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Du VENDREDI 22 au jEuDI 28 MaRS 2013 – N o  41 France métropolitaine - 3 www.latribune.fr Quel avenir pour l’énergie en France? Le débat est lancé, mais pour l’instant sa seule traduction est la rénovation des bâtiments. Face à la hausse inéluctable des prix, le véritable enjeu est d’inciter les Français à consommer moins et mieux. Pages 4 à 6 Olivier Duha « La France crève de l’ultra- régulation du travail. » PAGE 26 Le président de l’association patronale CroissancePlus sonne l’alarme sur la tentation des entrepreneurs de quitter la France. ENQUÊTE La banque De france à L’heure De La rigueur PAGES 12-13 INNOVATION L’autO en Libre service cOnquiert L’aLLemagne PAGE 18 TERRITOIRES Les cOLLectivités LOcaLes au Pain sec et à L’eau PAGES 16-17 L 15174 - 41 - F: 3,00 © SEAN GALLUP/GETTY IMAGES/AFP « LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. » imPOssibLe transitiOn énergétique ? Aquitaine : les 30 PME les plus innovantes LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES

Le président de imPOssibLe transitiOn énergétiquestatic.latribune.fr/private/weekly/2013/20130322.pdfGuillaume Pepy, le président de la SNCF, reconduit pour un second mandat, est

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Du VENDREDI 22 au jEuDI 28 MaRS 2013 – No 41 France métropolitaine - 3 €www.latribune.fr

Quel avenir pour l’énergie en France ? Le débat est lancé, mais pour l’instant sa seule traduction est la rénovation des bâtiments. Face à la hausse inéluctable des prix, le véritable enjeu est d’inciter les Français à consommer moins et mieux. Pages 4 à 6

Olivier Duha« La France crève de l’ultra-régulation du travail. » PAGE 26Le président de l’association patronale CroissancePlus sonne l’alarme sur la tentation des entrepreneurs de quitter la France.

EnquêtE

La banque De france à L’heure De La rigueur PAGES 12-13

InnovatIon

L’autO en Libre service cOnquiert L’aLLemagne PAGE 18

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Les cOLLectivités LOcaLes au Pain sec et à L’eau PAGES 16-17L 1

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imPOssibLe transitiOn énergétique ?

Aquitaine : les 30 PME les plus innovantesLA TribunEdES méTroPoLES

Florence VERZELENGDF SUEZ QATARPRIX CARRIÈRE À L'INTERNATIONAL

UN ÉVÉNEMENT EN PARTENARIAT AVEC

Marie-Laure MAZAUDALCATEL-LUCENTPRIX FINANCE ET GRAND PRIX ALLIANZ

Nathalie LEBAS-VAUTIEREKYOGPRIX GREEN BUSINESS

Erin GAINERHRA PHARMAPRIX INDUSTRIE

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Anne-Marie de COUVREUR MEDIAMEETINGPRIX TECHNO & MÉDIAS

Fadila PALMER LUNALOGICCOUP DE COEUR DU JURY

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Elles ont été recompensées en 2012...

Catégoriesen compétition

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Industrie

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88 Techno & Médias Techno & Médias

Plus de renseignement sur :www.latribunewomensawards.fr

sur Twitter :#LTWA

Femme Entrepreneur de l'année

Femme Manageur de l'année

WOMEN’S AWARDS

Coulisses 3VENDREDI 22 MaRS 2013 lA TRiBuNe

coulisses3 Xavier Niel nous a fait un caprice. l’événement4 Énergie : une bien difficile transition.6 Le « tournant » allemand, épouvantail ou modèle ? > Performance thermique : des travaux à la pelle.

le buzz8 l’œil de PhiliPPe mabille

Changer de modèle énergétique, vite !

9 Chypre : le leurre de la victoire contre le paradis fiscal.

10 Et si Free Mobile subventionnait les téléphones de ses abonnés ADSL…

> Une Silicon Valley flottante au large de la Californie.11 François Hollande voit des EADS partout. > Vive la « robolution » !

l’enquête12 Banque de France : la banque centrale, plus que bicentenaire, doit se mettre à l’heure de la rigueur.

entrePrises & innovation14 Les solutions au casse-tête de la livraison urbaine. territoires / france16 Les collectivités locales bientôt au pain sec et à l’eau. territoires / international18 La voiture en libre service à la conquête

des villes allemandes.19 Au Tatarstan, les satellites collent des PV.

> on en Parle à bruxelles la chronique de florence autret Bruxelles corrige le tir sur les essais cliniques.

vos finances20 Les fonds socialement responsables

récompensent-ils les épargnants ? les analyses21 Pourquoi François Hollande peut réussir à réformer

les allocations familiales.22 C’est la lutte ouverte pour l’extension des noms de

domaine.23 L’Europe veut-elle vraiment faire baisser le taux de

chômage ? les idées / les chroniques24 Heurs et malheurs des régulations financières

à travers le monde.25 Aux iconoclastes réunis. > Réduire la dépense locale, un enjeu stratégique. l’interview26 Olivier Duha, président de Webhelp et de l’association

patronale CroissancePlus : « La France crève de l’ultra-régulation du travail. »

embrouilles électorales au medefLes 45 membres du conseil exécutif de l’organisation patronale sont convoqués le 28 mars pour voter sur la modification des statuts souhaitée par Laurence Parisot pour lui permettre d’effectuer un troisième mandat. Quelles seront les modalités de ce scrutin ? Laurence Parisot prône un vote à main levée, plaidant que les membres du conseil auront été mandatés par leurs fédérations professionnelles et qu’il n’y a donc

pas de secret. À l’inverse, une majorité du conseil préférerait un vote à bulletin secret… procédure éventuellement plus facile pour exprimer son mécontentement face à l’initiative de la présidente. « Si le vote a lieu à main levée et que la réforme passe, je plains ceux qui auront osé voter contre », explique un cacique du Medef. C’est au comité statutaire de l’organisation qu’il revient de trancher sur les modalités du vote.

k comme kessler. Il l’a dit dans La Tribune dès le 14 décembre dernier : denis kessler n’est pas candidat à la présidence du Medef parce qu’il a déjà donné. Mais le bouillant patron de Scor, ancien vice-président de l’organisation patronale du temps d’ernest-antoine seillière, y plaidait pour « une présidence de deux ans non renouvelable exercée par un chef d’entreprise en activité,

encadré par l’ancien président et le président à venir ». La proposition du comité des statuts d’un mandat de cinq ans sans limite de nombre l’a donc mis en colère. Il ne cache plus son opposition à laurence Parisot et l’a fait savoir en participant lundi 18 mars à un débat sur l’avenir du Medef organisé par Pierre Gattaz, candidat déclaré. Soutien ? Pas forcément, car il acceptera toute invitation d’un opposant à l’actuelle présidente.Son souhait : qu’il y ait une vraie campagne de fond. Ira-t-il finalement dans la bataille ? Peu probable, sauf s’il apparaît comme l’ultime rempart… C’est peut-être ce qu’il recherche.

trilatérale, bilderberG : les français à l’honneur Dimanche 17 mars a eu lieu à Berlin la réunion plénière annuelle de la commission trilatérale en présence d’angela merkel, hôte d’honneur. Parmi les 18 membres français de cette réunion de « maîtres du monde » (autant que l’Italie et le Royaume-Uni, contre 20 pour l’Allemagne) figurait Jean-claude trichet. L’ancien président de la BCE a pris la suite de mario monti à la tête de la section européenne de la trilatérale. Les Français sont en pointe aussi aux rencontres du groupe Bilderberg, présidées cette année par henri de castries, le PDG d’Axa, un ami et ancien condisciple de la promotion Voltaire de françois hollande.

luc vigneron aux émirats arabes unis ?

Après son départ de Thales, Luc Vigneron tente de rebondir aux Émirats arabes unis. L’ancien PDG du groupe

électronique s’installerait en tant que consultant dans la région, voire atterrirait chez le groupe émirati Mubadala.

Guillaume Pepy, le président de la SNCF, reconduit pour un second mandat, est favorable à une réflexion sur un modèle intermédiaire entre les trains classiques (160 km/h) et les TGV (320 km/h). Soit des trains roulant à 220 km/h. Une rupture forte avec la pensée de la SNCF, qui s’est depuis des décennies focalisée sur la grande vitesse.

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Xavier Niel nous a fait un caprice«P uisque c’est

c o m m e ç a , v o u s f e r e z

sans moi… » Xavier Niel a surpris mardi en n’as-sistant pas à la confé-rence de presse de pré-sentation des résultats annuels d’Iliad, la maison mère de Free, dont il est le premier actionnaire (59 % du capital) et le vice-président du conseil d’administration. « Une décision m’ayant interdit l’usage de quelques mots essentiels, je préfère me taire que me censurer », a expliqué le bouillant patron, coutumier des expressions à l’emporte-pièce, dans un message lu par son directeur général. Les termes en ques-tion ? « Arnaque », « racket », « escroquerie », prononcés lors du lancement de Free Mobile en janvier 2012. Le 22 février dernier, le tri-bunal de commerce de Paris a en effet condamné Iliad et Free Mobile à verser 20 millions d’euros de dommages et intérêts à Bouygues Telecom pour dénigrement et concurrence déloyale.

« Faut-il comprendre qu’il ne peut s’exprimer sans utiliser les termes “arnaque”, “racket” et “escroquerie” ? », s’étonne un cadre d’un opérateur concurrent. Loin d’être muselé par son conseil d’administration, Niel n’a pas boycotté la réunion avec les analystes le même jour.

« C’est une réaction d’enfant, un caprice typique de ceux qui ont passé le cap des 100 mil-lions d’euros », considère un analyste habitué à côtoyer les grandes for-tunes. Xavier Niel a franchi ce cap il y a déjà bien longtemps : sans

compter son patrimoine immobilier, sa for-tune excède les 5 milliards d’euros en actions Iliad. Volant de record en record à la faveur du succès commercial de Free Mobile, le titre s’est apprécié de plus de 50 % en un an. Iliad pèse ainsi près de 9 milliards, soit 1,7 milliard de plus que le groupe Bouygues dans son ensemble… (Lire aussi, page 10, notre article sur la stratégie de Free.) q

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l’autocensure revendiquée par le patron de free, une « réaction d’enfant » gâté ?

Xavier Niel dit préférer « se taire plutôt que se censurer ».

air france et airbus réparent les fissuresAir France a trouvé un accord avec Airbus sur l’indemnisation des A380 sur le coût de la réparation des microfissures apparues sur les ailes de l’avion géant.

Denis Kessler, ultime « rempart » face à Laurence Parisot ?

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C. Noyer, gouverneur de la BdF.

LA TRIBUNE VENDREDI 22 MaRS 2013

L’évéNEmENT4

Le contexte Officiellement lancé fin novembre 2012, le débat national sur la transition énergétique patine. Il n’a véritablement démarré que début 2013 et doit aboutir au dépôt d’un projet de loi de programmation. À temps pour la loi de finances 2014 ?Les enjeux Cette transition doit permettre à la France de respecter ses engagements en matière d’émissions de gaz à effet de serre, d’assurer sa sécurité énergétique, de diminuer ses importations d’énergies fossiles, de préserver la compétitivité des entreprises, de créer des emplois… Mais à quel prix, alors que la facture énergétique des Français va augmenter ?

Dominique Pialot

c’était une promesse du candidat Fran-çois Hollande, mais elle peine à   trouver son

rythme de croisière. Ouvert par la conférence environnementale de septembre, le débat national sur la transition énergétique a été offi-ciellement lancé le 29 novembre dernier mais n’a réellement débuté qu’en janvier. Le temps de mettre en ordre de marche une mécanique complexe composée de nombreux comités (d’experts, de contact avec les industriels, de liaison avec le débat décentralisé, de citoyens et, bien sûr, de pilo-tage), mais aussi cinq groupes de travail, sans compter un conseil national du débat… C’est désor-mais chose faite. Reste à faire émerger un véritable débat et sur-tout des propositions concrètes.

À première vue, la situation énergétique française peut sem-bler enviable. Grâce au nucléaire et aux prix régulés, les ménages et les entreprises bénéficient d’un prix de l’électricité inférieur de respectivement 25 % et 21,5 % à la moyenne de l’Union européenne.

Mais si le nucléaire fournit 75 % de l’électricité française, c’est à

peine 20 % de l’énergie finale consommée dans l’Hexagone, dont 70 % proviennent des énergies fos-siles. Importées à 97 %, celles-ci grèvent lourdement notre balance commer-ciale (la facture énergé-tique, de 67,8 milliards d’euros en 2012, repré-sente 90 % du déficit commercial français) et nous exposent à la volati-lité des cours promis à moyen terme et à une hausse inéluctable, sans compter la dépendance à l’égard de nos fournisseurs.

Mais, pour espérer déboucher sur une réelle transition, le débat doit d’abord faire passer trois messages essentiels, rarement entendus en France.

1 /se préparer à payer pLus cherLes Français doivent le savoir :

cette période d’énergie à prix réduit pourrait bien toucher à sa fin. De plus en plus de voix s’élèvent pour souligner que les prix régulés ne couvrent pas l’in-tégralité des coûts. Concernant le nucléaire, ils n’incluent ni la maintenance, ni la modernisation, ni le démantèlement des cen-

trales, sans parler du coût d’un « Fukushima à la française », récemment évalué à 430 milliards d’euros par l’Institut de radiopro-

tection et de sûreté nucléaire.

Les mesures de sécurité complémentaires exigées par l’autorité de sûreté nucléaire à la suite de cet accident renchériront de toute façon le mégawat-theure nucléaire. Quant à celui que produira le futur EPR, il s’établit aux dernières nouvelles (sur

la base d’un coût pour Flamanville réévalué en décembre 2012 par EDF à 8,5 milliards d’euros) à plus de 100 euros, à comparer avec un prix de 42 euros aujourd’hui ! D’ail-leurs, du PDG d’EDF à la commis-sion d’enquête du Sénat, tous pré-disent une hausse des prix de l’électricité de 30 % à 50 % d’ici à 2020…

La transition énergétique pourrait donc être la meilleure façon, pour les ménages comme pour les entre-prises, d’absorber cette hausse, grâce à une consommation mieux maîtrisée et une baisse des volumes. « Le débat doit aider à dédramatiser l’augmentation inéluctable du prix de l’énergie, espère l’économiste Alain Grandjean, qui préside le

énergie : Une bien di fficile TransiTion

25 % c’est l’écart de prix de l’électricité, entre ceux pratiqués en France et la moyenne de l’ue, en faveur des Français.

1,9 % de l’énergie consommée dans le monde La consommation d’énergie finale en France s’élève à 156 Mtep (millions de tonnes équivalent pétrole), en 2011, soit 2,4 tep par habitant. Elle était de 134 Mtep en 1973. La France représente 1,9 % de la consommation d’énergie finale dans le monde et 13,9 % de l’Union européenne.

Visites guidéesSur le modèle des Journées du patri-moine, les Journées de l’énergie seront consacrées des 29, 30 et 31 mars à la tran-sition énergétique. Objectif : permettre aux Français de découvrir les acteurs de l’énergie de leur région et de visiter des installations habituellement fermées.

«Les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique sont une

solution contre la crise. La transition énergétique doit permettre

d’impulser la croissance. » DelPhine Batho, ministre de l’Écologie, du dÉveloppement durable et de l’Énergie

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VENDREDI 22 MaRS 2013 LA TRIBUNE

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comité des experts. Une baisse de la consommation de 10 % par an suffi-rait à neutraliser cette hausse, sauf en situation de précarité », ajoute-t-il. À ce sujet, la « facilitatrice » du débat, Laurence Tubiana, fonda-trice de l’Iddri (Institut du dévelop-pement durable et des relations internationales), précise : « La pré-carité énergétique – qui frappe 3,8 millions de foyers consacrant au moins 10 % de leur budget à l’éner-gie – relève de la solidarité nationale et de la lutte contre la pauvreté ; il ne revient pas à la transition énergé-tique de la solutionner. »

Pour d’autres, au contraire, en se privant d’une énergie produite par des centrales nucléaires amorties de longue date, en imposant aux réseaux de transport et de distri-bution de s’adapter à la produc-tion décentralisée et intermit-tente des énergies renouvelables et en soutenant ces dernières à coups de tarifs de rachat, c’est pré-cisément la transition énergé-tique qui va faire grimper les prix. L’exemple de l’Allemagne, qui a déjà entamé sa transition énergé-tique ( lire page 6), apporte de l’eau à leur moulin. L’énergie y est nettement plus chère qu’en France en raison du soutien aux

renouvelables, et de lourds inves-tissements qui se profilent pour construire les lignes à haute ten-sion devant transporter l’électri-cité produite par les fermes éoliennes en mer, implantées au Nord, vers les lieux de consomma-tion au Sud. En France, le gestion-naire du réseau de transport RTE anticipe des investissements de modernisation de 15 milliards d’ici à 2020 et de 35 à 50 milliards à l’horizon 2030. Mais seule une partie est imputable à la transi-tion. « Dans le débat, on a ten-dance à confondre le coût global et le surcoût directement lié à la tran-sition », confirme Andreas Rudin-ger, chercheur à l’Iddri.

2/Définir le nouveau mix énergétiqueAutre difficulté, l’extrême focali-

sation des médias et de l’opinion publique sur la production : quelle place laisser au nucléaire ? Pour ou contre les gaz de schiste, l’éolien, etc. ? Or la méthode choisie par le gouvernement est inverse. Il s’agit d’étudier différents scénarios de maîtrise de la consommation, de chiffrer les investissements corres-pondants, puis d’imaginer le meil-leur mix énergétique pour répondre à cette demande en respectant les prérequis posés par François Hollande : une part du nucléaire dans la production d’électricité réduite de 75 % à 50 % en 2025, une augmentation de la part des éner-gies renouvelables et le respect des engagements de diviser par quatre les émissions nationales de gaz à effet de serre entre 1990 et 2020.

Un tel raisonnement devrait notamment éviter de surdimen-sionner les réseaux (et les investis-sements), comme c’est aujourd’hui le cas. En raison de la généralisa-tion du chauffage électrique, les pics de consommation sont parti-culièrement élevés en France :

pour une puissance moyenne consommée de 56 gigawatts (GW), ils peuvent atteindre 102 GW, record histo-rique enregistré lors d’une vague de froid en février 2012. L’équilibre entre l’offre et la demande se fait alors surtout grâce aux

échanges avec les pays limitrophes, mais les réseaux sont prévus pour transporter et distribuer des volumes qui ne sont consommés que quelques jours par an.

Mais ce parti pris de la sobriété et de l’efficacité énergétique, consis-tant à étudier toutes les pistes pour réduire les consommations, suscite les foudres des énergéticiens. Certes, ils sont en principe tenus (notamment par le biais du méca-nisme des certificats d’économie d’énergie) d’aider leurs clients à réaliser des économies, et sont soumis au plafonnement de leurs émissions dans le cadre du marché européen d’échange de quotas de CO2. Mais, sous l’effet conjugué de

surallocations et de la crise écono-mique, le cours de la tonne de CO2 a perdu 90 % en cinq ans et 49 % pour la seule année 2012. Il y a quelques jours, Bruxelles a dû renoncer à des enchères de quotas faute d’acheteurs !

Les énergéticiens ont ainsi tou-jours intérêt à maximiser les volumes vendus. Dans le cadre du débat français, ils contestent donc toute projection d’une baisse de la consommation, dans laquelle ils ne voient qu’une illustration des théo-ries décroissantes chères aux écolos. « Le problème n’est pas de faire bais-ser les consommations, mais d’anti-ciper la croissance de la demande », insiste Jean-François Raux, délégué général de l’UFE (Union française de l’électricité). « Le gouvernement entend réindustrialiser la France, il doit tenir compte des conséquences de cette décision, car je ne crois pas du tout au découplage [permettant de diminuer la consommation d’énergie pour un point de PIB créé, ndlr]. » Selon lui, « la transition éner-gétique n’est pas urgente en France, on émet deux fois moins de CO2 que l’Allemagne par unité de PIB. On aurait le temps de faire évoluer le réseau tranquillement. L’énergie française est très compétitive, la tran-sition ne doit pas la dégrader, notam-ment à l’export ».

3/mobiliser Des inDustriels aux intérêts DivergentsCet argument fait évidemment

florès du côté des industries les plus consommatrices en énergie, qui craignent une augmentation de leurs coûts due à une hausse des prix. Certains se disent néanmoins prêts à l’absorber à condition de la compenser, par exemple, par une réduction des taxes sur le travail qui préserverait leur compétitivité. En face, les professionnels de l’effica-cité énergétique, qui proposent des solutions pour contenir la facture grâce à une baisse des volumes, sont divisés. Les spécialistes de l’effica-cité active (par pilotage de la consommation grâce à des comp-teurs intelligents, par exemple), permettant des économies rapide-ment rentables mais limitées, s’op-

énergie : Une bien di fficile TransiTion

«La maîtrise de la facture d’électricité pour les ménages

doit passer par la réduction de la quantité consommée et non

la baisse des tarifs. » Peter AltmAier, ministre fédéral allemand de l’environnement depuis mai 2012

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Un porTail dédié Dans un souci de pédagogie, le ministère de l’écologie a ouvert un portail dédié : www.transition-energetique.gouv.fr. On y trouve le programme des débats en régions et le calendrier officiel. Janvier-février : pédagogie et information. Mars-juin : participation et concertation. Juillet : synthèse et recommandations. automne : projet de loi de programmation.

le parti pris de la sobriété suscite les foudres des énergéticiens, qui ont intérêt à maximiser les volumes vendus.

+ 100 %C’est la hausse de la consommation d’énergie par le secteur des transports en France entre 1973 et 2011. Dans le même temps, celle du bâti-ment a augmenté de 25 %, celle de l’agriculture est restée stable et celle de l’industrie a reculé.

LA TRIBUNE VENDREDI 22 MaRS 2013

L’évéNEmENT6

posent aux tenants de l’efficacité passive (par isolation des bâti-ments), qui génère des économies plus importantes mais exige des travaux plus longs et onéreux.

Tous se retrouvent cependant sur la création de valeur et d’emplois que peut engendrer la transition. Hugues Vérité, délégué aux rela-tions institutionnelles du Gimelec (Groupement des industries de l’équipement électrique, du contrôle-commande et des services associés), en est convaincu. La France, dotée de leaders mondiaux de l’intégration et de l’efficacité énergétique, doit développer rapidement un modèle de la transi-tion énergétique exportable. « Nous nous laissons devancer par la Chine ou les États-Unis alors même que ce sont nos industriels qui y sont pré-sents », se désole-t-il.

Mais, au-delà de ces bisbilles, c’est plutôt le manque de maturité de la filière BTP qui inquiète. « Il faudra au moins trente à quarante ans pour former toute la profession à des nou-velles méthodes de travail », prévient Alain Grandjean. Il est vrai que les 160 000 rénovations effectuées en 2012 font pâle figure au regard de l’objectif annuel de 500 000 affiché par le gouvernement…

Un débat essentiellement pédagogiqUeDans ces conditions, le glissement

du calendrier n’a rien d’étonnant. Les conclusions du débat ne seront pas rendues avant octobre, proba-blement trop tard pour la loi de finances 2014. Mais, aux yeux des animateurs du débat comme des observateurs les plus avertis, l’es-sentiel est ailleurs : il s’agit de mieux faire comprendre aux ménages et aux entreprises français les enjeux de cette transition.

En outre, le sujet englobe des pro-blématiques complexes et poli-tiques telles que l’aménagement du territoire, la mise en cohérence des schémas de transport avec les plans énergie/climat, la décentralisation de l’énergie, ou encore le dévelop-pement d’une offre de transports alternatifs, un sujet peu abordé alors que le secteur représente l’essentiel de notre dépendance aux énergies fossiles importées…

Une vision globale et de long terme est donc indispensable. Et des décisions rapides s’imposent quant aux investissements dans l’appareil de production, de trans-port et de distribution d’énergie. Une urgence qui va contraindre le gouvernement et la ministre en charge de l’énergie, Delphine Batho, à choisir des options avant même les conclusions du débat, au risque de réduire à néant ses ambi-tions en matière de pédagogie… q

énergie : une bien difficile transition

« l’energiewende », épouvantail ou modèle ?Le « tournant énergétique » que l’Allemagne a entamé il y a quelques années a représenté une transition radicale qui plane aujourd’hui sur le débat français. Malgré des situations différentes, les deux pays font face à des défis semblables.

Dominique Pialot

proximité géographique et interconnexion des réseaux obligent, les politiques

énergétiques adoptées en Alle-magne ne sont pas neutres pour la France. Mais si les regards fran-çais sont rivés sur nos voisins, c’est d’abord parce qu’ils ont déjà entamé leur Energiewende, un virage radical devant aboutir d’ici à 2022 à une sortie définitive du nucléaire.

Huit des 17 réacteurs allemands sont déjà à l’arrêt et, en dix ans, le pays a installé 25 gigawatts (GW) d’énergies renouvelables (EnR), qui lui fournissent 23 % de son électricité (24 % pour le nucléaire) et ont créé près de 400 000 emplois. Mais à quel prix ? 18 milliards d’euros pour soutenir les EnR en 2012, intégra-lement répercutés sur les consom-mateurs. Majoritairement favo-rables à cette transition, les Allemands, qui paient leur électri-cité près de deux fois plus cher que les Français, commencent néan-moins à trouver la note salée !

Et ce n’est pas fini. Le gouverne-ment a récemment évoqué une baisse de ces subventions, alors qu’on estime à 200 milliards d’eu-ros d’ici à 2020 les investisse-ments nécessaires dans les réseaux de transport et de distri-bution, pour absorber la produc-tion intermittente de ces énergies (dont une part est aujourd’hui perdue lors des pics de produc-tion) et pour transporter l’électri-cité depuis les fermes éoliennes du Nord vers les lieux de consom-mation du Sud. 2 000 km supplé-mentaires doivent être construits, mais seulement 200 km sont sor-tis de terre depuis 2009. En plus

des coûts, les opérateurs affrontent l’hostilité des riverains face aux lignes à haute tension !

750 coopératives, 800 régies localesEnfin, le recours prévu à environ

42 GW de nouvelles centrales thermiques (sachant que le char-bon est plus rentable que le gaz) pour assurer la transition vers la fin du nucléaire menace l’engage-ment de réduire de 40 % les émis-sions de CO2 entre 1990 et 2020.

