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LE ROMAN DE RASPOUTINE - Exultet · 2015. 8. 24. · DU MÊME AUTEUR AUX ÉDITIONS DU ROCHER Le Roman de l'espionnage, 2011. Le Roman de Tolstoï, 2010. Les Romans de la Russie éternelle,

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  • LEROMANDERASPOUTINE

  • DUMÊMEAUTEUR

    AUXÉDITIONSDUROCHER

    LeRomandel'espionnage,2011.

    LeRomandeTolstoï,2010.

    LesRomansdelaRussieéternelle,2010.

    LeRomandel'âmeslave,2009.

    LeFantômedeStaline,2007;prixduDroitdeMémoire.

    LeRomandel'Orient-Express,2006;prixAndré-Castelot.

    LeRomandelaRussieinsolite,2004.

    DiaghilevetMonaco,2004.

    Le Roman du Kremlin, Le Rocher/Mémorial de Caen, 2004 ;prixLouis-Pauwels,prixduMeilleurDocumentdel'année.

    LeRomandeSaint-Pétersbourg,2003;prixdel'Europe.

    L'HistoiresecrètedesBalletsrusses,2002;prixdesÉcrivainsfrancophones.

    LesTsarines,2002.

    CHEZD'AUTRESÉDITEURS

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  • «Monâmeachangé»,confiaitl'intéressé.

  • Lesstarets

    À seize ans, Raspoutine se rendit donc dans ce monastèreproche de Verkhotourié. Il put y prier devant les reliques desaintSiméonetadmirercettebeautéarchitecturaleentouréedeforêts. Il y entendit également parler d'ermites logeant dans desimplescabanes,bâtiesdanslesbois.

    La curiosité spirituelle deRaspoutine grandissait. Il écoutaitavecattentionlesstarets,cessaintshommesquel'onrencontraitpartout en Russie, et eut aussi son maître spirituel : Makari(Macaire), loué dans toute la Sibérie pour son ascétisme et sadévotion.«Celuiquiprendlavolontéd'autruientresesmainsetleguidevers la lumière», c'est ainsiqueDostoïevskidécrivaitcesvieuxsagesdel'orthodoxie,enquêtedespiritualitéabsolue,qui vivaient en ermites en dehors de la hiérarchieecclésiastique9.

    Dans l'imagerie populaire, le starets est un très vieil homme,fortd'unegrandeexpérienceetdétachédeschosesterrestres.Ladéfinitiondustaretss'apparenteàcelledel'«ancien».Ainsi,audébutduXXesiècle,Raspoutine,appelé«starets»parlatsarineAlexandra, se sentait-il embarrassé par sa relative jeunesse : ilavait quelques années de moins que le tsar et devait donc sevieillir volontairement – ce que rendait possible son visage depaysanprématurémentridé!

    ÀpartirduXVesiècle,staretsdésignecertainsmoines–plusrarementdeslaïcs–qui,parunevieextrêmementpieuse,parlapratiquedelaprièreetdujeûne,apparaissaientcommedesélus,intercesseurs entre les hommes et dieu. Leurs « exploits »

  • ascétiquesétaient souvent tenussecrets.La règledumonastèreinterdisait que ces richesses de l'esprit fussent propagées àl'extérieur,afind'éviterdestentationsséculières.

    Les chroniques du XIVe siècle affirment que saint Serge –staretsemblématique–possédait,entreautres,ledond'ubiquitéetpouvaitparexempleconverseràdistanceavecunamipassantàdeskilomètresdumonastèrede laTrinité.Onvint levoirdetoutlepaysetsanotoriétédesageetdeprophètefuttellequelepatriarche de l'Église russe lui offrit de devenir métropolite.Serge refusa poliment cette proposition, n'aspirant qu'àconserverlaplacequeDieu,disait-il,luiavait«assignée».

    La quête initiée par Serge se répandit à travers toute laMoscovie. Ces ermites, pionniers de la conquête du territoirerusse, guidés par l'union mystique avec Dieu et, selon leurpropre formule, « imprégnés de Son énergie », ont peut-êtrecontribué, davantage encore que les chefs du Kremlin, audéveloppement de l'Empire en installant leursmonastères dansles immenses plaines vierges de la Russie, notamment enSibérie. En à peine cent ans, plus de cent cinquante lieux deprièrefurentédifiés10,témoignagesd'ungigantesqueélan,d'uneferveur populaire dont on connaît peu d'exemples à traversl'histoire.

    Raspoutine apprécia particulièrement les icônes d'AndreïRoublev11. Ce dernier devint, avec ses bleus et ses rougesinimitables, le plus célèbre peintre d'icônes. Les quelquesœuvresquiontpu lui êtreattribuéesaveccertitude témoignentdesqualitésdecompositionetdelyrismedumaître.

    Les icônes sont élaborées selon un rite précis, comme un

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  • Leretour

    Qu'a fait Raspoutine après son séjour sur le mont Athos ?Mystère...Surcetteépoque,sabiographiecomporteunesortedetrounoir16.Peut-êtrea-t-iltoutsimplementreprisseullechemindu retour, errant plus d'une année en Sibérie occidentale.Toutefois, selon sa fille, qui écouta les histoiresmerveilleusesracontées par son père revenude pèlerinage, il se serait plutôtdirigéverslaTerresainte,cequesemblentconfirmercertainsdesesécrits.

    Danstouslescas,Raspoutinepritsontempspourrentrerdanssonpays,puisqu'ilreparutdanssonvillagepresquedeuxansetdemi après l'avoir quitté. Il fit preuve, encore une fois, d'uneendurance physique et morale exceptionnelle. De nouveau, ilvagabonda à travers la Russie, s'arrêtant dans les monastères.Ainsi,àKazan,ilfutenchantédedécouvrirl'icônedelaViergenoire, qui ressemblait tant à la vision qu'il avait eue dans leschamps.Durantceshaltes,ils'accordaitquelquesjoursderépitettrouvaitunréconfortd'ordremoral.Ils'associaitauxoraisonsdesmoines,suivaitlesservices,mangeaitàsafaim.Enéchange,ilracontaitsesaventuresetfaisaitdesrévélationsreligieuses.

