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  • Daniel Lacotte

    Le pourquoi

    du comment

    Albin Michel

    2004

  • Pour Dominique,

    Guillaume et Mathilde.

  • Tout ce que je sais, cest que je ne sais pas.

    Socrate, cit par Cicron

    dans Academica (45 av. J.-C.)

  • Sommaire

    Savoir et tolrance : le couple indissociable

    1. Vie quotidienne

    Quelle est l'origine de lexpression O.K. pour signifier daccord ?

    Pourquoi habille-t-on les garons en bleu et les filles en rose ?

    Quelle est lorigine du salut militaire ?

    Pourquoi les vtements ont-ils un sens de boutonnage diffrent ?

    Comment a t invente la cigarette ?

    La tomate est-elle un lgume ou un fruit ?

    Do vient le nom de la clbre marque Adidas ?

    Qui est lorigine de la premire tasse de caf ?

    Pourquoi a-t-on dans notre calendrier des mois de 28 jours ?

    Do vient le nom du cocktail baptis bloody Mary ?

    Pourquoi la fte de Nol tombe-t-elle le 25 dcembre ?

    Pourquoi appelle-t-on scotch le ruban adhsif transparent ?

    Depuis quand les hommes portent-ils la cravate

    Quelle est lorigine du poisson d'avril ?

    Pourquoi lanne est-elle rythme par les saisons ?

    Pourquoi a-t-on sept jours dans la semaine ?

    Un choc motionnel peut-il faire blanchir les cheveux en une nuit ?

    Pourquoi les ongles des mains poussent plus vite que ceux des pieds ?

    Pourquoi les Anglais conduisent-ils sur la gauche de la route ?

    Combien de grains contient une poigne de sable ?

    Do vient le nom du clbre sandwich baptis hot-dog ?

  • Pourquoi le blazer bleu est-il devenu un vtement classique ?

    Quand a t construite la Grande Muraille de Chine ?

    Comment lalphabet a-t-il t compos ?

    Do vient l'expression : Cela fera du bruit dans Landerneau ?

    Pourquoi le vendredi 13 est-il considr comme un jour de chance ?

    Do vient le terme boycotter ?

    Pourquoi sert-on les glaces dans des cornets ?

    Do viennent le nom et le signe du dollar amricain ?

    Les vnements curieux plus nombreux les nuits de pleine lune ?

    Pourquoi la balle de golf possde-t-elle de petits alvoles ?

    A quelle vitesse expulse t on les postillons lors dun ternuement?

    Peut-on trouver de leau avec une baguette de sourcier ?

    Comment a t tablie la longueur du mille anglais?

    Pourquoi lOncle Sam personnifie-t-il les Etats-Unis ?

    2. Animaux

    Comment une mouche peut-elle se poser au plafond ?

    Quappelle-t-on un cheval pur-sang?

    Pour un chien, une anne correspond-elle sept ans chez un homme ?

    Les lphants ont-ils une mmoire infaillible ?

    Comment les poissons font-ils pour dormir ?

    Quel animal est le plus grand athlte au monde ?

    Une espce dont les sujets sont striles va-t-elle steindre ?

    Lponge est-elle une plante ou un animal ?

    Comment les hutres fabriquent-elles des perles ?

    Qu'est-ce quun ver luisant ?

    Pourquoi le chien a-t-il toujours la truffe humide?

  • 3. Sciences

    Existe-t-il une diffrence entre la mer et locan ?

    Pourquoi le billement est-il contagieux ?

    Est-il vrai que poils et ongles continuent de pousser aprs la mort ?

    Pourquoi leau de mer est-elle sale ?

    Peut-on casser un verre avec la voix ?

    Quest-ce qui diffrencie le cyclone de la tornade ?

    Pourquoi les feuilles des arbres changent de couleur lautomne ?

    Pourquoi la mer est-elle bleue ?

    Combien pse un nuage ?

    Do vient la couleur des flammes dans un feu de bois ?

    Pourquoi les droitiers sont-ils plus nombreux que les gauchers ?

    4. Espace

    Quest-ce quun arc-en-ciel ?

    Comment sest form le Soleil ?

    Combien y a-t-il de plantes dans le systme solaire ?

    Quelle est la diffrence entre une comte et un astrode ?

    Quand le Soleil sarrtera-t-il de briller ?

    Quelle toile est la plus proche de la Terre ?

    Pourquoi les toiles scintillent-elles ?

    Pourquoi le ciel est-il bleu ?

    La Terre sarrtera-t-elle de tourner ?

    Combien y a-t-il de galaxies dans lunivers ?

  • 5. Culture

    Pourquoi la Vnus de Milo est-elle sans bras ?

    Shakespeare naurait pas crit ses pices ?

    Pourquoi le lion est-il lemblme de la Mtro Goldwin Mayer ?

    Pourquoi les acteurs pensent-ils que le vert porte malheur sur scne ?

    A quoi tient la renomme des stradivarius ?

    Depuis quand les danseurs et les danseuses font-ils des pointes ?

    Devenu sourd, comment Beethoven a-t-il pu continuer composer ?

  • Savoir et tolrance : le couple indissociable

    Dabord, une certitude. En aucune faon ce livre ne

    veut proposer larrogant talage dun hypothtique savoir.

    Bien au contraire ! Il sinscrit clairement dans une

    dmarche excluant tout pdantisme. Car lemphase et la

    forfanterie ne font jamais bon mnage avec le souci de

    comprendre le monde. Dailleurs, il suffit de commencer

    chercher ici ou l des rponses aux questions que chacun

    se pose pour se ranger immdiatement aux cts de ceux

    que la modestie grandit.

    Lexprience et lobservation du spectacle que nous

    offre chaque jour la vie en socit prouvent que les pr-

    tentieux infatus - et autres bouffis de suffisance - ne

    savent gnralement pas grand-chose. Bien videmment,

    la cuistrerie quils affichent exprime leur totale absence

    dhumilit. Aussi bien face aux multiples facettes de la

    connaissance que devant les insouponnables champs qui

    restent encore dfricher.

    De surcrot, une telle attitude refuse dintgrer la

    notion essentielle du doute permanent, cette sage posture

    qui devrait accompagner chaque tentative susceptible de

    guider lesprit sur le chemin du savoir. Car un cerveau

    humain en veil, toujours prt senrichir de nouvelles

    analyses, cest un individu lcoute des autres. Donc un

  • adepte gagn pour le camp de la tolrance, celui qui

    accepte lide que lautre a peut-tre raison. Ainsi lesprit

    qui cherche savoir et comprendre ne semmure-t-il

    jamais dans de striles convictions.

    Alors quil pouvait sembler lgitime de laisser lhomme

    assouvir sa soif de connaissance, daucuns ont toujours

    pens quil convenait plutt de le laisser croupir dans

    lignorance. Pour mieux lasservir. Pour le rduire en

    esclavage. Aussi les tenants de lobscurantisme

    sverturent-ils sans relche barrer la route aux

    humanistes qui prchaient le libre accs du plus grand

    nombre l'ducation.

    Certes, en ce dbut de XXIe sicle, la raison, la science

    et la logique semblent triompher. Cependant, si les efforts

    des chercheurs contribuent attnuer les comportements

    superstitieux, il nen reste pas moins vrai que peurs,

    croyances et angoisses collectives empoisonnent encore les

    rouages du quotidien. Comme si les avances du gnie

    humain ne parvenaient toujours pas anantir des

    craintes venues de la nuit des temps.

    En fait, trop dhumains ont peur du lendemain. Par

    ailleurs, ils fuient la remise en question de leurs

    convictions et vitent de confronter leurs certitudes de

    nouvelles hypothses. Ils vivent en vase clos. Dans le

    confort dune prtendue vrit. Mais si jamais un

    paramtre vient troubler ce fragile quilibre, plutt que de

    chercher des explications solides, ils sen remettent aux

    mains des illusionnistes, sorciers et charlatans de tout

  • poil. Quels que soient leurs fringants atours, ces

    dangereux gourous se disent porteurs dune solution, voire

    dtenteurs dinfaillibles secrets qui les hissent au rang de

    mdiateurs entre la vie et le surnaturel. Et, comme tous

    ces serviteurs d'un impntrable au-del promettent un

    lointain paradis ou laissent habilement pointer une lueur

    desprance susceptible de rsoudre les difficults de

    linstant, les aigrefins ne manquent pas d'adeptes

    fanatiss. A

    Magiciens de lAntiquit, sorciers du Moyen Age,

    devins ou gurisseurs vendaient des miettes de plaisir, de

    joie ou de bonheur, selon le degr de lextase intimement

    recherche par une clientle fidle et charme. A laube du

    IIIe millnaire, rien na vraiment chang. Les chalands ne

    manquent pas. Angoisses et utopies restent la cible des

    nouveaux marchands du Temple. Par exemple, les jeux de

    loterie nhsitent pas sapproprier le vendredi 13. Ils

    vendent aux plus crdules le hasard et le mystre dune

    force suprieure susceptible de transmettre la chance.

    Dautres commerants vantent impunment les mrites de

    leurs crmes amincissantes, glules aphrodisiaques et

    produits miracles contre le vieillissement. Remdes qui

    firent les beaux jours des plus anodins aspects de la

    sorcellerie du Moyen Age.

    Quant lternel et universel besoin de connatre

    lavenir, il nen finit pas de faire recette. Au point de

    saffirmer, de dcennie en dcennie, comme un des plus

    florissants marchs de la supercherie. Astrologues,

  • voyants, marabouts, cartomanciennes et chiromanciennes

    ne se contentent mme plus de consulter par tlphone. Ils

    conjuguent sans scrupule le virtuel au surnaturel et

    proposent dsormais leurs services sur le rseau

    Internet.

    Malgr les progrs de la science et de la mdecine, les

    postures superstitieuses persistent donc. Ce qui nen finit

    pas dintriguer. Certes, les audacieuses ballerines des

    sabbats et lvocateur Satan ne donnent plus de spectacles

    les soirs de pleine lune ! Toutefois, jeteurs de sorts,

    radiesthsistes, Nostradamus doprette (en qute de

    reconnaissance universitaire), gurisseurs et rebouteux

    exercent toujours leurs lucratives occupations. Fondes

    hier sur le terreau de lillettrisme, toutes ces activits

    continuent de progresser allgrement en flattant la

    navet. Et tous ces charlatans propagent sans scrupule la

    btise en plumant promptement les gogos de leurs grigris.

    La jubilation dapprendre

    Il faut combattre toutes les formes dembrigadement

    de lesprit, toutes les chimres qui se tapissent ici ou l

    dans loccultisme, la divination, l'sotrisme, le mystre et

    les dogmes. Pour chasser ces importuns, une seule

    solution : promouvoir par tous les moyens lducation. En

    effet, seul laccs la connaissance permettra lhumanit

    de progresser. Car commencer apprendre dbouche

    invariablement sur de nouvelles questions, et en aucun cas

  • sur une rponse fige ou sur la vrit affuble dun

    grand V ! Et chaque nouvelle question permet davancer,

    de senrichir. Daborder soudain une immense tendue

    quil faudra semployer dcouvrir.