Malgré tout, certaines initiatives allemandes pourraient filtrer dans la transition énergétique fran-çaise. « Malgré la différence de

prix, grâce à des équipements plus performants et à des comporte-ments plus sobres, la facture des ménages allemands ne dépasse pas celle des Français », note Andreas Rudinger, chercheur à l’Iddri. Or l’implication des Allemands est très liée à la décentralisation de l’énergie : 750 coopératives de production, 800 régies locales de distribution, des capacités d’éner-gies renouvelables détenues à 40 % par des particuliers contre 7 % pour les quatre principaux énergéticiens… « Si la décentrali-sation est un enjeu du débat en France, il faut s’en donner les moyens, observe Andreas Rudin-ger. Par exemple en revenant sur l’interdiction des régies munici-pales qui date de 1946… »

Parmi les défis semblables des deux côtés du Rhin, la rénovation thermique des bâtiments. Si l’Alle-magne ne consacre que 1,5 milliard d’euros par an à l’efficacité énergé-tique, le mode de financement de la rénovation, dans lequel la banque publique KfW joue un rôle central, inspire les experts français qui planchent sur le sujet. q

performance thermique : des travaux à la pellePrincipal consommateur d’énergie et émetteur de gaz à effet de serre, le secteur du bâtiment français est aussi un gros employeur. Mais comment imposer et financer la rénovation du parc ?

le sujet de la performance thermique des bâtiments n’est pas né avec le débat sur

la transition énergétique. Respon-sable d’un quart des émissions de gaz à effet de serre et de 43 % de la consommation d’énergie, dont plus de 15 milliards d’euros de pétrole et de gaz importés par an, le bâti-ment figurait déjà en bonne place du Grenelle de l’environnement. Le Plan bâtiment Grenelle de 2009, confié à l’avocat Philippe Pel-letier, visait la rénovation de 400 000 logements par an dès 2013 et une baisse de 38 % de la consommation des bâtiments à l’horizon 2020. Le gouvernement a reconduit Philippe Pelletier à la tête d’un Plan bâtiment durable. Avec un objectif relevé à 500 000 logements neufs et autant de rénovations chaque année. Une gageure, sachant qu’on ne compte que 160 000 rénovations par an.

Les idées ne manquent pas pour changer de braquet : accompagner les ménages via des guichets uniques de la rénovation et des informations pédagogiques sur les factures ; instaurer progressive-ment une obligation de rénova-tion sur certains types de loge-

ments et à certaines occasions, dont les mutations ; labelliser des artisans regroupés en filières, capables d’ajouter un volet perfor-mance thermique à toutes sortes de travaux ; durcir la réglementa-tion, réformer le diagnostic de performance énergétique (DPE) ;

mettre en place un observatoire des prix (matériaux et main-d’œuvre) de la rénovation…

Côté financement, s’ils plaident pour le renforcement des disposi-tifs existants (crédit d’impôt déve-loppement durable, écoprêt à taux zéro), les experts s’évertuent à

résoudre une équation simple : les investisse-ments de rénovation bénéfiques à la collec-tivité ne sont rentables qu’à long terme. Trop lourd pour un particu-lier et inacceptable pour les banques.

Les propositions se multiplient : verdissement de toute la fiscalité liée au logement, expérimentation du tiers investissement (qui utilise les économies futures pour se financer), instauration de nou-velles recettes, par exemple en autorisant la construction d’étages

supplémentaires dont la vente fournirait à la copropriété de quoi financer ses travaux…

Surtout, un accès à des liquidités à longue maturité et coût faible s’impose qui pourrait prendre la forme d’un outil de refinancement public-privé. Plébiscité par le Plan bâtiment durable et par Terra Nova, il bénéficierait d’un amor-çage public avant de basculer dans le privé. Ce fonds serait alimenté par la Caisse des dépôts, les fonds de retraite, les produits d’épargne, des contributions des énergéti-ciens et d’autres acteurs privés de la filière BTP. Surtout, il devrait mobiliser des fonds de la banque européenne d’investissement (BEI). Dotée de 60 milliards (dont 9 pour la France) pour relancer la croissance, celle-ci a identifié l’efficacité énergétique comme l’un des sujets prioritaires pouvant y contribuer… q D.P.

les investissements de rénovation ne sont rentables qu’à long terme. inacceptable pour les banques.

la fin du nucléaire allemand signifie recours accru aux centrales thermiques et augmentation des émissions de Co2… [JOHN MACDOUGALL/AFP]

« On peut décider sur les échecs économiques de rajouter de l’affrontement social. Mais est-ce constructif ? Est-ce que ça crée des conditions de reprise ? La réponse est non. » ArnAud Montebourg, ministre du redressement productif, aux salariés de psa aulnay, france inter

repéré par la rédac’Les dirigeants européens souhaitent-ils vraiment une baisse du chômage en zone euro ? Le dernier conseil européen a encore prouvé vendredi son peu d’entrain à entamer une vraie politique de lutte contre le chômage.

Changer de modèle énergétique, vite !

L’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas. C’est en vertu de ce principe de bon sens que se dessine la transition énergé-tique. En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées, disait-on au bon vieux temps de la

« chasse au gaspi », le slogan gouvernemental de l’après-choc pétrolier de 1973. Depuis la fin des années 1970, le monde a bien changé. L’énergie, nous sommes de plus en plus nom-breux à en avoir besoin. 7 milliards, bientôt 9 milliards d’ha-bitants sur terre. Comme le répète sou-vent Christophe de Margerie, le patron de Total, du pétrole, il y a en a plein… La question est le prix que nous sommes prêts à payer pour l’extraire. Aujourd’hui, on va de plus en plus loin et de plus en plus profond. Pétrole, gaz et charbon, les éner-gies carbonées resteront encore long-temps majoritaires dans le mix énergé-tique de la planète. Le défi, pour les pays qui n’en ont pas, est donc sans ambiguïté. Pour compenser la hausse du prix de l’énergie, nous devons nous accoutumer à en consommer moins pour les transports, le logement et l’industrie.

La France a dans ce cadre une situation particulière. Ses puits de pétrole à elle, ce sont les 58 réacteurs nucléaires répartis dans 19 centrales construites dans les années de vaches grasses pour assurer son indépendance énergétique. Ce fut un choix de raison malgré les risques associés, mais, en fait d’indépendance, le nucléaire ne couvre en réalité que le cinquième de nos besoins en énergie. Il nous permet toutefois

de bénéficier d’un avantage compétitif de taille : un prix de l’électricité inférieur de moitié à celui payé en Allemagne, notre principal compétiteur.

Le probLèMe, que révèLe bien Le débAt sur la transition énergétique, c’est que ce prix n’a aucune vertu péda-gogique et n’incite pas assez les consommateurs, ménages et entreprises à faire des économies. Or, en matière d’énergie, ce qui compte le plus, c’est le signal prix, comme disent les économistes. La vraie question, à laquelle les gouvernements

français successifs se sont bien gardés de répondre, c’est donc celle du vrai prix de l’électricité, qui doit inclure tous les coûts induits pour la sécurité, l’entretien et le démantèlement des centrales nucléaires. Il doit aussi prendre en compte les inves-tissements massifs dans les réseaux élec-triques indispensables pour développer les énergies renouvelables, dont le coût est aujourd’hui de plus du double à celui auquel nous sommes habitués. Résultat,

les énergies nouvelles doivent être subventionnées, ce qui n’est pas le meilleur moyen de favoriser le développement d’une filière compétitive.

Il va donc falloir que nous changions de modèle : pour réduire la part du nucléaire à 50 % de la production électrique en 2025, François Hollande doit expliquer aux Français qu’ils devront payer leur énergie de plus en plus cher. Pas facile à assumer en pleine récession, comme l’a montré le flop du débat sur la taxation du diesel. Cela semble aussi incompa-tible avec les objectifs de réindustrialisation défendus par

Arnaud Montebourg, sauf à libérer l’exploitation du gaz de schiste. On en est loin.

Faute de consensus sur les enjeux à long terme, cette tran-sition énergétique a tout pour fabriquer un débat explosif que le chef de l’État, qui bat chaque jour des records d’impopula-rité, se passera volontiers de trancher. On va donc marcher sur des œufs, avancer en crabe, en commençant par le plus « facile » à vendre à l’opinion. À l’image du plan de rénovation thermique des bâtiments annoncé cette semaine, qui aura au moins un effet de relance vertueux en cette période de disette pour le BTP, à défaut d’aller assez vite au regard des enjeux.

Pourtant, cette transition énergétique est l’un de nos seuls vrais espoirs pour demain. Par l’effort d’innovation qu’elle impose, de façon transversale dans tous les secteurs écono-miques, dans l’organisation même de la société et de l’amé-nagement urbain, cette révolution invite à changer de modèle de croissance, non pas pour la faire disparaître, comme le rêvent encore les ultras de l’écologie, mais pour la rendre « renouvelable », plus sobre et plus responsable.

Pour y parvenir, il faudra contourner quelques « vaches sacrées » et cesser de se focaliser sur le seul nucléaire. Créer, enfin, une vraie écotaxe, qui ne peut se résumer à feu la « taxe carbone » de Nicolas Sarkozy, trop discriminatoire. Et ouvrir le secteur de l’énergie à la concurrence en accompagnant la fin des vieux monopoles, à commencer par celui d’EDF, qui a beaucoup fait pour bloquer, par son conservatisme, le tour-nant énergétique. C’est la responsabilité du régulateur (de l’électricité comme de la concurrence) que de forcer le pouvoir politique à avoir le courage d’affronter l’opinion. Quitte à agir par ordonnances pour aller plus vite ? Et pourquoi pas… q

«Il faudra contourner des

“vaches sacrées” et cesser de se focaliser sur le nucléaire. »

le diaporamaSamsung Galaxy S IV « unpacked »

1 / Samsung a choisi New York pour sa keynote

2 / Présentation du nouveau Galaxy S IV

3 / D’un poids de 130 grammes, il existe en noir et en blanc

Sur le podiumle pluS parTaGé Air France : les pilotes sus-pendent leur contribution au plan de sauvetage Alors que le plan de redressement de la compagnie semblait sur de bons rails avec la signature par les syndicats des hôtesses et stewards d’un accord collectif permettant d’améliorer de 20 % l’efficacité économique de cette catégorie de personnel, il se re-trouve fragilisé par les pilotes. Publié en exclusivité le 19 mars

le pluS lu défense : l’élysée proche d’accorder 30 milliards d’euros par an aux militaires Selon nos informations, l’Élysée pencherait pour un seuil symbolique de 30 milliards d’euros de dépenses militaires par an tout au long de la loi de programmation militaire (2014-2018). Soit 1,5 % du PIB. Un moindre mal tant les échos ces derniers temps étaient pessimistes pour le budget de la Défense. Publié le 15 mars

le pluS commeNTé pour Hollande, la France est « le bon élève » européen sur le plan bud-gétaire « Nous sommes le bon élève », a affirmé le président à la fin de la première journée du sommet européen sur les moyens pour relancer la croissance dans l’UE. « Nous faisons en sorte de corriger les déficits que j’ai trouvés en arrivant aux responsabilités. » Publié le 15 mars Retrouvez la totalité du

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le TweeT« Le Portugal a besoin d’investissements publics pour

relancer son économie. Accorder un délai supplémentaire est insuffisant. »>> @PaulAndersain à propos de l’article « Le Portugal obtient une année de plus pour réduire son déficit »

le commeNTaire« La projection de projets de type EADS dans les branches

industrielles de pointe est une volonté à poursuivre. L’énergie pourrait être le premier volet, car générateur d’emplois

et pouvant regrouper autour d’une nouvelle vision européenne. »>> Philanthrope à propos de l’article : « Hollande veut créer des “EADS dans d’autres secteurs”. C’est pas gagné »

l’opiNioN>> Le pape des crises, par Jean-Christophe Gallien

« Pour la première fois, voici un souverain pontife qui arrive du Sud. Un autre mur vient de tomber. Exit les favoris italiens et ceux venus d’Amérique du Nord. Le monde change et le catholicisme tente apparemment de le faire aussi. »

Le buzz8LA TRIbuNe VENDREDI 22 MARS 2013

VENDREDI 22 MARS 2013 LA TRIBUNE

LE BUZZ 9

Beaucoup se réjouissent que les Européens aient réussi à mettre à genoux un paradis fiscal au sein de la zone euro. Mais cette vision angélique du plan chypriote ne résiste pas à l’examen.

Chypre : le leurre de la victoire contre un paradis fiscal

AINSI DONC, L’ARGUMENT ULTIME a été trouvé pour défendre le « plan de sauvetage » de Chypre : la lutte sans merci de l’Union euro-péenne contre les « paradis fis-caux. » Les « méchants » chypriotes cachaient dans leurs coffres l’argent des « méchants mafieux » russes. On veut mettre fin à ce scandale par une ponction directe dans le coffre-fort des oligarques ? Qui peut s’en plaindre ? Et voici que les défen-seurs de la politique européenne entament sur toutes les ondes cette antienne : « On ne croyait pas que ce fût possible, mais l’on peut mettre à genoux un paradis fiscal dans l’UE », etc. Fermez le ban ? Pas si simple.

En réalité, ce discours semble vraiment trop beau pour être hon-nête. D’abord, il n’y a jamais eu de volonté de « casser » Chypre comme paradis fiscal avant le week-end dernier. Sur ce sujet, les Européens ont toujours avancé pru-demment. Voilà un mois, le nouveau pré-sident de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, affirmait que la clé du blocage chypriote était le refus de l’ancien président communiste de privatiser les biens de l’État, et nullement de frapper les exilés fiscaux. Jeudi dernier, avant l’ou-verture du conseil européen, le secrétaire d’État allemand aux Finances, Steffen Kampeter, connu pourtant pour être un « dur », a explicitement affirmé qu’il « n’y avait aucun signe à Chypre de dépôt illégal. »

ÉTRILLER QUELQUES BOUCS ÉMISSAIRES BIEN CHOISISPar ailleurs, si l’ambition de l’Eu-

rope avait été de mettre fin à ce scandale d’un « paradis fiscal » au cœur de l’Union européenne, la taxe sur les dépôts aurait été ajustée en conséquence, en la limitant aux non-résidents ou aux citoyens étrangers. Il est difficile de croire que les Chypriotes qui vivent et tra-

vaillent à Chypre le font pour échapper au fisc allemand, français ou russe. Or il n’a jamais été ques-tion d’une telle mesure. Il eût pour-tant suffi de taxer à 23 % l’ensemble des dépôts des non-résidents, qui s’élève à 25 milliards d’euros, pour obtenir les 5,8 milliards d’euros. Mais c’eût été sans doute envoyer un signal très dangereux à l’en-semble des investissements étran-gers en zone euro, qui aurait pesé sur les autres « paradis fiscaux » de la zone euro, ceux du nord de l’Europe. Car, dans la lutte contre les « paradis fiscaux », les dirigeants européens font d’abord de la com-munication en étrillant quelques boucs émissaires bien choisis. Ce fut la Suisse, c’est aujourd’hui Chypre. Mais le fond du problème n’est réellement jamais traité.

Le fond du problème, c’est le manque de transparence des trusts basés dans les dépendances de la couronne britannique comme les

îles Caïmans ou Jersey, sans compter ceux basés à Londres même. Sans ces systèmes, Chypre n’est qu’un tuyau qui, si on le casse, sera aussitôt remplacé par un autre. Et cette fois, certainement en dehors de la zone euro.

Sur la question purement fiscale, il est vrai que Chypre a une très faible imposition sur les entre-prises, avec une flat tax (impôt à taux unique) de 10 % (qui sera rele-vée à 12,5 %). Cela pose un pro-blème de compétition fiscale au niveau de la zone euro, mais ce n’est pas interdit par les traités et n’a jamais été sérieusement combattu par les ministres des Finances de la zone euro.

Plusieurs pays européens ont eu recours au levier fiscal pour attirer les capitaux. La Slovaquie ou la Bulgarie, exemples parmi les plus choyés de libéralisme réussi par la Commission, ont utilisé la flat tax avec succès pour dynamiser les investissements dans les années

2000. L’Irlande est un autre exemple d’imposition très faible. Un exemple gênant pour les Euro-péens puisque, dans le plan de sau-vetage irlandais, ils n’avaient pas demandé un relèvement significatif du taux d’imposition.

Enfin, les Européens tolèrent éga-lement fort bien la fiscalité néerlan-daise : le groupe EADS est basé aux Pays-Bas pour des raisons pure-ment fiscales…

L’ARGENT RUSSE SERAIT FORCÉMENT « SALE »Enfin, qui se plaindra de la ponc-

tion faite aux oligarques russes ? Sur ce point encore, la position de l’Europe n’est guère convaincante. Lorsque l’argent russe va vers Chypre, il est forcément « sale. » En revanche, lorsque l’argent russe construit un gazoduc sous la Baltique vers l’Allemagne ou inves-tit dans le football britannique, il devient respectable. Autant que lorsque, pour sauver le site de

Florange, le gouvernement français fait les yeux doux au groupe russe Severstal. Ceux qui fustigent la République chypriote sur ses liens avec Moscou ne se sont guère mani-festés lorsque l’on a accepté l’île dans l’UE puis dans la zone euro. Pourtant, chacun savait déjà que Chypre était le coffre-fort de l’éco-nomie russe.

Pour finir, il faut rappeler que Chypre a certes beaucoup vécu de ses avantages fiscaux mais… cela n’a jamais suffi. Sa balance des paie-ments est en déficit chronique. Autrement dit, l’argent quitte plus le pays qu’il n’y entre. Chypre n’est donc pas le Luxembourg ou les îles Caïmans, pays qui ont construit l’ensemble de leurs économies sur les flux de capitaux entrants. Du reste, ce n’est pas l’activité offshore de Chypre qui l’a conduit à deman-der l’aide européenne, mais le PSI de la Grèce, décidé par les diri-geants européens ! Frapper les dépôts chypriotes, c’est simplement affaiblir le seul point fort de son économie, mais un point fort déjà insuffisant. Et comme Chypre ne deviendra jamais le centre d’une industrie exportatrice, c’est mettre à mort cette économie. Sans propo-ser d’alternative, sans proposer de plans d’investissement pour assurer la relève.

La réalité, c’est que le plan chy-priote n’a jamais réellement eu pour vocation de mettre fin à un paradis fiscal. Car l’Europe n’a aucune stra-tégie de lutte cohérente contre les paradis fiscaux. Ce plan est le simple fruit de la loi du plus fort.

Devant des Chypriotes aux abois, sans poids dans la zone euro, ban-quiers des « autres » (les Russes), on a imposé la solution la moins douloureuse pour les « grands » et la plus douloureuse pour Chypre. Sans se soucier des conséquences.

Le vrai fond de l’affaire, c’était de faire payer les autres. C’est la nou-velle version de la solidarité euro-péenne. q� ROMARIC GODIN

>> UN PLAN D’ENFER

Frapper les dépôts chypriotes, c’est affaiblir le seul point fort de l’économie de l’île. Et comme Chypre ne deviendra jamais le centre d’une industrie exportatrice, c’est mettre à mort cette économie. [BARBARA LABORDE/AFP]

Le buzz10LA TRIbuNe VENDREDI 22 MARS 2013

Le quatrième opérateur se pose sérieusement la question de revenir sur l’axe central de son offre mobile, à savoir l’absence de subvention, qui va de pair avec les offres sans engagement.

Et si Free Mobile subventionnait les téléphones de ses abonnés ADSLQue prépare Free Mobile pour atteindre les 15 % de part de marché que le quatrième entrant vise à moyen terme, contre 8 % actuellement ? Si rien ne semble imminent sur la 4G, il pourrait y avoir du nouveau dans les semaines ou mois qui viennent sur le terrain des subventions.

Free Mobile en avait fait le fonde-ment de son offre mobile, sans enga-gement, sans téléphone. Sous son impulsion, le segment du « SIM only », ces offres constituées seule-ment d’une carte SIM, sans appareil associé dans un package, représente d’ailleurs désormais 15 % du marché français des services mobiles, contre 2 % auparavant. Problème : Free s’est rendu compte qu’il ne pouvait r é p o n d r e a u x besoins de cette clientèle qui veut s’équiper d’un téléphone à moindre coût. Interrogé sur l’éventualité d’un tel revirement sur les subventions, Maxime Lombardini, le directeur général d’Iliad, la maison mère de Free, a répondu mardi, lors de la présentation des résultats annuels, que le groupe « n’a pris aucune déci-sion. Le crédit à la consommation [que propose Free Mobile avec Cré-dit Agricole Consumer Finance, ndlr] n’est pas la bonne réponse pour

adresser ce marché subventionné, qui est la partie sur laquelle nous avons le moins réussi. On y travaille, on a quelques idées. »

un changeMent radical de philosophieCe serait un changement radical

de philosophie par rapport à celle exposée encore dans le rapport de gestion 2012 qu’Iliad vient de publier, à savoir que, « dans une

logique de transparence et afin de permettre à ses abonnés de choisir librement le forfait de leur choix avec le téléphone de leur choix, le téléphone est vendu séparément du forfait ».

Déjà, en janvier dernier, Xavier Niel avait exprimé le regret de « ne pas avoir réussi à convaincre les Français qu’un mobile subven-tionné coûte, au bout du compte, plus cher qu’un mobile acheté nu, sans abonnement ». Un aveu d’échec confirmé par la perte de

son procès contre SFR, qu’il accu-sait de pratiquer du « crédit déguisé » dans certains forfaits…

« répondre d’une Manière Forte et rapide »Aux analystes, Xavier Niel a confié

mardi dernier que Free Mobile, qui a « raté le subventionnement, va répondre d’une manière forte et rapide, agressive, dans quelques mois » à ces besoins. Sinon, le nou-vel entrant est conscient de ne s’adresser « qu’à 25 % du marché », a-t-il reconnu. Or Free Mobile vise au-delà des 15 % de part de marché, qu’il pourrait atteindre fin 2013 ou début 2014, « à long terme » 25 % du marché, soit plus de 15 millions de clients mobiles.

Mais les subventions sont parfois ruineuses pour des smartphones haut de gamme (comme l’iPhone 5, vendu nu plus de 600 euros) et sont donc proposées en contrepar-tie d’une durée d’engagement pour amortir ce coût. Aux yeux des ana-lystes d’Oddo, la réponse de Free pourrait se concentrer sur le qua-druple play : la subvention des télé-phones pourrait être réservée aux abonnés ADSL à la Freebox, qui ont déjà un bon historique de paie-ment. Ce serait une façon de fidé-liser plus encore, mais aussi d’atti-rer de nouveaux clients vers son

offre ADSL tout en contenant l’impact sur les marges.

Free a déjà quasiment atteint l’équilibre au second semestre dans son business mobile. La moitié des 5,2 millions de clients mobiles recrutés en un an aurait souscrit à l’offre à 2 euros (gratuite pour les abonnés Freebox), qui est « un outil à la fois de conquête et de rétention », selon Maxime Lombardini. Ce der-nier a d’ailleurs insisté sur le fait que les offres de Free « ne sont pas des offres low cost : celles à 19,99 euros ont été un peu répliquées par la concurrence, mais ce sont les seules à être vendues à la fois en boutique et en ligne avec un vrai service client au téléphone ».

Proposer des subventions permet-trait aussi à Free de s’affranchir pour de bon de cette image low cost. q� Delphine cuny

Deux entrepreneurs de la Silicon Valley chercheraient à lever 27 millions de dollars pour mettre à flots Blueseed, leur projet de paquebot qui reproduirait au milieu des eaux internationales un écosystème favorable aux jeunes pousses.

Une Silicon Valley flottante au large de la Californieobtenir un visa de tra-vail aux États-Unis est pour le moins compliqué. Et si le Congrès américain réfléchit actuellement à permettre aux étrangers qui vou-draient fonder leur entreprise sur leur sol d’accéder plus facilement au précieux sésame, les conditions d’attribution du futur « visa entre-preneur » qui se dessine restent drastiques.

Confrontés à ce problème admi-nistratif qui limite le recrutement de talents étrangers, deux entre-preneurs de la Silicon Valley pro-posent une solution simple : s’ins-taller dans les eaux territoriales internationales, qui échappent au droit américain. Ils envisagent de jeter l’ancre à 12 miles nautiques de San Francisco.

Leur projet, baptisé Blueseed, consiste à recréer sur un navire de croisière – qui pourrait prendre la forme d’une île – tout l’écosystème favorable aux start-up. Ils accueil-leraient des entrepreneurs étran-gers à la tête de jeunes pousses en phase d’accélération. Ils trouve-raient sur le bateau des bureaux et des logements, mais aussi des cafés et des parcs.

le soutien de rolls-royce, l’un des 65 partenairesSelon le Los Angeles Times, Max

Marty et Prem Uppaluru cherchent à lever 27 millions de dollars pour donner le coup d’en-voi à ce projet en gestation depuis plus d’un an, qui a reçu l’appui de 65 partenaires : des incubateurs

du monde entier (États-Unis, Chili, Inde, Japon, Canada, Pays-Bas, Allemagne, Russie, Chine, Portugal , Pologne, Pérou, Royaume-Uni, Turquie, Espagne), quelques universités et… le moto-riste et constructeur de voitures de luxe Rolls-Royce. Il a en outre suscité l’intérêt de 368 entre-prises clientes potentielles.

Bien que la question de l’immi-gration soit au cœur de l’argumen-taire des deux porteurs du projet Blueseed, un tiers seulement de leurs clients potentiels considèrent la possibilité de s’affranchir des for-malités d’obtention d’un visa amé-

ricain comme un motif « déterminant » pour s’installer sur le bateau. C’est surtout la

promesse d’un environnement de vie et de travail favorable aux start-up et baigné de technologies qui motive les candidats, selon leurs déclarations à Blueseed. Sans oublier la possibilité de bénéficier d’un environnement réglementaire et législatif permettant de limiter les coûts.

Le loyer mensuel est de 1 200 à 3 000 dollars par passager, selon qu’on partage ou non sa cabine.

Le candidat type compte 2 ou 3 salariés et développe des logiciels – basés sur les réseaux sociaux ou dédiés au mobile – ou une plate-forme d’e-commerce. Il serait prêt

à embarquer immédiatement sur cette Silicon Valley flottante, ou sous trois à six mois. Il devra se montrer patient : Max Marty et Prem Uppaluru ne prévoient pas de hisser le pavillon avant le deu-xième trimestre 2014.

