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INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS Groupement d’Intérêt Public 1 Rue Etienne Gourmelen BP 1705 29107 QUIMPER CEDEX LE POSITIONNEMENT INFIRMIER DANS LES PRISES EN CHARGES A FORTS ENJEUX EMOTIONNELS Mémoire d’initiation à la recherche en soins infirmiers Semestre 6 : UE 3.4, UE 5.6, UE 6.2 Aude KERVAREC Promotion 2013/2016 Formation en Soins Infirmiers Formateur guidant : Mme Isabelle BALLANGER

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INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS Groupement d’Intérêt Public

1 Rue Etienne Gourmelen – BP 1705 29107 QUIMPER CEDEX

LE POSITIONNEMENT INFIRMIER DANS LES PRISES EN CHARGES A FORTS ENJEUX EMOTIONNELS

Mémoire d’initiation à la recherche en soins infirmiers Semestre 6 : UE 3.4, UE 5.6, UE 6.2

Aude KERVAREC Promotion 2013/2016

Formation en Soins Infirmiers

Formateur guidant : Mme Isabelle BALLANGER

INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS Groupement d’Intérêt Public

1 Rue Etienne Gourmelen – BP 1705 29107 QUIMPER CEDEX

LE POSITIONNEMENT INFIRMIER DANS LES PRISES EN CHARGES A FORTS ENJEUX EMOTIONNELS

Mémoire d’initiation à la recherche en soins infirmiers Semestre 6 : UE 3.4, UE 5.6, UE 6.2

Aude KERVAREC Promotion 2013/2016

Formation en Soins Infirmiers

Formateur guidant : Mme Isabelle BALLANGER

Note au lecteur

« Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans l’accord de son auteur. »

Remerciements

Citation d’auteur

« En soins infirmiers, l’expérience habite la tête et la main, mais elle demeure sans valeur si elle n’implique pas aussi le cœur. »1

Margot Phaneuf, inf., Ph.D.

1 Margot Phaneuf. La recherche en soins infirmiers véhicule d’acquisition des connaissances et

moteur d’évolution professionnelle : mission sociale, encadrement et formation. Conférence

prononcée à Reims, juin 2011.

Sommaire

Introduction .................................................................................................................. 1

1. De la situation d’appel à la question de départ ...................................................... 2

1.1 Emergence du questionnement ...................................................................... 2

1.1.1 La situation d’appel ................................................................................. 2

1.1.2 Analyse de la situation d’appel ................................................................ 3

1.2 Formulation de la question de départ ............................................................. 5

1.2.1 Questionnements sur la situation ............................................................ 5

1.2.2 Choix de ma question de départ .............................................................. 5

2. Le cadre conceptuel .............................................................................................. 6

2.1 La relation soignant-soigné ............................................................................ 6

2.1.1 Qu’est-ce que la relation ? ...................................................................... 6

2.1.2 Quelle est la spécificité de la relation soignant-soigné ?.......................... 9

2.1.3 La relation d’aide ....................................................................................12

2.2 L’expérience professionnelle infirmière .........................................................14

2.2.1 De l’identité personnelle à l’identité professionnelle ...............................15

2.2.2 Le positionnement infirmier ....................................................................17

2.3 L’engagement dans une situation à fort enjeux émotionnels .........................18

2.3.1 L’engagement dans la relation d’aide .....................................................18

2.3.2 L’influence du degré de la pathologie dans l’engagement ......................19

2.3.3 Les émotions ..........................................................................................19

Synthèse du cadre conceptuel .................................................................................22

3. Enquête de terrain ................................................................................................23

3.1 Méthodologie de l’enquête ............................................................................23

3.1.1 Choix et construction de l’outil d’enquête ...............................................23

3.1.2 Choix et présentation des professionnelles interviewées........................23

3.1.3 Difficultés rencontrées ............................................................................24

3.1.4 Traitement des données recueillies ........................................................24

4. Analyse du recueil d’informations .........................................................................25

4.1 Mise en perspective des données théoriques et des données du terrain .......25

4.1.1 Présentation des interviewées................................................................25

4.1.2 Présentation de leur situation complexe et émergement des facteurs ....26

4.1.3 Fréquence de ce type de situation .........................................................28

4.1.4 L’engagement selon l’infirmière ..............................................................28

4.1.5 Les émotions dans les relations .............................................................29

4.1.6 L’influence de l’expérience dans une situation complexe .......................30

4.2 Synthèse de l’analyse ...................................................................................32

Conclusion ..................................................................................................................34

Bibliographie ...............................................................................................................35

Sommaire des Annexes ..............................................................................................37

1

Introduction

Au terme des trois années de formation en soins infirmier, il nous est demandé d’élaborer un Mémoire d’Initiation à la Recherche en Soins Infirmiers (MIRSI), anciennement appelé Travail de Fin d’Etude (TFE). Ce travail s’établie dans le cadre du semestre 6 par l’Unité d’Enseignement 5.6 « Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles », l’U.E. 3.4 « Initiation à la démarche de recherche ainsi que l’U.E. 6.2 « Anglais professionnel ». Grâce à une méthode rigoureuse, un raisonnement méthodique et réflexif, ce mémoire permet d’initier une démarche de professionnalisation ainsi qu’un développement de la qualité et de l’analyse de nos recherches infirmières.

Mon mémoire à pour thématique « le positionnement infirmier dans les prises en charges à forts enjeux émotionnels ». Pour ce faire, nous devions évoquer une situation de stage vécue qui nous a bouleversée, touchée ou dérangée au cours de laquelle des questions sont survenues. Pour ma part, dès la deuxième année j’ai su vers quelle situation m’orienter. C’est une situation qui s’est déroulée lors de mon deuxième stage de première année. Alors que j’étais encore toute « neuve » dans le milieu du soin, j’ai été confronté à une situation où le patient, sa femme et moi avions établi un lien d’attachement. Le pronostic vital de ce patient était engagé et j’ai dû faire face à beaucoup d’émotions. Cette situation a été difficile à vivre pour moi, je n’ai pas su trouver un bon positionnement. A début de ce travail, celle-ci me touchait encore, j’ai eu beaucoup de mal à trouver les concepts que je devais investiguer car je me posais de nombreuses questions.

Dans ce mémoire d’initiation, je commencerai par développer ma situation d’appel et l’analyser. Par la suite, je poserai mes différents questionnements. De ces questionnements je ferai ressortir une question de départ qui, selon moi, contiendra de nombreuses notions que je trouverai intéressantes à investiguer. Grâce à cette question de départ je ferai ressortir trois grands concepts infirmiers que je développerai dans une seconde partie : le cadre théorique. Afin de confronter ma théorie et la pratique, je ferai dans une troisième partie une enquête sur le terrain par le biais d’entretiens exploratoires avec quatre professionnelles de santé. Enfin, j’analyserai cette enquête de terrain et je la confronterai à mon cadre conceptuel.

2

1. De la situation d’appel à la question de départ

1.1 Emergence du questionnement

1.1.1 La situation d’appel

Ma situation d’appel se déroule lors de mon deuxième stage de première année : je me trouve depuis 6 semaines dans un service de chirurgie hebdomadaire. Durant cette période, j’ai pu prendre en soin un patient de 70 ans, que je nommerai Mr P. Ce dernier est admis dans le service pour une pose de chambre implantable consécutive à un ostéosarcome (cancer primitif de l’os) nécessitant une chimiothérapie. Son cancer fut dépisté 1 an auparavant : Mr P se plaint de douleurs persistantes aux jambes notamment la nuit. A ce jour, il vient d’apprendre par le biais d’une biopsie que son cancer s’est étendu à sa jambe gauche. Il est gêné dans ses mouvements à cause de ses métastases mais il se sent soulagé par ses morphiniques. Il évalue ainsi sa douleur à 5 sur l’échelle numérique de la douleur mais je me demande s’il ne sous-estime pas celle-ci car il se plaint rarement.

Mr P vit avec son épouse qui fut présente durant toute son hospitalisation. Je constate que leur relation est très fusionnelle. Mme P semble être aux petits soins pour son époux et sensible à son état.

Ils ont deux enfants (deux garçons) et des petits enfants. Un de ses enfants n’habitant pas en Bretagne ne peut lui rendre visite mais ils ont des contacts téléphoniques réguliers. En revanche, l’autre fils vit sur Lorient et vient lui rendre visite. J’ai eu l’occasion de le rencontrer une fois et j’ai constaté qu’il vivait la situation différemment. Il semble moins inquiet que Mme P et parait plus distant face à la situation. Il adopte une position plus détachée par rapport à la maladie de son père : il parle sur un ton enthousiaste, sans signe de tristesse. Je remarque que c’est une ressource pour Mr P : il est stimulant. Mr et Mme P ont un bon entourage amical mais regrettent de ne pas voir assez souvent leurs petits-enfants : ils disent se sentir seuls sans leur famille. Avant son cancer Mr P jardinait, faisait de la randonnée et aimait pécher. Il disait ne pas avoir arrêté ses autres loisirs comme le poker entre amis.

Le jour de l’intervention programmée, je prépare Mr P à descendre au bloc opératoire. Il me dit ne pas appréhender l’intervention et semble plutôt détendu. Sa femme souhaite attendre le retour de son époux dans la chambre.

Quelques heures plus tard, après avoir fini mon tour des chambres, je demande à l’infirmière qui m’encadre des informations complémentaires sur l’intervention de Mr P. Elle me dit avoir reçu un appel de la salle de réveil qui lui a signalé que le médecin, n’ayant pas eu accès à la veine, n’a pas réussi à lui poser la chambre implantable. N’étant pas allée voir Mme P depuis son départ je décide de passer dans sa chambre pour m’assurer qu’elle n’a besoin de rien. En entrant dans la chambre je n’ai pas l’intention de lui dire quoi que ce soit à propos de l’échec de la pose. D’une part, parce que je ne m’en sens pas capable et d’autre part, tout simplement parce que je ne sais pas si cela fait partie de mes prérogatives.

3

Son visage est tendu et elle semble légitimement inquiète pour son mari. Elle me dit : « Si la chambre implantable n’a pas pu être posée, il ne pourra pas avoir sa chimiothérapie ». Puis elle ajoute « de toute façon je sais bien que c’est la fin ». Elle me prend alors dans ses bras en sanglotant. Je l’ai d’abord laissée pleurer puis l’ai rassurée en lui disant qu’il valait mieux attendre l’avis d’un médecin et voir ce qu’il proposerait. Puis je suis sortie de manière relativement précipitée par crainte de me mettre à pleurer également et par gène du silence qu’engendraient ses paroles et ses pleurs.

Lorsque Mr P est remonté, je suis allée dans sa chambre pour prendre ses constantes et évaluer son état moral. Il était conscient de l’échec de la pose. Lorsque je lui ai demandé comment il se sentait par rapport à cet échec, il m’a pris la main et m’a dit de façon légèrement défaitiste : « Ce n’est pas grave, c’est comme ça, je sais qu’il me reste peu de temps. ». Jusqu’alors je n’avais eu accès qu’aux inquiétudes de Mme P ; Mr P semblait mieux accepter sa maladie que sa femme.

J’ai ensuite souhaité parler de ce qui venait de se passer à l’infirmière, lui demander quelle posture adopter dans ce genre de situation, ce qu'elle disait lorsqu'elle se retrouvait face aux détresses des patients. Elle m’a dit qu’il n’existait pas de posture exemplaire face à ce genre de situation et que chacun agissait en fonction de son expérience, de ses vécus, de ses représentations et de sa personnalité. Sur le moment je n’ai pas trouvé ses paroles très aidantes mais avec du recul je me suis rendue compte qu’elle avait raison.

1.1.2 Analyse de la situation d’appel

Cette situation s’est déroulée lors de ma première année de formation. A ce stade de la formation je n’avais pas eu d’apport théorique ni pratique concernant ce type de situation ; je n’avais donc jamais été confrontée à une situation relationnelle à forts enjeux émotionnels.

Depuis le début de cette prise en soin, une relation particulière s’est établie entre ce couple et moi. La communication est aisée et ils se livrent facilement à moi : ils me détaillent leur vie, leur mariage. Je remarque qu’ils emploient le tutoiement pour me parler. En revanche, comme pour tout patient je les vouvoie. Ils me disent qu’ils trouvent agréable ma manière d’être et je trouve d’ailleurs moi aussi agréable de prendre en charge ce patient et cet entourage. Dès le début, leur tutoiement m’a interpellé : cela familiarisait la relation et changeait mon statut de soignante.

J’étais touchée de voir un couple aussi soudé et j’ai été attendrie par la situation de ce couple endurant cette épreuve difficile. Le fait qu’ils me racontent l’histoire de leur vie, leurs regrets comme les moments joyeux qu’ils ont vécus m’a particulièrement touchée et sans le vouloir, je suis rentrée dans leur sphère privée et donc dans leur intimité. Sur le moment, j’ai ressenti un sentiment de satisfaction et de réussite de mon rôle soignant car je sentais qu’ils me faisaient confiance et qu’ils pouvaient me parler, je me suis sentie reconnue en tant que soignante. De plus, j’ai eu le sentiment que le patient me portait de l’attention en me questionnant sur ma vie, mes relations, mes études et mon stage, mes horaires de travail, etc... Cet intérêt m’a touché et j’ai ressenti une certaine proximité. Le fait qu’ils se confient et qu’ils s’intéressent à moi m’a montré qu’il y avait un sentiment de confiance qui s’était installé entre nous.

4

De plus, étant élève je m'occupe entièrement de certaines chambres et ce, 5 jours de suite durant la semaine, ce qui peut expliquer le fait que le patient me prenne comme un point de repère dans le service. Souvent les IDE (infirmières diplômées d’état) ne voient pas les patients tous les jours car elles changent de secteurs ou ont des jours de repos hebdomadaire dans la semaine. Je me suis demandée pourquoi ils s’étaient confiés à moi, simple inconnue finalement, et mon analyse s’est portée sur ce qui nous a amené à établir ce contact aisé, animé et presque naturel.

Dans cette situation, une autre chose m’a interpelée. Au moment où Mme P a pleuré, j’ai été prise au dépourvu. L’infirmière ne m’avait pas prévenue que Mme P était déjà au courant de la situation de son mari. De plus, les limites de la relation étaient atteintes : la situation devenait gênante et difficile pour moi. Ce qui m’a le plus dérangé c’est que je me suis sentie démunie car je n’avais pas été préparée à ce genre de situation, ni en cours, ni dans mes stages précédents. C’est à cet instant que je me suis rendue compte que je n’avais pas mis assez de distance dans la relation avec eux. Cet état de fait a engendré une vague d’émotions, d’empathie : j’étais trop émue. Je me suis alors demandée quelles étaient les causes de cette proximité importante.

Avec du recul je pense avoir pris mon rôle de soutien moral trop à cœur ce qui m'a amenée à trop m’impliquer au point d'être dépassée par la situation.

5

1.2 Formulation de la question de départ

1.2.1 Questionnements sur la situation

A la suite de cette situation et de son analyse, je me suis posée plusieurs questions.

D’une part, un lien s’est établi entre ce couple et moi. Pourquoi ce lien? Cela vient-il de moi ? De mon âge ?

Ensuite, ce lien a engendré une proximité trop importante entre nous. De là je me suis demandée : Ai-je mis assez de distance entre eux et moi ? Aurais-je dû demander le vouvoiement dès le début? Si oui, comment ? Comment gérer cette proximité ? Comment aurais-je du adapter ma position professionnelle ? Est-ce que la posture professionnelle, l’engagement personnel ainsi que les représentations et l’image que l’on renvoie peuvent faire partie des facteurs qui favorisent cette proximité ? Et y en a-t-il d’autres ?

D’autre part, suite à cette proximité, des limites ont été atteintes notamment lorsque Mme P a pleuré dans mes bras. Comment gérer le tactile facile de ces patients ? Comment gérer mes émotions ? Dois-je accepter cette situation : d’être tutoyée et touchée par Mme P ? Qu’est ce qui a influencé ma fuite ? Quels sont les risques d’une proximité trop importante ?

1.2.2 Choix de ma question de départ

Ce que je souhaiterais investiguer ce sont les facteurs qui influencent un tel lien avec le patient et son entourage, quelles sont les conséquences de ce lien et comment faire pour gérer ses conséquences.

Au départ ma question était : En quoi notre positionnement professionnel influence-t-il la distance dans une relation soignant-soigné ?

Puis ensuite, j’ai compris que cette proximité n’était pas induite simplement par moi-même mais aussi par le patient et sa femme. J’ai alors tourné ma question ainsi : En quoi l’attitude du patient et celle du soignant influencent-t-elles la distance dans la relation soignant-soigné ?

Lors de l’avant dernière guidance, nous avons transformé la question de manière à faire ressortir le concept de l’attachement réciproque entre le soignant et le soigné. Nous avions donc établi cette question : En quoi les facteurs favorisant l’attachement influencent-ils la distance dans la relation soignant-soigné ?

6

2. Le cadre conceptuel

2.1 La relation soignant-soigné

Tout d’abord, il convient d’aborder le concept clé de notre profession d’infirmière : la relation.

2.1.1 Qu’est-ce que la relation ?

D’après Alexandre Manoukian, psychothérapeute et ancien enseignant dans un institut de formation infirmier, «Une relation, c’est une rencontre entre deux personnes au

moins, c'est-à-dire deux caractères, deux psychologies particulières et deux histoires»2.

Tout d’abord je souhaite décrire les différents facteurs qui peuvent influencer une relation :

o Les facteurs psychologiques

Selon Manoukian, ces facteurs sont « la personnalité, les émotions, les désirs, les

représentations sociales, les préjugés et les valeurs individuelles. »3. Si je prends pour exemple la situation avec Mr et Mme P, ils avaient la même approche avec moi que mes grands-parents ont avec moi : j’entends par là qu’ils me tutoyaient, ils étaient tactiles, et avaient la même bienveillance.

o Les facteurs sociaux

Ceux-ci se manifestant par « l’âge, la culture, l’éducation ou encore les catégories socio

professionnelles. » 4 En effet, Mr et Mme P avaient l’âge de mes grands-parents et j’avais le même âge que leur petite fille.

o Les facteurs physiques

Ces facteurs correspondent à l’apparence physique, à la façon de s’exprimer et de se mouvoir. D’après un article de Gustave-Nicolas Fischer, professeur de psychologie sociale à l’université de Metz, des chercheurs ont réalisé une expérience qui a montré que l’apparence physique semble un facteur important dans l’attraction interpersonnelle.5 Il dit aussi que ces préférences physiques sont influencées par la culture de chacun.

2 MANOUKIAN, Alexandre, MASSEBEUF Anne. La relation soignant-soigné. 2ème

Edition.France : Lamarre, 2001 3 Ibid

4 Ibid

5 Recherche en soins infirmiers N” 56 - Mars 1999 – Rencontre- Le concept de relation en

psychologie sociale page 5

7

Nous pouvons en déduire que chaque relation est différente et dépend des caractéristiques (citées précédemment) de chaque protagonistes et du contexte dans lequel elle nait (environnement, circonstance, type de maladie etc.). Ainsi, lorsque nous rentrons en relation, celle-ci dépend de la personnalité de chaque individu, de ses représentations, de ses valeurs, de son âge, de sa culture, de sa posture, de la façon dont elle s’exprime et dont elle s’habille (la blouse blanche pour le soignant par exemple). Ce sont ces facteurs qui rapprochent ou non les différents protagonistes en interaction.

Inconsciemment, ce sont ces facteurs qui ont influencé mon engagement dans la prise en soin et dans la relation avec Mr P et sa femme. En effet, ils ont provoqué ce contact aisé, animé et presque naturel.

Ensuite, je souhaite décrire les différents types de relations qui existent entre deux personnes. Celles-ci dépendent du contexte dans lequel sont ces deux personnes, des statuts qui les qualifient, des échanges entre elles et de leurs liens. Donc elles dépendent aussi des facteurs cités par Manoukian.

D’après Gustave-Nicolas Fischer, professeur de psychologie, il existe trois types de relations en général (institutionnelles, interpersonnelles et sociales). Cependant, lors de mes recherches, j’ai remarqué que d’autres professeurs de psychologie décrivaient un type de relation en plus : les relations affectives. Ces relations, Fischer les inclue dans les relations interpersonnelles. J’ai décidé de dissocier les relations interpersonnelles et affectives car je considère qu’entre ces deux types de relations, la proximité et l’affection sont différentes.

Les relations institutionnelles

Selon Fischer ce type de relation « se développe et s’exprime toujours à l’intérieur d’un cadre. Il s'agit de relations organisées qui placent les individus dans un système d'échanges qui leur impose des formes de communication plus ou moins contraignantes, suivant la position

occupée dans la pyramide sociale de l'organisation.»6 Dans ma situation d’appel, nous

sommes dans un contexte de soin donc dans un cadre social particulier qui est celui du contexte hospitalier et de ce fait professionnel.

Les relations sociales

Il s'agit d'abord de relations structurées par la distance sociale. C’est également des relations marquées par les multiples facteurs de différenciation qui interviennent entre les individus et les groupes.

Les relations interpersonnelles

« La relation interpersonnelle met l'accent sur le type d'échanges établis essentiellement entre deux ou plusieurs personnes et sur les sentiments éprouvés à l'égard d'autrui dans cette

situation. »7 Les facteurs influençant ce type de relation sont les mêmes que ceux présentés par MANOUKIAN au point précédent (personnalité, attrait physique, existences ou non d’intérêts communs).

6 Recherche en soins infirmiers N” 56 - Mars 1999 – Rencontre- Le concept de relation en

psychologie sociale page 5 7 Ibid

8

Les relations affectives

«Ce sont les types de relation où la dimension affective intervient de manière spécifique, comme dans les relations parents-enfants ou les relations de couple

Trois composantes essentielles:

o l'attachement: degré de lien, degré de dépendance o l'affection: degré de sentiments éprouvés

o l'intimité: degré de proximité»8

Après avoir pris connaissance de ces différents types de relations, j’ai pu les mettre en évidence tout au long de la prise en charge de Mr P. Au début, la relation était institutionnelle, c’était une relation impersonnelle (je ne le connaissais pas) et organisée (il était inscrit sur ma planification). De plus il y avait un cadre et un système d’échange imposés. En effet, j’avais un temps limité et des objectifs à chaque visite que je faisais à Mr P, de plus je le vouvoyais ce qui renforçait le cadre et la différence de statut.

En revanche, au fil des entretiens, après que le lien se soit établi, la relation est passée d’institutionnelle à interpersonnelle. Le fait qu’ils se confient est une des spécificités de ce type de relation : un échange de ressentis entre deux ou plusieurs personnes. A ce moment la distance est personnelle (un mètre vingt jusqu’à cinquante-cinq centimètres. Le corps de l’autre est là, à portée de main.)9

Puis quand nous nous sommes réciproquement attachés la relation est passée d’interpersonnelle à affective. En effet, les trois composantes de ce type de relation sont présentes : l’attachement, l’affectivité et l’intimité. Tout d’abord, un attachement car il y avait la présence de ce lien. Ensuite, l’affectivité est présente lorsque Mme P pleure dans mes bras et lorsque Mr P me prend la main. En effet, ce contact par le touché n’est pas médical mais affectif. Prendre la main de quelqu’un en souffrance est important et peut montrer au patient qu’on lui porte de l’attention. Enfin, l’intimité, par le fait d’être entré dans leur sphère privé qui se remarque par notre proximité : nous sommes à une distance intime (quarante-cinq centimètres jusqu’à contact physique). J’ai pu remarquer que la distance physique avec le patient s’adapte avec le type de la relation établie.

8 Recherche en soins infirmiers N” 56 - Mars 1999 – Rencontre- Le concept de relation en

psychologie sociale page 6 9 Annexe I

9

2.1.2 Quelle est la spécificité de la relation soignant-soigné ?

Dans un contexte professionnel, la relation soignant-soigné n’est pas une relation ordinaire. C’est une relation professionnelle particulière et elle est incontournable dans la prise en charge du patient. Cette relation débute lors de la première rencontre que l’on nomme l’entrée en relation et durant laquelle les cinq sens sont mis en éveil. Ces sens interviendront dans chaque prochaine relation.

Selon Marie Quinon, psychologue à Compiègne, la relation soignant-soigné est des plus subjectives. Elle explique qu’il n’existe pas de règle générale applicable en la matière. Elle dit que «Cette relation est la finalité de la rencontre de deux êtres de personnalités différentes, chacun empreint de son propre vécu et son histoire, et appréhendant

la maladie à sa façon avec des objectifs et une approche qui lui sont propres. »10

On retrouve dans cette définition des similitudes avec la définition de la relation de Manoukian. La spécificité de la relation soignant-soigné réside dans le fait que dans notre métier nous sommes amenés à rencontrer des gens totalement différents de nous et dont le vécu est distinct du nôtre. Cela rendra la relation d’autant plus spéciale que si ça avait été une relation du quotidien (entre amis ou dans la rue) : les facteurs influençant une relation, quelle qu’elle soit, sont donc essentiels.

Dans la relation soignant-soigné, je tiens à faire remarquer l’existence de deux rôles et deux statuts différents. En effet, selon le dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers, la relation soignant soigné est le «lien existant entre deux personnes de statut

différent, la personne soignée et le professionnel de santé.»11. Cette définition, insiste sur les statuts différents. En effet, la relation soignant-soigné est un type de relation totalement spécifique de par la présence de deux protagonistes ayant des statuts et des rôles distincts. En ce sens, le soigné est dans un contexte de vulnérabilité et de dépendance du fait de la maladie et d’autre part le soignant est, lui, dans une position professionnelle avec des objectifs et un cadre à maintenir.

Le soignant assimile son rôle lors d'une formation initiale qui est reconnue grâce à un «diplôme […], garant de compétence et de savoir »12 . Le rôle du soigné est plus spécifique car il ne fait pas partie des rôles sociaux auxquels prétendent les individus. Mais le malade a bien un rôle : il a une place « au sein d'un groupe de soignants et d'autres

malades avec un savoir et des comportements adaptés aux relations de soins »13.

