourrait pré-tendre à quelques dizaines, voirequelques centaines de millions d’eu-ros », a-t-il estimé. Histoire de bou-cler le Contrat de plan, réalisé à seu-lement 80 %, et de financer l’échan-geur avec l’A34 à Reims et l’électrifi-cation de la ligne SNCF entre Paris etTroyes.

Bruno Tranchant

La preuve par l’exemple

Jean-PaulBachy,présidentdu conseilrégional deChampagne-Ardenne.

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Territoires � EN BREF

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DécentralisationTouche pas à mondépartement !

Au terme d’un séminaire réunis-sant, à la mi-décembre, à Paris,les 102 présidents des conseilsgénéraux sur la réforme de l’or-ganisation territoriale de laRépublique, l’Assemblée desdépartements de France (ADF) aréaffirmé le rôle prééminent deces collectivités en matière depolitiques publiques de proxi-mité et de solidarités sociales etterritoriales. Les participantsont, une nouvelle fois, rejetél’idée d’une fusion avec lesrégions et demandé une pausedans les transferts.

Finances localesLa grande illusion

Commentaire d’André Laignel,secrétaire général de l’As-sociation des maires de France(AMF), à l’issue de la Conférencenationale des exécutifs (CNE) :« Malgré quelques avancéesadministratives, le plan derelance des collectivités est mal-heureusement sans avenir. Il se

résume, dans des conditionscomplexes,à un remboursementanticipé de la TVA sur les inves-tissements. En même temps, lesrecettes fiscales seront en chutelibre : taxe professionnelle (TP),plafonnement de la TP… et lesdotations de l’État ne seront pasaugmentées, voire en recul pourbon nombre de collectivités. »Au final,ce planne sera,pournosterritoires, qu’une « illusion sup-plémentaire », conclut l’inté-ressé.

Législation funéraireLa proposition Sueurenfin adoptée

La proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, sénateur (PS) duLoiret, relative à la législationfunéraire, a été définitivementadoptée après le vote par leSénat, courant décembre, d’uneversion conforme à celle desdéputés. Le texte, qui confère unstatut juridique aux cendres desdéfunts, précise que « le respectdû au corps humain ne cesse pasavec la mort. Les restes des per-sonnes décédées, y compris lescendres de celles dont le corps adonné lieu à crémation, doiventêtre traités avec respect, dignitéet décence ». Il précise, en parti-culier, qu’il est désormais interditde conserver les urnes àdomicile.

Bruno Tranchant

LogementLoi DALO : réponses insuffisantes

À l’heure où le froid s’inten-sifie, l’Association desmaires des grandes villes deFrance (AMGVF) s’alarmedes réponses apportées parle gouvernement en matièrede logement et d’héberge-ment qui « ne sont pas à lamesure des urgences recon-

nues par les élus, associations et professionnels », selon son pré-sident, Michel Destot. Le report de l’examen par l’Assemblée duprojet de loi dit de « modernisation pour le logement et la luttecontre l’exclusion » « laisse penser que ce n’est pas une prio-rité », renchérit le député-maire de Grenoble.La loi DALO (Droit au logement opposable) effective depuis le 1er

décembre, rappelle pourtant « l’urgente nécessité d’une poli-tique ambitieuse et proportionnée aux besoins croissants de nosconcitoyens, notamment les plus fragiles, poursuit l’élu. À défautd’un effort budgétaire massif, le DALO, pourtant nécessaire etutile dans son principe, risque fort de rester difficilement appli-cable, à court terme, dans les grandes villes et intercommunali-tés urbaines, aux marchés de l’habitat déjà tendus ».

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En déplacement à Marseille et à Nice, le 8 jan-vier, Patricia Gérard, secrétaire nationale encharge de la Formation professionnelle, aapporté son soutien aux agents du nouveauPôle Emploi, issu de la fusion de l’ANPE et desAssedic, depuis le 1er janvier. « Tous les syndi-cats étaient présents pourcondamner la destruction duservice public de l’emploi »,note Patricia Gérard. Et rejeterun système à deux vitessesqui instaure des assurancesprivées sur le modèle anglo-saxon. « Ils s’opposent égale-

ment à la mise en œuvre d’un référent unique,poursuit l’élue. Quelques jours de formation nesuffiront pas aux agents pour travailler defront sur l’indemnisation des demandeurs etrésoudre leurs difficultés de reclassement oude formation. »Au total, cette opération devrait se solder parune baisse des effectifs de l’ordre de 25 à 30 %,en raison du non-remplacement des personnespartant à la retraite. Et par la fermeture d’unebonne moitié des lieux d’accueil. « Le principedu maintien de deux métiers différents et d’unsystème d’indemnisation indépendant del’orientation est pour nous essentiel. » �

VIE DU PARTI � secteurs

ANPE-ASSEDIC : une fusion accueillie froidement

Réforme de l’État :revenir aux fondamentaux

Sur le site du think tank Terra Nova(http://www.tnova.fr/), plusieurs experts dres-sent un bilan particulièrement critique desréformes engagées par le gouvernement etposent quelques lignes directrices pour initierun processus inscrit dans la durée, au-delà detout a priori idéologique. Leur souhait : asso-cier tous les acteurs à la prise de décision etpromouvoir un État « présent et efficace ».« On ne réforme pas l’État d’en haut, sansconcertation ni association à la démarche deceux qui sont les acteurs, partout sur le terri-toire », estiment-ils. Avant d’avancer quelquespistes pour prévenir toute « tentation recen-tralisatrice, affichée ou insidieuse ». �

Le tempsde la réconciliation

Le temps pour la gauche et le Parti socialistede se réconcilier avec le monde du travail estvenu. Face à l’imposture présidentielle, lesauteurs appellent nos dirigeants à relever ledéfi du pouvoir d’achat, de la répartition et dela souffrance quotidienne des salariés, au prixd’une analyse approfondie du monde de l’em-

ploi au cours des troisdernières décennies.Passionnant.François Kalfon, TristanKlein, Le temps de laréconciliation. La gaucheau travail. L’encyclopédiedu socialisme, 2008, 126pages, 7,5 e. 12, CitéMalesherbes, 75009 Paris.Tél. 01 45 55 08 60

Le Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) était une nou-velle fois aux côtés des lycéens, le 8 janvier, pour manifestercontre la casse du service public d’éducation. « Quand la jeu-nesse est mise au ban de la société, l’éducation reste sonseul outil d’émancipation et nous continuerons à le défendreface aumépris du gouvernement, estiment ses dirigeants. Etsi M. Darcos n’entend pas, nous ferons plus de bruit ! » �

Le MJS aux côtésdes lycéens

Attention ! Changement de date.

La rencontre organisée par le secteurEntreprises « Les PME face à la crise » auralieu samedi 31 janvier, de 15h à 17h, au 4e

bureau de l’Assemblée nationale.Inscription obligatoire au 01 45 56 78 86 ou à[email protected] Tranchant

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Quelle est la situation deCuba avant la Révolution cas-triste ?Depuis 1898, cette anciennecolonie espagnole a connuplus d’un demi-siècle d’insta-bilité politique et économique.L’indépendance de l’île estimmédiatement confisquéepar les États-Unis. Les entre-prises américaines dominentl’économie cubaine, notam-ment le sucre, le tabac, lesmines et les banques.Cuba est aussi asservie politi-quement par les USA :Washington fonde sa domina-tion sur l’amendement Platt(1901) qui restreint les pou-voirs du gouvernement cubainet autorise les États-Unis àintervenir sur l’île pour

« garantir son indépen-dance ». Cette disposition estsupprimée en 1933, aumoment où les Américainsexercent suffisamment d’in-fluence sur le présidentBatista pour pouvoir s’en pas-ser.

C’est précisément la dictaturede Batista qui déclenche larévolte des Barbudos (1)…Lorsque Batista s’empare dupouvoir au terme du coupd’État du 10 mars 1952, ilexerce une dictature san-glante fondée sur la corrup-tion. La Havane devient unedes capitales de la mafia et dela prostitution, tandis qu’unemajorité de la population s’ap-pauvrit et que le chômage

explose. Batista réprime vio-lemment l’opposition par lebiais de ses polices spéciales.Dans ce contexte, le jeuneFidel Castro prend les armes et150 de ses partisans attaquentla caserne de la Moncada, àSantiago de Cuba, le 26 juillet1953. Les assaillants se fontmassacrer : Castro et son frèreRaul sont arrêtés et le procèsqui suit donne l’occasion àFidel d’exposer publiquementles raisons de son combat.Ainsi, l’échec de la Moncadafait de Castro le premier oppo-sant à Batista.Libéré en 1955, Castro part auMexique, fonde leMouvementdu 26 juillet et rencontreErnesto Guevara. En décembre1956, Castro et 80 guérilleros

Histoire � RÉVOLUTION CUBAINE

Alors que Fidel Castrovient de quitter le pouvoir,Cuba s’apprête à célébrerle cinquantième anniversairede sa Révolution.Retour sur un épisode politiquequi a marqué l’histoire du monde,avec Pierre Singaravélouqui enseigne l’histoirecontemporaineà l’Université de Bordeaux.