Un quart des start-up prêtes à lar-guer les amarres sont actuellement basées aux États-Unis et 10 % en Inde, selon Blueseed, qui recense des demandes d’information pro-venant de 66 pays. Le projet aurait ainsi séduit une vingtaine de jeunes pousses au Royaume-Uni tout comme au Canada et une dizaine en Espagne, en Australie, en Alle-magne, en Chine et au Brésil. Huit entreprises françaises seraient éga-lement sur les rangs. q

perrine créquy

la révolution>>

Au-delà des 15 % de part de marché qu’il pourrait atteindre fin 2013, Free Mobile vise « à long terme » 25 % du marché, soit plus de 15 millions de clients. [KENZO TRIBOUILLARD/AFP]

les amarres>>

« Le mérite de Free, c’est d’avoir réussi à faire baisser sensiblement le prix des forfaits chez la concurrence. Grâce à Free, je bénéficie d’un forfait tout illimité à 19,90 euros chez Sosh, réseau Orange et service client Orange. Un smartphone acheté nu avec ce type de forfait vous fait économiser en moyenne 300 euros sur les vingt-quatre mois théoriques d’engagement chez les opérateurs voleurs. » ( Jérôme

LU SUr LE SitE

Le buzz 11VENDREDI 22 MARS 2013 LA TRIbuNe

Le président de la République souhaite que le modèle EADS soit reproduit pour d’autres secteurs économiques. L’Élysée semble séduit par l’idée d’une stratégie énergétique européenne commune.

François Hollande voit des EADS partout…Lors de La signature lundi matin à l’Élysée du contrat entre Airbus et la compagnie à bas coûts indonésienne, le chef de l’État français a souhaité que d’autres entreprises européennes sur le modèle EADS soient créées.

Il a précisé qu’il discuterait de ce sujet ce lundi à Berlin avec la chancelière allemande. « Notre ambition au plan européen, c’est non seulement de poursuivre la belle aventure d’EADS, mais éga-lement de concevoir d’autres EADS pour d’autres secteurs économiques avec nos parte-naires européens », a dit François Hollande.

« Ce soir, je serai avec la chance-lière d’Allemagne pour regarder ce que nous pouvons faire avec nos entreprises », a-t-il ajouté, en sou-haitant « que nous puissions avoir une ambition industrielle qui aille au-delà de l’aéronautique ».

« On réfléchit à d’autres EADS. C’est quelque chose dont on va par-ler dans les prochains mois et les prochaines années », explique-t-on dans son entourage. « Nous avons deux grands pays industriels avec des grands groupes. L’idée est de nouer des partenariats. »

Visiblement, des négociations ont déjà commencé. Si aucun des

projets en tête n’a été évoqué, le secteur de l’énergie revient sou-vent dans la bouche des proches du chef de l’État.

« L’énergie constitue un défi com-mun. C’est une problématique clé car les deux pays entament leur transition énergétique », explique-t-on à l’Élysée. Et de préciser : « Une politique énergétique com-mune sera l’un des quatre sujets abordés ce soir par François Hollande et Angela Merkel. »

Le chef de l’État et la chance-lière devaient également parler des questions de concurrence auxquelles font face les cham-pions européens face à des rivaux originaires de pays où les règles sont moins contraignantes, mais aussi de politique en termes de marché du travail et de formation, et enfin de politique d’innovation.

des « airbus » du navaL, du raiL, des téLécoms…Pas simple néanmoins de créer

des partenariats. En janvier 2009, le géant industriel allemand Siemens a par exemple brutale-ment claqué la porte d’Areva dont il détenait depuis 1999 quelque

34 % du capital de la filiale prin-cipale (Areva NP) qui fabrique les réacteurs nucléaires.

En outre, les propos de Fran-çois Hollande interviennent à peine six mois après des diver-gences étalées sur la place publique entre Paris et Berlin sur, justement, l’avenir d’EADS. L’Allemagne a en effet torpillé le projet de fusion entre EADS et le Britannique BAE Systems.

Depuis la création d’EADS en 2000, plusieurs projets du même type ont été maintes fois évoqués. En 2004, il a été question d’un « Airbus du naval », avec le rap-prochement des principaux acteurs (HDW, DCN et Thales).

En 2010, le secrétaire d’État aux Transports, Dominique Busse-reau, voulait créer un « Airbus du ferroviaire ». L’idée : face à la montée en puissance de la Chine dans le ferroviaire et ses ambi-tions à l’export, les sociétés euro-péennes doivent coopérer pour répondre aux appels d’offres étrangers. « Je plaide, à l’avenir, pour des rapprochements entre les sociétés et les constructeurs euro-péens », disait-il, prônant la mise en place d’un TGV européen ou d’un travail en commun entre Sie-mens et Alstom. q Fabrice Gliszczynski

Arnaud Montebourg a annoncé cette semaine un plan de 100 millions d’euros pour soutenir le secteur robotique français.

Vive la « robolution » !voiLà une révoLution que la France ne veut pas manquer. Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, s’est voulu très offensif sur ce thème lors de sa visite cette semaine au salon Innorobo à Lyon. Il a annoncé un plan de 100 millions d’euros pour soutenir ce secteur qu’il juge prometteur. L’ambition du chantre du made in France est de faire de l’Hexagone un leader mondial du secteur à l’hori-zon 2020.

Pour le ministre, la robotique va créer des « centaines de milliers d’emplois ». « J’ai bien l’intention qu’on les crée en France », a-t-il ajouté. D’après lui, la France a accumulé du retard en la matière. L’Allemagne disposerait d’un parc de 100 000 robots, contre 35 000 dans l’Hexagone.

L’avenir des robots réside moins dans les appareils ménagers ou les machines-outils industrielles que dans les humanoïdes. Leur champ d’application va de la sécurité à l’accompagnement de personnes dépendantes en passant par l’édu-cation et les missions militaires. Si la France accuse un certain retard, elle ne part pas non plus de zéro.

nao est capabLe de conduire une voiture !Un tissu de start-up innovantes

a émergé dans ce secteur. Cha-cune d’entre elles a su développer des compétences et un savoir-faire précieux en matière de robo-tique humanoïde. La plus connue

de ces start-up s’appelle Aldebaran Robotics, avec son robot Nao. Ce dernier est capable de marcher, jouer, danser et même conduire une voiture. C’est le robot huma-noïde le plus vendu au monde avec 2 500 exemplaires en service… à 12 000 euros pièce. Des centres de recherche du monde entier se sont emparés du robot Frenchy pour développer de nouvelles fonction-nalités. De son côté, Cyberdroïd, une PME limougeaude, a déve-loppé la partie intelligence artifi-cielle de son humanoïde Ariell. Haut de 1,40 m, il comprend et voit tout ce qu’on lui dit…

Enfin, The Robot Studio s’est illustré en présentant un robot dont les articulations repro-duisent de manière confondante celles du corps humain. q nabil bourassi

la vision>>

R2D2>>

L’enquêteLA tRIBune VENDREDI 22 MARS 2013

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Le contexte Mi-avril, la direction de la Banque de France présentera aux syndicats le plan définitif de restructuration de l’établissement, annoncé en septembre 2012.L’enjeu La direction veut saisir l’opportunité des 5 000 départs en retraite, prévus d’ici à 2020, pour moderniser le réseau de cette institution bicentenaire, dont les charges d’exploitation sont régulièrement pointées du doigt par la Cour des comptes.

Christine Lejoux

L’ambiance n’est pas à la fête à la Banque de France. Mi-avril, les syndicats et la direc-tion de la vénérable

institution se retrouveront de nou-veau autour d’une table, pour discuter du plan de restructuration du réseau, annoncé en sep-tembre 2012 et dont les représen-tants du personnel ne com-prennent « ni l’urgence ni le caractère radical ». « Le gouverneur [de la Banque de France, Christian Noyer, ndlr] aura arrêté la liste des fermetures d’implantations territo-riales, dont certaines interviendront dès juillet. Nous serons alors défini-tivement fixés sur l’ampleur de la restructuration », indique un syn-dicaliste. Tout en évoquant de « possibles ajustements à la marge », les élus du personnel ne se bercent guère d’illusions.

Le plan qui leur avait été présenté le 21 septembre dernier prévoit la fermeture d’une soixantaine de bureaux d’accueil et d’information du public sur les 85 que compte la Banque de France dans l’Hexagone. Parallèlement, le nombre de caisses, où s’effectue le traitement des bil-lets, sera ramené de 72 à 32. L’ob-jectif : réduire de 30 % environ, à 4 200 ou 4 600, le nombre d’agents qui travaillent au sein du réseau. Actuellement, les 6 300 agents du réseau représentent près de la moi-tié de l’effectif global de la Banque

de France, qui comprend quelque 13 000 employés. Le siège social, lui, n’en compte « que » 5 000, l’Au-torité de contrôle prudentiel (ACP) – chargée de surveiller les banques et les assureurs –, 1 000, et l’activité de fabrication des billets, 1 000 également.

Ce plan de restructuration est jugé « drastique » par l’intersyndicale de la Banque de France, et d’autant plus incompréhensible que la vieille dame portée sur les fonts baptis-maux par Napoléon Bonaparte en 1800 est en pleine forme. De source syndicale, « la Banque », comme on la nomme en interne, devrait de nouveau publier – jeudi 28 mars – de très bons résultats annuels, après le bénéfice brut de 5,65 milliards d’euros dégagé en 2011, qui avait constitué un record historique pour l’établissement.

concurrence accrue au sein de L’eurosystème« Ce plan de restructuration

n’obéit qu’à une logique financière consistant à renflouer un État impécunieux », gronde un syndi-caliste. Aussi excessif soit-il, le propos contient peut-être une part de vérité. Depuis le redresse-ment de ses comptes, en 2004, la Banque de France est devenue une poule aux œufs d’or pour l’État, son actionnaire à 100 %. En 2011, elle lui a versé pas moins de 3,4 milliards d’euros, dont 2 mil-liards au titre de l’impôt sur les sociétés et 877 millions d’euros de

dividendes. Et, de fait, en présen-tant le plan de restructuration, en septembre dernier, Christian Noyer avait insisté sur la néces-sité, pour la Banque de France, « de minimiser les coûts des ser-vices rendus, [coûts] qui pèsent sur la collectivité nationale ».

Mais c’est avant tout un véritable choc démographique qui est à l’ori-gine de ce projet de restructura-tion. D’ici à 2020, la Banque de France verra 5 000 de ses agents partir à la retraite, soit près de 40 % de ses effectifs ! Et, sur ces 5 000 départs, 41 % concerneront des agents du réseau. L’occasion ou jamais, en ne remplaçant qu’un départ sur deux, de moderniser une institution bicentenaire dont

le coût de fonctionnement est régulièrement pointé du doigt, notamment par la Cour des comptes. Auteur d’un rapport en  forme de réquisitoire en

mars 2005, celle-ci était revenue à la charge en février 2012, estimant que, « malgré une croissance globa-lement contenue sur la période 2003-2009, les charges d’exploita-tion de la Banque demeurent à un

niveau élevé, à un peu plus de 1,9 milliard d’euros en 2010 ». Un montant constitué à plus de 70 % par les charges de personnel. « La Banque de France a restructuré son

réseau entre 2004 et 2006, recon-naissent les sages de la Rue Cambon, mais il n’en est pas moins encore très vaste, car il com-prend près d’une succursale par

département, avec une activité et une productivité variables selon les implantations. »

Si les charges opérationnelles de la Banque de France tracassent la Cour des comptes, c’est d’abord en

RéoRganisation La réduction des coûts engagée par la Banque inquiète les syndicats, qui y voient une menace pour ses missions de service public.

Banque de FRance : l ’heuRe de la RigueuR

Christian noyer, gouverneur de la Banque de France, présentera en avril la liste des fermetures d’implantations territoriales. Dans la ligne de mire, les bureaux visités par moins de 1 000 personnes par an. [Manuel Cohen/aFP]

«Ce plan a des conséquences

négatives pour les usagers alors que la Banque fait des bénéfices élevés. »MiCheL FeLCe, élu au Conseil général de la banque

«La Banque se désengage de ses

missions de service public. Pour preuve, son absence lors de la réflexion sur la BPI. »Denis DuranD seCrétaire général de la Cgt banque de FranCe

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depuis le redressement de ses comptes en 2004, la Banque centrale est une poule aux œufs d’or pour l’État.

20 ans de baisse d’effectifs

de 1993 à 2003 Quand Jean-Claude Trichet était gouverneur de la Banque de France, les effectifs de l’institution avaient déjà été ramenés de 16 500 à 14 000.

au 31 décembre 2011 la Banque de France comptait 13 025 agents d’équivalents temps plein.

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L’enquête 13VENDREDI 22 MARS 2013 LA tRIBune

raison de la crise des dettes souve-raines, qui sévit depuis 2010. En effet, dans le cadre de son apparte-nance à l’Eurosystème – l’autorité monétaire de la zone euro, qui regroupe la Banque centrale euro-péenne (BCE) et les banques cen-trales des pays de l’Union euro-péenne ayant adopté l’euro –, la Banque de France a participé aux interventions exceptionnelles d’achats d’obligations de pays en difficulté. Or ces achats peuvent engendrer des revenus ou… des pertes. Face à cette dernière éven-tualité, « une augmentation des fonds propres [de la Banque de France] s’impose », conseillait la Cour des comptes dans son rapport de février 2012. Et d’ajouter : « L’ef-

fort devra être partagé entre l’État, qui devra accepter des dividendes moins généreux, et la Banque de France, qui devra accroître la maî-trise de ses charges d’exploitation. »

Une maîtrise rendue également nécessaire par la concurrence crois-sante entre les banques centrales membres de l’Eurosystème. « Cette organisation évolue d’un modèle où les décisions prises en commun étaient mises en œuvre par chacune des banques centrales nationales vers un modèle plus intégré où la mise en œuvre est effectuée, pour certaines activités, par quelques banques centrales seulement. Cette spécialisation [doit] contraindre la Banque de France à défendre ses intérêts propres […] en formulant des

offres de services compétitives », écrit la Cour des comptes. De fait, la Bundesbank, qui ne gérera plus que 31 caisses de traitement de la monnaie en 2017, alors que l’Alle-magne compte 15 millions d’habi-tants de plus que la France, appa-raît autrement plus légère que la Banque de France sur le plan de la structure de ses coûts.

Supprimer leS bureaux leS moinS viSitéSSi cette dernière, et plus précisé-

ment son réseau, doit se modifier, c’est également parce que « la den-sité des tissus d’entreprises évolue [et que] la géographie du surendet-tement change », argumente la direction de la Banque de France.

Autrement dit, qu’il s’agisse de la médiation du crédit pour les PME ou du traitement du surendette-ment des particuliers, il est des villes où la présence de la Banque de France ne se justifie apparem-ment plus, ou en tout cas beaucoup moins. Devraient ainsi disparaître les bureaux d’accueil et d’informa-tion visités par moins de 1 000 per-sonnes par an. D’autant que « les technologies actuelles permettent d’envisager d’autres relations avec nos interlocuteurs, comme la télé-transmission de dossiers de suren-dettement », insiste la Banque de France.

Quel avenir pour la médiation du crédit ?Des propos qui font bondir cer-

tains syndicalistes : « Les personnes surendettées ne sont pas celles qui ont accès le plus facilement à Inter-net ! Aujourd’hui, elles peuvent se rendre dans nos bureaux d’accueil et d’information. Si demain cela n’est plus possible, c’est l’accès à un service public qui sera mis en dan-ger. » Plus globalement, les syndicats l’assurent : ce ne sont pas tant les suppressions de postes qui les inquiètent que le risque que fait planer le projet de réorganisation de la vénérable institu-tion sur « les entreprises et sur nos concitoyens ». « Pourquoi réduire les effectifs alors qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’on dote la Banque de France d’une nouvelle mis-sion ? », s’étrangle un autre élu du personnel. De fait, le futur fichier positif, qui recensera l’ensemble des crédits des particuliers, sera géré par la Banque de France. Laquelle s’était déjà vu confier en 2010 la surveillance des banques et des assureurs, via l’Autorité de contrôle prudentiel, et, deux ans plus tôt, la médiation du crédit pour les PME.

Justement, les syndicats s’inter-rogent sur le devenir de cette acti-vité gérée depuis 2008 par les 105 directeurs départementaux de la Banque de France. Ces média-tions départementales ont instruit pas moins de 16 000 dossiers, ce qui a permis le déblocage de 1,8 milliard d’euros de crédits et, partant, la préservation de 170 000 emplois. « L’exercice de nos missions confirme la nécessité d’un réseau dense de succursales de la Banque de France pour l’efficacité de l’économie nationale et locale », insistent les syndicats.

Selon eux, le plan de restructura-tion du réseau ne devrait pas être sans conséquence non plus sur l’activité de cotation des entreprises. Nombre de PME et d’ETI (entre-prises de taille intermédiaire) béné-ficient en effet d’une évaluation gratuite de leur équilibre financier par la Banque de France, qui leur attribue une cotation, un peu à la manière des agences de notation Moody’s ou Standard & Poor’s, payantes, elles. Cotation qui condi-tionne l’accès de ces entreprises au crédit bancaire. Or le projet de réor-ganisation « pourrait conduire à une moindre fiabilité des cotations. Ce qui serait lourd de conséquences pour les entreprises, dont les conditions d’ac-cès au crédit sont directement liées à cette cotation », souligne le cabinet Secafi, mandaté par les syndicats de la Banque de France, dans un rap-port remis lors du comité central d’entreprise extraordinaire qui s’était déroulé les 29 et 30 janvier.

De la même façon, avec la ferme-ture programmée d’une soixan-taine de bureaux d’accueil sur 85

d’ici à 2020, les services aux particuliers suren-dettés pâtiront eux aussi du plan de restructura-tion de la Banque de France, s’inquiète l’inter-syndicale. Rééchelonne-ment de dettes, mora-toires, effacement partiel de l’ardoise, etc. : en 2011, près de 232 000 dossiers d e s u re n d ett e m e n t avaient été déposés auprès de la Banque de

France, en hausse de 8 % par rap-port à 2010. Compte tenu de « la situation de crise dans laquelle est plongé le pays, le nombre de per-sonnes ne pouvant plus honorer leurs remboursements de prêts […] risque d’augmenter, dans les pro-chaines années », souligne le cabi-net Secafi. Qui se demande donc si la réorganisation de la Banque de France permettra de « préserver la qualité du service ».

« La réforme veillera à protéger les particuliers et les entreprises et à maintenir un lien étroit entre ces publics et la Banque de France », assure la direction. Comment ? « Dans le domaine du surendette-ment, par exemple, la Banque de France opère depuis des années avec des travailleurs sociaux. À la base, ces derniers n’ont pas vocation à trai-ter le surendettement, mais il est possible de les y former », souffle une source interne. Pas sûr qu’une telle suggestion diminue les puissants réflexes corporatistes de la Banque de France. q

RéoRganisation la réduction des coûts engagée par la banque inquiète les syndicats, qui y voient une menace pour ses missions de service public.

Banque de FRance : l ’heuRe de la RigueuR

232 000c’est le nombre de dossiers de surendettement déposés auprès de la banque de France en 2011, en hausse de 8 % par rapport à 2010.«Notre responsabilité est

double : remplir nos missions avec un maximum d’efficacité et participer à l’effort national de rationalisation des dépenses publiques. »Christian noyer, gouverneur de la Banque de France, le 16 octoBre 2012

«Cette réforme est inhumaine.

[Elle présente un] danger lié aux risques psychosociaux dans les succursales. »Laurent Quinet, secrétaire (cFe-cgc) du comité d’entreprise

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Les syndicats se mobilisent (ici à nice en février dernier) contre la suppression annoncée d’une soixantaine de bureaux d’accueil et d’information du public sur les 85 que compte la Banque de France à travers l’hexagone. [REUTERS/ÉRic GaillaRd]

entreprises & innovation14La triBUne VENDREDI 22 MARS 2013

Le concept Distripolis de Geodis combine tricycles électriques et « bases logistiques urbaines écologiques ». [Geodis]

À Paris, Sofrilog a opté pour les véhicules légers de 750 kg à une tonne. [sofriloG]

Pour livrer en ville (ici à Orléans), le groupe Deret a mis en service 56 camions électriques jusqu’à 12 tonnes. [Groupe deret]

Les solutions au casse-tête de la livraison urbaineÉcolo Organiser des tournées en véhicules électriques à partir d’entrepôts en proche périphérie ou même dans l’hypercentre devient le leitmotiv des professionnels de la logistique. Mais la rentabilité de ce modèle n’est pas encore au rendez-vous…

Erick HaEHnSEn

l’hypercentre urbain, nouvel eldorado des acteurs du transport et de la logistique ? Certains y croient. Et

c e , m a l g r é l e s m u l t i p l e s contraintes liées à la livraison en ville comme, entre autres, la rareté et le prix très élevé des aires de stockage : de 80 à 130 euros par mètre carré et par mois en proche périphérie ou en centre-ville, contre de 42 à 52 euros en loin-taine banlieue ou en région. En outre, les politiques environne-mentales des municipa-lités visent à réduire à la fois la pollution de l’air et la congestion du trafic urbain… tout en rédui-sant la largeur de la chaussée et les horaires de livraison autorisés. Dur, dur de faire passer en ville un 3,5 t ou un semi-remorque !

Pas étonnant donc que le coût du « dernier kilo-mètre » s’envole, à près de 20 % du coût total du transport, d’après une étude du CNRS-LET (Laboratoire d’éco-nomie des transports) de Lyon. Pour le réduire, des opérateurs comme Deret, Chronopost, Geo-dis, Sofrilog, Sogaris ou Vert chez vous expérimentent en grandeur nature de nouveaux modèles éco-

nomiques. Lesquels s’appuient sur des entrepôts avancés en proche banlieue ou en hypercentre aux-quels s’ajoutent des véhicules uti-litaires légers, parfois électriques, voire des tricycles électriques.

Parmi les pionniers, Sofrilog est un réseau de logisticiens qui, fort d’une activité historique de com-missionnaire de transport, s’est diversifié en 2009 dans le transport à la demande de certains de ses clients. « Depuis lors, nous avons deux créneaux : l’intercité et la dis-tribution urbaine. Cette dernière est non seulement rentable, mais sur-tout en forte croissance », explique

Sébastien Bossard, direc-teur commercial de Sofri-log (85 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011, 550 salariés), qui rassemble 44 entrepôts sur le territoire, stockant 1  400 000 m3, entre a u t r e s à R u n g i s (6 0   0 0 0 m 3) , Vi t r y (50 000 m3), Marne-la-Vallée (90 000 m3) et Trappes (90 000 m3). « Nous avons même, pré-cise-t-il, un plan de

déploiement national pour les trois années à venir en faveur de la distri-bution urbaine de colis. Dans ce but, nous utilisons des véhicules légers de 750 kg à une tonne. » Un premier pas vers une distribution allégée.

Mais le vrai tournant est écolo-gique. À cet égard, le groupe Deret

(170 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012 avec 1 700 per-sonnes), basé à Orléans, mise dès octobre 2009 sur des entrepôts cette fois-ci non pas en périphérie mais en hypercentre urbain. Et, dans la foulée, sur des véhicules électriques. « En 2009, nous avons voulu revoir notre façon de distri-buer les marchandises sur palettes, rolls et cintres. Nous avons alors pris la décision de refondre nos plans de transport en accord avec nos clients, expose Jean-Luc Four-nier, directeur de la communica-tion du groupe Deret. Nous avons élaboré une solution novatrice de distribution urbaine qui devrait faire école : l’utilisation d’une flotte de camions électriques pour desser-vir les plus grandes villes de France à partir d’entrepôt de proximité. »

Des 12 tonnes Électriques sillonnent les villesLe groupe a alors mis en service

pas moins de 56 camions élec-triques. Dont des camions de 5,5 t construits par Modec (repris par Navistar) et d’autres, de 10 et 12 tonnes, du constructeur Smith. Cette flotte électrique est complé-tée par des poids lourds hybrides pour le fret en amont. Le groupe ne s’est pas arrêté en si bon che-min puisqu’il en a profité pour ouvrir simultanément 24 entre-pôts de proximité de 500 à 800 m2. Dont un qui se trouve sur la Presqu’île de Lyon, en pleine

zone urbaine dense. « Ces entre-pôts servent au tri et au transfert de marchandises, la nuit. Pas au stockage des produits, pour l’ins-tant… sauf pour le stockage de consommables, par exemple, pour l’emballage », précise Jean-Luc Fournier.

De son côté, la société d’économie mixte Sogaris (48 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011, 70 per-sonnes) développe un concept de distribution urbaine qui se décline en trois approches. À commencer par ses « portes d’entrée logis-tiques », à savoir des plates-formes de plusieurs bâtiments comme celle de Rungis (210 000 m2), par-tagée avec 80 clients et connectée au chemin de fer, à l’autoroute A86 et bientôt à la ligne T7 de tramway. « Dans l’immédiat, il s’agit de faci-liter la venue des 2 000 salariés mais, à terme, nous pourrons peut-être transporter du fret par le tram… », prévoit Christophe Ripert, directeur immobilier de Sogaris.

Viennent ensuite les hôtels logis-tiques, constitués d’un seul bâti-

ment implanté en partie dense de l’agglomération. Première opéra-tion, prévue pour ouvrir fin 2016, Chapelle International devrait installer un bâtiment de 43 000 m2 d’un côté ou de l’autre du périphé-rique nord de Paris. « Cet hôtel bénéficiera d’un embranchement au

chemin de fer et à la route. Une surface de 26 000 m2 sera consacrée à la logis-tique, avec des surfaces de 500 à 3 000 m2 qui seront commercialisées auprès de transporteurs-logisticiens. Lesquels organiseront leur distribution en véhicules électriques, précise Chris-tophe Ripert. Le reste de la

surface sera consacré principale-ment à un data center [centre de données informatiques], ainsi que, sur 3 000 m2, à des activités de bureau liées à la logistique et au data center. »

un espace De transit Dans chaque arronDissementDans le même esprit, le groupe

d’immobilier logistique cherche à développer un autre projet d’hôtel dans le sud de Paris ainsi que sur le canal Saint-Denis, qui irrigue les autres canaux parisiens.

Pour aller plus loin, Sogaris vient, après six mois de travaux dans un ancien parking, d’aménager un espace logistique urbain de 3 000 m2 sous la dalle du quartier Beaugrenelle, dans le 15e arrondis-

le projet de lignes de « tramfret » expérimenté actuellement à paris est une première en europe.

