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2S42 Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 2, 2008 sucres et contrôle pondéral LE RÔLE DU SUCRÉ DANS LE CONTRÔLE DE L’APPÉTIT John Blundell, Graham Finlayson La perception du sucré est un puissant phénomène psychobiologique. Son importance vient de ce que la saveur sucrée, dans le milieu naturel, est normalement associée à la présence d’énergie. Par conséquent, les humains (comme les autres animaux) sont susceptibles d’avoir une forte attirance pour le goût sucré des aliments et des boissons. La saveur sucrée est aussi associée à une sensation de plaisir intense. La saveur sucrée peut rendre agréables des aliments qui ne le seraient pas sans elle ; elle peut aussi rehausser la palatabi- lité d’aliments qui sont déjà agréables au goût. C’est ainsi que la saveur sucrée représente un puissant moyen d’augmenter l’appétibilité des aliments et d’en encourager la consommation. Les propriétés hédoniques du sucré lui confèrent un fort potentiel pour agir comme récompense, d’où sa capacité de renforcer non seulement sa propre consommation, mais aussi les comportements associés à sa consommation. C’est pour cette raison que le sucré peut vraisemblablement exercer des effets positifs et spécifiques sur le comportement alimentaire, les choix d’aliments et d’autres aspects des mécanismes de contrôle de l’appétit. En d’autres termes, la perception du sucré est susceptible d’exercer un effet « permissif » ou « facilitateur » sur le comportement alimentaire. Bien que toutes les qualités organoleptiques des aliments soient susceptibles d’affecter l’ingestion, le sucré semble jouer un rôle privilégié parmi les sensations gustatives. Le sucré peut conférer à une substance une valeur biologique et l’on peut imaginer que les humains aient une attirance génétiquement déterminée pour le sucré. Ceci aurait pu se produire parce que les récepteurs gustatifs au sucré sont fonctionnels dès la naissance et qu’il existe une association univer- selle, dans la nature, entre le goût sucré et le contenu énergétique (utile) des substances alimentaires. À cause de ce rôle unique du sucré dans la nature, on peut penser qu’il est associé de manière qualitativement distincte au plaisir. Cependant, la saveur sucrée peut être conférée par différents types de molé- cules qui peuvent avoir des propriétés très différentes. Institute of Psychobiological Sciences, University of Leeds, West Yorkshire, LS2 9JT. Adresse e-mail : [email protected] Le sucré et la cascade de la satiété Le contrôle de la prise alimentaire est souvent vu comme un système de régulation qui implique un mécanisme capable de détecter les apports d’énergie et de nutriments, plus un réseau de signaux stimulateurs ou inhibiteurs qui relient les mécanismes physiologiques périphériques avec le cerveau. Une représentation d’un tel système est conceptualisée dans la cascade de la satiété [1]. Quatre processus de médiation sont identifiés : le sensoriel, le cognitif, le post-ingestif (ou pré-absorptif) et le post- absorptif (figure 1). Les effets sensoriels sont générés par la perception du goût, de la température et de la texture des aliments. Les signaux procurés par un aliment inhibent à court terme la consommation d’aliments partageant les mêmes caracté- ristiques sensorielles. Ce mécanisme illustre la notion des influences sensorielles spécifiques dont Le Magnen [2] a le

Le rôle du sucré dans le contrôle de l’appétit

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2S42 Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 2, 2008

sucres et contrôle pondéral

LE RÔLE DU SUCRÉ DANS LE CONTRÔLE DE L’APPÉTIT

John Blundell, Graham Finlayson

La perception du sucré est un puissant phénomène psychobiologique. Sonimportance vient de ce que la saveur sucrée, dans le milieu naturel, estnormalement associée à la présence d’énergie. Par conséquent, les humains(comme les autres animaux) sont susceptibles d’avoir une forte attirance pourle goût sucré des aliments et des boissons. La saveur sucrée est aussi associéeà une sensation de plaisir intense. La saveur sucrée peut rendre agréables desaliments qui ne le seraient pas sans elle ; elle peut aussi rehausser la palatabi-lité d’aliments qui sont déjà agréables au goût. C’est ainsi que la saveur sucréereprésente un puissant moyen d’augmenter l’appétibilité des aliments et d’enencourager la consommation. Les propriétés hédoniques du sucré lui confèrentun fort potentiel pour agir comme récompense, d’où sa capacité de renforcernon seulement sa propre consommation, mais aussi les comportements associésà sa consommation. C’est pour cette raison que le sucré peut vraisemblablementexercer des effets positifs et spécifiques sur le comportement alimentaire, leschoix d’aliments et d’autres aspects des mécanismes de contrôle de l’appétit.En d’autres termes, la perception du sucré est susceptible d’exercer un effet« permissif » ou « facilitateur » sur le comportement alimentaire.Bien que toutes les qualités organoleptiques des aliments soient susceptiblesd’affecter l’ingestion, le sucré semble jouer un rôle privilégié parmi les sensationsgustatives. Le sucré peut conférer à une substance une valeur biologique et l’onpeut imaginer que les humains aient une attirance génétiquement déterminéepour le sucré. Ceci aurait pu se produire parce que les récepteurs gustatifs ausucré sont fonctionnels dès la naissance et qu’il existe une association univer-selle, dans la nature, entre le goût sucré et le contenu énergétique (utile) dessubstances alimentaires. À cause de ce rôle unique du sucré dans la nature,on peut penser qu’il est associé de manière qualitativement distincte au plaisir.Cependant, la saveur sucrée peut être conférée par différents types de molé-cules qui peuvent avoir des propriétés très différentes.