    Certes, pour comprendre les bribes dun sujet, son

    histoire et ses acteurs, il faut parfois marcher dun pied

    hsitant. Et pas forcment en droite ligne. Mais cet

    apprentissage qui ouvre les yeux sur dinnombrables

    rivages inconnus conduit obligatoirement vers

    lmerveillement. Et l, plus possible de sarrter. Le got

    d'apprendre devient jubilation et le besoin de comprendre

    s'installe. Crdulit, rumeurs, suppositions, -peu-prs et

    ides reues refluent aussitt. Le bonheur de savoir

    lemporte avec la discrtion qui sied au vrai curieux.

    On ne dira jamais assez combien la vigilance doit rester

    de mise. A chaque instant. Et y compris face ceux qui

    pourraient demble bnficier dun inaltrable crdit de

    sympathie spontane. Car lapproche de lindispensable

    accs la connaissance prend parfois des dtours

    inexplicables. Prenons lexemple du philosophe franais

    Franois Marie Arouet (dit Voltaire, 16941778).

    Brillant esprit, espigle, pris de libert, novateur,

    dfenseur intransigeant des perscuts, Voltaire lutte

    contre toutes les formes de superstition, notamment dans

    son Trait sur la tolrance (1763). Mais il dnonce aussi

    tous les fanatismes, principalement celui de lEglise

    catholique, puis, finalement, celui de toutes les religions

    puisquelles touffent la raison et condamnent les plaisirs.

  • Il attaque avec violence la guerre, les abus sociaux, les

    lettres de cachet, la torture et laveuglement de la justice.

    Voltaire se fait ainsi le chantre incontest - et respect -

    de la lutte contre lintolrance. Par exemple, il soutient

    crnement les protestants, notamment dans deux procs

    retentissants de son temps (ceux de Jean Calas et de

    Pierre-Paul Sirven dont il obtient la rhabilitation en 1765

    et en 1771). Ce personnage ambigu savait galement flatter

    servilement les grands dEurope quil inondait par ailleurs

    de cinglants pamphlets anonymes.

    Toujours est-il que Voltaire, peru juste titre comme

    lun des inspirateurs de la Rvolution franaise (au cot de

    Jean-Jacques Rousseau), va draper dans son abondante

    correspondance. Le 19 mars 1766, il crit dans une missive

    Damilaville : Il est propos que le peuple soit guid et

    non pas quil soit instruit. Le philosophe rcidive le mois

    suivant : Il me parat essentiel quil y ait des gueux

    ignorants.

    Trois ans plus tard, dans une lettre Tabareau, Vol-

    taire senlise en voquant les gens du peuple : Ce sont

    des bufs auxquels il faut un joug, un aiguillon et du foin.

    Nous sommes ici des annes-lumire du plaidoyer de

    Georges Danton (1759-1794) qui rclame la tribune de la

    Convention (13 aot 1793) une instruction publique,

    gratuite et obligatoire : Aprs le pain, lducation est le

    premier besoin du peuple.

    Chacun laura donc compris, lambition de ce modeste

    ouvrage se rsume en une inextinguible foi dans les vertus

  • du savoir et de la raison. Les deux seules notions

    lmentaires qui peuvent encore sauver lhumanit.

    Dabord intrinsquement, mais aussi parce quelles

    enfantent dautres bienfaits. A condition toutefois que

    cette connaissance ne soit pas jalousement accapare par

    une lite craintive et frileuse.

    Cherchez, dcouvrez, apprenez et transmettez... Il en

    restera toujours quelque chose dutile. Mais surtout,

    noubliez jamais que tout individu qui prend conscience de

    son ignorance fait dj un grand pas en direction du

    savoir.

  • I

    Vie quotidienne

  • Quelle est l'origine de l'expression

    O.K. pour signifier d'accord ?

    Il existe de multiples thories sur les origines de ce

    fameux okay (O.K.) amricain qui se rpand en Europe

    aprs la Seconde Guerre mondiale. Aujourdhui cette

    abrviation familire est probablement devenue le mot

    ou lexpression - car on ne sait trop comment la qualifier -

    la plus utilise dans le monde.

    Ainsi, pratiquement chaque langue rpertorie sur

    lensemble de la plante acquiesce et opine du bonnet en

    prononant ce magique okay. Encore que lexpression ne

    se contente pas de signifier systmatiquement un oui

    banal et standardis. En effet, si un O.K. bien plac dans la

    conversation vise approuver, voire donner une

    autorisation, il permet aussi de manier la nuance. Chacun

    sait quil peut se traduire par daccord ou par

    entendu , notamment dans le genre de rplique suivante :

    O.K., jarrive ! Mais ces modestes petites lettres

    poussent la subtilit expressive jusquau tout va bien .

    Exemple : C'est O.K., on peut partir.

    Au fil des dcennies, les acceptions ont continu de

    prolifrer. Ainsi entend-on parler de vacances O.K.

    (agrables), dune rponse O.K. (correcte), dun objet

    O.K. (en ordre de marche ou prt fonctionner), dun

    skieur O.K. aprs une chute (cest--dire sain et sauf)* dun

    patient O.K. aprs une opration chirurgicale russie. Bref,

  • que ce soit sous la forme dun adverbe ou dun adjectif,

    lanodine abrviation ne manque pas de ressources !

    A limage de cette mosaque de significations, les his-

    toires extravagantes censes expliquer les origines de lex-

    pression puisent leurs racines dans un folklore bigarr. Par

    exemple, beaucoup pensent que okay peut venir du mot

    okeh, autrefois prononc dans certaines tribus indiennes

    pour dire oui . Dautres lattribuent Obediah Kelly. Ce

    brave employ des chemins de fer aurait eu pour habitude

    de placer ses initiales au bas des papiers qui autorisaient

    un convoi de marchandises quitter le quai. Mais

    seulement une fois que tout tait en ordre. Cest--dire que

    tout tait O.K.

    Il y a aussi cette explication faisant rfrence la

    guerre de Scession qui opposa vingt-trois Etats du Nord

    onze Etats du Sud de lAmrique entre 1861 et 1865. Une

    guerre civile qui se soldera par la victoire des Nordistes

    (anti-esclavagistes et protectionnistes). Les soldats qui

    rdigent chaque soir un rapport dactivit militaire

    mentionnent le nombre de morts. Et lorsque aucun des

    leurs na disparu au combat, ils marquent O.K. -

    abrviation de lexpression 0 killed {zro killed), cest-

    -dire zro tu. De surcrot, ce O.K a un double sens

    puisquil laisse entendre que tout sest bien pass tout au

    long de la journe.

    Mais, lpoque, labrviation avait dj quelques

    dcennies dexistence et elle ne tient donc pas son origine

    de cette terrible guerre de Scession qui entrana la mort

  • de 617 000 soldats. Autant dire quils navaient pas eu le

    loisir dcrire trop souvent O.K. !

    Toujours parmi les explications fantaisistes, figure celle

    des bateaux qui accostaient dans un port de lle dHati

    portant le doux nom de Les Cayes. Les marins qui se

    rendent dans cette ville (sur la cte sud de lle baigne par

    la mer des Carabes) ont coutume de dire quils se rendent

    aux Cayes. Ce quils prononcent vaguement okay . Et

    comme la ville possde le meilleur rhum de lle, les marins

    prennent lhabitude de dsigner la qualit dune bonne

    marchandise en rfrence la rputation de lalcool de

    leur port favori. This is really Aux Cayes stuff, donne

    alors un produit une sorte dagrment. Quelque chose du

    genre : Cest de la bonne qualit. Sous-entendu,

    comme le rhum daux Cayes.

    Cette explication haute en couleurs et senteurs exoti-

    ques fit longtemps flors. Jusquau jour o Allen Walker

    Read (professeur luniversit Columbia) mer tout le

    monde daccord. Il montre que cette nigmatique abr-

    viation vient en ralit de lexpression oll korrect , une

    dformation pour le moins cocasse de all correct .

    Mais do pouvait bien venir cette variante comique ?

    Tout simplement dune faon humoristique dcrire cer-

    taines phrases ou expressions en les rduisant des initia-

    les, mais en ajoutant une explication entre parenthses.

    Apparue la fin des annes 1830, cette marotte a un

    immense succs dans les journaux de Boston. On relve

    dans ces publications des K.Y. pour know yuse (no use,

  • cela ne vaut pas la peine) ; N.S. pour nujfsaid (enough

    said, assez parl). Et, bien videmment, de multiples O.K.

    pour oll korrect (ail correct, tout est correct), repr

    pour la premire fois en mars 1839.

    Tandis que les autres abrviations ne reviennent que

    pendant quelques semaines dans les articles ou les des-

    sins, le O.K. simmisce immdiatement dans les conversa-

    tions de la vie courante. Et il simpose trs rapidement.

    Peut-tre parce quil vhicule aussi un soupon dhumour :

    pas plus le O que le K ne sont corrects !

    De surcrot, un vnement politique dimportance va se

    charger de promouvoir lexpression. En 1840, Martin Van

    Buren (1782-1862) mne campagne pour sa rlection la

    prsidence des Etats-Unis. Natif du petit village de

    Kinderhook (Etat de New York), le huitime prsident

    amricain (lu en 1837) na plus vraiment le vent en

    poupe.

    Dj trs aguerris dans lart du marketing politique, les

    partisans de Van Buren cherchent fivreusement un

    slogan qui puisse faire mouche. Ils dcident alors de sap-

    puyer sur ces abrviations comiques trs en vogue. Et ils se

    dcident pour le O.K en affublant leur poulain dun gentil

    surnom : old Kinderhook. Les deux petites lettres

    deviennent alors le signe - et le sigle - de ralliement des

    supporters de Martin Van Buren. Ils fondent mme le O.K.

    Dmocratie Club pour promouvoir les ides de leur favori.

    A lpoque, on savait manifestement samuser pendant

    les campagnes lectorales amricaines. Car les adversaires

  • de Van Buren semparent aussitt de lexpression pour

    caricaturer le bilan du prsident toujours en exercice. On

    voit alors fleurir de nombreux O.K. Par exemple : orrible

    katastrophe (horrible catastrophe) ; orfiil kalamity

    (awful kalamity, effroyable calamit) ; out of Kash

    (Out of cash, sans argent), etc.

    Finalement, Marin Van Buren subit une humiliante

    dfaite. Mais son successeur, William Harrison, meurt des

    suites dune pleursie, le 4 avril 1841, un mois aprs son

    entre en fonction. Par un froid glacial, il avait commis

    l'imprudence de prononcer son discours inaugural tte

    nue. Ce qui ntait franchement pas O.K. ! Quoi quil en

    soit, cette campagne lectorale marquera les dbuts

    officiels du okay.