Le chef rebelle Fidel Castro assiste à un concert donné par ses partisans, le 13 avril 1958,dans la jungle cubaine. A sa droite, sa secrétaire Celia Sanchez. Photo AFP.

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débarquent au sud-est de l’île.Seule une dizaine d’hommesen réchappent et se réfugientdans la Sierra Maestra. Lestroupes castristes se renfor-cent et réussissent à repous-ser, en mai 1958, les assautsdes soldats de Batista, lâchépar les États-Unis. Guevara etCienfuegos remportent labataille finale à Santa Clara, findécembre 1958, tandis queCastro s’empare de Santiagoet entre triomphalement dansla Havane, le 7 janvier 1959.

Une fois au pouvoir, quelle estla politique de Castro ?Il nationalise immédiatementles grandes entreprises améri-caines, ce qui conduit lesÉtats-Unis à rompre leurs rela-tions diplomatiques et écono-miques avec l’île. Certes, Cubase libère de l’empire des États-Unis, mais le nouveau gouver-nement, dès mai 1960, doit serapprocher de l’URSS qui seméfiait jusque-là de l’aventu-risme des Barbudos : l’île

accroît alors sa dépendancevis-à-vis du bloc soviétique.Alors que la révolution de 1959est avant tout nationaliste etanti-impérialiste, Castro dé-cide en 1961 de se déclarermarxiste-léniniste et fonde leParti communiste cubain,qua-tre ans plus tard. Dès son arri-vée au pouvoir, il lance unevaste réforme agraire, ainsiqu’une grande campagne d’al-phabétisation.En dépit des réels succès obte-nus par le régime en matièrede santé et d’éducation, lapolitique dirigiste de Castro etl’embargo des États-Unis, àpartir de 1960, nuisent audéveloppement de l’économiecubaine. Parallèlement, le chefcharismatique s’enferme dansune logique autoritaire : ilrefuse d’organiser des élec-tions et préfère nouer un liendirect avec la population autravers de ses interminablesdiscours radiodiffusés. C’estl’arrestation arbitraire et latorture d’Huber Matos, enoctobre 1959, qui marquentsymboliquement le tournantvers la dictature : ce héros dela guérilla avait simplementdemandé à Castro de sauver laRévolution de l’emprise com-muniste. Le débarquement dela Baie des Cochons, en avril1961, et l’affaire des missiles,en octobre 1962, ancrent défi-nitivement Cuba dans le campsoviétique.

Propos recueillispar Bruno Tranchant

(1) Barbudos est le nom donné auxcompagnons de Fidel Castro etChe Guevara.

La révolutioncastristeen 10 dates

� 13 août 1926 : Naissancede Fidel Castro à Biran(Cuba), fils d’un riche plan-teur d’origine espagnole.� 10 mars 1952 : Secondcoup d’État de FulgencioBatista.� 26 juillet 1953 : Une cin-quantaine de rebelles atta-quent la caserne de laMoncada, à Santiago deCuba. Fidel Castro est arrêté.Relâché, il s’exile auMexiqueoù il fait la connaissance duChe.� 2 décembre 1956 : Échecdu débarquement duGranma à Cuba. Début de laguérilla.� 7 janvier 1959 : Entréetriomphale de Fidel Castrodans la Havane.� 16 février 1959 : FidelCastro devient Premierministre.� 17 mai 1959 :Mise en placede la réforme agraire.� 17-19 avril 1961 : Échec dudébarquement anticastristede la Baie des Cochons.� 1er mai 1961 : Cuba devientune République socialiste.�16-28 octobre 1962 :L’installation de missilesnucléaires soviétiques pro-voque une grave crise entreles États-Unis et l’Unionsoviétique.

En SaVOIr PLUS

� Pierre Rigoulot, Coucher desoleil sur La Havane : Le Cuba deCastro 1959-2007, Flammarion,2007.� Serge Raffy, Castro l’infidèle,éd. Livre de Poche, 2006.� Sandra Hernández (coord.), LaRévolution cubaine : mémoire,identité, écritures, Centre deRecherche sur les IdentitésNationales et l’Interculturalité(CRINI), Université de Nantes,2007.

