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1 6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma- tique « Innovation » de l’AIMS Le projet comme vecteur de stratégies innovantes au sein des multinationales ? Résumé La conduite d’innovations en mode projet connaît un regain d’intérêt et de nombreux auteurs se sont intéressés aux limites de ce modèle d’organisation, ou à ces enjeux en termes d’allocations de ressources et de temporalité. Cependant, la conduite de projets innovants est souvent étudiée en dehors du contexte organisationnel ou institutionnel dans lequel elle s’inscrit. Les multinationales offrent un cadre particulier puisque des projets innovants peu- vent voir le jour dans les filiales, grâce à des ressources locales pour ensuite être diffusés au niveau global. L’objectif de cet article est donc de comprendre dans quelle mesure une orga- nisation en mode projet permet à des innovations de naître au sein des filiales et d’être diffu- sées au sein des multinationales. Nous mobilisons notamment la littérature sur les tensions entre l’autonomie requise pour développer des innovations de nature exploratoire et l’intégration nécessaire de ces projets dans les processus organisationnels existants au sein de la multinationale. Nous nous appuyons sur 3 études de cas concernant des projets de dévelop- pement de produits nouveaux dans deux multinationales. Mots clés : innovation, projet, multinationale, développement de produits nouveaux, ressources Hala Alioua Doctorante NIMEC Université de Caen Normandie [email protected] 3 rue C Bloch 14 000 Caen Fanny Simon Maître de Conférences NIMEC Université de Caen Normandie [email protected] 3 rue C Bloch 14 000 Caen

Le projet comme vecteur de stratégies innovantes au sein ......La conduite d’innovations en mode projet connaît un regain d’intérêt et de nombreux auteurs se sont intéressés

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

Le projet comme vecteur de stratégies innovantes

au sein des multinationales ?

Résumé

La conduite d’innovations en mode projet connaît un regain d’intérêt et de nombreux auteurs

se sont intéressés aux limites de ce modèle d’organisation, ou à ces enjeux en termes

d’allocations de ressources et de temporalité. Cependant, la conduite de projets innovants est

souvent étudiée en dehors du contexte organisationnel ou institutionnel dans lequel elle

s’inscrit. Les multinationales offrent un cadre particulier puisque des projets innovants peu-

vent voir le jour dans les filiales, grâce à des ressources locales pour ensuite être diffusés au

niveau global. L’objectif de cet article est donc de comprendre dans quelle mesure une orga-

nisation en mode projet permet à des innovations de naître au sein des filiales et d’être diffu-

sées au sein des multinationales. Nous mobilisons notamment la littérature sur les tensions

entre l’autonomie requise pour développer des innovations de nature exploratoire et

l’intégration nécessaire de ces projets dans les processus organisationnels existants au sein de

la multinationale. Nous nous appuyons sur 3 études de cas concernant des projets de dévelop-

pement de produits nouveaux dans deux multinationales.

Mots clés : innovation, projet, multinationale, développement de produits nouveaux,

ressources

Hala Alioua

Doctorante

NIMEC Université de Caen Normandie

[email protected] 3 rue C Bloch

14 000 Caen

Fanny Simon

Maître de Conférences

NIMEC Université de Caen Normandie

[email protected] 3 rue C Bloch

14 000 Caen

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tique « Innovation » de l’AIMS

Le projet comme vecteur de stratégies innovantes au sein des

multinationales ?

Introduction

L’innovation est considérée par Bartlett et ses collègues (Bartlett et al., 1990) comme la

« raison d’être » des multinationales. Un flux continu d’innovations permet notamment de

répondre aux fluctuations du marché et de maintenir un avantage concurrentiel (Eisenhardt et

Brown, 1997). Les filiales disposent actuellement de plus en plus d’opportunités leur

permettant de développer leurs propres initiatives et de proposer des projets d’innovation

(Birkinshaw et Ridderstrale, 1999 ; Mayrhofer, 2011). Historiquement, de par leur

implantation privilégiée dans des environnements fortement technologiques, certaines filiales

ont un poids important dans la génération d’innovations au sein du groupe (Guérineau et al.,

2014). Ces filiales qui sont souvent implantées dans des pays développés, sont aujourd’hui

confrontées à des environnements très compétitifs et des clients ayant des exigences accrues

en termes d’innovation (Ibid), elles doivent donc explorer de nouveaux marchés ou

technologies pour assurer leur pérennité sur le long terme. La gestion des activités

d’innovation en mode projet peut être perçue comme une solution afin d’éviter les rigidités

spécifiques aux grandes entreprises établies. Cependant, la confrontation de la littérature sur

la gestion de l’innovation dans les multinationales et le développement de l’innovation en

mode projet fait apparaître trois challenges principaux auxquels sont confrontées les équipes

projet : l’inscription dans les réseaux et routines de la multinationale et le développement de

nouvelles relations au niveau local et de routines appropriées ; une intégration dans les

dispositifs organisationnels existants et le besoin d’autonomie, une interaction avec la

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structure fonctionnelle et une logique projet caractérisée par un contrôle des ressources.

L’objectif de cet article est donc de comprendre dans quelle mesure une organisation en mode

projet permet à des innovations de naître au sein des filiales et d’être diffusées au sein des

multinationales. Nous avons observé le développement de trois projets dans deux

multinationales. Le suivi en temps réel des individus impliqués dans le développement

d’activités exploratoires permet d’identifier comment ils gèrent ces tensions et les facteurs de

succès et d’échec du développement d’activités exploratoires en mode projet dans les filiales

considérées. Cette recherche apporte une nouvelle perspective concernant le développement

des innovations dans les filiales en étant contrée sur les acteurs mêmes de l’innovation alors

que la plupart des recherches existantes concernent la diffusion des innovations entre le siège

et les filiales ou le développement de connaissances dans les multinationales au niveau inter-

organisationnel.

1. FONDEMENTS THEORIQUES

1.1. Le développement de nouvelles activités via des projets

d’exploration dans les filiales

Trois modes d’organisation de l’innovation ont été mis en exergue dans les multinationales.

Historiquement, le modèle centralisé était prédominant avec une entreprise mère à l’origine de

la plupart des innovations qui sont ensuite diffusées dans les filiales. Cependant, la

différentiation croissante des goûts des consommateurs conduit souvent à l’échec de produits

développés sans prise en compte du contexte local (Bartlett et al., 1990). A contrario,

certaines multinationales souhaitent tirer profit des ressources locales et mettent en place un

modèle décentralisé (Sanna-Randaccio et Veugelers, 2007). Les filiales profitent ainsi de leur

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réseau local avec des fournisseurs, clients ou universités pour développer des idées nouvelles

en forte cohérence avec les marchés locaux (Jacquier-Roux et Paraponaris, 2011). L’enjeu est

ensuite de partager les connaissances et innovations développées au niveau local avec

l’entreprise mère et les autres filiales.

Récemment, de nombreuses multinationales ont donné plus de poids à leurs filiales dans la

conduite d’activités innovantes telles que la R&D (Colovic et Mayrhofer, 2008). Un troisième

modèle a donc émergé qui vise à utiliser les ressources d’une filiale pour créer des

innovations destinées non seulement au marché local mais également à explorer de nouveaux

marchés mondiaux (Bartlett et al., 1990). L’enjeu est donc de développer des innovations

conjointement entre plusieurs filiales afin que chaque entité apporte ses ressources et de

mettre en place une réponse collaborative à des opportunités mondiales (Ibid). Cependant, de

nombreuses recherches ont mis en évidence la complexité des coopérations dans de tels

cadres (Nobel et Birkinshaw, 1998). Les difficultés liées au transfert de connaissances entre

des filiales ayant des expertises et cultures différentes et étant parfois très éloignées

géographiquement sont également à l’origine de l’échec de projet d’innovation dans les

multinationales (Dougherty et Heller, 1994).