    Après avoir été si longtemps absent de chez lui, Raspoutineapparuttransforméauxyeuxdeceuxquil'avaientconnu.Ilavaitbeaucoupmaigri et ses cheveux étaient en broussaille.Mais ilavait pris de l'autorité et acquis un sens plus aigu de laspiritualitéetdesavocation.Sursonvisageburiné,sonregardextraordinairesemblaitexercerunpouvoirdefascinationencoreplusgrand.L'homme,marquéparlesdangers,levent,lesoleiletle froid, semblait désormaisplusprochede la quarantaineque

  • de la trentaine. Il ne ressemblait pas à un simple pénitent. Laprofondeur d'un vénérable starets l'habitait. Sa réputation deguérisseuret sesenseignements sur l'Écriture l'avaientprécédé.Les habitants de son village avaient du mal à croire que lenouvel homme de Dieu était le garçon buveur et fornicateurqu'ilsavaientconnu.

    Sa propre femme ignorait où il se trouvait etmême s'il étaitencoreenvie.Aussi, lejouroùunpèlerindehautestature,lesvêtements en lambeaux, vint lui demander l'hospitalité, elle seprécipitaàlacuisinepourluipréparerquelquechoseàmanger,comme elle l'avait fait pour tant d'autres vagabonds. Ce n'estqu'unefoisservi,quandilluiadressalaparole,qu'ellereconnutsonmari,silongtempsabsent.Ellesejetaaussitôtdanssesbras,s'étonnant de voir à quel point il avait maigri et combien sabarbeavaitpoussé.Elleétait raviede remonter le tempsenuninstant et de l'embrasser comme s'il ne l'avait jamais quittée.C'estavecfiertéqu'elleprésentaàsonmarileurfilsDimitri,nédurant son absence, et qui allaitmaintenant sur ses deux ans.Raspoutineétaitunpèreetunmariaffectueux.Aprèslapertedesonpremier-né,lajoiededécouvrircenouveaufilsluidonnaitl'impressionqueDieuluiavaitrendusonenfant.

    Au cours de son pèlerinage, Raspoutine avait changé seshabitudes. Il ne mangeait plus de viande et, chose plussurprenante, il avait renoncé à la vodka – il s'abstiendrait d'enboire durant de nombreuses années. Lorsqu'il abordait lesquestionsreligieuses,illefaisaitavecbeaucoupdeprofondeur,captivantsesauditeurs. Iln'avaitcependantpas jugénécessairede s'imposer la continence, et cet aspect de sa vie demeuraitinchangé. Raspoutine cédait à la tentation, puis recourait à sa«philosophie»pourexpliquersoncomportement.Dieun'avait-

  • Ilpasenvoyé lesêtreshumainssur la terrepours'aimer?«SiDieuacréél'hommeavecuninstinctsexuel,onnesauraitjugercommeun péché ces élans irrésistibles. »Cependant, avec sesadmiratrices, Raspoutine changeait de tactique, affirmant que,poureffacerlafaute,ilfallaitlacommettre!Ainsi,selonlui,lesgrandes pécheresses étaient-elles plus « spirituelles » que lesfemmesquin'avaientjamaispéché...

    Raspoutine resta quelquesmois dans son village. Il abordaitles questions théologiques avec les pèlerins de passage etexerçait volontiers ses dons de guérisseur pour apaiser etconsoler.Ilauraitainsidemandéunjouràuninfirmedeseleveret,àlasurprisedel'assistance,l'hommeauraitréussiàmarcher.

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  • volontépathologiques.Pourtant,sonprincipaltraitdecaractèreétaitl'obstination!

    En même temps, Nicolas II avait l'habitude de louvoyer,produisantainsiuneétrangeimpressiondeduplicité.Ilnesavaitpasdirenon.Plutôtquederefuser,ilpréféraitmanœuvrer,etsesinterlocuteursprenaientsessilencespouruneapprobation.Maisilattendaitquequelqu'unpartagesonpointdevueet imposaitalorsaussitôtsadécision.

    Lapersonnalitéde l'empereur,monarqueabsolu, joueunrôlecapital dans notre récit. La perception qu'on en avait eutfinalementplusd'importanceetd'impactquelepersonnageréel.Les péripéties de sa vie intime aident à décrire cette natureambivalente.

  • Lamaîtressedutsar

    Quatrejanvier1892.LajeuneétoilemontanteduthéâtreMariede Saint-Pétersbourg, Mathilde Kchessinskaïa, attend avecimpatience de voir apparaître le futur tsar Nicolas II, revenud'une tournée à travers lemonde.La loge impériale, tenduedebleu ciel et éclairée par de nombreux chandeliers en bronzedoré,ressembleàunimmenseappartement,avecuneentrée,unfoyer et un vaste escalier particuliers. Pendant l'entracte, laballerinequittesalogepouréchangerquelquesmotsavecceluiqu'elleaffectionnedéjà.

    « Ce jour-là, confiera-t-elle plus tard, la Providence nousaccordaunevraierencontre.»Lesilencen'étaittroubléqueparlelégermartèlementdel'horlogedel'Ermitage.Sonamant,avecles gestes d'un homme sûr de sa vigueur, ôta pour la premièrefoissapelissecouvertedeneige.Aprèsl'avoirdéshabillée,ilnel'avaitpasprisetoutdesuite,maisluiavaitd'abordchaussésespantouflesdecygne.Illuiavaitaussiapportélepeigned'écailleavec lequel elle aimait à fixer sa longue chevelure avant des'endormir.

    Leur idylleduradeuxans.Elle se souviendrait longtempsdeleurs promenades, sublimes instants de bonheur où la brûlureradieuse du soleil contrastait avec la morsure du froidcaractéristiquedecetteRussiequ'elles'étaitmiseàaimer.Leursfoliesnenuisirentniàsabeauté,niàsonhumeurjoyeuse,niàson talent ; car, unmois avant de reparaître sur scène, elle seconsacrait entièrement à son travail, refusant toute sortie ets'entraînant des heures durant. Elle ne laissait rien au hasard,calculant minutieusement les dates de ses représentations, demanièreàparaîtretoujoursenpleinesaison.Lerestedutemps,

  • elles'accordaitdelonguesvacancesdanssessomptueuxpalais...