Institute of Psychobiological Sciences, University of Leeds, West Yorkshire, LS2 9JT.Adresse e-mail : [email protected]

Le sucré et la cascade de la satiété

Le contrôle de la prise alimentaire est souvent vu commeun système de régulation qui implique un mécanismecapable de détecter les apports d’énergie et de nutriments,plus un réseau de signaux stimulateurs ou inhibiteurs quirelient les mécanismes physiologiques périphériques avec

le cerveau. Une représentation d’un tel système estconceptualisée dans la cascade de la satiété [1]. Quatreprocessus de médiation sont identifiés : le sensoriel, lecognitif, le post-ingestif (ou pré-absorptif) et le post-absorptif (figure 1).Les effets sensoriels sont générés par la perception dugoût, de la température et de la texture des aliments. Lessignaux procurés par un aliment inhibent à court terme laconsommation d’aliments partageant les mêmes caracté-ristiques sensorielles. Ce mécanisme illustre la notion desinfluences sensorielles spécifiques dont Le Magnen [2] a le

premier démontré l’existence. Les caractéristiques senso-rielles agissent aussi sur la prise alimentaire en déclen-chant les réponses de la phase céphalique de la digestion.Le sucré est sans doute capable d’exercer ses effetspuissants sur l’appétit par l’intermédiaire de deux récep-teurs transmembranaires (T1R2 et T1R3) couplés à uneprotéine G dont l’ensemble forme un récepteur gustatif àlarge spectre. Il est intéressant de noter que ce récepteurse trouve à la fois dans la bouche et dans l’intestin où il estassocié à la sécrétion de peptides (GLP-1 et GIP) qui ontune influence sur le métabolisme et la satiété [3]. Cecisouligne l’impact du sucré à la fois sur le rassasiement etsur la satiété, qui déterminent des aspects différents descomportements alimentaires. Il faut utiliser des démarchesexpérimentales différentes pour examiner les effets dusucré sur ces deux processus. La majorité des études aporté sur la satiété, bien que l’effet du sucré sur le rassa-siement (et donc la taille des repas) soit sans doute encoreplus puissant.

Étudier séparément le rôle du sucré et celui des calories

Lorsqu’on étudie les effets du sucré, l’un des problèmesimportants est d’identifier l’action du sucré en tant quetelle, par opposition à l’action du sucré qui accompagnel’apport de calories (celles du glucose, du saccharose, oudu fructose). Les mécanismes permettant la perception dela saveur sucrée suggèrent que les rôles respectifs du sucréet de l’apport énergétique peuvent être dissociés anato-miquement. Plusieurs produits sucrés offrent à la fois legoût sucré et de l’énergie. La cascade de la satiété (fig. 1)montre comment ces deux facteurs contribuent au contrôlede la prise alimentaire. Pour étudier le rôle spécifique dela perception du sucré sur l’appétit, il est important defaire la différence entre deux approches que nous appel-lerons l’approche « additive » et l’approche « substitutive »[4]. La figure 2 présente un modèle expérimental danslequel le sucré et le contenu énergétique peuvent varierindépendamment l’un de l’autre. Par exemple, en ajou-tant des édulcorants artificiels intenses à des produits nonsucrés, il est possible de leur conférer une saveur sucréesans en modifier la teneur énergétique.Cette combinaison permet d’étudier les effets du sucré surl’appétit alors que les produits comparés ont une mêmecharge énergétique. C’est l’approche additive. Des édul-