    Il semble que le village de Kinderhook tenait absolu-

    ment inscrire son nom dans l'histoire des origines du

    okay. Situ dans le comt de Columbia (Etat de New

    York), Kinderhook est cr par des colons hollandais qui

    stablissent dans la rgion au dbut du XVIIe sicle peu

    aprs lexploration par lAnglais Henry Hudson du fleuve

    et de la baie qui portent son nom (1609-1610). Au cours de

    ce voyage, Hudson aurait rencontr des Mohicans pour la

    premire fois.

    Un sicle plus tard, les vergers de la charmante rgion

    de Kinderhook produiront des pommes savoureuses,

    particulirement recherches et commercialises dans des

    cagettes portant une sorte de mention dorigine : O.K.

    (pour old Kinderhook). Les consommateurs se seraient

  • alors rfrs ces pommes dlicieuses pour dsigner un

    produit de qualit.

  • Pourquoi habille-t-on les garons en bleu et les filles en rose ?

    Il faut bien avouer que rien ne ressemble davantage

    un nourrisson... quun autre nourrisson. La logique

    pourrait donc nous laisser penser quil fut tout naturel de

    distinguer fille et garon en attribuant chacun une

    couleur de vtements particulire. Mais derrire cette

    louable intention, a priori vidente, se cache de curieuses

    considrations.

    En effet, rien ne permet daffirmer que les deux cou-

    leurs devaient dabord faciliter la reconnaissance du sexe

    du bb. Avec, par exemple, lintention sous-jacente

    dviter au visiteur la sempiternelle question en se pen-

    chant au-dessus du berceau : Cest une fille ou un garon

    ? En ralit, les parents habillrent leurs fils de bleu

    pour des raisons bien diffrentes.

    Dans la tradition populaire, le bleu a la rputation de

    chasser diable, dmons, esprits malveillants, sorciers et

    maladies. Symbole de lazur, de la vote cleste et du

    paradis, le bleu ddi lternit vhicule le pouvoir de

    repousser les forces du mal. La prsence de dcorations

    base de bleu est dailleurs dj trs frquente dans les

    ncropoles de lAntiquit gyptienne (murs et coiffures des

    dfunts).

    Emblme de loyaut, de fidlit, de puret, mais aussi

    de sagesse et de fermet, le bleu place donc sous une

  • bonne toile ceux qui portent des vtements de cette

    couleur charge de moult vertus bienfaitrices.

    Ces croyances superstitieuses, qui samplifirent conti-

    nuellement tout au long du Moyen Age, incitrent les

    parents habiller leurs fils de bleu. Non pour les distin-

    guer des filles, mais avec pour objectif fondamental de les

    protger de Lucifer et de ses serviteurs. Abandonnant ainsi

    les demoiselles leur triste destin. Autrement dit, la

    croyance populaire mettait toutes les chances du ct des

    garons et laissait les filles se dbrouiller face Satan et

    ses suppts !

    Mais comme les garons bnficiaient dune couleur

    spcifique, les parents se sentirent peut-tre coupables de

    ne pas en attribuer une aux filles. Aussi dcrochrent- elles

    bientt les faveurs du rose. Symbole de lamour et de la

    sagesse divine, mais aussi emblme de la tendresse, de la

    jeunesse et du bonheur, le rose ne manque finalement pas

    de qualits !

    Il convient cependant de souligner que le bleu ne gagne

    ses lettres de noblesse qu partir du XIIe sicle. En effet,

    la couleur pourpre dominait la culture de lEmpire romain.

    Au point de devenir color officialis, synonyme de pouvoir.

    En fait, les Romains considraient alors le bleu comme

    une couleur barbare. Tout simplement parce que les

    guerriers celtes se peignaient le corps de bleu fonc, ce qui

    les rendait plus effrayants lorsquil fallait les affronter.

    Lhistorien latin Tacite (55-120) voque dailleurs ces

    redoutables armes de spectres .

  • Le bleu simposera donc progressivement, notamment

    dans lart religieux (petit petit, sculptures polychromes et

    tableaux reprsentent la Vierge habille de bleu). Dans les

    cours dEurope, la couleur gagnera lentement le cur des

    souverains, le plus souvent aux dpens de la puissance

    symbolique du rouge. Et, la fin du Moyen Age, le bleu

    aura acquis un vritable statut de couleur royale et

    princire.

    Nul doute que cette promotion sociale de lindigo ait

    galement jou son rle dans le choix dune couleur des-

    tine distinguer un garon. Pour les parents, le fils

    porteur de lhritage prenait soudain ses galons de roi de

    la maisonne. Dautant que le bleu voquait la fois

    chrtient et pouvoir politique (cest--dire puissance

    spirituelle et matrielle). En ajoutant une bonne dose de

    superstition propre confrer la couleur le pouvoir de

    chasser les dmons, on comprend aisment quaucun

    adversaire ne put rsister aux arguments fracassants de la

    layette bleue !

  • Quelle est lorigine du salut militaire ?

    Dans la plupart des armes du monde, les militaires se

    saluent mutuellement dun geste qui porte la main droite

    hauteur du front, de la tempe ou de la visire de leur

    couvre-chef. La main tant distinctement ouverte, doigts

    serrs et paume visible.

    Les origines prcises de ce rituel restent obscures.

    Toutefois, il convient dobserver quune procdure de salut

    existe dj dans larme de lEmpire romain. A lpoque,

    les soldats saluent leur suprieur hirarchique en levant le

    bras hauteur de lpaule, paume ouverte et tourne vers

    la personne ainsi honore. Cependant, aucun texte ne fait

    mention du dtail stipulant que la main devait toucher le

    casque ou la tte pendant ce salut.

    Quelques dtails prcis nous laissent penser que le

    salut militaire moderne puise plutt sa gestuelle dans une

    coutume du Moyen Age, tradition qui sapparentait une

    sorte de rgle de politesse dont voici les principaux

    acteurs.

    Sur des chemins parfois peu frquents et en ces temps

    belliqueux, lorsquun chevalier (harnach dans sa lourde

    armure et juch sur son fringant destrier) sapprtait

    croiser lun de ses collgues, la tradition voulait que lun et

    lautre prouvent leur attitude pacifique. Aussi relevaient-

    ils le ventail de leur heaume (schmatiquement, la visire

    du casque !) afin de se faire reconnatre. Comme pour

  • dcliner leur identit. De surcrot, dans de telles

    conditions, le chevalier en arme ne pouvait bien

    videmment pas se saisir de son pe. Ce geste, qui

    exprimait clairement des dispositions non violentes,

    devint tout naturellement le signe dun salut amical. Et la

    main gauche tant occupe maintenir les rnes de la

    monture, on visualise aisment que ce mouvement de la

    main droite sapparente trangement celui que nous

    connaissons toujours aujourdhui.

    Vivace dans lEurope mdivale, cette tradition gagna

    galement les simples voyageurs qui sattachrent eux

    aussi lever le bras droit en montrant distinctement la

    paume dune main largement ouverte. Chacun prouvait ici

    quil nenvisageait pas dutiliser son pe (ou tout autre

    objet) des fins agressives. Non seulement ce geste

    inspira-t-il le salut militaire, mais il serait galement

    lorigine des signes amicaux de la main (toujours paume

    largement visible) pour saluer de loin un ami (ou une

    foule).

    Tmoignage par le pass dune intention amicale et

    pacifique, le salut, devenu militaire au fil des sicles,

    exprime dsormais une marque de respect. On peut aussi

    supposer quil contribue maintenir et renforcer la

    notion de discipline. Pour sen persuader, il suffit de

    regarder la prcision et le srieux de la gestuelle effectue

    dans une tenue et une attitude impeccables.

    Mais le salut militaire indique galement que le subal-

    terne (quil soit du rang ou officier) se met la disposition

  • de son suprieur. En dautres termes, quil attend de

    recevoir les ordres et quil est prt excuter sa mission.

    Rompez !

  • Pourquoi les vtements des hommes et des femmes

    ont-ils un sens de boutonnage diffrent ?

    Vous avez bien videmment tous et toutes remarqu

    que les boutons sont cousus droite de louverture sur les

    vtements destins aux hommes et sur le bord gauche

    pour ceux que portent les femmes. Quil sagisse de che-

    mises, chemisiers, corsages, polos, gilets, vestes, man-

    teaux, etc.

    Il faut tout dabord souligner que ce problme ne se

    pose que depuis le XIIe sicle, poque o apparaissent les

    premiers boutons dont lusage ne se dveloppe rellement

    quau cours du sicle suivant. Et ce pour une raison fort

    simple : pendant les croisades (XIe-XIIIe), les Occidentaux

    dcouvrent les merveilles de lOrient. Notamment les

    avances de lEmpire byzantin dans le domaine de la

    fabrication des toffes et de la confection des vtements.

    Impression des tissus, mais aussi commerce du velours et

    du satin engendrent de notables bouleversements dans la

    faon dont llite du temps shabille. Sans que lon puisse

    encore vritablement parler deffets de mode. Dicts par

    les souverains et leur entourage, ceux-ci napparaissent

    qu partir du XIVe sicle.

    En cette priode charnire du Moyen Age baptise ge

    fodal (XIe-XIIIe), hommes et femmes portent le bliaud,

    sorte de cotte-chasuble ou de tunique qui couvre la

  • chemise. Pour sortir, on sabrite alors sous une cape ou un

    surcot.

    Des accessoires divers et varis ont envahi la mode du

    XXIe sicle (sacs, ceintures, gants, foulards, cravates,

    chapeaux, etc.). Au Moyen Age, la tradition vestimentaire

    dispose galement dun accessoire de base : lpe. Certes,

    certaines de ces pices ne manquent pas dafficher une

    exceptionnelle valeur dcorative, voire artistique, mais

    elles rpondent fondamentalement dautres exigences

    potentielles, un combat inattendu.

    Nous touchons ici la premire explication possible

    propos de lnigmatique sens du boutonnage. Quils soient

    gentilhommes ou chevaliers, espigles godelureaux ou

    maraudeurs enclins aux carabistouilles, ces gens en armes

    portent donc leur pe sur la gauche. Et pour dgager le

    vtement qui peut la recouvrir, rien de plus facile que de se

    dboutonner de la main gauche tout en saisissant

    promptement son arme de la droite, le tout en ouvrant

    dun geste ample le pan gauche de la cape... qui doit donc

    recouvrir le pan droit de louverture. Conclusion : pour ne

    pas gner lexcution de ce geste prcis voire vital ! il

    fallait bel et bien coudre les boutons sur le pan droit du

    vtement.

    A ce jour, aucun chercheur na formellement dmontr

    la vracit de cette explication pourtant largement

    rpandue, y compris parmi les historiens de la mode. Mais

    si cette hypothse ne touche que la gent masculine, une

    seconde dmonstration repose cette fois sur une activit

  • exclusivement fminine. A savoir : lallaitement. Ainsi,

    pour faciliter le dboutonnage laide de la main droite

    (tandis que le bb se portait le plus souvent du bras

    gauche), les boutons auraient t cousus sur la gauche de

    louverture.