    Mais la vie sentimentale de l'héritier de l'Empire étaitcommandée par la raison d'État. Et, en avril 1894, le palaisannonça officiellement les fiançailles de Nicolas avec laprincesse de Hesse-Darmstadt. Le tsar rompit alors avecMathilde. Néanmoins, cette ballerine douée d'une vitalité etd'une volonté stupéfiantes exerça longtemps une influenceprépondérantesurlerépertoireduthéâtreMariequisevidaitdèsqu'elle allait danser sur d'autres scènes, où ses adorateurs lasuivaient.

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  • offritsamédiation.Letsaraccepta.Ladéfaitedanscetteguerredevint le prélude d'une révolution. Le 9 janvier 1905, lesouvriers de Saint-Pétersbourg se dirigèrent en cortège vers lepalais d'Hiver pour demander au tsar de satisfaire leursrevendications : augmentation de salaire, journée de travail dehuitheures.L'arméetirasurlepeuple24.

    Aumoisdefévrier1905,lesrévolutionnairesplanifièrentunenouvelle vague d'attentats. Les durs du régime les utilisèrentalorscommeprétextepouréliminerlesélémentsréformateursauseindupouvoir,enimposantce«slogan»:«Neménagezpaslescartouches!»

    Lepremiersovietdesdéputésdupeupleavaitvulejourdanslacapitalede l'Empire.Lesprincipalesunionsprofessionnellesse formèrent à travers tout lepays ; ledrapeau rouge futhissésur le cuirassé Potemkine ; les partis révolutionnaires et lessyndicats organisèrent la première grève politique générale del'histoiredelaRussie,quidevaitaboutiràl'insurrectionarmée.

    Cependant, lesconcessionsdupouvoir– le17octobre1905,Nicolas II signaunmanifestemarquant formellement la fin dupouvoir absolu en Russie – et l'utilisation de la force,accompagnée des réformes proposées par le Premier ministreStolypine,tuèrentdansl'œuflemouvementderévolte,obligeantlesrévolutionnairesàprendredenouveaulechemindel'exil.

    Lemanifesteapprouvéparletsarmodifialanaturedupouvoirquicessathéoriquementd'êtreabsolu.Maisensonforintérieur,NicolasIIserefusaàl'admettre.Quantàl'impératrice,ellerejetacatégoriquement toute limitation de l'absolutisme. Dans cecontexte,lapersonnalitédutsar–demêmequelesdispositions

  • d'esprit de la tsarine qui se sentait constamment étrangère à laCour remplie d'intrigues – le poussa à chercher un réconforthorsdumonderéel.

    On lit ainsi dans le Journal de Nicolas, en date du1ernovembre1905:

    J'ai fait la connaissanced'unhommedeDieuqui s'appelleGrégoire. IlvientdelaprovincedeTobolsk.

    Cet«hommedeDieu»prénomméGrégoiren'étaitautrequeRaspoutine.

  • Un«hommedeDieu»àSaint-Pétersbourg

    À quarante ans, Raspoutine poursuivait ses errances demonastère en monastère. Aussi eut-il souvent l'occasion deconverseravec les staretsetd'apprendre leur langage.Dans lescloîtres, il avait entendu parler des prophéties concernant lesmenacesquipesaientsurl'Empire.

    Cesrévélationsl'incitèrent-ellesàs'établiràSaint-Pétersbourgàpartirde1905?Unefoisdanslacapitale,ils'installadansunmodesteappartementavecsafemmeetsestroisenfantsetmenaune existence discrète, entouré d'ecclésiastiques de haut rang,Théophane de Poltava, le père Jean de Cronstadt et l'évêqueHermogène de Saratov. Tous se montraient stupéfiés par laferveurreligieusedeRaspoutineetparsontalentdeprédicateur.Hermogène lui demanda même de se préparer à la prêtrise.L'évêquechargealemoineIliodoredecettetâche,àlaquelleonrenonçapourtant,carRaspoutines'avéraitincapabled'apprendreparcœurlestextesdesprières25.

    Grâce au soutien de ce réseau, Raspoutine pouvait vivredécemment.Selonlesrapportsduchefdelapolice,Beletski,ilsuivitàcetteépoquedesétudeschezuncélèbrehypnotiseurdelacapitale.

    Àla finduXIXe siècle, lacapitalede l'empiredes tsars,avecsesnouveauxriches,sahautesociété,sondemi-monde,étaitunevilleeuropéennedominéeparplusieurspersonnalitésenvue.Undes personnages emblématiques du Tout-Saint-Pétersbourg, lagrande-duchesse Militsa, avait rencontré Raspoutine pendantson séjour à Kiev. Cette grande-duchesse flamboyante

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  • dedéportation.

    Au bout de quelques mois cependant, le Sibérien demandaaudienceauprésidentduConseil,quiacceptade lerecevoir. Ilseplaignitd'êtrepersécutéetaffirmahautetclairsoninnocence.LasurveillanceserelâchaetRaspoutinerevintàlaCourdèslafinde l'été.Mais ses frasques reprirentdeplusbelle, aupointqu'ilseretrouvaexiléàKievenseptembre1911.

    Raspoutinesepromenaitdans lesruesde laville lorsqu'ilvitpasser la voiture impériale, suivie d'un second équipagetransportant Stolypine ; en apercevant ce dernier, il s'écria,bouleversé:«Lamortlepoursuit!Lamortchevauchesursondos!»Unefunèbreprophétiequiserévélaexacte.

    Alorsqu'il assistaitcemême jour30, à l'OpéradeKiev, àunereprésentationduTsarSaltandeRimski-Korsakovenprésencede la famille impériale, des ministres et des membres de ladouma, le président du Conseil fut assassiné par un jeuneanarchiste, Dimitri Bogrov. Le tsar consigna dans son journalintime:

    Aucoursdusecondentracte,nousentendîmesdeuxbruitssecs,commesi on avait laissé tomber un objet. J'ai pensé qu'une paire de jumellesétait tombée sur la tête de quelqu'un... Stolypine s'étaitmis debout ; iltourna lentementsonvisageversnouset fit le signede lacroix...C'estalors seulement que j'ai remarqué que samain droite et son uniformeétaienttachésdesang.Ils'affaissalentementsursonsiègeetcommençadedéboutonnersatunique.

    Cemeurtremarqua la fin des réformes sociales, alors que lasituationinternationaledevenaitexplosive.

