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8/15/2019 Le Rôle Du Génie Militaire Annaba Et Constantine
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REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE
MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR& DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
UNIVERSITE MENTOURI
FACULTE DES SCIENCES DE LA TERRE, DE GEOGRAPHIEET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
DEPARTEMENT D’ARCHITECTURE ET D’URBANISME
N° d’Ordre…………… Série…………………
THESE
POUR L’OBTENTION DU DIPLOME DE DOCTORAT ES-SCIENCESOPTION : URBANISME
Présentée par Khédidja BOUFENARA
Le rôle du Génie militairedans la production des villes coloniales en Algérie.
Annaba et Constantine
Sous la direction de Pr. Belkacem LABII
Jury d’examen :
Président : Pr. Salah Eddine CHERRAD, Université Mentouri Constantine.Rapporteur : Pr. Belkacem LABII, Université Mentouri Constantine.Membre : Pr. Djamel ZOUGHAÏLECH, Université Mentouri Constantine.Membre : Pr. Hamza ZEGHLACHE, Université Ferhat Abbas Sétif.Membre : Dr. Cherif ADDAD, Université Larbi Ben M’Hidi Oum El Bouaghi
Soutenue le
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« En vérité, tu ne dois rien à aucun Homme
Mais tu dois tout à tous les hommes ».
Djibran Khalil Djibran
À Papa
À Mama
À amine et Maria
À ma fam ille
À mes amis
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Remerciements
Au Professeur Belkacem LABII, pour son encadrement rigoureux, toute son
aide, sa patience et surtout ses encouragements et sans qui ce travail
n’aurait pas été.
À Siham Bestandji, pour sa présence et conseils.
Aux personnels de la Bibliothèque d’Alcazar section « Fonds
patrimoniaux », du CDU, des Archives de Vincennes, et ceux de la
municipalité de Annaba.
Au Docteur Bouziane Semmoud.
À Mr Jean Batiste Lecchia.
À Nacer Bourrafa.
À Messieurs les professeurs membres du jury de soutenance.
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Le rôle du Génie militairedans la production des villes coloniales en Algérie.
Annaba et Constantine . SOMMAIRE.
Introduction Générale. 1
Problématique. 5
Méthodologie. 9
Première Partie. Historique des armées et des villes militaires. 12
Introduction de la première partie 12
Chapitre premier. Des armées et villes de l’antiquité aux armées contemporaines. 14
Chapitre deuxième. La colonisation romaine : peuplement et urbanisation. 64
Chapitre troisième. L’architecture et l’urbanisme militaires de l’antiquité au Moyen Âge. 85
Conclusion de la première partie. 110
Deuxième Partie. Le contexte géopolitique et social de la colonisation. 112
Introduction de la Deuxième Partie. 112
Chapitre premier. l’Algérie sous la Régence. 113
Chapitre deuxième. La France et le contexte de l’occupation de l’Algérie. 131
Chapitre troisième. L’urbanisation en France au XVIIIème et XIXème siècles, un référent pour l’établissement des français en Algérie.
163
Chapitre quatrième. Les militaires français et les préalables à un système de santé enAlgérie.
191
Conclusion de la deuxième partie. 213
Troisième partie. Les casernements et fortifications et leurs impacts à Annaba etConstantine.
215
Introduction de la troisième partie. 215
Chapitre premier. Les casernements et les fortifications et leurs impacts à Annaba. Une 218
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implantation intramuros
Chapitre deuxième. Les casernements et fortifications et leurs impacts à Constantine. Desimplantations stratégiques extramuros.
253
Conclusion de la troisième partie. 305
Quatrième partie. Les interventions sanitaires du Génie à Annaba et Constantine. 307
Introduction à la quatrième partie. 307
Chapitre premier. Les réalisations sanitaires du Génie militaire à Annaba. Une couverturesanitaire d’ensemble.
309
Chapitre deuxième. Les réalisations sanitaires du Génie militaire à Constantine. Deshôpitaux d’envergure.
344
Conclusion de la quatrième partie. 379
Conclusion générale 381
Bibliographie 388
Table des figures 399
Table des Matières 403
Annexes
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Introduction Générale
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le sujet proposé ici est inspiré de récents regains d’intérêt pour le patrimoine architectural et
urbain colonial et sa revalorisation. En effet, depuis quelques années, nombre de recherches ont
été menées par les architectes et les urbanistes sur ce patrimoine qui a marqué nos villes, et des
opérations de restauration du cadre bâti sont venues concrétiser cet intéressement.
La ville coloniale constitue aujourd’hui un patrimoine national tout autant que la médina ; elle
commence notamment à bénéficier de plans permanents et de mise en valeur des secteurs
sauvegardés (PPSMVSS)1 après avoir connu des signes de vieillissement. Cependant, pour
pouvoir la préserver, il est nécessaire de la comprendre, ou du moins de comprendre l’esprit dans
lequel elle a été créée.
Parallèlement à cet objectif de sauvegarde, s’impose la volonté d’extension de la ville qui est
devenue une ville engorgée et qui manque de terrains constructibles. Afin de dégager des
assiettes foncières, les regards des gouvernants se portent très souvent vers les équipements
militaires qu’ils voudraient délocaliser. Or ces équipements militaires sont des entités tout aussi
urbaines et tout autant liées à notre histoire puisqu’ils sont les « Visuel Signifiers 2» d’un pouvoir
installé durant une période donnée. Le patrimoine urbain est un révélateur de la place que le
pouvoir économique et politique occupe dans l’histoire de la construction et de l’urbanisme. Les
équipements militaires se retrouvent ainsi intégrés dans le patrimoine national.
Avant d’aborder notre sujet à savoir le rôle du Génie militaire dans les réalisations et les effets
induits dans les villes de Annaba et Constantine, il est primordial de définir et de présenter les
éléments constitutifs et les contextes dans lesquels s’inscrit ce travail, et dans un premier temps
l’armée et son fonctionnement. Ceci sera complété par un historique marquant les évolutions des
armées durant les différents âges militaires : asiatiques, grecque, romaine et européennes. Il sera
abordé en parallèle les villes créées dans un contexte militaire et les formes spatiales de cesdernières, tout en mettant en évidence les raisons d’implantation de ces villes dans le territoire.
L’armée romaine nous intéressera particulièrement pour les innovations qu’elle a introduites
dans son or ganisation, et à l’armée française acteur de la colonisation et donc de ses réalisations,
objet de notre intéressement. L’évolution de l’armée française depuis la conquête jusqu’à
1 Décret exécutif N° 03-324 du 05 octobre 2003 portant modalités d’établissement du Plan Permanent deSauvegarde et de Mise en Valeurs des Secteurs Sauvegardés.2 John Merriman, « Le rôle de l’histoire dans la fabrication du patrimoine », in Actes des Entretiens du
Patrimoine sous la présidence de François Loyer ; Entretiens du Patrimoine, Chaillot, Paris, les 24, 25 et 26 janvier2000, p85-93.
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Introduction Générale
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l’Independence sera traité en général mais nous nous attarderons de manière plus détaillée sur les
deux services qui nous concernent : le Génie militaire et le service de santé.
Par ailleurs, l’armée romaine et l’armée française présentent des similitudes du fait qu’elles ont
conquis le même territoire et ont eu la même stratégie d’occupation et le même objectif
militaire : le peuplement de l’Algérie. À travers son empire en général et l’Algérie en particulier
Rome a en effet grandement influencé les français par ses réalisations, principalement le mode
d’urbanisation, ainsi que leur système hydraulique, hygiénique et de voies de communication.
Les réseaux routier et urbain entre autres ont servi de modèle à l’installation française.
L’objectif de notre travail étant les réalisations militaires, un retour historique sur l’architectu re
et l’urbanisme militaires grec, romain, européen puis musulman, et donc depuis l’antiquité
jusqu’au Moyen Âge s’impose. En effet, nous verrons que du point de vue de l’architecture il
existe beaucoup de similitudes entre fort ou Qal’a, ribat, donjons et autres ; les villes quant à
elles sont toujours entourées d’enceintes fortifiées. La topographie des sites ressort comme étant
la première logique d’implantation de ces villes en réponse aux stratégies de défense et
d’attaque. La présence de voies de communication est également un élément primordial à cette
installation.
À la conquête française, l’Algérie se trouvait sous la dominance ottomane ; un historique de la
régence du point de vue politique, du découpage administratif du territoire, social et de gestion
nous permettra de comprendre les conditions de la conquête, en particulier le beylik de
Constantine qui comprend les deux villes Annaba et Constantine, terrain de notre travail. Comme
ce dernier portera sur le côté sanitaire, nous approcherons les conditions sanitaires et l’exercice
de la médecine qui prévalaient en Algérie durant la régence, en mettant en exergue leurs
réalisations dans le domaine militaire, et sanitaire.