    Par chance, ces deux explications se compltent effica-

    cement, alors quelles sont pourtant rigoureusement

    indpendantes lune de lautre. En ralit, il ne sagit l que

    de suppositions logiques.

    Si pe et allaitement sont peut-tre lorigine dun

    sens de boutonnage, certains avancent dautres hypoth-

    ses. Ainsi la version de lhabilleuse rassemble-t-elle de

    nombreux suffrages. Cette thorie affirme que la range de

    boutons a t cousue sur la gauche de la fermeture des

    vtements de femme... pour faciliter lhabillage des reines,

    princesses et autres dames de laristocratie.

    Il semble en effet que le sens de boutonnage des vte-

    ments fminins soit ainsi plus facile pour une habilleuse

    droitire qui doit remplir sa tche, sachant quelle se

    trouve alors en face de la femme quelle sapplique vtir

    avec dextrit. Une thse qui ne manque pas de sduire.

    Sauf que nombre daristocrates masculins disposaient

    galement de domestiques pour les aider shabiller. A

    croire quils taient donc tous gauchers !

  • Comment a t invente la cigarette ?

    Dans les tribus de lAmrique prcolombienne, les

    Indiens utilisaient le tabac au cours de crmonies reli-

    gieuses ou lois de rituels coutumiers lis a la vie sociale.

    Cette pratique remonte fort probablement aux premiers

    sicles de notre re. Et la dcouverte dobjets que lon peut

    considrer comme les anctres de la pipe prouve que les

    Amrindiens fumaient dj du tabac. Dabord rserve

    une lite ou aux grands prtres, la tradition prit peu peu

    une place de choix dans les clbrations officielles.

    En dbarquant au Nouveau Monde (1492), Christophe

    Colomb rencontre donc les premiers fumeurs. Car, en

    dehors du continent amricain, le tabac tait parfaitement

    inconnu sur le reste de la plante. Aussi, dans les annes

    qui suivent, les aventuriers espagnols qui se lancent

    ensuite la conqute de lAmrique vont-ils trs largement

    promouvoir cette plante herbace du genre nicotiana. Et

    beaucoup se plaisent aussitt lentourer de sombres

    mystres.

    Etabli dans la rgion de lactuel Mexique, le peuple

    aztque fumait du tabac sch travers des tubes

    naturels : roseaux ou tiges de plantes. Dautres autochto-

    nes roulaient du tabac pralablement hach dans les

    feuilles de diffrents vgtaux. Ces curieux objets fumants

    ressemblent dj nos cigares daujourdhui. Demble, ils

  • connaissent un immense succs auprs des conquistadors

    du XVIe sicle qui vont aussitt lancer la mode ds leur

    retour en Espagne. Et comme certains prtent la plante

    des vertus mdicinales, le tabac va rapidement susciter un

    rel engouement.

    Les premiers fumeurs europens se recrutent ainsi

    parmi les riches notables de Sville. Intrigus par cette

    vogue curieuse et par la raret du produit (de surcrot

    coteux), des mendiants ramassent les mgots de ces

    cigares jets ici ou l dans les rues de la ville. Et en

    roulant les restes de ce tabac dans des feuilles de papier,

    ils crent les premires cigarettes quils baptisent

    papeletes ou cigarillos.

    Les plantations de tabac vont se multiplier travers le

    monde. Elles apparaissent aux Antilles, au Portugal et en

    Espagne vers 1520. Puis elles gagnent lAfrique (1530), la

    Turquie et la Russie (1580), lInde et le Japon (1590). Et

    au XVIIe sicle, il ny a pratiquement plus un seul pays

    pour ignorer la culture du tabac.

    En France, Andr Thevet, moine cordelier et grand

    voyageur, entreprend en 1556 la culture de quelques plants

    de tabac rapports de son expdition au Brsil. Mais cest

    lambassadeur de France au Portugal, Jean Nicot (1530-

    1600), qui envoie en 1559 des chantillons de feuilles de

    tabac Catherine de Mdicis. Miracle ! L herbe Nicot

    soulage les migraines de la reine mre qui vient de perdre

    son mari, Henri II. Dabord connu sous le nom de

    nicotiane et par de pouvoirs mdicinaux, le tabac fait

  • donc une entre remarque la cour de Franois II (1544-

    1560). Le succs ne se dmentira plus.

    Mais, lpoque, si quelques-uns fument le tabac,

    beaucoup le consomment froid. Ils prfrent priser ou

    chiquer. Lusage de la chique va surtout se rpandre chez

    les marins, tandis que la pratique de la prise acquiert une

    rputation dlgance. Ainsi nombre daristocrates et

    decclsiastiques ont-ils pris jusquau XIXe sicle.

    Evidemment, un tel engouement pour le tabac attisa

    immdiatement les apptits... de ltat. La premire taxe

    sur le tabac fut instaure au dbut du XVIIe sicle. Fabri-

    cation et vente deviennent un privilge royal en 1674. Et

    Napolon met en place ds 1811 un monopole dEtat

    touchant culture, fabrication et commercialisation de cette

    plante particulirement prise ! Notamment par

    lEmpereur lui-mme.

  • La tomate est-elle un lgume ou un fruit ?

    Quelle soit ronde ou oblongue (olivette), la tomate se

    dguste en sauce, soupe ou salade, crue ou cuite, voire

    farcie. Elle accompagne aussi trs souvent de nombreux

    plats (notamment dans les recettes provenales ou dans

    celles des pays du sud de lEurope). Autrement dit, la

    tomate se consomme... comme un lgume. Et pourtant,

    sans la moindre ambigut scientifique possible, la bota-

    nique classe la tomate dans le camp des fruits.

    Le mot tomate serait la dformation dun terme utilis

    par les Incas, ce peuple du Prou qui domine la rgion des

    plateaux andins entre le XIIe et le XVIe sicle. Les Incas

    cultivaient de petites tomates qui ressemblaient nos

    tomates cerises actuellement trs en vogue. Les Aztques

    connaissaient galement ce fruit quils appelaient jitomalt.

    Les marins espagnols qui se lancrent la conqute de

    lAmrique du Sud au XVIe sicle rapportent donc des

    plants de ce curieux fruit rouge. Et des monastres de

    Sville qui nhsitent pas se spcialiser dans les rarets

    vgtales du Nouveau Monde se mettent immdiatement

    cultiver la tomate. Non seulement le fruit envahit-il

    rapidement la cuisine de tout le bassin mditerranen,

    mais il acquiert galement une rputation daphrodisiaque

    qui ne manque pas de faciliter son dveloppement.

    Dautant quun botaniste italien laffuble de mystrieuses

  • vertus magiques en classant la tomate aux cts de la

    mandragore. Il nen faut pas davantage pour que ce fruit

    rouge en forme de cur prenne le doux nom de pomme

    damour.

    Tandis que la tomate fait les beaux jours des gastrono-

    mes du sud de lEurope, un scientifique anglais affirme

    vers 1560 que ce fruit ne doit se manger sous aucune

    forme. Et sous aucun prtexte. Dans son tude, cet

    herboriste cout affirme mme que la tomate est tout

    simplement toxique. Effrays, les Britanniques se dtour-

    nent aussitt de ce fruit dfendu. Il faudra attendre 1730

    pour que des Anglais courageux commencent rutiliser

    la tomate dans la soupe. Entre-temps, la plante stait

    contente dorner les jardins.

    Quant aux Etats-Unis, ils mettront presque trois sicles

    pour accepter une tomate qui, aujourdhui, accompagne

    pourtant firement tous les repas amricains travers

    linvitable bouteille de ketchup. Car au temps de sa

    splendeur dans le bassin mditerranen, certains lui

    trouvaient encore outre-Atlantique un cousinage trop

    prononc avec des plantes suspectes de connivences

    sataniques, comme la mandragore et la belladone.

    Il faudra attendre le dbut du XIXe sicle pour que des

    cuisiniers de Caroline du Sud introduisent la tomate dans

    des sauces et des potages. Finalement, entre 1835 et 1840,

    une gigantesque opration mdiatique conduite par des

    mdecins va dlivrer la pomme damour des rumeurs

    infondes qui lui collent la peau. La tomate devient le

  • produit la mode. Une sorte de tomatemania sempare du

    pays : recettes, conseils, pilules, livres, chroniques dans la

    presse. Le fruit simpose comme un aliment indispensable

    pour garder la sant. Voire comme une plante miracle

    capable de gurir la toux et de soigner le cholra ! Les

    Amricains ne font jamais dans la demi- mesure.

  • D'ou vient le nom de la clbre marque Adidas ?

    Une histoire trs simple ! La multinationale qui

    commercialise aujourdhui vtements, matriel et chaus-

    sures de sport fut cre en 1920 par un entrepreneur

    allemand, Adol Dassler. Le jeune homme vient tout juste

    de fter son vingtime anniversaire lorsquil invente,

    notamment, les chaussures pointes destines la course

    sur piste.

    Quatre ans plus tard, Adol (Adi pour les intimes) fonde

    avec son frre Rudol (Rudi) une socit baptise Gebreder

    Dassler OHG. Ils sinstallent dans la ville de leur enfance

    (Herzogenaurauch), l o leur pre tenait une choppe de

    cordonnier. Et avoir un papa dans la bottine et la galoche,

    a vous pousse forcment travailler... darrache-pied.

    Lanne suivante (1925), les frres Dassler se concentre sur

    le football, sport favori dAdi. Et ils mettent au point une

    chaussure en cuir munie de crampons. Trente cinquante

    paires sortent chaque jour des ateliers.

    Dix ans plus tard, loccasion des Jeux olympiques de

    Berlin (1936), un athlte noir, Jesse Owens (19131980),

    remporte quatre mdailles dor (100 mtres, 200 mtres,

    saut en longueur et 4 x 100 mtres). Un triomphe qui, aux

    yeux du monde entier, ridiculise Hitler et les suppts

    dune prtendue supriorit de la race aryenne. Aux pieds,

    Jesse Owens porte des chaussures pointes conues par

  • les frres Dassler !

    Aprs douze annes supplmentaires de complicit, les

    deux frres se sparent en 1948. De son ct, Rudi cre

    Puma (qui deviendra lun des plus gros concurrents

    dAdidas en Europe). Quant Adol, il se souvient du

    surnom qui lui colle la peau : Adi. Trois petites lettres en

    forme de diminutif. Insuffisant son got ! Aussi dcide-t-

    il d'ajouter trois autres lettres (das), celles qui composent

    le dbut de son nom. Ainsi naquit Adidas.

    Et comme le chiffre trois semble dcidment lobnu-

    biler, Adol adopte lanne suivante les trois bandes comme

    symbole signaltique de sa marque.

  • Qui est l'origine de la premire tasse de caf ?

    Au sud de la pninsule Arabique, sur les plateaux de

    lactuel Ymen, un berger nomm Kaldi accompagne

    comme laccoutume son troupeau de chvres. Mais, en

    ce jour de lanne 850, le jeune homme stonne de

    lexceptionnel tat dexcitation de ses animaux.