  • Letempsdesintrigues

    Durant les années 1909-1910, Raspoutine tissa des liensétroits avec un ecclésiastique influent du nom d'Iliodore, quivenait souvent lui rendre visite àPokrovskoïe et qui devint enquelque sorte son « homme de l'ombre ». Raspoutine eutl'occasiondeluimontrerleschemisesoffertesparlatsarine,etmême – signe de confiance absolue – les lettres reçues de lasouveraine et des grandes-duchesses, qu'il n'avait jamais laissévoiràpersonne.

    De la Sibérie, tous deux regagnèrent ensemble Tsaritsyne31.Raspoutine ne savait pas que, avant leur départ, Iliodore avaitsubtilisé les fameuses lettres, décidé à manipuler son mentor.Comme toujours, ils rencontrèrent sur leur chemin une foulenombreuse et exaltée, et beaucoup d'admiratrices. Plus tard,Iliodore allait raconter, dans son pamphlet contre Raspoutine,cette journée de décembre 1910, où deux mille personness'étaientmasséesàlagarepoursaluerleSibérien:

    J'annonçai aux gens que Raspoutine s'apprêtait à faire construire uncouventdefemmesdontilseraitlestaretsetqu'illesinvitaitàvenirluirendre visite. La foule semit à crier : « Sauve-nous, Seigneur !Nousirons,nousironsaveclepère!Nousironssansfaute»...

    Sans doute enflammé par les arguments de son maître enfaveur de l'expression des désirs combinant la sexualité et laspiritualité, le moine s'était jeté sur la séduisante égérie deRaspoutine,Olga Lokhtina, pendant la confession. Célibatairedepuis tant d'années, Iliodore interprétamal la situation et sesattentionssetransformèrentententativedeviol.Auxcrisd'Olga,des fidèles d'Iliodore accoururent et la découvrirent en proie à

  • une crise d'hystérie devant leur directeur de consciencedébraillé. Selon Raspoutine, le moine s'efforça de rejeter leblâmesurlamalheureuse.

    Lesfidèlesdécidèrentalorsdeluiinfligerlapunitionréservéeaux prostituées : ils lui arrachèrent ses vêtements, la battirent,puis l'attachèrentpar lesmainsà laqueued'uncheval lancéaugalop à travers la campagne. Ensanglantée, l'infortunée futrecueillie par des fermiers qui la détachèrent et la soignèrent.Ses plaies cicatrisèrent, mais elle ne recouvra jamais toute saraison.

    Raspoutinesongeaàsignalerlaresponsabilitéd'Iliodoredansle traitement infligéàsonadmiratrice illuminée,mais lemoineledevançaenmettantengardesessupérieurscontrelaconduitelicencieuseduSibérien.Cedernierréponditavecvéhémence,etles fidèles d'Iliodore le prirent bientôt à partie. QuandRaspoutineparvintàsedégagerdelabagarre,ilserenditchezletsar et lui raconta toute l'histoire. Le souverain, usant de sespleins pouvoirs, fit immédiatement renvoyer Iliodore dans unlointain monastère sans qu'il lui soit donné le droit de sedéfendre.

    Àpartirdecejour,lemoinevouaunehaineobsessionnelleetsans bornes à Raspoutine. Les qualités qui avaient fait sonsuccèsdeprédicateursemuèrentenintolérancedestructrice;ilentradanslemouvementdesCent-Noirsoùildevintunmilitantantisémitevirulentetconservalesoutiendesesfidèlesfanatisés,accusantRaspoutined'apparteniràlasectedeskhlysty.

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  • Raspoutineetlesartistes

    La légende de Raspoutine était née. Selon Ignatiev36, saintSéraphin était même apparu dans une boule de feu lors d'uneséancedespiritismeetavaitannoncé:«Ungrandprophèteestparmi nous ! »Depuis, on se bousculait dans les salons de lacapitalepourrecueillirl'enseignementdustarets...

    Au début du XXe siècle, la vie de Saint-Pétersbourg seconcentraitdanstroissalons.Onsesouvientd'aborddeceluideDmitri Merejkovski et de Zinaïda Hippius, dans le DomMourousi, sur laperspectiveLiteïny.Lamaisonappartenait auprince Mourousi, dignitaire de l'empire des tsars. Là seréunissaient, près d'un feu de cheminée, dans une pièce auxmurs de brique rouge et au sol recouvert d'épais tapis, despoètes, des philosophes et des représentants du clergé pourdébattredeproblèmesliturgiquesetconfessionnels.Raspoutinedevintbientôtlecentredesconversations.LebruitcouraitqueleSibérien était un satrape assoiffé de chair fraîche et unordonnateurdemessesnoires...

    L'hôtesse,ZinaïdaHippius,étaitunepersonnalitééminenteduTout-Saint-Pétersbourg.Poétessedistinguée,séductricecoquetteetravissante,àmi-cheminentreColetteetAnnadeNoailles,ellepubliait des poèmes philosophiques, exerçant son espritcaustique dans les conversations mondaines et se plaisant àbroyerlecœurdesesadmirateurssousl'œilamusédesonmari,l'écrivainMerejkovski. Nina Berberova dresse ainsi le portraitdecetterousseflamboyantedansC'estmoiquisouligne:

    Pelotonnée sur un sofamoelleux,Zinaïda, en tunique blanche, scrutaitseshôtesà traverssonface-à-maintandisqu'ilsrivalisaientdesubtilité,

  • étalant leschicaneset lesfinessesd'unescolastiquetortueuse.Elleavaitdes yeux splendides aux étincellements verdâtres, des cheveux d'orrougequiluidescendaientjusqu'auxgenoux,luicouvrantlatailleetlesflancs,etaucoulesgrainsd'unrosaireavecunegrossecroixnoire.Elleportait un parfum à base de tubéreuse et fumait des cigarettesaromatiquesqu'elletiraitd'uncoffretlaquéderouge.

    Telle une froide reine orientale, Zinaïda Hippius attisait lescontroversesthéologiquesetfascinaitsonauditoire.

    Enrevanche,aucoursdesréunionsquisetenaientledimanchechez Fedor Sologoub, on ne discutait que de poésie et detechnique poétique. Sologoub habitait l'île Vassili, dans lebâtiment de l'école élémentaire dont il était l'inspecteur. Danssonstudioglacéauxmeublesrecouvertsdecuir,sousuneclartévoilée,onlisaittimidementdesversetonécoutaitlesjugementssolennelsdupoète,souventacerbesetsanspitié.Leshonneursdelamaison,c'étaitOlga,sasœur,quilesfaisait,silencieuseetsévère comme son frère. Ce salon était plus indulgent enversRaspoutine,qu'ilconsidéraitcommeunhéritierdestraditionsdelaRussieéternelle.