20 %du coût total du transport revient à la logistique du « dernier kilomètre », d’après une étude du laboratoire d’économie des transports.

entreprises & innovation 15VENDREDI 22 MARS 2013 La triBUne

sement de Paris, en front de Seine. Loué pour une durée de douze ans par Chronopost, cet espace de tran-sit de marchandises est le premier de toute une série d’entrepôts en hypercentre. « Tous les matins, deux à trois camions livrent de 60 à 80 m3 de colis et de plis. Nous organisons une centaine de tournées de livrai-sons par jour dans le 15e arrondisse-ment parisien avec une dizaine de véhicules électriques de chez Goupil, Muses, PSA et Renault, indique Christian Ripert. Nous voudrions déployer de tels centres dans chaque arrondissement. C’est notre axe de développement prioritaire. »

À terme, transporter du fret par le tramway ?De son côté, Geodis pilote une

flotte de 92 véhicules électriques, à savoir des utilitaires jusqu’à une tonne et des tricycles jusqu’à 200 kg, dans 57 villes de France. « Les utili-taires ont été conçus en collaboration avec nos conducteurs. Lesquels ont travaillé avec le loueur Fraikin et le constructeur-carrossier Gruau sur la base d’un Fiat Ducato », détaille Bruno Mandrin, directeur de la messagerie express de Geodis qui, avec son concept Distripolis, com-bine ces véhicules électriques à des

« bases logistiques urbaines écolo-giques » (Blue). « Nous avons une demi-douzaine d’entrepôts Blue de 250 à 350 m2 pour le transit de fret, le stationnement sécurisé et la recharge électrique des véhicules à Paris, Strasbourg, Lille, Toulouse et Versailles. À Paris, nous livrons ainsi 1 000 colis par jour. À ce niveau-là, nous quittons l’expérimental pour entrer dans l’industriel… »

Néanmoins le spécialiste de la chaîne logistique, qui a pourtant convaincu des chargeurs dans les secteurs de la santé, de la cosméto-logie et des produits pour la jeu-nesse, considère que la livraison propre en ville peine à trouver sa rentabilité. « Les véhicules élec-triques reviennent 1,8 fois plus cher que leurs homologues thermiques, notamment en raison du prix des bat-teries au lithium », insiste Bruno Mandrin. Cependant, Geodis rédui-rait cet écart de 80 % à 20 %. Entre autres, grâce à la mise à jour perma-nente de sa base de données Geodri-ver-Copilote, conçue avec PTV Group et IER (Bolloré), qui accroît la productivité de la livraison en géolocalisant les adresses de livrai-son (65 millions d’adresses). Sur-tout, l’application mémorise les spécificités liées au destinataire :

monter à l’étage sans ascenseur, livrer au voisin avec mandat, livrer uniquement le matin, etc.

Autre alternative aux camions thermiques, le transport de mar-chandises par tramway. Une expé-rimentation pilotée par l’Apur (Ate-lier parisien d’urbanisme) a justement été menée à Paris en 2011 en partenariat avec la RATP. Objec-tif : tester la faisabilité de ce mode de transport avec des rames de

tramway dédiées, sans entraver le transport des voyageurs. Une fois cette phase validée, les promoteurs du projet ont lancé une étude de fai-sabilité auprès de chargeurs. Casino et Carrefour se sont portés volon-taires. Les résultats de l’étude, menée par le cabinet Jonction, seront connus fin mars 2013. S’il se révèle faisable, le projet pourrait passer à l’étape du démonstrateur. Il s’agira alors d’une première en

Europe. Car, jusqu’à présent, les lignes de « tramfret » en service à Dresde (Allemagne) et Zurich (Suisse) sont monochargeurs. q

La péniche, véritable entrepôt urbain itinérantFondée par des dirigeants de sociétés de transport et de logistique (Erik Orliaguet, PDG du Groupe Tendron, André Labatut, dirigeant du Groupe Labatut, et Gilles Manuelle, créateur de La Petite Reine, une des premières entreprises de livraison en vélos électriques), la société Vert chez vous annonce la couleur : proposer aux chargeurs (les entreprises clientes des transporteurs) de livrer leurs marchandises à Paris selon un mode particulièrement écologique. En effet, depuis le 2 mai 2012, la start-up combine une péniche-entrepôt et une flotte de vélos élec-triques utilitaires (VEU) pour parcourir le dernier kilomètre de la livraison dans Paris.

Véritable entrepôt urbain itinérant, la péniche se déplace le long de la Seine sur une dizaine d’escales et accueille 18 VEU capables de transporter chacun 2 m3 de mar-chandises. « Chaque VEU sortira 4 fois par jour. Avec 18 vélos, notre potentiel de mar-chandises transportées est alors de 144 m3 par jour, soit l’équivalent de 14 tonnes », explique Gilles Manuelle, directeur de Vert chez vous. Pour augmenter ce tonnage, ainsi que le nombre de VEU, Vert chez vous, qui est labellisé par les pôles de compétitivité Nov@log et Advancity, mène un projet de recherche sur une nouvelle génération de bateau-entrepôt pouvant gérer 30 VEU. q

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La première péniche-entrepôt de Vert chez vous se déplace le long de la Seine pour une dizaine d’escales. [Vert Chez Vous]

15 % des déplacements en villeLe transport et la logistique pèsent 710 milliards d’euros en Europe, soit 8 % du PIB de la zone, et génèrent 5 millions d’emplois. En France, ce marché représente 120 milliards d’euros, selon une étude du Centre d’analyse stratégique. La part de la logis-tique urbaine est appelée à se développer avec la croissance de l’e-commerce. Aujourd’hui, elle repré-sente de 9 à 15 % des déplacements en ville.

livrer en baskets Pour limiter l’impact environnemental des livraisons urbaines, l’association Alud livre les habitants de Belleville, à Paris… à pied ! Pour ce faire, ses trois livreurs en baskets collectent dans leur chariot les colis chez les commerçants. Les habitants ne déboursent que 2 euros pour ce service de proximité générateur de lien social et d’emplois.

affichage obligatoire des émis-sions de Co2 Dès le 1er octobre 2013, les entreprises facturant une prestation de transport devront indiquer le volume de CO2 émis quel que soit le mode de transport uti-lisé. Cette obligation devrait inciter le secteur à innover et à favoriser des modes non rou-tiers comme les voies fluviales et ferroviaires.

AvAnt lA route, le sAlonLa 30e édition de sItL, le Salon des solutions logistiques, se tiendra du 26 au 28 mars 2013 au parc des expositions Paris Nord Villepinte. www.sitl.eu

En savOir plUs

LA TRIBUNE VENDREDI 22 MARS 2013

TERRIToIREs / fRANcE16

Maillage En additionnant leur contribution à la réduction du déficit public au financement du crédit d’impôt compétitivité emploi, les collectivités vont voir baisser leurs dotations de 4,5 milliards entre 2013 et 2015. Dans la ligne de mire de Bercy, les communes et les intercommunalités dont les effectifs croissent trop. Mais peut-on couper les vivres à des structures qui assurent 75 % de l’investissement public ?

Jean-Pierre GonGuet

V ues de loin, de Bercy, de la Place Beauvau ou de la Rue Cambon, les communes fran-

çaises sont des anachronismes de gestion, des îlots de gabegie dans un monde de rigueur. Donc, depuis que l’on sait qu’il faut trou-ver 3 milliards d’euros supplémen-taires d’économies en 2014 et 2015 dans les collectivités, le bloc com-munal (les communes, les inter-communalités et les villes petites, moyennes et grandes) est devenu la cible idéale. Avec sa manne de 220 milliards d’euros, il est, de toute façon, dans la ligne de mire de Bercy depuis belle lurette.

Depuis 2005, par exemple, la Cour des comptes souligne avec une régularité métronomique des carences du système intercommu-nal : depuis la loi Chevènement de 1999, les communes engagées dans une intercommunalité devraient, avec les économies d’échelle induites, gérer bien mieux leurs investissements et leur masse salariale. Or rien n’ar-rive. Les magistrats de la Rue Cambon dénoncent « une mutua-lisation [qui] demeure encore embryonnaire, très sectorisée […]. Un constat d’autant plus préoccu-pant que le mouvement intercom-munal s’est traduit par une forte progression des dépenses de per-sonnel communautaires sans dimi-nution des dépenses des communes membres ».

Depuis 1999, il n’y a eu que Des eMbauchesNon seulement le mouvement

vers l’intercommunalité est lent (près de 3 millions de Français ne sont toujours pas dans une inter-communalité début 2013 alors que le territoire devrait être cou-vert début 2014 en dehors de l’Île-de-France), mais il est inflation-niste en termes d’effectifs. Les intercommunalités créent des emplois, et c’est logique puisque

les communes leur transfèrent des compétences. Les communes, elles, ne suppriment pas forcé-ment les effectifs correspondant aux compétences transférées et parfois même elles embauchent, pour la plus grande exaspération de Bercy !

C’est simple, bon an mal an, les effectifs de la fonction publique territoriale ont aug-m e n t é d e p r è s d e 3 5   0 0 0 p e r s o n n e s chaque année, de 2008 à 2010 (en dehors des transferts de personnels liés à la décentralisation du gouvernement Raffa-rin). Pas une seule st r u c t u r e p u b l i q u e locale n’a, selon l’Insee, perdu d’employé depuis 1999. Toutes ont embauché. Certes, on note que, dans les intercommunalités, la progres-sion en effectifs est moins forte que dans les communes qui sont restées isolées et que la part des salaires dans les premières est

nettement moins élevée que dans les secondes (21 % contre 54 %).

Mais les maires et présidents des intercommunalités ou des communautés de communes vont devoir faire un gros effort car il est incompréhensible que lorsque les dépenses des inter-communalités augmentent, celles des communes le fassent

également, comme c’est le cas depuis 1999.

Comme le dit un le patron d’une association d’élus, « on a un peu de retard à l’allumage, mais on ne mérite pas forcé-ment d’être couvert d’op-probre : le niveau des dépenses communales est resté constant depuis le début des années 1990

et nous sommes dans un monde de normes de plus en plus lourdes, dans un monde de dépenses contraintes ».

Jacqueline Gourault, sénatrice centriste (Modem), l’une des meilleures spécialistes du monde

touffu des collectivités locales, l’explique très bien. Elle est maire de La Chaussée- Saint- Victor (Loir-et-Cher) depuis 1989 : « Lorsque j’ai été élue, il y avait 48 personnes à la mairie. Aujourd’hui, il y en a toujours 48. Pourtant, nous avons fait la com-munauté de communes, puis une intercommunalité en 2001. On a énormément mutualisé, mais le personnel n’a jamais diminué à La Chaussée-Saint-Victor. La population est en effet passée de 3 200 à 4 400 habitants sous mon

mandat, nous avons ouvert trois classes de plus, la polyclinique de Blois s’est installée sur notre ter-ritoire, ce qui suppose des infras-tructures et du personnel – rien que pour cela j’ai deux personnes de plus à l’état civil –, nous avons à nous occuper de la jeunesse, etc. Les besoins de la population ont augmenté, on ne peut pas suppri-mer d’effectifs, impossible, on peut juste stabiliser ! »

« On est Obligé De créer Des eMplOis ! »Les crèches, la petite enfance,

c’est de la compétence des com-munes. Les maires, les présidents d’intercommunalités recon-naissent que, s’ils en ont trop fait avec les ronds-points ou les gen-darmes couchés, ils ne peuvent baisser les investissements pour les enfants ou les personnes âgées, bien au contraire.

Loïc Cauret, le maire socialiste de Lamballe, est un précurseur puisqu’il est à la tête de la seule intercommunalité des Côtes-d’Armor (et l’une des rares de Bre-tagne). Dix ans d’avance sur tout le monde. Mais il est passé de 250 à 480 emplois (à peu près 400 équivalents temps plein), « tout simplement parce qu’il y a 100 personnes du centre d’action sociale pour s’occuper de l’aide aux personnes âgées sur le territoire de toutes les communes et sur leur maintien à domicile, explique-t-il, avant de souligner : Il faut bien comprendre que les premières vagues de communautés de com-munes puis d’intercommunalités n’avaient pas pour but de faire des économies, mais de répondre à de nouveaux besoins. On est obligé de créer des emplois, car il faut répondre à des besoins qui ont changé et qui augmentent. Nous avons une population vieillissante dont il faut s’occuper. »

L’interrogation : comment les maires et les présidents des inter-communalités vont-ils s’adapter à la nouvelle donne ? Tomber dans la facilité est une hypothèse pos-sible. « Trois milliards supplémen-

Les collectivités locales bientôt au pain sec et à l’eau

35 000c’est, en moyenne, l’augmentation annuelle des effectifs de la fonction publique territoriale de 2008 à 2010.

À un an des municipales, pas question pour les maires de France de couper dans les dépenses sociales ou éducatives, auxquelles tiennent les électeurs. [ALAIN LE BOT/AFP]

«À quoi cela rime-t-il de

financer le crédit d’impôt en fermant le robinet des investissements ? »Jacqueline Gourault, sénatrice de Loir-et-cher

VENDREDI 22 MARS 2013 LA TRIBUNE

TERRIToIREs / fRANcE 17

taires [d’économies] sur deux ans, c’est énorme. On est encore tétani-sés par l’annonce, explique un élu qui était à la réunion avec Jean-Marc Ayrault lors du lancement du pacte de confiance États-col-lectivités, le 12 mars dernier. J’ai peur que les maires réagissent mal : ils ne couperont jamais dans les effectifs, surtout avec des élec-tions municipales l’année pro-chaine, et pas plus dans les dépenses sociales ou éducatives auxquelles l’électeur est sensible. Ils vont couper dans les subven-tions aux associations qui souffrent déjà terriblement, en particulier dans la culture depuis le début de l’année ; ils vont économiser 5 % sur leurs frais de gestion, mais sur-tout, ils risquent de couper dans ce qui ne se voit pas immédiatement, les investissements. C’est le plus facile, le plus tentant. Tout le monde est en fin de mandat, cha-cun va attendre 2014 sagement en se disant que, dans un an, on verra s’il faut éventuellement relancer les investissements… »

« Le probLème est dans Le timing »Et là, comme le dit Jacqueline

Gourault, on plong e dans l’ubuesque : « Les économies sup-plémentaires qu’on nous demande sont faites pour financer le crédit d’impôt aux entreprises. Mais à quoi cela rime-t-il de financer ce crédit d’impôt en fermant le robi-net des investissements ? 75 % de l’investissement public vient des collectivités, mais 80 % de ces 75 % viennent du seul bloc local, il ne faut pas y toucher. »

Michel Destot, député et maire socialiste de Grenoble, va plus loin. « J’ai calculé, explique-t-il, l’impact sur les investissements si le gouvernement donnait le même coup de rabot sans modulation de la baisse des dotations selon le niveau de collectivité. Près du tiers de la capacité d’autofinancement de la ville de Tourcoing (31,3 %)

disparaîtrait, la perte serait de près de 15 % des dépenses d’investisse-ment pour la ville de Nancy, ou un montant équivalant à 13 % du ren-dement de la taxe d’habitation manquerait à la Ville de Paris. Ce serait vraiment stupide, il faut absolument préserver nos capacités d’investissement. Je sais que le calcul peut mériter un peu plus de précisions, mais si le coup de rabot était donné de manière uniforme, on perdrait immédiatement

10 000 emplois dans le bâtiment, alors que les 3 milliards supplé-mentaires que l’on nous demande doivent stimuler l’emploi. Le souci est dans le timing : l’effort de mutualisation des services lié à l’intercommunalité n’a des effets sur l’emploi que très lentement, mais on nous demande une écono-mie immédiate. On ne peut virer personne dans la fonction publique territoriale et on ne supprimera pas non plus de services à la population

à la veille des municipales. Alors il va falloir être fin, prendre l’effort fiscal en compte et bien comprendre que toutes les collectivités ne jouent pas le même jeu, que cela doit être pris en compte pour le calcul du coup de rabot. Il y a par exemple des communes qui investissent et d’autres qui font du résidentiel… La possibilité de recourir à des emprunts à trente ou quarante ans pour financer nos investissements est une très bonne chose, puisque l’on va pouvoir réduire l’impact de ceux-ci immédiatement dans nos budgets. Mais combien de maires vont-ils le faire ? »

Le chantier vitaL de La péréquation financièreEn fait, après la charge au canon

de l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, annonçant la baisse non négociable des dotations aux col-lectivités, devrait succéder une période de broderie à l’ancienne. D’abord avec un gros effort de l’État. Gilles Carrez, le président UMP de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a demandé à Jean-Marc Ayrault que « les ministères arrêtent de sti-muler la dépense publique locale : depuis vingt ans, ils savent que les collectivités ont des marges et ils vont les trouver pour financer leurs politiques. Mais là, celles-ci n’en peuvent plus ».

Les collectivités sont de moins en moins maîtresses de leurs dépenses et sur chacune d’elles tombent chaque année des normes nouvelles. Les ponction-ner encore plus risque de les pri-ver de toute capacité de rebond d’ici deux ans, si jamais une brise de croissance se levait. Mais les élus vont aussi devoir forcer leur nature et, dans les quelques mois qui viennent, beaucoup dépendra de leur capacité à s’entendre sur un chantier vital pour eux, la péréquation financière. Le sys-tème actuellement en vigueur prend l’eau de toutes parts, et Jean-Marc Ayrault l’a mis sur la table des négociations.

Le bloc communal est en effet fortement dépendant de ce sys-tème car, sous des formes diverses, un peu plus de 9 mil-liards d’euros lui reviennent actuellement. C’est considérable, mais les maires ruraux ne demandent pas les mêmes cri-tères que les maires urbains : ces derniers sont divisés entre eux en fonction de l’effort fiscal de leurs communes, et les élus ne sont pas forcément unanimes entre les différentes strates. Pas facile. Mais pas autant que la réduction de la masse salariale, sur laquelle le gouvernement ne va pas les lâcher. Dès que les municipales seront passées… q

pacte de confiance Le 12 mars, Jean-Marc Ayrault a lancé « les travaux d’élaboration du pacte de confiance et de responsabilité » entre l’État et les collectivités locales promis par François Hollande à l’automne dernier. Le Premier ministre a annoncé le lancement de six

chantiers. Le premier concernera la baisse des dotations et leur répartition. Les autres porteront sur l’évaluation des charges qui pèsent sur les collectivités ; l’évolution des ressources ; la péréquation ; l’accès au crédit et l’avenir de la contractualisation entre l’État et les régions.

41,505 milliards de dotations en 2013Le montant total des dotations aux collecti-vités est de 41,505 milliards d’euros en 2013, dont 23,78 vont au bloc communal, 12,25 aux départements et 5,44 aux Régions.Réduire les dépenses ? Les Régions n’ont guère à donner ; les départements, qui assurent des dépenses sociales comme le RSA ou la dépen-dance, sont en majorité exsangues ; seules les communes, quel que soit leur niveau, ont encore « un peu de gras ». Mais le gouverne-ment avance avec une boussole dans le brouil-lard. D’ici peu, il va y voir un peu plus clair sur les effectifs, l’Insee devant enfin être capable de publier tous les trimestres un tableau des effectifs et de leur évolution dans les trois fonc-tions publiques. Des comparaisons public-privé seront enfin possibles.

Pour les questions financières, c’est en revanche très flou. L’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’admi-nistration ont été chargées d’une mission sur « la transparence financière des collectivités locales ».L’idée était de faciliter l’échange entre l’État et les collectivités, entre un État qui ne com-prend pas les procédures en particulier bud-gétaires des collectivités et ces dernières, qui se méfient du contrôle de Bercy ou de l’Inté-rieur. Le rapport et les propositions ont été rendus fin 2012, mais pour l’instant personne n’en a encore vraiment tenu compte. Quelques lignes dans l’acte de décentralisation, c’est tout. On se regarde toujours en chiens de faïence entre État et collectivités. q

FOCUS

Pour la construction du pont Chaban-Delmas, inauguré le week-end dernier, la communauté urbaine de Bordeaux a investi 101,73 millions d’euros. L’État est intervenu à hauteur de 18,29 millions, la Région, de 15,24 millions et le département, de 18 millions. [MEHDI FEDOUACH/AFP]

territoires / international18la triBUne VENDREDI 22 MARS 2013

Libre-service intégral, voitures électriques, applications pour smartphones… En Allemagne, les constructeurs automobiles multiplient les offres et les formules de voitures en autopartage pour mieux se concilier les faveurs des municipalités, arguments écologiques à l’appui. Premières villes visées : Berlin, Düsseldorf et Cologne.

La voiture en libre-service à la conquête des villes allemandesPauline Houédé, à Berlin

U ne déco récup, des tournois de tennis de table et des séances télé devant Tatort, la série poli-

cière qui cartonne outre-Rhin. Voilà l’équation marketing concoctée l’été dernier par Daimler, avec sa boutique éphé-mère ouverte dans le quartier jeune et bobo berlinois de Kreuz-berg, pour faire la promotion de son nouveau service d’autopar-tage Car2go dans la capitale allemande.

Le constructeur met le paquet pour séduire les Berlinois avec sa flotte de Smart bleu et blanc. Car à Berlin la compétition est rude. Les acteurs du marché lorgnent sa population jeune et non moto-risée. « Seulement 30 % des Ber-linois possèdent une voiture », explique Michael Fischer, res-ponsable de la communication de DriveNow, le service d’auto-partage proposé par BMW, en c o n c u r r e n c e d i r e c t e ave c Daimler.

Le Libre-service intégraL à partir de 2 eUrosDepuis l’arrivée des construc-

teurs automobiles, la capitale alle-mande connaît la plus grosse offre du pays, avec plus d’une dizaine d’entreprises dans la course : après BMW en septembre 2011 et Daimler en avril 2012, Citroën a débarqué à Berlin avec ses C-Zéro l’été dernier.

La formule des constructeurs est presque toujours la même : une voiture disponible en free floating, c’est-à-dire en libre-service intégral, par opposition au système de stations d é v e l o p p é p a r l e s acteurs déjà établis de l’autopartage, présents dans le pays depuis les années 1980.

Cette formule offre moins de contraintes, puisque le client gare son véhicule à l’endroit de son choix après utilisation. Chaque constructeur a conclu un partenariat avec un spécialiste en charge de la logistique (Europcar pour Daimler, Sixt pour BMW, Deutsche Bahn Rent pour

Citroën). Ils ont un prix iden-tique ou presque, à 29 centimes d’euro la minute, ou à partir de 2 euros les dix minutes pour Citroën. Et enfin, ils ont mis en œuvre des applications pour smartphones similaires, qui per-mettent de localiser la voiture disponible la plus proche.

Pendant longtemps, afin de mieux séduire les municipalités et les élus locaux, ce sont les

arguments écologiques qui ont prévalu : soula-ger le trafic urbain et réduire les émissions de CO2, libérer des places de parking. Mais s’il a p p a r t e n a i t e n c o re r é c e m m e n t à u n e niche,  le marché est aujourd’hui en plein boom et l’argument « style de vie » s’est imposé. « C’est devenu cool », résume Hannes

Beyer, chargé de projet chez Deutsche Bahn Rent, filiale de la compagnie ferroviaire active dans l’autopartage depuis 2001.

Pour les groupes automobiles, il s’agit de s’adapter aux pratiques

des consommateurs citadins qui renoncent à acheter un véhicule. Face aux opérateurs traditionnels comme Stadtmobil ou Flinkster – présent dans 140 villes alle-mandes –, les industriels peuvent s e p e r m e t t r e d ’e f f e c t u e r d’énormes investissements et de renoncer aux profits immédiats. « Nous avons besoin de temps, il faut deux à trois ans pour être ren-tables. Nous le sommes actuelle-ment dans trois villes [sur 18 dans le monde, ndlr] où nous avons lancé Car2go en premier », explique Andreas Leo, respon-sable de la communication du service autopartage chez Daimler.

citroën, premier sUr L’offre toUt éLectriqUeMis à part Berlin, c’est à Düssel-

dorf et à Cologne que la bagarre est la plus forte, avec la présence de BMW et de Daimler. Mais les Smart de Car2go circulent égale-ment dans les rues de Hambourg et de Stuttgart, tandis que BMW est présent à Munich et Volkswa-gen à Hanovre, son fief de Basse-Saxe. Si les groupes déclarent ne cibler que les grandes villes de

plus de 500 000 habitants, c’est qu’il faut beaucoup de clients pour faire fonctionner le business model du libre-service intégral, basé sur un nombre élevé de loca-tions. D’où l’importance de quadriller au mieux le territoire pour être disponible et repéré sur les smartphones d’un maximum de clients.

Car2go a aujourd’hui un avan-tage certain à Berlin, avec 1 200 véhicules, contre 600 pour BMW et 100 pour Citroën, et une couverture de 280 km2 quand les autres ne vont en règle générale pas au-delà de la ligne du S-Bahn (le RER berlinois) qui fait le tour du centre-ville.

Dès ce mois de mars, Citroën a augmenté sa flotte à 250 véhi-cules et compte la porter à 500 unités. BMW joue la carte des véhicules haut de gamme, avec des Mini Cooper et des BMW Série 1, plus spacieux que les Smart, limitées à deux places.

Mais, pour les villes allemandes, l’argument écologique n’est jamais loin : Daimler met en avant la faible émission de CO2 de sa Smart, tout comme Volks-

wagen avec sa Golf BlueMotion à Hanovre. Citroën a quant à lui devancé ses concurrents avec son offre exclusivement électrique. La riposte se prépare : Daimler a annoncé le lancement de 300 véhicules électriques à Stutt-gart, et en teste actuellement 16 à Berlin, quand BMW prévoit d’intégrer à sa flotte 40 véhicules électriques à Berlin et 20 à Munich au deuxième trimestre.

Un compLément aUx transports en commUnLes trajets restent courts – 7 km

en moyenne pour les Citroën électriques à Berlin –, avec un ou deux utilisateurs par voiture… Ces véhicules ne risquent-ils pas de voler des usagers aux trans-ports publics ? « Nous sommes plus complémentaires que concur-re n ts » , a f fi r m e - t - o n c h ez Daimler, tout comme chez BMW. « Nos clients peuvent par exemple décider d’utiliser Car2go la nuit lorsque le métro est fermé ou quand ils doivent effectuer trop de

changements de ligne pour atteindre leur destination et qu’un trajet direct en voiture semble plus pratique », argumente Andreas Leo, chez Daimler.