corants intenses peuvent aussi être utilisés pour remplacerdes édulcorants glucidiques (les sucres) de telle sorte quel’intensité de la saveur sucrée puisse être maintenueconstante, alors que le contenu énergétique des produitscomparés varie. C’est ce que nous appelons l’approchesubstitutive. Dans l’élaboration d’un plan expérimental,l’approche additive est utile pour étudier les effets dusucré (à valeur énergétique constante), alors que l’appro-che substitutive est utilisée pour démontrer les ajustementsinduits par des changements de teneur énergétique (àintensité constante du goût sucré).L’utilisation d’un tel modèle permet de démontrer que lesucré et la teneur énergétique exercent des effets diffé-rents et dissociables sur le contrôle à court terme del’appétit, en particulier sur l’intensité de la faim et la tailledes repas (par exemple [5]). Il est important de noter quela seule perception du sucré peut induire une faibleaugmentation de la faim ou du désir de manger, laquelledisparaît lorsqu’une charge énergétique est ajoutée austimulus sucré. Le même effet peut se produire après queles ressources physiologiques ont été légèrement solli-citées – par exemple après une séance d’exercice phy-sique [6]. Ce type d’expérimentation précisément contrôléeest nécessaire pour démontrer les effets théoriquementattribués au goût sucré indépendamment des effets de lacharge énergétique. Cependant, les mêmes effets peu-vent ne pas être aussi clairs lorsque des substances sontconsommées avec d’autres produits dans le cadre de l’ali-mentation courante, en dehors du cadre du laboratoire derecherche.

Comparaison de produits sucrés et non sucrés

Lorsque l’on étudie les effets du sucré sur la satiété, unequestion importante est de savoir si les aliments sucréscomblent l’appétit autant que d’autres aliments de mêmeteneur énergétique, mais ne présentant pas de goût sucré.Une série d’études a montré qu’un déjeuner non sucréproduit un effet inhibiteur plus puissant sur les sensationsassociées à l’appétit qu’un déjeuner sucré [7]. Ces étudesont aussi apporté des précisions sur le mécanisme desatiété sensorielle spécifique. Il est intéressant de constaterque le déjeuner sucré entraîne une baisse de l’appétit pourd’autres aliments sucrés moins importante que celle que ledéjeuner non sucré induit pour des aliments non sucrés.

Post-absorptifPost-ingestif

Cognitif

SatiétéRassa-siement

Cascade de la satiété

ALIMENTS précoce tardif

Sensoriel

Figure 1.Une représentation schématique de la cascade de la satiété

montrant la distinction entre rassasiement et satiété avec les processus de médiation associés.

Édulcorants de charge

Amidon ou inhibiteursde la perceptiondu sucré

Substance inerte

Présentélevé

Présentélevé

Absentfaible

Absentfaible

Édulcorantsintenses

A

SUCRÉ

CALORIES

B

D C

Figure 2.La dissociation entre goût sucré et contenu énergétique :

plans expérimentaux permettant de mesurer les effets « additifs »(A versus D et B versus C) ou « substitutifs »

(A versus B et C versus D) du sucré et de la charge caloriquesur l’appétit et la consommation alimentaire.

sucres et contrôle pondéral

Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 2, 2008 2S43

2S44 Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 2, 2008

le rôle du sucré dans le contrôle de l’appétit

Ceci indique que les qualités gustatives n’ont pas la mêmepotentialité d’entraîner une satiété sensorielle spécifique,et que le sucré exerce en l’occurrence un effet relative-ment faible. Une autre étude a établi que le niveau aucours de la journée (rythme circadien) de l’appétit pour unproduit sucré demeure relativement élevé pendant toute lajournée et ne s’effondre pas après les repas [8]. Cecicontraste avec l’appétit pour les aliments non sucrés quifluctue largement pendant la journée et en fonction desrepas. Ces résultats montrent que les glucides sucrés sontmoins satiétogènes que les glucides non sucrés, et quel’appétence pour un aliment sucré se maintient tout aulong de la journée. Le sucré semble donc bien avoir uneffet facilitateur ou permissif sur l’appétit.