À LIRe

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Ubuesqueet kafkaïen

D epuis 30 ans, on assisteà une transformationdes relations humaines

au sein des entreprises et de lafonction publique, par l'usagecroissant d'indicateurs censésmesurer la performance desindividus, ou de certaines poli-tiques. Ces indicateurs sem-blent rassurants : ils ont lasaveurde la science,de l'objecti-vité, et deviennent centrauxdans la stratégie de la carotte etdu bâton. Dans un livre pleind'humour, l'économiste MayaBeauvallet décrit les stratégies

absurdesqui régissent trop sou-vent le fonctionnement desentreprises et des administra-tions. Après Économie de l'em-ploi public, ouvrage dans lequelelle montrait les dangers de la

rémunération au mérite desfonctionnaires, elle poursuitavec talent son œuvre dedéconstruction des méca-nismes pernicieux qui sabotentles fondements de notresociété, où les notions d'intérêtgénéral, de «logique de l'hon-neur», sont remplacées par unefocalisation sur l'intérêt indivi-duel, une mise en compétitiongénéralisée qui casse les dyna-miques de coopération.

Bertrand Monthubert.Maya Beauvallet, Les stratégiesabsurdes, comment faire pire encroyant faire mieux, Seuil, 2009,14euros.

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 17 JANVIER 2009

Culture � À LIRE,À VOIR

LIVRES

L’effet atchoum

V oici une formidablerééditionduPetit Sammyéternuedugrandmaître

de la bande dessinée et de l’ani-mation que fut Winsor McCay,papaplus connudupersonnagede Little Nemo.Delcourt reprend toutes les his-toires parues chaque semainede l'année 1905 dans le NewYork Herald Tribune dans leurformat de publication et leur« jus » d'origine.Les aventures du petit Sammy

sont d’autant plus simplesqu’elles sont totalement répéti-tives. En six cases, l’auteur des-sine invariablement unmoufletqui provoque par ses éternue-ments intempestifs des situa-tions délicates et/ou des catas-trophes physiques.La répétition se voulait vraisem-blablement parodique desséries contemporaines quiusaient jusqu’à la corde les res-sorts de leur succès. Un siècleplus tard, difficile de rire encoreà une forme d’humour totale-mentdésuète.L’intérêt de la lec-ture de ces planches n’est évi-demment pas la musculationzygomatique. Il est d’abord gra-phique. Le dessin est splendideet préfigure – par son sens dumouvement et l’utilisation dedécors fixes au sein desquels les

personnages se déplacent – ledessin animé. L’intérêt estensuite anthropologique car sile cadrage est fixe, la variété dessituations nous plonge au cœurde la petite bourgeoisie new-yorkaise du début du sièclepassé.Les aventures d’Henrietta lagoulue également reproduitesdans cette réédition procure-ront un plaisir comparable aulecteur. Où l’on découvre que lesurpoids des enfants peut résul-ter du stress que leur imposentdes adultes. C’est irrésistible. Cechef-d’œuvre de la BD présentepour la première fois un hérosquigrandit au fil de sonhistoire.Seule l’œuvredeMcCaynevieil-lit pas… T. C.Winsor McCay, Le petit Sammy éter-nue, Delcourt, 46 pages, 49,90euros.

BD

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Où va l’Europe ?

Après le rejet du traitéconstitutionnel et àl’heure où l’Union tra-

verse l’une des crises les plusgraves de son histoire, lesauteurs se livrent à un exerciced’introspection pour dépasserle «oui» et le «non» expriméslors des différents référen-dums nationaux. Mehdi Ouariet André Weill-Castro nousinvitent, en particulier, àdécouvrir les racines profondesdu mal dont souffre le VieuxContinent. Et à créer les condi-tions d’un big bang institution-nel qui créera les conditions deréussite d’un véritable projetpolitique commun.Indispensable pour saisir l’es-sence d’un systèmequi a aboutià la création d’un espace écono-mique intégré et libéralisé danslequel la cohésion sociale et laredistribution n’ont pas été suf-fisamment pris en compte.Particulièrement instructif à laveille des élections euro-péennes. B.T.Mehdi Ouhari, André Weill-Castro, Lafin de l’Europe?, Éditions Complexe,108 pages, 2008, 13 euros.

À LIRE,À VOIR � Culture

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De l’autre côté de la glace

À la frontière entre les États-uniset le Canada, une rivière geléeouvre les voies de la clandesti-

nité. Elle se trouve sur le territoireMohawk,cédé aux Indiens,où la loi estindépendante et s’établit dans unesortede compromisavec les États envi-ronnants. Ceux qui la traversent, avecl’espoir d’une nouvelle vie aux États-Unis – des Chinois, des Pakistanais –effectuent cevoyagedansdes conditionsdantesques,souvent dansle coffre d’une voiture. En proie à des difficultés sociales et finan-cières, deux femmes, l’une Indienne, l’autre Américaine se rencon-trent. Et décident de s’improviser passeuses. Une façon de se fairede l’argent.Ellespensent avant tout à leursenfants.Quitteàoublierles risques encourus : la surveillance policière, la glace qui menacede céder à tout instant... Un film ancré dans le réel, poétique ethumain.Un thriller social maîtrisé. C.C.Frozen River, un film de Courtney Hunt, États-Unis, 1 h 37, date de sortie :7 janvier 2009.