Le rôle d’une infirmière étant de prendre en soin le patient et sa famille tout au long de son hospitalisation, elle doit faire en sorte que le patient se sente au mieux à l’hôpital malgré la vulnérabilité qu’il peut prouver, due à sa pathologie et au contexte particulier de l’hospitalisation. De sa position professionnelle, l’infirmière conduit l’entretien en cherchant à atteindre ses objectifs de soins tout en se préoccupant de l’intégrité psychologique du patient.

10

Marie QUINON. Information, concertation, consentement de la personne soignée, PASQUET Marie-Christine / QUINON Marie, SOINS AIDES SOIGNANTES n°54, p. 8-9 11

Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers 12

MANOUKIAN, Alexandre, MASSEBOEUF, Anne. La relation soignant-soigné. 2ème Edition.France : Lamarre, 2001 p.18. 13

Ibid. p.19

10

Lorsque je fais le parallèle avec ma situation d’appel, Mr et Mme P me considéraient comme un point de repère dans leur vie à l’hôpital. En effet, c’est pour eux un lieu étranger, hors de leur milieu familier et c’était mon rôle infirmier d’optimiser leur bien être lors de l’hospitalisation. C’est en partie pour cela que je ressentais de la satisfaction dans la réussite de mon rôle de soignante.

Jacques Chalifour explique que « Nos interventions sont influencées par notre

conception de ce qu’est une personne. »14 Je vais alors exposer sa conception des personnes aidées et des personnes soignantes avec lesquelles je suis en accord. Ceci nous permet de comprendre comment fonctionne chaque partie de la relation : le soignant et le soigné.

o Les personnes aidées

D’après Jacques Chalifour, les personnes aidées sont considérées comme des systèmes ouverts constitués de plusieurs caractéristiques biologiques, cognitives, sociales, affectives et spirituelles. Celles-ci sont interdépendantes sur le plan énergétique et si une de ces dimensions est perturbée, alors la personne elle-même et tout le système se trouvent affectés.

Un système ouvert est un système qui interagit en permanence avec son environnement. Un patient va donc recevoir et envoyer des informations. Il va pouvoir percevoir des informations grâce aux cinq sens (l’ouïe, l’odorat, le gout, le touché et la vue). Ensuite, il va donner une signification à ses perceptions et va ressentir des émotions. C’est une personne qui va être motivée par ses besoins, ses valeurs, ses gouts et ses intentions. Le patient va par la suite donner des informations par le biais de comportements qui sont les gestes et la parole.

Dans l’interaction avec son environnement, la personne aidée vit des tensions (frustrations, conflits, menaces internes et externes) qui se manifestent sous forme de stress ou d’anxiété et présentent des besoins d’aide et des attentes plus ou moins bien définis.

Jacques Chalifour cite St-Arnaud pour expliquer « qu’une personne est susceptible de présenter un besoin d’aide quand l’une ou l’autre des lacunes suivantes émergent :

o La personne « manque de données (internes ou externes) » provenant de ses sens ou « ne porte pas attention à ces données » ou encore refuse d’en tenir compte ;

o Elle « interprète mal ces données » par manque de connaissances, de jugement, ou elle les confond avec des expériences antérieures ;

o Elle est « paralysée par des ressentis » tels la peur, l’anxiété, la culpabilité, l’agressivité, la honte, etc. ;

o Elle est « incapable de dégager de tout cela une intention claire », un besoin, et de « faire un choix » ;

o Elle est incapable de reconnaître l’information que lui transmet son corps ; o Elle se sent incompétente pour agir dans cette situation. »

15

14

CHALIFOUR, Jacques. La relation d’aide en soins infirmiers une perspective holistique-humaniste. P.1 chap. 1 15

CHALIFOUR, Jacques. La relation d’aide en soins infirmier. Editions Lamarre. Paris. Page 10

11

Dans le cas de Mr et Mme P, plusieurs choses en relation avec la maladie provoquent les « tensions ». Notamment l’inconnue, la méconnaissance de l’avenir, la peur que provoque la maladie. Tout cela se manifeste par l’anxiété de Mme P et sa tristesse. En prenant référence à St Arnaud, Mme P présente deux lacunes. Tout d’abord elle n’est non pas paralysée, mais envahie par ses ressentis et se sent incompétente pour agir dans cette situation. En effet, elle est l’aidante de son mari et ne sait plus quoi faire. Ces manifestations m’ont amené à comprendre qu’elle avait besoin d’aide et qu’elle attendait de l’écoute, de l’empathie et du réconfort : tous les composants d’une bonne relation d’aide.

o L’infirmière, l’aidante

Selon Jacques Chalifour16, l’infirmière est elle aussi considérée comme un système ouvert. Elle possède les mêmes caractéristiques que l’aidé mais, en plus, elle a acquis des connaissances, des habiletés et des attitudes liées à son rôle d’aidante grâce à ses expériences de vie et de travail. Elle possède également des connaissances de soi, de son rôle, de certains concepts théoriques utiles à ses interventions et du fonctionnement des processus en cours dans une relation d’aide. Elle détient aussi des habiletés tels que le contact (utilisation de ses sens, des mouvements et de la parole), la communication (verbale et non verbale) et la reconnaissance et l’interprétation de messages venant de l’aidé. L’infirmière a pour motivations des besoins et des attentes qui se manifestent comme l’aidé, par des gestes et des paroles qui compose cette fameuse relation d’aide.

La relation soignant soigné a pour but l’aide et le soutien de la personne soignée jusqu’à son retour à l’autonomie. La relation, par le biais de la communication et de l’observation permet d’identifier les demandes de la personne et d’analyser les interactions. C’est grâce à cette relation que peut s’instaurer la connaissance du soignant et du patient.

Dans une relation soignant-soigné il existe différents niveaux de relation dans un contexte de soin. Rolande DUBOISSET, infirmière en secteur psychiatrique, décrit ces 4 niveaux de relation soignant-soigné. Je vais les exposer dans un ordre distinct : ces niveaux sont chronologiques et il est indispensable de passer par la première pour que le reste suive.

o «La relation sociale de civilité : cette relation est un rituel où chaque participant souhaite adopter un comportement agréable, sociable avec convivialité dans l'échange. Elle se constitue de propos banals sans réels intérêts comme frapper avant d’entrer, demander l’autorisation de pénétrer derrière un rideau fermé, saluer, s’identifier, etc.. Ce mode de relation comporte une certaine distance relationnelle c'est-à-dire un degré de proximité avec l'autre dans lequel l'individu se sent le plus à l'aise. Cette distance relationnelle permet aux personnes en relation de se protéger de l'autre en évitant une trop grande implication. Elle permet de créer un climat de confiance dès l'accueil du patient.

o La relation fonctionnelle : Elle permet d'effectuer un recueil de données utile et indispensable à la prise en charge. C’est le soignant qui conduit la relation dans le but d'avoir accès aux informations concernant le patient et ses besoins afin de mieux le connaître.

16

CHALIFOUR, Jacques. La relation d’aide en soins infirmier. Editions Lamarre. Paris. Page 14

12

o La relation d'aide et d’écoute : elle permet d'apporter réconfort au patient. Elle passe par une écoute attentive de la part du soignant et par une attitude empathique c'est-à-dire compréhensive et sans jugements. Elle ne peut débuter sans la relation de confiance qui permet au patient d'exprimer ses affects (craintes, difficultés, émotions, …). Cette relation fait partie du rôle propre infirmier.

o La relation d'aide thérapeutique : c'est une technique de soins spécifique qui n'est possible que sous certaines conditions : un climat de confiance et de calme, des objectifs précis, un temps déterminé, la disponibilité et l'empathie du soignant, l'accord du patient. C'est une relation qui s'apprend et qui se pratique en vue de l'élaboration

d'un projet thérapeutique (plus particulièrement en psychiatrie). »17

En fonction de la prise en charge d’un patient, la relation va évoluer, elle ne sera pas la même au début et à la fin. Lors de l’entrée en relation j’établissais avec Mr et Mme P une relation sociale de civilité en saluant et en me présentant. Par la suite, je me suis renseignée sur des informations concernant sa pathologie, ses besoins et attentes afin d’établir le recueil de données, j’entrais alors dans la relation fonctionnelle. Enfin, dès qu’ils m’ont fait part de leurs inquiétudes, je suis rentrée dans une relation d’aide.

2.1.3 La relation d’aide

Au départ je ne pensais pas parler de la relation d’aide. Puis, au fil de mes recherches j’ai compris que c’était ce niveau de relation que j’avais établi avec le patient et sa femme. J’ai compris également qu’en prenant en charge conjointement Mr P et Mme P, j’avais établi deux relations d’aide, une pour Mr P et une autre pour sa femme. Ces deux relations d’aides sont différentes alors que leur origine, le cancer de Mr P, est la même. Les besoins d’écoute pour chacun sont exprimés différemment. Pour Mr P cette demande est implicite, il a du mal à traduire sa tristesse, sa colère et sa peur. Au début il me semblait moins accablé par son état de santé que sa femme car il se plaint très peu. Mais lorsqu’il est remonté du bloc et qu’il m’a touché la main en me disant d’un air triste que ses jours étaient comptés, je comprends avec du recul, qu’il y avait aussi une demande d’aide. En revanche, la demande de Mme P a été explicite car elle exprimait facilement sa tristesse, autant par le non verbal que par le verbal.

C’est Carl Rogers, un psychologue américain, qui a développé la notion de la relation d’aide. « C’est un soin relationnel qui se développe au cours d’entretiens et qui requiert une capacité à amener toutes personnes en difficultés à mobiliser ses ressources pour mieux vivre une situation. C’est un soin qui permet de rassurer le patient, de diminuer sa peur et son anxiété face à la maladie et au traitement. Elle aide ainsi le patient à accepter une

situation difficile, à être clairvoyant et de ce fait, pouvoir prendre des décisions. »18 Cette

relation évoluera en fonction du rythme du soigné car nous adaptons nos actions en fonction de lui.

17

Rolande DUBOISSET Infirmière en secteur psychiatrie et formatrice à l’Institut Formation Joël Savatofski Cours UE 4.2 relations de soin

18 PRAYEZ Pascal (sous la direction de). Distance professionnelle et qualité du soin. Lamarre,

2003, 228 pages. (Fonction Cadre de Santé)

13

Selon le dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers, la relation d’aide est identifiée comme une « technique d’entretiens utilisant l’empathie, la reformulation, les interventions verbales et non verbales, et visant à aider une personne à exprimer ses problèmes. […] Cette relation peut s’établir lors d’entretiens ou lors de tout acte de soins; elle

est fondée sur le dialogue et l‘écoute. »19.

En effet, cette relation requiert plusieurs valeurs comme le respect, le non-jugement du soignant envers le soigné et la mise en confiance du soigné. L’établissement d’une relation d’aide nécessite également des attitudes spécifiques : une écoute active, l’acceptation, le respect chaleureux, l’authenticité, l’empathie, la congruence, un engagement personnel de l’infirmier et un minimum de disponibilité.

C’est une relation difficile à établir correctement car il y a des conditions exigeantes lors de l’échange. Il y a des techniques non verbales et verbales à appliquer et qui permettent l’élaboration d’un climat de confiance favorable. Les techniques non verbales qui amènent à élaborer une relation d’aide sont multiples. Tout d’abord, il y a le toucher. Entre un patient et un soignant le toucher est inévitable. Mais il y a une différence entre le toucher nécessaire à la réalisation d’un soin et le toucher « affectif ». Ce dernier est possible si il y a entre le soignant et le soigné un climat de confiance. Dans ma situation, le premier contact affectif a été engagé par Mr P lorsqu’il m’a touché la main lors d’une discussion. Une autre technique non verbale est le sourire, ce qui rend tout de suite le contact plus chaleureux qu’un soignant qui entre avec une mine triste. Les techniques verbales sont le reflet simple, la reformulation et l’élucidation. Le reflet simple est le fait de repérer un élément important du discours du patient et de le reproduire pour lui montrer qu’il est écouté. La reformulation va servir à ce que l’interlocuteur se rende compte qu’il a été bien compris et peut lui permettre d’aller plus loin dans la conversation, de mettre des mots sur ce qu’il ressent et permet également d’établir un lien de confiance. L’élucidation vise à relever des sentiments et des attitudes qui ne déroulent pas des paroles du sujet, mais qui peuvent raisonnablement être déduites de la communication ou de son contexte.

Pour bien maitriser la relation d’aide et ses techniques il faut avoir de l’expérience. En effet, l’acquisition de ces techniques demande du temps et du savoir-faire. Lorsque j’ai pris en soin Mr P, je n’étais qu’en première année. Je n’avais pas les apports théoriques ni pratiques nécessaire à l’élaboration d’une relation d’aide de qualité.

Margot Phaneuf généralise bien le rôle de l’infirmière dans une relation d’aide. Elle explique « En effet, elle met la relation, au cœur du processus soignant, de telle sorte que, l’infirmière, consciente de son identité et de ses propres limites, s’ouvre à l’expérience de l’autre et l’accepte de manière inconditionnelle. Et, pénétrant son univers, elle lui manifeste sa considération positive, respecte sa liberté et sa dignité et devient ainsi, une accompagnatrice

empathique et non directive de son parcours douloureux. »20

Dans le texte de Margot Phaneuf, je souhaite relever le fait que l’infirmière soit consciente de son identité et de ses propres limites pour s’ouvrir à l’expérience de l’autre et l’accepter de manière inconditionnelle. Je suis en accord avec elle et je pense que cette notion de conscience de son identité professionnelle et de ses propres limites est ce qu’il me manquait pour répondre aux attentes de Mr et Mme P et ainsi assurer une relation d’aide de qualité.

19

Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers 20

Margot PHANEUF. La relation soignant-soigne : rencontre et accompagnement.

14

Je souhaite maintenant étayer les enjeux de l’expérience professionnelle dans cette situation à forts enjeux émotionnels. Nous verrons pourquoi la conscience de notre identité professionnelle et de nos propres limites (engagement notamment) est fondamentale dans une relation à fort enjeux émotionnels.

2.2 L’expérience professionnelle infirmière

“Le seul savoir qui influence vraiment le comportement, c’est celui qu’on a découvert et qu’on s’est approprié soi-même”, affirmait Carl Rogers.

21

Selon Benoit Grasser et Jose Rose, membres du groupe de la recherche sur l’éducation et l’emploi (GREE, CNRS), l’expérience professionnelle en général s’acquiert à la fois par l’apprentissage et à la fois par la formation en situation de travail. Ils expliquent que ce sont « deux processus qui se distinguent nettement car

l’intentionnalité n’est pas la même »22. En effet, pour l’apprentissage « l’activité est

formatrice, «constructrice» de connaissances : elle contribue à la production des capacités individuelles. ».

23

Tout comme Grasser et Rose, Richard Wittorski, Professeur des universités en formation des adultes et spécialiste des questions relatives aux rapports travail-formation définit l’apprentissage comme un « processus de construction des

connaissances, savoirs et identités reconnus comme faisant partie de la profession choisie »24. En effet l’apprentissage infirmier se fait par l’acquisition des connaissances, des compétences et l’élaboration d’une identité professionnelle lors des trois années d’études en IFSI.

La formation, quant à elle, est « un processus conscient, formalisé, délibéré et construit ».

Un infirmer diplômé peut bénéficier s’il le souhaite de formations lors de sa carrière pour un maintien de compétence mais aussi pour l’acquisition de nouveaux savoirs.

Benoit Grasser et Jose Rose disent également que « l’action est source de

connaissances, spécifique et complémentaire à la formation ». C’est en faisant que l’on apprend. L’expérience exige l’action. Sans oublier que celle-ci se construit d’abord par l’apprentissage. Ils ajoutent que « la réflexion du sujet sur sa situation professionnelle lui permettra de passer d’une situation particulière à une capacité d’expérience susceptible d’enrichir sa pratique dans des situations nouvelles et diversifiées »

25.

Richard Wittorski note « la nécessité de finaliser davantage les apprentissages par rapport

aux situations de travail, d’articuler plus étroitement travail et formation, de développer des expertises multiples,… dans des contextes d’activité qui changent de façon quasi-permanente.

»26. Grasser, Rose et Wittorski sont en accord sur l’importance des formations pour

21

[en ligne] Disponible sur : http://www.psychologies.com/Culture/Maitres-de-vie/Carl-R-Rogers. Consulté le 27/04/2016 22

Article « l’expérience professionnelle : ses acquisitions et ses liens à la formation » 23

Ibid 24

L’alternance, un cadre dialogique favorable à la professionnalisation des étudiants à l’Université- Rapport de recherche. Bonus Qualité Recherche 25

Article « l’expérience professionnelle : ses acquisitions et ses liens à la formation » 26

https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00339073/document HAL Archives ouvertes

15

étoffer l’expérience mais ils rajoutent l’importance de développer ses réflexions sur des situations vécues et l’importance de l’action. Nous sommes acteurs de notre formation.

L’expérience d’un infirmier débute lors de son apprentissage en IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers) grâce aux apports théoriques dont il bénéficie en cours ainsi que les apports pratiques acquis lors des stages. Lorsque nous mettons un pied dans le milieu du soin pour la première fois, nous avons très peu d’expérience : celle de notre vie personnelle voire quelques apports théoriques et pratiques vus en cours.

Les apprentis apprennent lors de leur apprentissage par les soignants qui travaillent depuis longtemps et qui, de par leur expérience, ont une vision plus large et plus approfondie du savoir-être soignant et des savoirs faires spécifiques de la profession infirmière. C’est avec ces infirmièr(es) que les apprentis peuvent échanger sur des situations difficiles afin d’améliorer leur pratiques professionnelles. C’est aussi en pratiquant et en analysant qu’ils apprennent à repérer leurs erreurs afin d’ajuster leur positionnement professionnel et de s’approprier leur propre identité professionnelle. Les analyses de pratiques qui sont à effectuer lors de la formation aident à cela.

Une fois diplômé, notre expérience est en constante évolution. Elle s’étoffe grâce aux situations de travail, aux différentes formations proposées, aux réflexions personnelles continues, notamment sur sa pratique relationnelle et sur l’éthique et grâce aux réflexions collectives. En effet c’est une profession où la pluridisciplinarité et la relation en équipe est fondamentale notamment pour l’évolution de l’expérience.

C’est grâce à l’expérience qu’il est possible de prendre du recul lors des prises en charges difficiles tout en gardant un engagement adapté mais avec une meilleure protection de la vie privée et une meilleure gestion des émotions.

Marguerite CHARAZAC explique : « Plus un thérapeute se sent proche d'un patient plus il doit demeurer professionnel, et plus il est professionnel, plus il pourra être proche du patient et

accepter sa réalité » 27

Dans ma situation d’appel, j’ai été démuni face à l’élan d’émotion qu’a provoqué Mme P chez moi. Dans l’analyse de la situation j’ai pu observer que c’était dû au manque de préparation face à ce genre de situation. Après avoir étudié ces concepts, je comprends qu’effectivement ce sentiment a été engendré par un manque d’expérience professionnelle.

2.2.1 De l’identité personnelle à l’identité professionnelle

Comme dit Margot PHANEUF, pour aider un patient ou son entourage dans une situation à fort enjeux émotionnel, il faut être prêt à s’ouvrir à l’expérience de l’autre. Pour cela il faut savoir si nous en sommes capables. « Il faut donc se connaître pour mieux utiliser ses ressources et distinguer comment nos caractéristiques personnelles

influencent la qualité de la relation.»28

Se connaître c’est entre autre savoir qui nous

27

CHARAZAC, Marguerite, Alliance thérapeutique et empathie. Santé mentale. Septembre

2011. n°158. p 83 28

Présentation faite au Cégep régional de Lanaudière à Joliette, 1re partie La communication et la relation soignant-soigné. Vers l’utilisation thérapeutique de soi disponible sur http://www.prendresoin.org/wp-content/uploads/2013/01/1ePartie_.pdf

16

sommes, notre rôle et notre identité. Mais pour nous, infirmiers, infirmières, quelle est notre identité professionnelle ?

Selon Christine GARRIC, formatrice indépendante en Lorraine, « l’identité professionnelle infirmière s’inscrit dans une appartenance à la profession à partir d’acquisitions au cours des études comme la compréhension du sens, de la finalité et des valeurs du soin ; la déontologie, autrement dit les devoirs ; le corpus de savoirs nécessaires et de compétences à acquérir. La construction de l’identité professionnelle permet au futur infirmier, partant d’une vision personnelle idéalisée de la profession, influencée par sa culture, de confronter sa propre

conception aux exigences de sa profession. »29

En effet, à l’entrée de notre formation, sans expérience infirmière, nous avons notre propre conception de ce qu’est la profession infirmière, idéalisée ou non. Cette vision personnelle est effectivement influencée par notre vécu, notre culture, notre entourage. Lors des cours dispensés à l’institut de formation, nous acquérons des savoirs théoriques, pratiques et relationnels cités par Madame GARRIC et qui nous aident à adopter un comportement adéquat lorsque nous sommes sur le terrain.

Lors de la formation, l’identité professionnelle des étudiants infirmiers est en construction. De plus, elle est soumise à des difficultés. En effet, en stage l’étudiant a un statut particulier, celui de stagiaire, diffèrent de celui de l’infirmier. Le stagiaire tente d’adopter une identité semblable à celui de l’infirmier mais ne pourra pas l’atteindre avant son diplôme car il n’a pas encore le statut de professionnel. D’où la difficulté de se positionner dans les équipes soignantes et en tant que professionnel de soin face aux autres soignants et aux patients. Durant la formation (ainsi que pendant son exercice professionnel), il est important que chacun éclaire sa conception des valeurs, sa conception de l’humain, des soins, et de la profession. Ainsi il arrivera à mieux se situer dans la profession, il donnera un sens à ses actes et pourra se projeter et se construire dans son projet professionnel.

« Au bout des trois années de formation, nous avons tous une identité professionnelle commune : avec des valeurs communes au métier, une façon de se comporter, d’être, d’agir,

de penser et de travailler. » 30

Celle d'infirmière professionnelle de soin comme le confirme la définition suivante de l'identité professionnelle: « Quelle que soit la mission confiée à l'infirmier, l'identité professionnelle permet de se reconnaître dans une appartenance

à la profession à partir de ce noyau d'acquisition au cours des études » 31

Puis, tout au long de la vie professionnelle l’identité infirmière acquise reste soumise à l’épreuve du réel. Elle peut alors être fragilisée ou consolidée, elle est alors interrogée de façon permanente. Christine GARRIC explique que « les influences de cette identité peuvent être soit de source endogène : soucis privés (maladie, accident, deuil...) soit exogène, sous

l’effet de l’évolution sociale et politique, des conditions d’exercice, de situations inédites. ». Cette identité évolue avec l’expérience professionnelle.

29

http://www.infirmiers.com/actualites/actualites/quelle-identite-professionnelle-pour-les-infirmieres.html 30

Christine Garric sur http://www.infirmiers.com/actualites/actualites/quelle-identite-professionnelle-pour-les-infirmieres.html consulté le 23/03/2016 [en ligne] 31

Paragraphe « l'identité professionnelle permet une reconnaissance mutuelle » www.infirmier.com/actualites/quelle-identite-professionnelle-pour-les-infirmiere.html

17

2.2.2 Le positionnement infirmier

« Le positionnement relationnel est une manière d’être en ayant conscience des enjeux relationnel. […] Le positionnement est sans cesse ajusté. Le prima de l’expérience est la référence principale pour ajuster le positionnement professionnel : c’est à partir de ce que nous voyons, ressentons et analysons dans chaque situation singulière, que nous ajusterons notre

positionnement professionnel. »32

Au fur et à mesure de notre carrière nous acquérons de l’expérience. Grace à cette expérience notre identité professionnelle se développe et s’éclaircie au fil du temps. Dans cette profession, l’expérience est en constante évolution comme expliqué ci-dessus. En effet, malgré notre formation commune de trois ans en institut, il est indispensable que nous continuons de nous former grâce aux formations proposées, grâce à nos collègues et aux situations plus ou moins difficiles auxquelles nous sommes confrontés. Cette évolution permet au professionnel d'enrichir ses connaissances et ainsi son expérience, d'adopter sa posture professionnelle et ainsi de tendre à long terme à une conception de juste distance thérapeutique avec le patient. J’entends par là qu'il peut adopter une attitude à la fois professionnelle en ayant conscience de son rôle, ses objectifs et ses responsabilités, et à la fois humaine en respectant l’intégrité de son patient en restant à l'écoute et attentif. Il est important d’assurer son professionnalisme par moment, sans basculer dans le « je sais tout » et avoir une capacité quotidienne de remise en question pour toujours rester dans cette formation continue.

C’est cette compréhension de notre identité et de nos limites qui nous permet d’ajuster un positionnement relationnel adapté.

Lors de l’analyse de ma situation d’appel je me suis interrogée sur les raisons de la proximité qui existait entre Mr, Mme P et moi. A ce stade je saurai donner quelques une de ses raisons. D’une part, comme dit dans le concept précèdent, elles concernent la relation en elle-même : il y a les facteurs psychologiques, sociaux et physiques qui influencent la relation, la mise en confiance des soignés … Tout cela amènent un contact aisé et proche dès le début avec Mr et Mme P.

D’autre part, l’une des raisons est mon manque d’expérience. En effet, ce manque d’expérience explique le manque de conscience de mon identité professionnelle ainsi que de mes limites à maitriser (par exemple mon engagement) ce qui a rendu mon positionnement trop fragile et en ce sens ma distance a été mal ajustée. Grâce à l’expérience nous pouvons réussir à prendre de la distance face aux facteurs influençant la relation. Par exemple, si j’avais été plus expérimentée, j’aurais peut-être su prendre du recul face à au toucher, face à cette complicité et j’aurais ainsi été moins touchée par les émotions de Mme P.