Par ailleurs, il est utile de comprendre, autant que pour l’Algérie, le contex te et les conditions de
cette conquête en France. Cette dernière en pleine révolution politique, a connu en effet
différents régimes durant la période de conquête et de colonisation.Une attention particulière sera portée aux savoirs et savoir faire qui ont prévalu aux réalisations
architecturales et urbaines ; en effet les XVIIIème et XIXème siècles ont apporté beaucoup
d’innovations dans le domaine technique mais ce furent aussi les siècles des nouvelles idées
humanistes hygiénistes et scientifiques. Nous nous intéresserons à celles qui ont touché le
domaine de la construction au sens le plus large notamment à travers l’exemple de Paris, comme
nous aborderons le métier d’architecte qui commença à évoluer, mais aussi et surtout le métier
d’ingénieur. Les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, des services des Bâtiments Civils, et plus
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Introduction Générale
3
encore les Ingénieurs du Génie militaire ont joué un rôle prépondérant dans les plus grandes
réalisations. Leur formation, leurs principes de conception et d’approche aux projets vont se
retrouver lors des édifications en Algérie ; leur rigueur, leur adaptation aux sites et situations,
leur souci de l’économie d’ordre financier ou spatial ainsi que leurs exigences en matière de
fonctionnalité, font des ingénieurs du Génie un corps compétant en matière d’organisation des
travaux. Ce qui nous amènera à aborder leurs outils de conception tels la régularité, la géométrie
des dispositions, le découpage des sols, etc.
Notre intéressement va aussi aux conditions et de la couverture sanitaires qui existaient en
« métropole », qui nous éclaireront sur l’état de santé des populations « importées », puisque
nous savons que les épidémies introduites en Algérie au XIXème siècle sont arrivées avec les
bateaux des militaires mais aussi ceux des civils. Quant à l’intérêt porté à la médecine et à son
mode de fonctionnement, il trouve sa justification dans les mêmes raisons. Ainsi la France a
connu de la seconde moitié du XIXème siècle jusqu’à la première moitié du XXème siècle une
militarisation de la médecine à cause du manque de médecins et de personnels soignants. Aussi
la couverture sanitaire se trouva-t-elle à la charge des militaires.
Ces actions et réalisations sont illustrée dans notre travail dans deux villes étudiées à cet effet,
Annaba et Constantine aux conditions de prise différentes, à la topographie différente, aux
fonctions différentes mais ayant subi toutes deux l’installation des militaires français et leurs
réalisations.
La chute des villes s’est automatiquement accompagnée de la réquisition des édifices les plus
importants qu’ils soient militaires ou civils, allant des casernements jusqu’aux habitations en
passant par les mosquées en vue d’héberger les hommes de troupes et les différents services de
l’armée tels que postes de commandement des places, services d’intendance, de Génie et de
santé mais aussi les chevaux, forges et attelages…
Installant les différents casernements selon le type d’Arme, dans Annaba intramuros et àl’extérieur de l’enceinte à Constantine selon la topographie des deux villes mais aussi selon la
fonction donnée à chacune d’elle au vue de leurs potentialités respectives, les ingénieurs du
Génie obéissent dans les deux cas aux principes de stratégie militaire qui devait assurer la
défense des villes. C’est ainsi que le port de Annaba confère à celle-ci son caractère fonctionnel
de commerce et d’échange avec la métropole, et par delà même dicte l’installation de
fortifications à son niveau, alors que Constantine va garder son caractère militaire du à son site et
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Introduction Générale
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à sa situation dans le territoire ; elle fut la base d’où partaient les expéditions militaires vers
l’intérieur du pays. Elle sera une ville de garnison.
Le Génie restructura l’espace intramuros des villes mais aussi leur espaces extramuros. Par
ailleurs, l’arrivée des colons et leur installation provoquera l’extension des deux cités. C’est
encore une fois le Génie qui aura à projeter les nouvelles villes européennes et à les protéger.
Prenant en considération la vocation des deux villes, c’est vers la pla ine Ouest asséchée et
intégrant le port que Annaba sera agrandie ; alors que l’extension de Constantine obéira à la
stratégie sécuritaire en développant les nouvelles zones urbaines à proximité des quartiers
militaires.
C’est le Génie qui prendra encore en charge la couverture sanitaire des populations militaires, en
jouant un rôle indéniable dans l’installation des hôpitaux militaires de Annaba et Constantine
selon des principes propre à leurs objectifs et selon les contextes : l’hôpital installé sur la
mosquée Sidi Marouane à Annaba, l’hôpital nouvellement construit dans la casbah pour
Constantine. Ces édifications auront des impacts certains sur l’architecture et l’urbanisme
existants.
Nous aurons ainsi abordé la question de la production militaire coloniale, du point de vue du
choix du site, de la conception et de la réalisation des équipements militaires objectif premier
sans conteste, qui auront engendré la ville coloniale par leurs impacts sur les anciennes villes et
sur les extensions de celles-ci. Le Génie apparait comme la force de construction de l’armée
française et donc de la France, puisqu’il a été maître d’œuvre et maître d’ouvrage des plus
importants édifices érigés durant le XIXème siècle par la France en Algérie.
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Problématique
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PROBLÉMATIQUE.
La fonction de pouvoir, et plus précisément la fonction militaire, a toujours été partie intégrante
du fonctionnement de la ville, et partie prenante de son édification voire de sa naissance puis de
son développement.
Notre intéressement à la fonction militaire et au-delà aux équipements militaires et au rôle de ces
derniers dans la production de la ville, a été suscité par un certain nombre d’observations, dont
l’implantation urbaine de ces équipements avec toutes les stratégies de différentes époques, puis
l’impact de ces implantations sur la ville, sur sa structuration et son fonctionnement.
Un fait nous vient à l’esprit à ce sujet, est que lors de réunions au sujet de l’extension de la ville
de Constantine, la problématique a souvent été posée en termes de recherche de terrains
urbanisables. Et systématiquement, les regards étaient tournés vers Le Mansourah et autres
espaces militaires aujourd’hui occupant le centre ville, toujours convoités pour des besoins
urbains pressants. Actuellement la récupération des terrains militaires urbains est à l’ordre du
jour et entre dans la stratégie globale d’aménagement de la ville de Constantine, cependant qu’à
Annaba le terrain connu sous le toponyme du « 19 juin », après avoir servi de parking, puis de
marché et de station de transports urbains, vient d’être cédé à des investisseurs étrangers afin de
servir d’assiette à un centre multifonctionnel alors qu’il appartenait à la zone de servitude du
casernement, situé Bd Victor Hugo, et de la citadelle.
Cela est un fait historique incontournable depuis l’antiquité, l’obligation de présence militaire
correspond à une fonction de la ville parmi les plus anciennes. Cette fonction est la protection
contre les intrusions étrangères et les troubles internes, donc une fonction d’ordre et de sécurité
et, plus conceptuellement, une fonction de pouvoir. Peut-on imaginer une ville non protégée ?
L’histoire de l’architecture et de l’urbanisme universelle est truffée d’exemples de villes connues
pour leurs systèmes de protection : ville citadelle, de garnison, ville fortifiée, Kalaa, etc.
Revenons à cette interaction entre la ville et les bâtiments militaires. En Algérie par exemple, les
casernes ont toujours été associées à la guerre et à la répression, ce qui a pu nourrir un sentiment
de répulsion de ces édifices chez la population. Or, lors d’émeutes ou de catastrophes naturelles,
la population est bien aise de trouver aide et sécurité auprès de ces militaires sortis de ces mêmes
casernes.
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Problématique
6
Une autre observation est celle de travaux que nous avons menés sur l’histoire de la ville de
Annaba, où l’emplacement de différentes casernes militaires à travers la ville pose la
problématique de la logique de leur implantation. Ainsi on trouve une caserne à la limite nord de
la vieille ville, une autre sur le port et un poste de commandement sis au Champ de Mars, et donc
une situation centrale. Or, cette dernière situation résulte de l’extension de la ville, qui a in tégré
les équipements militaire lesquels, à l’origine, devaient être implantés en périphérie. D’un autre
point de vue, la taille, l’importance et le rôle de ces casernes ne nous donnent pas suffisamment
d’indications sur la logique de leur implantation.
Ce qui nous amène à rechercher cette logique dans une ville de plus grande importance, c’est -à-
dire la ville chef de région militaire et qui de plus a été une ville citadelle guerrière depuis Rome
puis ville de garnison lors de la période coloniale française : Constantine. Nous ajouterons à celaque c’est la ville de résistance : elle a tenu un siège de sept années face à la conquête Française.
C’est d’ailleurs ce fait d’armes qui a fait de cette ville un bastion militaire durant toute la
colonisation, justifiant une implantation militaire conséquente avec toute sa logistique :
Casernes, hôpitaux, résidences militaires, infrastructures routières… Cependant, la ville de
Annaba a connu une occupation différente et avec d’autres stratégies à préciser, ce qui a pu
donner lieu à un autre type d’édification urbaine.
Ces considérations nous ramènent, en fait, à situer notre recherche dans le temps : la période
coloniale française, avec un rappel de l’ordre militaire du temps du Beylik.
Si la conquête française apparaissait dans un premier temps comme juste une expédition
militaire, et si la Monarchie de juillet n’avait pas de vue conquérante, le général Clauzel, pour
faire triompher sa politique de conquête, voulait s’emparer de la Capitale du beylik de l’Est,
Constantine où le Bey refusait toujours de reconnaître la souveraineté française. C’est ainsi que
le 13 octobre 1837, Constantine fut occupée et le dernier représentant du régime antérieur
vaincu. Ce qui conférera à Constantine, en plus de sa position géostratégique, une importance
particulière aux yeux des colonisateurs qui en feront une ville de garnison.
Tout comme la création de centres de colonisation, surtout depuis de Sénatus Consulte, allait
enclencher l’urbanisation du territoire. En effet, la conquête de l’Algérie eut pour corollaire la
colonisation du pays. La politique de colonie de peuplement était le moyen le plus efficace de
consolider la conquête et cette politique ne fut possible que par les militaires. Trois quart de
siècle ont été nécessaires aux militaires pour s’imposer en Algérie, qui furent accompagnés de
réalisations et d’interventions de tous genres.