Écrans noirs

U ne centaine de films rares,inédits ou en avant-pre-mière autour du thème

«Black Revolution » seront présen-tés du 4 au 10 février prochains aucinéma l'Écran à Saint-Denis (93).Une sélection riche, des années 20à nos jours, qui se veut le témoinde la richesse de la culture cinéma-tographique afro-américaine. La9ème édition des Journées cinémato-

graphiques dionysiennes résonne d’une actualité particulière,quelques jours après l'accession de Barack Obama à la prési-dence des États-Unis, avec des projections mais aussi des ren-contres, des débats ainsi que des concerts. Un beau festival enperspective qui appelle à s'interroger sur la capacité du 7ème artà être un acteur de notre temps. A. V.Black Revolution,du4 au 10 février.Cinéma L'Écran,place duCaquet 93200 Saint-Denis.Renseignements :01 42 43 99 59 /www.blackrevolution.frSéance à 6 euros/ Forfait 16 euros pour 4 séances + soirée de clôture

Pages réalisées par Chloé Costes, Thomas Colognac, Bertrand Monthubert, Bruno Tranchant et Ariane Vincent.

FILMS ET FESTIVAL

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Portrait ■ ANDRÉ LACHARD

L’HEBDO DES SOCIALISTES ■ 17 JANVIER 2009

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I l a commencépardéfendre lesdroitsdes salariés dans une usine deconstruction de camions à Lyon. Il

avait presque 18 ans. Il s’est ensuiteattaché à porter les idées socialistes auConseil municipal de Valréas. Ilavait une quarantaine d’années.La cinquantaine approchant, ils’est engagé dans le milieu asso-ciatif. C’est ensuite contre la créa-tion d’un site d’enfouissement dedéchetsménagers dans sa régionqu’il s’est battu à 60 ans passés.Aujourd’hui, il lutte avec acharne-ment contre les fermetures d’hô-pitaux. Il a 70 ans. André Lachard a traversé lesannées en combattant. Son moteur : « la foi enl’Homme » et « le fait qu’il faut s’engager dans lasociété car elle ne changera pas toute seule».Il prend sa carte de militant au Parti socialisteen 1973. Après un passage comme employédans une usine automobile où il goûte au syn-dicalisme, il devient professeur de l’enseigne-ment technique à Lyon. « Entre les cours, lesréunions le soir et mon engagement dans lemilieu associatif, je ne pouvais pas être par-tout. Mon militantisme alors ne pouvait seréduire qu’à une participation financière. » Leschoses ne tardent pas à changer. À la fin desannées 1970, André s’installe à Valréas, etdevient viticulteur. « J’étais amoureux »,explique-t-il. Sa femme? Une militante, évi-demment. En mars 1983, il se présente sur laliste de l’Union de la gauche aux élections

municipales. C’est une victoire. AndréLachard devient adjoint à l’animationsocioculturelle. Après 3 mandats desix ans et un mandat de sept ans, ildit stop. À son tableau, il a quand

même épinglé Thierry Mariani,député des tests ADN. En 2003,Mariani, alors maire de Valréas,projette de construire, en pleinterritoire viticole, un vaste com-plexe de retraitement desdéchets. André mène la fronde.Mariani abdique. Dès 2004 etalors qu’il est encore dans lecombat municipal, il s’intéresse

à la sauvegarde de l’hôpital de Valréas, 220 lits,et d’une maison de retraite, Les Capucins,répondant aux besoins de 65000 habitantsrépartis sur 140 communes, entre Drôme etVaucluse. Et pourtant, régulièrement menacésde fermeture. André Lachard est vice-présidentde la Coordination nationale des comités dedéfense des hôpitaux et des maternités deproximité. « En dix ans, on a fermé plus de85000 lits, c’est une politique de petitesse, unsystème qui ne parle que de chiffres et quibafoue les droits de l’homme et de ceux quiviendront après nous. » Il craint la loi Bachelotsur l’hôpital et aimerait que le PS s’en emparepour la combattre. « Il y a urgence ». Le31 décembre 2008, le service de chirurgie deValréas a fermé, la maternité est en CDD, ensursis pour un an, renouvelable une fois.

Stéphanie Platat

Il ne lâche jamais

En dix ans,on a fermé plusde 85 000 lits.Cette politiquebafoue les droits

de l’homme.

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