L’organisation en mode projet, caractérisée par des configurations organisationnelles

temporaires permettant d’allouer du personnel et des ressources au sein des entreprises

(Cattani et al., 2011 ; Davies et Brady, 2000) est utilisée de façon croissante afin de

développer des innovations dans les multinationales (Midler, 1993 , Brady et Davies, 2004;

DeFillippi, 2001, Garel, 2003). Des activités entières de R&D peuvent être organisées en

mode projet : des individus aux profils diversifiés sont mobilisés dans un ensemble de projets,

pour une durée donnée afin de développer des innovations. Les fonctions de l’entreprise sont

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alors incarnées par des équipes projet (Whitley, 2006). Le projet sert ici de mécanisme de

coopération et permet de mettre en place la nouveauté. En effet, l’organisation en mode projet

permet de répondre de façon réactive aux changements de la demande client, de reconfigurer

les compétences de l’entreprise et de renouveler fréquemment les produits (Aurégan et al.,

2007). Le projet peut servir à explorer les futurs possibles et à conforter la « flexibilité

stratégique » des entreprises (Auregan et al., 2008 ; Lenfle et Loch, 2010).

Les projets sont souvent perçus comme la panacée afin d’éviter les rigidités organisationnelles

et seraient donc particulièrement adaptés pour conduire des activités d’exploration (Danneels,

2002). En effet, les activités d’exploration visent à renouveler les processus clés de

l’entreprise et à développer de nouvelles compétences (Benner et Tushman, 2003). Des

pratiques récentes au sein des entreprises consistent donc à développer localement, au sein des

filiales de nouvelles compétences et connaissances ou solutions qui sont fortement

contextualisées, via l’innovation et à réintégrer ces solutions ou connaissances globalement

(Mahmoud-Jouini et Charue-Duboc, 2014 ; Chebbi, 2004). Peu d’articles portent sur la

conduite de ces activités d’innovation exploratoires au sein des filiales (Birkinshaw et

Ridderstrale, 1999 ; Guérineau et al., 2014). En effet, la littérature portant sur les innovations

dans les multinationales s’est essentiellement concentrée sur le développement de

connaissances spécifiques et le transfert de ces connaissances entre les filiales et avec

l’entreprise mère (Doz et al., 2001 ; Frost, 2001 ; Mahmoud-Jouini et Charue-Duboc, 2014,

Berry, 2014). Les auteurs abordent peu l’émergence de compétences qui viennent remettre en

question les pratiques établies de la multinationale, bien que les filiales soient de plus en plus

perçues comme ayant des ressources pour explorer de nouveaux domaines (Jacquier-Roux et

al., 2002).

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Le rôle et la perception des individus impliqués dans ces activités exploratoires sont

notamment peu étudiés alors que ces individus peuvent éprouver des tensions dues à un

besoin d’intégrer leurs pratiques dans les dispositifs organisationnels existants de l’entreprise

et la nécessité de développer de nouveaux dispositifs spécifiques en adéquation avec des

projets de rupture. En effet, Birkinshaw et Ridderstrale (1999, p.154) soulignent que les

individus préfèrent œuvrer avec des routines existantes, soutenir des projets peu risqués et

rejettent les idées qui remettent en cause leurs propres compétences. Cependant, ces mêmes

individus, ont désormais pour mission de proposer au siège de nouvelles activités qui doivent

assurer à l’avenir la pérennité de la filiale (Bartlett et Ghoshal, 1986; Gupta et

Govindarajan, 1994; Jarillo et Martianez, 1990).

La perspective proposée par cet article est la suivante : nous nous appuyons sur la littérature

portant sur les organisations en mode projet. Cette littérature met notamment en évidence une

tension entre l’autonomie requise pour développer des innovations de nature exploratoire et

l’intégration nécessaire de ces projets dans les processus organisationnels existants au sein de

la multinationale (Sydow et al., 2004). Cette tension peut nuire au développement de projets

d’innovation exploratoire dans les multinationales. En effet, si de nombreux auteurs montrent

que des projets d’innovations naissent dans les multinationales (Un, 2011 ; Almeida et Phene,

2004), les dispositifs organisationnels mis en place par la maison mère, les réponses des

décideurs et une application stricte des procédures et des systèmes internes globaux peuvent

tuer ces innovations (Birkinshaw et Hood, 2001 ; Birkinshaw et Ridderstrale, 1999). Or, la fin

prématurée de projet d’innovations va décourager les salariés des filiales à proposer de

nouveaux projets d’innovation (Amabile et Kramer, 2011).

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1.2. La tension entre l’autonomie requise pour le développement d’activité en

mode exploratoire et l’intégration nécessaire dans les processus de la mul-

tinationale

La gestion des activités exploratoires en mode projet, génératrices de création de

connaissances, met en évidence un certain nombre de challenges liés à l’intégration des

projets dans les processus organisationnels existants. Nous identifions 3 challenges

principaux : l’inscription dans les réseaux et routines de la multinationale et le développement

de nouvelles relations au niveau local et de routines appropriées ; une intégration dans

lesdispositifs organisationnels existants et le besoin d’autonomie, une interaction avec la

structure fonctionnelle et une logique projet caractérisée par un contrôle des ressources.

Tout d’abord, les routines développées au sein de la multinationale ainsi que la reproduction

des relations interindividuelles au sein des projets permettent la coordination des activités et

l’efficience de la structure (Davies et Hobday, 2005; Sydow, 2009). Les routines sont des

configurations répétitives de comportement qui sont conduites par une ou plusieurs personnes

agissant indépendamment (Feldman, 2003). Les routines permettent le transfert de

connaissances d’un projet à l’autre et de fonder certaines prises de décisions sur des pratiques

existantes, ce qui fluidifie les processus et accélère leur mise en place (Becker, 2004). Les

échanges et transferts d’informations entre individus sont également au cœur des processus

innovants (Van de Ven, 1986). Les équipes projet peuvent être composées d’individus ayant

eu peu de contacts au préalable ou au contraire, être basées sur la reproduction de

collaborations qui ont eu du succès dans le passé. La reproduction de collaborations entre

individus d’un projet à l’autre accroît la confiance entre les acteurs et les échanges de

connaissances complexes (Hansen, 1999). Cependant, ces routines existantes et réseaux de

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relations passés sont peu adaptés au développement de projet d’exploration. Ainsi, par

exemple les projets d’exploration requièrent la poursuite de différentes alternatives

simultanément ainsi qu’un développement itératif caractérisé par des essais et erreurs (March,

1991). Or, les grandes entreprises ont tendance à privilégier la mise en place stricte de dates

limites et une logique d’optimisation des ressources dans les projets qui ne permettent pas

l’épanouissement d’une logique d’exploration (Lenfle et Loch, 2010). De nouvelles routines

organisationnelles doivent être associées aux projets exploratoires (Sidhu et al., 2004) ainsi

que le développement de nouvelles relations afin d’accroître les possibilités de combiner les

connaissances existantes (Gilsing et Nooteboom, 2006 , Daneels, 2002). Or, les équipes

impliquées dans des projets d’exploration sont enclins à bâtir leurs expériences et leurs

réseaux relationnels en fonction des projets antérieurs dans lesquelles elles ont été impliquées

et dont l’objectif est d’exploiter les connaissances de l’entreprise. Ces projets antérieurs

génèrent des pratiques et normes que les nouvelles équipes vont avoir tendance à reproduire

(Mannig, 2008), ce qui va restreindre la capacité des équipes à réaliser de nouvelles

combinaisons de ressources ainsi qu’à tisser des liens nouveaux (Davies et Brady, 2000). Cela

va également restreindre les choix effectués entre différentes alternatives technologiques

(Danneels, 2002). Un équilibre entre le renouvellement du réseau et le maintien de relations

préexistantes peut être trouvé en articulant les niveaux locaux et globaux : les équipes projet

doivent parvenir à renouveler leur réseau de relations localement, pour identifier de nouvelles

opportunités de développement et encastrer leurs relations dans le réseau interne global de la

multinationale, notamment pour obtenir du soutien et des financements (Burgelman, 1983).