    Habituellement si calmes et paisibles, pas une seule de ses

    btes ne tient aujourdhui en place. Certaines gambadent,

    sautent et sparpillent dans les rocailles, tandis que

    dautres se lancent dans des courses inexplicables.

    Attentif, Kaldi remarque que ses chvres mangent les

    baies rouges dun anodin arbuste qui navait jusquici

    jamais retenu son attention. A son tour, le berger gote ces

    curieuses graines qui semblent produire sur lui le mme

    effet euphorisant. Intrigu, Kaldi dcide de rapporter

    quelques chantillons de sa prcieuse dcouverte au

    monastre du lieu.

    Mais pas un seul religieux ne connat les mystrieux

    petits fruits rouges. Cependant, tous prennent lhabitude

    den prparer des infusions qui, ont-ils not, leur per-

    mettent destomper les effets de la fatigue. De surcrot, une

    rumeur se rpand aussitt : apparu lun des religieux du

    monastre, Mahomet lui aurait conseill de boire

    rgulirement cet trange et revigorant breuvage afin de

    pouvoir prier plus longtemps. Ds lors, la potion prend le

  • nom de qahwah.

    Peu de temps aprs, une branche du prcieux arbuste

    serait tombe dans le feu. Attir par une odeur la fois

    cre, tenace et envotante, un mollah du lieu se risque

    alors craser les grains grills. Il verse de leau bouillante

    sur la poudre ainsi obtenue, laisse reposer quelques

    instants, puis boit cette infusion noirtre qui ressemble bel

    et bien la premire tasse de caf.

    Cette charmante lgende arabe a rendu le caf trs

    populaire dans toute la pninsule Arabique ds la fin du

    IXe sicle. Dautant quun mdecin et chimiste dorigine

    iranienne (Rhazs, 860-923) produit lpoque une

    imposante encyclopdie mdicale dans laquelle il vante les

    bienfaits du caf (quil appelle dans ses crits bunchuni).

    Dabord consomme sous la forme dune infusion base

    de feuilles et de baies fraches, la boisson aurait ensuite

    tait prpare avec des graines sches.

    Toutefois, sur lautre rive de la mer Rouge, en Ethiopie

    et au Kenya, certaines tribus africaines avaient dcouvert

    le caf une dizaine de sicles avant lre chrtienne. Sauf

    que ces peuples de nomades ne le buvaient pas ! En effet,

    ils confectionnaient une sorte de bouillie en mlangeant

    les baies du cafier des graisses animales. Fort

    logiquement, certains historiens ont avanc que des

    peuplades de lest de lAfrique auraient donc pu tenter des

    infusions de feuilles et baies de cafier bien avant le IXe

    sicle.

    La culture du cafier va se dvelopper aux XIVe et XVe

  • sicles (notamment au Ymen, sige de la lgende de

    Kaldi). La boisson se rpand immdiatement dans

    lensemble du monde musulman o elle sduit autochto-

    nes et smillants voyageurs europens qui sattachent

    cette stimulante dcoction qui sait donner du cur

    louvrage. Et, au XVIe sicle, le caf gagnera lInde et lEu-

    rope dans une version trs proche de ce que nous

    connaissons aujourdhui. Les grains dlicatement grills

    taient rduits en une fine poudre que lon plaait dans

    leau bouillante. Restait filtrer le liquide travers un

    morceau de soie.

    Le caf est commercialis Venise ds 1570 et Mar-

    seille vers 1650. Pour leur part, les Hollandais commen-

    cent cultiver le cafier Ceylan en 1660 et le Ymen va

    rapidement perdre son rang de plus gros producteur de ce

    produit en vogue. Les Franais implantent larbuste aux

    Antilles et en Guyane (vers 1720), les Anglais la

    Jamaque. Suivent des pays qui deviendront le paradis du

    cafier : Brsil (1727), Mexique et Colombie (vers 1800).

    A Paris, le premier caf se vend prix dor dans une

    choppe de la Foire Saint-Germain en 1672. Aristocrates et

    bourgeois de la capitale ne jurent plus que par ce breu-

    vage euphorisant qui gagnera le cur des classes po-

    pulaires prs dun sicle plus tard.

    A dfaut dtre lorigine de la premire tasse de caf,

    les clbres coffee-houses doutre-Manche contriburent

    assurer une large promotion au produit. Le premier

    souvre Londres en 1652. Et la fin du XVIIe, il y a deux

  • mille cafs dans la capitale anglaise. De quoi rendre furi-

    bondes les douces pouses des Londoniens qui passent le

    plus clair de leur temps libre dans ces endroits la mode.

    Au point que les femmes font circuler un clbre brlot

    baptis The Women s Ptition Against Coffee. Dans ce

    texte vengeur, elles affirment avec vhmence que les

    coffee-houses rendent leurs maris striles comme les

    dserts do ces grains ont t rapports !

  • Pourquoi a-t-on dans notre calendrier des mois de 28 (ou 29), 30 et 31 jours ?

    Il y a un million dannes (palolithique infrieur),

    lhomme de la prhistoire prouve dj le besoin de percer

    les mystres du temps. Dans la double acception du mot :

    le temps quil fait et celui qui passe. Dans sa qute de

    signes, lHomo erectus cherche donc des explications. Car

    il voudrait mieux comprendre les soubresauts de la nature.

    Dabord pour survivre. Ensuite pour tenter dintgrer plus

    efficacement les consquences du climat dans ses rythmes

    de vie.

    Certes, cet Homo erectus ne dispose bien videmment

    pas dun calendrier pour planifier son activit. Mais dans

    le souci de guider son propre destin, il a su trs vite

    organiser son temps en fonction des jours et des nuits,

    puis en sappuyant sur les phases de la Lune (plus faciles

    observer que le mouvement apparent du Soleil). Il sat-

    tache galement reprer et matriser le passage rpti-

    tif de moments chauds et secs, puis froids et humides,

    cest--dire des priodes qui ne sappellent pas encore les

    saisons. En fait, certains esprits plus veills que dautres

    savent dj constater et dduire en se fondant sur lobser-

    vation de phnomnes banals et rptitifs (amoncellement

    de nuages, orages, vents, vols de certains oiseaux, course

    des plantes et des toiles, etc.).

    Les premiers rudits ont donc une sorte de calen-

  • drier virtuel dans la tte. Ce qui leur permet dorganiser

    la vie quotidienne des tribus d'Homo erectus qui se

    dplacent la cadence des nuits et des saisons, pour

    sadonner leur occupation favorite : chasse et cueillette.

    Vous laurez compris, limage daujourdhui, lhomme

    prhistorique a parfaitement model son existence primi-

    tive essentiellement fonde sur le principe de subsis-

    tance en se rfrant des cycles naturels dont il ignore

    tout : rotation de la Terre sur elle-mme, rotation de la

    Lune autour de la Terre, rotation de la terre autour du

    Soleil.

    Des centaines de millnaires scoulent jusqu la

    conqute du feu, qui napparaissait auparavant que sous la

    forme dorages, dincendies naturels ou de projections

    volcaniques. Vers - 400 000 av. J.-C., la production

    volontaire dune flamme (lune des plus fondamentales

    inventions dans lhistoire de lhumanit) apporte dabord

    chaleur et lumire. Mais le feu enfin matris modifie aussi

    de faon considrable les habitudes alimentaires en

    popularisant la cuisson de la viande. Sans oublier quil va

    aussi progressivement contribuer lbauche dune

    cohsion sociale.

    Dsormais, des groupes se rassemblent rgulirement

    autour dun foyer, pour se rchauffer, manger, se protger

    des animaux sauvages. Outre les soires et les saisons, des

    phases rcurrentes plus labores se construisent. Et ces

    attitudes nouvelles vont lentement mener aux prmices de

    la sdentarisation, aux premires cultures de crales

  • (probablement vers 12 000 av. J.-C. dans la valle du Nil

    et en Afrique de lEst), puis une agriculture et un

    levage structurs dans le Proche-Orient (vers 7 500 av. J.-

    C.).

    A cette poque-l, les calendriers nexistent toujours

    pas. Mais le temps semble scander ses rythmes de manire

    plus imprieuse. Tout simplement parce que les exigences

    dun travail planifi et dun repos ncessaire commencent

    merger. Dautant plus que la sdentarisation se

    dveloppe et que les balbutiements de la vie en socit

    dboucheront sur une indispensable organisation

    politique et administrative de la cit. Sans ngliger la place

    considrable (et sans cesse croissante) quoccupent les

    rituels religieux lis aux cultes paens de lpoque. Toutes

    pratiques collectives qui exigent des points de repres

    prcis. Ds lors, laube du nolithique (vers 6 000 av. J.-

    C.), lbauche dun dcoupage scientifique du temps qui

    passe (mesure, division et comptage) va mobiliser les

    nergies.

    De lancestral cadran solaire (marquage de lombre), en

    passant par lobservation des astres ou par celle de

    lcoulement dun fluide, lhomme sattache donc

    rglementer le droulement du temps en un partage

    rationnel de phases. Invent par les Chinois vers le IIIe

    millnaire av. J.-C., le gnomon (cadran solaire rudi-

    mentaire) reste le plus ancien instrument spcifiquement

    conu pour la mesure du temps. Quant la clepsydre

    (horloge eau), elle voit le jour en Egypte au IIe millnaire

  • av. J.-C. (une clepsydre date 1 530 av. J.-C. figure au

    muse du Caire).

    De son ct, le classique cadran solaire divise encore

    les scientifiques. Certains situent son origine en Grce au

    VIe sicle av. J.-C. Dautres chercheurs considrent quil a

    t invent en Chine ou en Egypte une poque largement

    antrieure (il existe de nombreux cadrans solaires grco-

    romains dats du IVe sicle av. J.-C.). Enfin, beaucoup plus

    prs de nous (vers le vie sicle de lre chrtienne), on sait

    que les Byzantins faisaient brler des btons dencens dont

    la combustion donnait une indication du temps coul. En

    revanche, le sablier refuse toujours jalousement de livrer

    la date et lhistoire de ses origines : pour toute rponse, il

    nous suggre daller nous faire cuire un uf!

    Au fil des sicles, llaboration dun calendrier visant

    ltalonnage universel du temps na manqu ni dhsi-

    tations ni dapproximations. Dans lAntiquit, Babylo-

    niens, Egyptiens, Hbreux et Grecs ont entrepris de

    multiples recherches, souvent convergentes. Dans un

    premier temps, ces calendriers se fondent sur lobserva-

    tion du cycle lunaire. Seulement voil, le mois lunaire ne

    se divise pas en un nombre entier de jours. Il dure en

    moyenne 29 jours 12 heures 44 minutes et 3 secondes.

    Arrondissons 29 jours et demi. Quant lanne solaire

    (cest--dire le temps que met la Terre pour parcourir sa

    course elliptique autour du Soleil), elle ne se compose pas

    dun nombre entier de mois lunaires : il lui faut douze

    lunaisons plus 10,8 jours.