32

Trouver la bonne distance avec l'autre grâce au curseur relationnel - 2e édition Catherine

Deshays. p.10

18

Je souhaite maintenant étayer le concept de l’engagement car il doit être une notion importante à considérer dans nos prises en charge. En effet, dans une situation où il y a beaucoup de facteurs favorisant un attachement réciproque, nous avons tendance à nous engager davantage. De plus, c’est un facteur majeur qui peut nous amener à nous retrouver dans des situations où nous sommes trop impliqués émotionnellement.

2.3 L’engagement dans une situation à fort enjeux émotionnels

Dans ma situation d’appel, la principale limite que je n’ai pas su maitriser est celle de l’engagement. Comme je l’ai expliqué dans l’analyse de ma situation, avec Mr et Mme P j’ai pris mon rôle de soutien moral trop à cœur ce qui m’a amenée à trop m’impliquer dans cette prise en charge. Après le développement des concepts précédents, je déduis que mon engagement trop important dans la relation avec Mr et Mme P a été induit par un mauvais positionnement due à une méconnaissance de mon identité professionnelle. Cette méconnaissance est elle-même induite par un manque d’expérience (1ère année de formation).

Je vais dans un premier temps développer le concept de l’engagement dans une relation à fort enjeu émotionnel puis dans un second temps je vais étayer celui des émotions.

2.3.1 L’engagement dans la relation d’aide

Etablir une bonne relation demande à l’infirmière des capacités vues précédemment (congruence, empathie, respect, non jugement, conscience de son identité et de ses limites), auxquelles je rajoute celle de la maitrise de l’engagement qui est l’une des limites dont nous devons avoir conscience.

L’infirmière doit pouvoir s’engager un minimum dans la relation afin d’établir une alliance thérapeutique qui permettra d’établir une relation d’aide de qualité et de réaliser ses objectifs. Cependant, il faut savoir où commence et où s’arrête cet engagement car c’est lui qui peux guider la distance entre le soignant et le soigné. Lorsque l’engagement du soignant dans la relation est conséquent, le patient et le soignant peuvent avoir une relation « étroite ». A première vue, cela peut sembler faciliter la prise en charge et, l’infirmière peut ressentir un sentiment de satisfaction et de réussite de son rôle soignant et ainsi se sentir reconnue en tant que soignante.

En revanche, si cet engagement est mal ajusté, il peut affecter cette relation. S’il y a un excès d’engagement, il y a un risque d’attachement et le patient peut avoir des attentes qui dépassent le pouvoir de l’infirmière et peut alors mettre à mal l’objectif de celle-ci. En effet, l’infirmière peut ne pas avoir de réponse à donner au patient, c’est à ce moment-là qu’elle peut avoir l’impression d’être en échec. On peut alors s’imaginer être un mauvais soignant. Cela nous ramène à notre propre vulnérabilité et on se sent également fragile. C’était mon cas lors de la situation avec Mme P : je n’arrivais pas à maitriser l’entretien avec elle.

Margot PHANEUF explique que lors d’un entretien d’aide, « il faut que l’infirmière mette en œuvre une attitude, une posture et une action envers la personne dont il doit connaitre les effets. L’accompagnement lors d’une relation d’aide induit une proximité, voire une intimité dont elle doit anticiper les implications et les conséquences ».

19

Dans ma situation avec Mr et Mme P les facteurs influençant la relation (psychologiques, sociaux et physiques), l’intimité, les confidences, l’écoute et mon engagement ont engendrés un rapprochement et au fil des entretiens ont tissé une relation affective. Mais comment savoir jusqu’où peut aller l’engagement de l’infirmière ? L’engagement est précurseur de proximité et d’attachement.

Comme énoncer dans le concept précèdent, c’est grâce à l’expérience que l’infirmière apprend à se connaître, se forge sa propre identité et sait adapter sa posture en fonction des situations. C’est grâce à la connaissance de soi que chaque infirmière peut savoir jusqu’où elle peut aller sans se surmener. Avec tous ses savoirs elle sait anticiper les conséquences de cet engagement et peut ainsi maitriser ses entretiens.

2.3.2 L’influence du degré de la pathologie dans l’engagement

Je souhaite aborder l’influence du degré de la maladie dans l’engagement car je pense que pour moi, comme peut-être pour beaucoup de soignants, celui-ci influence sur le comportement et le relationnel. L’acceptation de la maladie par le patient influence également la prise en soin. Les patients et leur entourage sont souvent affectés par l’annonce d’un cancer. De plus, les représentations collectives du cancer sont encore assimilées à la mort.

Il y a souvent l’intervention d’émotions dans les relations avec des malades atteints de cancer, il faut alors savoir maitriser une juste distance et une juste mesure dans l’expression de ses émotions. Trop d’empathie peut entrainer des débordements émotionnels. A l’inverse une distance trop importante amènerait le patient à se sentir chosifié.

2.3.3 Les émotions

La conséquence d’une mauvaise conscience de soi et de ses limites peut engendrer un engagement trop intense et nous nous exposons, patient comme soignant à des émotions vives. Mais parfois, malgré une connaissance de soi avertie, nous pouvons tout de même nous retrouver face à des situations qui nous dépassent et de ce fait être envahie par des émotions. Dans tous les cas, le soignant est amené à devoir gérer ses émotions.

Selon la définition du Larousse, une émotion est une « réaction affective brusque et

momentanée, agréable ou pénible, souvent accompagnée de manifestations physiques ou de troubles physiologiques »33

.

Il existe des émotions positives (joie) et des émotions négatives (tristesse). Ensuite, elles peuvent se séparer en deux catégories distinctes.

o La première catégorie comprend les émotions dites primaires ou fondamentales. Charles DARWIN en dénombre six : la joie, la tristesse, la peur, la colère, le dégoût et la surprise. « Ce sont des émotions que chaque homme quel

33

Définition du mot émotion. Disponible sur : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9motion/28829. Consulté le 30/01/2016.

20

que soit sa culture et son environnement viendrait à ressentir, à exprimer et à reconnaitre chez les autres hommes. »34

o La deuxième catégorie comprend les émotions secondaires qui sont combinées

avec les émotions primaires (par exemple la honte avec la peur ou la tristesse) et qui nécessitent des élaborations cognitives.

La joie, la peur et la tristesse sont les émotions que je retiendrai pour la suite de l’étude car ce sont ces émotions qui sont apparues dans ma situation. Elles se traduisent par des expressions faciales, une modification vocale, une modification comportementale et de posture, une tachycardie ou bradycardie (en cas de peur).

o La joie se manifeste principalement par est un sourire « vrai », que Paul EKMAN qualifie de « sourire de Duchenne ». On le différencie des « faux » par un plissement des yeux particulier et un abaissement des sourcils. La joie peut entrainer des changements au niveau du comportement comme des rires ou des larmes de joie. C’est ce sentiment que j’ai ressenti lorsque nous étions, Mr, Mme P et moi dans l’échange animé et que je me sentais satisfaite dans la réussite de mon rôle de soignante.

o La tristesse se caractérise sur le visage par une position oblique des sourcils due à la contraction de muscles de la face, par des rides du front creusées, par un abaissement de la commissure des lèvres et parfois des larmes peuvent apparaitre. C’est l’émotion qu’a ressentie Mme P lorsque je l’ai retrouvée dans la chambre de Mr P après l’annonce de l’échec.

o La peur se manifeste par un écarquillement des yeux et un soulèvement des sourcils. Elle entraine une augmentation des fréquences cardiaque et respiratoire et la dilatation de la pupille. C’est l’émotion que j’ai eu lorsque Mme P a exprimé son besoin d’aide.

Les émotions dépendent de la relation et par conséquent de l’alliance thérapeutique établie entre le soignant et le soigné. Elles dépendent aussi de ce que le patient nous renvoie. Le vécu et l’expérience du soignant interfèrent aussi. Pour pouvoir aider il faut avoir accès aux émotions. Pour avoir accès aux émotions il faut ouvrir une porte et pour moi, la clef de cette porte c’est l’alliance. Chacun à sa manière de réagir face aux diverses situations.

Suite à des entretiens avec des infirmières professionnelles, Lydia Fernandez parle de la place et de la régulation des émotions dans la pratique infirmière et donne trois façons de les utiliser dans le soin :

o « Les émotions sont considérées comme nécessaires et elles sont un moteur pour le soin. »

o « Les émotions sont reconnues et régulées. Elles sont d’abord nommées et exprimées aux collègues puis elles peuvent être digérées. Ensuite on peut passer à autre chose. »

o « Les émotions sont réprimandées pour être professionnel : il faut se tenir en deca des émotions. Il ne faut pas se laisser déborder et être soi-même et lutter avec ses propres émotions pour pouvoir écouter l’autre. »

34

Lydia FERNANDEZ Professeur de philosophie et des sciences humaines à l’université de

Picardie

21

Le plus souvent c’est cette dernière qui prime sur les deux autres avec une image de soignante invulnérable et dévouée à la vie des autres. En effet, les avancées de la médecine, la technicisation des soins, les règles et les normes sociales laissent peu de place aux émotions des soignants. Catherine Mercadier évoque la « norme implicite » : « les soignants se doivent de maîtriser leurs affects ». Christian RICHARD nomme cette maitrise le « lissage émotionnel », qui est caractérisé par une neutralité du soignant et un « savoir-taire » lié aux émotions. Walter HESBEEN fait également ce constat, et évoque « une forme d’interdit professionnel associé à la sensibilité ».

D’un autre côte, ce sont les émotions qui nous informent lorsqu’il faut modifier nos comportements dans le rapport à l’autre ou non. Un déni de ses émotions nous rendrait aveugle et nous empêcherait de modifier notre comportement. Ces émotions (comme la souffrance) doivent être entendues des deux côtes : soigné et soignant. Nous, soignants, sommes là pour les patients qui souffrent. L’équipe soignante, elle, doit être présente pour les soignants qui ont affaire à des émotions trop intenses.

Thierry Janssen, célèbre chirurgien Belge, explique que « face à une difficulté, nous avons tendance à réagir par des émotions désagréables, par une pensée négative. C’est un

premier réflexe de survie. »35.

Avec Mme P j’ai été confronté à plus que ce que je pouvais surmonter : je n’ai pas pu l’aider dans la gestion de ses émotions. En effet, parfois lors d’un entretien, le patient peut nous ramener à des situations ou des émotions auxquelles on n’a pas de réponse. Lorsque nous n’avons pas de réponse à donner au patient, nous avons l’impression d’être en échec car nous n’arrivons pas à l’aider. On peut alors s’imaginer être un mauvais soignant. Cela nous ramène à notre propre vulnérabilité et on se sent également fragile.

C’était mon cas lors de la situation avec Mme P. Je n’arrivais pas à maitriser l’entretien. Face à cette difficulté, j’ai pris la fuite. Lorsque les émotions sont trop intenses et que le soignant est trop affecté, celui-ci met en place des mécanismes de défense.

Il est dit que le fait de dévier le sujet est un mécanisme de défense pour se protéger de nos propres angoisses, c’est une réaction inconsciente. Il y a l’angoisse de mort qui est une angoisse existentielle et qui existe chez tout le monde. Dans cette situation, il y a un effet miroir avec le patient. Je n’étais pas à l’aise avec la mort et cela s’est ressenti. Les émotions que me procure la mort m’ont bloqué car je n’ai pas de réponse pour rassurer l’entourage du patient sur une telle angoisse, qui est également la mienne.

Le mécanisme de défense intervient inconsciemment pour protéger l'individu contre des émotions insupportable à vivre, c'est donc afin de maintenir un équilibre émotionnel supportable. Le refoulement : rejet dans l'inconscient d'idées insupportables, l'évitement.

35

Série ca m’intéresse du 2 Mars 2012 Psychologie Positive – volet 2 - Sommes-nous fait pour aller bien ? Pages 26-27

22

Synthèse du cadre conceptuel

Après l’analyse de ma situation j’avais pour but d’investiguer quels étaient les facteurs qui influencent un tel lien avec le patient et son entourage. En étudiant ce qu’était une relation et comment elle s’établissait j’ai pu remarquer l’influence du type de la relation (institutionnelle, sociale, interpersonnelle et affectives), de la nature de la relation (sociale de civilité, fonctionnelle, aide et d’écoute et aide thérapeutique), de la présence des facteurs relationnels influençant une relation (facteurs psychologiques, sociaux et physique). J’ai également perçu l’importance de notre conception de l’humain et du soin : conceptions qui peuvent également influencer la relation avec la soigné.

Les écrits de Margot Phaneuf m’ont beaucoup éclairés pour déterminer un autre facteur pouvant amener une relation trop proche. Notamment lorsqu’elle explique que pour s’ouvrir à l’expérience de l’autre il faut être conscient de son identité et de ses propres limites. C’est grâce à cela que j’ai pu déterminer qu’il m’avait manqué de l’expérience professionnelle pour adapter mon positionnement, notamment pour maitriser mon engagement.

Ensuite, j’ai déterminé les éventuelles conséquences de ce lien établie dans la relation avec Mr et Mme P. J’en ai remarqué plusieurs, entre autre l’engagement dans la relation. En effet, dans une relation où nous sommes relativement attachés au patient nous avons tendance à nous engager davantage. C’est mon cas dans la situation avec Mr P. Le fait de s’engager dans une relation peut nous amener à plusieurs difficultés, à savoir celle de pouvoir gérer des émotions.

Au cours de l’élaboration de ce cadre conceptuel, j’ai relu plusieurs fois ma situation, l’analyse et les questions qui en ont découlés. J’ai trouvé que ma question de départ ne correspondait pas à mes questionnements face à cette situation. J’ai continué mes recherches et j’ai compris qu’en plus des facteurs relationnels qui peuvent influencer une relation, il y avait l’influence de l’expérience professionnelle. Par le biais de multiples lectures, j’ai compris que cette expérience permettait d’ajuster notre positionnement infirmier dans ce type de relation difficile. J’ai alors décider de modifier ma question de départ pour en faire la problématique suivante : En quoi notre expérience professionnelle nous amène-t-elle à ajuster notre positionnement dans la relation soignant-soigne et plus particulièrement lors des situations à fort enjeux émotionnels ?

23

3. Enquête de terrain

3.1 Méthodologie de l’enquête

Dans le but de comparer mon cadre conceptuel avec le milieu professionnel, j’ai décidé d’effectuer quatre entretiens exploratoires. L’objectif principal de cette enquête est de déterminer les facteurs ayant influencés un lien entre l’infirmière et le patient et en quoi l’expérience professionnelle les aide à ajuster leur positionnement dans les situations qu’elles jugent difficiles pour elle.

3.1.1 Choix et construction de l’outil d’enquête

Pour mener ces entretiens j’ai élaboré un guide36 composé de treize questions en lien avec la problématique et les différents concepts étayés précédemment. J’ai utilisé un entretien semi-directif dont les questions sont ouvertes afin que les professionnelles puissent répondre librement tout en suivant un fil conducteur.

Avant d’aborder les questions précises sur les différents concepts, j’ai souhaité me renseigner sur le profil de l’infirmière. C’est-à-dire sur ses années d’expérience et son parcours professionnel. Par la suite j’ai posé environ trois questions par concepts, chacune ayant un ou plusieurs objectifs spécifiques.

3.1.2 Choix et présentation des professionnelles interviewées

Pour réaliser les entretiens j’ai choisi d’interroger quatre infirmières. Ces personnes interviewées constituent l’échantillon. Elles exercent dans des établissements et des services de soins différents. Pour respecter l’anonymat je ne citerai pas leur nom.

Mon choix des professionnels s’est fait par rapport à deux facteurs. Tout d’abord, je souhaitais connaître l’opinion des professionnels ayant des années d’expérience différentes. En ce sens, j’ai interrogé une jeune infirmière, deux infirmières ayant pratiquement le même nombre d’années de diplôme et une infirmière retraitée. Ensuite, je souhaitais que ce soit des infirmières qui travaillent dans des secteurs différents.

La première infirmière que je nomme IDE N°1 travaille depuis deux ans dans un service d’hépato-gastro-entérologie. La deuxième infirmière, IDE N°2, est une infirmière diplômée depuis 16 ans et travaille dans un service de SSR (Soins de Suite et de Réadaptation). La troisième infirmière, IDE N°3 est une infirmière libérale diplômée depuis 11ans. Enfin, la dernière infirmière, IDE N°4 est aujourd’hui à la retraite et est diplômée depuis 39 ans.

36

Cf. Annexe II

24

3.1.3 Difficultés rencontrées

L’analyse portant sur seulement 4 entretiens infirmiers ne peut pas être totalement représentative.

De plus, de par la singularité des infirmières et de leur situation, les éléments de réponses, très subjectifs, ont été difficile à classer dans la grille d’analyse. Lors du dernier entretien, j’ai été mise en difficulté par les réponses de l’infirmière N°4 car j’ai dû m’adapter à des réponses que je n’attendais pas.

3.1.4 Traitement des données recueillies

Dans un premier temps j’ai enregistré les entretiens à l’aide d’un magnétophone puis je les ai retranscrits dans leur intégralité en essayant d’être le plus proche possible de la réalité. Ensuite j’ai réalisé une grille d’analyse37 qui m’a permis d’étudier ces entretiens en tenant compte des thèmes constituant ce mémoire. A savoir, les situations à forts enjeux émotionnels, l’engagement, la gestion des émotions et l’expérience professionnelle.

37

Cf. Annexe VII

25

4. Analyse du recueil d’informations

4.1 Mise en perspective des données théoriques et des données du terrain

Afin d’effectuer l’analyse j’ai décidé de traiter les questions les unes après les autres. Je ferai les liens entre les données obtenues lors de ces entretiens et mes recherches théoriques. J’effectuerai cette analyse en prenant en compte l’expérience de chacune des infirmières et leur singularité.

4.1.1 Présentation des interviewées

(Q1) Mon premier objectif était de connaitre l’expérience du professionnel interrogé ainsi que son parcours professionnel. J’ai alors décidé d’établir un tableau afin de faciliter l’observation des différentes expériences.

Entretien N°1

IDE court séjour : Hépato-gastro-entérologie

Entretien N°2

IDE moyen séjour : SSR

Entretien N°3

IDE secteur libéral

Entretien N°4

IDE à la retraite

Diplôme 2014 (2 ans) 2000 (16 ans) 2005 (11 ans) 1977 (39 ans)

Ancienneté au sein du service actuel

2 ans

1 an et demi

5 ans

35 ans

Expériences professionnelles

Courts séjours : Hépato-gastro-entérologie

Courts séjours : Urgences Chirurgie

Pédiatrie

Salle de réveil

Moyen séjour :

SSR

Liberal

Poul ORL

Moyens séjours : rééducation fonctionnelle pour adulte + enfant

Long séjours

Liberal

Courts séjours :

Chirurgie

Hépato-gastro-entérologie

Psychiatrie

Liberal

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Entre ces quatre infirmières nous pouvons observer trois groupes :

- IDE N°1 : jeune infirmière diplômée depuis 2 ans ayant travaillé dans un seul service de court séjour.

- IDE N°2 + IDE N°3 : ces deux infirmières ont à peu près le même nombre d’année d’expérience, cependant leur parcours est très différent. L’IDE N°2 a été dans beaucoup de service de courts séjours alors que l’IDE N°3 a davantage travaillé en long séjour.

- IDE N°4 : infirmière à la retraite ayant effectué du libéral tout au long de sa carrière.

Chacune de ces infirmières, de par leur singularité et leur parcours très varié ont vécu leurs propres expériences.

4.1.2 Présentation de leur situation complexe et émergement des facteurs

(Q2 et 4) Mon second objectif était de rentrer dans le vif du sujet en incitant la professionnelle à mentionner une des situations de sa carrière qui a été difficile pour elle et qui aurait pu sortir du cadre professionnel. Grace à cette question je pourrai commencer à identifier les éventuels facteurs qui ont provoqué la difficulté de cette situation.

Pour l’IDE N°1, la situation qu’elle confie concerne une patiente qui est souvent hospitalisée de jour pour ponction d’ascite. Elle est bien connue du service. L’IDE 1 et cette patiente ont établi un lien et cette infirmière est attachée à elle. Elle affirme qu’elle aurait risqué de sortir du cadre professionnel. En effet, elle insiste sur le lien qu’elles avaient établies (L. 14 ; 25), sur l’attachement (L.25) ainsi que sur l’implication émotionnel qu’elle lui a consacré (L.31 et 35). Elle explique la cause de ce lien, de cet attachement et de cette implication par plusieurs facteurs :

- Séjours récurrents (L. 11 ; 13 ; 14 et 29)

- La communication : des échanges et des partages importants entre la patiente et l’équipe (L. 16 ; 30)

- Facteur physique : Son état physique (L. 22 ; 26 ; 27 ; 36 ; 39)

- Facteur psychologique : La personnalité joviale et attachante de la patiente

Pour elle, c’est le fait de voir régulièrement la patiente, sa jovialité et leurs échanges qui ont fait qu’elles ont créé un lien et se sont attachées. Le fait d’être attachée à cette patente et de la voir dans un état critique a engendré une implication émotionnelle et physique de l’IDE 1.

Elle explique également que les liens établis avec les patients dépendent de chaque infirmière (L. 46), de notre état psychologique à une période donnée (L47), du temps à consacrer au patient (L. 49) ainsi que du feeling avec le patient (L. 45) et du courant (L. 50). A la fin de l’entretien elle rajoute que parfois il peut y avoir un transfert avec le soigné.

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L’IDE N°2 dit avoir eu une situation qui l’a beaucoup touchée. Elle n’est pas sortie du cadre professionnel mais elle a été mise en difficulté (L.17 et 41). Cette situation concerne la prise en charge d’un patient du même âge que l’IDE N°2 pour une fracture des cervicales avec une découverte de HIV positif. Suite à cette situation, elle s’est posée beaucoup de question, notamment au sujet de l’accompagnement (L. 37) et de la distance professionnelle avec le soigné (L. 40).

Selon elle, c’est l’âge, les pathologies du patient et le manque d’expérience (début de formation) qui ont provoqué cette difficulté lors de la prise en charge. Elle insiste sur le transfert qu’elle a fait avec ce patient à cause de l’âge identique.

L’IDE N°3 m’a fait part d’une situation qui l’a beaucoup touchée. C’était lors de la prise en charge d’un enfant dans un service de rééducation fonctionnelle. L’enfant était dans un état végétatif. Elle s’est retrouvée au milieu d’un conflit parental concernant une décision par rapport à l’arrêt de l’acharnement thérapeutique. Elle dit ne pas être sorti du cadre mais s’est sentie impuissante.

Pour elle, le facteur ayant provoqué cette situation est le transfert qu’elle a fait envers cet enfant. Comme pour l’IDE N°2, nous retrouvons la notion de transfert. Etant elle-même mère, elle s’est sentie d’avantage touchée par cette situation qui touche un enfant. De plus, elle explique que le relationnel établie avec son patient a aussi influencé cette situation. Notamment le partage par le biais d’une communication verbale et non verbale et ce partage instaure lui-même une proximité et de l’empathie.

L’IDE N°4, lors de l’entretien, n’aborde aucune situation difficile sortant du cadre professionnel. En revanche, hors enregistrement elle m’a fait part d’une situation où elle est sortie du cadre professionnel. Lors de son exercice en secteur libéral, elle prenait en charge une patiente ayant beaucoup de problèmes d’argent. Elle m’a confié lui avoir prêté de l’argent pour qu’elle puisse se nourrir.

Pour elle, ce don était nécessaire pour le bien-être physique de sa patiente.

Dans mon cadre théorique, j’ai pu mettre en évidence l’importance de l’influence des facteurs psychologiques, sociaux et physiques (cités par Manoukian) dans la relation entre le soignant et le soigné. Ces facteurs sont omniprésents dans les situations des infirmières. L’IDE 1 explique qu’elle a établi une bonne relation avec sa patiente notamment parce qu’elle la trouvait attachante et joviale (facteur psychologique) et a été touchée parce qu’elle l’a vu dans un état physique altéré (facteur physique). L’IDE 2 a elle, été touchée par la situation de son patient à cause d’un transfert lui-même causé par des facteurs physiques. L’IDE 3 a également fait un transfert par rapport à l’enfant, causé par des facteurs physiques et psychologiques.

Dans ma situation d’appel les facteurs physiques (degré de gravité de la pathologie, même âge que mes grands-parents), psychologiques (personnalité agréable) et sociaux sont aussi présents. Je remarque que j’ai également pu faire un transfert entre ces personnes et mes grands-parents.

28

4.1.3 Fréquence de ce type de situation

(Q3) La question suivante avait pour objectif de connaitre la fréquence de ce type de situation et la période de leur carrière à laquelle ces situations ce sont passées. Peut-être y a-t-il un lien entre la survenue des situations difficiles et leur expérience.

Pour trois des infirmières interrogées, ce genre de situation arrive fréquemment.

Pour l’IDE N°1, ce type de situation arrive fréquemment. Elle est en début de carrière. Elle explique que ce genre de situation arrive régulièrement car il y a de nombreuses prises en charge de fin de vie suite aux cancers.

Pour l’IDE N°2, ce genre de situation arrive également fréquemment. Elle explique que c’est dû au temps que passe les patients dans son service et au fait que parfois elle prenne en charge des personnes qu’elle connait de prêt ou de loin.

L’IDE N°3 évoque régulièrement l’attachement dans la raison de cette fréquence. Comme l’IDE 2, l’IDE N°3 met en relation les prises en charge de longue durée et l’attachement qui en découle. Cet attachement qui à son tour peut engendrer une sortie du cadre professionnel. Elle rajoute que le transfert et l’empathie qui en découle est aussi une raison de cette fréquence de ces situations difficiles. Notamment en libéral où nous rentrons dans l’intimité du patient et de son entourage.