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Problématique
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Durant cette période, la France se voit obligée de renforcer son armée pour assurer les places
prises et avancer dans sa conquête. Dans sa politique de guerre, elle est contrainte alors de
construire des bâtiments militaires pour abriter son armée et pour assurer la logistique de
conquête, ce qui se fera aussi par des interventions urbaines.
La conquête fut ainsi suivie de l’établissement du pouvoir qui d’abord fut militaire avec la
construction des infrastructures de base qui lui sont nécessaires. Ce n’est qu’en 1854 que le
pouvoir sera cédé aux civils. Mais si le pays était conquis, les révoltes ne cessèrent pas ; il fallait
donc assurer la conquête et la sécurité de la population colonisatrice. Ce qui sera matérialisé
différemment dans le temps et dans l’espace par les constructions militaires réparties dans la
ville selon la politique et les besoins du moment, mais surtout par une gestion de la ville par les
militaires avec leur logique de maintien de l’ordre et d’expansion. Les actions urbaines généréesalors, devaient impérativement répondre à l’ordre et au pouvoir militaires. La remise du pouvoir
aux civils dès 1854 à Constantine fait de ceux-ci les principaux acteurs de la production de la
ville, mais n’en amoindrit pas moins le rôle des militaires. L’on relèvera que cette remise de
pouvoir a été tardive par rapport à celle de Annaba qui s’est effectuée six années auparavant, en
1848. Ce qui laisse supposer des stratégies différentes d’une ville à une autre, et des
interventions également différentes ; Constantine ayant été de fait, plus que Annaba, une place
forte militaire et de départ des expéditions.
Il est ainsi admis que la conquête de l’Algérie ayant été militaire, les premières place fortes
conquises étaient les villes, dans lesquelles l’armée s’est installée avec sa logistique de guerre
comprenant le Génie et son savoir faire, ouï l’intervention de ce dernier sur la ville et au -delà,
pour asseoir la colonisation et préparer le peuplement.
De ce point de vue, notre problématique se pose dans les termes de l’apport et du rôle des
militaires dans la production de la ville que ce soit en matière d’édifices proprement dits et de
leur impact sur la ville, ou par leurs interventions structurelles et fonctionnelles sur cette ville ;ces interventions allant jusqu’à la dénomination des rues et places telles que : la place
Lamoricière, Rue Damrémont, Place d’Armes ; et même encore celle d’agglomérations :
Bugeaud….
Parmi ces réalisations, celle des hôpitaux est d’une très grande importance, non seulement en
tant qu’édifices qui ont eu des impacts sur la ville autant que les casernements, mais dans les
termes de l’instauration d’un système sanitaire d’abord militaire pour des raisons propres à la
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Problématique
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logique de guerre et de conquête, qui a mis en place les bases de toute l’infrastructure de santé
qui a encore ses impacts jusqu’à nos jours.
Aussi, notre problématique englobe-t-elle les édifications militaires (casernements et hôpitaux)
dans une même logique des débuts de la conquête puis du peuplement.
A ce stade notre problématique se précise ainsi :
Quel a été le rôle des militaires français dans l’édification de la ville à un moment donné ?
C’est à dire que nous rechercherons d’abord comment les militaires ont intervenu sur la
ville avant l’institution de la municipalité et même au delà ?
Quelle est l’expression architecturale de ce pouvoir conquérant, et quels en sont les impacts
sur la ville ? Enfin, ce questionnement est posé dans le cas de Constantine comme dans celui de Annaba,
car une comparaison pourra établir la différenciation des enjeux territoriaux de
colonisation, puis la différenciation des influences et des interventions qui mettront en
place différentes configurations urbaines puis les sens du déploiement urbain.
Autrement dit, nous aurons à répondre à une série de questions aux fins de reconnaître le rôle de
l’armée française dans ce qu’elle a entrepris pour préparer la colonisation puis de l’accompagner,
à travers les actions d’envergure du Génie.
Quels types de projets ont été élaborés et réalisés, dans quelles circonstances locales et de
« métropole » ? Quels outils juridiques en place et d’accompagnement de la conquête ont permis
ces interventions, et quels ont été les moyens techniques mis en place pour cela ? Quelles
logiques et stratégies ont été mises en place par les militaires en tant que maître d’œuvre et
maître de l’ouvrage, et quels ont été leurs choix en matière d’implantations ? Pourquoi y a-t-il eu
des percées avant les alignements ? Quelle a été la part du sanitaire dans leurs interventions ?
Enfin et surtout, quels ont été les impacts des nouvelles édifications sur l’architecture et
l’urbanisme des deux villes objet de notre recherche : destructions, transformations, ouvertures,
extensions… ? Tels sont les objectifs de notre travail.
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Méthodologie
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MÉTHODOLOGIE.
La méthodologie qu’inspirent le sujet et les questionnements émis, s’inscrit dans les processus
historiques de production de la ville. Au-delà d’un sujet sur l’architecture militaire en tant que
représentant d’un pouvoir conquérant, notre intéressement va à l’impact de cette architecture et
de ses représentations sur la ville, qui ont marqué et continuent de marquer l’urbain.
De ce fait, la méthodologie que nous nous proposons d’adopter puise dans la recherche
historique diachronique, c’est à dire à la fois génér ique et historique. Il s’agit, à ce niveau, de la
construction théorique du sujet, qui définisse et mette en place la notion de « Pouvoir » dans la
ville coloniale, et la place du pouvoir militaire en tant qu’acteur incontournable, du fait de sa présence, de ses édifices et de ses réalisations de pouvoir.
S’agissant d’un pouvoir instauré par l’armée française organisée selon un mode qui lui est
particulier, nous reviendrons sur la composition et l’organisation de cette armée d’un point
historique. Puisant dans la documentation se rapportant à l’histoire universelle des armées, nous
essayerons de mettre en exergue l’évolution des armées en général et celle de la France en
particulier, dans le temps et ce depuis l’antiquité. Cette recherche sera axée sur les réalisations
spécifiques en matière de construction et d’urbanisme militaires. Nous nous référerons
particulièrement au manuels d’histoire de l’architecture se rapportant à la période romaine du fait
que le territoire conquis puis colonisé est le même et que la colonisation fut de peuplement.
L’acteur principal étant européen, une prospection dans l’histoire de l’architecture et l’urbanisme
militaire européen, depuis l’antiquité jusqu’au Moyen Âge, s’impose comme référent et acquis
technique de l’ar mée française.
Comme nous allons traiter aussi des réalisations sanitaires militaires, nous explorerons dans la bibliographie, les documents relatifs à l’organisation du service de la santé dans les armées et la
prise en charge de celle-ci en matière de soins et d’équipements.
Dans la même perspective, nous aborderons l’histoire de l’armée, de l’architecture, de
l’urbanisme musulman. Cet intéressement est complété par un autre se rapportant à
l’organisation générale de l’Algérie et de la couverture sanita ire en particulier durant la régence
ottomane.
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Méthodologie
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Dans le même volet contextuel de la colonisation, une recherche bibliographique nous permettra
de voir les conditions dans lesquelles se trouvait la France du point de vue politique, militaire et
sanitaire. Cette dernière ayant connu différents régimes successifs, il importe de rechercher au
niveau des lois et règlements ceux se rapportant à la colonisation puis au peuplement.
Cette rétrospective sera parachevée par une autre se rapportant aux méthodes de conception et à
l’évolution de l’enseignement reçu par les ingénieurs du Génie en tant que maitres d’œuvres et
par celle se rapportant au domaine de la construction durant les XVIIIème et XIXème siècles.
Celles-ci nous permettront de reconstituer le contexte politique, juridique et technique des
réalisations militaires à Constantine et à Annaba.
Une recherche bibliographique se rapportant à l’histoire des villes, avant et durant la période
coloniale, permettra quand à elle de cerner le terrain d’étude du point de vue politique, social,
économique, sanitaire, urbain et architectural, puis les prédispositions de ces villes à être des
villes citadelle ou commerciale et portuaire, soit un « back ground » physique, historique,
sociologique. Ce qui revient à arrêter de façon précise les réalisations coloniales depuis la chute
des deux villes.
Les conditions sanitaires vécues par les troupes françaises lors de la conquête puis de la
colonisation, nous poussent à des investigations dans ce thème et sa prise en charge par les
dirigeants militaires. Au-delà des casernements nous nous intéresserons particulièrement aux
équipements sanitaires militaires en tant qu’outils de colonisation et à leurs impacts sur les tissus
existants. Il s’agit là de dresser un état des lieux et d’en effectuer une analyse architecturale et
urbaine, aux fins d’en déterminer l’importance et l’impact sur la ville (aujourd’hui).
Jusque là, nous nous sommes intéressées à l’impact des réalisations militaires sur la ville :
importance, fonctions, fonctionnement, structuration,…
Ce travail qui est le corps de la thèse est alors rétrospectif et puise dans la méthode historique. Il
sera nécessaire d’établir une chronologie et donc de dater les différentes réalisations afin de bien
comprendre l’évolution de la ville en relation avec la situation des équipements militaires dans
celle-ci, et surtout les conditions stratégiques et politiques de cette évolution.