Ensuite, les projets sont en interaction avec les dispositifs organisationnels dans lesquels ils

sont encastrés (Sydow, 2009). Nous nous centrons ici sur les systèmes qui procurent des

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ressources, du soutien financier et émotionnel aux porteurs de projet (Halme et al., 2012). Les

porteurs de projet doivent encastrer leurs initiatives nouvelles dans les dispositifs existants de

l’entreprise afin d’obtenir du soutien et des financements (Dougherty et Heller, 1994). Cet

encastrement précoce des projets dans les dispositifs existants permet également de les

inscrire dans la stratégie de l’entreprise et d’assurer leur pérennité sur le long terme,

cependant, dans les premières phases du projet, les porteurs de projet doivent souvent

détourner les dispositifs organisationnels formels en trouvant par exemple des sources de

financement cachées ou en générant un intérêt sur le marché avant d’avoir l’autorisation

formelle du management ou en ne suivant pas les procédures de l’entreprise (Burgelman,

1983, Hobday, 2000). En effet, les dispositifs existants dans la multinationale ne permettent

souvent pas le soutien de projets exploratoires. Ainsi, l’obtention de soutien est souvent

conditionnée par un suivi strict du développement de projet. Par exemple, Lenfle et Loch

(2010) montrent que les processus de gestion de projet classiques, en vigueur dans de

nombreuses multinationales et caractérisés par des étapes et points de contrôle ainsi que la

fixation d’objectifs initiaux peuvent conduire à un désengagement prématuré de projets

d’exploration. Les projets qui sont en rupture avec l’existant dans l’entreprise vont avoir

tendance à être inhibés (Danneels, 2002). De plus, dans les multinationales, des dispositifs

spécifiques qui sont orientés vers la réduction du risque et l’atteinte de résultats à court terme

rendent particulièrement difficiles le soutien émotionnel des porteurs de projet et n’incitent

pas les individus à s’impliquer dans des projets exploratoires (Halme et al., 2012). Les

individus oeuvrant dans des projets exploratoires doivent donc développer une zone

d’autonomie afin de mettre en place de nouveaux systèmes au sein des projets exploratoires

mais également veiller à ancrer leurs projets dans les dispositifs existants.

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Finalement, peu d’entreprises sont complètement organisées en mode projet et les projets

doivent interagir avec des structures fonctionnelles transversales telles que des départements

Ressources Humaines assurant la répartition des compétences dans les différentes filiales, des

structures responsables de la comptabilité ou encore des divisions de Recherche et

Développement organisées de façon classique (Hobday, 2000). Les équipes projets dépendent

donc de ressources allouées par la maison mère et notamment, la répartition des compétences

peut être centralisée. Les manageurs de projet sont alors confrontés aux difficultés suivantes :

les ressources ne sont pas en adéquation avec les besoins du projet, l’équipe manque de

cohésion car les individus se sont vus imposés leur implication dans le projet (Hobday, 2000).

Les projets sont également en compétition pour une même base de ressources et des

interdépendances surviennent entre les projets en termes d’allocation des ressources (Engwall

et Jerbrant, 2003). Certains individus sont donc amener à travailler sur différents projets en

même temps ou doivent changer prématurément de projet, ce qui contraint la capacité de

l’équipe à développer une identité propre (Hobday, 2000). Les manageurs de projet doivent

donc parvenir à développer un contrôle des ressources au sein de leur projet afin d’assurer son

développement et simultanément gérer les contraintes imposées par les structures

fonctionnelles de la multinationale.

L’objectif de cet article est donc de comprendre les tensions ressenties par les individus

impliqués dans des projets exploratoires dans des multinationales selon les trois axes

présentés ci-dessus et de proposer des dispositifs organisationnels afin de favoriser le

développement de ce type de projet.

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2. DES ETUDES EMPIRIQUES DANS DEUX MULTINATIONALES

2.1. Méthodologie

Les auteurs ont signé des contrats de recherche avec deux multinationales. La première

multinationale, que nous nommerons Alpha est une entreprise de semi-conducteurs qui a un

siège social au Pays-Bas et des filiales dans plus de 25 pays. Elle emploie 28 000 salariés

enAsie, Etats-Unis et Europe. Ses activités concernent le développement de composants pour

l’électronique, l’automobile, la sécurité, la santé. Les ingénieurs peuvent proposer des projets

nouveaux qui doivent ensuite suivre un processus de sélection. Ces projets peuvent aboutir au

développement de nouveaux produits qui sont lancés sur les marchés mondiaux. Les

compétences développées sont ensuite réutilisées pour étendre la gamme de produit ou

explorer de nouveaux marchés. Des équipes comprenant des membres de différentes filiales

peuvent intervenir sur ces projets. Nous nous intéressons à un centre français de Recherche et

Développement. En 2006, suite à l’émergence de nouveaux marchés dans le secteur du semi-

conducteur, comme le secteur de la santé ou de l’éclairage et à des cycles de vie des produits

de plus en plus réduits sur les secteurs traditionnels des semi-conducteurs, la société mère

alloue une marge d’autonomie à chaque filiale afin de développer des projets exploratoires qui

doivent ensuite être inscrits dans la stratégie de l’entreprise. Dans le centre de R&D français,

cette enveloppe financière a permis la création d’une business unit « emerging market » qui

abritait les équipes projets. Le projet étudié concerne à la fois un centre de R&D français et un

centre basé en hollande.

La deuxième multinationale, que nous nommerons Delta, est l’un des fournisseurs les plus

importants du marché automobile. Il opère dans les secteurs suivants : la technologie

automobile et industrielle, les biens de consommation et les techniques du bâtiment. En 2014,

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Delta employait plus de 290 000 salariés et avait réalisé un chiffre d’affaires de 48,9

Milliards d'euros. Le siège social est en Allemagne et le groupe a des filiales dans 60 pays.

Nous nous intéressons plus particulièrement à la filiale française du groupe car cette filiale,

pour devenir plus compétitive a eu son rôle redéfini par deux évènements majeurs :

La mise en place d’une activité « Lead plant » en 2011 : le site a dû évoluer pour de-

venir une usine pilote ou « lead plant ». Son rôle est alors de définir et de stabiliser les

processus de production de nouveaux produits pour ensuite assurer leur transfert vers

des pays à bas coûts.

La mise en place d’un dispositif « Bottom-up » en 2014 : il est désormais demandé

aux équipes du site de rechercher des nouveaux produits auprès des clients. Ces nou-

veaux produits peuvent être ou non dans le secteur d’activité traditionnel. Cette mis-

sion implique la mise en place d’une part, d’un groupe de recherche constitué des

membres de la direction, d’une équipe commerciale au niveau du siège en France et au

niveau de la division en Allemagne et d’un cabinet externe pour établir des contacts

avec des clients potentiels. D’autre part, afin de renforcer ce dispositif la direction du

site a décidé de créer une équipe projet « New Business » en interne dont l’objectif

principal est de chercher de nouveaux projets à moyen et long terme. Le site doit en

effet chercher les activités pouvant être créées tout en tenant compte de l’évolution du

marché et de la rentabilité escomptée afin de garantir sa pérennité et le maintien de

l’emploi pour tous les salariés.

Dans ces deux multinationales, les filiales étudiées ont une très large autonomie pour conduire

et explorer des activités innovantes. Comme dans le troisième modèle évoqué dans la revue de

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littérature, les capacités développées sont ensuite réutilisées au niveau mondial. Les projets

sont des véhicules importants pour développer ces activités innovantes.

Nous avons adopté une approche ethnographique basée sur une très forte immersion des

auteurs dans des filiales des deux multinationales considérées. Le premier auteur a signé un

premier contrat de recherche avec Delta en 2011 et est resté quatre mois dans cette entreprise.

Il a ensuite signé un second contrat de recherche de trois ans avec Delta de 2012 à 2015. Le

second auteur a signé un contrat de recherche avec Alpha de 2008 à 2011. Les deux auteurs

ont suivi le développement de plusieurs projets d’innovation et ont pu participer à des

réunions de direction. Ils ont pu observer les équipes projet en temps réel (chacun des auteurs

a passé au moins 50% de son temps sur les sites). Ils ont également réalisé des entretiens

qualitatifs auprès de manageurs supérieurs, manageurs intermédiaires et ingénieurs.