    Mais labonne société littéraire affectionnait particulièrementl'appartement de son confrère, le poèteViatcheslav ivanov. En1905, après un long séjour à l'étranger, celui-ci s'installadéfinitivement avec sa femme dans la capitale de l'empire destsars,pratiquementenmêmetempsqueRaspoutine.Leursalondevint très vite le plus illustre. Chaque mercredi, au sixièmeétage, se rassemblaient en une sorte de banquet platonicienécrivains et artistes, intellectuels et philosophes pour disputer,de minuit aux premières clartés de l'aube, de symbolisme,d'« anarchie mystique », de mystères helléniques, de théâtrecollectif. L'intérêt de l'intelligentsia de la capitale se portait

  • aussi sur le symbolisme et l'occultisme, et les cerclesintellectuelsinvitaientdesmédiums:dansla«Tour»d'Ivanov,onvivaitainsidansl'attenteimminentedel'Apocalypse.

    Mi-mage,mi-professeur,Ivanovprésidaitauxassembléesavecaustérité, s'efforçant de concilier les thèses opposées en unsyncrétismeuniversel.Lydia,sonépouse,incarnaitl'âmedecesréunions.VêtuedetuniquesmulticoloresdessinéespourelleparSomov,ungrandpeintreprochedesBalletsrusses,elleapportaitdanscetaréopagesavivacitéexubérante,sidifférenteducalmeapollinienetdel'académismeraffinédesonaugusteépoux.

    La « Tour » d'Ivanov fut durant quelques années, de 1905 à1912, une sorte de laboratoire spirituel où se faisaient et sedéfaisaientlesgloires,lescourantsetlesfortunes.Leplusgrandpoètede l'époque,Blok,yévoluait,dépaysé,«commeundieudansunlupanar».LapoétesseAkhmatovayrécitaitsesversenjouant les contorsionnistes surunpianoàqueue.Scriabine, lecompositeurenvogue,venaitsouvents'yproduireetyprésentasoncélèbrePoèmedel'extase.

    C'est dans ces salons que Raspoutine découvrit pour lapremière fois la vanité onctueuse du monde artistique,« bourbier d'envie et de médisance », et la « fausseté desrapports entre gens de lettres ». La majorité de l'assistance,animéed'unespritantitsariste,luiétaitouvertementhostile.

    Il existait cependant un dénominateur commun entre lespittoresques soirées de Raspoutine et ces salons policés del'intelligentsia russe : Éros en était le thème de prédilection,mais on ne l'abordait jamais avant minuit. Une fois les douzecoupssonnés,certainsgestes,certainsregardsétaientdemiseet

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  • qu'unmauvais sort était attaché à sapersonne. Il avait traversél'avant-guerre sans saisir qu'il vivait en fait l'apogée de sadynastie.Déjà, en 1913, pendant les fêtes du tricentenaire desRomanov, il affichait une telle mélancolie – une « gravitéfunèbre », selon le mot de Muriel Buchanan, fille del'ambassadeurdesÉtats-Unis–quelafoulemasséedanslesruesde Saint-Pétersbourg le long de son cortège n'avait pas osél'acclamer.

    En novembre 1916, l'universitaire français Pierre Pascal,chrétienmystiqueet futurcompagnonde routedesbolcheviks,futprésentéautsar,auquartiergénéraldesforcesrussesinstalléàMoguilev,enRussieblanche.Ilconfia:

    J'ai vu l'empereur, petit, portant la barbe entière, noire, d'apparencephysiquemaladive... Il m'a demandé si j'avais été au front en France.Puis ilm'a regardéun instant, sans riendire...L'impressiondemajestéqueproduitl'empereurnevientpasdesonphysiquenid'aucunapparat,puisqu'ilesttoutsimple,enuniformedecolonel,maisdesagravité,oùl'onperçoitlaconsciencedesaresponsabilité,desadivinemission.

    Ce n'était pourtant pas seulement pour accomplir son devoirque Nicolas II s'était installé à Moguilev l'été précédent, afind'assumerpersonnellement lecommandementdes troupes,maisaussipardésespoir.

    Enquittantlacapitale,letsaravaitdemandéàlatsarined'être«sesyeuxetsesoreilles»àPetrograd–pasdedirigerl'Empireà sa place.Mais au bout d'un certain temps, le pays se renditcomptequ'ilétaitdésormaisgouvernéparuneimpératriceavec,dans son ombre, la silhouette de son « saint homme » :Raspoutine.Lesennemisdecederniersefirentdeplusenplusnombreux, en particulier chez les politiques, les militaires et

  • dans le clergé orthodoxe qui, au début, l'avait pourtant bienreçu.Soninconduiterévoltadeplusbelle.Lespirescalomniesse répandirent alors sur son compte, en même temps que laguerre tournait au désastre. En 1916, l'impératrice – d'origineallemande,rappelons-le–etRaspoutinefurentainsiaccusésàladouma(leParlement)defairelejeudel'ennemi,voired'êtredes«espionsàlasoldedeBerlin».

    Pendant ce temps, au palais, la gouvernante des jeunesgrandes-duchesses, Sophie Tiouttcheva, petite-fille du grandpoète, était remerciée : elle avait eu le tort de s'opposer auxvisitesdeRaspoutinedansleschambresdesfillettesetdedireàl'impératrice que ces dernières se trouvaient en danger. Ellevoyait Raspoutine s'attarder le soir au chevet d'Alexis et lesjeunes grandes-duchesses se tenaient là, en chemise de nuit,riantavecleSibérien.Toutcelasemblaitencoreinnocent,maisdevenaitdangereux.Latsarinenetintpascomptedel'avisdelagouvernante – d'autant que celle-ci lui avait rapporté des faitsqu'ellesavaitinexacts.

    Sophie Tiouttcheva obtint cependant de l'empereur queRaspoutine ne monte plus à l'étage des enfants. Avant d'êtrechargée de l'éducation des enfants impériaux, elle avait étéinstitutrice chez la grande-duchesse Elisabeth, sœur de latsarine, à laquelle elle confia ses soucis. Elisabeth mena sapropre enquête etmit elle-mêmeAlexandra en garde.Mais sasœur lui répondit : « Ce sont des calomnies contre ceux quiviventcommedessaints.»