Ce travail d’histoire utilisera les méthodes d’exploitation des archives, à mettre au point, d’autant
que ces archives sont variées et dispersées : les archives militaires (locales ou celles se trouvant à
Aix et à Paris), les archives de willaya (ex département de Constantine) et des municipalités.
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Méthodologie
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L’étude des archives militaires3 nous permettra de cerner l’intervention des militaires dans la
construction de la ville non point uniquement comme acteur mais encore comme entrepreneur,
comme pourvoyeur de moyens techniques et humains : le Génie militaire a en effet joué ungrand rôle dans la prise en mains de la ville, dans la préparation du peuplement et dans la
création de centres nouveaux à travers tout le territoire.
Ce travail dans son ensemble sera effectué parallèlement à l’étude cartogra phique où nous
utiliserons les plans des villes de Constantine et Annaba établis à différentes périodes de la
colonisation. Il sera nécessaire d’établir une chronologie et donc de dater les différentes
réalisations afin de bien comprendre le processus de production de la ville en relation avec la
situation des équipements militaires dans celle-ci, puis les réalisations civiles dans lesquelles les
militaires ont été impliqués d’une manière ou d’une autre.
Dans la pratique, notre travail se présente en quatre parties et onze chapitres.
La première partie comprend trois chapitres qui traitent de l’histoire des armées et des villes
militaires.
La deuxième partie traite du contexte géopolitique de la colonisation de l’Algérie en quatre
chapitres
La troisième partie en deux chapitres s’intéresse aux casernements et fortifications militaires et
de leurs impacts sur les villes de Annaba et de Constantine.
La quatrième partie, sur deux chapitres traitera enfin des édifications sanitaires militaires et de
leurs impacts sur les villes de Annaba et Constantine.
3
Nous avons exploité les archives des municipalités et celles d’Aix en Provence et de Vincennes, dont on trouverales détails en première annexe.
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Première Partie Introduction
12
PREMIÈRE PARTIE
HISTORIQUE DES ARMÉES ET DES VILLES MILITAIRES
Introduction.
Afin d’aborder notre sujet d’intérêt à savoir les réalisations ou les actions, ayant eu une
influence sur le domaine de la construction et du développement des villes algériennes, des
militaires français , il convient de définir et de présenter l’armée4 et son fonctionnement.
Le terme « armée » peut désigner l'institution toute entière, regroupant tous les militaires du
pays, ou un ensemble plus restreint composé d'hommes placés sous la direction d'un
commandant militaire.
Dans ce qui suit nous insisterons notamment sur la composition, l’évolution et l’organisation des
armées d’un coté et de l’autre sur les principales édifications de ces dernières afin de bien assoir
notre analyse du processus de production militaire en milieu urbain.
Pour bien comprendre le système militaire, un aperçu historique des armées s’avère nécessaire.
On distingue quatre âges militaires déterminés par rapport à l’armement 5:
- Le premier correspond à l'époque de la guerre primitive des petites hordes ;
- Le deuxième va des civilisations protohistoriques à la Renaissance ; c'est un cycle de
plus de quatre mille ans d'évolution lente, comprenant de longs paliers d'immobilisme, et
4 Armée : forces militaires d'un pays, rassemblées, entraînées, structurées et équipées de façon à pouvoirentreprendre des manœuvres guerrières à caractère offensif (conquête de territoire ennemi) ou défensif. Microsoft®Encarta® 2008.Le terme « armée » provient du bas latin armata. À l'origine, il signifie l'armement des navires, d'où le nom
espagnol armada : flotte, armée de mer. Par analogie et dérogation, on a désigné, sous le vocable d'armée, l'armée deterre ; la marine prenant le nom de flotte de guerre, de flotte de commerce, etc. Au Moyen Âge, le terme ostremplace celui d'armée que l'on trouve cependant dans les textes de Froissart. Dans son sens le plus général, le termed'armée s'applique aux moyens d'un État, d'un peuple, d'une collectivité sociale, politique, religieuse ou économique,moyens comprenant des effectifs organisés, hiérarchisés, armés, équipés, administrés et militairement instruits ; leurfin est d'imposer la volonté de l'autorité supérieure par la force, ou la menace de son exercice, soit à l'extérieur, soit àl'intérieur des territoires, mouvants ou fixes, de la collectivité considérée, in Encyclopædia Universalis , version 10,France S.A-2004, CD.5
Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
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Première Partie Introduction
13
des alternances de périodes cuirassées et non cuirassées, de périodes de cavalerie et
d'infanterie ;
- Le troisième s'étend de la Renaissance à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; il
correspond à un nouveau stade de grandes découvertes, à l'apparition de techniques
inédites et à l'accélération de l'histoire qui s'ensuit ; il est essentiellement dynamique ;
c'est celui de l'explosif et du canon, ainsi que du moteur ;
- Le quatrième débute à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec l'application de
l'énergie atomique à des fins militaires.
À l'intérieur de chacun de ces âges, les armées présentent des caractères communs tels que
l’organisation, les stratégies d’attaque et de défense et les armes. Il existe cependant d'importants
décalages, selon les quatre foyers de civilisation mondiale : Moyen-Orient, Méditerranée et
Occident, Extrême-Orient, Amérique précolombienne6. Dans ce chapitre nous nous intéresserons
par ticulièrement à l’Armée romaine et française toutes deux conquérantes de l’Algérie. La
première servit d’exemple à la seconde dans sa stratégie d’occupation mais aussi dans l’objectif
militaire : le peuplement de l’Algérie.
6 Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
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Première Partie Chapitre Premier
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CHAPITRE PREMIER
LES ARMÉES ET LES VILLES DE L’ANTIQUITÉ À L’ÉPOQUE CONTEMPORAINE.
Introduction.
Aborder notre travail sur les réalisations militaires ne pourrait se faire sans traiter de l’évolution
de l’armée dans le temps. Les corps constituants de l’armée doivent trouver leur explication dans
l’origine du besoin de leur fonction. Suivre donc l’évolution des armées à travers le monde et les
siècles, nous permet de restituer la logique des formations militaires qui ont contribué à la
conquête de l’Algérie puis aux réalisations effectuées.
Dans ce premier chapitre nous traiterons de l’évolution des a rmées les plus importantes depuis
l’antiquité à nos jours. Notre intérêt va aux armées qui ont laissé un patrimoine non seulement
militaire mais aussi architectural et urbanistique témoignage de connaissances et de savoir faire :
armées chinoise, grecque, romaine, française. Ces deux dernières armées nous intéresseront en
particulier ; l’armée française, parce qu’elle est l’acteur principal de la production de l’espace
objet de notre étude et l’armée romaine parce qu’elle a précédé l’armée française sur le territoire
algérien et dans l’objectif de colonisation par peuplement.
Par ailleurs, toutes ces armées ont effectué des réalisations sur l’espace qu’elles ont occupé. Les
fortifications des villes à défendre furent leurs premiers accomplissements avec le choix
d’implantation de ces villes. S’en suivirent des formes d’urbanisation et de réalisations
architecturales certes répondant à un objectif militaire mais ayant des répercussions sur la vie
sociale ; le gymnase romain créé pour les exercices des soldats fut utilisé à des fin hygiénistes de
tous les citoyens romains ; la ville en damier grecque est encore en usage actuellement. Revoir
toutes ces réalisations nous permettra de distinguer le propre de l’apport des militaires françaissur le territoire algérien de ce qui ressort du patrimoine mondial en matière de connaissances
utilisées par l’armée.
1. Les armées et villes de l’antiquité.
C’est durant cette période que se formèr ent les premières armées. Ces dernières n’eurent pas
toutes la même importance et donc ne laissèrent pas les mêmes traces sur l’espace. Hormis les
armées du premier âge militaire, les armées asiatiques, grecque et romaines sont celles qui ont le
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Première Partie Chapitre Premier
15
plus laissé de traces et celles qui ont amené le plus d’innovations que ce soit dans l’organisation
des armées, l’invention des armes et armements ou dans les travaux de fortifications des édifices
purement militaires ou des villes. Nous traiterons dans ce qui suit des plus importantes d’entres
elles et de leurs réalisations.
1.1 Les premières armées correspondant au premier âge militaire.
Ni la préhistoire ni le début de notre ère n'ont connu d'armées telles qu'elles existent aujourd'hui ;
la défense ou la volonté de conquérir des terres nécessaires aux pâturages ou à la chasse
conduisait à de simples regroupements d'hommes en armes, menant des combats isolés. L'emploi
de citoyens-soldats commence avec la montée de la sédentarisation, se traduisant par la
multiplication de villages permanents dans la vallée du Tigre et de l'Euphrate, et le long du Nil.Peut-on dire alors que le surgissement d’une armée organisée coïncide avec la sédentarisation et
l’urbanisation ?
En Mésopotamie, la création d'armées permanentes, munies d'arcs et de lances, intervient en
3200 av. J.-C. Aux environs de 2500 av. J.-C., l'introduction de chars tirés par des ânes et des
chevaux révolutionne l'art de la guerre. Au XXe siècle av. J.-C., en Égypte, Sésostris Ier entretient
une armée régulière ; il divise son royaume en trente-six provinces militaires, met en place une
milice nationale, attribue des terrains aux militaires, et utilise cette armée à des fins tant
offensives que défensives. Au milieu du VIe siècle av. J.-C., sous Cyrus le Grand, les Perses
apportent une amélioration au concept de l'armée permanente en organisant le déploiement de
troupes d'infanterie et de cavalerie, et en établissant un système disciplinaire.
