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This article was downloaded by: [Yale University Library] On: 11 March 2013, At: 23:33 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK History of European Ideas Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/rhei20 Le roi comme heros populaire: Seizieme a dix-huitieme siecles Peter Burke a a Emmanuel College, Cambridge, UK Version of record first published: 03 Jan 2012. To cite this article: Peter Burke (1982): Le roi comme heros populaire: Seizieme a dix-huitieme siecles, History of European Ideas, 3:3, 267-271 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1016/0191-6599(82)90014-6 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Full terms and conditions of use: http://www.tandfonline.com/page/terms- and-conditions This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. The publisher does not give any warranty express or implied or make any representation that the contents will be complete or accurate or up to date. The accuracy of any instructions, formulae, and drug doses should be independently verified with primary sources. The publisher shall not be liable for any loss, actions, claims, proceedings, demand, or costs or damages whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with or arising out of the use of this material.

Le roi comme heros populaire: Seizieme a dix-huitieme siecles

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Page 1: Le roi comme heros populaire: Seizieme a dix-huitieme siecles

This article was downloaded by: [Yale University Library]On: 11 March 2013, At: 23:33Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH,UK

History of European IdeasPublication details, including instructions forauthors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/rhei20

Le roi comme heros populaire:Seizieme a dix-huitieme sieclesPeter Burke aa Emmanuel College, Cambridge, UKVersion of record first published: 03 Jan 2012.

To cite this article: Peter Burke (1982): Le roi comme heros populaire: Seizieme adix-huitieme siecles, History of European Ideas, 3:3, 267-271

To link to this article: http://dx.doi.org/10.1016/0191-6599(82)90014-6

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This article may be used for research, teaching, and private study purposes.Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan,sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone isexpressly forbidden.

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Page 2: Le roi comme heros populaire: Seizieme a dix-huitieme siecles

HiswyofEuropeanIdea~, Vol. 3, No. 3.PP. 267-271.1982

Pnnted m Great Britain. 0191-6599/82/030267-05$03.~Xl/~KI

0 IYRZPergamon PressLtd

LE ROI COMME HEROS POPULAIRE: SEIZIEME A DIX-HUITIEME SIECLES

PETER BURKE

I

Comment Ctudier l’histoire des mentalit& populaires? 11 y a plusieurs sentiers, plus ou moins d$tourn&, un desquels est l’ttude des hCros en tant qu’incarnations des valeurs populaires implicites.’ Un de ces hCros, c’est le roi. Pour peser ‘le poids des structures institutionelles et linguistiques’ (et le poids des stCrCotypes mentales), on peut done tenter de construire l’histoire des 1Cgendes des rois, de leurs vies d’autre-tombe, de leurs images publiques. Ici je ne donnerai qu’un croquis de cette histoire, en me limitant B quelques rois europkens de la fin du quinzieme B la fin du dix-huitikme sibcle; M&y& d’Hongrie; Louis XII et Henri IV (lou nouste Henric) de France; l’empereur Maximilien (Kaiser MUX); Ivan IV (Ivan Grozrzy) et Pierre le Grand de Russie; SCbastien de Portugal; FrCdCric le Grand (0111~ Fritz) de Prusse, Gustav Adolf de S&de; Guillaume III (King Billy) de Grande-Bretagne.2

Tout le monde ne regardait pas tous les rois comme hCros. Au contraire. A Thouars, en 1707, un homme du peuple a dCclarC que ‘le roi est une bougre et un voleur’.3 Au temps d’Henri VIII, un homme de Buckinghamshire a dit que ‘le roi est un s&l&at et un adult&e et un htrCtique et n’observe pas les lois de Dieu . . . je m’en fous de la couronne royale et si la couronne Ctait ici, j’en jouerais au football’.