« On peut se demander si le sys-tème de free floating, utilisé pour des trajets très courts, soulage vraiment le trafic, avance de son côté Gabi Lambrecht, de la Fédé-ration allemande de l’autopar-tage. Nous craignons que les pié-tons ou cyclistes ne se mettent à utiliser eux aussi ces voitures. »

La fédération représente une centaine d’opérateurs, mais aucun constructeur. Tous fonc-tionnent selon le modèle concur-rent des stations, encore majori-taire en Allemagne. q

Plus besoin de chercher une place disponible dans une station : la nouvelle offre de libre-service permet aux conducteurs de laisser la voiture louée n’importe où en ville. [AdAm Berry/Getty ImAGes/AFP]

30 %des berlinois (seulement) possèdent une voiture. La capitale allemande est de ce fait au cœur de la bataille pour l’auto en libre-service.

«Il faut deux à trois ans pour

être rentables. Nous le sommes dans trois villes, où nous avons lancé Car2go en premier. »andreas leo, responsaBle de la communication autopartage chez daimler

nouveau et intéressant

territoires / international 19VENDREDI 22 MARS 2013 la triBUne

Au Tatarstan, les satellites collent des PVUne start-up russe a convaincu une région de s’équiper d’un système

innovant traquant les infractions routières depuis l’espace. Un remède radical pour lutter contre l’hécatombe et l’incivisme sur les routes russes.

EmmanuEl Grynszpan, à Moscou

Feinter les radars en ralentis­sant juste à leur niveau ne va bientôt plus « sauver » les

chauffards russes. La société russe Avtodoria a signé fin février un pro­jet pilote avec la république du Tatarstan (l’une des 83 régions de la Fédération de Russie) pour contrô­ler la vitesse des véhicules à partir d’un système coordonnant par satel­lite des caméras optiques fixées le

long des routes. Le géopositionne­ment des caméras permet de calcu­ler la vitesse moyenne d’un véhicule sur des distances allant jusqu’à 10 km.

Ce système, baptisé également Avtodoria, utilise le positionnement par satellite du Glonass (équivalent russe du GPS), localisant ainsi chaque caméra, puis retransmettant les informations vers un centre de traitement informatique. Selon ses créateurs, Avtodoria enregistre davantage d’infractions que les radars habituels, mais il est trop tôt pour établir des statistiques précises. Les blogs d’automobilistes passion­nés frémissent devant un système réputé indétectable par les « anti­radars » en vente libre en Russie.

Le vice­Premier ministre du gou­vernement local, Asgat Safarov, a indiqué que le système Avtodoria était exploité depuis le 1er mars 2013. Quatre chaussées sont déjà équi­pées et les amendes vont pleuvoir. Le gouverneur tatar n’a pas dévoilé

la longueur des routes concernées, mais il a déclaré son intention d’équiper complètement une voie fédérale de plusieurs centaines de kilomètres.

Une Femme de ministre parmi les actionnaires…Avtodoria est une société entière­

ment privée, mais l’un des action­naires (40 % du capital) est l’épouse du ministre des Télécommunica­tions russe, Nikolaï Nikiforov, qui a dans le passé occupé des fonctions importantes dans le gouvernement du Tatarstan. La société, qui va investir 500 000 euros cette année,

table sur un chiffre d’affaires annuel de 2,5 millions d’euros.

Le vice­Premier ministre russe, Igor Chouvalov, a donné sa bénédic­tion au système fin février et a indi­qué qu’il est question d’« inscrire le système Avtodoria dans la réglemen-tation routière et [de] permettre aux régions russes de s’en équiper si elles le souhaitent ».

De fait, les responsables russes semblent décidés à prendre des mesures drastiques pour limiter la vitesse et faire cesser l’hécatombe sur les routes, où les comporte­ments sont trop souvent peu civili­sés. Les dépassements par la droite

et la circulation à pleine vitesse sur les voies d’arrêt d’urgence sont mon­naie courante. De plus, le revête­ment des chaussées laisse beaucoup à désirer, quand il n’est pas recou­vert par de la glace.

Comme en France, la peur du gen­darme fonctionne aussi en Russie. Mais les gendarmes russes ont la réputation d’accepter très facile­ment – quand ils ne l’exigent pas – un bakchich pour annuler les PV. Pour mettre au pas les chauffards, il faudra donc sans doute compter sur les systèmes automatisés, sans intervention du « facteur humain », du type d’Avtodoria. q

Verbaliser plus de chauffards grâce aux satellites, c’est aussi un moyen pour les autorités russes d’amortir le coûteux Glonass, le Gps russe. [Alexey MAlgAvko/AFP]

Bruxelles corrige le tir sur les essais cliniques

o n ne délocalise plus seulement les chaînes de montage automobile et les hauts­fourneaux. La recherche aussi s’exile. Pas loin d’un demi­million d’Européens participent chaque année

à des essais cliniques pour le lancement de nouveaux traitements médicaux, le plus souvent à la faveur d’un séjour à l’hôpital. Mais leur nombre chute à vue d’œil : moins 20 % entre 2007 et 2009. La faute au maquis des autorisations et au niveau de protection des patients qui y participent, plus élevé en Europe qu’ail­leurs dans le monde. « Si on ne fait rien, il n’y aura plus d’essais cliniques en Europe », assure l’eurodéputé UMP Philippe Juvin.l’été dernier, la commission eUropéenne a donc proposé un remède pour soigner l’hémorragie due à une directive mal ficelée datant de 2001. Le but du nouveau règlement, qui entrerait en vigueur en 2016, est de garder les bons côtés de la réglementation (la protection des patients) et de réduire les mauvais (la bureaucratie et l’absence d’harmonisation).Le risque est d’aboutir à un résultat inverse. Les députés européens ont du pain sur la planche. Car ils doivent démêler un écheveau d’amendements comme on n’en avait plus vu depuis les grands textes sur la réglementation financière : plus de 700, déposés

auprès de la commission de l’environnement, et un demi­millier devant les autres. Premier vote prévu en commission en avril.toUt le monde participe à cette Faran-dole législative : les laboratoires pharmaceu­tiques, bien sûr, mais aussi les assureurs (dont les primes ont explosé avec la hausse de la protection des patients), les associations de médecins et de patients, les hôpitaux, les comités d’éthique. La rapporteuse Glenis Willmott s’est attiré les louanges du British Medical Journal, qui participe à la campagne www.alltrials.net, en annonçant qu’elle tiendrait bon sur la question clé de la publication des résultats des tests. « Trop d’essais cliniques sont faux, biaisés ou manquants. Il est temps de voir les résultats complets publiés sur une base de données publique », assure cette députée travailliste britannique. Ce n’est toutefois pas gagné. Aux États­Unis, où la publication complète des résultats est obligatoire, « 80 % des essais ne respectent pas la loi », assure la députée. La moitié des essais ne serait jamais publiée, généralement celle qui présente des résultats négatifs ou décevants.Autres sujets brûlants : l’harmonisation et le raccour­cissement des délais de validation des protocoles de tests par les autorités nationales et la création d’un mécanisme d’indemnisation par pays afin de plafonner

les primes d’assurance qui ont explosé au fur et à mesure que les droits des patients augmentaient. En Allemagne, les projets de la Commission européenne ont provoqué une levée de boucliers.« Les nouvelles règles mettent en danger les patients », titrait le site de l’influent hebdomadaire Der Spiegel en septembre. « C’est un mensonge de dire que la sécurité des patients reste garantie », déclarait un dirigeant de l’association de médecins AkdÄ. Les comités peuvent notamment imposer les études placebo qui permettent d’éviter la mise sur le marché de médicaments ineffi­caces. Depuis septembre 2012, la commission de la santé du Bundestag planche sur le sujet pour préparer la négociation de son ministre de la Santé au Conseil.philippe JUvin, qui suit le dossier pour le PPE (Parti populaire européen), est à lui seul à l’origine de 178 amendements. Il devrait s’entendre avec sa collègue travailliste pour réintroduire dans le texte la mention des comités d’éthique qui en avait disparu.Mais il n’a pas l’intention de proposer de rallonger les délais très courts laissés aux sages pour décider par exemple dans quelles conditions le consentement du patient est « éclairé » – dix à vingt­cinq jours dans le texte actuel – ou de revenir sur la liberté laissée aux États membres dans le rôle qu’ils donnent à ces comités. Le diable est dans les détails. Et ils sont loin d’être réglés. q

lE carnEt dE notrE corrEspondantE, FlorEncE autrEt

On en parle à Bruxelles

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10 km ( de route sont équipés du système Avtodoria.

25,2 morts ( sur les routes pour 100 000 habitants (soit 30 000 morts par an) contre 7,5 en France.

37 millions de voitures ( dont la moitié en circulation depuis plus de quinze ans.

125 à 250 euros ( le coût des amendes pour vitesse excessive : 125 euros jusqu’à + 60 km/h ; au-delà, 250 euros et un an de retrait de permis.

Repèresla BOnne OpératiOn

LA TRIBUNE VENDREDI 22 MARS 2013

Vos fINANcEs20

Les grandes causes humanitaires et sociales intéressent aujourd’hui aussi bien les pouvoirs publics que la société civile. Mais les fonds dédiés sont difficilement lisibles et encore très peu connus du public. Leurs rendements ne sont pas vraiment meilleurs que ceux des autres, mais attirent un nombre croissant

d’épargnants, surtout ceux qui préparent leur retraite. Explications.

Les fonds socialement responsables récompensent-ils les épargnants ?Pascale Besses-Boumard

L e problème de la faim dans le monde, l’accès à l’eau, la santé, l’éduca-tion, le travail des enfants ou encore le

sort réservé aux femmes vont-ils, enfin, devenir des causes priori-taires, non plus seulement aux yeux des différents États, mais aussi à ceux de la société civile ?

Autrement dit, le secteur privé va-t-il lui aussi s’emparer de ces pro-blématiques et structurer un mode de financement où tout le monde pourra finalement être gagnant ? Pour l’heure, ce sont surtout les entreprises qui se sont sensibilisées à ce sujet. Et plutôt les grandes. En tout cas, toutes celles pour qui les progrès de l’humanité ont une réso-nance certaine.

« Il est faux de penser que seuls les États se mobilisent pour ces causes. La société civile aussi se sent concer-née par ces problématiques. Pour les entreprises, l’intérêt est certain : elles participent à la protection et à l’essor de populations qui seront un jour des clients. Elles favorisent leur image et anticipent des problèmes de répu-tation », analyse Jean-Michel Sévé-rino, président de Convergences 2015, plate-forme de réflexion des-tinée à établir de nouvelles conver-gences entre acteurs publics et pri-vés pour lutter contre la pauvreté et la précarité*.

Dans ce contexte, que proposent les différents fonds d’investisse-ment positionnés sur ces probléma-tiques ? Sont-ils de véritables relais financiers pour ces causes et offrent-ils des rendements intéres-sants pour leurs souscripteurs ?

Depuis plusieurs dizaines d’an-nées, le monde de la gestion collec-tive s’intéresse à la cause éthique. Mais force est de constater que cette marque d’intérêt est très

hétérogène et s’est, jusqu’à présent, délayée dans un grand nombre de sujets pas faciles à cerner pour ceux qui souhaiteraient investir pour le bien de l’humanité.

Des critères De séLection encore approximatifsEn France comme à l’étranger, les

investissements ISR (socialement responsables) sont plutôt réalisés sur la base d’exclusion de secteurs (tabac, armement, industries pol-luantes, entreprises basées dans des zones non respectueuses des sala-riés, etc.). Mais, les straté-gies d’investissement ne sont absolument pas homogènes et ne suivent aucun critère standardisé.

Il existe ainsi toute une kyrielle de dénomina-tions pour ces gestions : ISR, RSE (responsabilité sociétale des entreprises), ESG (environne-ment, social, gouvernance), « best in class » (sélection des meilleures entreprises de leur secteur suivant les critères environnementaux,

sociaux, de gou-vernance), etc.

Les uns pré-f è r e n t a x e r leurs efforts de sélection sur l’univers socié-tal, les autres sur l’environne-mental. « En outre, au niveau d e s g r a n d s

fonds de pension anglo-saxons, il faut bien reconnaître que même ceux spécialisés sur la probléma-tique éthique ne récompensent pas toujours les entreprises qui s’en-gagent dans des politiques sociales positives », commente Jean-Michel Sévérino. Du coup, il faut être bien conscient qu’en France les fonds ISR ou ceux suivant les critères ESG n’ont pas une straté-gie d’investissements en parfaite symbiose avec leur thématique. « Il

faut savoir également qu’en Europe chaque pays a sa propre version des choses et qu’il est donc particulièrement difficile de s’y retrouver », regrette Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice géné-rale de Novethic, centre de recherche en matière d’investissement respon-

sable qui dispense des labels ISR aux sociétés de gestion.

D’où la récente décision de Novethic de durcir les critères de labellisation afin de rendre plus lisible la stratégie de sélection de valeurs des gérants et de favoriser les arbitrages en faveur des entre-prises réellement vertueuses. « La mécanique a du mal à s’enclencher, mais la dynamique est là et les résultats sont plutôt encourageants si l’on sait que les fonds ISR repré-sentent tout de même aujourd’hui 76,4 milliards d’euros d’encours via 304 fonds, en hausse de 19 % entre 2011 et 2012 », soutient la respon-sable de Novethic.

Pour autant, si l’investissement socialement responsable peine à se structurer et à s’homogénéiser, la demande est là. Et plus particu-lièrement du côté des salariés souhaitant préparer leur retraite. À ce jour, les fonds ISR repré-sentent ainsi 25 % des encours totaux enregistrés dans le domaine de l’épargne salariale.

Les vaLeurs financières surponDéréesCôté performances, ces fonds

sont-ils à la hauteur ? Historique-ment, les fonds ISR n’ont jamais vraiment distancé les autres thé-matiques d’investissement. Et pour cause, les portefeuilles sélection-nés ne se différenciaient pas beau-coup de leurs homologues. Plus récemment, l’agence de notation Morningstar a réalisé une étude sur le sujet. « Sur trois et cinq ans, les fonds actions ont tendance à sous-performer, tandis qu’en 2012 ils surperforment légèrement. Cette évolution est due à la surpondéra-tion des valeurs financières – banques et assurances – dans les

fonds ISR. En effet, la notation des valeurs cotées sur des critères sociaux [diversité, emploi des femmes, salaires, etc., ndlr] ou environnementaux [émissions de CO2, consommation d’eau, etc.] a mécaniquement eu tendance à favo-riser les sociétés financières au détriment des industrielles. C’est ce qui explique que l’ISR n’a pas pro-tégé l’investisseur de la crise sur les actions et que les performances à plus court terme soient plus élo-gieuses [grâce au rebond des finan-cières]. À l’inverse, sur la classe d’actifs obligataires, on observe une surperformance sur trois et cinq ans et une sous-performance en 2012. L’explication provient de la sous-pondération en titres émis par les pays de l’Europe du Sud. En

effet, l’analyse ISR note sévère-ment les États où la fraude fis-cale et la pra-tique du travail au noir sont i m p o r ta n te s . L a   G r è c e , par  exemple, a  toujours été mal  notée », explique Jean-

François Bay, directeur général de Morningstar France.

Alors est-il judicieux de placer son épargne sur ces fonds ? Comme d’habitude, tout est question de convictions et de confiance dans sa société de gestion ou dans son conseiller en gestion de patrimoine. L’investissement via des subsides privés dans de grandes causes se structure peu à peu en France et dans le monde. Il ne correspond pas vraiment à l’offre des fonds ISR, ESG ou « best in class » proposés par les établissements financiers, qui se concentrent plutôt sur les bonnes pratiques des sociétés en matière sociale ou environnemen-tale. Il n’empêche, quitte à investir son argent sur certaines théma-tiques, pourquoi ne pas privilégier celles qui respectent l’humain et la planète, tout en pouvant espérer un rendement identique à ceux déga-gés par les autres thématiques ? q

* Convergences 2015 organise son fo-rum mondial les 17,18 et 19 septembre prochain au palais Brongniart et à la mairie de Paris.

Le zoom de La semaine

76,4milliards d’euros, c’est l’encours des fonds isr en 2012, en hausse de 19 % sur un an.

Palmarès des fonds Isr : des Performances en lIgne avec les grands IndIces boursIers

nom du fonds Performance sur 1 an Performance sur 3 ans

1/ Mam Terra Nova (Meeschaert AM) 23,50 % 18,90 %

2/ BNP Paribas Développement humain 20,20 % 44,60 %

3/ Allianz Citizen Care 18,50 % 25,20 %

4/ Objectif Investissement responsable (Lazard Frères Gestion) 18,40 % 15,80 %

5/ Aviva Valeurs responsables 18,10 % 15,50 %

6/ Covéa Espace ISR 17,50 % 13,90 %

7/ Robeco VH Actions 17,40 % 16,40 %

8/ HSBC Actions Développement durable 16,10 % 6,40 %

9/ Axa Euro Valeurs responsables 15,60 % 13,40 %

10/ Métropole Value SRI 15,60 % 17,20 %

Performances au 8 mars 2013 Source : Europerformance A Six Company

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«Les grands fonds de pension,

même spécialisés, ne récompensent pas les entreprises “sociales”. »Jean-michel sévérino, président de ConvergenCes 2015

«En Europe, chaque pays

a sa propre version et il est difficile de s’y retrouver. »anne-catherine husson-traoré, direCtriCe générale de novethiC

Les anaLyses 21VENDREDI 22 maRs 2013 La TRIBUne

Pourquoi Hollande Peut réussir à réformer les allocations familialesLe gouvernement prépare le terrain pour réformer le système des allocations familiales. Il envisage des mesures à la brutalité atténuée. Des enseignements ont été tirés des échecs précédents sur le sujet, comme celui de Lionel Jospin.

IVAN BEST, rédacteur en chef adjoint

Les réactions à droite, mardi, aux propositions des parle-mentaires PS sur les alloca-tions familiales ont été convenues. On a crié au démantèlement, mais sans beaucoup d’angle d’attaque.

Le gouvernement, qui travaille en liaison avec des parlementaires PS, devrait sans doute s’inspirer des propositions présentées par les députés socialistes Gérard Bapt et Pascal Ter-rasse pour réformer les allocations familiales. Elles sont, il est vrai, plutôt habiles. Diminuer les allocations des familles dites aisées – mais sans les supprimer – et restreindre les pres-tations liées à la garde d’enfants de ces mêmes familles, voilà qui est en effet assez « malin ».

Plus en tout cas que ne l’avait été la pure et simple mise sous condition de ressources des allocations – autrement dit, leur suppression au-delà d’un certain revenu – décidée en juin 1997 par Lionel Jospin et appliquée une année seulement : devant la bronca des asso-ciations familiales, le gouvernement avait dû faire machine arrière.

La leçon a manifeste-ment été tirée de cet échec. Réformer les pres-tations sociales est un sport à haut risque, les gouvernements le savent de mieux en mieux. Il ne faut souvent pas grand-chose pour mettre à bas tout un projet. Exemple : Nicolas Sarkozy voulait que sa révision générale des politiques publiques (RGPP) s’attaque non seulement aux struc-tures administratives, mais aussi aux dépenses d’intervention. Une première idée avait été émise consistant à restreindre le champ d’application des cartes de réduction SNCF pour familles nombreuses. Devant « l’émoi » et la surchauffe médiatique sur ce sujet, l’exécutif avait abandonné non seule-ment cette piste, mais aussi toute velléité de toucher aux prestations sociales.

Aujourd’hui, s’agissant des allocations fami-

liales, le terrain a déjà été préparé. L’opinion a été effrayée par des perspectives de fiscali-sation évoquées par le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud. Comme toujours, en matière d’impôt, même si beau-coup de foyers n’auraient eu à payer aucun supplément ou très peu, tous se seraient inquiétés. Le gouvernement en a tenu compte.

Économiser de 2,5 à 3 milliards d’euros sur un total de 32Après les déclarations de la ministre des

Affaires sociales, Marisol Touraine, qui s’est montrée hostile à la fiscalisation, cette piste semble écartée. Il s’agira bien d’économiser entre 2,5 milliards et 3 milliards d’euros sur les allocations familiales versées. Le total de celles-ci, hors aides au logement, atteindra 32 milliards en 2013, selon la commission des comptes de la Sécurité sociale.

L’habileté de la proposition des députés consiste donc à ne pas supprimer les alloca-tions familiales, mais à les diviser par deux au-delà d’un certain revenu, lequel dépend des charges de famille. La fameuse universa-lité des prestations famille, un principe défendu par toutes les associations, n’est donc pas frontalement remise en question, peuvent

affirmer Gérard Bapt et Pascal Terrasse.

Le seuil évoqué est de 53 000 euros de revenus annuels pour un couple avec deux enfants, et « un peu plus de 61 000 euros » pour une famille avec trois enfants. Tout cela est plus complexe, donc moins brutal, que l’annonce de Lionel Jospin, dont on avait surtout retenu la

suppression des allocations au-delà de 25 000 francs (3 811 euros) par mois.

Aujourd’hui, en réalité, l’économie porterait surtout sur les aides à la garde d’enfants, que les parents bénéficiant de « hauts » revenus – au-delà des seuils évoqués – ne toucheront plus. Leur suppression représentera une baisse de dépense de deux milliards d’euros, contre un milliard pour la réduction des allo-cations de base.

Si les « allocs » de base, versées aux familles comptant au moins deux enfants, représen-teront 12,9 milliards d’euros en 2013, les prestations dites « complément de mode de garde », concernant la garde de jeunes enfants, sont estimées au total à 5,8 mil-liards d’euros. Déjà modulées selon le revenu, elles disparaîtraient avec la réforme proposée, Les députés PS soulignent que ces aides bénéficient surtout aux ménages aisés, car, dans les foyers modestes, plus de 80 % des jeunes enfants sont gardés par leurs parents (dans 40 % des foyers). Demander un effort aux plus riches en temps de crise, voilà qui est plus facilement défen-dable que de fiscaliser tout le monde…. q

ÉVÉNEMENT

Un événement

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jusqu’au mardi 2 avril

Vendredi 5 avril 2013à 8h30 précises

En partenariat avec

à l’Hôtel Oceania Montpellier 3, rue Clos René - 34000 Montpellier

CLU

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A l’occasion de la parution du supplément La Tribune des Métropoles consacré à Montpellier et

la région Languedoc-Roussillon, La Tribune vous donne rendez-vous autour

d’un petit-déjeuner débat sur le thème

L’innovation des PME :l’arme anti crise

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MONTPELLIER - LANGUEDOC–ROUSSILLON

Les députés PS Gérard Bapt (photo) et Pascal Terrasse sont les auteurs de propositions « habiles » visant à réformer les allocations familiales. [JACQUES DEMARTHON/AFP]

«L’habileté : se contenter

de diminuer les prestations aux “riches”, préservant ainsi le principe d’universalité. »

Les anaLyses22La TRIBUne VENDREDI 22 MARS 2013

La guerre des noms de domaine fait rage sur La pLanète WebL’Icann, le régulateur technique du Web, a ouvert à la vente des centaines de nouveaux suffixes pour les sites Internet. Entre ceux qui craignent déjà des atteintes à la propriété intellectuelle et ceux qui sont prêts à dépenser des millions pour décrocher le gros lot (Google, Amazon…), la bataille des mots et des chiffres s’annonce rude.

La guerre des suffixes a commencé : « book », « read », « author »… les adresses de sites Internet ne se can-tonneront bientôt plus au « .com » ou « .fr ». Près de 2 000 demandes ont été déposées en juin pour obtenir ces nouveaux « domaines génériques de

premier niveau » (gTLD) auprès de l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, www.icann.org). Or l’achat de ces nouveaux suffixes fait l’objet de batailles acharnées.

Les premières escarmouches sont menées par les associations d’auteurs américains. Leur dernière action en date : celle qui voit des auteurs et des éditeurs affron-ter le moteur de recherche Google et le libraire en ligne Amazon. Ce dernier a déposé quelque 63 demandes en alphabet latin pour des mots allant de Kindle – le nom de sa tablette – à « joy », « kids », « free » mais aussi « books » et « author » (« joie », « enfants », « libre », « livres », « auteur »).

De tous ces mots génériques, ce sont bien sûr les derniers qui posent surtout problème aux écrivains et aux éditeurs. Le président de l’Authors Guild (association des auteurs), Scott Turow, a ainsi adressé un courrier à l’Icann le 8 mars pour deman-der à l’organisme de ne pas accéder aux desiderata des géants du Net. « Mettre de tels noms de domaines dans des mains privées est clairement anticoncurren-tiel », argue-t-il. Car cela « autorise des compagnies déjà dominantes, bien capitalisées, à étendre et à ancrer leur pouvoir sur le marché ».

EnjEux juridiquEs, markEting, financiErs Et dE sécuritéDe fait, il faut s’attendre à des combats juridiques.

Dans un premier temps, l’Icann va « filtrer » les demandes en « prenant en compte notamment les dis-positions de la convention de Paris sur la propriété indus-trielle », comme l’explique Me Olivier Cousi, spécialiste du droit de la propriété intellectuelle associé au cabinet Gide Loyrette Nouel. En clair, des termes comme « ONU », « Unesco » ou « France » ne peuvent être déposés car ils sont protégés. Et si le juriste estime les différentes étapes du processus – dépôt de dossier, pos-sibilité d’objections, examen par l’Icann – « relative-ment prudentes au regard du droit des tiers », il prévoit néanmoins des « discussions ».

Et pour cause, l’ouverture de ces droits représente des enjeux de taille. Le premier pour les entreprises candidates consiste d’abord à s’assurer la propriété d’un domaine qui correspond à un mot-clé très recherché sur Internet. « Pour les entreprises comme Google, Amazon, etc., l’enjeu est d’abord marketing. Il autorise un meilleur référencement. Cela permet d’avoir une adresse plus pertinente en termes de communica-tion », explique Patrick Hauss, consultant auprès de l’Institut français de recherche en propriété intellec-tuelle et directeur marketing de l’entreprise de gestion de noms de domaines NetNames. Ainsi, Google pourra vendre à des entreprises le droit de créer des pages « .youtube », par exemple, ce qui permettrait une meilleure lisibilité pour l’internaute.

Deuxième but pour les marques : la sécurité. Contrô-ler ces nouveaux suffixes permet en effet de se protéger de l’hameçonnage, technique utilisant la contrefaçon de sites pour obtenir les coordonnées bancaires des internautes. Autour de ce nom, les marques pourront « créer un sanctuaire virtuel où l’utilisateur a l’assurance de trouver un produit authentique », explique Patrick Hauss. D’où l’intérêt pour L’Oréal d’acheter le nom de sa marque, par exemple. Sans compter que la marque pourra utiliser ce nom pour renforcer encore sa « com-munauté » en créant, pourquoi pas, des adresses mail.