Le sucré (ou le sucre) et le gras

Dans la recherche des effets des aliments sur l’appétit, ilexiste aujourd’hui des opinions très contrastées concernantla capacité des sucres ou des graisses à induire une sur-consommation et de faire prendre du poids. Les étudesd’intervention à court terme démontrent que les lipidesont une capacité beaucoup plus grande de provoquer la« surconsommation passive » que les sucres, surtout àcause de leur densité énergétique élevée [9]. De plus,l’analyse des résultats tirés de larges enquêtes a attirél’attention sur le concept de « balance sucre-graisses »,selon lequel ces deux nutriments tendent à être inversementassociés dans l’alimentation [10]. Les études épidémiolo-giques montrent que les contributions relatives des sucreset des graisses dans la prise de poids apparaissent plusclairement après que les données ont été affinées parl’élimination des sujets « sous-déclarants » qui rapportentune prise énergétique physiologiquement irréaliste. Dansce cas, il existe une relation positive entre les niveaux del’Indice de masse corporelle (IMC) et la consommation delipides, mais aucune relation avec la consommation desucre [11]. Les obèses consomment plus de lipides que lespersonnes de poids normal, mais la même quantité desucre. Cette observation tend à confirmer une étude plusancienne qui montrait une attirance plus prononcée pourles graisses et une préférence pour les aliments à forteteneur en lipides chez les obèses [12]. Certains alimentsriches en graisses et très agréables au goût, comme lesgâteaux ou les pâtisseries, contiennent également beaucoupde sucre. De tels aliments constituent une combinaisonsucré-gras dont le goût est un stimulus très puissant. Il estintéressant de savoir que lorsque la consommation d’ali-ments riches à la fois en lipides et en sucre est analyséeen fonction du poids corporel, les femmes obèses ont uneconsommation plus abondante que les autres catégoriesde corpulence [13]. L’ensemble de ces études indique qu’ilexiste sans doute des différences considérables dansl’appétit pour le sucré lui-même, et pour le sucré combinéà d’autres caractéristiques de l’aliment (en particulier soncontenu en lipides).

Le goût du sucré, le goût pour le sucré,le désir de manger et la tendance à la compulsion

L’attirance pour le gras-sucré chez certains types deconsommateurs souligne l’importance du caractère hédo-nique du sucré. C’est la capacité du sucré à produire du

plaisir qui est son aspect le mieux reconnu. Certainesavancées récentes dans l’étude du plaisir alimentaire ontpermis de distinguer deux fonctions : le goût pour un aliment,son appétibilité (que les Anglo-Saxons appellent liking), etle fait de vouloir consommer l’aliment (que les Anglo-Saxons nomment wanting) [14]. De plus, un site anatomi-que cérébral récemment identifié serait impliqué dans lemécanisme moléculaire du pouvoir hédonique du sucré [15].Autre avancée importante : une procédure expérimentalenouvelle a été développée pour évaluer chez le sujethumain la force du « goût pour » et du désir de consommerl’aliment, en utilisant de multiples stimuli visuels illustrantdes aliments dont la teneur en sucre et en graisse varie [16].L’effet du goût sucré sur ces processus a été examiné encomparant l’effet de précharges soit sucrées soit nonsucrées sur le « goût pour » (liking), le désir de consom-mer (wanting) et sur la consommation réelle et les préfé-rences alimentaires de femmes avec une tendance plus oumoins marquée aux compulsions alimentaires (le binge).Les femmes avec un score élevé sur une échelle mesurantcette tendance [17] montrent un « goût pour » générale-ment plus accentué qui concerne tous les types d’ali-ments, cependant, lorsqu’elles ont la possibilité de choisirleurs aliments à l’occasion d’un buffet, elles sélectionnentsurtout ceux qui présentent la combinaison riche en grasriche en sucre. (fig. 3). Il est intéressant de constater quel’effet du sucré se manifeste ici par une augmentation dudésir implicite de consommer (wanting) tous les alimentsaprès une précharge sucrée. Ces résultats montrent, unefois de plus, que certaines personnes (avec une forte ten-dance aux compulsions alimentaires) présentent une ten-dance à choisir et à consommer des aliments à la foisriches en lipides et riches en sucre, indiquant ainsi un effetdu goût sucré sur le rassasiement (durant le repas). Deplus, il semble que le sucré (celui de la précharge) peut agiraprès la consommation (pendant la satiété) en augmen-tant le désir inconscient (implicite) de consommer desaliments [18]. Par conséquent, le sucré influence l’appétitdurant les phases de rassasiement et de satiété, et a lacapacité de moduler la motivation à manger.

600

Pris

e én

ergé

tique

(kca

l) 500

400

300

200

100

0Score faible de

compulsions alimentaires

■ HFSA ■ LFSA■ HFSW ■ LFSW

Score élevé decompulsions alimentaires

Figure 3.Consommation énergétique (kcal) au cours d’un buffet proposé à la

suite de l’ingestion d’une précharge, en fonction de la teneur en graset en sucre des aliments, chez des personnes présentant un score élevé

ou faible au test de tendance aux compulsions alimentaires(Binge Eating Scale). Les personnes présentant un score élevé

ont consommé sélectivement plus d’aliments riches en lipides et sucrés.HFSA = riche en lipides, non sucré ; LFSA = pauvre en lipides,

non sucré ; HFSW = riche en lipides, sucré ; LFSW = pauvre en lipides, sucré. Moyennes et écarts-types.