  • Ainsi, aux alentours du XVIIIe sicle avant notre re,

    Babyloniens et Hbreux optent pour une version lunaire

    de leur calendrier. Ils laborent un dcoupage qui repose

    sur douze mois, en faisant alterner 29 ou 30 jours. Un

    calcul fort simple conduit donc une anne de 354 jours.

    Manquent 11 jours pour saligner sur la dure

    approximative de lanne solaire (365 jours). Afin

    dviter une rapide drive du calendrier par rapport aux

    saisons, il convenait donc dajouter un treizime mois de

    33 jours tous les trois ans (11 jours perdus par an au bout

    de trois ans gale 33 !). Pour retomber sur 1 095 jours

    (trois annes de 365 jours), il fallait que se succdent deux

    annes de 354 jours, plus une de 387.

    Passons sur la complexit des calculs qui sensuivirent

    dans le calendrier hbreux lorsquil fallut caser les ftes

    religieuses. On se retrouve alors avec six annes

    diffrentes : 353, 354 et 355 jours pour les annes de

    douze mois ; 383, 384 et 385 jours pour les annes de

    treize mois. Et dire quon navait pas encore invent

    laspirine !

    Toute la difficult de llaboration dun calendrier qui

    conserve son exactitude au fils des sicles (voire des mil-

    lnaires) rside dans le fait que la Terre parcourt son

    orbite autour du Soleil en 365 jours 5 heures 48 minutes et

    45 secondes (365,2422 jours). Arrondissons 365,25 jours

    (365 jours un quart) pour comprendre quun calendrier de

    365 jours accuse un retard dune journe tous les quatre

    ans.

  • Pour leur part, les Egyptiens mettent au point au V'

    millnaire avant J.-C. un calendrier compos de douze

    mois de 30 jours. Et ils ajoutent cinq jours la fin de

    lanne. En 238 av. J.-C., le souverain Ptolme III, dit le

    Bienfaiteur, fait mme campagne (sans succs) pour

    ajouter un sixime jour tous les quatre ans.

    De leur ct, les Grecs se dterminent dabord pour

    une alternance de douze mois de 29 et 30 jours (354 jours

    au total). Eux aussi dcident dajouter un treizime mois

    tous les deux ou trois ans. Ce qui, on la vu, ne rgle

    absolument pas le problme. Au VIIIe sicle avant 1re

    chrtienne, ils contournent la difficult en raisonnant cette

    fois sur une priode de huit ans. Les annes trois, cinq et

    huit possdent treize mois. Restent cinq annes de douze

    mois. Soit un total de quatre-vingt-dix-neuf mois, dont

    quarante-huit de 29 jours et cinquante et un de 30 jours.

    Croyez-moi sur parole (ou refaites le calcul !), nous

    obtenons un total de 2 922 jours pour les huit annes

    concernes. Et, miracle, 2 922 jours diviss par 8 donnent

    comme rsultat : 365,25 jours. Bravo les Grecs ! Sauf que

    le rythme de huit annes manquait un peu de simplicit

    dans son application.

    Le calendrier traditionnel chinois repose lui aussi sur

    douze mois lunaires de 29 ou 30 jours auxquels sajoutent,

    l encore, un treizime mois intercalaire. Mais le tout se

    gre ici sur une priode de dix-neuf ans ! En rfrence au

    cycle de Mton, un brillant astronome athnien du Ve

    sicle av. J.-C. Celui-ci avait mis en vidence que dix-neuf

  • annes lunaires plus sept mois correspondent dix-neuf

    annes solaires. Le calendrier chinois sarticulait

    finalement autour de douze annes de douze mois, suivies

    de sept de treize (pour les sept mois supplmentaires du

    principe de Mton).

    Mais venons-en aux Romains. Au VIIIe sicle avant

    notre re, ils utilisent un calendrier de dix mois compos

    alternativement de 29 et 30 jours (soit une anne de 295

    jours). Puis ils passent des mois de 30 et 31 jours (total

    de 304 jours sur lanne). Notons au passage que les mots

    latins september, october, novembris et decembris sont

    construits sur une racine signifiant respectivement sept,

    huit, neuf et dix. Ce nom marquant leur rang dans une

    anne qui commence par le mois de mars.

    Aujourdhui, ltymologie de ces quatre mots ne cor-

    respond plus du tout leurs rangs respectifs dans le

    calendrier. Car ctait sans compter sur Numa Pompilius

    (715-672 av. J.-C.) ! En effet, vers 700 avant J.-C., ce

    souverain romain rajoute fort propos les mois de janvier

    et de fvrier, ainsi que le dsormais clbre mois

    intercalaire.

    Aprs quelques nouveaux atermoiements, les Romains

    en viennent composer le calendrier suivant : quatre mois

    de 31 jours, sept de 29, plus un mois de 28 jours (fvrier).

    Ce qui donne toujours une anne trs courte : 355 jours.

    Au passage, soulignons que le choix de 31 et

    29 jours tient au fait que les nombres impairs plaisent aux dieux bienfaisants. Avec un nombre de jours pair, fvrier

  • (februarius) incarne quant lui un mois maudit consacr

    aux dieux malfiques (il en fallait bien un !).

    Pour complter cette anne de 355 jours, un petit

    mois supplmentaire vient donc la rescousse. Il ne pos-

    sde que 22 ou 23 jours et sintercale, tous les deux ans,

    entre les 23 et 24 fvrier. Mais, me direz-vous, pourquoi

    diable ce curieux endroit ? Tout simplement pour donner

    lillusion que fvrier conserve la vocation dmoniaque de

    ses 28 jours (nombre pair). Ce petit mois de rattrapage

    (mercedonius) sinsrait comme une espce de parenthse

    au sein de fvrier. Quoi quil en soit, sur un cycle de quatre

    ans, lanne romaine compte 355 jours, puis 377 (355+22),

    puis de nouveau 355 jours et, enfin, 378 (355+23). Soit au

    total 1 465 jours lissue des quatre annes. Cest--dire

    une moyenne de 366 jours un quart.

    Le calendrier romain du smillant Numa Pompilius est

    manifestement trop long. De surcrot, au fil du temps, les

    pontifes vont prendre quelques liberts avec la dure

    lgale des fameux mois intercalaires. Jeux politiques et

    magouilles faisant dj bon mnage, ils abuseront

    largement de leur pouvoir et allongent ou courtent les

    magistratures au gr de leurs propres intrts ou pour

    favoriser un ami. Trs vite, de telles dcisions arbitraires

    sloignent du souci initial : accorder au mieux calendrier

    et saisons. Sensuit une invraisemblable pagaille qui ne fait

    que crotre et embellir pendant six cents ans. Consquence

    de ce dsordre : au dernier sicle avant notre re,

    lquinoxe civil accuse un dcalage de trois mois sur

  • lquinoxe astronomique. On pratique donc les vendanges

    en plein mois de janvier !

    Conseill par lastronome grec Sogisne dAlexandrie,

    Jules Csar va semployer remettre de lordre dans la

    maison solaire. En 46 av. J.-C., pour rtablir les quilibres

    entre calendrier et saisons, il commence par crer une

    anne de... 445 jours connue sous le nom danne de la

    confusion. Puis Sogisne propose sa rforme. Lastronome

    se fonde sur un calcul parfaitement juste puisquil estime

    lanne solaire 365 jours un quart. Il btit donc un

    calendrier de 365 jours enfin compos dun nombre fixe de

    douze mois. Et, pour rattraper le quart de journe

    perdue, il ajoute un jour tous les quatre ans. Il vient

    dinventer lanne bissextile.

    Cette rforme sduit Csar et elle entre en vigueur ds

    45 av. J.-C. Reste quune erreur grossire simmisce dans

    cette belle mcanique baptise depuis lors calendrier

    julien. Soit le brave Sogisne ne sexprimait pas claire-

    ment, soit les Romains navaient rien compris ! Toujours

    est-il que les brillants esprits au pouvoir rajoutent un jour

    tous les trois ans (et non pas tous les quatre ans). La

    plaisanterie va durer trente-six ans. Rsultat : la cration

    de douze annes bissextiles sur la priode au lieu des neuf

    indispensables.

    Il faut donc attendre que lempereur Auguste corrige la

    bourde et supprime trois annes bissextiles (entre 8 av. J.-

    C. et 4 ap. J.-C.) pour que le calendrier julien se mette

    fonctionner correctement. Le tout ordonnanc dans la

  • forme que nous connaissons encore aujourdhui. A savoir :

    sept mois de 31 jours, quatre de et un mois de fvrier de 28

    ou 29 jours. Et avec deux mois de 31 jours qui se suivent :

    julius (en hommage Csar) et augustus (pour clbrer

    Auguste). En initiant la rforme et en corrigeant lerreur,

    lun et lautre ne mritaient pas moins que des mois de 31

    jours (de surcrot impairs). Ce qui explique que les mois de

    juillet et daot possdent la suite 31 jours.

    Mais revenons linnovation fondamentale du calen-

    drier julien, lanne bissextile. Ce mot vient de lexpression

    suivante : bis sextus ante dies calendas Martii .

    Autrement dit : deux fois un sixime jour avant les calen-

    des de mars. Le mot calendes, qui donnera naissance

    calendrier, dsigne le premier jour de chaque mois (celui

    o lon rgle les factures).

    Pour comprendre ce bis sextus, il faut savoir que les

    Romains dcomptaient les jours par rapport une date

    exemplaire future que lon inclut dans le comptage. Et

    aussi se souvenir que le jour intercalaire tait primitive-

    ment plac entre le 23 et le 24 fvrier. Ainsi, le 24 fvrier

    est bien le sixime jour avant les calendes de mars (24

    fvrier et 1er mars inclus). Une fois tous les quatre ans, on

    ajoute deux fois un sixime jour. Et bis sextus va donner le

    mot bissextile pour qualifier les annes o le mois de

    fvrier possde 29 jours.

    Globalement, lordonnancement du calendrier julien

    ne va plus changer. Ordre des mois, nombre de jours de

    chaque mois et nombre de mois ne bougeront plus. Sauf

  • que Sogisne avait commis une petite erreur qui va encore

    ncessiter une correction. Et cest prcisment en agissant

    sur les annes bissextiles que la rforme va soprer.

    Lastronome grec avait ralis ses calculs en

    considrant que la Terre tournait autour du Soleil en 365

    jours et 6 heures. Or notre plante va plus vite puisquil lui

    suffit de 365 jours, 5 heures 48 minutes et 45 secondes !

    En considrant que la Terre se dplace sur son ellipse

    moins vite que dans la ralit, le calendrier julien cumulait

    chaque anne un retard de 11 minutes et 14 secondes sur

    lanne solaire. Une broutille, me direz-vous ! Certes. Sauf

    que laddition se solde par un retard de trois jours tous les

    quatre sicles.

    Au XVIe sicle, le pape Grgoire XIII charge un comit

    dastronomes dlaborer une rforme du calendrier julien.