Trois projets d’innovation ont été sélectionnés dans les filiales :

CAS A : Un projet concernant l’éclairage à LED pour Alpha.

CAS B : Un projet concernant de nouvelles formes de mobilité pour Delta.

CAS C : un projet concernant de nouvelles solutions d’éclairage pour Delta.

Ces projets ont été sélectionnés car ils avaient les caractéristiques suivantes : les filiales ont

été impliquées dans l’émergence de ces projets et ont été des éléments phares dans le

développement des projets. Ces projets ont abouti à de nouvelles capacités développées par le

groupe et des transferts entre filiales. Nous avons choisi trois projets qui sont considérés par la

direction du siège comme des succès (remise de prix aux équipes, citations comme exemple).

Cependant, certains membres des équipes ont un ressenti négatif et perçoivent ces projets

comme un échec. Nous pouvons ainsi mettre en évidence les tensions en exergue dans chacun

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

des projets. Une comparaison entre les projets permet ensuite d’identifier les facteurs qui

expliquent l’émergence de ces tensions et d’identifier éventuellement des actions mises en

place dans les filiales qui permettent de réduire ces tensions.

Au sein de l’entreprise Alpha, nous avons réalisé 22 entretiens semi directifs auprès de 15

ingénieurs impliqués dans le projet A. Ces ingénieurs sont basés en France, en Hollande et

aux Etats-Unis. Nous avons également interviewé 7 managers du centre de R&D français

pendant une durée moyenne d’une heure. Nous avons participé à 11 réunions concernant le

développement de nouvelles actions d’innovation et à des réunions mensuelles sur la

présentation des projets.

Au sein de l’entreprise Delta, nous avons réalisé 28 entretiens sur les projets concernés d’une

durée moyenne de une heure trente auprès de manageurs Allemands et Français tous basés

dans la filiale française. Pendant trois ans, le deuxième auteur a participé à des réunions

bimensuelles concernant l’avancement de l’activité de l’entreprise ainsi que l’agenda à venir.

Deux fois par an, le chercheur a participé à une journée axée sur le déploiement de la stratégie

et pendant laquelle les manageurs interviennent pour exprimer leurs problématiques

concernant la mise en œuvre de nouvelles initiatives. Ces entretiens nous ont permis d’écrire

des études des cas étudiés. Nous avons ensuite codé les entretiens afin de mettre en exergue

les trois types de tensions relatives à la conduite de projets exploratoires dans les

multinationales et identifier les facteurs à l’origine de ces tensions et les actions mises en

place.

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

Tableau 1 : grille de codage des entretiens

Thème : Exemples :

Tension entre le

renouvellement du réseau

de relations et le maintien

d’anciens contacts

Tension relative au

développement de

nouvelles routines qui

s’opposent aux routines

existantes

« Il est difficile de démarcher de nouveaux clients, je n’ai

pas assez d’expérience. Là où j’étais avant j’étais bien,

j’avais des objectifs clairs et j’aimais mon travail.

Maintenant, j’ai l’impression d’être toute seule dans cette

équipe, les autres travaillent tous seuls ils ne se demandent

même pas ou j’en suis ou qu’est ce qui ne va pas. Ils

oublient complétement qu’on est une équipe. En plus j’ai

l’impression que les membres du [comité de direction] s’en

fichent (…) ils n’ont jamais assisté à nos réunions et nous

ont jamais demandé où sont nos problèmes ou pourquoi on

est bloqué. (…) A chaque fois ils nous demandent si on a

réussi à avoir des clients comme si l’avenir du site ne

dépend que de nous, l’équipe de new business, alors qu’on a

besoin de travailler tous ensemble pour avoir des clients».

(Manageur, cas C)

« Je crois qu’on commence à connaitre pourquoi on

n’avance pas sur nos projets, il s’agit des « process » du

groupe qu’il faut respecter et qui sont longs à appliquer et

aux coûts qui restent un peu chers par rapport à la

concurrence locale, de plus on n’a pas de structure dédiée à

la nouvelle activité. » (Manageur, cas C)

Tension entre l’intégration

dans les dispositifs

organisationnels existants

et le besoin d’autonomie

« On ne peut pas répondre aux besoins des clients avec les

règles et les processus actuels de [Delta]. Le client demande

d’avoir une réponse dans une semaine maximum alors que

pour avoir l’aval du groupe par rapport à la nomenclature

et les procédures il faut qu’on attende des mois et ça ce n’est

pas normal. Comment veulent-ils qu’on réussisse alors

qu’ils ne nous donnent même pas la possibilité de prendre

nos propres décisions pour réussir cette nouvelle activité. »

(Manageur, cas C)

Tension entre l’interaction

nécessaire avec la

structure fonctionnelle et

une logique projet qui est

caractérisée par un

contrôle des ressources.

« Ce qui n’est pas encore compris ici, l’équipe ici n’a pas

encore compris l’organisation matricielle. » C’est la

direction des Ressources Humaines qui décide de

l’affectation des ressources et non le chef de projet : « Le

problème c’est que lorsque l’on a commencé à embaucher,

on a eu le problème de la fermeture [d’un autre site de

production, dans une autre région] donc on a été obligé de

récupérer certaines personnes [de ce site] qui ne se sont pas

du tout adaptées. (…) En fait, il y a des personnes qui

voyaient juste une passerelle pour devenir autre chose. On a

quand même recruté pas mal de personnes qui ne se

plaisaient pas dans le groupe. » (Un chef de projet, cas A)

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

2.2 Description des cas

Cas A : En 2006, le management du centre de R&D français perçoit un changement majeur à

venir dans le secteur de l’éclairage. Afin de réduire considérablement la consommation

d’énergie, il semblait que des solutions basées sur des systèmes de LED (des diodes qui

émettent de la lumière lors du passage d’un courant), pourraient être amenées, peu à peu, à

remplacer des systèmes d’éclairage plus traditionnels, ces LED sont pilotées par des semi-

conducteurs. Une petite équipe est donc missionnée afin d’identifier des applications pouvant

être développées et utilisant des LED. Cette équipe est abritée dans une unité appelée «

Emerging business ». Une opportunité est perçue dans le secteur de la téléphonie mobile. En

effet, les flashs alors développés pour les appareils photos des téléphones mobiles ne sont pas

très performants et des LED pourraient remplacer efficacement ces flashs. Un fabricant de

téléphone portable contacte le site hollandais afin d’obtenir une solution. Cependant, il

s’avère que les compétences nécessaires au développement d’un tel composant ne sont pas

suffisantes sur le site Hollandais. Une équipe est donc constituée en France. L’activité est

nouvelle pour le centre de R&D français, elle s’appuie néanmoins sur des compétences en

termes de gestion de puissance existantes. Le composant doit être développé conjointement

entre la France et les Pays-Bas en relation avec une équipe d’un fabricant de téléphones

mobiles. Trois versions successives du produit seront développées. La première version ne

bénéficie pas encore de retours du client et ne sera pas mise sur le marché. La deuxième et la

troisième version correspondent à la même architecture du produit mais à des acceptations

différentes au sein de l’entreprise. L’équipe a ajouté de nouvelles fonctionnalités au produit

par rapport à la concurrence, telles qu’une fonction permettant de tester rapidement le

composant. Afin de mener de fronts différents projets, de nouveaux membres sont associés à

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

l’équipe. Ce sont en majorité de jeunes diplômés ou des personnes provenant d’autres sites

d’Alpha. Le produit satisfera finalement le client qui fera d’Alpha son premier fournisseur sur

cette solution. Il remportera un franc succès auprès du fabricant de téléphone qui fera d’Alpha

sa source principale d’approvisionnement et générera ainsi plusieurs millions de dollars de

revenus. Un prix de l’excellence a ainsi été décerné à l’équipe française et hollandaise,

notamment parce que ces produits ouvrent la voie vers un nouveau domaine d’activité. La

commercialisation et les développements postérieurs du produit ont, par la suite, été confiés à

une équipe aux Etats-Unis, plus proche des fabricants de téléphonie mobile. Ce transfert

d’activité ainsi que l’échec de développement d’une nouvelle génération de produit génèrent

un sentiment de frustration pour les membres de l’équipe.