Pour la majorité des infirmières, les situations dans lesquelles nous pouvons être mis en difficultés arrivent fréquemment. Chacune expliquent que la difficulté peut provenir de l’attachement qui se crée dû aux prises en charge de longue durée ou de fin de vie. Il n’y a pas forcement de rapport entre la survenue des situations difficiles et l’expérience de l’infirmière. En revanche cette dernière aide à la gestion de ces situations.

4.1.4 L’engagement selon l’infirmière

(Q5) L’objectif de cette question était de connaitre les représentations des infirmières sur l’engagement et si elles estimaient qu’il fallait y mettre des limites.

Pour l’IDE N°1, l’engagement est primordial depuis le début de sa carrière. Elle explique, comme l’IDE 2, que l’engagement dépend du soignant et de la situation à laquelle il est confronté.

Les IDE N°2 et N°4 sont en accord pour définir l’engagement comme un don de soi pour l’intégrité physique et psychique du patient. L’IDE 2 rajoute l’importance du travail en équipe par la notion de complémentarité des soignants. En effet, l’engagement d’une infirmière peut être complémentaire à son engagement à elle.

L’IDE N°3 explique que l’engagement dans une relation consiste à établir une proximité avec son patient ainsi qu’à élaborer un climat de confiance par l’écoute active. En ce sens, pour elle l’engagement, je pense, se présente dans l’élaboration d’une relation d’aide.

29

Concernant les limites de l’engagement, L’IDE N°1 n’a pas compris le sens des limites dans ma question. Mais ce qu’elle mentionne est tout de même intéressant. Elle évoque les limites de temps et organisationnelles. Elle explique que l’engagement est restreint à cause d’un manque de temps dû à de nombreux facteurs tels que la surcharge de travail, l’administration, le téléphone, les autres patients…

Les IDE N°2 et 3 mentionnent une limite d’engagement spécifique à la relation : le maintien d’une distance professionnelle adaptée pour ne pas se retrouver dans l’impuissance notamment par rapport aux attentes du patient. L’IDE N°3 évoque une situation où l’engagement était difficile car elle s’était engagée dans la négociation, dans la vie privée et dans la prise de décision du patient. L’IDE 2 évoque la possibilité d’éluder certaines questions du patient lorsque celles-ci sont trop intrusives et peuvent nuire à une juste distance.

A contrario, l’IDE N°4 n’évoque pas de limites.

(Q6) Concernant l’influence du degré de la pathologie dans l’engagement, les IDE N°1 et N°4 disent que ce degré de pathologie n’influence pas l’engagement. L’IDE 1 explique que son engagement est toujours égal, quel que soit le degré de la pathologie du patient. Elle explique en revanche que l’engagement est, lui, d’avantage influencé par le patient : s’il est réceptif ou non à l’engagement de l’infirmière. L’engagement dépend, selon elle, du lien établi avec le patient et de son ouverture à la communication, au partage. En revanche, elle rajoute que le degré de la pathologie influencerait d’avantage nos émotions.

En revanche, les IDE N°2 et 3 affirment que le degré de pathologie influence leur engagement. Notamment lorsque le pronostic vital du patient est engagé. Elles expliquent que dans ce type de prise en charge, elles instaurent une relation d’aide et l’IDE 2 évoque la notion du touché, lorsque les mots ne suffisent plus.

4.1.5 Les émotions dans les relations

(Q7) Cette question avait pour but de savoir quel type d’émotions les infirmières ont eu et quels moyens elles ont mis en place.

Les infirmières évoquent plusieurs émotions mais aussi des sentiments : la colère (IDE 1), l’impuissance (IDE 1+3), l’empathie (IDE 3), la surprise et le choc (IDE 4). Chaque infirmières ressent des émotions et des sentiments différents, qui varient selon le type de situation, le contexte, leur personnalité et leur propre expérience personnelle et professionnelle.

A l’unanimité, dans les situations compliquées, les infirmières partagent leurs émotions avec l’équipe soignante. Pour les IDE 1 et 2, le partage se fait lors des transmissions et pour l’IDE 3 il se fait avec les médecins car elle est seule dans son cabinet libéral. Elle évoque aussi un partage avec son entourage tout en gardant l’anonymat de ses patients. Elle explique qu’il est nécessaire d’évacuer pour se préserver mais que tout dépend de la distance adoptée avec son patient. L’IDE 2 explique que lorsqu’elle se sent dépassée, elle partage ses difficultés, délègue à une collègue ou aiguille vers une psychologue.

Les IDE 1 et 2 rajoutent l’importance de faire un retour sur la situation difficile vécue, de l’analyser et de prendre du recul. C’est une solution que j’ai également mentionné

30

dans mon cadre théorique. En effet, Benoit Grasser et Jose Rose expliquent que « la réflexion du sujet sur sa situation professionnelle lui permettra de passer d’une situation particulière à une capacité d’expérience susceptible d’enrichir sa pratique dans des situations

nouvelles et diversifiées »38

. En ce sens, il est important de retourner sur la situation vécue, de l’analyser et de comprendre pourquoi elle a été difficile, comprendre nos émotions et déterminer comment on aurait pu réagir. Ainsi, plus tard, nous pourrons ajuster notre positionnement afin de tendre à une distance professionnelle la plus adaptée possible.

Dans ma situation d’appel, j’ai également partagé avec l’équipe et j’ai essayé de ne rien faire paraitre au patient et à sa femme. Le retour sur cette situation m’a permis de la comprendre.

(Q8) Cette question avait pour objectif de déterminer quels étaient les facteurs ayant influencés la survenue des émotions chez ces IDE. Les IDE 1 et 3 disent que c’est leur engagement qui a engendré leur attachement dans la relation. 3 infirmières disent que c’est l’attachement qu’elles ont eu envers leur patient, le partage avec lui et son entourage et leur proximité qui ont, par la suite, influence la survenue des émotions. L’IDE 1 donne une autre raison : son manque d’expérience, selon elle : ‘ ptete que je donne (…) mon engagement est peut-être trop important aussi avec mes patients’.

L’IDE 2 rajoute que le degré de la pathologie de son patient à également influencé la survenue de ses émotions (comme l’IDE 1). Les IDE 2 et 3 mentionnent toutes deux, une difficulté à occulter le travail dans la vie personnelle : savoir faire la part des choses.

Dans mon cadre conceptuel j’explique que l’engagement dans la relation avec le patient est une conséquence de l’attachement qu’on a eu avec celui-ci. Or selon les infirmières interviewées, l’engagement ne serait pas une conséquence mais la cause d’un attachement. En effet, l’IDE 2 explique que l’engagement c’est le don de soi pour la confiance. Donc qu’avec l’engagement, la confiance se crée, le lien et donc l’attachement aussi.

(Q9) L’objectif de cette question était de connaitre l’avis des IDE sur la place des émotions dans le soin. Les infirmières sont toutes plus ou moins en accord. Chacune pense que partager ses émotions n’est pas un manque de professionnalisme. Elles échangent toute avec l’équipe soignante et/ou les médecins. L’IDE 1 ne signale rien aux patients. Elle rajoute que les émotions et ce qu’on en fait est propre à chacun. En effet, l’IDE 3 dit qu’elle partage parfois les bonnes émotions pour le bien-être de ses patients tout en gardant une distance professionnelle. L’IDE 3, elle, évoque un simple signalement à son entourage tout en respectant le secret professionnel.

4.1.6 L’influence de l’expérience dans une situation complexe

(Q10) Avec cette question j’attendais de savoir quel positionnement l’infirmière avait pris lors de sa situation. Chacune des infirmières dit que son positionnement lors de telles situations doit tendre à rester professionnel.

38

Article « l’expérience professionnelle : ses acquisitions et ses liens à la formation »

31

L’IDE 1 insiste sur le fait qu’elle fait son travail comme elle le doit, sans montrer ses émotions aux patients. L’IDE 2, comme dit précédemment explique qu’elle garde une distance avec son patient tout en donnant de soi pour l’intégrité de son patient. Elle a consciente de ses limites et sait déléguer ou aiguiller vers un autre professionnel. L’IDE 3 évoque une protection émotionnelle pour ne pas sortir du cadre de la relation : prendre sur soi pour ne pas se laisser envahir par les émotions. L’IDE 4, elle, n’a aucune implication émotionnelle mais sait être attentive et à l’écoute pour une bonne prise en charge.

(Q11) L’objectif de cette question était de savoir si leur positionnement au cour de leur carrière avait évolué. La majorité des infirmières disent que leur positionnement a effectivement évolué au cours de leur carrière. L’IDE 2 dit que l’expérience permet d’améliorer notre qualité de prise en charge. L’IDE 3 explique qu’en début de carrière, nous n’avons pas les ressources nécessaires (dans les actions et les réactions) pour maitriser des situations complexes et imprévisibles.

Ces avis font échos avec ce dont j’ai évoqué dans mon cadre conceptuel. Comme quoi l’expérience professionnelle, grâce à l’apprentissage, les formations et le vécu de situations multiples, elle forge notre identité et nous permet d’acquérir certaines ressources.

(Q12) Le but de cette question était de connaître l’idée que les infirmières ont du concept de l’expérience et savoir si elles estiment qu’il joue un rôle dans notre posture lors des situations difficiles et pourquoi. Leurs avis sur l’influence de l’expérience dans des situations difficiles sont variés. Selon l’IDE 1, l’expérience nous permet d’acquérir des connaissances sur les pathologies prévalentes qui nous aide à anticiper notre positionnement (par exemple face aux fins de vies récurrentes dans ce type de service). En effet, elle explique que l’accompagnement et l’engagement par rapport aux prises en charge difficiles évoluent. Les IDE 2 et 3 expliquent que l’expérience permet également l’acquisition de connaissances sur les soins et nous permet d’être plus à l’aise. L’IDE 2 explique que grâce à l’amélioration des soins techniques, il y a une diminution du stress ce qui favorise le relationnel.

Comme je l’ai mentionné dans mon cadre conceptuel, l’expérience permet d’ajuster notre positionnement à savoir notre engagement, accompagnement par l’anticipation grâce à nos connaissances notamment.

Selon les IDE 2 et 3, l’expérience professionnelle amène à une confrontation à de multiples situations qui amène à une maturité. En ce sens, nous apprenons à nous connaitre (conscience de soi) et prenons conscience de nos limites. Selon L’IDE 2, une remise en question régulière permettrait d’ajuster son comportement. L’IDE 3 ajoute que l’expérience nous permettrait d’apprendre à gérer nos émotions, notamment face au transfert. L’IDE 1 est en accord car elle explique que l’expérience permet également de déceler les situations à risque d’enjeux émotionnels contrairement au tout début de sa carrière.

Ces explications sont tout à fait en accord avec mon cadre théorique.

Informations supplémentaires : A plusieurs reprises, 3 des 4 infirmières ont évoqué une singularité chez les soignants.

32

4.2 Synthèse de l’analyse

Après l’analyse de l’enquête de terrain, je constate que les infirmières sont majoritairement en accord avec ce que j’ai développé dans mon cadre conceptuel. Cependant, certaines infirmières font ressortir d’autres concepts qui sont en rapport avec ma thématique et relatives aux situations à forts enjeux émotionnels.

Je m’aperçois que la singularité des infirmières ainsi que celle des patients font que chaque situation est différente. En revanche, on retrouve à chaque situation la présence des facteurs (présentés par Alexandre Manoukian) influençant les relations entre le patient, son entourage et le soignant. Les infirmières ont presque toutes fait ressortir l’omniprésence et l’influence du transfert dans les relations avec les patients et leur entourage. C’est un concept que je n’ai pas évoqué dans mon cadre conceptuel. Ce transfert peut être une conséquence directe de la concordance des facteurs physique et relationnels entre deux individus et de leur histoire de vie personnelle. Et effectivement le transfert peut être un facteur influençant la survenue d’une situation à fort enjeux émotionnel. Il peut engendrer un engagement et une distance mal ajustée et a fortiori, un positionnement mal adapté. Un autre facteur influencerait cette survenue : le degré de la pathologie du patient. Celle-ci amène, selon les infirmières, à d’avantage d’engagement pour certaines, d’émotions pour d’autres.

De là, à cause de ces facteurs provoquant un attachement et un grand engagement (comme notamment dans la proximité et l’empathie établis par le biais d’une communication et un partage important) il peut y avoir une mauvaise gestion de la distance professionnelle (à cause du positionnement) pouvant à son tour engendrer des situations à forts enjeux émotionnels. De là j’en ressors que la distance professionnelle est un concept important concernant le positionnement infirmier.

Deux infirmières expliquent qu’il est nécessaire de poser des limites afin de tendre à adopter une juste distance et donc d’éviter de se retrouver dans des situations où nous nous retrouvons impuissant face aux attentes et besoins du patient et de son entourage. Elles évoquent également l’importance de l’expérience pour se forger, murir (prendre conscience de soi et de ses limites) et avoir les ressources nécessaires (relationnelles et techniques) à la gestion de ces situations difficiles. Selon elles, c’est en partie grâce à l’expérience qu’elles peuvent gérer leur positionnement dans les situations à fort enjeux émotionnels. Notamment dans leur engagement, dans l’accompagnement et dans la gestion de leurs émotions.

Concernant l’engagement, la moitié des infirmières le définissent comme un don de soi pour conserver l’intégrité du patient, son autonomie. En revanche, comme je l’ai expliqué ci-dessus, les infirmières expliquent que c’est leur engagement qui influence le lien avec le patient dans leur relation. A contrario, dans mon cadre conceptuel j’expliquais que c’était le lien établi avec le patient qui influençait notre engagement. Je pense que les deux sont possibles. Elles rapportent en plus de mon cadre conceptuel, l’importance du travail d’équipe et de la complémentarité des soignants dans les prises en charges difficiles et la gestion des émotions.

33

4.3 L’évolution du questionnement

Tout au long de ce travail, mon avis sur le sujet a évolué. Ma question de départ était : En quoi les facteurs favorisant l’attachement influencent ils la distance dans la relation soignant-soigné ?

Dans mon cadre conceptuel j’ai mis en évidence les facteurs qui influencent un lien d’attachement avec le patient et son entourage. J’ai ensuite étudié l’importance de l’expérience professionnelle pour adapter son positionnement professionnel, notamment pour maitriser son engagement et ses émotions. Enfin, j’ai étudié l’importance de l’ajustement du positionnement infirmier dans ces situations où l’attachement est présent, notamment dans l’engagement et l’accompagnement.

C’est pour cela que j’ai élaboré la problématique suivante : En quoi notre expérience professionnelle nous amène-t-elle à ajuster notre positionnement dans la relation soignant-soigné et plus particulièrement lors des situations à fort enjeux émotionnels ?

Grace à l’enquête de terrain je me rends compte de la présence d’autres facteurs : le transfert, la communication, l’accompagnement, le partage, le travail d’équipe… Je m’aperçois qu’avec la singularité des situations et des infirmières, il n’y a pas une seule prise en charge qui se ressemble et donc pas une seule charge émotionnelle qui se rapproche. Malgré l’expérience nous pouvons être touchés par une situation car nous sommes des êtres humains. Mais l’expérience peut nous aider à ajuster notre positionnement et a apprendre à gérer nos émotions.

34

Conclusion

Dans l’élaboration de ce mémoire d’initiation, j’ai commencé par développer ma situation d’appel et l’analyser. Par la suite, j’ai posé mes différents questionnements. Après un moment de réflexion et avec l’aide de ma formatrice, j’ai pu faire ressortir une question de départ qui, selon moi, contenait de nombreuses notions que je trouvais intéressantes à investiguer. Grâce à cette question de départ j’ai pu faire ressortir trois grands concepts infirmiers que j’ai développés dans une seconde partie que j’ai nommé le cadre théorique. Celui-ci est constitué de l’étude de la relation soignant-soigne, le positionnement infirmier et l’engagement. Lors de l’étude de ces concepts, j’ai détaillé d’autres concepts que je considérais fondamentaux aux concepts généraux. C’est après l’étude de ces concepts que ma problématique s’est révélée. Dans une deuxième partie j’ai confronté le cadre théorique à une enquête de terrain effectuée par le biais d’entretien de quatre infirmières. Cette enquête à fait émergé de nouveaux concepts comme le transfert.

De ce travail j’en ressors plusieurs apports. Premièrement, j’ai compris la complexité de la relation soignant-soigné, notamment ce qui influence les liens établis entre les protagonistes. Comme par exemple, la personnalité, le vécu, le milieu social ou encore l’âge de chacun. Parfois, ces protagonistes (le soigné, son entourage et le soignant) peuvent s’attacher les uns aux autres, comme ce qui s’est passé dans ma situation d’appel avec Mr et Mme P. De là, le patient et son entourage peuvent mettre en difficulté le soignant (par des émotions, des besoins ou des attentes complexes). Ensuite, j’ai compris que l’expérience professionnelle peut être fondamentale dans l’évolution d’une infirmière par l’acquisition des connaissances, de l’identité professionnelle et la distinction de nos limites. Car grâce à ces notions, nous pouvons ajuster du mieux possible notre positionnement : une distance professionnelle et un engagement adapté à la situation afin d’optimiser la prise en charge. En ce sens, l’expérience professionnelle est une ressource essentielle pour les prises en charge à forts enjeux émotionnels. En effet elle contribue à l’évolution d’une identité professionnelle et à l’enrichissement des connaissances. Grâce à elle, nous pouvons peut-être gérer au mieux les situations à forts enjeux émotionnels.

Ce travail m’a permis de prendre du recul par rapport à ma situation qui m’a à l’époque beaucoup touchée. Aujourd’hui je suis actuellement en stage dans un service d’hépato-gastro-entérologie. Dans ce service, nous prenons en charge de nombreux patients atteints de cancer et dont le pronostic vital est engagé. Jusqu’alors j’ai dû faire face à deux décès. Le fait d’avoir effectué ce mémoire m’aide à ajuster mon positionnement, notamment en maitrisant mon engagement et mes émotions dans ce type de situation. J’arrive d’avantage à prendre de la distance même si ces situations me touchent. Car malgré l’expérience, nous sommes des êtres dotés de capacités à ressentir, le pilier central reste l’humanitude : elle nourrit et conduit la profession d’infirmière.

35

Bibliographie

Ouvrages :

ALBARELLO Luc et al. Expérience, activité, apprentissage. Paris : Presses universitaires de France, 2013. 249 p.

BOURGEON Dominique. Identités professionnelles, alternance et universitarisation. Paris : Lamarre, 2009. 332 p.

BOURGEON Dominique. Le modèle infirmier : engagement et identité. Paris : Lamarre, 2014. 257 p.

CHALIFOUR, Jacques. La relation d’aide en soins infirmier. Paris : Editions Lamarre.

DESHAYS Catherine. Trouver la bonne distance avec l’autre grâce au curseur relationnel

FORMARIER, Monique, JOVIC Ljiljana. Les concepts en sciences infirmières. 2è éd. Édition Mallet Conseil, 2012. 328 p.

GRIPI : Groupe de recherche interprofessionnel sur la profession de l'infirmière. L'Identité professionnelle de l'infirmière. Paris : le Centurion, 1986. 150 p.

HALL Edward T., CHOAY Françoise, PETITA Amélie. La dimension cachée. Collection Points, 2014. 254 p.

KONE Tiédaba. Cancer, cultures et soins : une approche humaniste de la prise en charge des patients. Paris : l'Harmattan, 2011. 198 p.

LUMINET Olivier. Psychologie des émotions : Confrontation et évitement. Belgique : DeBoeck, 2002. 254 p.

MANOUKIAN Alexandre, MASSEBEUF Anne. La relation soignant-soigné. 2ème Edition. France : Lamarre, 2001. 173 p.

PHANEUF Margot. La relation soignant-soigné : Rencontre et accompagnement

POTIER Marguerite. Le dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers. Paris : Lamarre, 2000. 363 p.

PRAYEZ, Pascal, SLIWKA, Corinne (sous la coordination de). Distance professionnelle et qualité du soin. 2è éd. Rueil-Malmaison : Lamarre, 2009. 287 p.

36

Articles de revues :

CHARAZAC Marguerite, Alliance thérapeutique et empathie. Santé mentale, Septembre 2011, n°158. p. 83.

FISCHER Gustave-Nicolas, Le concept de relation en psychologie sociale. Recherche en soins infirmiers, Mars 1999, n°56. p. 4-11.

GRASSER Benoit, ROSE Jose. L’expérience professionnelle : ses acquisitions et ses liens à la formation. Formation emploi, 2000, n°71. p. 5-19.

MALLEM Elke. La distance professionnelle. Objectif soins, Mai 2005, n°136. p. 22-23.

QUINON Marie. Identification et distance professionnelle. Soins Aides-soignantes, Octobre 2009, n°30. p. 20-21.

Ressources internet :

DUBOISSET Rolande. Toucher dans les soins et dans la relation thérapeutique [format Microsoft world]. Cours : Unité d’Enseignement 4.2 : Institut Formation Joël Savatofski (Consulte le 15/12/2015). Disponible sur : http://david.mathey.perso.sfr.fr/cours%20ifsi%201er%20ann%C3%A9e/cours%20ifsi%202009-2010/UE.4.2/UE%204.2%20relation%20de%20soin.doc

HAL ARCHIVES OUVERTES [en ligne] (Consulté le 23/03/2016). Disponible sur : https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00339073/document.html

LAROUSSE [En ligne]. [Consulté le 19/03/2016]. Disponible sur : http://www.larousse.fr

L’IDENTITE PROFESSIONNELLES [en ligne] (consulté le 15/02/2016). Disponible sur : www.infirmier.com/actualites/quelle-identite-professionnelle-pour-les-infirmiere.html

37

Sommaire des Annexes

Annexe I : Les distances physiques selon E.T. Hall …………………………I

Annexe II : Guide d’entretien ..........………………………………………………...II

Annexe III : Retranscription de l’entretien N°1…..………………………………..IV

Annexe IV : Retranscription de l’entretien N°2 ………………………………....XI

Annexe V : Retranscription de l’entretien N°3 …..…………………………….XVIII

Annexe VI : Retranscription de l’entretien N°4…………………………………XXIV

Annexe VI : Grille d’analyse …………………………………….………………XXVI

I

Annexe I : Les distances physiques selon E.T. Hall

Edward T. Hall, anthropologue américain, a décrit dans son livre « La dimension cachée », la dimension subjective qui entoure un individu et la distance physique à laquelle les individus se tiennent les uns des autres. Cet espace personnel varie selon les personnes, la relation établie, les habitudes culturelles et certains facteurs personnels, toutefois on peut définir les grandes lignes suivantes : La distance publique : elle est de plus de 7 mètres, et se situe en présence d’un

grand nombre de personnes, comme dans le cas de conférence. .

La distance sociale : c’est la distance propre à une relation professionnelle ou commerciale, elle se situe entre 1,20 à 3,60 mètres environ, elle implique un certain détachement. A cette distance, on se sent en sécurité, ce qui permet de communiquer librement et les émotions sont généralement bien maîtrisées. .

La distance personnelle : elle est synonyme d’une bonne entente entre les interlocuteurs et correspond à une distance évoluant entre environ 0,45 à 1,20 mètres. C’est une distance favorisant un échange bénéfique, on se sent proche et compris, le dialogue est fluide. .

La distance intime : laisser entrer quelqu’un en dessous de la distance personnelle signifie qu’il existe une relation privilégiée entre ces personnes elles pénètrent alors dans leur bulle de protection. Il s’agit d’un espace qu’il convient de respecter afin que la personne ne se sente pas agresser dans son intimité.39

39

Edward T. Hall (Auteur) - Françoise Choay (Auteur) - Amélie Petita (Auteur). La dimension

cachée - Paru en mai 2014 - Essai

II

Annexe II : Guide d’entretien

Présentation de l’interviewée

1. Depuis combien de temps exercez-vous en tant qu’infirmière ? Quel est votre parcours ?

Objectif : Connaître l’expérience de cette professionnelle 

Présentation de sa situation

2. Vous est-il arrivé de vous retrouver dans une situation au cours de laquelle vous avez senti que votre relation avec le soigné sortait ou risquait de sortir du cadre professionnel?

Si oui, pouvez-vous m’expliquer ?

Objectifs : C’est l’accroche, l’objectif est de rentrer dans le sujet. Si la professionnelle sait reconnaître les signes

3. Cela vous est-il arrive plusieurs fois ? Objectifs : Connaître la fréquence de ce genre de situation et à quel moment de sa carrière

4. Selon vous, qu’est ce qui a fait que vous vous êtes rapproché de ce patient? Objectif : Connaître les raisons selon cette professionnelle qui ont amené sa relation à devenir trop proche, et savoir si ces raisons ont un lien avec les facteurs cités par MANOUKIAN, son expérience, son engagement ou d’autres raisons? Ses représentations sur l’engagement

5. Qu’évoque pour vous l’engagement dans une relation de soin ? Pensez-vous que l’engagement a des limites ?

Objectif : Savoir ce qu’elle pense de l’engagement et si elle considère qu’il faut y mettre des barrières.

6. Pensez-vous que le degré de gravité de la pathologie du patient influence notre engagement ?

Objectif : Savoir si son engagement est influencé par la maladie de son patient.

Sa gestion de ses émotions et les causes de celles-ci

7. Cette situation a-t-elle provoque des émotions trop intenses ? Si oui, quels moyens avez-vous mis en place ?

Objectif : Savoir si la professionnelle s’est déjà retrouvée face à une situation qui l’a émue. Si c’était une jeune diplômée. A quelles ressources elle a fait appel.

8. Qu’est ce qui selon vous a pu influencer la survenue de vos émotions? Objectif : Savoir si l’expérience de ce professionnel, l’engagement, l’empathie a influencé la relation avec le patient et a amené la situation à devenir trop intense ?

9. Pensez-vous qu’il est nécessaire d’exprimer ses émotions, ou au contraire faut-il les taire? Selon vous, exprimer ses émotions serait-t-il un manque de professionnalisme?