Les phénotypes de la préférence pour le sucré

Les paragraphes précédents indiquent que certains typesde consommateurs (obèses ou compulsifs) peuvent montrerune préférence puissante pour le sucré combiné auxlipides. Il existe aussi des personnes qui ont une fortepréférence pour le sucré en tant que tel et qui ingèrent degrandes quantités de boissons « light » au goût sucré [19].Dans ces phénotypes présentant une préférence pour lesucré, la dissociation entre le goût sucré et l’énergie exerceun effet spécifique sur le contrôle à court terme de l’appétitqui suggère que la consommation habituelle de sucré sanscalories puisse reprogrammer le mécanisme de l’appétit[20]. On ne peut donc pas affirmer que le sucré a le mêmeimpact chez tout le monde.

Conclusions provisoires

L’ensemble des études suggère que le sucré est unecaractéristique sensorielle qui exerce généralement uneffet positif sur l’expression de l’appétit, et que cet effetpeut faciliter la consommation. Le sucré a la capacité demoduler l’appétit lorsqu’il est présent dans la bouche etd’influencer la motivation à manger encore après saconsommation. Certaines personnes sont particulière-ment sensibles à ces effets ; d’autres personnes semblentrésistantes. Par conséquent, les puissants effets psycholo-giques et comportementaux exercés par le sucré ne peu-vent pas se résumer en une seule phrase.

Résumé

Le goût sucré est un phénomène psychologique puissant.Son importance vient de ce que le goût sucré est norma-lement associé dans la nature à la présence d’énergie ; ilen découle que les humains (et les autres animaux) ont toutpour être fortement attirés par les aliments et les boissonssucrées. Ces propriétés hédoniques du sucré font que lesaliments sucrés ont un fort potentiel de récompense ren-forçant leur propre consommation et les comportementsde consommation. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit d’étudierles effets du sucré sur l’appétit chez l’homme, il est impor-tant de séparer les effets du sucre en lui-même des effetsde l’énergie auquel il est associé. On doit alors utiliser unprotocole expérimental particulier. Si l’on considère lacascade de la satiété, il est important de distinguer le ras-sasiement de la satiété. Compte tenu de la présence derécepteurs au sucre dans la bouche et l’intestin, de nou-veaux modèles expérimentaux sont nécessaires pour cesdifférents mécanismes et ces différents effets.Une vision d’ensemble suggère que le sucré a, d’une façongénérale, un effet positif sur l’appétit, ce qui peut entraînerune facilitation de la consommation. Le sucré est capablede moduler l’appétit quand il est goûté et d’influencer lamotivation à manger. Certaines personnes peuvent êtreparticulièrement susceptibles à cet effet positif ; d’autres yêtre résistantes. Il en découle que les aspects psychologi-ques et comportementaux du sucré ne peuvent êtrerésumés d’une façon univoque.

Mots-clés : Gout sucré – Appétit – Prise alimentaire.

Abstract

Sweetness is a potent psychobiological phenomenon.The importance comes about because the sweet taste, innature, is normally associated with the presence of ener-gy and therefore humans (and other animals) are likelyto be strongly attracted to sweetness in foods anddrinks. The hedonic properties of sweetness means thatit embodies strong reward potential with the capacity toreinforce its own consumption and behaviour associatedwith consumption. For this reason in studying the effectsof sweetness per se on human appetite it is important touncouple the presence of sweetness from the presence ofenergy. A particular experimental design is required forthis. In relation to the satiety cascade, it is important toseparate the effects of sweetness on satiation and sati-ety. Given the presence of sweet receptors in the mouthand the gut, novel experimental designs are needed toseparate these mechanisms and their effects.A global perspective suggests that sweetness is a qualitythat has a generally positive effect on the expression ofappetite, and this can lead to a facilitation of eating.Sweetness has the capacity to adjust appetite during theprocess of being tasted, and to influence motivation to eatafter tasting. Some people may be particularly susceptibleto these effects; others will be resistant. Consequently, thepotent psychological and behavioural components of sweet-ness cannot be captured in a single summary statement.

Key-words: Sweetness – Appetite – Food intake.

Remerciements : Les auteurs remercient Agathe Arlottipour sa collaboration aux études du « goût pour » et du« désir de manger » dans les compulsions alimentaires.

Conflits d’intérêts : Les auteurs déclarent n’avoir aucunconflit d’intérêts.

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sucres et contrôle pondéral

Cah. Nutr. Diét., 43, Hors-série 2, 2008 2S45

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le rôle du sucré dans le contrôle de l’appétit

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