Cas B : En 2011, la société mère a confié un projet émergeant à la filiale, il s’agit d’un projet

dans la e-mobilité, un projet différent des projets confiés habituellement à la filiale puisqu’il

ne s’agit pas pour autant de produits « automobiles » mais de « biens de consommation ». Ce

projet concerne le développement d’une batterie au lithium pour les vélos électriques. Le

design de la nouvelle batterie a été défini en Allemagne et le site français était chargé de

mettre en place une ligne de production pilote, avec de nouvelles lignes de montage pour

assurer une première production de ces batteries. 14 personnes du site ont suivi une formation

et ont été affectées au projet. Ce projet a donc impliqué l’instauration, l’organisation et

l’adaptation de beaucoup de directives et règlements pour permettre répondre aux besoins des

clients tout en assurant le bon déroulement entre le développement et la fabrication. Des

procédures de sécurité supplémentaires dues à la nature du produit ont dû être également

mises en place. Cependant, le démarrage du projet a pris du retard par manque de certaines

pièces et de problématiques au niveau de l’assemblage. Ce projet a été transféré par la suite

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

très vite aux autres sites concurrents pour des raisons de coûts. Pour certains managers, cette

décision a été vécue comme un échec car elle remet en cause les compétences et le savoir-

faire du site. Pour d’autres, ce projet a été une réussite car une solution a pu être trouvée aux

problèmes apparus lors de la production. De plus, il a permis au site d’acquérir une notoriété à

l’échelle nationale et internationale. En effet, la visite des journalistes spécialisés dans l’e-

mobilité français et allemands ainsi que la visite des clients potentiels organisées lors de la

journée portes ouvertes par la direction du site a montré la flexibilité stratégique de la filiale à

produire et par la suite à acquérir de nouveaux projets émergeants par la société mère. Ainsi

l’organisation d’un salon international en Allemagne par la société mère dans le domaine d’e-

mobilité, a été vécue par l’équipe projet du site comme une reconnaissance de leurs

compétences malgré les problèmes techniques auxquels ils ont été confrontés.

Cas C : Ce produit est basé sur la technologie LiFi qui sert à la diffusion d’informations par

clignotement à haute fréquence d’une LED. Le clignotement des lumières LED qui peut

atteindre plusieurs milliers d’interruptions et d’allumages par seconde, permet la transmission

à distance d’un contenu multimédia (vidéo, son, géolocalisation, ...) à une tablette ou à un

smartphone. Ces applications sont multiples, notamment pour faire découvrir de nouvelles

expériences aux consommateurs dans des boutiques, show-rooms ou musées.

Ce projet a été généré car Delta a tenu son premier salon au pôle de compétitivité TES e-

Secure transactions qui avait pour objectif d’une part, de se faire connaitre au niveau régional

et d’autre part de promouvoir une nouvelle offre de service en tant que partenaire

d’industrialisation et de production de systèmes électroniques et mécatroniques connectés

pour des PME. Des manageurs de Delta ont alors rencontré une start-up spécialiste de

nouvelles technologies dans le domaine des LED et une collaboration a été envisagée pour

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

définir le nouveau produit et le mettre en production. Ceci est le premier projet hors secteur

du transport développé par le site et qui provient d’une initiative autonome de la filiale. Une

première partie de ce produit a été livrée en 2015 au client et une deuxième lui sera livrée en

2016. Toutefois, ces nouvelles technologies nécessitent une adaptation du système de

fabrication existant en termes de programmation, de montage, de tests et de chiffrages. Cette

première expérience a été vécue comme une réussite pour certains manageurs qui ont

contribué directement à la démarche d’identification et d’industrialisation de ces produits

connectés. Toutefois, certains managers ne perçoivent pas l’acquisition de ses nouveaux

produits comme une réussite car le volume des produits industrialisés reste faible, les clients

ciblés sont des petites et moyennes entreprises locales et les prix restent élevés par rapport à la

concurrence. Malgré les difficultés rencontrées lors de l’acquisition du nouveau projet, la

société mère a reconnu le travail de l’équipe projet avec l’acquisition de deux nouveaux

projets. La filiale en France est présentée comme un modèle pour toutes les autres filiales se

situant dans les pays à hauts coûts.

III. RESULTATS ET CONTRIBUTIONS

Tout d’abord, les trois cas étudiés ont permis le développement de nouvelles compétences et

leur transfert des filiales à d’autres filiales ou à la société mère. Ainsi, le cas A. a permis le

développement de technologies et compétences en gestion de puissance qui ont ensuite été

utilisées par d’autres filiales (notamment aux Etats-Unis) et pour d’autres produits tels que le

retro-éclairage des écrans d’ordinateurs. Dans le cas B, le savoir-faire acquis dans la mise en

production et l’installation des lignes de montage pour le vélo électrique a été transféré. De

plus, les ingénieurs dans d’autres filiales ont été formés aux nouvelles problématiques de

qualité, production et homologation.

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tique « Innovation » de l’AIMS

Dans le cas A et le cas C, des contacts tissés localement ont joué un rôle déterminant pour la

réussite du projet. Ainsi, le projet C, mené par Delta, sur l’éclairage est inscrit dans la

proximité géographique entre des acteurs. En effet, il est issu d’un partenariat avec une start-

up locale qui a de fortes compétences en solutions d’éclairage innovantes. Désormais, la

filiale française multiplie les opérations afin de développer un réseau de partenariats locaux et

nationaux afin de trouver de nouvelles opportunités de développement de produits : elle a

ainsi participé à différents salons. En 2015, l’équipe « New Business » de Delta a participé à

une conférence nationale regroupant 755 professionnels venant de 25 pays. Le but étant de se

positionner stratégiquement sur les objets connectés. Pour cela, Delta a tenu un stand en

partenariat avec d’autres filiales du groupe en France afin de montrer les compétences et les

savoir-faire de la filiale dans les systèmes connectés. La filiale a bénéficié du soutien du

groupe pour sponsoriser la soirée networking où de nombreuses startups et autres acteurs clés

du marché étaient présents, permettant ainsi de multiplier les contacts prometteurs.

Dans le cas A, certaines relations locales telles que des relations qu’a développé le site

Hollandais avec une société d’éclairage ont permis de valider le produit lors de son

développement et ainsi de faciliter son acceptation par le client. Comme le montre le verbatim

suivant, la proximité géographique entre les acteurs est un élément important dans leur

coopération :

« C’était des contacts directs car les personnes de Lumileds qui testaient le produit étaient

aussi à Eindhoven donc c’était facile de s’appeler et d’identifier ce qui se passait. (…)

Comme nous sommes Hollandais, c’est plus facile de communiquer et travailler ensemble. »

(Un ingénieur, cas A)

Ce type de coopération permet de développer des connaissances techniques nouvelles au

niveau local et de les diffuser ensuite, ce qui est cohérent avec la revue de littérature (Frost,

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2001). La multinationale profite ainsi indirectement des ressources et relations avec des

partenaires locaux pour créer de nouvelles connaissances. Cependant, les projets A, B et C

montrent que si les équipes participent activement à ce transfert de connaissances, le ressenti

des équipiers est négatif. Ainsi, nous examinons les tensions ressenties par les individus selon

les trois axes soulignés précédemment dans la partie théorique.