Des conflits pourraient naître si les marques visent à s’assurer le monopole de l’utilisation des mots achetés. Cependant, « dans la charte initiale, le titulaire doit s’engager à la commercialiser », explique Me Olivier Cousi. « Des tarifs prohibitifs pourront servir d’élément de preuve pour signifier qu’il y a abus », ajoute-t-il. Dans ce cas précis, l’éventuel conflit portera sur le droit de la concurrence.

« EncOuragEr La cOncurrEncE » : LE VŒu PiEux dE L’icann À L’éPrEuVE du réELL’autre grand intérêt de l’achat de ces extensions

est financier. « Aujourd’hui, les vrais projets business sont portés par des opérateurs indépendants, des structures champignons créées pour les besoins de la cause », souligne à cet égard le spécialiste des noms de domaine.

Ces sociétés ou « registres » achètent des extensions dans l’espoir ensuite d’en revendre soit la propriété, soit le droit d’usage à des milliers d’autres personnes morales ou physiques. Ainsi le « .sport », qui risque d’intéresser de très nombreux acteurs allant des clubs aux marques de vêtements en passant par les constructeurs automobiles, fait-il l’objet d’une candi-dature de la part de la société Dot Sport Limited, créée à Gibraltar pour l’occasion. Dans la ligne de mire de ces sociétés ? Un pactole « qui va se chiffrer en millions de dollars », estime Patrick Hauss.

Pour l’ancien président du conseil d’administration de l’Icann, Peter Dengate Thrush, la manne se chif-frerait en milliards. « L’actuel marché des noms de domaine vaut environ 12 milliards de dollars. Je pense qu’il croîtra de 3 à 4 mil-liards avec les nouvelles extensions de noms de domaine », confiait-il à cityam.com en juillet 2011. Ache-ter quelque chose d’aussi monu-mental que « .hotel », c’est donc s’assurer une rente à vie, pour de grands groupes hôteliers qui pourront par exemple renvoyer leurs clients sur des pages direc-tement en « .hotel » et éviter ainsi des pages de moteur de recherche où remontent en priorité les pages des tour-opérateurs. Or, de son côté, l’Icann justifie la décision d’ouvrir de nouveaux noms de domaine en affirmant que cela permettra de « faciliter la diversité », « d’encourager la concur-rence » et « d’améliorer l’utilité du système », comme on peut le lire dans son « guide du candidat ».

Mais le tarif pour faire seulement évaluer son dossier, 185 000 dollars, sans compter les frais afférents à sa préparation, barre la route aux plus petites entreprises qui souhaiteraient acheter un ou plusieurs de ces mots. Elle pousse en outre les entreprises qui les ont achetés à les « rentabiliser ». D’autant plus qu’en cas d’échec l’intégralité de la somme n’est pas remboursée par l’Icann. De fait, ce sont surtout des multinationales et des registres qui ont formulé des demandes. Outre Google et Amazon, prêts à dépenser des millions, figurent également des entreprises françaises comme L’Oréal, qui a par exemple demandé à obtenir le mot « matrix » (du nom de l’université de formation interne de l’entreprise), ou quelques collectivités territoriales (Alsace, Corse, entre autres). Plusieurs compagnies ont déposé des dossiers pour les mêmes mots. Pour tran-cher, un système de vente aux enchères est prévu qui laisse augurer quelques combats féroces.

En effet, « si “.hotel” crée 1 million de noms de domaines et que le droit de l’utiliser est vendu 20 dollars pièce par an, cela fait 20 millions de dollars par an de recettes », pointe Patrick Hauss. À cette somme, il faut retirer les coûts de gestion de l’infrastructure. Rien n’assure en outre que, sur les 1 000 nouvelles extensions, toutes auront du succès. Mais les expériences passées

indiquent jusqu’à quel point cer-taines représentent un potentiel. Le « .eu », par exemple, a été réservé l’an dernier par 3,5 millions de sites, selon l’Eurid, qui gère l’attribution de cette extension. De quoi inciter à miser gros. Tous ces enjeux sont bien sûr susceptibles de provoquer de nouvelles contestations. L’orga-nisme avait d’ailleurs repoussé jusqu’au 13 mars minuit la date limite pour contester officiellement une demande. Ensuite, les dossiers prendront plusieurs mois à être

traités. Et des conflits pourraient encore les ralentir.Autrement dit, il faudra encore attendre avant de

pouvoir cliquer sur « polar.book »… Mais le président de l’Icann, Fadi Chehade, a déjà fait savoir que les pre-miers mots à faire leur apparition à la fin des adresses Web, à la mi-2013, seront probablement écrits en chinois ou dans d’autres langues que l’anglais. q

Marina torreJournaliste

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«Le marché des noms

de domaine vaut environ 12 milliards de dollars. Il croîtra de 3 à 4 milliards. »Peter Dengate thrush, ex-président du CA de l’iCAnn

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selon Fadi Chehade, président de l’Icann, les premiers nouveaux suffixes des adresses Web, à la mi-2013, seront probablement écrits en chinois.

RomaRic godinrédacteur en chef adjoint service france

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Les anaLyses 23VENDREDI 22 MARS 2013 La TRIBUne

L’EuropE vEut-ELLE vraimEnt fairE baissEr LE chômagE ?Le dernier conseil européen a encore prouvé son peu d’entrain à entamer une vraie politique de lutte contre le chômage. En cohérence avec la stratégie suivie depuis 2010.

C’était l’un des buts du conseil euro-péen qui s’est achevé ce vendredi : se pencher sur le chômage. Depuis quelques semaines, la chancelière allemande Angela Merkel ne manque aucune occasion de faire part de son inquiétude concernant le

chômage des jeunes en Europe. Rien d’étonnant alors que le conseil, dans ses conclusions, ait indiqué vouloir faire de l’emploi une « priorité spéciale » et du chômage des jeunes une « priorité particu-lière. » Mais, concrètement, les chefs d’état et de gouvernement se sont bien gardés d’agir.

Cet attentisme pourrait conduire à se poser la question du chômage comme « mal nécessaire » de la politique de dévaluations internes menée depuis 2010 au sein de la zone euro.

La « bulle salariale » est née dans les années 2000 dans plusieurs pays du sud de l’Europe du fait d’une augmentation trop rapide des salaires au regard de la productivité du travail. Il s’en est suivi une inflation plus forte qui a automati-quement conduit à entretenir cette poussée salariale. C’est ce cercle que les Européens veulent briser aujourd’hui en baissant le coût du travail et les prix, rela-tivement aux pays les plus compétitifs de la zone. C’est le principe de la « dévaluation interne » qui a été l’option choisie en 2010 pour sortir de la crise. Pour réduire cette

« bulle salariale » aussi brutalement que le veulent les plans conçus par les Européens, les méthodes « douces » de réduction du coût du travail sont inopérantes. Certes, la flexibilisation du marché du travail peut aider. Grèce, Italie, Espagne, Portugal ont ainsi tous réalisé des réformes plus ou moins profondes de leur marché du travail. Le problème, c’est que l’effet de ces réformes sur le coût unitaire du travail est long à se concrétiser. « Il faut plusieurs années pour qu’une réforme du marché du travail ait un impact sur la productivité car les contrats

existants ne sont pas concernés ou il faut renégocier », explique Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis AM.

Du reste, l’exemple du Kurzarbeit allemand durant la crise de 2008-2009 montre que la réduction du temps de travail à effectifs constants permet de limiter le chô-mage, mais seulement pour un temps bref. Tous les patrons alle-mands avaient reconnu que si la

crise avait été plus longue, il aurait fallu licencier. Or la récession est installée depuis quatre ans en Grèce, deux ans en Espagne ou au Portugal… Et la reprise – très modérée – ne se dessine pas avant 2014.

L’ajustement passe donc nécessairement par une réduction des effectifs et des salaires. Autrement dit par la pilule amère du chômage. Pour peser sur les salaires, rien n’est en effet plus efficace qu’un fort taux de chômage. L’offre d’emploi étant réduite et la

demande immense, les prix du travail reculent méca-niquement. On a vu, dans le récent accord Renault, une illustration de ce phénomène : par crainte du chômage, les salariés ont accepté des réductions effectives de salaire. Un taux de chômage élevé a donc dans cette logique deux vertus : réduire le coût unitaire du travail et favoriser une réduction plus rapide.

Dans une logique de dévaluation interne, d’assainis-sement de la bulle salariale, le chômage est indispen-sable : il assure une baisse du coût du travail jusqu’au niveau où est retrouvée la compétitivité. Une fois ce niveau atteint, le chômage peut commencer à décroître lorsque les entreprises regagnent des parts de marché et que l’activité intérieure bénéficie des succès à l’expor-tation. Dans une telle logique, intervenir pour mainte-nir l’emploi avant d’avoir atteint ce niveau d’équilibre de l’offre et de la demande ne revient qu’à retarder le processus d’ajustement et à maintenir les déséquilibres internes à la zone euro. On comprend donc que les pays du Nord, à l’origine de cette logique, soient opposés à toute action concrète de lutte contre le chômage.

D’autant que la réduction des coûts n’a pas encore atteint un niveau « satisfaisant. » En Espagne, par exemple, le coût du travail dans l’industrie et les ser-vices marchands a progressé entre 2008 et 2012 à un rythme quasi égal à celui de l’Allemagne (+ 21,9 % contre + 22,2 %, selon Eurostat). Au Portugal et en Italie, le coût de la main-d’œuvre a progressé de plus de dix points plus rapidement qu’outre-Rhin sur les quatre dernières années. Seule la Grèce a concrètement effacé sa « bulle salariale » par rapport à l’Allemagne. Bref, il faut continuer les « efforts. » Et cela passe néces-sairement par le maintien d’un taux de chômage consi-dérable, voire, dans certains cas comme l’Italie ou la France, par une hausse de ce taux. q

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«Pour peser sur les

salaires, rien n’est plus efficace qu’un fort taux de chômage. »

Les idées24LA TRiBUNe VENDREDI 22 MARS 2013

Heurs et malHeurs des régulations financières à travers le mondeFaute d’alternative convaincante, l’actuel système américain de régulation financière « ressemble étonnamment » à celui d’avant la crise de 2007-2008. Mais ailleurs, aucun pays ne semble avoir vraiment fait mieux… Tour d’horizon des points forts et des points faibles des différentes régulations dans les principaux pays.

Dans les premières phases de la crise financière, il était de bon ton d’arguer que le système américain de régulation avait besoin d’une refonte structu-relle fondamentale. Les diver-gences d’opinion entre la Secu-

rities and Exchange Commission (SEC) et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) avaient empêché un contrôle efficace des banques d’investissement et du commerce des produits déri-vés (les États-Unis sont les seuls à estimer qu’il est judicieux de réglementer séparément les valeurs mobilières et les produits dérivés).

En effet, la multiplicité de régulateurs bancaires distincts avait créé des opportunités pour les banques de s’adonner à des opérations d’arbitrage du système à la recherche d’une approche plus indulgente envers le capital. De même, en l’absence d’un régulateur fédé-ral d’assurance, AIG était réglementé par l’Office of Thrift Supervision (OTS) et le New York State Insu-rance Department, un arrangement qui s’est avéré être tout à fait insuffisant. Néanmoins, cette ligne d’argumentation a donné peu de résultats. La loi Dodd-Frank a réussi à sortir l’OTS de sa misère, mais les comités de surveillance du Congrès, jaloux, ont empêché une fusion entre la SEC et la CFTC et rien n’a été fait pour rationaliser la supervision bancaire. Ainsi, le système américain actuel ressemble éton-namment à celui qui a collectivement ignoré la mon-tée des tensions fatales au début des années 2000.

L’absence d’alternative convaincante a contribué en partie au blocage institutionnel. Durant la décennie ou à peu près qui a mené à la crise de 2007-2008, la tendance mondiale était à une intégration des orga-nismes de réglementation. Près de 40 pays ont intro-duit des régulateurs uniques, fusionnant tous les types d’organes de supervision en une seule entité toute-puissante. Le mouvement avait commencé en Scan-dinavie au début des années 1990, mais le changement le plus spectaculaire était survenu en 1997, lorsque le Royaume-Uni avait présenté son Financial Services Authority ( j’en ai été le premier président).

Les « twin peaks » : L’approche prudentieLLe et Le respect des règLesD’autres pays adoptèrent des modèles légèrement

différents. Une approche à la mode était connue sous le vocable de « twin peaks », dans laquelle un orga-nisme de réglementation était compétent pour la réglementation prudentielle – fixant les réserves de capital obligatoires – tandis qu’un autre supervisait

le respect des règles établies. Mais le modèle « twin peaks » connaissait lui-même des subdivisions.

Le modèle néerlandais embrigadait les régulateurs prudentiels à l’intérieur de la banque centrale, tandis que la version australienne prévoyait une institution distincte. Ces structures intégrées semblaient offrir de nombreux avantages. Il y avait des économies d’échelle et de gamme, et les sociétés financières aiment en général l’idée de transactions à guichet unique (ou, au pire, à deux guichets).

Malheureusement, ces avantages ne se sont pas maté-rialisés, ou du moins pas partout. Il est difficile de pré-tendre que le système britannique s’est révélé plus efficace que le système américain, ce qui a porté atteinte à la crédibilité du mouvement en faveur d’un organisme de réglementation unique. Et les difficultés persistantes du système bancaire néerlandais – une autre banque a été nationalisée le mois dernier – suggèrent qu’il est facile de tomber dans le fossé entre des « twin peaks ».

La vérité, c’est qu’il est difficile d’identifier une corrélation entre structure de réglementation et per-formance de sortie ou de réponse face à la crise financière. Parmi les pays à régulateur unique, Singapour et les pays scandinaves ont réussi à esquiver la plupart des balles mor-telles, alors que ce ne fut évidem-ment pas le cas du Royaume-Uni. Parmi les partisans des « twin peaks », le système néerlandais fait preuve de perfor-mances franchement médiocres, alors que la réglemen-tation financière australienne peut être considérée comme un succès.

Est-ce que l’implication directe de la banque cen-trale est importante ? De nombreux banquiers cen-traux soutiennent que la banque centrale est la mieux placée pour faire face aux risques systémiques et qu’il est essentiel de mener les politiques moné-taire et financière au sein de la même institution. Encore une fois, il est difficile de trouver un support empirique solide en faveur de cet argument.

Les banques centrales néerlandaise et américaine, bénéficiant d’une supervision directe de leur système bancaire, n’ont pas été plus efficaces pour identifier des problèmes systémiques potentiellement dange-reux que les régulateurs d’autres pays qui opéraient en dehors de la banque centrale. Le Canada est sou-vent cité comme un pays qui a su éloigner ses banques des problèmes, alors qu’elles se trouvent à

une proximité inconfortable des marchés améri-cains. Mais la Banque du Canada n’est pas, et n’a jamais été, un superviseur institutionnel actif. Dès lors, le Congrès américain a peut-être eu raison de conclure que modifier la structure des organes de régulation est moins important que de veiller à ce que le contenu de la réglementation soit pertinent.

Ailleurs, cependant, de nombreux changements structurels sont en cours. Au Royaume-Uni, chaque perturbation financière amène ses appels à réorganiser le système. Ce dernier a subi des révisions majeures en 1986 et de nouveau en 1997, lorsque la Banque d’Angle-terre a perdu ses responsabilités de supervision ban-caire dans une réponse tardive à l’effondrement de la Barings. Le mois prochain, elle retrouvera ces respon-sabilités – parmi d’autres plus importantes encore.

« iL est difficiLe pour L’instant de discerner un schéma cohérent »Pour la première fois, la Banque d’Angleterre super-

visera également les compagnies d’assurance. Un changement similaire a été introduit en France, où une nouvelle Autorité de contrôle prudentiel a été

créée. Les Britanniques et les Français sont rarement d’accord sur quoi que ce soit ; on est tenté de dire que, quand ils le sont, ils sont très susceptibles de se tromper.

Il est difficile pour l’instant de dis-cerner un schéma cohérent. Certes, la tendance en faveur de régula-teurs uniques avec compétence globale et opérant en dehors de la banque centrale a fortement ralenti (bien que l’Indonésie soit à l’heure actuelle en train de consolider ses organismes de réglementation). Il n’existe pas de consensus sur le rôle

de la banque centrale : dans environ un tiers des pays, elle représente l’acteur dominant, dans un autre tiers elle a autorité sur les banques uniquement, tandis que dans le tiers restant elle n’est qu’un simple surveillant du système.

On pourrait voir cette situation comme une expé-rience contrôlée afin de tenter d’identifier un modèle supérieur aux autres. Après tout, les systèmes finan-ciers ne sont pas si différents les uns des autres, en particulier dans les pays de l’OCDE. Néanmoins, il n’y a aucun signe qu’une évaluation approfondie soit en cours de préparation. Même si elle ne concluait pas à la supériorité non ambiguë d’un modèle, pareille évaluation aurait au moins le mérite d’aider les pays à faire des choix plus éclairés. Le G20, sous la présidence russe, est actuellement à la recherche d’un rôle à jouer. Voilà une tâche pratique utile qu’il pourrait assumer. q

Copyright Project Syndicate, 2013.

Howard daviesVice-gouVerneur de la Banque d’angleterreAncien président de la Financial Services Authority (FSA) du Royaume-Uni, directeur de la London School of Economics, professeur à Sciences Po Paris.

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«Acteur dominant ou

simple surveillant du système… il n’existe pas de consensus sur le rôle des banques centrales. »

La Tribune 18, rue Pasquier, 75008 ParisTéléphone : 01 78 41 40 93. Pour joindre directement votre correspondant, composer le 01 78 41 suivi des 4 chiffres mentionnés entre parenthèses.

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Les chroniques 25VENDREDI 22 MARS 2013 LA TriBune

AUX ICONOCLASTES RÉUNISDe Lord Adair Turner, président du régulateur financier britannique, à Willem Buiter, économiste en chef au Citigroup, le monde de la finance ne manque pas de ténors tenant

des propos décapants sur la crise. À l’instar aussi d’Andy Haldane, le directeur du risque de la Banque d’Angleterre, pour qui le mouvement des Indignés « a raison ».

A u fil des mois, une assemblée un peu particulière s’étoffe, celle de régulateurs, économistes et par-lementaires ayant deux points en commun : exercer leurs talents dans l’un des deux grands centres de la finance mondiale, aux États-

Unis et au Royaume-Uni, et tenir des propos icono-clastes. Le plus inattendu a été Lord Adair Turner, le président du FSA (Financial Services Authority, le régulateur britannique), lorsqu’il s’est interrogé sur « l’utilité sociale » des produits financiers par où le mal-heur était arrivé. Il s’est, depuis, attaqué à d’autres tabous en envisageant l’annulation de la dette publique détenue par les banques centrales, ou en suggérant que celles-ci engagent un programme massif de création monétaire destiné aux entreprises et aux particuliers, en passant par-dessus la tête des banques.

TouTe mesure du risque seraiT « vaine » eT Bâle iii réduiT à néanTWillem Buiter, aujourd’hui économiste en chef au

Citigroup, s’était fait très tôt remarquer en pourfen-dant, sur son blog du Financial Times, les « banques zombies ». Il y préconisait leur séparation en deux entités – bad banks et good banks –, les premières lais-sées aux actionnaires et les secondes reprenant les

dépôts sous l’égide provisoire des pouvoirs publics. Andy Haldane, le directeur du risque de la Banque d’Angleterre, n’est pas en reste lorsqu’il considère comme vaine toute mesure du risque, réduisant à néant les principes de la réglemen-tation dite de Bâle III. À l’occasion d’une conférence sur « l’utilité sociale de la banque », il a ensuite déclaré à propos du mouvement Occupy, qui faisait alors la une de la presse mondiale : « Occupy a été couronné de succès dans ses efforts pour populariser les problèmes du système financier pour une raison très simple : ils ont raison. » Thomas M. Hoenig, administrateur du FDIC américain (l’organisme qui garantit les dépôts bancaires), a apporté ensuite de l’eau à son moulin en proposant un calcul de ces mêmes ratios reposant sur les fonds propres « tangibles » et la valeur nominale des actifs, qui réduirait considérablement l’effet de levier des banques.

enTre too big to fail eT too big to jail… une seule leTTre diffèreNeil Barofsky, ancien contrôleur du Tarp (le pro-

gramme de sauvetage de l’industrie financière améri-

caine), s’est dernièrement étonné de la mansuétude dont bénéficient les banquiers. Dans la grande tradition américaine des acronymes et autres sigles, il a ajouté ceux de TBTF (too big to fail, « trop grosses pour faire faillite »), TBTS (too big to save, « trop grosses pour être sauvées »), TBTJ (too big to jail, « trop grosses pour aller en prison »)…

Quant à la très pugnace professeure d’université Elizabeth Warren, récusée par les républicains pour le poste de directeur de l’agence de protection des consommateurs créée par Barack Obama, élue depuis

sénatrice démocrate et désignée membre du comité des affaires ban-caires du Sénat, elle a montré son savoir-faire dès ses premières audi-tions. C’est d’un ancien économiste en chef du FMI, Simon Johnson, qu’est venu, sous le titre Le Coup d’État feutré, une analyse sur la structure oligarchique du pouvoir, décrivant les allers-retours entre la haute administration et la haute finance américaine.

Et de trois chercheurs, S. Vitali, J.B. Glattfelder et S. Battiston, une contribution remarquée dans ce domaine, avec une étude intitulée « Le réseau qui contrôle les entreprises mondiales », qui identifie les 147 sociétés aux intérêts étroitement entremêlés qui le composent. Cette vision du monde a trouvé son éclai-rage ultime dans l’ouvrage de Joseph E. Stiglitz, Prix Nobel d’économie, intitulé Le Prix de l’inégalité (Actes Sud, 2012), qui voit dans celle-ci la source profonde de la crise actuelle. D’autres vocations ne devraient pas manquer de survenir… q

RÉdUIRE LA dÉpENSE LOCALE, UN ENjEU STRATÉgIqUEDiminuer le nombre des communes, supprimer l’échelon départemental, développer l’administration dématérialisée à distance : trois pistes pour dépenser moins à l’échelle locale.

Depuis 1983, la dépense des collec-tivités locales a crû à un rythme annuel moyen plus rapide que la richesse nationale (3 % contre 1,9 % par an). Cette augmentation n’est due que partiellement aux transferts de compétences opérés

par l’État – seulement 32 milliards d’euros sur 117 mil-liards. Les deux tiers de cette hausse proviennent du bloc communal, qui a plus augmenté ses dépenses de fonctionnement que d’investissement, surtout celles de personnel : recrutement de 26 900 personnes à temps plein en moyenne chaque année entre 2002 et 2009 ! Cette hausse des dépenses ne peut se poursuivre que parce que les communes augmentent les taux d’imposition.

Notre système économique et fiscal est à bout de souffle, relativement inefficace eu égard aux sommes dépensées, et est injuste. La crise économique touche durement une grande partie de la population. Les citoyens-contribuables payent parfois plus d’im-pôts locaux que d’impôts sur le revenu. L’État n’a plus de marge de manœuvre financière, il est sous la surveillance des agences de notation, des marchés et de la Commission européenne pour la réduction de son déficit budgétaire. Il ne peut donc plus autant que par le passé aider financièrement les collectivi-tés territoriales.

Baisser les dépenses publiques est une obligation pour l’État français. On ne peut continuer à dépenser

plus de 56 % de notre PIB alors que la plupart des autres pays dépensent moins – 10 % de moins pour l’Allemagne –, avec des résultats économiques, finan-ciers et sociaux souvent meilleurs.

redéfinir les missions de l’éTaT, alléger le millefeuille TerriTorialL’État doit redéfinir ses missions fondamentales et

les apprécier en fonction de leur utilité et de leur coût. Il doit se recentrer sur ses missions régaliennes.

Parallèlement et surtout, la question de la remise en cause de notre millefeuille territorial doit être vraiment débattue. On ne peut rester les champions du nombre de communes et des niveaux d’administration. Pour-quoi garder 36 000 communes, surtout de petite taille, alors qu’elles n’ont pas de moyens pour faire face à leurs obligations toujours plus importantes ?

Pourquoi ne pas les supprimer et les intégrer défini-tivement au sein des communautés de communes ou d’agglomérations, ou au sein des nouvelles métropoles ? Ces institutions ont les moyens humains, financiers et matériels pour mettre en œuvre toutes les politiques locales. Les économies réalisées seraient sans nul doute très importantes et durables.

La commune ne serait plus qu’une partie de l’inter-communalité et rendrait sur place, pour le compte de celle-ci, quelques services de proximité (état civil, écoles, etc.). L’État devrait par ailleurs encourager l’administration dématérialisée et à distance en sim-plifiant aussi de manière considérable ses procédures

et ses textes. Il y a sur ce plan de véritables gains de productivité. Cette fusion des communes avec la strate supérieure permettrait de ne plus globalement recru-ter sur les dix ou vingt ans à venir. Car disposer d’un effectif important donne de la souplesse et permet de rationaliser le travail.

Ce qui est vrai pour la commune peut aussi s’appli-quer au département. Pourquoi garder cet échelon administratif qui est le fruit d’une histoire ancienne et qui ne correspond plus aux besoins d’une économie moderne ? L’échelon départemental s’occupe surtout du social, mission qui pourrait être prise en charge par les intercommunalités redessinées (et donc mieux structurées). Les collèges et les routes pourraient être pris en charge par les régions. Certains responsables politiques (qui n’ont pas envie de faire cette réforme) indiquent que supprimer les départements coûterait d’abord beaucoup d’argent (dans les 5 milliards d’eu-ros), parce qu’il faudrait aligner le régime statutaire des agents sur celui qui est le plus favorable. Si on veut vraiment faire cette réforme, cet argument ne tient pas, car il y a à la clé beaucoup plus d’économies à réaliser que de dépenses, d’autant que l’alignement des régimes statutaires n’est pas obligatoire.