1.2. Les armées et villes du deuxième âge.
Durant l’antiquité deux grandes armées se font connaître : l’armée grecque et l’armée romaine
qui, pour la première fois prend l’adjectif d’armée impériale. La première nous intéresse par la
raison que c’est en Grèce antique que nous retrouvons les premières villes militaires. Celle de
Macédoine introduit des innovations dans son organisation. L’armée romaine de par ses
qualifications ( républicaine puis impériale), puis du fait de sa conquête de l’Algérie, et du rôle
qu’elle a tenu dans l’armée française présente un intérêt particulier dans cette étude.
Bien que les armées asiatiques soient loin de notre sujet d’étude, il est intéressant de voir
brièvement leur apport dans le domaine armé.
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Première Partie Chapitre Premier
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1.2.1. Les Armées et villes asiatiques.
Le monde antique asiatique se développa loin de celui de l’ancien monde, ce qui laisserait penser
à un développement de l’armée différent, or elles se rapprochent énormément dans leur
organisation et moyens.
L’une des constructions militaires les plus connues au monde et qui devint merveille du monde
se trouve en Asie : la muraille de Chine, c’est dire l’importance de cette armée.
1.2.1.1. L’armée et les réalisations militaires de Chine.
La Chine antique bénéficie également d’un système militaire, défini par le général Sun Zi dans
son traité de stratégie militaire, l'Art de la guerre (vers 500 av. J.-C.) ; il y fait la description des
usages chinois, en termes d'armes, de système de commandement, de communications, de
discipline, de grades, de stratégie et de moyens logistiques. L’armée du premier empereur de
Chine était l’une des plus puissantes (plus de 600 000 hommes). Elle fut la première à fabriquer
en série ses armes (chaque casernement comprenait sa propre manufacture, nous lui devons aussi
la gâchette). C’est 228 ans avant Jésus Christ que la construction de la muraille de chine débuta7.
Les généraux de la dynastie Zhou installèrent des commanderies militaires le long de la Grande
Muraille, qui avait été construite par Shi Huangdi8, et qu’ils étendent, en bordure du désert de
Gobi pour protéger les grandes caravanes de marchands des incursions menées par les tribus
nomades (Xiongnu). Leurs ingénieurs construisent des routes et des canaux comparables à ceux
des Romains qui améliorent les communications et le commerce9. En dehors de la Grande
Muraille, la Chine recèle encore aujourd’hui des constructions typiquement militaires. Parmi les
plus connues la Tour de la Grue jaune et les Tulou.
La Tour de la Grue Jaune (Huáng Hè Lóu) est une pagode édifiée à Wuhan, province de Hubei.
Elle est considérée comme l'une des 3 merveilles architecturales du sud du Yangtze. La pagode
située au sommet de Sheshan (Colline du Serpent) est devenue le symbole de la ville . La tour de
5 étages initialement construite sur une place appelée "rocher de la grue jaune", s'élève à 51
mètres. Elle est couverte de 100 000 tuiles jaunes émaillées et est soutenue par 72 énormes
piliers. La Tour de la grue jaune a été reconstruite de nombreuses fois (plus de 20 fois). Le
premier bâtiment en bois a été édifié en 223, au cours de la période des Trois Royaumes (220 -
280). En raison de la position idéale, il a été construit par Sun Quan (182 - 252, le roi de Wu),
7 Le premier Empereur de Chine, un documentaire diffusé par ARTE le 31 janvier 2009 à 19h.8
Shi Huangdi
8
: général du premier empereur de Qin.9 « Les anciennes civilisations d’Asie », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
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Première Partie Chapitre Premier
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comme tour de guet pour son armée. La construction actuelle date de 1985 et a l'apparence d'une
tour ancienne mais est faite de matériaux modernes. Au fil des siècles, sa fonction militaire a été
peu à peu oubliée10.
Les Tulou sont les imposantes habitations, semblables à des forteresses, de la minorité chinoise
hakka. Ces bâtiments à hauts murs élevés en terre uniquement percés de fenêtre à la lisière du
toit sont des habitations traditionnelles. L'origine de ce type d'habitat communautaire remonte à
la fin du Xème siècle et servait entre autre à se défendre des agressions des autres peuples de la
région. Il n'y a qu'une seule porte dans l'enceinte qui peut atteindre plusieurs mètres d'épaisseur.
Les cloisons en briques ou en pierres empêchaient le feu de se propager dans l'ensemble du
bâtiment. Au centre d'un Toulu se trouve une cour, qui équivaut à la place du village. Les
familles vivent dans les niveaux aménagés dans le mur d'enceinte auxquels elles accèdent par desescaliers en bois. Le rez de chaussé de ces zones d'habitat est occupé par les cuisines et la basse-
cour. Le premier étage sert de zone de stockage tandis que les derniers étages sont des chambres.
La toiture des Tulou est couverte de tuiles grises ou l'on sèche les légumes au printemps11.
La Chine et les régions incluses dans sa sphère d’influence développèrent une haute culture
urbaine, le gouvernement central chinois utilisant les villes comme une arme administrative. Le
style d’urbanisme fut déterminé par Chang’an (aujourd’hui Xi'an), capitale des dynasties Han et
Tang. Dès la fin du VIe siècle, elle était disposée en damier et entourée par un mur de terre battue
d’une circonférence de 36,7 km avec de larges avenues (jusqu’à 155 m) allant du nord au sud et
d’est en ouest. Ce plan fut repris pour les villes de nombreux autres pays influencés par la Chine,
notamment pour la capitale impériale japonaise Heiankyo (aujourd’hui Kyoto), fondée en
794 apr. J.-C. Le développement du commerce et d’une économie monétaire en Chine sous la
dynastie Song favorisa l’essor des cités qui, pour la plupart, s’efforcèrent de reprendre le même
plan. D’autres pays d’Asie orientale (le Tibet, l’ancien empire Mongol) se sont inspirés du
modèle chinois tout en le modifiant afin de corriger sa trop grande rigidité12.
Si cette armée ne servit pas d’exemple aux armées européennes cela est du au fait de
l’éloignement (les distances n’ont pas la même dimension qu’actuellement), mais aussi du fait
que les vestiges du tombeau de l’empereur ne firent mis à jour qu’en 1970. Par la suite, le mode
d'organisation des armées chinoises et japonaises se rapproche de celui de leurs homologues
10 www.chine-information.com/guide/chine-tour-de-la-grue-jaune.2434.html.11
www.chine-informations.com/images/upload2/tulou.jpg.12 « L’urbanisme en Asie », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
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Première Partie Chapitre Premier
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d'Europe et du Moyen-Orient, après que l'invention asiatique des étriers (aux alentours du
IIe siècle av. J.-C.) a révolutionné la guerre à cheval, rendant les chars obsolètes. L’édifice le plus
connu reste la muraille de chine jamais égalée dans ses dimensions.
1.2.1.2. L’armée de Mongolie.
Utilisant comme base d'opérations un cercle semi-mobile constitué de chariots, le chef mongol
Gengis Khan puis ses successeurs, conduisent, au début du XIIIe siècle, la conquête d’un empire
s’étendant du désert de Gobi jusqu'au cœur de l'Europe. Accomplies avec des effectifs
relativement faibles, mais grâce à des techniques militaires très innovantes, ces conquêtes
s'appuient sur une formation élémentaire de dix mille guerriers à cheval, le touman. Les armes
spéciales incluent principalement de redoutables projectiles explosifs. Les communications sefont grâce à des pavillons de signalisation et des tambours. Les hordes mongoles vivent des
ressources du pays conquis, et leur déploiement tactique repose sur des attaques surprises
poussées sur le flanc et les arrières de l'ennemi, précédant de grands assauts de cavalerie.
En dehors de temples bouddhistes, de la Mongolie ancienne, seules les yourtes ou « Ger » et la
tente « Maikhan », sont restées. Le peuple et ses dirigeants nomades ont très peu influencé
l’urbanisation dans l’empire mongol.
1.2.2. L’armée et les villes grecques.
Sparte et Athènes ayant tour à tour eu la prépondérance en Grèce, l’organisation de leurs armées
a nécessairement servi de modèle à celles des autres républiques grecques. A Sparte, tous les
citoyens devaient le service entre vingt et soixante ans ; mais ils étaient classés d’après leur âge,
et on ne les appelait que successivement, suivant la nécessité de la conjoncture. Ainsi les
hommes de vingt à trente-cinq ans avaient seuls servi à Leuctres, mais après la bataille on appela
ceux de trente-cinq à quarante ans. Cette armée était divisée en plusieurs corps, qui se
subdivisaient eux-mêmes en plusieurs compagnies : ces cadres ne représentaient pas toutefois un
nombre fixe de soldats, et les corps aussi bien que leurs subdivisions pouvaient être plus ou
moins nombreuses suivant les circonstances13.
13
René Ménard, La vie privée des Anciens, Tome IV : les institutions de l’Antiquité, Édit veuve A. Morel, Paris,1880-1883.