3.1. Inscription les projets dans les réseaux et routines de la

multinationale tout en développant de nouvelles relations au

niveau local et des routines appropriées

La situation des cas A et C est comparée avec celle du cas B. Dans les cas A et C, les équipes

sont constituées majoritairement de membres qui n’ont jamais travaillé ensemble. Des

problématiques de communication et de partage d’informations émergent très tôt dans ces

deux projets. Ces problématiques sont directement associées à la diversité des profils et

langages spécifiques à un domaine d’activité pour chacun des participants. Auparavant,

différents « mondes de pensées » prédominaient dans l’entreprise (Dougherty, 1992). Le

développement des projets exploratoires nécessite la collaboration entre ces différents

mondes, comme le montre le verbatim suivant :

« On avait une nouvelle équipe avec des gens avec des expériences diverses et variées et la

nécessité aussi de mettre en place une méthodologie de travail, de la faire accepter. Tout ça

c’était une difficulté supplémentaire. » (Chef de projet, cas A)

Le renforcement des nouvelles relations est rendu difficile dans les multinationales étudiées

car les différentes entités étaient auparavant en compétition pour l’attribution de ressources et

ont donc développé leurs propres routines spécifiques afin d’être plus performantes. Le

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

verbatim suivant montre que les collaborateurs au sein d’une même équipe sont dans un esprit

de compétition pour attirer les projets et non de collaboration :

« Dans un premier temps on était plutôt contents de voir arriver des nouveaux projets parce

que comme c’était un groupe qui était en formation, il y avait pas mal de dissensions avec

Eindhoven pour savoir qui allait faire quoi » (Ingénieur, cas A)

Dans un premier temps, les individus utilisent des routines existantes au sein de l’entreprise

mais il s’avère que ces routines sont peu adaptées aux nouveaux projets. Les ingénieurs ne

communiquent pas à leurs collègues les problèmes qu’ils rencontrent. Les manageurs

prennent donc conscience relativement tard et suite aux échecs des premières générations de

produit de l’inadéquation des routines existantes aux besoins du projet. Le verbatim suivant

montre la nécessité de mise en place de routines concernant à la fois les tests, les

nomenclatures produits et la gestion des relations client dans le cas C.

« Pour avancer dans le projet on a dû improviser et faire beaucoup de chiffrages en espérant

décrocher un client. On ne savait pas trop comment faire car c’est la première fois qu’on doit

démarrer des nouveaux produits qui nécessitent beaucoup de tests fonctionnels et nécessitent

une maîtrise des nomenclatures ». (Manageur, cas C)

Ces problématiques sont renforcées par le fait que l’inscription des projets dans les réseaux

existants au sein de l’entreprise, et plus particulièrement les liens avec les différents niveaux

hiérarchiques sont peu nombreux. Dans les deux cas, les chefs de projets ont développé peu

de relations avec les chefs d’autres projets et avec les manageurs supérieurs de la société

mère. Les projets sont donc peu visibles. Le manque d’encastrement dans les réseaux

existants de l’entreprise, au sein même de la filiale tout comme dans la multinationale plus

globalement est ressenti négativement par les collaborateurs au sein du projet et nuit à leur

motivation :

« Les membres du comité de direction et les autres managers ne sont pas même pas intéressés

par notre travail, ils ne croient même pas à la nouvelle activité new business. Chacun d’entre

eux travaille de son côté sur ses objectifs sans nous demander quels sont nos obstacles. On a

l’impression qu’on est deux usines et non pas simplement une seule usine. » (Manageur, cas

C)

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Afin de résoudre ces dissensions, une action de « team building » a été mise en place, à

l’extérieur du site par la direction du site dans le cas C. Cette action a également impliqué des

acteurs extérieurs au projet : manageurs et ingénieurs. Des communications dans le journal

interne ont été largement déployées afin de montrer l’intérêt du projet pour la filiale. Dans le

cas A, une action de communication a été mise en place et l’équipe a participé à un concours

au sein de la multinationale afin de remporter un prix de l’excellence concernant la conduite

de projet. La gestion des relations dans l’équipe est également réorganisée avec un partage des

responsabilités plus formalisé. Ces actions ont renforcé l’inscription des projets dans les

réseaux de l’entreprise.

Le bricolage entrepreneurial est défini par Halme et al. (2012) comme l’utilisation de

ressources disponibles dans l’environnement et leur recombinaison pour répondre à des

obstacles et problèmes, notamment liés au développement de nouvelles activités. Ce bricolage

est utilisé par les acteurs pour développer de nouvelles routines et pour encastrer le projet

dans des réseaux de relations. Le bricolage joue un rôle dans l’encastrement dans des réseaux

de relations. Pour le cas A, les relations existantes entre les acteurs et entre des organisations

ont joué un rôle de catalyseur afin de mettre en place le projet d’innovations exploratoires.

Ainsi, les ingénieurs à l’origine du projet A entretenait des relations fortes et avaient déjà

collaboré ensemble. Ces liens forts ont permis la mise en place de la confiance entre les

acteurs et les incitent à considérer de nouvelles solutions (Hansen, 1999). Le fait de

développer un réseau dense de relations autour du projet, en impliquant d’autres organisations

a également contribué à assurer la pérennité du projet, de par les engagements pris, comme le

montre le verbatim suivant :

« On va continuer mais pas du tout pour le mobile flash [projet A] mais parce que le chef de

projet avait un contrat en main avec une petite compagnie qui poursuit son activité [avec une

autre entité locale] actuellement…. [Cette petite compagnie] avait contracté avec [le chef de

projet], on s’était engagé sur ce contrat.» (Une responsable des ressources humaines, cas A)

Concernant les routines, l’équipe progresse par essais et erreurs, la diversité des profils permet

notamment des échanges sur les différentes façons de faire afin de les recombiner puis de

formaliser les méthodes de travail :

« Il y a des problèmes et il faut les résoudre donc voir comment ils font eux et dire : on peut

faire mieux et je leur montre comment faire mieux. Donc c’est à moi de trouver la solution et

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

je dis : voilà comment je fais. Après soit c’est adopté, soit ce n’est pas adopté mais souvent,

quand c’est intéressant, c’est adopté. » (Cas A, un ingénieur)

Le processus de bricolage par essais et erreurs permet à l’ensemble de l’équipe projet

d’acquérir de nouvelles compétences afin de répondre au mieux aux besoins des projets.

L’équipe développe une capacité d’apprentissage et accroît sa confiance à gérer et à adapter

ses routines pour des projets plus complexes. Les routines développées au niveau local,

souvent par un petit groupe d’individus peuvent ensuite être diffusées plus globalement. Des

groupes de travail entre chefs de projet impliqués sur différents projets et dans différentes

entités ont été mis en place afin de s’approprier ces nouvelles routines, propres aux projets

exploratoires et d’échanger sur la nécessité d’adapter les routines. A contrario, pour le projet

B, il n’y a pas eu de nouvelles relations développées avec des partenaires extérieurs. Les

routines existantes ont été appliquées au projet. L’équipe a éprouvé des difficultés à répondre

aux problématiques émergeantes et a dû faire appel aux collaborateurs du siège. Elle n’a pas

ainsi affirmé son autonomie en recombinant des ressources existantes.

3.2. L’équilibre cherché entre l’intégration dans les dispositifs

organisationnels existants et le besoin d’autonomie

Dans les deux multinationales, les projets doivent suivre des processus formalisés et les

méthodologies diffusées dans toutes les filiales. Les projets doivent passer une série de points

de contrôle afin de se voir allouer des ressources. Cependant, les méthodologies utilisées

correspondent à d’autres types de produit pour des marchés traditionnels ou des technologies

existantes. Elles ne correspondent pas aux besoins des projets exploratoires qui nécessitent

d’explorer différentes alternatives et s’inscrivent difficilement dans des dispositifs de suivi

des projets puisqu’il faut pouvoir abandonner rapidement certaines alternatives sans que cela

ne soit considéré comme un échec (Lenfle et Loch, 2010).