    Raspoutinebaignaitlesenfantsetrestaitàleurchevetjusqu'àce qu'ils s'endorment, citant volontiers la parole de l'Évangile,« Faites pénitence », et ajoutant aussitôt : « Comment faire

  • pénitencesil'onn'apastoutd'abordpéché?»Ilexpliquaitquela contrition parfaite implique une humilité totale, et qu'ens'humiliantl'hommeselavedupéchéd'orgueil...

    Le comte Kokovtsev, successeur de Stolypine au poste dePremier ministre, tenta également de démontrer au tsar lanocivité des activités de Raspoutine. Il fut contraint dedémissionner... il suffisait d'un mot du Sibérien pour quetombentlesministres.

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  • Ioussoupov avait commis le crime. En réalité, il semble plusvraisemblablequelegrand-ducDimitrienpersonne45aitachevéle Sibérien ; les autres conspirateurs n'auraient fait que le«couvrir»pournepasentacherlesmainsdupossiblecandidatautrône.

    Quant au prince Ioussoupov, il décrit ainsi ce momentfatidique46:

    Raspoutineétaitmort.Desgouttelettesdesangcoulaientdesablessureettombaient sur les dalles de granit. Brusquement, son œil gauches'entrouvritetlesdeuxyeuxdeRaspoutine,devenusétrangementvertsetfixescommeceuxd'unserpent,metranspercèrentd'unregarddiaboliqueplein de haine. Comme s'il avait brusquement été pris de frénésie, ilbonditd'unedétente sur sespieds ;de l'écumecoulaitde sabouche. Ilétaiteffrayant.Unhurlementsauvageemplitlasalleetjevisarriversurmoiunemainauxdoigtstordus.Raspoutineressuscitérépétaitsansarrêtmonprénomd'unevoixsifflanteetétouffée...Danscethommemourant,empoisonné et transpercé d'un coup de feu, dans ce cadavre que desforces obscures avaient remis debout pour venger sa mort, il y avaitquelque chose de si terrifiant, de si monstrueux, que, jusqu'àaujourd'hui, quand je repense à cemoment, je suis saisi d'une terreurindicible...Ilmesemblaitquelediablelui-mêmes'était incarnédanscemoujik et que ses doigts crochusme tenaient pour ne plus jamaismelâcher.Maisquelsnefurentpasmonétonnementetmonhorreurlorsqueje vis la porte d'entrée s'ouvrir et Raspoutine disparaître dansl'obscurité... Pourichkevitch s'élança à sa suite, trois coups de feuretentirent, puis un quatrième... Je vis Raspoutine tituber, puiss'effondrerdanslaneige.

    Quel crédit accorder à ce récit ? Raspoutine, blessé etempoisonné,a-t-ilvraimentréussiàsortirdupalais?Quoiqu'ilen soit, son corps fut repêché quatre jours plus tard dans laNeva.L'autopsierévéla laprésenced'eaudanssespoumons,cequi signifie qu'il respirait encore lorsqu'il fut jeté à l'eau.

  • Cependant, l'original de l'expertise a disparu des archivesrusses...

    AudébutduXXIesiècleencore,undocumentairedelaBBC47rapporta des conclusions sensationnelles sur l'assassinat duSibérien. Selon Richard Cullen, ancien détective de ScotlandYard,letroisièmetireur,quiportalecoupfatal,était...unagentdesservicessecretsbritanniques:OswaldRayner, liéàRobertBruce Lockhart ! Si cette version continue à susciter despolémiques, il est incontestable que Raspoutine fut placé aucentred'uneimpitoyableguerremenéeenRussieparlesservicessecrets britanniques et allemands. Les Britanniques nesouhaitaientpasqueRaspoutine,profondémentpacifiste,arriveà convaincre le tsar de cesser la guerre, favorisant ainsi lesintérêts allemands. Avec l'assassinat du Sibérien, Londres pritcertes l'avantage ; mais avec le retour de Lénine en Russie,Berlinallaitraflerlamise.

  • Lalégende

    Trèsvite,unelégenderocambolesquecommençaàsepropagerdans tout Saint-Pétersbourg : une servante aurait découvert lepénis tranché de Raspoutine sur les lieux du meurtre ! La« chose » aurait finalement atterri entre lesmains d'un grouped'admiratricesrussesexpatriéesàParis,quilavénéraientcommeunsymboledefertilité,laconservantàl'intérieurd'unprécieuxcoffretenbois.Informéedecela,lafilledeRaspoutine,Maria,demandaqu'elleluisoitremiseetlagardajusqu'àsamort.

    Bien plus tard, un certainMichaelAugustine prétendit avoiracheté le précieux attribut avec plusieurs autres objetspersonnels de Raspoutine, lors d'une vente organisée après ledécès de Maria. L'objet fut effectivement vendu à l'hôtel desventes Bonhams Amateur, mais les officiels découvrirentrapidement que ce n'était pas un pénis humain. On ignore s'ils'agissait de l'objet quevénéraient lesRussesdes années1920ousiAugustineavaitvouluduperlescommissaires-priseurs.

    En2004,ledirecteurducentrederecherchessurlaprostatedel'Académie des sciences naturelles de Russie, Igor Knyazkin,annonça l'ouverture d'un musée de l'Érotisme à Saint-Pétersbourg.Danslescollectionsprésentéesaupublicsetrouvele prétendu pénis de Raspoutine, long de près de trentecentimètres,quiauraitétéachetéàuncollectionneurd'antiquitésfrançais. S'agit-il effectivement du sexe deRaspoutine ? Seulsdes testsADNpourraient le dire... Le doute subsistera encorelongtemps car, si la rumeur rapporte que les assassins lecastrèrent,l'autopsieofficielleconclutquesesorganesgénitauxétaientintacts.

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  • StalineoulesuppôtdeSatan

    Dès1922,l'étatdesantédeLéninesedégradant,s'amorçauneimpitoyableguerredesuccession,dontStalinesortitvainqueuràla mort du leader bolchevique en janvier 1924. Mais Stalineétait-ilvéritablement,àl'inversed'unRaspoutine,l'êtrerationnelqu'ilprétendaitincarner?Passisûr...Carsousson«règne»,lerégime allait paradoxalement se parer d'irrationalité, dereligiositéetdemysticisme,dansla«tradition»mêmedel'ex-éminencegrisedutsar!