11 y a quand m&me beaucoup de tkmoignages plus positifs; chansons popu- laires, gravures, enseignes de taverne, etc. Ces tkmoignages nous posent bien sur des problbmes difficiles d’ordre mCthodologique qu’il faut survoler ici; le probEme du mCdiateur culture1 (que nous avons considCrC ici, il y a deux ans) et le probleme de la propagande. On ne doit pas oublier que les images populaires des rois ont CtC utilisCes, 2 des moments historiques prCcis, par le gouvernement ou par des groupes sociaux ou politiques.4 11 faut done tenir compte de la propagande, mais aussi de sa rCussite. La preuve, c’est la trans- formation, la folklorisation des thkmes officielles. Nous sommes arrivCs au probEme des st&Cotypes.

II

Dans le cas des rois comme dans le cas des autres h&os (les saints, par

*This and the following four articles are a revised version of papers presented at the Colloque ‘Histoire des Mentalit&. Histoire des resistances, ou les Prisons de longue duke’. Aix-La Baume. 20-21-22 septembre 1980.

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exemple), nous trouvons souvent qu’un individu deplace un autre des tradi- tions populaires, et que les legendes du dernier s’attachent au premier. Martin Luther raccontait une fois une histoire de ‘Kaiser Max’. a table avec un tas de pieces d’or devant lui. tin de ses conseillers, croyant que l’empereur Ctait endormi, enlevait quelques pieces; l’empereur l’apercevait mais le par- donnait. Anecdote assez banal, fait pour demontrer le clemerztia et le liberali- tas du bon roi. Mais Kaiser Max heritait ce conte de son aieul Frederic III, et en Angleterre, Ia meme histoire etait conte du bon roi Edouard le Confes- seur. C’est done plus utile de peindre des portraits combines des roi, espece d’identikit royal, que des portraits individualises; d-identifier les topoi ou motifs principaux.

On peut distinguer deux images principales du roi-heros.” Le premier, c’est le roi a cheval, le heros conquerant, Cpee ou baton a la main, conduisant son armee contre l’ennemi. La tradition visuelle remonte (au moins) au monu- ment Cquestre de Marcus Aurelius au Capitol, et la tradition narrative aux vies d’AIexandre le Grand. On doit aussi titer Gideon, parce qu’il menait le peuple d’Israe1 a la guerre sainte, et les heros royaux sont si souvent present& conduisant leurs troupes contre un ennemi infidel ou au moins heretique; Sebastien contre ies Maures, Ivan Grozny contre les Tatares, Gustav Adolf et Guilfaume III contre les catholiques.

La seconde image stereotypee du roi est celui du juge juste, assis sur son trone. Ici le prototype qui saute aux yeux est celui de Solomon. L’histoire de son jugement dans le cas des deux femmes qui reclamaient le meme enfant etait bien connu a &avers les images comme a travers Ie theatre populaire. Saint Louis fut characterid comme un ‘nouveau Solomon’. Ferrand d’Ara- gon, Louis XII, et surtout Matyas Ctaient assimiles a ce schema. La justice de Matyas s’est passe en proverbe: meghalt M&y& kir&Ly, oda az igazscig (le roi M&y& est mort, la justice est perdu).

Solomon Ctait aussi le prototype d’un troisieme image du roi, le roi comme magicien. Au seizieme siecle on voyait Matyas, au dix-huitieme siecle, Fred& ric le Grand, comme un roi qui savait employer la magie contre ses ennemis. Et g&e a Marc Bloch, nous ne pouvons pas oublier l’image des rois francais et anglais comme thaumaturges.

Le poids des stereotypes mentales se ressent t&s fort en considerant les deux anecdotes royales peutdtre les plus repandues. Le premier est l’histoire du roi endormi dans une caverne (Motif Index, K. 1960). Le roi n’est pas mort, il dort, et il reviendra un jour detruire ses ennemis, liberer son peuple, restaurer la justice et inaugurer l’age d’or. Le prototype, evidemment, est le Christ. On a raconte cette histoire de Matyas, de Sebastien, de ‘Bonnie Prince Charlie’, et surtout de l’empereur Frederic. Apres la bataille de Frankenhausen en 1525, des milliers de paysans allemands s’assemblaient a la montagne Kyffhauser, en attendant la ressuscitation immediate de I’empe- reur pour venger le sang innocent verse dans cette bataille.6