Cependant, ces méthodologies sont trop complexes pour les projets menés, comme le montre

le verbatim suivant :

« Il y a des choses qui ont été faites auparavant et aussi l’expérience, c’est aller dans une

certaine direction en terme de gestion de projet mais c’est aussi pouvoir ajuster à la

spécificité des produits que l’on a. C’est ne pas amener trop de méthodologie par rapport à la

complexité des projets. » (Un chef de projet, cas A)

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Les équipes, dans les trois cas considérés détournent donc ces dispositifs afin d’obtenir des

financements et de pouvoir démarrer les projets, comme le montre le verbatim suivant :

« On a en France une capacité à innover et à résoudre des problèmes que peut-être d’autres

mentalités [comme celle du siège] auraient moins, c’est-à-dire que eux, ils vont être tellement

orientés vers les procédures qu’ils ne sont pas flexibles. Ils sont tellement coincés dans une

systématique de procédure qu’ils ne dériveront pas. En France, on n’a pas le choix (…) On

arrive à démarrer des choses qui n’auraient pas démarré de cette façon-là ailleurs et on l’a

montré avec [le projet B]. On est passé à cheval sur les procédures et on arrive à démontrer

qu’on est débrouillard et qu’on va démarrer des choses qu’on ne démarrera pas ailleurs ».

(Manageur, cas B)

L’atteinte des objectifs est mise en avant et permet aux équipes d’acquérir de la flexibilité par

rapport à un suivi strict des dispositifs organisationnels. Cependant, ces arrangements par

rapport aux dispositifs existants peuvent parfois nuire à l’avancée des projets. Ainsi, dans le

cas A, les équipes multiplient les envois de prototypes en production afin de répondre aux

délais et de suivre la procédure fixée par le siège. Cependant, les prototypes ne sont pas assez

matures et les échecs se multiplient sans que des produits ne soient envoyés sur le marché car

de nombreux défauts deviennent apparents :

« C’était assez étrange, parce qu’on avait des dates, par exemple en août 2007 et juin 2007, à

chaque fois, on n’y croyait pas trop. En août 2007, c’était le tape-out [envoi des prototypes en

production et test], on savait qu’il n’y avait personne pour travailler sur le produit donc on

avait des doutes sur le fait qu’on allait faire un tape-out parfait.» (Un ingénieur, cas A)

Les dispositifs existants sont également détournés afin d’assurer le flux de ressources au

projet, ainsi le nom du projet est changé pour continuer à percevoir des financements, sans

que la nature du projet soit modifiée :

« [la seconde version du produit : 50], on avait dépensé 3 millions d’euros en frais de

développement et quand on a dépensé 3 millions d’euros, on commence à apparaître en rouge

sur tous les bilans alors là, on a créé la [seconde version et on a jouté le suffixe a : 50a] qui

est juste la continuité et donc ça a changé de nom et ça a changé de budget et maintenant il

n’est plus rouge, il est vert car on est reparti à zéro pour les dépenses. C’est complètement

artificiel, c’est le même circuit mais le 50 a été fermé, c’est un échec, le 50a c’est un gros

succès. (Un ingénieur, cas A)

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

Les problématiques sont également remontées au siège et des demandes de dérogations

formulées. Des tensions apparaissent donc entre la filiale et la société mère et la direction de

la filiale française, qui joue l’interface entre les différents interlocuteurs se trouve parfois en

porte-à-faux. Le verbatim suivant montre l’inadéquation des dispositifs existants et l’attente

des membres du projet :

« Les membres de l’équipe avaient l’habitude de travailler avec des processus bien définis

relatif au domaine automobile. C’était à travers la centrale d’achat que le site achetait ses

pièces, il n’avait pas le droit de choisir ses fournisseurs même si parfois ces derniers étaient

trop chers par rapport à d’autres concurrents. La centralisation des achats permettait au

groupe de négocier pour l’ensemble des divisions et donc de gagner en termes de coûts pour

l’ensemble de ses divisions. Cependant les procédures d’achats doivent être validées par la

centrale, le délai d’attente étant trop long à cause des procédures, le site se trouve en

difficulté pour répondre aux besoins des clients et perd ainsi les clients. Le nouveau modèle

économique nécessite une flexibilité tant au niveau de la structure (optimisation des surfaces,

ressources et compétences) qu’au niveau du temps et de négociation vis-à-vis des

fournisseurs. Les membres de l’équipe projet attendent toujours une dérogation de la part de

la société mère pour avoir de l’autonomie en matière des achats. » (Manageur, cas C)

Le manque de flexibilité des dispositifs et les échanges difficiles entre la filiale et la société

mère aboutissent à un sentiment d’impuissance de la part des manageurs de projet innovant

qui ont l’impression de ne pas avoir l’autonomie nécessaire pour mener à bien leur mission,

comme le montre le verbatim suivant :

« Ils nous disent que le but c’est qu’on soit autonome, mais pour être autonome on a besoin

de prendre des décisions sur place et de ne pas attendre que les clients partent chez nos

concurrents. » (Manageur, cas C)

Les équipes éprouvent une forte pression à respecter les dispositifs organisationnels mis en

place et très peu de latitude pour les modifier. Ceci est notamment dû au fait que ces équipes

exploratoires sont de petites équipes qui ont besoin d’assurer leur légitimité. De plus, la

société mère veut contrôler ces nouvelles activités qui sont perçues comme risquées et qui

peuvent être un modèle pour les autres sites. Aussi, dans un premier temps, les équipes

détournent les dispositifs pour pouvoir répondre au mieux aux besoins des clients et des

projets. Cependant, cela peut aboutir à une efficacité moindre dans la mise en œuvre des

projets et à un sentiment de culpabilité des acteurs qui doutent de la validité de leurs actions.

Lorsque les projets montrent des signes de succès, les équipes peuvent ensuite demander des

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

modifications des dispositifs organisationnels auprès de la société mère et peuvent partager ce

succès avec les autres filiales qui éprouvent les mêmes difficultés.

3.3. Une interaction avec la structure fonctionnelle et une logique projet

caractérisée par un contrôle des ressources

La situation des cas A et B peut être comparée avec la situation du cas C. Dans les cas A et B,

l’équipe projet a dû interagir avec le siège et des départements fonctionnels pour l’attribution

des ressources. Dans les deux cas, la logique fonctionnelle a été privilégiée sur les besoins de

contrôle des ressources du projet. Ainsi, dans le cas A, des ressources ont été attribuées au

projet car un autre site de la multinationale a fermé en France. Cependant, les ressources qui

ont été ainsi allouées ne correspondaient pas aux besoins du projet et les ingénieurs n’avaient

pas les compétences adéquates. Dans le cas B, plusieurs problématiques se posent :

- Tout d’abord la conduite en simultanée des activités de production traditionnelle et du projet

pilote sans équipe dédiée sur le projet pilote. Par conséquent, l’attribution des ressources sur

le projet pilote se fait au détriment de l’activité traditionnelle, ce qui engendre des tensions

entre les collaborateurs.

- La dépendance en termes de matières premières vis-à-vis d’autres sites de la multinationale.

L’équipe projet est responsable des résultats à accomplir mais ne maîtrise pas les phases

amont du projet. Ceci a abouti à des retards de livraison dans le cas étudié. Cette pression est

particulièrement à l’origine de tensions dans les équipes car le non-respect des engagements

pris se solde par un retrait du projet qui est ensuite transféré par la multinationale dans

d’autres sites ayant des structures de coûts plus faibles.

- L’organisation même du développement du projet est dictée par la multinationale qui impose

deux équipes qui travaillent en parallèle sur la production de vélo alors que la filiale avait

prévu une seule équipe pour mettre en place le projet.

- Le transfert du projet à une autre filiale du groupe intervient également prématurément, ce

qui inquiète fortement les salariés et peut contraindre leur capacité future à s’engager dans des

projets exploratoires :

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« La plus grosse inquiétude c’était sur le [projet B] en 2011. On avait galéré pour démarrer

ce produit et à peine le produit démarré, l’information est tombée qu’il allait être transféré

d’ici la fin d’année en Hongrie. Ça c’est quelque chose que les gens n’ont pas digéré c’est à

dire qu’on soit capable de mener à bien un produit nouveau qui démarre chez nous et que ça

parte aussi vite. Ils étaient vraiment inquiets de la suite et depuis l’inquiétude est tout le

temps-là » (Un manageur, cas B)

Dans les cas considérés, les équipes ne peuvent pas s’approprier les projets car de nombreuses

contraintes sont imposées par le siège et il est difficile de créer une identité commune et un

esprit d’équipe fort. Malgré tout, certains manageurs perçoivent cette interaction avec les

structures fonctionnelles comme positive, à la fois pour le projet A et B car elle les force à

prendre en compte les contraintes pour développer de nouvelles compétences spécifiques.