    Les funérailles de Lénine, chef-d'œuvre de manipulationpolitique, furent organisées par Staline, qui prit la parole auxcôtésdesautresdirigeantsduparti.Sondiscoursdonnaleton.D'une voix faible, il s'exprima lentement, évaluant les effetsscéniques.Chaquemot,chaquegestelaissaitplanerledoutesurla connotation de ses propos, qui revêtaient alors unesignification tout à fait singulière, un sens caché, mystérieux,sinonmagique!

    Modestement,presquepauvrementmis,ilarboraitunepairedebottes de cavalerie, une chemise kaki sans aucune décoration,une vieille capote de soldat sur les épaules et une casquettefripée qu'il retira pour la circonstance. S'improvisant grandprêtre de la cérémonie, il psalmodia d'une voixmonocorde untexte étrangement proche de la litanie et de l'incantation,s'adressant dès lors au « code mental » du pays. Après avoirinvitésonauditoireà«construireleroyaumedutravailsurterreetnonauciel»,ilprononçaunsermentàLénine,seposantenexécuteur testamentaire du « dieu disparu », se faisant lenouveau«dieuvivant».Ainsiseplaça-t-il lui-mêmeaucentredel'iconostasepolitique.

  • Lebolchevismeempruntait làà l'irrationnel, s'inscrivantainsidans la « lignée » deRaspoutine !Mais cette approche n'étaitpasnouvelle.AuXIXesiècledéjà,aveclaségrégationtemporairede la jeunesse, lebrassagedesmilieux sociaux, l'accumulationdésordonnéedes savoirs lesplusdivers, lesuniversités avaientfavorisé l'éclosion d'une sous-culture bolchevique souventteintée de libertinage et de débauche, mais aussi de rêveriesreligieusesavecleurcérémonial,leursrites,leursgrandsprêtres,leurs porte-glaive et surtout leurs idoles – Lénine avait été lapremièred'entreelles.

    Ainsi,aprèslamortdeLénine,Stalinevoulut-ilfairedeluiledieu dont les paroles seraient le nouveauVerbe. Partout, dansles églises, les édifices publics, les maisons particulières, ondécrocha les icônes pour les remplacer par des portraits du« guide ». Derrière un matérialisme de façade, la dictaturebolchevique se trouva donc intimement liée à la pratiquereligieuse. Même si Staline quitta sans aucun diplôme leséminaire dans lequel il avait séjourné quatre ans, les étudesqu'il y fit marquèrent durablement sa mentalité. Il accordaitbeaucoupd'importanceauxsymbolesetvoyaitlemondeennoiret blanc, réduisant toute sa complexité à des formulessimplifiées. Son désir de « visualiser l'avenir » – une formulesouventutiliséeparRaspoutine–etd'introduirecesimagesdansdesmillions de cerveaux, grâce à la propagande, rappelait lespratiquesmagiquesancestrales.

    Ce fut le point de départ d'un nouveau culte. Plusieursintellectuels de renom avaient été convoqués par Staline pourl'aider à mettre au point le système de symboles de cette« religion » païenne. L'organisation rituelle des visites-pèlerinages jusqu'au mausolée de Lénine sur la place Rouge

  • acheva de constituer un cérémonial s'apparentant au culte desreliques.Si le tsarn'étaitqu'unmessagerde la toute-puissancedivine, le leader soviétique devenait l'émanation directe de lavérité absolue. Il n'était pas un ministre, il était leMessie enpersonne, détournant inconsciemment les conduites religieusestraditionnellesdel'Église,avecsahiérarchie,sonunanimité,sesprocès d'inquisition. L'affrontement politique se transforma enuncombatdu«BiencontreleMal»,dela«lumièrecontrelesténèbres » – un langage qui rappelle étrangement le discoursmessianiquedeRaspoutine.Lachasseauxsorcièrescommença:commelediable,l'ennemiétaitpartout.

    Bientôt, le fantôme de Raspoutine allait rôder sur la RussiedesSoviets.Stalines'intéressaitauxphénomèneshypnotiques– le système totalitaire contenait lui-même déjà toutes lescomposantes de l'hypnose collective, envoûtant et plongeant lapopulation dans une sorte de sommeil anesthésique. Mais leleader avait son propre voyant et hypnotiseur personnel, uncertainWolfMessing54!Cedernieravaitdemandéunjourauxautorités soviétiques l'autorisation de réaliser des expériencesd'hypnose collective. L'information était remontée jusqu'auxservicessecretsquienfirentpartàStaline, lequel,désireuxdel'engager pour son usage personnel, souhaita mettre sescapacitésàl'épreuve.

    Pourlapremièreépreuve,Messingdevaitseprocurerpar lui-même une importante somme d'argent dans une banque demoscou. Étroitement surveillé par les agents de Staline quipilotaientl'opération,l'hypnotiseurremitaucaissierunmorceaude papier blanc. Sans sourciller, le caissier déposa dans laserviette grande ouverte de l'hypnotiseur une grosse sommed'argent. Lorsque, quelques instants plus tard, Messing se

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  • Commepartoutailleurs,leségliseschrétiennesfurentsouventconstruites à l'emplacement des anciens lieux sacrés, mais lesdieuxd'autrefoisn'encontinuèrentpasmoinsd'exister57.Ainsilavénérationetladéificationpaïennesdelanaturedemeurèrent-elles dans l'âme populaire.Des régions entières vécurentmilleansdanslacohabitationdupaganismeetduchristianisme.Lesanciens sorciers côtoyaient les saints : les thaumaturgesguérissaient,lessorciersjetaientdessortsoulesconjuraient.

    Des siècles plus tard, en 1652, Nikon, le patriarche deMoscou,voulutcontraindrel'Étatàseréformerenaccordantuneplace considérable aux ecclésiastiques et à la religion dans lasociété russe. Il demandait aussi que soient changés certainsdétails de la liturgie et du livre de prières. Nikon incarna lafigurelaplusétonnantedupaysauXVIIesiècle.Filsdepaysan,il fut moine, pope marié, puis moine de nouveau. Reçu enaudience – comme plus tard Raspoutine – par un tsar, Alexis(1645-1676), il lui fit forte impression. Aussi le monarque leretint-ilauKremlinenlefaisantmétropolitedeNovgorod,puisenlenommantpatriarchedetouteslesRussies.