Objectif : Savoir quelle est la place des émotions dans le soin pour ce professionnel ?

III

L’expérience professionnelle

10. Quel positionnement infirmier avez-vous adopté lors de cette de situation ? Objectif : Connaitre comment elle s’est située lors de cette situation

11. Votre positionnement a-t-il évolué au fil de votre carrière ? Si oui, pouvez-vous m’expliquer cette évolution ?

Objectif : Comment elle a perçu l’évolution de son positionnement

12. Pour vous, en quoi l’expérience permet d’améliorer notre façon de prendre en charge le patient et son entourage lors des situations difficiles.

Objectifs : Connaître l’idée que l’infirmière à de ce concept et savoir si elle estime qu’il joue un rôle dans notre posture lors des situations difficiles et pourquoi 

13. Pour conclure, souhaitez-vous rajouter quelque chose ?

IV

Annexe III : Retranscription de l’entretien N°1

Lexique : (…) : Hésitation ; / : coupure

Moi : « Bonjour, cet entretien restera anonyme et confidentiel. Donc euh (…) depuis

combien de temps exercez-vous en tant qu’infirmière et quel est votre

parcours ? »

IDE 1 : « Donc moi j’exerce euh (…) depuis euh (…) pratiquement deux ans

maintenant. Et euh (…) j’ai toujours travaillé en hépato-gastro-entérologie. Donc c’est

un service qui regroupe les patients euh (…) qui viennent pour des (…) des courts

séjours plutôt. Et euh (…) on a également beaucoup de fin de vie euh (…) voilà. »

Moi : « D’accord, vous est-il arrivé euh (…) durant votre carrière de vous retrouver

dans une situation au cours de laquelle vous avez senti que votre relation avec

le soigné sortait ou risquait de sortir du cadre professionnel ? »

IDE 1 : « Alors oui ! Euh (…) On a eu une, une fois où en fait c’est une patiente qu’on

voit deux fois par semaine en hôpital de jour. Donc cette patiente-là elle est suivie pour

une cirrhose heu (…) alcoolique. Euh (…) avec une décompensation œdémato-

ascitique. Donc cette patiente là on l’a voyait deux fois par semaine pour des ponctions

d’ascite. Et c’est vrai que on crée un lien. Parce que ben (…) à voir les patients deux

fois par semaine euh (…) ils connaissent euh (…) ils nous connaissent nous du coup

et (…) et eux aussi parce qu’on échange beaucoup. Et euh (…) cette dame là en fait

euh (…) un jour est (…) a été en encéphalopathie, en coma encéphalopathique, lié à

sa cirrhose. Et euh (…) et en fait voilà. Elle était (…), donc elle était dans un autre

service. Et euh (…) et quand elle est arrivée dans notre service (…). Parce qu’elle était

hébergée, on n’avait pas de place pour elle. Quand elle est arrivée dans notre service

en fait euh (…) voilà (…) ils avaient pas fait de lavement au duphalac. Donc euh (…)

donc euh (…) bah elle était susceptible de mourir en fait euh (…) dans les heures qui

venaient. Et en fait euh (…) voilà ! Et nous on a réussis en quatre heures avec trois,

quatre lavements au duphalac à la (…) à la sauver en fait. A la sauver. A la ramener en

tout cas euh (…) à un état de conscience, voilà ! Et euh (…) et en fait euh (…) c’est

une patiente avec qui on a beaucoup de, de liens. Donc forcément on s’attache aussi

et de la voir dans un état euh (…) voilà, très critique. Un état très critique et puis euh

toute chétive fin (…) voilà on avait envie de (…) de s’occuper d’elle beaucoup fin (…)

peut être plus que d’autres patients parce qu’on la connaissait beaucoup, parce qu’on

la prend en charge depuis euh (…) des années et des années. Et que euh (…) voilà,

c’est une des patiente de notre service qui (…) que tout le monde connait et donc (…).

Moi personnellement et même toute l’équipe on s’était impliqué émotionnellement et de

la voir euh (…) dans un état comme ça, ça nous a vraiment beaucoup touché et moi

aussi. Et c’était pas évident parce que on était quelque part énervé contre l’autre

service qui n’avait pas fait les lavements au duphalac mais peut-être qu’ils

connaissaient pas euh (…) voilà euh (…) la façon de soigner ça. Et donc euh (…)

ouais, on s’était impliqué et c’est vrai que de la voir euh (…) dans son lit toute petite,

toute euh (…) chétive, j’sais pas comment le dire euh (…) »

V

Moi : « Fragile ? »

IDE 1 : « Voilà, fragile ! Et ben (…) ça nous a (…) fin moi en tout cas ça m’avait (…)

j’avais envie de faire plus pour elle quoi ! »

Moi : « D’accord. Et donc euh (…) Est ce que ce genre de situation vous est arrivé

plusieurs fois ? »

IDE 1 : « Alors (…) Oui. Euh (…) Y’a plein d’autres situations parce que avec euh (…)

la cancérologie c’est vrai que les fins de vie on en a énormément. Euh (…) après on

s’at… on (…) y’a un feeling, j’sais pas comment dire, qui passe avec certains patients,

d’autres, pas du tout ! Et euh (…) voilà, ça dépend après de chacun. Ca dépend aussi

de ces émotions à nous sur une période donnée, sur une journée donnée. Y’a des fois

où on va avoir beaucoup de travail, où on va pas avoir le temps de s’impliquer

émotionnellement et des fois où euh (…) bah voilà, on aura plus le temps de

s’impliquer, de parler avec les patients et là on peut euh (…) voilà on peut (…) y’a voilà

(…) y’a le courant, je sais pas comment appeler ça (…) qui passe ou pas avec certains

patients. »

Moi : « D’accord. Et donc euh (…) Selon vous par rapport à la situation que vous

m’avez expliqué ; qu’est ce qui a fait que vous vous êtes rapproché de ce

patient ? Vous avez parlé là de euh (…) du temps qu’elle passait dans votre service.

Donc ça a joué. Est-ce qu’il y a d’autres facteurs qui ont pu provoquer cette

situation ? »

IDE 1 : « Alors oui, il y a d’autres facteurs. C’est (…) c’est une dame en fait que j’ai

rencontré dès le premier jour où j’étais en hépato-gastro. Et euh (…) elle est très

joviale, elle envoie beaucoup de bonne humeur de (…) voilà, malgré sa maladie. Et

c’est vrai que euh (…) elle est très attachante et puis elle pose beaucoup de questions

aussi sur nous parce qu’elle nous voit tous les (…) trois, quatre jours. Donc euh (…) au

final ben elle connait quelque part euh (…) parce que bon ! Soit on se livre ou on ne se

livre pas, moi après je sais que personnellement je peux (…) facilement parler de ma

vie mais si on me pose des questions je vais pas raconter ma vie à tout le monde mais

(…) c’est euh (…) voilà. On avait créée vraiment un lien et euh (…) et ce lien justement

nous a (…) de la voir tous les trois jours (…) C’est difficile après de casser cette (…) fin

de (…) que la barrière reste et que nous on reste dans notre position de soignant

complétement avec le cadre et euh (…) voilà, c’est (…). En fait (…) pardon j’ai plus de

voix. En fait la (…) la chronicité des (…) fin la chronicité de sa maladie a fait que

forcément on la voyait beaucoup plus et euh (…) et du coup bah nous aussi on s’est

attaché quelque part à elle parce qu’on connaissait sa vie, on connaissait ses enfants,

on connaissait voilà ! Et donc euh (…) »

Moi : « Il y a eu beaucoup d’échanges. »

VI

IDE 1 : « Voilà ! Il y avait des échanges et, et ça, ça fait que voilà, le cadre et la

barrière qu’on se met en tant que soignant habituellement qui est plus facile pour euh

les patients qu’on voit trois, quatre jours où on a moins de (…) où on les voit moins.

Voilà ! Donc ça c’est vrai que (…) je sais plus ! »

Moi : « Euh (…) Au sujet de l’engagement, qu’évoque-t-il pour vous dans une

relation de soin ? Est-ce que vous pensez que l’engagement a des limites ? »

IDE 1 : « Alors, pour moi l’engagement dans une relation de soin c’est primordial. Euh

(…) voilà c’est (…) de toujours hein ! Quand j’étais élève voilà c’est toujours quelque

chose de primordial. Après euh (…) après y’a tellement de facteurs externes à la

relation soignant-soigné que l’engagement en est des fois perturbé et euh (…) on n’a

pas toujours l’engagement qu’on voudrait euh (…) leur donner aux patients. C’est-à-

dire que euh (…) voilà dans le service où je travaille on est euh (…). Si un patient n’a

pas besoin de soin particulier, je passe en général dix minutes dans la journée, voire

quinze seulement avec eux. En quinze minutes je peux pas m’engager autant que je

le souhaiterai. Mais après voilà, y’a des, y’a des facteurs de temps, y’a des facteurs

d’administratif, y’a le téléphone qui sonne en permanence. Y’a les autres patients, y’a

des urgences, y’a voilà ! Donc l’engagement oui, pour moi c’est primordial. Mais

euh(…) voilà ! L’engagement c’est quelque chose je pense, qui est propre à soi-même.

Je pense que chaque infirmière à son identité et ne se (…) s’engage différemment

avec le patient. Y’a des, y’a des (…) Je vois avec des collègues parce qu’on en

discute beaucoup après euh (…) fin aux transmissions. C’est vrai que comme on a un

service lourd au niveau émotionnel, parce qu’on peut passer d’une chambre avec des

patients alcooliques qui vont se déperfuser, qui vont être endetté. Et des patients où

(…) juste à côté ça va être une fin de vie. Voilà, faut accompagner la famille. Donc il y

a de l’énervement d’un côté, y’a (…). On a tellement d’émotions en (…) dans une

journée de travail que l’engagement est différent avec chaque infirmière, chaque

journée est différente au niveau de son engagement. Et voilà ! Et euh (…) c’est vrai

qu’après les (…) quand on en parle aux transmissions des patients, on parle beaucoup

de notre engagement et de notre ressenti avec les patients. Et chacune s’engage

différemment. »

Moi : « D’accord. Euh (…) Est-ce que (…) Ouais. Est-ce que vous pensez que le degré

de gravité de la pathologie du patient influence notre engagement. Vous avez un peu

répondu (…)

IDE 1 : « Ouais (…) »

Moi : « Par exemple quelqu’un qui va être en fin de vie (…) »

IDE 1 : « Ouais alors après euh (…) j’dirai pas forcément. Fin (…) Euh (…) Oui la

pathologie (…) Alors c’est au niveau des émotions euh (…) ça va être différent, au

niveau de la pathologie, au niveau du stade où ils en sont dans leur pathologie. Mais

après au niveau de l’engagement, puisque c’était ça plutôt qu’on parlait. Euh (…) au

niveau de l’engagement euh (…) j’essaie toujours de donner la même chose à l’un qu’à

l’autre. Après c’est sûr que comme je disais tout à l’heure, le, le lien euh (…) le lien

VII

avec le patient n’est pas toujours le même parce que je ne sais pas parce que (…) y’a

des fois où les patients vont être plutôt prostrés et ne voudront pas en parler de leur

maladie. D’autres vont être très libéré par rapport à la pathologie. Ca dépend en fait.

J’pense que voilà, moi j’ai (…) j’offre, fin je (…). Voilà mon engagement est le, est prêt

à être donné de la même manière aux patients mais peut-être pas après euh (…)

après c’est le patient j’pense qui le prend ou le prend pas. Fin voilà moi je (…) voilà,

j’suis une soignante. Pour moi être soignant c’est soigner les uns comme les autres et

avec leurs défauts, leurs (…) leurs pathologies diverses et variées. Pour moi je donne

la même chose à tous, après prennent ou ne prennent pas ceux qui le veulent de mon

engagement. »

Moi : « OK, très bien. Euh (…) Donc, cette situation dont vous nous avez parlé ou

bien une autre peut-être, a-t-elle provoqué des émotions trop intenses et si oui,

quels moyens vous avez pu mettre en place ? »

IDE 1 : « Alors moi je sais que quand j’ai une situation qui me (…) qui vient vraiment

me (…) au niveau des émotions me perturber. Euh (…) j’essaie de prendre du recul

euh (…) voilà ! Je me remets un petit peu, quand j’ai été trop loin ptete avec mes

émotions. En moi-même parce que j’pense pas que le patient le ressente. Ce que je

(…) ce que je ressens j’pense pas que le patient le ressente. Mais j’essaie de me dire

bon (…) voilà souvent quand je fais mes transmissions écrites ou (…) je prends un

petit temps moi aussi pour me dire « bon voilà, tu fais ton travail, et tu restes, tu restes

à ta (…) » voilà, je (…) j’essaie de rester à ma place de soignante et euh (…) j’pense

qu’il est bon de revenir un petit peu euh (…) régulièrement. Euh après dans la journée

si on a eu des émotions (…). Mais de faire le point de (…) voilà ! Parce que quand on

va trop loin euh c’est pas euh (…) c’est pas évident. Après là, la situation que j’parlais

au départ c’est vrai que euh (…) j’étais (…) j’étais pas bien j’avais fin (…) j’sais pas ce

qu’elle avait fait en moi mais elle avait, voilà, elle avait atteint quelque chose qui

m’avait touchée vraiment. Et euh (…) j’avais un sentiment un peu d’impuissance au

départ parce que, bon, ça faisait trois jours qu’elle était dans le coma

encéphalopathique donc euh (…) Et ça me faisait vraiment euh (…). Ben c’était

comme une personne euh (…) pas proche mais que je connaissais bien qui allait (…)

qui allait partir quoi ! C’est vrai que ça (…) ça engendre des émotions forcément. Et

(…) ouais c’est vrai que c’est pas facile. Donc voilà c’est (…) »

Moi : « Vous prenez du recul ! »

IDE 1 : « Voilà ! »

Moi : « Qu’est ce qui selon vous a pu influencer la survenue de vos émotions ? »

IDE 4 : « Ben (…) »

Moi : « Est-ce qu’il y a des facteurs qui ont pu euh (…) particuliers dans cette situation

qui ont pu (…) faire venir les émotions ? »

VIII

IDE 1 : (…) « Alors oui ! » (rires) « J’pense que ça a influencé : mon engagement a

influencé les choses parce que j’pense que (…) peut être qu’après avec deux années

de diplômes, j’ai ptete pas assez de recul encore. Mais euh (…) et que ptete que je

donne (…) mon engagement est peut-être trop important aussi avec mes patients. En

sachant que euh mon engagement à quand même évolué mais (…). J’pense que

l’engagement qu’on a avec le patient euh (…) forcément a une influence sur nos

émotions parce que si j’m’étais pas engagé euh (…) avec cette patiente à discuter, à

voilà, à la voir à chaque fois qu’elle passait, voilà. Parce que chaque fois qu’elle est

dans une chambre et ben la chambre, la porte est ouverte, on lui dit bonjour fin voilà.

C’est vraiment euh (…) Si j’avais pas fait tout ça, évidemment (…) ça ne m’aurait pas

atteinte non plus. Mais après j’pense que être infirmière c’est aussi euh (…) fin quelque

part c’est aussi cette engagement-là, c’est aussi euh (…) fin on se (…) on reste humain

je veux dire dans les relations. Et donc forcément euh(…) après ptete tout le monde

n’est pas comme ça mais bon. Moi je sais que j’suis euh(…) fin, j’pense être humaine

dans mes relations et euh (…) c’est sûr que j’essaie de donner le maximum à mes

patients pour euh (…) voilà au niveau de la relation. Et euh (…) voilà ! » (rires)

Moi : (rires) « D’accord, euh (…) Pensez-vous qu’il est nécessaire d’exprimer ses

émotions ou au contraire faut-il ne pas en parler ? »

IDE 4 : « Alors qu’il faut exprimer ses émotions avec le patient ou avec l’équipe ou en

général ? »

Moi : « En général ! » (/)

IDE 1 : (/) « D’accord ! »

Moi : « Vous pouvez parler des deux, selon vous, comment vous faites ? » (/)

IDE 1 : (/) « D’accord, alors moi mes émotions euh (…) j’en parle pas aux patients, je

pense qu’il a (…) ça ne le regarde pas déjà d’une. Euh (…) par contre avec l’équipe

euh (…), fin nous je sais que dans notre service euh (…) les transmissions sont assez

longues parce qu’il y a justement ce besoin là que chacun un petit peu s’exprime sur

ce qu’il a ressenti. Parce que tous les jours on a des situations complexes euh (…) au

niveau émotionnel et tous les jours je pense que euh (…) voilà, ça fait du bien. J’pense

aux transmissions en plus c’est le moment où on lâche le service, où on donne le

service à quelqu’un d’autre, on passe le relais. Et j’pense que c’est bien aussi

d’évacuer avant de partir bah du travail, toutes ces émotions là que, qu’on a accumulé

dans la journée. Voilà. Et en particulier, oui, les émotions qui sont très fortes, voilà, où

on a eu envie de pleurer. Ou (…) ça nous a vraiment atteints, j’pense que c’est très

important de les exprimer avec l’équipe. Après, moi, c’est mon point de vue. Chaque

personne est différente. Y’en a qui vont le garder pour eux, moi je (…) j’ai besoin

d’exprimer et je les exprime mais après euh (…) à bon entendeur qui veuille

m’écouter ! » (rires)

Moi : « OK, euh (…) Quel positionnement infirmier avez-vous adopté lors de cette

situation ? »

IX

IDE 1 : « J’avais pas déjà dit ça ? »

Moi : « Ho si, c’est un peu (…) »

IDE 1 : « Donc euh(…) oui. Euh (…) voilà. J’pense que le patient n’a pas à ressentir

nos émotions donc moi, vis à vis. Quand j’étais avec la patiente je faisais mon travail

correctement et euh (…) voilà ! Comme habituellement en fait. Euh (…) après c’est,

c’est moi qui était bouleversée mais à l’intérieur de moi-même donc euh voilà elle le

ressentait pas. Voilà. »

Moi : « OK et est-ce que ce positionnement-là à évolué au fil de votre carrière ? »

IDE 1 : « Ouais, alors je pense que au début quand on est nouveau diplômé… Bon ça

fait que deux ans mais j’pense que au début quand on commence tout de suite (…) »

(/)

Moi : (/) « Même pendant la formation ? »

IDE 1 : « Ouais, même pendant la formation j’pense que (…) on pense que on va

sauver euh (…) tout le monde ! Euh voilà ! Mais en fait, bon voilà ! Ça change

énormément, j’pense qu’aussi le fait que j’travaille dans un service où on a beaucoup

de patient euh (…) en fin de vie. Euh (…) et qu’on accompagne énormément les

patients dans la fin de vie, j’pense que voilà, l’engagement y est. Euh (…)

l’engagement au niveau de la relation y est hein ! Y’a pas, y’a pas… Fin pour ma part

j’pense pas que je fais, que je ne le fais pas ! Mais c’est un engagement différent parce

que je sais où on v(…) vers quel (…) vers où on va dans leur pathologie. Euh (…) ce

que ptete au départ je visualisais ptete pas bien aussi. Voilà euh (…) j’pense que plus

on prend d’la (…) Fin plus on a de l’expérience, plus on connait bien les pathologies

qu’on soigne aussi, mieux on sait vers où on va. Et je sais pas comment exprimer ça

mais, fin on a (…) on visualise les choses mieux sur un temps, puisque bon on suit

quand même nos patients longtemps donc euh(…) on les revoie, on les re revoie,

voilà ! Et du coup je pense que voilà, on se prépare quelque part j’pense, peut-être

inconsciemment, à des situations difficiles. A voir les patients avec qui on a cette

accroche justement là et avec qui on va s’engager peut-être plus émotionnellement

qu’avec certains. On s’prépare psychologiquement, bon je sais pas si c’est inconscient

ou quoi, voilà ! J’pense que (..) fin moi en tout cas pour ma part je prends peut-être

mieux les choses maintenant.

Moi : « D’accord. Pour vous, comment l’expérience permet d’améliorer notre

façon de prendre en charge le patient et son entourage dans les situations

difficiles ? »

IDE 1 : « Ben comme je le disais, l’expérience voilà ! C’est ça en fait, c’est, c’est euh

(…) Voilà j’pense que quand on est une jeune infirmière on débarque dans un service

où, bon surtout si on tourne, moi j’ai eu la chance de ne pas tourner donc c’est vrai que

je connais très bien mon service maintenant. J’connais très bien les pathologies aussi.

Donc justement j’pense que toute cette expérience là mais même j’pense que

X

n’importe quand, quand on arrive dans un nouveau service, quand on change de

service tout au long de notre carrière, j’pense que notre engagement va être remis

encore en question parce que on sera peut-être pas préparé à (…) à des choses euh

(…) voilà au niveau émotionnel parce que j’pense que quand on arrive dans un service

on est toujours un petit peu euh (…) voilà il nous manque d’expérience et de

connaissance sur certaines pathologie et voilà j’pense quand (…) quand on a un petit

peu d’expérience. Bon là ça va faire deux ans que je suis en hépato-gastro,

j’commence à bien connaitre les pathologies et euh (…) voilà. Ben on (…) ça nous

permet de (…) comment dire (…) de voir les choses sur (…) »

Moi : « Anticiper ? »

IDE 1 : « A anticiper, voilà, c’est ça que je voulais dire. A anticiper les situations dites

complexes. »

Moi : « Ok, est ce que vous avez quelque chose à rajouter ? »

IDE 1 : « Euh oui alors moi j’pense que dans l’engagement et dans les situations

compliquées, difficiles, qui, émotionnellement nous ont (…) touchées. J’pense que

l’équipe a un rôle primordial (…). Dans (…) voilà, dans le fait de pouvoir après euh (…)

vider un petit peu notre, notre trop plein d’émotions. J’pense que ça c’est important.

Euh (…) j’pense qu’après on reste humain coute que coute et que (…) et que si on fait

ce métier là c’est qu’on aime, on aime les gens et que forcément on va s’impliquer.

Donc euh voilà ! Après il y aura toujours des transferts avec des personnes euh (…)

qui vont nous rappeler (…), des patients qui vont nous rappeler des personnes qu’on a

connu ou voilà ! Donc voilà ! Mais j’pense qu’on reste humain coute que coute et que

euh voilà notre travail c’est de les accompagner au mieux et donc d’avoir un

engagement. »

Moi : « Merci, super ! »

XI

Annexe IV : Retranscription de l’entretien N°2

Moi : « Alors, cet entretien restera confidentiel et anonyme. Donc depuis combien de

temps exercez-vous en tant qu’infirmière et quel est votre parcours ? »

IDE 2 : « Alors je suis diplômée de décembre 2000 heu (…) d’une école parisienne

j’étais à la croix rouge donc école privée. Euh (…) j’ai travaillé à l’issu de me DE 5 ans

en pédiatrie, aux urgences pédiatriques. J’ai eu ma mutation en Bretagne, j’ai travaillé

en clinique privée d’esthétique. Et je suis rentrée au CHIC en 2005 en tant que

contractuelle. En pédiatrie pour 8 mois. Euh (…) à l’issu de ces 8 mois je suis partie 1

an et demi en libéral puisque ma mutation n’était pas acceptée et en mai 2007 j’ai eu

ma mutation. Euh (…) j’ai fais 1 et demi aux urgences adultes à l’hôpital de Quimper

puis heu (…) la traumatologie pendant 8 mois. La salle de réveil pendant 1 an puis un

congé parental après la naissance de mon 3ème petit garçon et ça fait un an et demi

que je travaille au SSR à Concarneau. »

Moi : « D’accord. Euh (…) donc durant votre expérience, est ce que vous vous êtes

déjà retrouvée dans une situation au cours de laquelle vous avez senti que votre

relation avec le patient sortait ou risquait de sortir du cadre professionnel ? Où

vous vous êtes sentie trop proche en fait du patient ? »

IDE 2 : « Alors (…) En terme de proximité je ne sais pas, en terme de prise en charge

où j’ai été en difficulté oui. Euh (…) c’était pas au décours de ma vie personnelle c’était

au décours, fin professionnelle on va dire, c’est au décours de mes années d’études.

Euh j’étais en stage euh (…) Je sais pas si je dois développer là ? »

Moi : « Si si. »

IDE 2 : « Donc j’étais en stage dans un hôpital militaire en région parisienne. Et

certains appelés du contingent étaient heu … étaient hospitalisés pour une prise en

charge bien souvent pneumo. Heu (…) donc, mon stage était en pneumologie et j’avais

un jeune homme qui avait approximativement le même âge que moi. Puisque je devais

avoir 20 ans, il avait le même âge que moi. Et ce jeune était tombé euh (…) dans une

piscine un soir de beuverie avec les militaires et il a eu une fracture cervicale qui a

entrainé une tétraplégie. Euh (…) des examens sanguins ont été réalisés à l’hôpital et

euh (…) sur euh (…) ben ces examens en fait fait, une sérologie HIV est revenue

positive. Euh (…) c’était très compliqué pour moi parce que j’avais ce jeune homme en

charge qui avait mon âge. C’était euh (…) mon troisième stage de première année. Et

heu (…) ben non seulement il y avait ce deuil de sa vie de jeune homme en tant que

personne saine parce que ben non seulement il était handicapé mais en plus c’était

instauré un traitement de trithérapie contre le VIH et ce traitement le rendait malade.

Donc heu (…) lui il allait très bien et du jour au lendemain non seulement il est

tétraplégique mais en plus il a un traitement pour sa trithérapie qui le rend malade. Et à

côté de ça il y a le problème de la nudité à l’hôpital où il se retrouve pris en charge par

XII

une jeune femme qui a son âge au moment des soins. Donc euh (…) oui : où s’arrête

la prise en charge ? Quel est l’accompagnement ? Oui c‘est une histoire qui m’a (…)»

Moi : « Touchée ? »

IDE 2 : « Qui m’a touchée et qui m’a (…) posée question pendant euh (…) ma

formation et où s’arrête justement cette barrière soignant soigné et euh (…) ben voilà ?