Cela les force également à relier les différents départements dans l’entreprise et parfois dans

différents pays et ainsi à trouver de nouvelles solutions comme le montre le verbatim suivant :

« Moi je trouve que cette organisation où il y a des hiérarchies complètement séparées, ça

oblige beaucoup de gens à discuter et c’est vrai que ces discussions peuvent être parfois

âpres mais en fait, elles vont se résoudre par des éléments techniques. » (Un chef de projet,

cas A)

A contrario, le cas C a été proposé par la filiale et est fortement inscrit dans une démarche

locale. L’équipe projet a une grande autonomie quant au contrôle des ressources et a pu

embaucher les personnes ayant les compétences requises.

Le tableau 2 recense l’ensemble des résultats de l’étude :

Tensions Conséquences Solutions

Inscription les projets dans

les réseaux et routines de la

multinationale tout en

développant de nouvelles

relations au niveau local et

des routines appropriées

Pour les projets relevant

d’une initiative de la filiale :

manque d’inscription dans

les réseaux de l’entreprise

Prise de conscience tardive

de l’inadéquation des

routines existantes par

rapport aux besoins actuels

Actions de communication

Bricolage entrepreneurial

pour développer de nouvelles

routines à partir un processus

d’essais erreurs

Pour les projets provenant du

siège : manque d’autonomie

pour trouver de nouvelles

solutions en remettant en

cause les routines et réseaux

existants

Mettre en avant les

compétences de l’équipe afin

de gagner la confiance du

siège et obtenir plus

d’autonomie

L’équilibre cherché entre

l’intégration dans les

Faible possibilité de

transformation des dispositifs

Pour tous les projets :

détournement des dispositifs

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

dispositifs organisationnels

existants et le besoin

d’autonomie

actuels de par la faible

légitimité des équipes projet.

Prise de conscience tôt dans

le processus de

l’inadéquation des dispositifs

en cours

existants et tentative de

négociation avec le siège

Une interaction avec la

structure fonctionnelle et

une logique projet

caractérisée par un

contrôle des ressources

Peu de contrôle des

ressources de la part de

l’équipe et peur de la perte

du projet (transfert)

Formation des équipes

Lancements d’une série de

projets d’innovation

Innovation dans la recherche

de solutions nouvelles et

mises en valeur des solutions

trouvées

Projet relevant d’une

initiative autonome : fort

contrôle des ressources et

peu d’interaction avec la

structure fonctionnelle

3.4. Discussion

L’organisation en mode projet est utilisée de façon croissante pour lancer de nouvelles

activités car le management peut ainsi mettre fin à des activités qui n’ont pas de succès

facilement (De Fillippi, 2002). Cependant, dans les multinationales, la conduite de projets

exploratoires pose un certain nombre de challenges. Cette recherche associe la littérature sur

le développement de nouvelles activités dans les multinationales à la littérature sur la conduite

de projets innovants pour explorer trois paradoxes caractéristiques de l’inscription d’activités

en mode projets dans les structures existantes. Cette recherche apporte une nouvelle

perspective en étant centrée sur les individus conduisant des activités nouvelles et qui doivent

trouver un équilibre entre l’inscription dans des dispositifs et structures existantes et la

création de nouvelles pratiques et réseaux. L’apport de cette recherche réside également dans

la comparaison par une approche ethnographique de 3 projets dont l’initiative vient soit de la

maison mère ou de la filiale, dans deux multinationales qui œuvrent dans des domaines

d’activité très différents.

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

Nous montrons tout d’abord que les tensions varient selon les projets et notamment en

fonction de l’origine de l’initiative. Ainsi, les projets qui proviennent des filiales ont plus

d’autonomie et les acteurs parviennent, par du bricolage entrepreneurial à trouver des

solutions pour adapter les routines au projet. Les acteurs prennent cependant un risque pour

leur carrière professionnelle, en cas d’échec du projet, car ils ne suivent pas les procédures en

cours. Cependant, lorsque l’initiative se traduit par un succès, ils gagnent des marges de

manœuvres et des allocations de ressources pour renégocier les dispositifs organisationnels et

mettre en œuvre de nouveaux projets. Les acteurs sont alors dans une démarche agile et se

sentent valorisés par l’appropriation des résultats de leur démarche.

A contrario, les projets venant d’une initiative du siège sont fortement ancrés dans les réseaux

et routines de l’entreprise. Ils sont ainsi plus facilement légitimés mais les équipes éprouvent

plus de difficultés à trouver des solutions nouvelles et à s’approprier le projet. Pour des

projets qui sont fortement inscrits dans une dynamique de transfert entre filiales, la

problématique principale est d’avoir assez d’autonomie pour trouver des solutions nouvelles

et de s’affranchir des contraintes du siège qui empêchent l’avancement du projet. Les acteurs

détournent alors les dispositifs organisationnels pour avoir plus de flexibilité. Le processus

d’apprentissage est moins dynamique que lorsque le projet est à l’initiative de la filiale. Les

acteurs ressentent une forte pression à respecter les procédures et règles et cela engendre un

certain stress et sentiment d’impuissance vis-à-vis des décisions prises par la société mère.

Les cas étudiés montrent que les acteurs parviennent à adapter les routines, réseaux de

relations aux besoins des projets. Ils s’affranchissent également des interactions avec la

structure fonctionnelle et parviennent à gérer les contraintes imposées. Par contre, les

dispositifs organisationnels et particulièrement les dispositifs mis en place pour gérer les

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

projets dans les grandes entreprises s’avèrent peu flexibles. Les équipes détournent donc ces

dispositifs. Cependant, cela peut les conduire à ne pas considérer les spécificités des projets

exploratoires et peut les exposer à une réaction négative vis-à-vis du siège. En termes

d’implications managériales, nous pouvons donc préconiser d’avoir des personnes dédiées à

une réflexion sur les dispositifs organisationnels et dont le rôle sera de négocier avec la

société mère pour alléger les dispositifs.

La plupart des recherches existantes préconisent des organisations et relations siège-filiale que

les multinationales devraient mettre en place pour favoriser l’émergence des projets

exploratoires (Nobel et Birkinshaw, 1998). Notre recherche se situe à un autre niveau et

s’adresse plus particulièrement à des manageurs intermédiaires qui sont le relai entre la

société mère et la filiale en termes de mise en œuvre de la stratégie et de proposition

d’initiatives. Ils doivent manager leurs équipes au quotidien tout en prenant en compte un

environnement de travail donné par la société mère. Plusieurs préconisations managériales

peuvent être déduites de notre étude : impliquer les membres du comité de direction et

manageurs supérieurs dès l’émergence des projets ; faire prendre conscience aux équipes des

différentes routines qui sont en œuvre et faciliter les échanges entre individus de différents

domaines pour faire évoluer ces routines ; former les acteurs à ces nouvelles routines et

communiquer sur les succès réalisés et valoriser les équipiers; impliquer la direction de la

filiale afin de négocier une flexibilité dans les dispositifs organisationnels et rassurer la

société mère sur des mesures de contrôle adaptées aux projets exploratoires ; valoriser les

interactions avec la structure fonctionnelle comme des opportunités pour trouver de nouvelles

solutions et formaliser les solutions développées.

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6ième Rencontre du Groupe de Recherche Théma-

tique « Innovation » de l’AIMS

Cette recherche a cependant des limites. Tout d’abord, les cas étudiés ont émergé dans des

multinationales qui n’opèrent pas purement dans un mode projet. Ainsi, dans des entreprises

en mode projet, les équipes auront plus d’autonomie et les problématiques concernent

essentiellement le transfert des connaissances entre le projet et l’établissement de routines

d’un projet à l’autre. Notre recherche concerne également des filiales situées dans des pays

développés, à haut coût de production et qui sont en forte concurrence avec d’autres filiales.

Les tensions sont donc exacerbées dans un tel contexte car les compétences au sein de la

filiale sont remises en cause.

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