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Première Partie Chapitre Premier
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Les cités grecques utilisent les citoyens pour former leur armée. La discipline stricte de ces
citoyens-soldats, ou hoplites, leur permet de remporter de grandes victoires, comme celles de
Marathon et de Platées pendant les guerres médiques, au Ve siècle av. J.-C. Au milieu du
VIe siècle av. J.-C., les Spartiates — peuple guerrier par excellence — inventent la phalange,
La structure de la Cité-État, caractérise la Grèce antique. La cité attique a pu expérimenter la
démocratie directe, c’est-à-dire la forme de démocratie la plus élémentaire et la plus simple à
conceptualiser. Il fallait pour cela une unité de lieu — ce qui limite la taille du territoire
couvert — et une population point trop importante (sur une population de 350 000 habitants,
seuls 40 000 hommes sont citoyens). Les grecs sont parmi les premiers à créer la ville militaire :
Sparte où tous les citoyens sont des militaires dévoués à vie à leur cité (entre vingt et soixante
ans, tous les Spartiates étaient obligés de servir comme hoplite ( fantassins)). Sparte fut, en effet,
la rivale permanente d'Athènes et incarnait dans le monde grec un idéal politique opposé à la
démocratie athénienne : une société guerrière et aristocratique exaltant la force masculine et une
morale d'austérité. Elle incarnait aussi la puissance terrienne, et s'opposait à l'impérialisme
maritime d'Athènes. Toutes fois la cité militaire ne s’est pas étendue à tout l’empire grec mais
s’est catonnée à la Grèce antique à l’inverse de la ville militaire romaine14.
À l’exception de Sparte, qui n’en eut que très tard (195 av. J.-C.), affichant que ses citoyens
lui en tenaient lieu, toutes les cités grecques eurent leurs remparts, plus ou moins développés
suivant leurs ressources : c’est souvent seulement par quelques segments de leurs modestes
murailles que les plus humbles, dont le nom même s’est perdu, se signalent encore dans le
paysage. À ces petites enceintes rustiques en pierre locale, souvent d’appareil négligé,
s’opposent les remparts en appareil à bossage des grandes cités, dont le tracé excède souvent
de beaucoup la zone urbaine pour épouser des lignes de terrain favorables, englobant un point
d’eau ou une aire de refuge pour la population rurale.Syracuse, avec un périmètre fortifié de 27 kilomètres et 1 500 hectares de terrain non
urbanisé, et Athènes, avec les « Longs Murs » qui la relient au Pirée, fortifié même du côté de
la mer, sont à ce point de vue des cas limites. L’essor des engins balistiques amena d’une part
un renforcement de l’épaisseur des courtines15 (en moyenne de 3-4 mètres, avec, entre les
deux parements appareillés, un remplissage de moellons noyés dans un ciment très dur) et
14
« Histoire des villes », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.15 Courtine : nf, partie d’un rempart située entre deux tours ou de bastions, Microsoft® Encarta® 2008.
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Première Partie Chapitre Premier
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d’autre part un développement des tours, aménagées en plates-formes de tir pourvues de
larges baies pour balistes et catapultes, ou de minces meurtrières pour les archers et les
oxybèles (lance-flèches).
Les murailles les plus anciennes, par exemples celles de Tirynthe se composaient de quartiers
à peine dégrossis, des pierres de petite dimension remplissaient les interstices que les grands
blocs avaient laissés entre eux.
On vit ensuite des pierres polygonales assemblées avec un grand soin, et parfaitement reliées
entre elles, quoique sans ciment ; mais elles étaient toujours de forme et de grandeur irrégulièr
es, quoique taillées avec une certaine précision. Les murailles de Mycènes, de Platée et de Ch
éronée nous montrent la forme la plus perfectionnée de l'appareil pélasgique. Lespierres com
mencent à prendre la forme quadrangulaire16.
Les portes qui donnaient accès à travers ces murailles ne sont pas toutes de la même forme.Q
uelquefois elles sont ogivales comme on le voit dans la galerie de Tirynthe ou dans l’acropole
L'Arpinum, en Italie, et alors elles sont bâties en encorbellement. Dans d'autres cas, elles ont
la forme d'une pyramide tronquée, comme dans la porte de Norba, ou dans celle du
trésor des Atrides à Mycènes .L’articulation des portes, souvent avec avant-cour et tours de
flanquement, donne lieu à des dispositifs complexes où la volonté monumentale se combine
aux soucis défensifs (portes à reliefs sculptés de Thasos, porte d’Arcadie à Messène, Grande
Porte de Sidé).
Tandis qu’un espace libre d’au moins 5 mètres est laissé en arrière du rempart pour permettre
les déplacements rapides d’hommes et de matériel, certaines enceintes présentent en plaine
des terrassements avancés destinés à ralentir l’approche de l’ennemi : un fossé plus ou moins
large et profond est surplombé par une levée de terre courant au pied du rempart.
Outre le réduit défensif que constituent les remparts de la ville, les cités grecques ont trèssouvent implanté des tours ou des fortins sur les confins de leur territoire : simples tours de
guet, comme dans les îles, pour prévenir les incursions des pirates ; forts gardés par une petite
garnison permanente et munis d’une enceinte de refuge pour la population rurale d’alentour.
Elles étaient parfois même de véritables places fortes ( Phylè et Rhamnonte aux frontières de
l’Attique, et plus encore Eleuthère et Aegosthènes aux confins de la Béotie), qui, avec leur
16
René Ménard, La vie privée des Anciens, Tome III : le travail dans l’Antiquité, Édit veuve A. Morel, Paris, 1880-1883.
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Première Partie Chapitre Premier
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garnison nombreuse et leur vaste périmètre, constituaient autant de points de fixation que des
envahisseurs éventuels ne pouvaient se permettre de laisser incontrôlés sur leurs arrières.
Toutes ces fortifications, qui sont la griffe de l’histoire sur le paysage grec, festonnant les
collines de leurs lignes austères, n’ont pas seulement une valeur fonctionnelle et
documentaire : le sens de la pierre qu’avaient les Grecs s’y manifeste autant que dans
l’architecture religieuse, quoique différemment17.
L'art grec frappe l'imagination autant que la raison. L'emplacement d'une ville ou d'un tem-
ple semble choisi pour faire une décoration. Le plus souvent, c’est sur une éminence naturelle
que l’édifice déploie toute sa splendeur ; la nature et son environnement semblent faire partie
de son architecture. Athènes, Agrigente, Syracus, présentent l’exemple type d’intégration au
site. C’est la nécessité de défense qui a fait choisir l’emplacement, mais c’est le sentiment de
l’architecte qui a su opérer ce mariage18.
L’art d’animer les parements par stries, bossages et piquetages, de souligner les angles par des
feuillures, de rythmer courtines et tours par des assises de hauteur ou de pierre différente ou
par de discrètes moulures donne à ces ouvrages une qualité esthétique dépouillée à laquelle
l’époque contemporaine est plus sensible que le XIXe siècle, qui parlait encore le langage des
ordres d’architecture religieuse19.
1.2.3. L’armée de Macédoine.
Au IVe siècle av. J.-C., Philippe II de Macédoine établit une vaste armée permanente, dans
laquelle les phalanges sont complétées par des forces de cavalerie, et utilisent la longue pique.
Son fils, Alexandre le Grand, vainqueur de l'Empire perse, organise le premier système
d'approvisionnement militaire et met en place l'infanterie légère, qui fait le lien entre la phalange
et la cavalerie. L'utilisation d'archers, de catapultes légères, de toutes les pièces nécessaires à un
siège, l'émission de fumée et de signaux sonores à des fins tactiques, l'établissement d'un service
de soins sont autant d'améliorations apportées au système et à l'organisation militaires.
17 Bernard Holtzmann, « Architecture militaire, Grèce antique », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10,France S.A-2004.18 René Ménard, La vie privée des Anciens, Tome IV : les institutions de l’Antiquité, Édit veuve A. Morel, Paris,1880-1883.19
Pierre Vidal-Naquet, « LA GRECE ANTIQUE, Civilisation-la cité grecque », in Encyclopædia Universalis,version 09 France S.A.-2003, CD.
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L’armée de macédoine fut une armée de conquête et non de colonisation et ne nous intéresse que
par l’introduction, dans son organisation, du service d’intendance et du système de santé attaché
à l’armée. Dans ses constructions défensives elle tire ses connaissances et applications de la
Grèce. Toute fois c’est en Macédoine que l’on voit apparaitre la voûte. Elle servit notamment à
couvrir les tombeaux beaucoup plus grands que ceux des grecs. Le mode d’urbanisation de ces
derniers fut élargi à tout l’empire de l’Est grâce aux conquêtes d’Alexandre le Grand.
Ainsi la Macédoine contribua non pas à l’évolution de cette forme d’urbanisation mais à son
expansion sur des territoires plus vastes à la mesure des conquêtes réalisées.
1.2.4. L’armée Romaine.
Le génie du général carthaginois Hannibal permet à ses armées de traverser les Alpes, de la
Gaule vers la péninsule italique ; pendant la deuxième guerre punique, la marche sur Rome
rassemblant trente mille hommes, chevaux et éléphants, se solde par la défaite des Romains, à la
bataille de Cannes, en 216 av. J.-C20.
Face à la stratégie offensive d’Hannibal, Rome o ppose une armée calquée sur celle des cités
grecques : tous les citoyens de 17 à 46 ans doivent porter les armes ( juniores). L'armée romaine
a atteint un point de perfection exceptionnel : peu d'États, dans le passé de l'humanité, peuvent se
vanter d'avoir disposé d'un instrument aussi efficace et aussi redoutable. Cet organe acquit assez
d'importance pour jouer un rôle essentiel dans l'histoire de l'Empire, et son influence se
manifesta également dans la vie matérielle et dans la vie spirituelle.