    On constate quil accuse un retard de dix jours sur lanne

    solaire. Pour faire de nouveau concider quinoxe civil et

    astronomique, cest--dire calendrier et saisons, Grgoire

    XIII prend deux dcisions. Tout dabord, il supprime dix

    jours dans le calendrier julien. Ainsi, en cette anne de

    rforme 1582, on passe du jeudi 4 octobre au vendredi 15

    octobre (entre ces deux dates, il y a bien dix jours de

    diffrence !). Ensuite, Grgoire XIII modifie le calcul des

    annes bissextiles.

    Ds lors, sont dcrtes bissextiles les annes divisibles

    par quatre. Avec une particularit pour les annes scu-

    laires (multiples de cent) qui deviennent bissextiles si elles

    sont divisibles par 400. Ainsi, en bonne logique

  • arithmtique, les annes sculaires 1700, 1800 et 1900

    nont pas connu de 29 fvrier. En revanche, linstar de

    1600, lan 2000 fut une anne bissextile puisque divisible

    par 400. En appliquant cette mme rgle, 2100, 2200 et

    2300 ne seront pas bissextiles, tandis que lanne 2400 le

    sera. Notez-le sur vos agendas !

    Le calendrier grgorien fonctionne encore aujourdhui.

    Mais il affiche toujours un dcalage sur lanne tropique

    (dure entre deux quinoxes de printemps) : trois jours de

    trop tous les dix mille ans. De surcrot, il ne tient pas

    compte du ralentissement de la vitesse de rotation de la

    Terre (un peu plus dune seconde tous les deux sicles).

    Le calendrier grgorien fut appliqu ds octobre 1582

    en Italie, en Espagne et au Portugal. La France ladopte en

    dcembre 1582. On passe du dimanch 9... au vendredi 20.

    Et nos anctres bnficirent de deux week-ends

    conscutifs ! Si lAllemagne du Sud et lAutriche

    appliquent la nouvelle norme ds 1584, dautres pays ne

    sy rangent que beaucoup plus tard : 1610 pour la Prusse,

    1700 pour lAllemagne du Nord, 1752 pour la Grande-

    Bretagne, 1873 pour le Japon, 1912 pour la Chine, 1918

    pour lUnion sovitique, 1923 pour la Grce...

    Le dcalage dans la mise en application du calendrier

    grgorien dbouche sur damusantes consquences. En

    effet, les vnements qui se droulrent dans un pays

    donn sont dats selon le calendrier en vigueur ce

    moment-l sur le territoire en question. Par exemple, la

    Russie appliquait encore le calendrier julien au moment de

  • la clbre rvolution bolchevique de 1917. Connue sous le

    nom de rvolution dOctobre, elle sest en fait droule en

    novembre daprs le calendrier grgorien. De la mme

    faon, selon que lon se rfre des historiens

    britanniques ou leurs collgues franais et espagnols, les

    dates journalires des traits dUtrecht (1712-1713)

    diffrent sensiblement. Quand cette paix met fin la

    guerre de Succession dEspagne (Philippe V renonce la

    couronne de France), la Grande-Bretagne (qui pour sa part

    reoit de notables avantages outre-mer) utilise toujours le

    calendrier julien. Do le dcalage.

    Dans un tel environnement o certains pays utilisent le

    calendrier grgorien tandis que dautres saccrochent

    encore au bon vieux julien, lanarchie des dates rde.

    Reprenons. Le 5 octobre 1582 du calendrier julien qui-

    vaut au 15 octobre 1582 du calendrier grgorien (voir plus

    haut). Un Anglais et un Italien ns tous les deux (selon

    ltat civil de leurs pays respectifs) le 16 octobre 1582...

    nont pas vu le jour le mme jour. En fait, litalien serait n

    le 6 octobre dans le calendrier julien. Il faut donc attendre

    dix jours pour que son jumeau anglais pousse le

    premier cri.

    Au fil des ans, de nombreuses tentatives de rformes

    furent labores pour tenter de dtrner le calendrier

    grgorien. En France, il y eut bien sr lexprience du

    calendrier rpublicain, directement issu de la Rvolution.

    Et, aujourdhui encore, des propositions damnagement

    ou de refonte totale du calendrier grgorien continuent

  • d'attiser les passions. Des recherches parfois originales,

    voire fantaisistes, mergent rgulirement. Le projet dun

    calendrier universel a mme retenu lattention de quelques

    pays.

    Il semble toutefois bien dlicat de rompre avec une

    pratique aussi fortement ancre dans nos habitudes quo-

    tidiennes. Que ceux qui auraient lambition de satteler la

    construction dun nouvel difice calendaire se nourrissent

    dabord de cette tourneboulante histoire de valse terrestre

    sous lil de lastre de feu. Juste pour leur viter de

    redcouvrir la lune !

  • D'ou vient le nom du cocktail baptis bloody Mary ?

    Souvent compliques les histoires de famille ! Y

    compris dans laristocratie britannique du XVIe sicle.

    Jugez plutt. Fille dHenri VIII dAngleterre (1491- 1547)

    et de Catherine dAragon, la future Marie Tudor I" eut

    souffrir de la disgrce de sa mre. Celle-ci fut en effet

    remplace par sa demoiselle dhonneur, Anne Boleyn, qui

    devint sa place reine dAngleterre. A la naissance de la

    future Elisabeth Iere (1533), Anne chasse Marie de la cour.

    Et la jeune femme doit mme reconnatre lillgitimit de

    sa naissance.

    Marie Tudor Iere succde cependant Edouard VI

    (1537-1553), fils dHenri VIII et de Jeanne Seymour. Cette

    dernire avait succd Anne Boleyn, condamne mort

    pour adultre par un tribunal o sigeait son propre pre

    (1536).

    Le mariage de Marie Tudor Iere avec Philippe II dEs-

    pagne provoque une rbellion qui dbouche sur un dur-

    cissement du rgime. Marie impose le catholicisme, fait

    emprisonner Elisabeth la Tour de Londres et perscute

    les protestants. Tout cela ne se produit pas sans effusion

    dhmoglobine qui vaut Marie Tudor Iere le surnom de

    Marie la Sanglante. En langue anglaise, bloody Mary. Le

    clbre cocktail compos de jus de tomate et de vodka a

    pris le surnom de celle que daucuns appelaient galement

  • Marie la Catholique.

    Lorsque Marie Tudor Iere steint (1558), Elisabeth Ire

    prend sa revanche. Rpudie la mort de sa mre Anne

    Boleyn, Elisabeth accde son tour au trne dAngleterre.

    Elle marque son avnement dun geste fort : le

    rtablissement de l'Eglise anglicane. Depuis, de par le

    monde, on boit des bloody Mary ! Pour vnrer la

    mmoire des protestants massacrs ou pour se rjouir de

    la disparition de la Sanglante ? Sur ce point de dtail,

    personne ne sait.

  • Pourquoi la fte de Nol tombe-t-elle le 25 dcembre ?

    Dans sa tentative lgitime de mieux cerner le temps,

    lhomme de la prhistoire allait tenter de mesurer,

    dcouper puis finalement talonner les rythmes du jour,

    de la nuit et des saisons (voir Pourquoi a-t-on dans notre

    calendrier des mois de 28 (ou 29), 30 et 31 jours ?).

    Seulement voil, lhomme prhistorique saperoit quil

    vieillit. Et quil bute inexorablement sur la mort. Aussi,

    environ cent mille ans avant lre chrtienne, dans un

    ultime geste despoir et de confiance irraisonne en

    lavenir, il prouve la ncessit denterrer ses dfunts.

    Volontairement et religieusement. Cest--dire en

    accompagnant cet acte dun rituel prcis, dune crmonie

    structure. Lhomme dit primitif invente ici les premires

    spultures qui ne laissent aucun doute sur la volont de

    rendre hommage au disparu (offrandes dos danimaux,

    racloirs, coquillages formant des parures, tte cale par

    quelques pierres, fosses parfois fermes par une dalle).

    Prs de cent millnaires sparent les Homo sapiens

    archaques de la naissance du Christ. Et pourtant !

    Croyances, angoisses, peurs ou certitudes guident dj ces

    premiers comportements sociaux face la mort. Une

    attitude qui marque en fait la naissance de l homme

    moderne comme la si justement affirm lhistorien

    Pierre Chaunu.

  • Ds lors, grands prtres, gourous, sorciers, devins,

    gurisseurs, rebouteux, envoteurs, sages convaincus,

    nafs bats, fous dsenchants ou habiles sceptiques

    convertis en charlatans sans scrupule, tous vont - dune

    faon ou dune autre se lancer dans la lecture de prsa-

    ges censs annoncer lavenir. Et la dmarche fascine puis-

    quelle touche aux mystres de la vie. Ces premiers

    augures savent donc entrer en relation avec des puissances

    inaccessibles qui peuplent le ciel, leau et les entrailles de

    la terre.

    A lpoque des premires religions paennes, les inter-

    mdiaires spcialiss dans le dialogue avec lau-del affir-

    ment quils savent se concilier les faveurs de puissances

    caches. Rituels accompagns doffrandes, de danses et

    dincantations contribuent conforter le pouvoir de ces

    savants qui disposent lvidence dun ascendant sur

    leurs compagnons. Et sous prtexte de dcrypter les

    rouages de lunivers, ils initient alors des foules de fidles

    aux lois de leurs propres certitudes. En profitant bien

    videmment des faiblesses de lesprit et de linextinguible

    soif de signes surnaturels.

    Contrairement aux apparences, ce mcanisme ne nous

    carte absolument pas de la clbration de Nol, car il

    permet de comprendre la raction en chane qui sensuivit.

    Les rituels primitifs ont dbouch sur les premiers

    comportements religieux de masse qui portaient en eux les

    germes des grands mythes fondateurs de lhumanit. De

    telles attitudes enfantrent des crmonies paennes

  • structures qui donnrent leur tour naissance aux cultes

    des multiples divinits, pour finalement engendrer les

    religions monothistes.

    Aux premiers sicles de 1re chrtienne, les promo-

    teurs de la nouvelle religion sattachent dtourner leurs

    fidles des chemins douteux. Logique : la foi en un seul

    Dieu nest pas compatible avec dautres croyances. Et

    surtout pas celles qui conduisent vers les idoles du pass.

    Certes, la force de la doctrine naissante porte alors le plus

    grand nombre vers lEglise. Pourtant, mme lorsquils se

    disent convertis au christianisme, daucuns continuent de

    se tourner vers les cultes paens. Les crmonies ddies

    des symboles minemment vocateurs comme larbre, la

    pierre et leau resteront populaires plus de trois sicles

    aprs Jsus-Christ.

    Les prtres chrtiens semploient donc chasser les

    anciens dieux qui sincrustent encore dans lesprit de leurs

    ouailles. Les divinits grco-romaines nont pas t les

    plus difficiles vaincre, car les paysans les avaient

    abandonnes depuis longtemps. En revanche, ils portaient

    toujours une grande attention des idoles plus familires,

    plus proches de la nature. Surtout celles qui protgent

    champs, moissons et rcoltes (Pan, Priape, les faunes, les

    satyres ou les nymphes des sources et des bois). Ces

    petits dieux et divinits de seconde zone rsistent au

    temps car chacun dans les campagnes redoute toujours les

    colres des puissances tnbreuses.