La véritable question est celle de la volonté politique de mettre en œuvre ces réformes, d’ouvrir le débat sur la gouvernance de notre pays et de notre organisation territoriale. Veut-on oui ou non des échelons territo-riaux efficaces et moins coûteux ? Veut-on oui ou non réduire la dépense publique sans sacrifier les services rendus ? Veut-on oui ou non des régions qui seront attractives sur le plan européen et qui pourront attirer des entreprises, ce qui permettra de créer des emplois ? Veut-on au oui ou non faire évoluer notre pays et avoir une administration plus moderne ? q

au cœur de la crise

François LecLercAncien conseiller Au développement de l’Agence FrAnce-presseIl tient la chronique de « L’actualité de demain » sur le blog de Paul Jorion. Il est l’auteur de La crise n’est pas une fatalité (éditions Osez la République sociale !, 2013, 280 p., 13 euros).

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«Le Prix Nobel d’économie

Joseph E. Stiglitz voit dans l’inégalité la source profonde de la crise actuelle. »

au cœur des territoires

Jean-Louis DaLberadocteur en droit, mAire Adjoint Aux FinAnces des Arcs-sur-Argens (83), conseiller de lA communAuté d’AgglomérAtion drAcénoise

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L’interview26LA triBUne VENDREDI 22 MARS 2013

Olivier DuhaPrésident de WebhelP et de l’association Patronale croissancePlus

« La France crève de l’ultra-régulation du travail »Cofondateur de Webhelp, entreprise de conseil en relation client de 16 000 salariés, Olivier Duha estime que le Medef n’a pas bien défendu l’entreprise et la compétitivité de la France… et que Laurence Parisot adresse un mauvais message à l’opinion en se représentant. À l’heure du campus de printemps de Croissance Plus organisé à Évian, il sonne l’alarme sur la tentation des entrepreneurs de quitter la France, faute d’un environnement fiscal et social adapté au monde de demain.

ProPos recueillis Par PhiliPPe Mabille

( La Tribune – De quoi va-t-on parler cette année au Spring Campus de CroissancePlus, qui s’achève ce samedi à Évian ?Olivier Duha – Nous avons décidé pour cette cinquième édition de prendre de la hauteur. Pour les 300 dirigeants d’entreprise conviés pour trois jours à Évian, c’est l’occasion de s’interroger sur les défis géopolitiques, environnementaux, sociétaux et énergétiques du monde de demain. Avec une intuition : en 2030, le monde pourrait être à la fois meilleur et pire qu’aujourd’hui, économiquement plus riche mais aussi plus vulnérable… Pour être un entrepreneur performant, il faut savoir où l’on va. L’horizon 2030, cela veut dire un monde qui passe de 7 à 8,4 milliards d’habitants, un taux d’urbanisa-tion qui double, à 60 %, l’équivalent de cinq villes de la taille de Londres tous les ans… C’est un monde qui va vieillir, avec un appauvrissement dans les pays occidentaux et une montée des flux migratoires pour compenser les besoins de main-d’œuvre… C’est aussi un monde de plus en plus dépendant des nouvelles technologies. On va vivre de nouvelles révolu-tions de l’informatique : la miniaturisation, les réseaux intel-ligents, la robotisation. C’est un mouvement irréversible, sans marche arrière. On ne sait plus comment travailler sans Inter-net. Si un virus bloque Internet, cela peut anéantir l’économie. L’autre défi, c’est la place de l’humain dans tout cela. On va vers un monde où il y aura de plus en plus de matière grise, mais moins d’emplois non qualifiés. Le danger, c’est d’entrer dans une économie sans emploi et sans croissance. Or on ne sait pas penser un monde sans croissance.

( l’élection à la présidence du Medef fait débat. Comment cela se passe-t-il chez CroissancePlus ?J’ai été élu président il y a un an et demi et cela tourne tous les deux ans. Donc je vais bientôt laisser la place. Dès mon arrivée, j’ai fait changer les statuts pour raccourcir le mandat qui auparavant était de deux ans plus un an. Tous les entre-preneurs de CroissancePlus sont en activité avec de belles boîtes à gérer. Un mandat court et non renouvelable, cela crée du dynamisme et de l’émulation.Je trouve assez triste ce qui se passe au Medef et c’est un bien mauvais message adressé à l’opinion au moment où la per-ception de l’entreprise et du comportement de certains diri-geants n’a jamais été aussi négative, ce qui fait du mal à notre économie. La patronne des patrons devrait être plus sou-cieuse de l’exemplarité qu’elle doit incarner. C’est d’autant plus dommageable que le bilan du Medef n’est pas suffisam-ment bon. L’entreprise et la compétitivité n’ont pas été bien défendues face aux différents gouvernements qui se sont succédé depuis huit ans. Le Medef porte une énorme respon-sabilité pour avoir laissé la situation se dégrader et n’avoir pas mis suffisamment la pression pour remettre en cause la loi sur les 35 heures, qui a fait déraper le coût horaire du travail.

( Que pensez-vous de l’accord sur l’emploi entre les syndicats et le patronat ?L’accord sur l’emploi dont on se gargarise est important mais pas historique. On a évité le vrai sujet qui était de rendre plus souple notre droit du travail et de donner aux entreprises un environnement qui leur permette d’avancer plus vite. De nombreux entrepreneurs me disent qu’ils n’osent pas embau-cher. Pourquoi ne pas expérimenter, comme dans le bâtiment, le contrat de travail attaché à une mission ? Cela permettrait de sauver des emplois mais aussi d’en créer.Notre conviction, c’est que la France crève de l’ultra-régula-tion du travail. Avant, le monde était simple : les gros man-geaient les petits ; aujourd’hui, ce sont les rapides qui mangent les lents. Les entreprises qui s’en sortent sont celles qui sont agiles. Et pour l’être, il faut bénéficier d’un envi-ronnement qui favorise cette capacité d’adaptation rapide. La France avance avec des boulets aux pieds… Lors du récent voyage de François Hollande à Dijon, le dirigeant de la société Urgo lui a offert un cas d’école exemplaire. Urgo a développé un nouveau gaz cicatrisant en 2010. Il a obtenu l’autorisation de mise sur le marché en un mois en Allemagne et en six mois en Angleterre. En France il faudra quatre ans… Du coup, cet entrepreneur doit expliquer pourquoi son pro-duit est vendu partout sauf chez nous… On dit que c’est à la suite de cette rencontre que le président de la République a décidé d’agir par ordonnances pour simplifier les normes qui bloquent l’économie… Quelle meilleure démonstration que le temps politique n’est plus adapté à celui de l’économie !

( Qu’attendez-vous de François hollande ?Ce que je constate, c’est qu’il y a un diagnostic très largement partagé sur les maux de notre économie et aussi sur les remèdes. Ce qui manque, c’est du cou-rage politique. Il est vrai qu’à force de tergiverser il n’y a aucune bonne nou-velle à annoncer aux Fran-çais. Il n’y a rien de popu-laire à flexibiliser le marché du travail, à augmenter sa durée ou à réduire la dépense publique. Mais c’est pourtant nécessaire. Il nous manque un leader déterminé à agir et qui ne soit pas obnubilé par sa réélection.

( Bernard Charlès dit que Dassault Systèmes va devoir quitter la France et que le niveau des impôts est en train de casser l’économie numérique. C’est votre avis ?Pour Dassault Systèmes, la question centrale est de pouvoir attirer les meilleurs talents. Il dit que ce n’est plus possible dans le cadre fiscal actuel. Surtout que le gouvernement n’a pas renoncé à la taxe à 75 % et va la réintro-duire sous une autre forme. En surtaxant les stock-options, on a tué une mesure qui dans son principe réconciliait le capital et le travail, et ce à cause de cinq ou six mauvais exemples donnés par des entre-prises du CAC  40, alors que c’était à l’ori-gine un dispositif fait pour les start-up et les entreprises inno-vantes. Qu’on ne vienne pas se plaindre ensuite que des cen-taines d’entrepreneurs choisissent l’exil. Les jeunes qui partent le font parce qu’ils pensent qu’on ne les encourage pas à réussir en France.

( la taxe sur les plus-values qui a fait se lever un vol de « Pi-geons » sera-t-elle corrigée ?Le gouvernement a reconnu avoir fait une erreur mais n’a pas réussi à corriger le tir, car, en créant un statut de « vrai entre-preneur », il fabrique de nouvelles inégalités. Pourquoi diffé-rencier le traitement fiscal d’un créateur d’entreprise de celui de ses salariés qu’il a associés à son capital ? Quand le premier pourra être taxé à 35,5 %, les autres le seront à plus de 60 %. Pourtant, ils ont pris eux aussi un risque. Ce que l’on attend

des Assises de l’entrepreneu-riat, qui devraient rendre leurs

conclusions en avril, c’est que l’on considère la

nature de l’investisse-ment, et pas celle de l’investisseur. J’espère

qu’il y aura dans le PLF pour 2014 une correction majeure de la fiscalité des plus-values. Cette

mesure est d’autant plus absurde que,

comme les 75 % d’IR, elle ne rapporte presque

rien au budget de la France. q

Êtes-vous iPhone ou Samsung ?iPhone.

Lève-tôt ou couche-tard ?Lève-tôt et couche-tôt.

Travail le week-end ou détente ?Travail.

Note de synthèse ou rapport ?Note de synthèse.

La qualité que vous préférez chez vos collaborateurs ?La vitesse d’exécution.

Le défaut que vous ne pardonnez pas à un collaborateur ?La mauvaise foi.

Meilleur souvenir professionnel ?La rencontre avec mon associé pour lancer Webhelp, en juin 2000.

Il est comme ça !

«Ce qui manque, c’est du

courage politique. […] Le temps politique n’est plus adapté à celui de l’économie ! »

selon olivier duha, « les jeunes [entrepreneurs] qui partent le font parce qu’ils pensent qu’on ne les encourage pas à réussir en France ». [Dahmane]

www.latribune.frVENDREDI 22 MARS 2013 Supplément au N° 41 - Ne peut être vendu séparément

HEBDOMADAIRE

DES METROPOLES

www.latribune.fr

ÉDITO Un écosystème riche d’innovationsNICOLAS CÉSAR

Bordeaux, l’Aquitaine, ses vins, ses plages, ses forêts, sa qualité de vie… Oui, certes, mais au-delà de ces images « carte postale », la région dispose d’un tissu économique diversifié et innovant. C’est la première région créatrice d’emplois en France depuis trois ans. Elle compte nombre de PME régionales devenues leader européen dans leur secteur, comme Fermentalg (micro-algues), Immersion (salles immersives en 3D pour l’industrie) ou encore Concoursmania (gamification). Sait-on, par exemple, que Stantum, une TPE borde-laise, a inventé l’écran multitouch en 2005, soit deux ans avant Apple!? D’autres ont mis au point des tech-nologies uniques au monde comme Innoveox, qui est capable de transformer des déchets liquides dange-reux en eau.

Comment expliquer cette concentration de PME inno-vantes!? « Les start-up viennent ici, car il y a un écosystème – laboratoires de recherche, industriels, politiques – qui favorise l’innovation », observe Jean-Luc Fouco, pré-sident d’Aquitaine développement innovation, agence publique créée en mars 2012 par le Conseil régional pour conseiller « à 360° » les entreprises dans leur démarche de R&D et faire émerger de nouvelles filières. Chaque année, la Région consacre 10!% de son budget à la recherche, à l’enseignement supérieur et au transfert de technologies. Ces cinq dernières années, elle a impulsé près d’une vingtaine de clusters. Ce qui a permis aux secteurs en devenir de se structurer comme le numé-rique, les TIC de la santé (50!% du business national est réalisé par des entreprises aquitaines), les drones, le laser (1!400 emplois créés dans la région en dix ans), la chimie verte, etc. Tout dernièrement encore, le conseil

régional a lancé un club pour réunir les dirigeants d’en-treprises innovantes qui ont déjà réalisé au moins une levée de fonds auprès d’investisseurs privés et prêts à donner de leur temps pour aider d’autres entrepreneurs dans leur recherche de financement. D’emblée, le club a rassemblé une trentaine d’adhérents.C’est aussi cet écosystème de l’innovation qui a permis au bassin de Lacq, près de Pau dans le Béarn, de pérenniser plus de 1!000 emplois dans la chimie, après la fin de l’ex-ploitation du gisement de gaz. Le puissant groupe japonais Toray a choisi d’y implanter une usine de 160!000 m2 pour produire de la fibre de carbone. Sa seule unité en Europe. Dans un contexte de concurrence internationale « féroce », l’Aquitaine a jeté de solides bases pour son ave-nir. Reste à mieux faire connaître qu’elle est à la pointe de l’innovation dans de nombreux domaines. Son attractivité ne pourra en être que renforcée.

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AQUITAINE : LES 30 PME LES PLUS INNOVANTES

Les lasers, spécialité de l’université de Bordeaux, vont être de plus en plus utilisés pas l’industrie. [DR]

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Et si le meilleur jeune entrepreneur de France, c’était vous ?

Déposez votre candidature jusqu'au 14 avril sur http://prixdujeuneentrepreneur.latribune.fr

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Cette année, La Tribune organise le Prix national du jeune entrepreneur, un événement national dont les candidats sont issus des régions métropolitaines et des DOM-TOM.

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55Plus de renseignement sur :www.prixdujeuneentrepreneur.latribune.fr

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3 VENDREDI 22 MARS 2013 LA TRIBUNE

BORDEAUX

LES TRENTE PME LES PLUS INNOVANTESVERS L’EXCELLENCE Ces dernières années, la région Aquitaine a fait émerger de nouvelles filières, créatrices d’emplois, comme le numérique, le laser, les drones, la chimie verte, le solaire… Leurs innovations sont porteuses d’avenir.

Lorsque Christophe Chartier crée à Bordeaux cette société en 1994, le concept de réalité virtuelle n’en est qu’à ses prémisses. Depuis, les industriels ont mesuré tous les bénéfices de cette technologie : raccourcissement des délais de conception, visua-lisation à l’échelle réelle, facilitation du travail en équipe pluridisciplinaire et à distance, accéléra-tion du processus de décision, etc. Et Immersion a séduit les plus grands : LVMH, PSA, Renault, l’armée de l’air française, EADS, Airbus, Eurocop-ter, Areva… Elle est devenue un des leaders euro-péens des systèmes de simulation visuelle et de réalité virtuelle sur mesure.Désormais, autour de ses salles immersives, la PME développe des applications uniques, breve-tées, comme la table tactile multipoint et le Cube 3D, « Cubtile », qui permettent de manipuler intui-tivement les objets et accélèrent la prise de déci-

sion en groupe. « Avec la table Meetiiim, on peut transférer les données de la table vers le p o r t a b l e e t v i c e - v e r s a . Ainsi, chacun peut quitter la réunion avec le contenu dans

son téléphone », précise Christophe Chartier. Ici, pas moins d’un tiers de l’e!ectif est dédié à l’acti-vité de R&D. Il y a quelques jours, le musée Louvre-Lens a dévoilé une « bulle immersive »,

réalisée par Immersion, permettant aux visiteurs de voir l’image en relief sur un écran sphérique avec des lunettes. En 2012, l’Inpi Aquitaine lui a décerné le prix de l’innovation.Actuellement, Immersion travaille sur un impor-tant projet européen, Total airport security sys-tem. L’objectif est d’optimiser les bureaux des opérateurs des centres de contrôle dans l’aéroport pour lutter e"cacement contre le terrorisme. Il s’agit de fusionner, d’intégrer des données de dif-férents types de capteurs en temps réel et sous-systèmes dans une variété de modes, y compris fixe et mobile, jusque-là éparpillées sur plusieurs écrans. Avec la démocratisation des écrans multitouch sur les smartphones, le marché est en pleine expan-sion. En 2012, son CA a atteint 6,6 millions d’eu-ros, en hausse de 20 %.

DOSSIER RÉALISÉ PAR NICOLAS CÉSAR

IMMERSION, LA RÉFÉRENCE DE LA SIMULATION 3D

BHR-HELITECHNICA, LES PREMIERS HÉLICOPTÈRES 100% EN COMPOSITE DE CARBONE

« Ce sont les seuls hélicoptères au monde fabriqués 100!% en car-bone », se félicite Pascal Bernu-chon, le président de BHR-Heli-technica. La société vient de déménager dans une nouvelle usine plus grande, de 1!800 m2, à Bayonne, pour produire le Fan-dango et le Mustang. Il aura fallu six ans de recherche et développe-ment pour créer ces hélicoptères plus légers, plus résistants et moins chers!! Le prix du Fandango est de 200!000 euros et celui du Mustang, de 149!500 euros. Plus de 100 précommandes sont déjà enregistrées, dont certaines venant de pays d’Afrique qui sou-haitent équiper leurs forces de police, et d’autres de riches entre-preneurs européens.

EVTRONIC, POUR RECHARGER LA VOITURE ÉLECTRIQUE

Précurseur, dès 2007, Éric Stempin, ex-ingénieur du Réseau aquitain véhicules électriques (Ravel), s’est positionné sur les bornes de charge en créant Evtronic à Pessac, près de Bor-deaux. Résultat, il est aujourd’hui l’un des leaders en Europe du secteur. Cette PME propose des bornes permettant une recharge intégrale en six heures. Et surtout, depuis juin, une borne de recharge rapide : en 10 minutes de charge « Pulse 50 », qui o"re 40 km d’autonomie. Aujourd’hui encore, les deux tiers des e"ectifs (18 personnes) se consacrent à la R&D. La start-up (2 millions d’euros de chi"re d’a"aires en 2012) vient de rem-porter des marchés à La Rochelle et à Bordeaux. Son carnet de com-mandes est rempli pour les cinq mois à venir.

MUQUANS, LA MAÎTRISE DES ATOMES REFROIDIS

Cette spin-o" de l’Institut d’optique de l’Observatoire de Paris, créée en 2011 à Pes-

sac, près de Bordeaux, a inventé l’horloge la plus précise au monde. Sa technologie, unique et breve-tée, repose sur l’utilisation d’atomes piégés et refroidis par laser. Elle ouvre la voie à une nou-velle génération d’instruments de mesure. L’horloge atomique de Muquans s’adresse au marché des télécommunications et de la Défense (géopositionnement par satellite). Son deuxième produit phare, le gravimètre atomique, est destiné, lui, à l’exploration des sous-sols, à l’industrie gazière et pétrolière. Deux marchés de niche, mais qui pèsent chacun 20 millions d’euros à l’international. « D’ici 2015, nous visons 5 millions d’euros de CA », indique Bruno Desruelle, le PDG.

FONROCHE, CAP SUR LES NOUVELLES ÉNERGIES

En 2008, lorsque Yann Maus crée Fonroche dans la zone d’activités de l’Agropole d’Agen, dans le Lot-et-Garonne, il n’a que quatre salariés. Aujourd’hui, cinq ans plus tard, ce jeune PDG de 42 ans dirige un groupe, qui compte 270 personnes et a réalisé 257 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011. C’est devenu l’un des leaders mondiaux du solaire. Le secret de sa réussite!? « Nous sommes à la fois développeur, constructeur, investisseur, poseur et exploitant des centrales », explique Yann Maus. Fonroche a su aussi se diversifier. Après le biogaz, le groupe se lance désormais sur le marché de la géothermie. Yann Maus promet d’y investir 400 mil-lions d’euros et de créer 500 emplois directs dans les dix ans à venir.

STANTUM, L’ÉCRAN MULTITOUCH AVANT APPLE, L’E-EDUCATION EN LIGNE DE MIRE

Dès 2005, deux ans avant la sor-tie de l’iPhone, trois Bordelais, Guillaume Largillier, Pascal Joguet et Julien Olivier, auto-

didactes en informatique, ont commercialisé la première tablette à écran tactile multi-point pour les musiciens. Baptisée, Lemur, sous la marque Jazzmutant, elle a

même séduit des stars tel les que Björk, Daft Punk… Mais, ce marché de niche était t ro p é t ro i t . Forte d’une

vingtaine de brevets, Stantum a alors pro-

posé avec succès sa technolo-gie aux fabricants et assem-bleurs à l’étranger. La société (30 salariés, 1,5 million d’euros de CA) se diversifie désormais dans l’e-éducation, où elle veut devenir leader avec une tablette dédiée. Elle vient de remporter un appel d’offres (à 1 million d’euros) du ministère de l’Éducation nationale. « Le potentiel est énorme, car l’iPad ne permet pas la création de contenus, ce qui rend l’élève passif », souligne Guillaume Larguilier, directeur exécutif de Stantum.

Un CA en hausse de 20!%, un tiers des e"ectifs dédié à la R&D, un grand projet européen…

Le système immersif conçu pour EADS Astrium autorise la vérification d’accessibilité et de maintenabilité en phase de conception. [DR]

LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES4LA TRIBUNE VENDREDI 22 MARS 2013

ALAIN ROUSSET, PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL D’AQUITAINE

« La Région pourrait investir directement dans les entreprises »Comment la Région accompagne-t-elle les PME innovantes!?Le conseil régional d’Aquitaine est de loin la seule Région de France à consacrer 10!% de son budget à la recherche. Au total, pour l’innovation et la recherche, cela représente 150 millions d’euros par an. Nous accompa-gnons les PME de la création jusqu’à la com-mercialisation à travers 14 dispositifs : Aquitaine création innovation, les fonds d’investissement mis en place avec la Caisse des dépôts, les fonds d’amorçage, les aides directes, etc… Sans oublier les centres de ressources, comme Alphanov dans l’op-tique-laser ou encore Agrotec pour la filière fruits et légumes. Ne serait-ce que dans les technopoles, 643 projets ont déjà vu le jour depuis l’année 2009.

Quels sont les secteurs les plus porteurs d’innovation!?Tous les secteurs sont concernés par l’inno-vation. Par exemple, aujourd’hui, l’écorce du bois est utilisée pour l’isolation des maisons. Le cluster Inno’vin travaille sur de nouveaux cépages pour faire face au réchau"ement climatique. Ces dernières années, nous avons structuré les filières en créant une vingtaine de clusters dans le solaire, les drones, la glisse, l’optique, le laser, la construction durable… Nous sommes en compétition in-ternationale. Il nous fallait inventer un accé-lérateur régional d’innovation et diversifier notre économie. Dans le laser, nous avons investi 150 millions d’euros et développé les activités civiles, ce qui a créé 1!000 emplois.

La crise va-t-elle impacter vos capacités d’investissement!?Non. Mon idée est d’intervenir plus comme investisseur que via des subventions. Une fois l’entreprise lancée, cela permet de re-trouver le capital de départ et de le réinvestir dans d’autres sociétés.

FERMENTALG, L’OR VERT DES MICRO-ALGUES

I2S, L’ALTERNATIVE À GOOGLEPOUR NUMÉRISER LES FONDS DES BIBLIOTHÈQUES

Cette PME, leader international des scanners patrimoniaux, a inventé l’an dernier Limb, première solution logi-cielle complète permettant aux biblio-thèques de traiter les images et les textes numérisés, de les convertir et les di!user sur Internet, smartphones et tablettes. Installée à Pessac, dans l’agglomération bordelaise, cette PME de 70 salariés a plusieurs premières mondiales à son actif : découverte du Titanic en 1985,

avec ses « caméras de l’extrême », créa-tion en 2006 du scanner automate le plus rapide au monde… « Nous venons de numériser le plus grand coran du monde, 2,28 m de haut pour 1,55 m de large et 500 kg », précise Jean-Louis Blouin, président du directoire d’I2S. Cotée sur Alternext, I2S (14,3 millions d’euros de CA en 2012) ne cesse de grandir. En 2011, elle a racheté l’améri-cain Kirtas, numéro un mondial de la numérisation de livres.

MAXSEA, LE MEILLEUR LOGICIEL DE NAVIGATION MARITIME

A r c h i t e c t e n a v a l d e formation, Brice Pryszo a créé en 1985 cette société au Pays Basque avec une idée audacieuse : équiper chaque bateau d’un ordinateur indi-viduel. Puis il a multiplié les innova-tions au fil des années : premier a!-chage des cartes en mode « seamless », premier fichier météo numérique reçu à bord, invention de l’a!chage en 3D des fonds marins… Leader en Europe et aux États-Unis dans le domaine des logiciels de navigation pour la plaisance et les professions de la mer, Maxsea inter-national (70 salariés, 7 millions d’euros de CA, en hausse de 15"%) est disponible en 12 langues et équipe plus de 25"000 bateaux dans le monde. Une version inédite pour les tablettes vient d’être lancée pour le marché des « petits » bateaux.

CONCOURSMANIA,LE NUMÉRO 1 DES JEUX DE CONCOURS EN LIGNE

J u l i e n P a r r o u n’avait que 22 ans lorsqu’il a créé Concoursmania à Bordeaux en 1995 et décidé d’arrêter ses études de droit. Aujourd’hui, il est à la tête du leader français des jeux de concours en ligne, qui emploie 75 salariés. Sa progres-sion est spectaculaire : 4,8 mil-lions de chi#re d’a#aires en 2009, 10,5 millions en 2011, 15 millions en 2012 et 30 millions prévus en 2014… Il avait compris avant les autres que les marques allaient communiquer de plus en plus par le jeu et Internet. Concoursmania, qui dispose d’un laboratoire permanent du marke-ting en ligne, a ses sites propres, comme jeux.com, et se rémunère avec la publicité. Sa deuxième activité consiste à organiser des campagnes sur mesure pour ses clients (SNCF, Air France, Studio Canal, Toys’R’Us, etc.).$

E-DEVICE, LES AMÉRICAINS S’ARRACHENT SA BOX MÉDICALE

À l’origine, en 2 0 0 0, c e t t e société, implan-tée à Mérignac, près de Bor-deaux, était

spécialisée dans la connexion des machines entre elles via Internet. Mais, depuis mai 2012, E-device a pris une autre dimension en lançant sa box médicale, la seule au monde utilisable par n’importe quel opérateur. Aux États-Unis, elle fait fureur. 100"000 appareils sont déjà connectés. En 2012, l’entreprise et ses 20 salariés ont réalisé 5,3 millions d’euros de CA. « Nous avons le potentiel pour être leader mondial. Nous allons de plus en plus sur la spécialisation médicale, avec des appareils pour le diabète, les problèmes cardiaques », assure Marc Berrebi, cofonda-teur de la société. Objectif : 25"% de croissance par an sur les pro-chaines années.

INNOVEOXTRANSFORME LES DÉCHETS LIQUIDES DANGEREUX EN EAU

Créée en 2008, cette start-up bor-delaise a une technologie unique au monde. Par un processus « d’oxy-dation hydrothermale supercri-tique », type « cocotte-minute », elle est capable de transformer des déchets industriels liquides dange-reux en eau. À un coût inférieur ou égal aux incinérateurs. Le fruit de quinze ans de recherche. Il y a un peu plus d’un an, elle a dévoilé une unité industrielle pilote à Arthez-de-Béarn, près de Pau. Son PDG, Jean-Christophe Lépine, s’apprête à décrocher ses premiers contrats, dont le montant se situe entre 10 et 30 millions d’euros"! Dans les cinq prochaines années, Innoveox vise le déploiement de 72 unités industrielles en Europe.