Nous nous intéresserons spécialement à cette dernière armée car elle fut la première à se
constituer en une armée de métier, à se doter de médecins militaires rattachés aux centurions, à
établir des campements et des casernements selon ses besoins mais aussi à s’é tablir en armée de
colonisation. La période romaine se subdivise en trois : la période royale qui s’étend de 753 av.
JC jusqu’à l’an 510 av. J-C, la période républicaine de 510av. J-C à l’an 27 av. J-C et l’impériale
de l’investiture de l’empereur Auguste à la chute de Rome en l’an 476. C’est durant cettedernière période que fut remaniée l’armée et que la colonisation romaine connut son apogée21.
C’est donc à la Rome impériale que nous nous intéresserons.
20 « Armée », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.21
Raymond Bloch, « Rome et Empire Romain, les origines », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, FranceS.A-2004.
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Première Partie Chapitre Premier
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1.2.4.1. L’organisation de l’armée impériale romaine.
L'armée romaine a atteint un point de perfection exceptionnel : peu d'États, dans le passé de
l'humanité, peuvent se vanter d'avoir disposé d'un instrument aussi efficace et aussi redoutable.
Cet organe acquit assez d'importance pour jouer un rôle essentiel dans l'histoire de l'Empire, et
son influence se manifesta également dans la vie matérielle notamment dans l’organisation des
villes et des frontières ainsi que dans la vie spirituelle22.
En 107 av. J.-C., le général Marius réforma profondément l'armée : tous y furent admis sans
distinction de classe pour répondre à la crise du recrutement consécutive à l'appauvrissement
généralisé des petits propriétaires latins et à l'extension de l'espace romain. Marius permit ainsi
aux prolétaires (les Romains non propriétaires) et même à certains pérégrins (étrangers) d'Italie
d'entrer dans la légion : l'engagement y étant de vingt ans, la légion se professionnalisa. C’est la
naissance de l’armée de métier.
L'armée impériale romaine fut la première grande armée de métier. Le nombre d'hommes que
l'armée Romaine entretenait était d'environ 330 000 hommes (165 000 légionnaires et 165 000
auxiliaires)23.
1.2.4.1.1. La hiérarchie de l'armée impériale romaine.
L’armée impériale étant organisée, elle se trouve donc hiérarchisée selon les fonctions et
attributs de chacun de ses membres.
L'Empereur est le général en chef qui a sous ses ordres toutes les forces militaires composant
l'armée.
Les préfets de camps administrent les camps fixes installés sur les frontières. Chaque préfet a
donc plusieurs légions à administrer, et il commande les réserves qui demeurent au camp
pendant les combats.
Les officiers d'état-major sont les légats (général d'armée) et il y a 1 légat par légion, certains
étaient membres de la classe sénatoriale.
Pour chaque légion il y a 6 tribuns militaires (titre honorifique sous l'Empire) qui sont des
officiers supérieurs choisis par l'Empereur et 59 centurions.
Chaque centurion (officier subalterne) avait pour adjoint 1 optione (sous-officier) et un
groupe de sous-officiers (le porte-enseigne ou signifer , l'instructeur ou campidoctor , le
22 Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD
EUV10, France S.A-2004.23 « Armées Romaines », in Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
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préposé aux subsistances ou pecuarius), l'architecte, le médecin militaire, un tesserarius
qui chaque nuit recevra le mot de passe inscrit sur une tablette (tessera), le chef de musique
et ses musiciens, des sonneurs de cor ou de trompette qui annonceront les exercices, les tours
de gardes, le réveil et l'extinction des feux.
Dans chaque cohorte, le 1er centurion, ou pilus prior, commande sa centurie et l'ensemble de
la cohorte. L'insigne des centurions est le cep de vigne. De la même manière, toute unité
auxiliaire a un chef, des centurions (dans l'infanterie) ou des décurions (dans la cavalerie)24.
1.2.4.1.2. La légion impériale.
Les légions sont au nombre, durant le siège d’Alésia, de 12 légions, 28 sous l'Empereur Auguste
et jusqu'à 33 sous le règne de Sévère. Une légion varie de 5000 hommes à 6000 hommes répartis
dans 10 cohortes (1 cohorte = environ 600 hommes) de 6 centuries chacune (1 centurie = environ
100 hommes). Chaque homme appartient à une centurie.
Deux centuries forment une manipule, reconnaissable pendant le combat à son étendard et 6
centuries constituent une cohorte. Les cohortes sont numérotées de I à X (la 1ere étant la plus
prestigieuse). A chaque légion est attaché un corps de cavalerie d'environ 120 hommes (jusqu’à
300). Le corps d'élite est la légion.
Elle se voit adjoindre des troupes légères et mobiles recrutées dans les Provinces (les auxiliaires),
et des troupes recrutées à la frontière de l'Empire et qui conservent leurs armements et leurs
usages de combats (les numéri). Les soldats s'engagent dans la légion pour une durée de 20 ans
pour les légionnaires ou de 25 ans pour les auxiliaires. Le recrutement des légions se fait surtout
parmi les provinciaux qui, depuis Auguste, y trouvent toute une série d'avantages : solde
importante augmentée de primes diverses, une retraite et pour les soldats des auxiliaires le droit
de cité en fin de service25.
1.2.4.1.3. Les cohortes prétoriennes.Elles dérivent de la garde d'honneur du général et deviennent la garde personnelle de l'Empereur.
Corps d'élite formé en principe d'italiens éprouvés, les cohortes prétoriennes prendront souvent
une importance considérable dans la proclamation des Empereurs. Les effectifs varieront de
5000 soldats à 10 000 soldats qui sont répartis au sein de 10 cohortes prétoriennes. Chaque
cohorte est divisée en 10 centuries d'infanteries flanquées chacune d'une turme de cavalerie.
24. www.unrv.com/empire.php. 25
Henri de Nanteuil, « Infanterie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.www.fr.wikipedia.org/wiki/Légion_ romaine
http://www.unrv.com/empire.phphttp://www.unrv.com/empire.phphttp://www.unrv.com/empire.phphttp://www.unrv.com/empire.php
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L'encadrement est effectué par 2 préfets du prétoire, des tribuns, et des centurions assistés
d'optiones. La solde du soldat est élevée et le service n'est que de 16 ans 26.
1.2.4.1.4. Les cohortes urbaines.
Ceux sont des milices de citoyens romains pour veiller à la garde de la cité. Leur nombre est de 4
à Rome (6000 hommes), une à Lyon et une à Carthage. L'encadrement est effectué par 1 préfet
de la ville, et de 4 ou 6 tribuns. La solde du soldat est moins importante que celle des soldats des
cohortes prétoriennes et le service est de 20 ans. Les miliciens des cohortes urbaines sont
considérés comme inférieurs aux prétoriens mais supérieurs aux légionnaires27.
1.2.4.1.5. Les cohortes de vigiles.
Ceux sont des milices composées d'esclaves puis d'affranchis pour lutter contre les incendies.
Pour faciliter le recrutement, le droit de cité est accordé aux vigiles après 6 ans de service (plus
tard 3 ans seulement). L'effectif des cohortes de vigiles est de 7000 hommes. Le nombre des
cohortes de vigiles est de 7 à Rome qui est divisée en 14 régions (chaque cohorte de vigiles
surveille 2 régions). Chaque cohorte est divisée en 7 centuries. L'encadrement est effectué par 1
préfet des vigiles, et de tribuns.
Chaque centurie comprend plusieurs sections spécialisées comme l'alimentation en eau, la
manœuvre des pompes, l'extinction des incendies au moyen de couvertures imbibées de vinaigre,
la manœuvre de matelas destinés à amortir la chute des sinistrés, ou la protection des prisons, des
magasins et des thermes28,.
1.2.4.1.6. La cavalerie.
Au début de l'Empire, la cavalerie fut organisée en régiments ou alae de 500 hommes. Puis,
comme dans l'infanterie, des unités de 1000 hommes furent créées à la fin du 1er siècle après
J.C. Ces alae étaient divisées en turmae de 30 à 40 hommes. Chaque turma était commandée parun décurion. Les alae étaient commandées par des préfets. La cavalerie n'était pas le fort de
l'armée romaine. Elle fut souvent battue par des ennemis possédant une meilleure force montée.
26 Joël Schmidt, « Prétoriens », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.27 Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVDEUV10, France S.A-2004.28Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire Romain, Le Haut-Empire », in Encyclopædia Universalis, DVD
EUV10, France S.A-2004.www.fr.wikipedia.org/wiki/Légion_ romaine
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Les Romains n'étaient pas bons cavaliers, leur cavalerie fut donc surtout composée d'alliés. La
cavalerie romaine se compose de 4 corps différents : les cohortes mixtes (1/4 de cavaliers pour
3/4 de fantassins, combattants mêlés), la cavalerie légionnaire (120 à 300 citoyens par légion), la
cavalerie des ailes (engagés volontaires citoyens et provinciaux), et les corps indigènes (unités
qui ne sont pas permanentes)29.
1.2.4.1.7. La marine.
Le modèle du navire de guerre était la galère, un bateau à rames. Les premiers navires romains
furent des quinquirèmes (galères à 5 rangs de rames) inspirées des navires carthaginois. Une
flotte permanente est créée sous AUGUSTE qui sert à la police navale, à la protection des
convois de ravitaillements, et au convoyage des hommes et des matériels lors des expéditions
orientales, mais jamais ces flottes n'auront à livrer de batailles rangées.