    Pendant les premiers sicles de la christianisation,

  • beaucoup tentent donc de concilier - en cachette ! - le

    nouveau culte officiel avec les anciens rituels paens. Et au

    sortir mme des crmonies chrtiennes, nombre de

    convertis se prcipitent vers les vieilles divinits quils

    craignent davoir offenses. LEglise va donc mettre au

    point une vritable stratgie pour parvenir ses fins : elle

    va faire concider la plupart de ses clbrations festives

    avec les rituels paens qui nen finissent pas de disparatre.

    Nol, commmoration du jour anniversaire de la nais-

    sance du Christ, appartient sans contestation possible ce

    type de dmarche. Situe le 25 dcembre, la fte de la

    Nativit apparat Rome en 336. Objectif : supplanter une

    crmonie trs populaire consacre au dieu Mithra qui se

    droulait jusquici au moment du solstice dhiver (donc

    sensiblement la mme date). Lempereur romain

    Aurlien (212-275) avait mme port au rang de religion

    dEtat le culte de Mithra.

    Le nom de Mithra (divinit fondamentale de la

    mythologie perse) voit le jour vers 500 av. J.-C. Son culte

    (fort probablement issu de la tradition indienne qui

    clbrait le dieu Mitra) se diffusera rapidement dans le

    monde hellniste et romain o il incarne par excellence le

    dieu solaire. Les crmonies voues Mithra se droulent

    dans des grottes ou des cryptes. Et, au IIIe sicle de lre

    chrtienne, elles conservent un faste certain rassemblant

    encore une foule dadeptes. Le culte de Mithra tait fond

    sur un principe initiatique de sept degrs : corbeau,

    griffon, soldat, lion, Perse, courrier du soleil et, enfin, pre

  • (un pre des pres , sorte de futur pape ou de grand

    matre, jouait le rle de chef suprme).

    La fte de Nol clbrant la naissance de Jsus le 25

    dcembre va finalement simposer lEurope occidentale

    partir du IVe sicle. Elle substituera habilement le soleil

    victorieux dorigine orientale au soleil de justice que

    symbolise le Christ. De surcrot, pour mener bien cette

    conqute des esprits, la hirarchie ecclsiastique sappuie

    astucieusement sur des notions simples qui visent

    imposer la vrit unique et globale (par opposition la

    multitude des dieux du pass). Par parenthse, autour de

    lan mil, les Vikings seront galement sduits par cette

    unicit de Dieu. Eux qui vnraient une foule de divinits

    se convertiront sans difficult ce principe rassurant de la

    prire unique pour toutes choses.

    Pour gagner la confiance des paens terrasss par les

    peurs quotidiennes qui se nourrissent de lignorance et

    favorisent lexplosion des superstitions en tout genre,

    lEglise va donc calquer son attitude sur les rituels du

    pass. Quitte emprunter dates et gestuelles de leurs

    crmonies au patrimoine culturel (et cultuel) des sicles

    antrieurs. Par exemple, les Celtes aspergeaient leurs

    morts deau lustrale en utilisant une branche de buis ou de

    gui (cette eau sacre avait le pouvoir de chasser les

    mauvais esprits). Hasard, concidence troublante ou

    mimtisme ? Toujours est-il que les chrtiens appliquent

    une pratique identique en utilisant leau bnite. Quant aux

    nombreux plerinages de lEglise catholique associs aux

  • sources et fontaines, ils ne sont le plus souvent que la

    copie de ftes paennes lies au culte de leau purificatrice

    qui figurait au rang de symbole universel dans la quasi-

    totalit des traditions primitives.

    De la mme faon, le sapin de Nol puise lui aussi ses

    racines dans des coutumes ancestrales. Mme si larbre

    dcor ne gagne les foyers franais qu la fin du XIXe, on

    en trouve mention dans lAllemagne du VIIe sicle, lorsque

    le moine saint Boniface place le sapin au rang de symbole

    de la Nativit. Lvanglisateur sinspire alors de lpica,

    arbre de lenfantement chez les Celtes. Certains voient

    encore dans le sapin une survivance de la dcoration des

    temples romains avec des branches de gui ou de houx.

    Quant la tradition de lillumination du sapin (et non plus

    de la simple dcoration), beaucoup lattribuent Martin

    Luther. Il aurait plac des bougies sur larbre afin de

    restituer lclat des toiles et den rappeler le rle dans

    lpisode de la Nativit.

    Lorigine de la bche de Nol, qui fait aujourdhui la

    joie du tiroir-caisse des ptissiers, tient davantage du

    porte-bonheur. Conserve prcieusement depuis lau-

    tomne, la plus belle bche de la ferme tait brle pendant

    la nuit de Nol, non sans avoir t asperge deau bnite

    ou de sel (pour carter les dmons).

    Pour sa part, la premire crche de Nol apparat dans

    une grotte dItalie en 1223. Cherchant imiter grandeur

    nature ltable de Bethlem, Franois dAssise y avait fait

    installer une mangeoire remplie de paille, un buf et un

  • ne. Un prtre y clbra la messe de minuit en prsence de

    cette mise en scne dont les santons de Provence seront les

    hritiers.

    De son ct, le Pre Nol ne simpose en Europe quau

    dbut du XXe sicle. Il sagit ici dune rminiscence du

    saint Nicolas germanique qui couvre les enfants de

    cadeaux dans la nuit du 5 au 6 dcembre. Saint Nicolas

    porte une grande soutane rouge, une longue barbe, une

    mitre et une crosse dvque.

    Ce que nous venons dexpliquer pour Nol sapplique

    dailleurs tout aussi bien la fte de Pques qui comm-

    more la rsurrection du Christ et prend place une poque

    de lanne auparavant consacre au renouveau et au retour

    de la lumire. Par exemple, dans les pays nordiques et en

    Allemagne, on allumait des feux symbolisant la

    renaissance de la vie agricole. Cette clbration, survi-

    vance des anciens cultes solaires, clturait les ftes du

    cycle des feux. Et, en 325, le concile de Nice tablit la fte

    de Pques le premier dimanche qui suit la pleine lune

    survenant aprs lquinoxe de printemps . Mais il fallut

    attendre encore deux sicles avant que tous les catholiques

    placent cette fte mobile du calendrier chrtien (et

    grgorien) entre le 23 mars et le 25 avril.

  • Pourquoi appelle-t-on scotch le ruban adhsif transparent ?

    Pass dans le langage courant pour dsigner un ruban

    adhsif transparent, le mot scotch figure dsormais parmi

    les noms communs dans tous les dictionnaires de franais,

    bien quil sagisse toujours dune marque dpose. Mais le

    nom de cette petite bande magique a une histoire

    amusante.

    Le principe mme du ruban adhsif fut invent en 1925

    par lAmricain Dick Drew. Jeune et astucieux assistant au

    laboratoire de lentreprise 3M, Dick travaille sur la mise au

    point dun produit qui pourrait permettre aux industriels

    du secteur automobile de peindre proprement leurs

    voitures. Problme : il existe un vritable engouement

    pour les carrosseries arborant deux couleurs, mais les

    constructeurs prouvent la plus grande difficult raliser

    de tels modles. En effet, la ligne qui spare les deux

    teintes manque souvent de prcision. Et les vhicules qui

    sortent de la chane ne possdent pas la qualit requise

    (dlimitation impeccable, propre et nette entre les deux

    tons).

    Dick Drew met alors au point un adhsif de masquage.

    Un produit comparable celui encore utilis actuellement

    dans la peinture en btiment pour viter de tacher vitres et

    moquettes, ou pour dlimiter deux zones de peinture. La

    particularit de ces premiers rubans que la firme 3M livre

  • aux carrossiers va gnrer une sorte de quiproquo.

    Dick a pens tout : pour que les ouvriers retirent plus

    facilement les bandes de masquage, seuls les bords du

    ruban sont adhsifs. De leur ct, les factieux peintres

    carrossiers ne voient dans cette curiosit de fabrication

    quun souci dconomiser de la colle. Et ils franchissent le

    pas avec humour en baptisant Scotch (Ecossais en

    langage familier) cette bande qui leur simplifie la vie. Une

    dsobligeante allusion la lourde rputation davarice que

    tranent les Ecossais. Quoi quil en soit, agressive ou

    amusante, la boutade contribue la notorit grandissante

    du ruban dans les usines automobiles de la fin des annes

    1920.

    En 1930, 3M commercialise un ruban adhsif cellulo-

    sique trs proche de celui que nous connaissons aujour-

    dhui. Et, plutt que dignorer la plaisanterie des

    carrossiers, les dirigeants semparent habilement du sur-

    nom que les peintres ont amicalement accol linvention

    de Dick Drew. La firme poussera plus tard lallusion

    jusqu embellir les botes (et lextrmit du ruban) dun

    dessin de tartan (toffe traditionnelle dEcosse larges

    bandes de couleurs se coupant angle droit). N sous le

    signe de la radinerie, ce scotch-l fera fortune !

  • Depuis quand les hommes portent-ils la cravate ?

    Les premiers phnomnes de mode voient le jour la

    fin du Moyen Age. Et il faut attendre le milieu du XIVe

    sicle pour que de vritables tendances vestimentaires

    commencent simposer. Encore ne touchent-elles que

    laristocratie. En fait, la cour s'empresse de copier les

    habitudes du roi en matire dhabillement.

    A priori fonde sur la recherche de llgance, la mode

    conjugue avec plus ou moins de bonheur les notions de

    frivolit, de superflu, dextravagance, voire de provocation.

    De surcrot, elle a toujours permis la vanit humaine

    dexprimer son arrogance. Ainsi, les codes que vhicule le

    principe mme de la mode sattachent ranger dans des

    catgories sociales ceux et celles qui portent tel ou tel type

    de vtements.

    Par exemple, jusquau XVIe, on interdisait aux roturiers

    de shabiller comme les nobles. Mais, vers le XVIe sicle,

    l'explosion de la bourgeoisie a pouss les parvenus et

    autres nouveaux riches des classes moyennes imiter les

    comportements vestimentaires de la noblesse. Tissus,

    chapeaux, coupes des habits, broderies, dentelles, acces-

    soires deviennent progressivement des signes ostentatoi-

    res de pouvoir conomique et de puissance sociale.

    Evolution du machinisme dans lindustrie textile,

    apparition de matires synthtiques, baisse des cots de

  • production et dveloppement des grandes surfaces ont

    achev le processus menant la commercialisation de

    masse de vtements de prt--porter.

    Finalement, cette raction en chane ne fera quexacer-

    ber et soutenir les phnomnes de mode. Et comment ne

    pas voir un signe de reconnaissance sociale dans lim-

    muable costume-cravate que porte le jeune cadre dyna-

    mique, lentre