Comment remplacer le pétrole, qui va se raréfier, et développer la pisciculture afin de diminuer l’exploitation intensive des océans!? Pour Pierre Calléja, PDG de Fermentalg, la solution, ce sont les micro-algues. Le marché des applications est gigantesque : cela va de l’alimentation animale à la cosmétique, en passant par la nutrition, la chimie verte ou les biocarburants. En 2009, cet ingénieur a créé sa start-up, à Libourne, près de Bordeaux. Aujourd’hui, après des années de recherche avec son équipe de 35 per-sonnes, il est capable de produire des micro-algues à une échelle industrielle et plus vite que les Amé-

ricains. Sa tech-nique est brevetée. D’ailleurs, dès 2011, cette jeune entre-prise, déjà leader européen du sec-teur, a signé une première joint-ven-ture industrielle et commerciale avec Sofiprotéol, pro-p r i é t a i r e d e Lesieur, pour fabri-quer des huiles ali-mentaires riches en oméga 3 (EPA-

DHA), ces acides gras dont notre cœur et notre cerveau ont besoin. En Europe, cela représente un marché de 260!000 tonnes. Une première usine de production est en construction.En 2012, Fermentalg a aussi fait rouler une voi-ture avec un biocarburant à base de micro-algues, sans adaptation spécifique. Une première en Europe. Avec Turbomeca, le n° 1 mondial des turbines d’hélicoptères, Fermentalg projette de produire des biocarburants pour l’aéronautique, toujours à partir de ces micro-algues. « Les micro-algues peuvent être cultivées hors terre et sont bien plus productives que le colza. Elles peuvent stocker 70!% d’huile. Toute la planète s’y intéresse », observe-t-il. Pas étonnant que le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux éner-gies alternatives) ait choisi la société comme partenaire R&D pour développer les applications. Soutenu par des fonds d’investissement de pre-mier rang dont Demeter Partners, CEA Investis-sements et Emertec, la PME a déjà levé 7,5 mil-lions d’euros de fonds. Ce n’est qu’un début pour un futur prometteur#: le marché international est évalué à 5 milliards d’euros.

«Les micro-algues

sont bien plus productives que le colza. Elles peuvent stocker 70!% d’huile. Toute la planète s’y intéresse. »

INTERVIEW

Pierre Calléja, PDG de Fermentalg. [DR]

Jean-Louis Blouin, président du directoire d’I2S. [DR]

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PHILIPPE BOURDIER, DIRECTEUR RÉGIONAL À L’INNOVATION D’OSÉO

« La clé, c’est d’intégrer le marché le plus vite possible »Comment Oséo aide les PME à innover au quotidien!?Nous avons trois types d’outils : les subventions (30!000 euros en moyenne) en amont des projets, des prêts à taux zéro (300!000 euros) sur la phase de développement, et une avance remboursable, en cas de succès (20!000 euros). Au total, cela représente un budget de 13 millions d’euros par an pour aider les entreprises à innover en Aquitaine. En 2012, nous avons accompagné 150 entreprises dans la région.

Quels sont vos critères de sélection!?Pour les nouveaux produits, la règle est qu’il ne doit y avoir aucun équivalent sur le marché, et une perspective réelle de commercialisation. Mais, l’innovation est présente au-

jourd’hui dans de nombreux secteurs : le numérique, l’aéronautique, l’environne-ment, l’agroalimentaire… Elle peut être technologique, marketing, etc. Nous véri-fions toujours si l’entreprise a les moyens économiques, humains, juridiques, pour réussir à innover.

Est-ce que la crise freine l’innovation dans les PME!?Non, quand l’économie est en berne, certaines entreprises en profitent pour développer des innovations et être prêtes quand le marché va se redresser. Mais depuis deux ans, la capacité d’autofinancement des PME s’est réduite.

Comment lancer un projet innovant!?En France, les entreprises cherchent trop souvent à faire le produit parfait, dont n’a pas forcément besoin le client, alors qu’il faut surtout se concentrer sur la réussite commerciale. La clé, c’est d’intégrer le marché le plus vite possible, en amont avec les clients, les prospects.

5 VENDREDI 22 MARS 2013 LA TRIBUNE

BORDEAUX

« Au début des années 1990, les lasers femtosecondes [avec des impulsions ultracourtes atteignant le millionième de milliardième de seconde, ndlr] res-semblaient à de gros instruments complexes de labo-ratoires qui encombraient une grande pièce. Leur utilisation dans l’industrie était impensable », se souvient Éric Mottay. Mais, en 2000, à Bordeaux, le laboratoire Celia, avec les équipes du CNRS et de l’université Bor-deaux 1, réussit la prouesse de faire tenir le laser femtoseconde sur une feuille A3. Une rupture technologique majeure. Éric Mottay est l’un des premiers à comprendre que ces lasers ont un grand avenir dans l’industrie. Dès 2001, ce diplômé de l’École nationale supé-rieure d’optique crée Amplitude Systèmes, à Pes-sac, près de Bordeaux et du campus universitaire. « Il n’y avait alors pas de produit. On a démarré en autofinancement sur des marchés préindustriels en vendant à des laboratoires de recherche appliquée

et des centres tech-n o l o g i q u e s » , explique-t-il.Durant les cinq pre-mières années, la start-up se consacre au développement technologique. Dès 2009, Amplitude systèmes a atteint 6 millions d’euros de CA. Aujourd’hui, le groupe (90 per-sonnes à Bordeaux,

18 millions d’euros de chi"re d’a"aires, 65 salariés dans l’unité de Paris et 17 millions de CA) profite à plein de l’éclosion du secteur et vient de lever 30 millions d’euros. Les domaines d’application sont multiples : micro-usinage de très grande précision pour l’industrie (métaux, verre, céramique…), contrôle qualité, chirurgie ophtalmologique, fabrication de cellules photovoltaïques, d’écrans plats, de semi-conduc-teurs, etc. « Demain, nos lasers seront aussi utilisés pour fabriquer des composants à l’échelle micromé-trique, prédit Éric Mottay. Notre vocation est de devenir la Rolls Royce de grandes industries ». D’ici cinq ans, le groupe devrait au moins doubler son CA, réalisé à 90!% à l’export. En douze ans, la start-up est devenue l’un des leaders mondiaux des lasers à impulsions brèves.

AMPLITUDE SYSTÈMES, LE TOP DU TRANSFERT DE TECHNOLOGIE

«Demain, nos lasers

seront aussi utilisés pour fabriquer des composants à l’échelle micrométrique. »

AEC POLYMERS, LES NOUVELLES COLLES INDUSTRIELLES

Cette jeune PME, installée au Barp, en Gironde, près du chantier du laser mégajoule, a mis au point les meil-leures colles structurales en métha-crylate au monde. Elles sont plus souples (jusqu’à 400!% d’étirement) que les colles à base d’époxy, et plus résistantes (capable de supporter des écarts thermiques de - 50°C à + 200 °C). C’est une nouvelle génération de colles industrielles qui remplacent les sou-dures et les rivets. Elles sont de plus en

plus utilisées dans les secteurs de l’automobile, du ferroviaire et de l’aéronautique. À l’heure où l’on cherche par tous les moyens à diminuer la consommation en carburant des véhicules et avions, cette colle se révèle précieuse et permet, par exemple, de gagner 500 kg sur le poids d›un bus. « Le marché décolle. En un an, nous devrions passer de 1,5 à 4 millions d’euros de CA!! », a"rme Christian Bret, le président d’AEC Polymers.

CHEOPS TECHNOLOGY, EN PLEINE CROISSANCE SUR LE CLOUD

Cette PME bor-delaise, spécia-liste des data centers, a connu 272!% de crois-sance sur les

cinq dernières années!! Grâce à un bon positionnement sur le cloud (externali-sation des systèmes informatiques des entreprises), où elle compte déjà plus de 70 clients. Depuis fin 2012, la société (360 salariés, 62,6 millions d’euros de CA) a décroché l’agrément au niveau le plus élevé pour héberger et infogérer toutes les appli-cations dans la santé. « Nous ne sommes que cinq en France à l’avoir, et l’une des premières entreprises à lancer une o!re dédiée au secteur », souligne Nicolas Leroy-Fleuriot, PDG de Cheops Tech-nology. Il vient de signer un contrat avec Medi-partenaires pour ses 25 cliniques.

SNAPP, CHAMPION EUROPÉENDES CARTES DE FIDÉLITÉ DÉMATÉRIALISÉES

Fini les multiples cartes de fidélité qui encombrent nos portefeuilles. Il y a trois ans, Snapp a créé Fid Me, qui réunit vos cartes de fidélité sur mobile. Aujourd’hui, cette application téléchargeable sur tous les téléphones compte 2 millions d’uti-

lisateurs dans 80 pays, et en 14 lan-gues. La PME bordelaise (1,3 million d’euros de CA, 20 salariés) est leader euro-péen du secteur. Le fruit d’un business model simple, mais e"cace. Les grandes enseignes (Auchan, Décathlon, Ikéa…) paient pour être présents dans Fid Me. Pour le grand public et les petits com-merçants, c’est gratuit. Prochaine étape : « Intensifier notre présence en Europe et mettre en place des fonctions de monéti-sation », dévoile Jean-Benoît Charreton, président de Snapp.

HÉLILÉO,L’ENVOL DE LA GÉOLOCALISATION

Bernard Panefieu, un ancien de la Direction générale de l’armement, a créé en 2008 cette

PME landaise (11 salariés, 1,1 million d’euros de CA). Il avait compris le potentiel des GPS et s’est tourné vers des applicatifs pour l’agriculture, l’e-santé. Aux traceurs, ses ingénieurs ont couplé un back office qui donne en temps réel des informations précieuses (consommation, positionnement des appareils…). Mais, l’innovation sur laquelle Héliléo mise aujourd’hui, c’est

TechVie, conçu en partenariat avec le cluster thermal Aqui-O-Thermes. Il s’agit d’une tablette numérique qui intègre des données médicales et guide les patients dans leur cure. Principal client visé : les thermes de Dax, qui reçoivent 70!000 personnes chaque

année. Commercialisation : début 2014.

IMAGINE ÉDITIONS, LEADER FRANÇAIS DE L’INFORMATIQUE MÉDICALE

1991, les débuts de Windows. À la même époque, les Bordelais Maryline Minault et son mari, informati-cien, commercia-lisent un logiciel per-

mettant aux médecins de gérer les dos-siers de leurs patients. Quatre ans plus tard, leur société familiale a 800 clients, alors que la feuille de soins électronique n’arrivera qu’en 1998. Leur logiciel, Hellodoc, est désormais n° 1 en France chez les médecins et les struc-tures de groupes. Aujourd’hui, Maryline Minault, autodidacte, est PDG d’une PME de 130 salariés réalisant 9 millions d’euros de CA. Pour préparer le monde de demain, où une personne pourra être suivie à distance par son médecin, cette PME continue d’innover et travaille actuellement sur une nouvelle version de son logiciel, 100!% tablettes et Internet.

INTERVIEW

Les lasers sont de plus en plus utilisés dans l’industrie. [DR]

La colle permet de fixer facilement la coque et le pont d’un bateau. [DR]

ASOBO, LE STUDIO DE JEUX VIDÉOQUI INNOVE POUR MICROSOFT

Premier développeur indépendant de jeux vidéo en France, cette PME borde-laise (80 personnes, 7 millions d’euros de CA en 2012), fondée en 2002 par des anciens de Kalisto, travaille pour les plus grands du milieu. En 2007, elle a produit pour Walt Disney le jeu « Ratatouille », vendu à 2,5 millions d’exemplaires dans le monde, puis en 2010 le blockbuster de Disney-Pixar « Toy Story 3 » pour les PSP & PS2. Le studio a développé « Kinect Héro », sortie en mars 2012, une aventure Disney-Pixar pour Microsoft, qui vient à nouveau de leur confier un juteux contrat. « Nous avons plus de dix ans d’expérience dans les jeux vidéo, chose rare, et sommes capables d’innover sous la pression. C’est ce qui fait la di!érence », explique Sebastian Wloch, codirigeant d’Asobo.

CEVA SANTÉ ANIMALE, PÉPITE DE L’INNOVATION AU SERVICE DES VÉTÉRINAIRES

En 2012, ce groupe spécialiste de la fabri-cation de médicaments vétérinaires, (3!000 salariés, dont 750 au siège social à Libourne en Gironde, qui abrite aussi

un laboratoire R&D), s’est encore illustré en produisant deux importants vaccins (Transmune IBD, Vectormune ND) qui protègent les élevages de volailles contre trois maladies majeures (Gumboro, Newcastle, Marek). Porté par de bons résultats – 607,3 millions d’euros de CA consolidé, en hausse de 10!% –, il a décidé d’investir 15 millions d’euros à Libourne, afin de moderniser et d’améliorer la pro-ductivité de la ligne de fabrication de produits injectables. Ceva Santé Animale consacre chaque année 9!% de son chi"re d’a"aires à la R&D. Un acteur incontour-nable de l’innovation en Aquitaine.

ROBOSOFT, LE ROBOT DE DEMAINPOUR LES PERSONNES DÉPENDANTES ET… L’ARMÉE

En 2012, dans le cadre d’un projet euro-péen, cette société basque, installée dans la technopole de Bidart, a testé pour la première fois de l’histoire un robot-com-pagnon chez une personne âgée. Ce robot accompagne la personne dépendante au quotidien : il lui rappelle de prendre ses médicaments, gère ses rendez-vous, sert de téléphone et de visioconférence. Leader européen de la robotique de ser-vice, cette PME créée en 1985, est déjà présente dans les hôpitaux avec des robots d’assistance pour la logistique. Mais, pour l’heure, son principal client est… le minis-tère de la Défense. Aujourd’hui Robosoft (22 salariés) produit une vingtaine de robots par an, de 20 kg à 12 tonnes!! En 2012, son CA a atteint 3,2 millions d’euros.

CAUDALIE, LE FLORISSANT BUSINESS DES RAISINS EN COSMÉTIQUE

En 1995, Mathilde Thomas, fille du couple Cathiard, propriétaire du célèbre grand cru classé bordelais, le château Smith Haut-Lafitte, a fait la révo-lution « verte » dans la cosmétique, bien avant les géants du secteur. Avec son mari, elle a développé une gamme de soins « naturels » à base de pépins de raisin, en s’appuyant sur les travaux du profes-seur Joseph Vercauteren, qui venait de découvrir que ces pépins contenaient des polyphénols, des molécules naturelles « mille fois plus e#caces que la vitamine E » contre le vieillissement de la peau. Leur société, qui continue d’investir for-tement dans la R&D, compte maintenant 120 millions d’euros de CA, 11!000 points de vente dans le monde et emploie 500 personnes, dont 300 en France, où elle est numéro un de l’antirides.

EUROPLASMA, LES DÉCHETS INDUSTRIELS TRANSFORMÉS EN ÉLECTRICITÉ

En octobre 2012, cette société a mis en service dans les L a n d e s CHO-Power,

première centrale de production par valorisation de déchets et de biomasse forestière. Cette unité unique au monde permettra une fois à pleine puissance (12 mégawatts) d’éclairer 50!000 per-sonnes en recyclant 50!000 tonnes de déchets par an. « Aujourd’hui, seuls 20"% des déchets industriels banals sont reva-lorisés dans les incinérateurs tradition-nels. Nous, c’est 40"% », souligne Didier

LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES6LA TRIBUNE VENDREDI 22 MARS 2013

« Je ne connais pas une PME du secteur créée en même temps que nous en 2006 et qui existe encore aujourd’hui », lance Hubert Forgeot, directeur d’Aérodrones à Bidart, au Pays Basque. Les drones ont tardé à décoller, faute de réglementation les autorisant. Mais, cette start-up issue du Conserva-toire national des arts et métiers, lauréate en 2006 du concours national de la création d’entreprises innovantes du ministère de la Recherche, a su réo-rienter son business model. « Après avoir développé quelques drones, nous nous sommes tournés dès 2007 vers le contrôle des com-mandes et l’analyse des données, où le marché était plus mature », précise le PDG.Aérodrones intervient comme intégrateur et « cus-

tomise » ses pro-duits, afin que les capteurs de perfor-mance répondent à des problématiques métiers. Ses produits font référence dans le monde entier. En 2012, Thales a décerné le prix de l’innovation à cette PME, qui a mis au

point avec l’Inria un système unique permettant de faire voler des drones avec des données vidéo, sans avionique.Aujourd’hui, la TPE (11 salariés) est leader européen des stations au sol pour les aéronefs sans pilotes. Ses clients sont pour la plupart dans le civil (Total, GDF-Suez, Air Marine…), à l’exception du ministère de la Défense. 50!% de son activité est réalisée sur le mar-ché des avions de surveillance.Hubert Forgeot (31 ans) vient de recevoir un nou-veau prix pour un projet transfrontalier entre l’Aquitaine et le Pays basque espagnol pour les drones de surveillance maritime, destiné à lutter contre la pollution. En 2012, Aerodrones a réalisé 1,9 million d’euros de CA et enregistré une crois-sance à deux chi"res. Progressivement, la régle-mentation laisse les drones prendre leur envol. De nombreux secteurs sont demandeurs : la sécu-rité, l’inspection industrielle, l’environnement, l’agriculture, la communication et les médias (drones pour émissions). « Le meilleur est à venir. La seule question, c’est : quand!? », s’interroge Hubert Forgeot.

AERODRONES, N°1 DES STATIONS AU SOL POUR LES DRONES

GOUPIL, LE « BOOM » DES VÉHICULES UTILITAIRES ÉLECTRIQUES

Installé depuis sa création en 1996 à Bourran (Lot-et-Garonne), le leader européen des véhicules utilitaires élec-triques pour les collectivités, l’industrie et les loisirs s’exporte désormais outre-Atlantique. Il a livré 32 exemplaires de son modèle G3 aux Etats-Unis à l’automne denier. Une centaine d’autres devraient suivre cette année. Car l’entreprise a été rachetée en 2011 par l’américain Polaris Industries, fabricant de véhicules tout-terrain et de motoneiges, cotée au Nyse-Euronext, qui nourrit de fortes ambitions pour elle à l’export.Depuis 2005, cette société de 93 personnes surfe sur une croissance annuelle de son CA (25 millions d’euros en 2012) de près de 40!%!! Elle vend plus de 1!200 véhicules par an à des clients prestigieux comme Volkswagen en Allemagne, Airbus, Peugeot et aux grandes capitales européennes : Madrid, Amsterdam… Toujours à la pointe du secteur, Gou-pil a inventé en 2010 le G5, premier véhicule hybride rechar-geable au monde.

«Avec les drones,

le meilleur est à venir. La seule question, c’est : quand!? »

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7 VENDREDI 22 MARS 2013 LA TRIBUNE

BORDEAUX

Pineau, le PDG. Si cette usine pilote fait ses preuves, huit autres instal-lations similaires devraient voir le jour prochainement en France et en Angleterre. À l’horizon 2020, le PDG espère ins-taller 75 usines. À terme, le marché potentiel est énorme : 11,2 milliards d’euros. En 2011, Europlasma a réa-lisé un CA de 58 millions d’euros (40,8 en 2010).

EXOES, LA CHALEUR DES POTS D’ÉCHAPPEMENT TRANSFORMÉE EN ÉLECTRICITÉ

«En 2020, les constructeurs auto-mobiles devront payer une amende si la moyenne des émissions de CO2 de leurs véhicules dépasse 95 g/ km, l’objectif fixé par l’UE », rappelle Arnaud Desrentes. Pour y arriver, sa PME, Exoes, fon-dée en 2009 à Gradignan, a inventé un procédé qui récupère la chaleur dans les pots d’échappement des véhicules (actuellement, un tiers de l’énergie de la voiture y est perdu) pour produire de l’électricité et faire avancer le véhicule sur les 100 pre-miers mètres, là où la consommation est la plus importante. Les premiers essais auront lieu en mai 2013, mais déjà Exoes a des clients tels que PSA et des propects améri-cains et coréens. « Notre objectif est d’atteindre 10 millions d’euros de CA en 2015, contre 200!000 euros en 2012, et 100 salariés, contre 15 aujourd’hui », révèle Arnaud Desrentes.

CIS VALLEY, L’UN DES DATA CENTERS LES PLUS SÉCURISÉS D’EUROPE

Filiale de la Caisse d’Épargne, CIS V a l l e y ( 1 2 3 salariés) est en pleine expansion sur son activité d’infogérance. En 2012, la PME a investi plus de 4 millions d’euros d a n s d e u x

nouveaux data centers de 1!500 m2, près de Castres. Avec un taux de disponibilité exceptionnel : 99, 999!%.« Nous sommes capables de déployer des infrastructures en moins de 10 minutes contre… 15 jours habituelle-ment. Et, nous sommes installés dans un data center bancaire, l’un des trois les plus sécurisés d’Europe », souligne Mathieu Le Treut, le directeur du développement. L’entreprise, dont le siège social est à Bordeaux, vise un chi"re d’a"aires de 40 millions d’euros d’ici fin 2014 (32,1 millions en 2012).

REPETTO, LA QUALITÉ MADE IN FRANCE RÉINVENTÉE

Première collection de prêt-à-porter de son histoire, avec 19 pièces numérotées, inaugu-ration de boutiques au Brésil, bientôt à Dubaï et en Chine… Repetto est en pleine e"ervescence. En 1999, lorsque Jean-Marc Gaucher l’a rache-tée, la marque créée en 1947 par Rose Repetto, mère du danseur Roland Petit, affichait un déficit cumulé de 100 millions d’euros. L’ex patron-fondateur de Reebok en France a redressé la marque, avec ses propres deniers, en misant sur l’inno-vation et l’exclusivité de ses produits.Repetto (350 salariés) a dépassé les 60 millions d’euros de CA en 2012 (+ 20!%). Objectif : 100 millions d’eu-ros d’ici quatre ans. En juillet 2013, Jean-Marc Gaucher va continuer à innover en créant son parfum, avec Interparfums.

SERMA TECHNOLOGIES, LE HAUT DE GAMME DE L’ÉLECTRONIQUE

C’est le 1er labo-ratoire français indépendant d’expertise de composants

électroniques. Serma Technologies conseille, expertise, analyse, contrôle et teste les composants, cartes et sys-tèmes électroniques achetés par les grands groupes (EADS, Thalès, Safran, PSA, Alstom…). « Notre busi-ness model est unique en Europe. Avec la mondialisation, les grands comptes ont délocalisé, mais ont besoin de s’as-surer de la haute fiabilité de leurs com-posants fabriqués en Asie », explique son directeur des opérations, Marc Dus. Alors que les fermetures de sociétés d’électronique se sont multi-pliées ces dernières années, la PME (175 salariés sur son site de Pessac, près de Bordeaux), recrute près de 20 personnes chaque année.

PRAGMA INDUSTRIES, LA PILE À HYDROGÈNE EN PLEINE CHARGE

Lancée en juillet 2004 par Pierre Forté, ex-ingé-nieur dans l’aéronau-tique chez Dassault, cette start-up a mis au point fin 2012 la pre-mière machine au monde à bobiner des piles à combustible. Des piles qui stockent trois fois plus d’éner-gie qu’une batterie lithium-ion. L’en-treprise lève actuellement 4 millions d’euros de fonds, afin de construire mi-2015 une usine produisant 50!000 unités par an, soit dix fois plus que ses concurrents. Pragma Industries cible le marché des vélos électriques, des outils portatifs et mobiles, ou encore des groupes élec-trogènes. « Il y a déjà 30 millions de vélos à assistance électrique dans le monde. Et le marché, croît de 35!% par an », souligne Pierre Forté.

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L’énergie est notre avenir, économisons-la !

ERDF prépare l’avenir avec ses partenaires PME/PMI au service des clients

PUBLIREPORTAGE

Pour Gilles CAPY, le Directeur Interrégional ERDF en Sud-Ouest,

« ERDF est une entreprise à double visage, avec un caractère national qui lui permet de développer des projets innovants de grande ampleur, et en même temps, une entreprise profondément ancrée dans l’économie réelle des régions et des territoires. Ainsi, ERDF a engagé un programme R&D Smart Grids ambitieux autour de quinze projets majeurs en région, aux côtés de cent partenaires industriels, laboratoires publics et PME/PMI innovantes. L’innovation à ERDF, c’est aussi une culture qui privilégie l’esprit d’initiative des salariés pour améliorer en permanence les services proposés aux clients et s’adapter aux défis énergétiques de demain ».

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Pour Jean-Guy MAJOUREL, le Directeur ERDF en Aquitaine Nord,

« A ERDF en Aquitaine, l’innovation se conjugue au quotidien et au pluriel. Elle prend appui sur un tissu économique et académique qui regorge de compétences et de savoir-faire. Surveiller demain les lignes électriques à l’aide d’un drone, c’est intégrer les technologies de pointe de la société Fly-n-Sense dans nos outils et renforcer l’excellence de l’exercice de nos métiers au service des clients. L’innovation n’est pas que technologique, elle aussi sociale et se développe au cœur des territoires. La collaboration nouée avec l’Association APREVA a permis de développer un service de location sociale de véhicules sur trois départements d’Aquitaine ».

ERDF expérimente la surveillance des lignes électriques aériennes

à l’aide d’un drone avec la start-up Bordelaise Fly-n-Sense.

Une rupture technologique qui faciliterait l’élaboration des programmes de maintenance.

ERDF et l’association APREVA développent un service de location

sociale de véhicules en Aquitaine pour faciliter le maintien

dans l’emploi des bénéficiaires des minima sociaux.

Une «seconde vie» pour les voitures bleues d’ERDF au service

de l’économie solidaire.

ERDF teste l’application Smart Phone « Photo-compteur »

qui permet au client d’envoyer une photo de son compteur pour

en relever l’index.« Cliquer, c’est relevé », apporte

souplesse et simplicité aux clients.

ERDF prépare le réseau intelligent de demain,

les Smart Grids, au service des 35 millions de clients.

Un programme ambitieux de 15 projets majeurs en France mené aux côtés d’une centaine

de partenaires, industriels, laboratoires de R&D, PME et PMI.