Le second motif tres rCpandu est celui du roi qui rode son royaume deguid, pour voir la condition de son peuple (K.1812). Un livret populaire du dix- septieme si&cIe nous montre Henri VIII buvant avec un cordonnier, et quel- ques chansons populaires traditionnels anglais (Child Ballads) racontent les

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rencontres du roi Richard et Robin Hood; du roi Henri et un meunier; du roi Edouard et un tanneur; et du roi Guillaume et un garde-forestier. En France, le roi qui rencontre le garde-forestier, c’etait Henri IV. En Hongrie, on conta le rencontre du roi Matyas avec un pauvre veuve de Szeben. En Russie, variation interessante, le tsar parmi les voleurs.

Parfois, le tsar Ivan se dtguisait et se fait I’associC des voleurs. Une fois il les conseillait de voler le t&or public, car (ii dit), je sais bien comment y parve- nir. . . . Mais un des voleurs le frappait durement A la visage, en disant ‘Sc&5rat, tu proposes voler Sa Majestk, qui est si bon? Mieux sera voler un riche boyard qui atrompCleroi. . . .’

Pierre le Grand a herite cette histoire en deplacant Ivan.’

III

Retournons au probleme des mentalites, ‘prisons’ ou ‘resistances’. 11 vaut peut-etre la peine d’etudier de plus pres comment quelques rois se sont transform& en heros, en mythes. Ca n’arrive pas a tous le monde royal. Comme il y a des gens photogeniques, il y a des gens qu’on peut nommer ‘mythogeniques (et pas toujours les plus dot&s, ou meme les personalites les plus fortes). Comment et pourquoi ? Ici il ne faut pas oublier le ‘poids institutionnel’, la fonction de legitimer le pouvoir. Mais pourquoi celui-ci et pas celui-la? En simplifiant terriblement, on peut avancer l’hypothese que le processus commente de la perception d’une conformid entre un individu et un stereotype royal don& (heros conquerant, juge juste, etc.). Cette confor- mite frappe l’imagination du peuple et surtout des conteurs, et des contes plus ou moins merveilleux commencent a circuler. Dark ce processus de circu- lation, la vie du roi don& est assimile au stereotype a d’autres Cgards, parce que ce stereotype se rapporte aux attentes de l’auditoire et aux techniques de la communication orale. Entendu que la tradition orale depend (souvent) de l’improvisation, que l’improvisation depend des formules (topoi, schemata, motifs), et qu’il est plus facile adapter les vieux formules a un heros nouveau que trouver de nouvelles bouteilles pour le vin neuf (c’est le principe du bricolage), nous voyons la ‘cristallisation’. Les traits heroiques traditionnels s’attachent au nouveau-venu.’

On ne peut pas Ctablir cette hypothese; on ne peut que signaler quelques temoignages qui semblent donner appui at cette interpretation. L’importance des noms, par exemple. Si un roi Porte le nom d’un roi-heros plus ancien, ca peut l’aider a devenir mythe lui-meme.

Frederic le Grand avait l’avantage du mythe de ‘L’Empereur Frederic’ (heros deja composite, combinee de Frederic I et Frederic II). Louis XII avait l’appui de Saint Louis. Quant a Guillaume III, ‘conquering William’, on se doute que cet Cpithete doit autant a l’existence de Guillaume le Conquerant qu’a la bataille du Boyne. Et n’oublions pas Napoleon III. . . .

On disait que le roi Sebastien ne soit pas mort. Sebastien ne mourit pas en

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Portugal mais en Afrique du Nord, et les Portugais ne pouvaient pas recou- vrer son cadavre. Ca suffit, peut-Ctre, pour la cristallisation. le ‘Sebastia- nisme’. Quant a Pierre le Grand et le motif du roi deguise. il faut se rappeler qu’en realite Pierre voyageait incognito. pas en Russie, bien stir, mais en Hollande et en Angleterre. C’est quand meme une correspondance entre realite et mythe yui pouvait precipiter la cristallisation.