C’est une situation qui était difficile pour moi. »

Moi : « D’accord. Et donc est ce que ce genre de situation, donc là ça vous est arrivé

pendant vos études… Est-ce que après, dans votre cadre professionnel, il y a des

situations qui se sont un peu rapprochées ? Est-ce que ça vous est arrivé plusieurs

fois ? »

IDE 2 : « Alors, oui ça arrive plus de fois qu’on le pense, surtout qu’on vit dans une

région où on est en Bretagne donc il y a beaucoup de chance que la personne qu’on

soit amené à soigner un jour soit heu (…) le voisin qu’on connait, heu (...) la famille de

la maman d’un des enfant avec qui on est scolarisé. Donc il y a aussi cette proximité

du fait que euh (…) ben on peut soigner des gens qu’on est amené à connaitre. Ou de

vue ou plus près. Et moi je travaille dans un service ou heu (…) ben c’est un service de

soin de suite et de rééducation et dans ce genre de service les gens restent

hospitalisés plutôt heu (…) à moyen terme voire à long terme puisqu’on est en attente

euh (…) ou d’un retour à domicile pour une récupération d’autonomie avec un étayage

ou euh (…) ben ou (…) d’un placement donc les hospitalisations de ces gens durent

parfois longtemps. Donc oui on peut être confronté à ce genre de situations. »

Moi : « D’accord, très bien. Selon vous qu’est ce qui a fait, donc par exemple dans la

situation avec ce jeune homme euh (…) donc euh (…) qui avait votre âge. Selon vous,

qu’est ce qui a pu vous (…), qu’est ce qui a fait que vous vous êtes rapproché de

ce patient ? »

IDE 2 : « Alors parce que je pense que inconsciemment on fait des transferts. En se

disant euh (…) ben ça peut être … donc là j’avais le même âge que lui, j’avais 20 ans.

Ça peut être mon copain, ça peut être mon grand frère, ça peut-être euh (…) euh (…)

mon cousin. Ça peut être quelqu’un avec qui euh (…) ben j’aurais pu avoir un parcours

de vie, pas forcément amoureux mais euh (…) le connaître dans mon entourage et du

coup on se transfert sur la situation et euh (…) ben forcement ce genre de situation

nous (…) nous affecte en tant que professionnel en se disant ben ça pourrait être nous

quand bien même il faut euh (…) prendre du recul, on peut pas prendre les soucis de

tout le monde mais heu ouais ; Ça pourrait (…) euh (…) »

Moi : « D’accord euh (…) Qu’évoque pour vous l’engagement dans une relation

de soin ? »

IDE 2 : « Alors euh (…) l’engagement. Euh (…) Alors ! » (rires)

Moi : (rires) « C’est une question un peu difficile ! »

XIII

IDE 2 : « L’engagement c’est euh (…) être en mesure de donner au patient ce qu’il

attend en termes de besoin être physique, psychologique et social. L’engagement c’est

euh (…) qu’est-ce que moi je vais mettre en place dans ma personnalité pour instaurer

un climat de confiance avec ce patient pour euh (…) l’emmener en fait à ce que de par

la confiance qu’il a en moi dans les soins, il puisse progresser euh (…) vers une

récupération de son autonomie ou de son bien être ou (…) ou voilà ! Pour moi c’est

l’engagement personnel de l’infirmière ça va être euh qu’est-ce que moi je vais mettre

en place dans la relation avec ce patient qui va être diffèrent de ce que ma collègue va

faire pour lui mais qui va être complémentaire heu et ou quand euh je vais rentrer dans

la chambre pour faire un soin il va dire heu « Ah ben je la connais c’est Deborah. C’est

elle qui vient faire le soin. » Voilà ! Et que du coup la relation de confiance soit établie

par rapport à ça. Ne serait-ce que ça, que le contact passe. Après c’est pas forcement

aisé. » (rires)

Moi : « Oui ! Et puis, il y a des limites aussi dans l’engagement ! Qu’est-ce que

vous en pensez de ça ? »

IDE 2 : « Les limites de l’engagement c’est justement ne pas rentrer dans la relation où

euh (…) on va être dans le copinage avec le patient et ou en fait euh (…) je vais être

euh (…) quand le patient va vouloir rentrer dans une relation qui va être plus que celle

que je peux lui la (…) lui donner dans mon cadre professionnel. Etre capable de

recadrer en éludant certaines questions. On peut répondre à un patient euh (…) quand

on lui pose la question de savoir combien il a d’enfant, qu’il nous demande combien

nous on en a, je pense qu’on rentre pas dans la relation autre que de répondre.

Effectivement par le nombre d’enfant et éventuellement dire l’âge de nos enfants, euh

(...) sans pour autant rentrer dans la chambre le matin en disant euh (…) « J’ai pas

bien dormi cette nuit, mes enfants ont pas dormis ! » Voilà ! Rester dans une relation

ou effectivement on peut rester dans la banalité des propos sans rentrer dans le côté

personnel. »

Moi : « D’accord, OK ! Pensez-vous que le degré de gravité de la pathologie du

patient peut influencer notre engagement ? »

IDE 2 : « Euh (…) Je pense que euh (…) effectivement, euh (…) on fait un métier où on

travaille avec de l’humain donc effectivement quand on est confronté à quelqu’un dont

on sait que le pronostic est ou engagé à court terme ou que cette personne va décéder

rapidement je pense que oui euh (…) le soin change euh (…) certaine fois on n’est

plus dans le faire euh (…) et dans le savoir-faire, on va être euh (…) dans la relation

d’aide et on va être dans le soin psychologique. Et certaine fois il y a pas de mot, c’est

simplement le touché qui va prendre euh (…), qui va prendre le relais. Oui je pense

qu’effectivement quand on sait qu’on prend en charge quelqu’un qui a un pronostic

vital pas bon, euh (...) fait que euh (…) oui notre engagement va être diffèrent. »

Moi : « Hm (…) C’est humain quoi (…) »

XIV

IDE 2 : « Je pense que c’est humain ouais. Et si on perd cette humanité euh (…) je

pense qu’il faut changer de métier ! » (rires)

Moi : « Oui (rires). On le dit souvent ! Euh (…) cette situation a-t-elle provoqué des

émotions trop intenses ? Enfin, je dis cette situation, est ce qu’il y a une situation en

particulier qui vous a amener à être « envahie’ entre guillemets… » (/)

IDE 2 : (/) « Euh (…) Envahie non (…) mais euh (…) se poser la question de savoir

quand on va retourner dans le service si le patient auquel, avec lequel on a eu euh (…)

bah peut être un engagement euh (…) fin (…) Comment dire les choses ? (…) Quand

on va prendre en charge des patients, il y a certains auxquels on va s’attacher plus que

d’autres quand bien même on reste professionnelle et on garde ses limites là. Quand

on sait que le processus ben (…) de vie va se terminer euh (…) oui avant de reprendre

le travail c’est la question qu’on se pose comme tout à chacun, savoir si ce patient va

être encore là quand on va reprendre notre service ou pas. Oui (…) c’est une question

j’pense naturel de (…) de euh (…) penser certaines fois des situations euh (…) du

travail ou penser à certaines choses qu’on a vécu quand bien même on est à

l’extérieur. Parce que faire la part des choses entre vie professionnelle et vie

personnelle, certaines fois c’est pas forcement simple. Donc quand euh (…) ben on est

à la maison, oui, certaines fois on peut penser à des choses qui se passent au travail.

Ou à des patients qui, qu’on a laissés. »

Moi : « Du coup, quand vous avez des émotions comme ça qui arrivent, quels

moyens vous mettez en place ? »

IDE 2 : « Heu (…) essayer de repenser en fait, à la situation, d’analyser et de me poser

la question « pourquoi ça me touche dans cette situation’. Et euh (…) effectivement

c’est pas forcément évident certaine fois que de prendre euh (…) en charge, entre

guillemet enfin de prendre en soin le patient et de prendre en ch(…) ouais de prendre

en soin de façon euh (…) objective pour lui. Euh (…) à savoir que des fois on n’est pas

en mesure de rentrer justement de cette relation parce que ben la charge de travail, le

quotidien fait que euh (…) ben la relation d’aide on n’a pas un temps dans notre travail,

dans notre journée dégagé pour relation d’aide pour monsieur ou pour madame intel.

Donc bah certaine fois on sent bien que le patient a envie euh (…) de nous confier des

choses ou de parler mais on sait très bien qu’on n’est pas en mesure ou de l’entendre,

ou de l’accepter, ou (…) d’avoir les moyens matériaux ou en timing nécessaire pour

être objectif et mener à bien cette relation d’aide. Quand euh (…) quand j’sens que

j’suis dépassée euh (…) par ce que va me confier le patient, je sais qu’il y a une

psychologue qui est rattachée au service et à ce moment-là j’essaie d’aiguiller euh (…)

ben (…) et le médecin et le patient sur le bénéfice que pourrait apporter cette

psychologue. Et moi d’un point de vue personnelle, quand je peux pas rentrer dans la

relation, je le dis aux transmissions à savoir si après une collègue est en mesure de

prendre le relais, où on a une chance c’est qu’on travaille à deux infirmiers le matin.

Quand un secteur est trop lourd en terme d’investissement personnel parce que ben

(…) là en ce moment je travaille que sur un secteur et à chaque fois que je vais

travailler je tombe sur ce secteur et il est très lourd. Euh (…) là j’ai une semaine de

XV

repos, quand je vais revenir j’vais demander à changer de secteur. Peut-être que les

patients auront changés, ce que je doute au vue du temps d’hospitalisation dans notre

service. Donc euh (…) voilà ! Mais ça peut être un moyen aussi de (…) que je mets en

place pour essayer de me détacher un petit peu de (…) du poids. » (/)

Moi : (/) « D’accord ! Vous vous relayez du coup ?! » (/)

IDE 2 : « Se relayer et puis en parler en transmissions quand c’est trop difficile. »

Moi : « D’accord, très bien. Hm… Donc vous avez répondu à la prochaine : pensez-

vous qu’il est nécessaire d’exprimer ses émotions ou au contraire, faut-il ne pas

en parler ? Donc vous, vous en parlez ?! »

IDE 2 : « Ouais, au sein de l’équipe ! Pas à la maison. Simplement à la maison signaler

que oui, mon comportement va peut-être être un peu différent parce que justement ça

a été un lourd au travail mais sans rentrer dans les détails (…).»

Moi : « D’accord » (/)

IDE 2 : « En parler (…) Fin être capable de mettre des mots sur ce qu’on ressent et

être capable de faire sentir à l’entourage proche que notre comportement euh (…) au

sein de la cellule familiale peut être changé par rapport à ce qu’on a vécu au travail

aussi ! Voilà, sans rentrer dans les détails ! Je pense que c’est important d’avoir un

soutien heu (…) »

Moi : « Extérieur aussi? »

IDE 2 : « Extérieur aussi sans rentrer dans (…) dans les détails et sans mettre en

question le secret professionnel ! »

Moi : « Donc heu … Lors des situations difficiles, quel positionnement infirmier

vous mettez ? (…) Mais en fait vous avez déjà répondu à peu près (…) »

IDE 2 : « D’accord » (rires)

Moi : « Donc euh, votre positionnement a-t-il évolué au fil de votre carrière ? Par

exemple au début vous parliez de euh (…) que c’était pendant votre, vos années

d’études. »

IDE 2 : « Alors oui le positionnement change, je pense que euh (…) le fait d’être euh

(…) ben confronté à tout un tas de situations différentes fait que euh (…) oui par la

force des choses on murit, on prend en maturité. On (…) apprend à se connaitre aussi

euh (…) on arrive également euh (…) avec l’expérience à être plus au clair avec tout

ce qui est soins techniques et à être en fait libérée du stress que peut provoquer un

soin technique et d’être euh (…) vraiment avec le patient côté relationnel et d’être

capable de parler (…) de tout et de rien et d’être dans la relation d’aide au moment où

on fait le soin donc euh (…) chose toute bête on peut faire (…) avec l’expérience

XVI

j’pense qu’on peut faire une relation d’aide en changeant un gripper alors qu’en début

de carrière c’est quelque chose qu’on peut pas faire. »

Moi : « Parce qu’on a besoin, oui, de trop de concentration (…)»

IDE 2 : « Heu voilà ! Trop de concentration j’pense peut nuire euh (…) peut nuire à la

relation d’aide. J’pense que c’est des choses qui s’acquièrent et l’expérience oui, elle

est positive. On apprend en fait euh (…) de ce qu’on a pu vivre par la passé et de ce

qui a pu nous mettre en difficulté pour justement la foi d’après euh (…) ben (…) arriver

à passer outre et à (…) et à changer notre façon de faire pour ne pas être en difficulté.

Alors heu (…) sans euh (…) sans arrêter d’être dans la relation mais en changeant le

(…) en changeant le comportement qu’on aurait pu avoir précédemment qui aurait pu

nous mettre en difficulté. »

Moi : « D’accord. Ajuster peut être euh (…) ?! »

IDE 2 : « Voilà ! Tout à fait ! Ajuster c’est le mot ! Merci Aude. » (rires)

Moi : « (rires) Hm Pour vous en quoi l’expérience permet d’améliorer notre façon

de prendre en charge le patient et son entourage ? »

IDE 2 : « Euh (…) »

Moi : « C’est ce que vous venez de dire » (rires)

IDE 2 : « D’accord » (rires)

Moi : « Non mais si vous avez quelque chose à rajouter ? »

IDE 2 : « Euh (…) nan je pense que (…) oui on apprend de toutes situations, on

apprend de tous les (…) de tous les jours euh (…) tous les jours on progresse et tous

les jours on arrive à (…) J’suis désolée j’ai décroché là ! » (rires)

Moi : « C’est pas grave ! » (rires)

IDE 2 : « La dernière question non ! j’pense que oui j’ai rien à ajouter. »

Moi : « Oui c’est avec l’expérience du coup » (/)

IDE 2 : « C’est l’expérience je pense qui permet justement de (…) d’améliorer euh (…)

notre qualité de prise en soin et notre qualité de prise en charge du patient pour que

heu … ben les moments difficiles de son hospitalisation et de sa maladie fassent que

heu (…) et ben quelque part l‘infirmière qui le prend en soin aujourd’hui lui amène un

petit moment de euh (…) ou bonheur du fait d’un sourire ou du fait d’une présentation

ou (…) voilà ! Pour ma part euh (…) quand j’accueille un patient dans le service

j’préfère entre guillemets perdre cinq minutes de plus à (…) à l’entretien en prenant

vraiment un temps pour que ce patient soit accueillie, c’est du temps que je vais

gagner en hospitalisation après parce que justement l’climat de confiance sera

XVII

instauré. Donc c’est en ça que euh (…) je pense que euh (…) oui la, la relation se crée

et que le soin qui va découler va se passer au mieux par la suite. »

Moi : « Ok ! D’accord ! Et bien merci beaucoup ! »

IDE 2 : « Ben de rien ! Et bon courage ! »

Moi : « Merci ! »

XVIII

Annexe V : Retranscription de l’entretien N°3

Moi : « Donc cet entretien restera confidentiel et anonyme. »

IDE 3 : « D’accord. »

Moi : « Depuis combien de temps exercez-vous en tant qu’infirmière et quel est

votre parcours ? »

IDE 3 : « Alors, j’ai eu mon diplôme d’état d’infirmière en 2005, en début d’année 2005.

J’ai commencé à travailler tout de suite après, une semaine après mon diplôme d’état en service de rééducation fonctionnelle euh (…) à Garches à Paris. Euh (…) Où j’ai travaillé 1 an. Donc avec des patients qui étaient euh (…) tétraplégiques, paraplégiques, qui étaient atteints de myopathie. Euh (…) des patients âgés de 16 à 80 ans facile. Euh (…) Ensuite euh (…) je suis revenue en Bretagne où j’ai travaillé en (…) en maison de retraite euh (…) à La Source notamment à Brest. Euh (…) en clinique Pasteur ou j’étais infirmière tournante dans tous les services et notamment attribuée en service d’ORL. Euh (…) après j’ai travaillé euh (…) un peu en libéral sur un cabinet infirmier de Brest. J’ai (…) après j’ai travaillé euh (…) dans un centre de rééducation fonctionnelle pour enfant au centre Mathieu Donnard de Brest et à la suite de ça je me suis installée euh (…) à mon compte en libéral sur la commune de Landunvez. »

Moi : « D’accord. Et lors de votre exercice, vous est-il arrivé de vous retrouver dans

une situation au cours de laquelle vous avez senti que votre relation avec le

soigné sortait ou risquait de sortir du cadre professionnel? … Où vous étiez (/) »

IDE 3 : « Trop, trop in (…), trop investie ? »

Moi : « Oui. »

IDE 3 : « Euh (…) C’est arrivé oui euh (…) notamment quand je travaillais au centre

Mathieu Donnard où j’avais un enfant en charge qui était dans un état végétatif et euh (…) il y avait une question … La question du jour c’était euthanasie ou pas euthanasie de l’enfant. A savoir que (…) les deux parents, les deux familles étaient l’un pour l’euthanasie l’autre complètement contre. Et dans le, dans le, dans la situation euh (…) de l’enfant euh (…), il y avait forcément un peu d’empathie parce que l’enfant euh (…) moi j’étais moi-même maman donc en étant maman, on, on (…) volontairement ou involontairement on transfert un peu la situation à se propre vie. Et euh (…) on ne peut être que partagée quoi ! Parce que euh (…) effectivement les médecins se prononçaient pas sur une amélioration de l’état de l’enfant ou pas. On savait pas euh (…) si, si il était réactif aux soins qu’on lui faisait, à savoir les massages, les postures, les (...). Par moment il bougeait les yeux mais on ne savait pas s’il comprenait ce qu’il se passait autour de lui ou pas. C’était assez compliqué et euh (…) ça a été une euh

(…) un moment de, de mon activité où euh (…) où forcement on est partagé quoi ! On

sait pas ce qui est le mieux pour l’enfant au final. »

Moi : « D’accord. Euh (…) Ce genre de situation vous est-il arrivé plusieurs fois ? »

XIX

IDE 3 : « Euh (…) auprès des enfants non. Euh (…) Après euh (…) dans d’autres cas

euh (…) se sentir trop proche de la personne euh (…) euh (…). Dans la prise en charge des patients qui sont en fin de vie, c’est difficile de ne pas avoir d’attachement. D’autant que ben à l’hôpital on a plus de, de retenu parce que les gens euh (…) sont là

moins longtemps. Ils sont en petit court séjour, long séjour euh (…) bon (…). C’est la

durée du séjour n’est pas la même que euh (…) en libéral moi je suis toute seule dans mon cabinet donc le suivi je l’assure moi-même et euh (…) c’est pareil c’est difficile euh (…) de pas s’attacher aux gens. Parce qu’on fait presque parti de la famille. Et euh (…) après on essaie de faire son travail euh (…) dans les meilleures conditions et puis dans le meilleure confort possible pour le patient. J’ai eu le cas d’un patient qui était en fin de vie et je savais quand je l’ai pris en charge qu’il était en fin de vie. Y’avait un protocole qui avait été mis en place et euh (…) je me souviens qu’il m’avait demandé

euh (…) ben « Fais en sorte que je souffre pas. » Donc euh (…) quand il s’est éteint

euh (…) sa femme était rassurée parce qu’il avait pas souffert mais c’est sûr que euh (…). C’est sure que on peut pas, on peut pas rester insensible à la situation quoi ! C’était un monsieur qui était pas, qui était pas si vieux que ça euh (…) soixante-quatorze ans. Donc euh (…) c’est un p… c’est sûr que bon après euh (…) les fin de vie c’est jamais rigolo. Ça peut toucher un enfant comme ça peut toucher un adulte mais euh (…) on a toujours ce sentiment d’empathie et de se dire ça pourrait être un oncle, une tante, un grand parent. Et c’est pour ça que (…) j’essaie de faire le, le mieux pour que les soins se déroulent de façon le plus confortable possible sans douleur, au

maximum. »

Moi : « D’accord. Donc selon vous qu’est ce qui a fait donc par exemple dans la

situation avec euh (…) l’enfant ou euh (…) la personne en fin de vie euh (…) qu’est ce qui a fait que vous vous êtes rapproché de ce patient ? Donc vous avez parlez de

l’empathie … »

IDE 3 : « Oui. Ben y’a le contact, on est quand même en contact proche euh (…) dans

les deux cas il y avait des (…) des nursings donc on est au (…) ben comme les enfants qui viennent de naitre y a du (…) du contact en peau à peau c’est, c’est infantiliser la situation mais c’est un peu comme ça quand même on est en contact donc on (…) on partage des choses. On partage un (…) un contact, on partage une relation euh (…) soignant-soigné certes mais qui (…), au fur et à mesure on devient un peu le confident et dans le cas de l’enfant qui parlait pas on est quand même euh (…) dans le

massage, on est quand même dans le soin (…) (/) »

Moi : « (/) Oui il y a le toucher. »

IDE 3 : « Le toucher voilà ! Il y a la relation au toucher et puis pour la personne en fin

de vie on (…) on échange sur les angoisses qu’il peut avoir, ses appréhensions. Et dans le cas de ce monsieur là il avait pas peur de mourir il avait (…) juste peur euh (…)

de laisser son épouse quoi ! »

Moi : « D’accord. »

IDE 3 : « Mais il avait pas d’appréhension, il voulait juste pas souffrir mais euh (…) il avait plus de de craintes envers sa, son épouse et ses proches. Donc oui par le biais du relationnel, du contact, toucher et du dialogue. Forcément on n’est pas insensible,

on peut pas, sinon il faut faire autre chose j’ai envie de dire ! »

XX

Moi : « Oui c’est vrai. Donc, qu’évoque pour vous l’engagement dans une relation de

soin ? »

IDE 3 : « Alors l’engagement dans une relation de soin c’est euh (…) une euh (…), une

proximité avec le patient, une relation de confiance. Le soin est basé sur la confiance, si on n’a pas la confiance, on n’arrivera pas à avancer dans le soin. Euh (…) l’écoute

active euh (…) des ressentiments des personnes euh (…) là euh (…) j’ai le cas d’une

dame euh (…) que j’ai prise en charge euh (…) pour une surveillance thérapeutique et il était question de lui faire des nursings et plein d’autres chose, fin voilà ! L’habillage, la toilette et elle est pas ouverte à ça pour l’instant donc euh (…) je la laisse venir. J’me dis si elle se sent encore autonome j’vais pas l’infantiliser, j’vais pas lui mettre des barrières. Tant qu’elle est capable de faire, qu’elle fasse. En sachant que je lui ai dit

que le jour où elle avait des difficultés, j’étais là. »

Moi : « D’accord, pensez-vous que l’engagement envers les patients a des limites ? »

IDE 3 : « Oui, faut pas être trop proche parce que quand on est trop proche après

c’est, c’est source d’ambiguïté et euh (…) si les choses se passent mal, ça peut avoir un double revers en fait. Si euh (…), si une situation s’aggrave, je sais pas euh (…) je

sais pas euh (…). Admettons qu’on ait une plaie qui euh (…). Ben j’ai eu le cas d’un

patient qui euh (…) refusait les soins, il était diabétique et euh (…) il avait un germe multi résistant dans le (…) dans le pied et euh (…) donc il avait les orteils qui étaient en train de se nécroser et de tomber. Et euh (…) il refusait l’amputation. Donc il a fallu négocier en fait. C’est un monsieur qui avait soixante-quatorze ans et qui était encore dans la force de l’âge et qui avait la capacité de (…) de passer au-delà d’une amputation parce qu’il avait déjà été amputé de l’autre, l’autre pied, les orteils de l’autre côté. Il avait la force de caractère nécessaire à (…) à passer au-dessus des difficultés que tout ça, ça engendre. Avec euh (…) ben la discussion des semelles orthopédiques et des prothèses adaptées et euh (…). Donc au début il était dans le refus complet, il voulait pas. Euh (…) finalement il a été quand même amputé des orteils avec négociation parce que le germe était en train de monter. Et euh (…) donc il avait euh (…) une euh (…) plaie ouverte au niveau des orteils parce qu’on pouvait pas suturer, les tissus n’étaient pas sains. Et le germe continuait à monter et euh (…) il a fallu négocier euh (…) lui remettre les idées en place et lui dire qu’il était pas euh (…) tout seul et que refuser le soin c’était quelque part un peu égoïste, au regard de sa famille et de ses proches. (il est là son engagement à l’ide : donner son avis au patient : égoïsme pour elle par rapport à la famille…) et euh (…) en négociant ( elle s’est engagée dans la négociation, dans le changement d’avis du patient) il a accepté de se faire amputer donc euh (…) sous le genou et il a été en attente d’une prothèse qui devait se faire mais au final il est décédé euh (…) dans le cadre d’une hospitalisation et euh (…) dans le cadre d’une surinfection euh (…) qui a provoqué des convulsions et un arrêt cardiaque donc il est décédé. Mais euh (…) le souvenir que j’ai de ce patient c’est que ben (…) il avait, il avait fallu plusieurs fois négocier et lui faire comprendre les choses et la réalité de la situation. Et euh (…) (/) » dans le fond c’était bienveillant : pas le même but Moi : « (/) Donc beaucoup d’engagement ? »

XXI

IDE 3 : «Voilà, voilà ! Et donc euh (…) en étant toujours en, en replis parce que s’il

n’avait vraiment insisté pour euh (…) pour ne pas qu’on l’ampute, ben son, son choix

est déterminant et c’est lui qui décide au final. »

Moi : « Hm »

IDE 3 : « Mais euh (…) mais il a accepté pour son bien-être et pour le bien-être de ses

proches euh (…) de faire appel à la raison. »

Moi : « D’accord. Pensez-vous que le degré de gravité de la pathologie du patient

peut influencer notre engagement ? »

IDE 3 : « Ben oui. Quelqu’un qui est euh (…) quelqu’un qu’on va soigner pour des

pansements et on sait très bien que ça va s’arranger et (…) bon le, le patient s’il est un peu retissant bon on fait les pansements dans son intérêt. Maintenant euh (…) quand

c’est une petite euh (…) une petite plaie, elle va guérir forcément. Elle va peut-être

mettre plus ou moins de temps à guérir mais elle guérira quand même. Que quand ça touche une, une pathologie plus lourde, comme un cancer ou euh (…) ou (…) ou une prise en charge de soins palliatifs, là on sait que là ben l’aboutissement c’est la mort

quoi ! Ou pas loin quoi ! Donc euh (…) donc c’est sûr que l’engagement n’est pas le

même. Quand on fait une série de piqures à quelqu’un qui est malade et qui a besoin d’antibiotiques ou d’intramusculaires, on n’a pas le même engagement que vis-à-vis de

quelqu’un qui est en fin de vie et (…) avec qui il faut euh (…) ra… quelqu’un qu’il faut

rassurer et apaiser et soulager. »

Moi : « D’accord. Une des situations dont vous avez parlé, euh (…) donc a provoqué

des émotions intenses chez vous.