Cette marine romaine comprend 8 escadres (Misène et Ravenne en Italie, Fréjus en Gaule,
Bretagne, Libye, Alexandrie, Syrie et Pont) et 3 flottilles (Rhin, Lac de Constance et Danube).
Les navires sont des vaisseaux longs (2, 3, 4, 5 ou 6 rangs de rameurs avec éperon), des navires
de transports (environ 100 hommes par bateau) et des avisos (petits navires de guerre chargés de
porter des paquets, des ordres, ou des avis).
Les Romains se sentant plus vulnérables en mer, mirent au point un dispositif pour rapprocher le
combat naval du combat de terre : le corvus, une passerelle d'abordage articulée, fixée à la proue
du bateau. Sur chaque navire, il y a un capitaine, un pilote, des décurions et des soldats. Les
rameurs sont des esclaves. On compte 300 rameurs et 120 soldats sur un bateau. Les romains
savaient construire des navires exceptionnels par leur volume, leurs qualités lors des manœuvres,
et leur armement. Les vaisseaux de guerre romains ont été les plus gros que l'Antiquité ait
connus, mais aussi les plus solides. Les navires de guerre romains étaient bien armés : un éperon
en bronze, installé sous l'étrave, permettait de détruire tout navire ennemi qui était heurté de
flanc. Sur le pont, étaient disposées des pièces d'artillerie qui projetaient des flèches ou des pierres.
Les Romains faisaient aussi usage de projectiles inflammables. Des tours permettaient de
dominer l'ennemi au moment de l'abordage. Chaque navire recevait, en plus de son équipage, des
troupes qui pouvaient intervenir depuis le pont du navire, et qui servaient de forces de
débarquement. La flotte de guerre aura un rôle essentiel au IIIème siècle, en garantissant la
sécurité des mers, face à la recrudescence de la piraterie, et en assurant rapidement les transports
29 Paul Devautour, « Cavalerie », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
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de troupes qui deviennent vitaux pour l'Empire. Les soldats s'engagent pour 26 ans au bout
desquels les non-citoyens reçoivent le droit de cité. Le recrutement s'effectue essentiellement
parmi les provinciaux.
Le commandement de chaque escadre revient à un praefecti (amiral) qui est souvent un
chevalier, mais il peut être aussi un affranchi. Les officiers de marine sont peu considérés. Un
commandant d'un bateau de la marine, le triérarque, est assimilé au centurion de l'armée de terre.
Tout au long du principat se mit en place un réseau de ports destinés à abriter les diverses flottes
et leurs détachements ; le dispositif adopté privilégiait l'Italie. Les deux principales escadres,
appelées « prétoriennes » à partir de l'époque des Flaviens, étaient basées l'une à Misène (pour la
Méditerranée occidentale) et l'autre à Ravenne (pour l'Orient). Et les provinces n'étaient pas
négligées : on vit se constituer les flottes de Bretagne (mer du Nord), de Germanie (Rhin), de
Pannonie et de Mésie (Danube), du Pont (mer Noire), de Syrie et d'Alexandrie. Au total,
l'Empire employait quelque quarante mille marins30.
Ces militaires avaient pour première fonction, bien entendu, de faire la guerre. Pourtant, leur
importance dans l'Empire dépasse largement cet aspect, et ils jouaient un grand rôle dans deux
domaines majeurs, tout d'abord la vie matérielle. La présence de l'armée garantissait un
minimum de sécurité, la fameuse « paix romaine », conjoncture toujours favorable au
développement de l'économie. En outre, les opérations de surveillance menées au-delà du
« limes », souvent improprement appelées de nos jours « explorations », ouvraient de nouvelles
voies aux commerçants romains. Enfin, les routes tracées par les légions, les ponts qu'elles
construisaient étaient également utilisés par les civils31.
1.2.4.1.8. L'armée des frontières.
Forte de deux cent cinquante à trois cent mille combattants, elle supportait le poids de la guerre.Elle était constituée pour moitié, approximativement, par une trentaine de légions. Chacune de
ces unités d'infanterie d'élite comptait environ cinq mille hommes organisés en dix cohortes de
six centuries, sauf la première cohorte qui ne comptait que cinq centuries, mais était à effectifs
30 Claude Lepelley, « L’Histoire de la Méditerranée », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.31
Michel Mollat Du Jourdin, « L’Histoire de la navigation », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, FranceS.A-2004.
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doubles. C'est sur ces soldats que reposait la défense de l'Empire, et aussi ses capacités
offensives. Ils en représentaient la principale force de choc32, 33.
1.2.4.2. Le service et rôle de l’armée.
L'armée impériale devenue permanente connait des périodes d'inactivités. On les met à profit
pour instruire les soldats et leur faire accomplir manœuvres militaires et exercices : marches,
abattages d'arbres et creusement de fossés, sports et maniement d'armes. En outre, les soldats
sont employés à des travaux aux frontières (fortifications et à « l’exploration ») et à la
construction de routes et de ponts utilisés par les civils.
Parfois, ils travaillent sur les chantiers publics et aident à élever aqueducs ou amphithéâtres. De
la sorte s'était créée tout autour de l'Empire une zone d'économie monétaire, chaque camp
représentant un marché, chaque homme étant un consommateur. Cette bande étroite se gonflait
de civils : la sécurité et l'argent liquide attiraient des paysans, des artisans, des commerçants... et
tout ce qu'il faut pour le repos du soldat.
Ainsi, auprès de chaque forteresse se créait une agglomération, simple village (canabae) ou vraie
ville ; c'est ainsi qu'est née par exemple Strasbourg. Le recrutement provoquait, surtout au 1er
siècle, des migrations accentuées par la suite par les mouvements des civils qui se dirigeaient
vers cette région de prospérité. La présence de l'armée provoquait donc en outre un phénomène
d'urbanisation34.
La zone dynamique ainsi créée présentait un autre aspect non moins important : sa
romanisation : les soldats diffusaient la culture autour d'eux.
Le latin demeurait la seule langue de commandement possible, pour tous, même pour les soldats
des numeri ethniques, car c’était la langue des vainqueurs. L'armée fonctionnait comme une
machine à diffuser la citoyenneté : ceux qui ne la possédaient pas, les pérégrins, la recevaient
avant d'entrer dans les légions quand, en cas de besoin, on les y appelait ; ou bien alors elle leurétait octroyée vers la fin de leur temps de service quand ils avaient été enrôlés dans des unités
auxiliaires ou dans la marine, et ce bienfait s'étendait le plus souvent à la femme et aux enfants
du militaire. Le droit fait d'ailleurs partie des éléments qui constituent les mentalités collectives
32 Noureddine Harrazi, « Afrique romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.33 Paul Devautour, « Typologie historique de l’ARMEE », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.34
Christian J Guyonvarc’h, « Religion gallo romaine », in Encyclopædia Universalis, DVD EUV10, France S.A-2004.
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des soldats .Il se souciait des familles des militaires, de leur carrière, des officiers et de
l'empereur, et des loisirs.
Cette romanisation se retrouve dans le domaine religieux : les soldats ne privilégiaient en aucune
manière les dieux indigènes ou les divinités orientales. Comme le montrent les inscriptions et les
papyrus (« calendrier de Dura-Europos »), le panthéon honoré venait d'Italie dans une large
mesure. Ils s'attachaient d'abord, bien entendu, aux dieux militaires, Mars, Janus, les Enseignes,
la Victoire..., puis à la Triade capitoline protectrice de Rome, surtout à Jupiter. Ils se montraient
plus réservés à l'égard du culte impérial, comme faisaient d'ailleurs en général les citoyens
romains et les Italiens. Ils ne pratiquaient qu'avec parcimonie les cultes locaux ou orientaux.
Seuls les combattants des numeri, restés profondément attachés à leurs patries d'origine, faisaient
exception et se montraient plus respectueux de leurs propres traditions, plus réservés à l'égard de
la religion romaine, sauf en ce qui concerne les cérémonies officielles. Ajoutons que,
contrairement à ce qu'ont affirmé certains Pères de l'Église, en particulier Tertullien, les camps
n'étaient pas peuplés de chrétiens, surtout en Occident, mais bien plutôt de persécuteurs. En
conclusion, on voit que les soldats se faisaient les zélateurs de la tradition sous ses deux aspects,
religion et romanisation ; dans ce domaine, ils se conduisaient en conservateurs35.
L'armée n'assurait pas seulement la défense de l'Empire. Elle y jouait aussi un rôle important
dans les principaux domaines de la vie des hommes : l'économie, la démographie, la culture, la
religion36. Elle joua aussi un rôle très important dans l’architecture essentiellement basée à ses
débuts, sur les moyens techniques : les romains furent les premiers à développer et à généraliser
l’usage des matériaux rouges (briques et tuiles) et du ciment résistant à l’eau. Ils excellèrent dans
l’art de l’appareillage de blocs (naturels ou non) et du parement.
Mais c’est surtout la voûte (en remplacement de la charpente de bois combustible) qui
révolutionna les systèmes structurels et qui fit reculer le système grec (entablement et colonnes).
Ce sont les grands chefs militaires qi mirent de l’ordre dans l’urbanisme des villes. Vitruve était
lui-même officier du génie sous Auguste.
35 Noureddine Harrazi, op.cit.36
Paul Petit, Yann Le Bohec, « Rome et Empire romain-le haut empire », in Encyclopædia Universalis, France S.A-2004, CD.
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La fin de l'Empire fut marquée par l'entrée de plus en plus massive des provinciaux dans la
légion