Dans le mythe, la disparition du roi-hiros est suivi par desastres pour son pays. Un roi la mort duquel est suivi par desastres a done l’opportunite de devenir heros; le peuple se rappelera le bon vieux temps sous son gouverne- ment. L’envahissement turc apres la bataille de Mohacs Ctait utile, en tout probabilite, pour le renom du feu Matyas. L’incorporation du Portugal a l’empire espagnol etait un avantage pour le carriere posthume du roi Sebastien. Peut-etre le ‘temps des troubles’ russe. au commencement du dix-septieme siecle, a fait Ivan IV un peu moins ‘terrible’ aux yeux de la posterite. La croissance des imp6ts sous Francois I et Louis XIII a fait du bien a la memoire de Louis XII et Henri IV.

Cette theorie de la cristallisation expliquera, peut-etre, pourquoi Guillaume III, bien que monotone, fadasse, est devenu heros populaire, et pourquoi Elizabeth, beaucoup plus anime, a manque de l’etre jusqu’au dix-neuvieme siecle. Tous les deux symbolisent la libertc et la religion protestants, et legiti- ment ies memes institutions. Mais les contes traditionnels ne cristailisait pas sur une femme, pour laquelle c’est difficile pour Elizabeth, comme plus tard pour Maria Theresa, d’etre incorporee a la tradition.

IV

Mais enfin, au temps de la reine Victoria (point de hasard la) Elizabeth a reussi. Elle a echappe du prison du stereotype. Ce que nous pose la question, si les heros populaires appartiennent ou non a ‘I’histoire immobile’. Nous semblons avoir affaire a des archetypes qui ne bougent pas. Le roi, c’est le bon p&e, tout-puissant, sachant tout (le roi deguise), immortel (pas mort mais endormi). Mais la recherche historique sur les stereotypes des saints a bien montre qu’a la longue duree les stereotypes se sont transform&, au moins un peu.g Trouverons-nous la meme chose pour les rois? Si les trois fonctions de Dumezil s’appliquent aux rois du moyen age, je ne trouve pas la m&me chose pour les seizieme, dix-septieme et dix-huitieme siecles.iO Au dix-neuvieme et vingtieme siecles, nous trouvons la d~mocratisation du ste- reotype, c’est-a-dire son application aux chefs populaires; O’Connell, Kos- suth, Garibaldi, et Zapata sont conquerants, justes, deguises et immortels. Cette fois c’est la revolution qu’il faut ltgitimer. Est-ce-que nous trouvons la secularisation des stereotypes? Ou une conscience plus aigue de la distance entre stereotype et realite? La recherche reste a faire. . . .

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NOTES

1. 0. Klapp, Heroes, Villains and Fools (Englewood Cliffs, 1962). 2. 11 y a une bibliographie Cnorme sur ce sujet. Pour ne titer que quelques titres: E. V.

Larsov, Piotr Veliki (Moskva, 1872); L. Lucia D’Azevedo, A Evolucad do Sebas- tianismo (Lisboa, 1918); M. Reinhard, La Legendede HenrilV(Paris, 1936); G. E. Waas, The Legendary Character of the Emperor Maximilian (New York, 1941); J. Komarovsky, Krbl Matej Korvin (Bratislava, 1957).

3. Y. Berce, Histoire des Croquants (GentvelParis, 1974), p. 609. 4. Voir le these (inedit) de H-J. Ltisebrink. 5. P. Goubert, L’Ancien Regime, 2 (Paris, 1973), pp. 27f; S. Thompson, Motif-Index

of Folk Literature (Copenhague, 1955-8). 6. H. Eberhardt, ‘Der Kyffhauserberg’, Bltitter fiir Deutsches Landeskunde (1960). 7. S. Collins, The Present State of Russia (Londres, 1671), pp. 52f. 8. A. B. Lord, The Singer of Tales (Harvard, 1960); L. Schmidt, Die Volkserziihlung

(Berlin, 1963), pp. 306f. 9. P. Delooz, Sociologic et canonisation (Liege/La Haye, 1969).

10. Je ne suis pas convaincu par J. Hennequin, Henri IV duns les oraisons funebres (Paris, 1977).

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