IDE 3 : « Oui. »

Moi : « Du coup, quels moyens avez-vous mis en place ? »

IDE 3 : « Par rapport à mon, à (…) »

Moi : « A quelles ressources vous avez pu faire appel ? »

IDE 3 : « Ben au fait d’en discuter avec euh (…) mon entourage euh (…) bon toute

façon toujours de manière anonyme hein pour euh (…) le caractère euh (…) »

Moi : « Confidentiel ?! »

IDE 3 : « Voilà confidentiel de, de, du patient. Et puis euh (…) en discuter avec des (…)

des collègues qui sont médecins aussi. J’ai, j’ai un autre cas d’un de mes patients qui est schizophrène et qui refuse les soins. Il refuse ses injections de risperdal. Et euh (…) son cas était particulier parce que euh (…) il est majeur et donc euh (…) dans la condition où il est majeur, les médecins estiment qu’il est complétement apte à gérer son traitement sauf que s’il a pas ses injections il peut être dangereux vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres. Mais euh (…) y’a pour l’instant pas de cadre euh (…) législatif ou juridique concernant cette question éthique de (...) euh (…) la majorité oui

XXII

mais la responsabilité oui ou non (…). Euh (…) j’sais pas si j’ai répondu à ta question,

je suis partie un peu en vrille là ? »

Moi : « Euh (…) (rires) si, c’est pas grave. Euh (…) Pensez-vous qu’il est nécessaire

d’exprimer ses émotions, ou au contraire faut-il ne pas en parler ? Est-ce que pour

vous, exprimer ses émotions ça pourrait être un manque de professionnalisme ? »

IDE 3 : « Non (…) non je pense pas que exprimer ses émotions ce soit un manque de

professionnalisme parce que ça prouve qu’on partage quelque chose de plus avec son patient. Et euh (…) et avec la famille parce que quand on prend en charge un patient, je pars du principe qu’on prend en charge également la famille. Et quand la famille est dans la douleur et la souffrance, on doit être capable de la réconforter avec ses moyens. Et euh (…) et moi ça me dérange pas de prendre quelqu’un dans mes bras euh (…), quelqu’un qui sait qu’elle va perdre euh (…), une épouse qui sait qu’elle va perdre son mari. Je, je vois pas où est le mal que de chercher un peu de réconfort auprès d’un soignant qui va être là au quotidien. Pour moi c‘est pas choquant. Après euh (…) c’est une question de distance. Savoir faire la part des choses quand on rentre chez soi en fait c’est (…) pas toujours évident à évacuer mais euh (…) faut

arriver à le faire en fait. Pour se préserver sois même et, et, et ses proches. »

Moi : « Du coup, quel positionnement vous avez adopté lors d’une situation comme

ça ? »

IDE 3 : « Ben on prend sur soi, on respire un bon coup et on essaye de pas se laisser

envahir par les émotions. On essaie de reprendre ses esprits et, et de rester dans la relation soignant-soigné. Quitte à craquer une fois qu’on est parti. Ça c’est, ça c’est autorisé, je veux dire euh (…). En général euh (…) ça m’arrive d’enterrer des patients et (…) je me préserve aussi euh (…) quand je vais aux enterrements je pleure pas. Je peux pleurer chez moi après mais j’ai à montrer même si je partage la douleur des gens. J’ai pas à la montrer devant tout le monde euh (…) voilà c’est le droit qu’on a en tant que soignant de se préserver aussi et de, de, d’évacuer euh (…) nos émotions

ultérieurement. »

Moi : « D’accord et ce positionnement-là a-t-il évolué au fil de votre carrière ? Est-ce

qu’au début (/) »

IDE 3 : « (/) Ah bah oui, je pense que quand on est jeune dans la profession on n’a pas

forcement les armes nécessaires pour euh (…) pour euh (…) pour lutter dans certaines situations euh (…) qui sont imprévisibles. Y’a des situations qu’on prévoit pas et on n’a pas forcement les réflexes et on sait pas forcément comment on doit réagir. C’est après qu’on débriefe avec les collègues sur ce qu’il aurait fallu faire ou pas faire. Mais plus on acquiert de l’expérience et plus on, on comment (…) on a ses appuis et (…) et on sait, on apprend à savoir comment il faut réagir en fonction de telle ou telle situation. On arrive à apprendre avec l’expérience à se contenir face à telle ou telle

situation. »

Moi : « D’accord, donc bah en fait vous avez répondu à la suivante : pour vous en

quoi l’expérience permet d’améliorer notre façon de prendre en charge le patient et son

entourage lors des situations difficiles ? »

XXIII

IDE 3 : « C’est ça ! C’est l’expérience qui fait que on devient plus fort dans la (…) dans

la protection qu’on a en tant que soignant de pas euh (…) de pas se laisser déborder par les évènements. Mais c’est vrai que quand on est jeune DE bah on sait pas tout et puis euh (…) puis on apprend au fur et à mesure, c’est normal hein si on savait tout ça serait trop facile et euh (…). Et je veux dire les erreurs de jeunesse euh (…) quand on est amené à voir quelqu’un qui souffre et que ce soit un jeune, un moins jeune, euh (…) on n’a pas encore les armes pour lutter contre nos émotions, nos propres émotions. Et on a (…), jeune, jeune infirmier, moi j’étais, j’avais du mal à passer au-delà de l’empathie profonde et de me dire mince, ça pourrait être mon oncle, ma tante ou mon petit frère quoi ! Et voilà, et notamment les services de pédiatre euh (…), moi je sais que j’ai travaillé à Mathieu Donnard avec les enfants. Mais euh (…) les tous petits j’aurais été incapable de gérer euh (…) la prise en charge de bébé en néo natalité. C’est euh (…) j4connais mes limites voilà ! On a tous nos limites et euh (…) c’est à nous de savoir lesquelles elles sont mais euh (…) moi dans la prise en charge

des bébés j’aurais été incapable ! »

Moi : « D’accord, est ce que vous voulez rajouter quelque chose ? »

IDE 3 : « Hm (…) non, je pense qu’on a fait le tour de la question, voilà ! Après c’est

propre à chacun, on a tous un comportement diffèrent face aux situations. D’autres vont être très froids, d’autres vont être trop impliqués, euh (…) d’autres vont être trop speed, paniquées, pas trop savoir, après c’est le travail d’équipe qui fait qu’on va arriver à maitriser une situation d’urgence ou pas. On va être, euh (…) on va être appuyée par nos collègues. C’est ça qui est bien, c’est qu’en service on a des collègues, qu’en libéral on est tout seul ! Voilà (rires) ! Face aux situations ! Et on

essaie de les gérer au mieux. »

Moi : « D’accord. »

Hors enregistrement, cette infirmière a spécifié : « En parlant de l’euthanasie, ce que je voulais dire c’est que sans la sonde d’alimentation externe, le petit ne pourrai pas vivre puisqu’il était dans un état végétatif. Une partie de sa famille ne voulait pas d’acharnement thérapeutique et l’autre tout le contraire. C‘était une situation très

difficile. Surtout que l’enfant n’avait que 3-4 ans. »

XXIV

Annexe VI : Retranscription de l’entretien N°4

Moi : « Alors, donc (…) Cet entretien est anonyme et restera confidentiel. Donc depuis combien de temps exercez-vous en tant qu’infirmière et quel est votre parcours ? »

IDE 4 : « Alors j’ai eu mon diplôme en 77, j’ai travaillé immédiatement en ORL euh (…) chirurgie euh (…) ORL. En médecine aussi. Médecine gastro euh (…) entéro en (…) j’ai fait 1 an en hôpital de Brest à Morvan. Puis ensuite euh (…) j’ai quitté mon poste pour aller euh (…) dans la Mayenne à l’Aval où j’ai fait un mois à l’hôpital en gastro entéro puis je suis partie en psychiatrie, de nuit en psychiatrie. Pendant une période de 1 an et demi, par là. Puis euh (…) j’ai eu euh (…) l’occasion de (…) d’avoir une place en libéral donc je suis revenue et je me suis installée. Donc je suis installée depuis 81. »

Moi : « D’accord. Et donc euh (…) lors de votre exercice vous est-il arrivé de vous retrouver dans une situation au cours de laquelle vous avez senti que votre relation avec le soigné sortait ou risquait de sortir du cadre professionnel ? »

IDE 4 : « Non. Non, non … C’est … Jamais. »

Moi : « Jamais. Hum … Qu’évoque pour vous l’engagement dans une relation de soin ? Pensez-vous que l’engagement à des limites ? »

IDE 4 : « Euh (…) L’engagement ben il faut faire en sorte que la personne se trouve bien, améliore sa santé, psychologiquement et puis physiquement. Et voilà ! »

Moi : « Pensez-vous que le degré de gravité de la pathologie du patient peut influencer notre engagement ? » IDE 4 : « Euh non j’pense pas non. »

Moi : « Euh (…) cette situation hum (…). Avez-vous déjà vécu une situation qui a provoqué chez vous euh (…) des émotions trop intenses ? »

IDE 4 : « Non. »

Moi : « Hum (…) »

IDE 4 : « La surprise oui (…) des surprises peut être oui ! Quand le cas était grave et puis euh (…) physiquement euh (…) important ou grave, oui ! Mais bon, c’est un choc comme pas mal de personnes peuvent avoir hein ! »

Moi : « Du coup, à quelles ressources vous avez fait appel ? »

IDE 4 : « J’ai géré mon (…) mon problème avec l’équipe, l’équipe soignante, on en a parlé. »

Moi : « D’accord. Hum (…) Votre positionnement face au patient a-t-il évolué au fil de votre carrière ? »

IDE 4 : « Non, non (…) je (…) non. »

XXV

Moi : « Pour vous, en quoi l’expérience permet d’améliorer notre façon de prendre en charge le patient et son entourage lors des situations difficiles ? »

IDE 4 : « Comment améliorer ? Il faut déjà pas trop s’impliquer parce que sinon euh (…) ça revient du relationnel euh (…) ben c’est pas bon. Mais bon il faut être très attentif et puis euh (…) être à l’écoute de, de tout, du patient, de son entourage familial, de ses problèmes physiques euh (…) boulot et compagnie. De tout ce qui le concerne. »

Moi : « D’accord, pour conclure souhaitez-vous rajouter quelque chose ? »

IDE 4 : « Non, non ben non, c’est très bien. »

Moi : « Ok, ben merci ! »

XXVI

Annexe VII : Grille d’analyse

IDE N°1 : Court séjour IDE N°2 : Moyen séjour IDE N°3 : Liberal IDE N°4 : Liberal

Profil de l’infirmière : - Années

d’expérience en tant qu’IDE

- Parcours

professionnel

2 ans d’expérience. Hépato-gastro-entérologie

16 ans d’expérience. Urgences pédiatriques/Chirurgie/ Pédiatrie/Liberal/ Urgences adultes/Traumatologie/ Salle de réveil/SSR

11 ans d’expérience. Rééducation fonctionnelle/ Maison de retraite/ ORL/Liberal/ Rééducation fonctionnelle pour enfant/ Liberal à son compte depuis 5 ans

39 ans d’expérience. Chirurgie ORL/ Médecine : gastrologie/ Psychiatrie/ Essentiellement : Liberal depuis 1981

Présentation de la situation : - Contexte de la

situation

Prise en charge urgente d’une patiente très connue du service dont le pronostic vital est engagé (coma encéphalopathique).

Prise en charge d’un patient du même âge que l’IDE pour une fracture des cervicales avec découverte d’une sérologie HIV positive. La situation a eu lieu pendant sa première année de formation.

Prise en charge d’un enfant dans un service de rééducation fonctionnelle. C’est un enfant dans un état végétatif. L’IDE s’est retrouvée au milieu d’un conflit parental au sujet de l’arrêt de l’acharnement thérapeutique.

Hors enregistrement, cette IDE m’a fait part d’une situation où elle avait donné de l’argent à une de ses patientes pour lui permettre de survivre.

XXVII

- Y a-t-il une sortie

du cadre professionnel ?

- Si Oui : Les signes évoquant la sortie du cadre professionnel

- Si Non : Les signes évoquant la difficulté importante face à cette situation

Pour IDE N°1 : Oui « Alors oui ! Euh (…) On a eu une, une fois où en fait c’est une patiente qu’on voit deux fois par semaine en hôpital de jour. »

Elle ne donne pas directement de signes - Souhaite une implication +

importante envers cette patiente

« voilà on avait envie de (…) de s’occuper d’elle beaucoup fin (…) peut être plus que d’autres

patients » « Et ben (…) ça nous a (…) fin moi en tout cas ça m’avait (…) j’avais

envie de faire plus pour elle quoi ! » - Charge émotionnelle et

implication importante « Moi personnellement et même toute l’équipe on s’était impliqué émotionnellement et de la voir euh (…) dans un état comme ça, ça nous a vraiment beaucoup touché et moi aussi »

Pour l’IDE N°2 : Non « En terme de proximité je ne sais pas, en terme de prise en charge où j’ai été en difficulté oui. c’est au décours de mes années d’études. Euh j’étais en stage […] » « C’est une situation qui était difficile pour moi. »

Pour l’IDE N°3 : Oui « C’est arrivé oui euh (…) notamment quand je travaillais au centre Mathieu Donnard où j’avais un enfant en charge qui était dans un état végétatif et euh (…) il y avait une question … La question du jour c’était euthanasie ou pas euthanasie

de l’enfant. » Elle ne donne pas directement de signes Très touchée par cette situation « C’était une situation terrible de voir cet enfant endormi tout le temps et se sentir impuissant face à cet état de fait. » « C’était assez compliqué et euh (…) ça a été une euh (…) un moment de, de mon activité où euh (…) où forcement on est partagé quoi ! On sait pas ce qui est le mieux pour l’enfant au final. »

L’impuissance : « C’était une situation terrible de voir cet enfant endormi tout le temps et se sentir impuissant face à cet état de fait. »

Pour IDE N°4 : Non « Non. Non, non … C’est … Jamais. »

XXVIII

- Les facteurs ayant influencés cette situation

Difficulté à maintenir une juste distance professionnelle : notamment à cause du lien établi « On avait créée vraiment un lien et euh (…) et ce lien justement nous a (…) de la voir tous les trois jours (…) C’est difficile après de casser cette (…) fin de (…) que la barrière reste et que nous on reste dans notre position de soignant complétement avec le cadre […] »

Séjours récurrents : car maladie chronique « […] c’est une patiente qu’on voit deux fois par semaine en hôpital de jour. » « Donc cette patiente là on l’a

voyait deux fois par semaine pour des ponctions d’ascite. Et c’est vrai que on crée un lien. »

Connaissance du patient grâce à la communication : « Parce que ben (…) à voir les patients deux fois par semaine euh (…) ils connaissent euh (…) ils nous connaissent nous du coup et (…) et eux aussi parce qu’on échange beaucoup. […] »

Age du patient : « […] j’avais un jeune homme qui avait approximativement le même âge que moi. Puisque je devais avoir 20 ans, il avait le même âge que moi. » « Euh (…) c’était très compliqué pour moi parce que j’avais ce jeune homme en charge qui avait mon âge »

La nudité : « Et à côté de ça il y a le problème de la nudité à l’hôpital où il se retrouve pris en charge par une jeune femme qui a son âge au moment des soins. »

Transfert : « il y avait forcément un peu d’empathie parce que l’enfant euh (…) moi j’étais moi-même maman donc en étant maman, on, on (…) volontairement ou involontairement on transfert un peu la situation à se propre vie. »

Le relationnel : « Donc oui par le biais du relationnel, du contact, toucher et du dialogue. Forcément on n’est pas insensible, on peut pas, sinon il faut faire autre chose j’ai envie de dire ! »

XXIX

Corrélation entre la connaissance de la patiente et les liens, l’attachement établis: « […] c’est une patiente avec qui on a beaucoup de, de liens. Donc forcément on s’attache aussi et Parce qu’on la connaissait beaucoup, parce qu’on la prend en charge depuis euh (…) des années et des années. […] » « la chronicité des (…) fin la chronicité de sa maladie a fait que forcément on la voyait beaucoup plus et euh (…) et du coup bah nous aussi on s’est attaché quelque part à elle parce qu’on connaissait sa vie, on connaissait ses enfants, on connaissait voilà ! »

Corrélation entre la connaissance de la patiente, son état physique et l’implication émotionnelle : « […] elle était susceptible de mourir en fait euh (…) dans les heures qui venaient. » « […] de la voir dans un état euh (…) voilà, très critique. Un état très critique et puis euh toute chétive fin […] » « […] c’est une des patiente de notre service qui (…) que tout le monde connait et donc (…). Moi

Le début de formation « C’était euh (…) mon troisième stage de première année »

Les pathologies du patient : « […] ce jeune était tombé euh (…) dans une piscine un soir de beuverie avec les militaires et il a eu une fracture cervicale qui a entrainé une tétraplégie. Euh (…) des examens sanguins ont été réalisés à l’hôpital et euh (…) sur euh (…) ben ces examens en fait fait, une sérologie HIV est revenue positive. »

Transfert : « […] je pense que inconsciemment on fait des transferts. En se disant euh (…) ben ça peut être … donc là j’avais le même âge que lui, j’avais 20 ans. Ça peut être mon copain, ça peut être mon grand frère, ça peut-être euh (…) euh (…) mon cousin. Ça peut être quelqu’un avec qui euh (…) ben j’aurais pu avoir un parcours de vie, pas forcément amoureux mais euh (…) le connaître dans mon entourage et du coup on se transfert sur la situation et euh (…) ben forcement ce genre

- Le partage par la communication verbale et non verbale (touché) :

« Ben y’a le contact, on est quand même en contact proche euh (…) dans les deux cas il y avait des (…) des nursings donc on est au (…) ben comme les enfants qui viennent de naitre y a du (…) du contact en peau à peau c’est on partage des choses. On partage un (…) un contact, on partage une relation euh (…) soignant-soigné […] » « Le toucher voilà ! Il y a la relation au toucher et puis pour la personne en fin de vie on (…) on échange sur les angoisses qu’il peut avoir, ses appréhensions. »

- La relation de confiance : « […] au fur et à mesure on devient un peu le confident […] »

XXX

personnellement et même toute l’équipe on s’était impliqué émotionnellement et de la voir euh (…) dans un état comme ça, ça nous a vraiment beaucoup touché et moi aussi. […] On s’était impliqué et c’est vrai que de la voir euh (…) dans son lit toute petite, toute euh (…) chétive […] Voilà,

fragile ! » Personnalité de la patiente : « […] elle est très joviale, elle envoie beaucoup de bonne humeur

elle est très attachante […] » Son intérêt face aux soignants : « […] elle pose beaucoup de questions aussi sur nous parce qu’elle nous voit tous les (…) trois,

quatre jours […] » Transfert -> Rajout de l’IDE à la dernière question « Après il y aura toujours des transferts avec des personnes euh (…) qui vont nous rappeler (…), des patients qui vont nous rappeler des personnes qu’on a connu ou voilà ! »

de situation nous (…) nous affecte en tant que professionnel en se disant ben ça pourrait être nous […] »

XXXI

- La fréquence de ce type de situation et la période de sa carrière

Informations supplémentaires du professionnel

Fréquence régulière : « Alors (…) Oui. Euh (…) Y’a plein d’autres situations parce que avec euh (…) la cancérologie c’est vrai que les fins de vie on en a

énormément. » - Evocation de singularité des

individus et de feeling : « y’a un feeling, j’sais pas comment

dire, qui passe avec certains patients, d’autres, pas du tout ! […] y’a le courant, je sais pas comment appeler ça (…) qui passe ou pas avec certains patients. voilà, ça

dépend après de chacun. » - Notre état psychologique à une

période donnée « Ca dépend aussi de ces émotions à nous sur une période donnée, sur une journée donnée. »

- Notion de disponibilité « Y’a des fois où on va avoir beaucoup de travail, où on va pas avoir le temps de s’impliquer émotionnellement et des fois où euh (…) bah voilà, on aura plus le temps de s’impliquer, de parler avec les patients […]. »

Fréquemment : « Alors, oui ça arrive plus de fois qu’on le pense […] »

- Patient connu personnellement :

« […] qu’on vit dans une région où on est en Bretagne donc il y a beaucoup de chance que la personne qu’on soit amené à soigner un jour soit heu (…) le voisin qu’on connait, heu (...) la famille de la maman d’un des enfant avec qui on est scolarisé. Donc il y a aussi cette proximité du fait que euh (…) ben on peut soigner des gens qu’on est amené à connaitre.

Ou de vue ou plus près. » - Hospitalisation long

terme : « Et moi je travaille dans un service ou heu (…) ben c’est un service de soin de suite et de rééducation et dans ce genre de service les gens restent hospitalisés plutôt heu (…) à moyen terme voire à long terme […] »

Fréquent avec des personnes en fin de vie : « Dans la prise en charge des patients qui sont en fin de vie, c’est difficile de ne pas avoir d’attachement. »

- Longue prise en charge et seule en libéral et attachement : « C’est la durée du séjour n’est pas la même que euh (…) en libéral moi je suis toute seule dans mon cabinet donc le suivi je l’assure moi-même et euh (…) c’est pareil c’est difficile euh (…) de pas s’attacher aux gens. »

- Proximité affective de la famille

« […] c’est difficile euh (…) de pas s’attacher aux gens. Parce qu’on fait presque parti de la

famille. » - Transfert et empathie : « […] on a toujours ce sentiment d’empathie et de se dire ça pourrait être un oncle, une tante, un grand parent. »

XXXII

Représentations sur l’engagement : - L’engagement

selon l’infirmière

Primordial depuis toujours : « Alors, pour moi l’engagement dans une relation de soin c’est primordial. Euh (…) voilà c’est (…) de toujours hein ! Quand j’étais élève voilà c’est toujours quelque chose de primordial. »

« si on fait ce métier là c’est qu’on aime, on aime les gens et que forcément on va s’impliquer […] Mais j’pense qu’on reste humain coute que coute et que euh voilà notre travail c’est de les accompagner au mieux et donc

d’avoir un engagement. » -> Rajout de l’IDE à la dernière question L’engagement selon la singularité des infirmières : « L’engagement c’est quelque chose je pense, qui est propre à soi-même. Je pense que chaque infirmière à son identité et ne se (…) s’engage différemment avec le patient. […] Quand on en parle aux transmissions des patients, on parle beaucoup de notre engagement et de notre ressenti avec les patients. Et chacune

Don de soi pour l’intégrité du patient et l’instauration d’un climat de confiance : « L’engagement c’est euh (…) être en mesure de donner au patient ce qu’il attend en termes de besoin être physique, psychologique et social. L’engagement c’est euh (…) qu’est-ce que moi je vais mettre en place dans ma personnalité pour instaurer un climat de confiance avec ce patient pour euh (…) l’emmener en fait à ce que de par la confiance qu’il a en moi dans les soins, il puisse progresser euh (…) vers une récupération de son autonomie ou de son bien être ou (…) ou voilà ! »

Complémentarité avec les autres soignants : « […] c’est l’engagement personnel de l’infirmière ça va être euh qu’est-ce que moi je vais mettre en place dans la relation avec ce patient qui va être diffèrent de ce que ma collègue va faire pour lui mais

Mise en place d’une relation de confiance :

- Proximité « Alors l’engagement dans une relation de soin c’est euh (…) une euh (…), une proximité avec le patient. »

- Confiance « Alors l’engagement dans une relation de soin c’est […} une relation de confiance. Le soin est basé sur la confiance, si on n’a pas la confiance, on n’arrivera pas à avancer dans le soin. »

- L’écoute active (Relation d’aide et accompagnement)

« […] l’écoute active euh (…) des ressentiments des personnes […] »

Don de soi pour l’intégrité du patient : « L’engagement ben il faut faire en sorte que la personne se trouve bien, améliore sa santé, psychologiquement et puis physiquement. Et voilà ! »

XXXIII

- Les limites de

l’engagement

s’engage différemment. »

L’engagement selon la singularité des situations : « On a tellement d’émotions en (…) dans une journée de travail que l’engagement est différent avec chaque infirmière, chaque journée est différente au niveau de son engagement. »

« y’a tellement de facteurs externes à la relation soignant-soigné que l’engagement en est des fois perturbé et euh (…) on n’a pas toujours l’engagement qu’on voudrait euh (…) leur donner aux patients »

Limites de temps et limites organisationnelles : « En quinze minutes je peux pas m’engager autant que je le souhaiterai. Mais après voilà, y’a des, y’a des facteurs de temps, y’a des facteurs d’administratif, y’a le téléphone qui sonne en permanence. Y’a les autres patients, y’a des urgences, y’a voilà ! »

qui va être complémentaire […] »

+ Importance du travail d’équipe et la singularité de chaque soignant Limites dans la relation pour maintenir une distance professionnelle juste pour ne pas se retrouver dans l’impuissance par rapport aux attentes du patient : « Les limites de l’engagement c’est justement ne pas rentrer dans la relation où euh (…) on va être dans le copinage avec le patient et ou en fait euh (…) je vais être euh (…) quand le patient va vouloir rentrer dans une relation qui va être plus que celle que je peux lui la (…) lui donner dans mon cadre professionnel. »

« Rester dans une relation ou effectivement on peut rester dans la banalité des propos sans rentrer dans le côté personnel. »

Limites dans la relation pour maintenir une distance professionnelle juste : « Oui, faut pas être trop proche parce que quand on est trop proche après c’est, c’est source d’ambiguïté […] »

Donne une situation en exemple : l’IDE s’engage dans la négociation pour l’amputation, dans sa vie privée et dans sa prise de décision : « […] il était diabétique et euh (…) il avait un germe multi résistant dans le (…) dans le pied il refusait l’amputation. Donc il a fallu négocier en fait. […] il a fallu négocier euh (…) lui remettre les idées en place et lui dire qu’il était pas euh (…) tout

N’évoque pas de limites

XXXIV

- L’influence du

degré de la pathologie du patient dans l’engagement

Pour IDE N°1, « c’est au niveau des émotions euh (…) ça va être différent, au niveau de la pathologie, au niveau du stade où ils en sont dans leur pathologie. » Un engagement à la base égal : « j’essaie toujours de donner la même chose à l’un qu’à l’autre. »

« Voilà mon engagement est le, est prêt à être donné de la même manière aux patients mais peut-être pas après euh (…) après c’est le patient j’pense qui le prend ou le

Recadrage par l’eludation : « Etre capable de recadrer en éludant certaines questions. On peut répondre à un patient euh (…) quand on lui pose la question de savoir combien il a d’enfant, qu’il nous demande combien nous on en a, je pense qu’on rentre pas dans la relation autre que de répondre. Effectivement par le nombre d’enfant et éventuellement dire l’âge de nos enfants, euh (...) sans pour autant rentrer dans la chambre le matin en disant euh (…) « J’ai pas bien dormi cette nuit, mes enfants ont pas dormis ! »

Pour l’IDE N°2 : Oui. « Je pense que euh (…) effectivement, euh (…) on fait un métier où on travaille avec de l’humain. […] Oui je pense qu’effectivement quand on sait qu’on prend en charge quelqu’un qui a un pronostic vital pas bon, euh (...) fait que euh (…) oui notre engagement va être diffèrent. »

seul et que refuser le soin c’était quelque part un peu égoïste, au regard de sa famille et de ses proches. en négociant […] il a accepté de se faire amputer » Mais elle a conscience : « […] en étant toujours en, en replis parce que s’il n’avait vraiment insisté pour euh (…) pour ne pas qu’on l’ampute, ben son, son choix est déterminant et c’est lui qui décide au final. »

Pour l’IDE N°3 : Oui. « Ben oui. […] Que quand ça touche une, une pathologie plus lourde, comme un cancer ou euh (…) ou (…) ou une prise en charge de soins palliatifs, là on sait que là ben l’aboutissement c’est la mort quoi ! Ou pas loin quoi ! Donc euh (…) donc c’est sûr que l’engagement n’est pas le même. »

Pour l’IDE N°4 : Non. « Euh non j’pense pas non. »

XXXV

prend pas. Pour moi être soignant c’est soigner les uns comme les autres et avec leurs défauts, leurs (…) leurs pathologies diverses et variées. Pour moi je donne la même chose à tous, après prennent ou ne prennent pas ceux qui le veulent de mon engagement. »

Influencé par le patient, s’ils sont réceptifs ou non :

- Le lien établi « Après c’est sûr que comme je disais tout à l’heure, le, le lien euh (…) le lien avec le patient n’est pas toujours le même […] »

- La confidence « […]y’a des fois où les patients vont être plutôt prostrés et ne voudront pas en parler de leur maladie. D’autres vont être très libéré par rapport à la pathologie. »

Instaurer la relation d’aide : « […] je pense que oui euh (…) le soin change euh (…) certaine fois on n’est plus dans le faire euh (…) et dans le savoir-faire, on va être euh (…) dans la relation d’aide et on va être dans le soin psychologique. » Le touché : « Et certaine fois il y a pas de mot, c’est simplement le touché qui va prendre euh (…), qui va prendre le relais. »

Instaurer la relation d’aide : « […] quelqu’un qu’il faut rassurer et apaiser et soulager. »

XXXVI

Les émotions dans les relations trop proches : - Types d’émotions

ressenties

- La gestion de ses

émotions, les moyens mis en place

Colère : « Et c’était pas évident parce que on était quelque part énervé contre l’autre service »

Impuissance (sentiment) : « […] j’étais pas […] j’avais un sentiment un peu d’impuissance […] »

Retourner sur la situation et prendre du recul : « […] j’essaie de prendre du recul […] souvent quand je fais mes transmissions écrites ou (…) je prends un petit temps […] j’pense qu’il est bon de revenir un petit peu euh (…) régulièrement. Euh après dans la journée si on a eu des émotions (…). Mais de faire le point de (…) voilà ! Parce que

N’évoque pas d’émotions mais plutôt des pensées à ses patients hors travail : « […] avant de reprendre le travail c’est la question qu’on se pose comme tout à chacun, savoir si ce patient va être encore là quand on va reprendre notre service ou pas. Oui (…) c’est une question j’pense naturelle de (…) de euh (…) penser certaines fois des situations euh (…) du travail ou penser à certaines choses qu’on a vécu quand bien même on est à l’extérieur »

Cette IDE a conscience de ses limites personnelles : « Donc bah certaine fois on sent bien que le patient a envie euh (…) de nous confier des choses ou de parler mais on sait très bien qu’on n’est pas en mesure ou de l’entendre, ou de l’accepter […].Quand euh (…) quand j’sens que j’suis dépassée euh

N’évoque pas d’émotions particulières à cette période de l’entretien. Mais en amont, plusieurs fois elle exprime ses émotions : « […] forcément un peu d’empathie on peut pas rester insensible à la situation quoi ! » « on a toujours ce sentiment d’empathie » « Forcément on n’est pas insensible, on peut pas, sinon il faut faire autre chose j’ai envie de dire ! »

Partage avec les médecins : « Et puis euh (…) en discuter avec des (…) des collègues qui sont médecins aussi. » « […] après c’est le travail d’équipe qui fait qu’on va arriver à maitriser une situation d’urgence ou pas. On va être, euh (…) on va être appuyée par nos collègues. C’est ça qui est bien, c’est qu’en service on a

Surprise, choc (sentiment) : « La surprise oui (…) des surprises peut être oui ! Quand le cas était grave et puis euh (…) physiquement euh (…) important ou grave, oui ! Mais bon, c’est un choc comme pas mal de personnes peuvent avoir hein ! »

Partage avec l’équipe : « J’ai géré mon (…) mon problème avec l’équipe, l’équipe soignante, on en a parlé. »

XXXVII

quand on va trop loin euh c’est pas euh (…) c’est pas évident. »

Partager avec l’équipe « moi j’pense que dans l’engagement et dans les situations compliquées, difficiles, qui, émotionnellement nous ont (…) touchées. J’pense que l’équipe a un rôle primordial (…). Dans (…) voilà, dans le fait de pouvoir après euh (…) vider un petit peu notre, notre trop plein d’émotions. J’pense que ça c’est important. » -> rajout de l’IDE à la dernière question

(…) par ce que va me confier le patient... » « Et moi d’un point de vue personnelle, quand je peux pas rentrer dans la relation […] »

Repenser à la situation, l’analyser : « […] essayer de repenser en fait, à la situation, d’analyser et de me poser la question « pourquoi ça me touche dans cette situation ? ». »

Partager avec l’équipe : « Et moi d’un point de vue personnelle, quand je peux pas rentrer dans la relation, je le dis aux transmissions |…] »

Déléguer, aiguiller vers un professionnel spécifique : « […] quand j’sens que j’suis dépassée euh (…) par ce que va me confier le patient, je sais qu’il y a une psychologue qui est rattachée au service et à ce moment-là j’essaie d’aiguiller euh (…) ben (…) et le médecin et le patient sur le bénéfice que pourrait apporter cette psychologue. […]. Je le dis aux transmissions à savoir

des collègues, qu’en libéral on est tout seul ! Voilà (rires) ! Face aux situations ! Et on essaie de les gérer au mieux. » ->Rajout de l’IDE à la dernière question

Partage avec l’entourage tout en gardant le secret professionnel : « Ben au fait d’en discuter avec euh (…) mon entourage euh (…) bon toute façon toujours de manière anonyme hein pour euh (…) le caractère confidentiel de, de, du patient. » | V

Evacuer pour se préserver : « Savoir faire la part des choses quand on rentre chez soi en fait c’est (…) pas toujours évident à évacuer mais euh (…) faut arriver à le faire en fait. Pour se préserver sois même et, et, et ses proches. »

Mettre une juste distance : « Après euh (…) c’est une question de distance. »

XXXVIII

- Les facteurs ayant influencés la survenue de ces émotions

Son engagement : qui a engendre un attachement, une bonne connaissance de sa patiente et donc des émotions : « […] j’étais pas bien j’avais fin (…) j’sais pas ce qu’elle avait fait en moi mais elle avait, voilà, elle avait atteint quelque chose qui m’avait touchée vraiment.[…] Ben c’était comme une personne euh (…) pas proche mais que je connaissais bien qui allait (…) qui allait partir quoi ! C’est vrai que ça (…) ça engendre des émotions forcément. » « […] mon engagement a influencé les choses (…) mon engagement est peut-être trop important aussi avec mes patients.[…] J’pense que l’engagement qu’on a avec le patient euh (…) forcément a une influence sur nos émotions parce que si j’m’étais pas engagé euh (…) avec cette patiente à discuter Si j’avais pas fait tout ça, évidemment (…) ça ne m’aurait pas atteinte non plus. »

si après une collègue est en mesure de prendre le relais. »

Son attache aux patients : « Quand on va prendre en charge des patients, il y a certains auxquels on va s’attacher plus que d’autres quand bien même on reste professionnelle et on garde ses limites là. »

Le degré de gravité de la pathologie de son patient : « Quand on sait que le processus ben (…) de vie va se terminer euh (…) oui avant de reprendre le travail c’est la question qu’on se pose comme tout à chacun, savoir si ce patient va être encore là quand on va reprendre notre service ou pas. »

Sa difficulté à occulter le travail dans la vie personnelle : « Parce que faire la part des choses entre vie professionnelle et vie personnelle, certaines fois

Son engagement dans ses relations : Notion de partage avec le patient et la famille : « non je pense pas que exprimer ses émotions ce soit un manque de professionnalisme parce que ça prouve qu’on partage quelque chose de plus avec son patient. » « Et euh (…) et avec la famille parce que quand on prend en charge un patient, je pars du principe qu’on prend en charge également la famille. »

Proximité pour l’aide et le réconfort envers ses patients et leur entourage : « Et quand la famille est dans la douleur et la souffrance, on doit être capable de la réconforter avec ses moyens. Et euh (…) et moi ça me dérange pas de prendre quelqu’un dans mes bras euh (…), quelqu’un qui sait qu’elle va perdre euh (…), une épouse qui sait qu’elle va perdre son mari. Je, je vois pas où est

XXXIX

- La place des émotions dans le soin

Son expérience : « […] mon engagement a influencé les choses parce que j’pense que (…) peut être qu’après avec deux années de diplômes, j’ai ptete pas assez de recul encore. Mais euh (…) et que ptete que je donne (…) mon engagement est peut-être trop important aussi avec mes patients. En sachant que euh mon engagement à quand même évolué […] »

Rien face aux patients : « […] j’en parle pas aux patients, je pense qu’il a (…) ça ne le regarde pas déjà d’une. »

Echange avec l’équipe : « Euh (…) par contre avec l’équipe euh (…), fin nous je sais que dans notre service euh (…) les transmissions sont assez longues parce qu’il y a justement ce besoin là que chacun un petit peu s’exprime sur ce qu’il a ressenti. Parce que tous les jours on a des situations complexes euh (…) au niveau émotionnel et tous les jours je pense que euh (…) voilà, ça fait du bien. […] j’pense que c’est bien

c’est pas forcement simple. Donc quand euh (…) ben on est à la maison, oui, certaines fois on peut penser à des choses qui se passent au travail. Ou à des patients qui, qu’on a laissés. »

Echange avec l’équipe : « Ouais, au sein de l’équipe ! »

Simple signalement à la famille tout en respectant le secret professionnel : « Pas à la maison. Simplement à la maison signaler que oui, mon comportement va peut-être être un peu différent parce que justement ça a été un lourd au travail mais sans rentrer dans les détails (…).» « Je pense que c’est important d’avoir un soutien heu […] Extérieur aussi sans rentrer dans (…) dans les détails et sans mettre en question le

le mal que de chercher un peu de réconfort auprès d’un soignant qui va être là au quotidien. Pour moi c‘est pas choquant. »

Sa difficulté à occulter le travail dans la vie personnelle : « Savoir faire la part des choses quand on rentre chez soi en fait c’est (…) pas toujours évident […] »

Echange avec les médecins, son entourage (+ secret professionnel) Partage les bonnes émotions pour le bien-être de ses patients tout en gardant une distance.

XL

aussi d’évacuer avant de partir bah du travail, toutes ces émotions là que, qu’on a accumulé dans la journée. Voilà. Et en particulier, oui, les émotions qui sont très fortes, voilà, où on a eu envie de pleurer. Ou (…) ça nous a vraiment atteints, j’pense que c’est très important de les exprimer avec l’équipe. »

Singularité des soignants : « Chaque personne est différente. Y’en a qui vont le garder pour eux »

secret professionnel ! »

Evoque des limites organisationnelles (en plus des limites émotionnelles) dans l’établissement d’une relation d’aide : « Euh (…) à savoir que des fois on n’est pas en mesure de rentrer justement de cette relation parce que ben la charge de travail, le quotidien fait que euh (…) ben la relation d’aide on n’a pas un temps dans notre travail, dans notre journée dégagé pour relation d’aide pour monsieur ou pour madame intel. ou (…) d’avoir les moyens matériaux ou en timing nécessaire pour être objectif et mener à bien cette relation d’aide. »

XLI

L’influence de l’expérience dans cette situation :

- Le positionnement de l’infirmière lors des situations difficiles

Reste professionnelle : « Quand j’étais avec la patiente je faisais mon travail correctement et euh (…) voilà ! Comme habituellement en fait. Euh (…) après c’est, c’est moi qui était bouleversée mais à l’intérieur de moi-même donc euh voilà elle le ressentait pas. »

Aucune émotion face à la patiente : « J’pense que le patient n’a pas à ressentir nos émotions donc moi, vis à vis. »

Cf. : ci-dessus : Cette IDE a conscience de ses limites personnelles Don de soi pour l’intégrité du patient et l’instauration d’un climat de confiance Limites dans la relation pour maintenir une distance professionnelle juste pour se retrouver dans l’impuissance par rapport aux attentes du patient Recadrage par l’éludation Déléguer, aiguiller vers un professionnel spécifique

Protection émotionnelle pour ne pas sortir du cadre de la relation : « Ben on prend sur soi, on respire un bon coup et on essaye de pas se laisser envahir par les émotions. On essaie de reprendre ses esprits et, et de rester dans la relation soignant-soigné. »

Aucune implication émotionnelle : « Il faut déjà pas trop s’impliquer parce que sinon euh (…) ça revient du relationnel euh (…) ben c’est pas bon. »

Attentif et à l’écoute : « Mais bon il faut être très attentif et puis euh (…) être à l’écoute de, de tout, du patient, de son entourage familial, de ses problèmes physiques euh (…) boulot et compagnie. De tout ce qui le concerne.»

XLII

- L’évolution de son positionnement au fil de sa carrière

- La vision de l’infirmière concernant l’influence de l’expérience dans des situations difficiles

Evolution du positionnement et des aprioris de la profession dès la formation : « Ouais, alors je pense que au début quand on est nouveau diplômé… Bon ça fait que deux ans mais j’pense que au début quand on commence tout de suite (…) Ouais, même pendant la formation j’pense que (…) on pense que on va sauver euh (…) tout le monde ! Euh voilà ! Mais en fait, bon voilà ! Ça change énormément […] »

La connaissance des pathologies prévalentes permettent d’anticiper notre positionnement : « Fin plus on a de l’expérience, plus on connait bien les pathologies qu’on soigne aussi, mieux on sait vers où on va. on visualise les choses mieux sur un temps […] Et du coup je pense que voilà, on se prépare quelque part j’pense, peut-être inconsciemment, à des situations difficiles. » « Bon là ça va faire deux ans que je suis en hépato-gastro, j’commence à bien connaitre les pathologies […] Ca nous permet de […] A anticiper,

« Oui le positionnement change » « J’pense que c’est des choses qui s’acquièrent et l’expérience oui, elle est positive. » « C’est l’expérience je pense qui permet justement de (…) d’améliorer euh (…) notre qualité de prise en soin et notre qualité de prise en charge du patient […] »

Confrontation à de multiples situations : « le fait d’être euh (…) ben confronté à tout un tas de situations différentes fait que euh (…) oui par la force des choses on murit, on prend en maturité. » Grace à une connaissance de soi : « On (…) apprend à se connaitre aussi »

Grace à l’amélioration des soins techniques -> diminution du stress -> favoriser le relationnel : on arrive également euh (…)

Oui : « Ah bah oui, je pense que quand on est jeune dans la profession on n’a pas forcement les armes nécessaires pour euh (…) pour euh (…) pour lutter dans certaines situations euh (…) qui sont imprévisibles. Y’a des situations qu’on prévoit pas et on n’a pas forcement les réflexes et on sait pas forcément comment on doit réagir. »

Retour sur la situation avec les collègues : « C’est après qu’on débriefe avec les collègues sur ce qu’il aurait fallu faire ou pas faire. »

L’expérience apporte les connaissances : « Mais plus on acquiert de l’expérience et plus on, on comment (…) on a ses appuis et (…) et on sait, on apprend à savoir comment il faut réagir en fonction de telle ou telle situation. » « Mais c’est vrai que quand on est jeune DE bah on sait pas tout et puis euh (…) puis on apprend au fur et à mesure,

Non pas d’évolution : « Non, non (…) je (…) non. »

XLIII

voilà, c’est ça que je voulais dire. A anticiper les situations dites

complexes. » -> notion de préparation et d’anticipation au décès lors des situations difficiles.

Décèle les situations à risque d’enjeux émotionnels contrairement à son début de carrière: « A voir les patients avec qui on a cette accroche justement là et avec qui on va s’engager peut-être plus émotionnellement qu’avec certains. On s’prépare psychologiquement,(…) fin moi en tout cas pour ma part je prends peut-être mieux les choses maintenant. »

L’accompagnement évolue / prise en charge difficiles :

« Ça change énormément, j’pense qu’aussi le fait que j’travaille dans un service où on a beaucoup de patient euh (…) en fin de vie. Euh (…) et qu’on accompagne énormément les patients dans la fin de vie […] »

L’engagement évolue : « Euh (…) l’engagement au niveau de la relation y est hein ! Y’a pas, y’a pas… Fin pour ma part j’pense

avec l’expérience à être plus au clair avec tout ce qui est soins techniques et à être en fait libérée du stress que peut provoquer un soin technique et d’être euh (…) vraiment avec le patient côté relationnel et d’être capable de parler (…) de tout et de rien et d’être dans la relation d’aide au moment où on fait le soin donc euh (…) chose toute bête on peut faire (…) avec l’expérience j’pense qu’on peut faire une relation d’aide en changeant un gripper alors qu’en début de carrière c’est quelque chose qu’on peut pas faire. »

Grace à une remise en question régulière -> ajustement du comportement : « On apprend en fait euh (…) de ce qu’on a pu vivre par la passé et de ce qui a pu nous mettre en difficulté pour justement la fois d’après euh (…) ben (…) arriver à passer outre et à (…) et à changer notre façon de faire pour ne pas être en difficulté. Alors heu (…) sans euh (…) sans arrêter d’être dans la relation mais en

c’est normal hein si on savait tout ça serait trop facile et euh (…). »

L’expérience permet d’apprendre à gérer des émotions : « On arrive à apprendre avec l’expérience à se contenir face à telle ou telle situation. » « C’est ça ! C’est l’expérience qui fait que on devient plus fort dans la (…) dans la protection qu’on a en tant que soignant de pas euh (…) de pas se laisser déborder par les évènements. »

Notamment face au transfert : « […] quand on est amené à voir quelqu’un qui souffre et que ce soit un jeune, un moins jeune, euh (…) on n’a pas encore les armes pour lutter contre nos émotions, nos propres émotions. Et on a (…), jeune, jeune infirmier, moi j’étais, j’avais du mal à passer au-delà de l’empathie profonde et de me dire mince, ça pourrait être mon oncle, ma tante ou mon petit frère quoi ! »

XLIV

pas que je fais, que je ne le fais pas ! Mais c’est un engagement différent parce que je sais où on v(…) vers quel (…) vers où on va dans leur pathologie. Euh (…) ce que ptete au départ je visualisais ptete pas bien aussi. » « […] quand on change de service tout au long de notre carrière, j’pense que notre engagement va être remis encore en question parce que on sera peut-être pas préparé à (…) à des choses euh (…) voilà au niveau émotionnel parce que j’pense que quand on arrive dans un service on est toujours un petit peu euh (…) voilà il nous manque d’expérience et de connaissance sur certaines pathologie […] »

changeant le (…) en changeant le comportement qu’on aurait pu avoir précédemment qui aurait pu nous mettre en difficulté. »

Conscience de ses limites : « C’est euh (…) j’connais mes limites voilà ! On a tous nos limites et euh (…) c’est à nous de savoir lesquelles elle sont mais euh (…) moi dans la prise en charge des bébés j’aurais été incapable ! »

Informations supplémentaires : la singularité des infirmières : « Après c’est propre à chacun, on a tous un comportement diffèrent face aux situations. D’autres vont être très froids, d’autres vont être trop impliqués, euh (…) d’autres vont être trop speed, paniquées, pas trop savoir […] »

Name : Kervarec Surname : Aude

Title : Nurse’s positioning in coverages with strong emotional stakes

In nurse’s practice, caregivers are obliged to cope with difficult human situations. They take care of the patients and accompany them in the best times but also in the most difficult. They establish with their patients a special relationship that generates confidence and expectations that they cannot always respond to. The objective of this work was to determine what professional experience enables the adjustment of position to manage intense emotional situations. As a first step, a care situation was described and analyzed. Based on this analysis and questioning, concepts emerged. Theoretical research on these concepts was conducted to better understand the link between the relationship of the nurse with the patient, the commitment and the emotions that result and that can bring experience. Secondly, four nurses were interviewed. Their answers were transcribed, analyzed and compared with the previously performed theoretical framework. The results of this research show that, indeed, when caregivers are involved in a relationship, an alliance can be created with the patient. From there, much sharing is done, a certain complicity can be born and professional distance can be difficult to maintain. When the patient is in trouble, caregivers may be affected and emotions may arise. Over their career nurses deal with situations of various degrees of difficulty which reinforce their knowledge of pathologies. In addition, they forge their own professional identity, they become aware of it and its limits and through this they can adjust their positioning during intense situations. In conclusion, the experience was an essential resource for the support of strong emotional issues. Indeed it contributes to the evolution of a professional identity and the enrichment of knowledge. But the central pillar remains the humanitude: It nourishes and leads the nursing profession.

Key words : commitment, emotions, experience, positioning, relationship nursing – care

Nom : Kervarec Prénom : Aude

Titre : Le positionnement infirmier dans une prise en charge à forts enjeux émotionnels

Dans l’exercice infirmier, les soignants sont amenés à faire face à des situations humaines difficiles. Ils prennent soin des patients et les accompagnent dans les meilleurs moments mais aussi dans les plus difficiles. Ils établissent avec leurs patients une relation spéciale qui engendre une confiance et des attentes auxquelles ils ne peuvent pas toujours répondre. L’objectif de ce travail est de déterminer en quoi l’expérience professionnelle permet d’ajuster un positionnement adapté lors des situations émotionnelles intenses. Dans un premier temps, une situation de soin a été décrite et analysée. A partir de cette analyse et du questionnement, des concepts ont émergés. Des recherches théoriques sur ces concepts ont été menées afin de mieux comprendre le lien entre la relation avec le soigné, l’engagement, les émotions qui en résultent et ce que peut apporter l’expérience professionnelle. Dans un second temps, quatre infirmières ont été interrogé. Leurs réponses ont été retranscrites, analysées et comparées au cadre théorique préalablement effectué. Les résultats de cette recherche montrent qu’en effet, lorsque les soignants sont impliqués dans une relation, une alliance peut se créer avec le patient. De là, beaucoup de partage se fait, une certaine complicité peut naitre et la distance professionnelle peut être difficile à maintenir. Lorsque le patient est en difficulté, les soignants peuvent être affectés et des émotions peuvent surgir. Au fil de de leur carrière ils font face à diverses situations plus ou moins difficiles. Leurs connaissances sur les pathologies se renforcent. De plus, ils forgent leur propre identité professionnelle, ils prennent conscience d’eux et de leurs limites et grâce à cela ils peuvent ajuster leur positionnement lors des situations intenses. En conclusion, l’expérience professionnelle est une ressource essentielle pour les prises en charge à forts enjeux émotionnels. En effet elle contribue à l’évolution d’une identité professionnelle et à l’enrichissement des connaissances. Mais le pilier central reste l’humanitude : elle nourrit et conduit la profession d’infirmière.

Mots clefs : émotions, engagement, expérience, positionnement, relation soignant-soigné

INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS QUIMPER CORNOUAILLE 1 rue Etienne Gourmelen- BP170 29107 QUIMPER CEDEX TRAVAIL ECRIT DE FIN D’ETUDES – Année 2013-2016