    Le patriarche était une vraie force de la nature, il mesuraitdeuxmètresetsavoixétaitpuissantecommeletonnerre.Douxethésitant, le tsarAlexisdevint rapidement l'ombreduchefdel'Église.Persuadéd'avoirgagnélaguerrecontrelaPolognegrâceaux prières de Nikon, il lui accorda de convoquer le concile,afinde«réparerleserreursliturgiques».Pourlepatriarche,lesmodifications apportées aux livres sacrés étaient unmoyen demettre fin aux désaccords avec l'Église grecque, nés desinexactitudescontenuesdanslestextesrusses.

    Alexisneseconsidéraitpasseulementcommeletsardetoutes

  • lesRussies,ilsetenaitpourlesouveraindel'Orientorthodoxetout entier. Si les adversaires de Nikon ne contestaient pas lecaractère universel du tsar russe, ils réfutaient en revanche lanécessité d'aller chercher auprès des Grecs les sources de lavéritableorthodoxie.Cesquerellesallaientprendreunetournurefanatique et sanglante. Sans doute le tsar regretta-t-il alorsd'avoir donné tant de pouvoir au patriarche, qui prônaitdésormais la supériorité de l'autorité spirituelle sur l'autoritétemporelle. Il y vit unemenace contre son propre trône.CetteaffairedecorrectiondesÉcrituresledépassait.

    Nikonpiquaitdemémorablescolères. Il retrouvait soncalmeencompagniedelajeunetsarine,quivenaitsouventparleravecsonconfesseurdediverssujetsreligieux.Siletsarseréjouissaitde voir sa femme tenter de « sauver son âme de pécheresse »avecce«sainthomme»,sonentourageregardaitcesfréquentsrendez-vous d'un autre œil. Les ennemis du patriarche ne segênaient pas pour souligner le tempérament volcanique deNikon.Aussi les relationsdumari et du confesseurdevinrent-ellesextrêmementtendues.Lassédecet«ami»tropinfluent,letsar changead'attitudeà sonégardet, aumoisde juillet1658,Nikon dut renoncer au patriarcat. Popes et dignitairess'empoignèrentausujetdesasuccession,ainsiquedelaformeetdel'accomplissementdesrites.

    L'Égliseorthodoxesedéchiradurablement.Àpartirde1660,desdissidentss'étripèrentous'immolèrentpar le feu,à lasuitedequerellessurlafaçondechanteràl'égliseoudefairelesignede croix ! Ils s'insurgeaient parce que le patriarche Nikonvoulait,parexemple,quelesfidèlessesignentavectroisdoigtsaulieudedeux.L'unedesplusrichesfemmesdelaRussiefutsoumiseàdiverssupplicespouravoirrefusédefairelesignede

  • croixaveclestroisdoigtscommelevoulaientlesréformateurs...Unautresujetdediscordeenditlong:ceuxquis'opposaientàtoutchangementdanslesritesprotestaientaussicontrelaviededébauche du clergé. Mais, en même temps, ils se révoltaientparce que le patriarche réformateur avait décidé d'interdire laventeet laconsommationdevodkaledimancheet les joursdefête!

    Un jeune pope prit la tête de la révolte des traditionalistes.Avvakoum, obsédé par le péché, préconisait une religiontellementrigidequ'àtroisreprisesilfutbrutalementchassépardes paroissiens qui n'en pouvaient plus de ses exigences leurrendantlavieinfernale.Ilécrivitdanssesmémoires:«Homme,puanteurquetues...excrémentquetues...jedevraisvivreparmilesporcset leschiens,monâmepueautantqu'eux, jepuemespéchés,telunchiencrevé.»ParvenuàintéresserletsarAlexispar ses élucubrations, il faillit entraîner derrière lui l'ensembledel'Égliseorthodoxeens'installantdansunlieudeculteprocheduKremlin.Ilenfutfinalementexpulsépardesfidèlesexcédés.Exilé enSibérie pendant quelques années,Avvakoum finit parrevenir au grand jour, plus oumoins protégépar le tsar, adulépar une partie grandissante de la population, qui voyaitfinalementenluiunvéritableprophètesachantrésisterà«ceuxquivoulaientchangerlavraiefoi».Ainsiseformaleschisme.

    Aux querelles sur les rites s'ajoutait le refus des influencesoccidentales, les traditionalistes proclamant que tout ce quin'était pas authentiquement russe menait directement à l'enfer.Cespartisansdelavieillefoipréféraientsefairejeterenprison,s'exiler et même se faire tuer plutôt que de sacrifier auxnouveaux rites. Par centaines, puis par milliers, les vieux-croyants choisirent lemartyre, lemeurtre et le suicide.Plus la

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  • armes ou des appareils pouvant leur assurer la suprématiemilitaire.L'intérêtpourlesovniss'inscrivaitdanscecontextedepercéestechnologiquesetdepeurd'unconflit.EnRussie,deuxécoles s'affrontèrent pour expliquer le phénomène. Lessceptiques n'y voyaient que la manifestation d'hallucinationscollectives,de témoignagesdouteuxoudecanulars.Lesautresprenaient les ovnis au sérieux, même s'ils n'avaient aucunéclaircissementrationnelàfournir.

    En1947,déjà,Stalineavaitconvoquéplusieursscientifiques,afind'obtenirdes réponsessurcequepouvaientêtre lesovnis.Aprèsuneétude rapide, lesexpertsauraient réponduque« lessoucoupes volantes ne présent[aient] pas de danger pourl'URSS,qu'ellesn'[étaient]pasunearmesecrètedesAméricains,mais que, le phénomène existant, il [fallait] l'étudierminutieusement ». Le Kremlin créa alors des structuresappropriéespourl'«étudedesovnis».En1968,danssaréponseà une lettre adressée par des constructeurs et ingénieurs del'aviation au président du Conseil des ministres, suggérant deconstituerunorganismedédiéàl'étudedesovnis,l'Étatreconnutqu'il s'occupaitdéjàde laquestion.Toutensegardantbiendetirer des conclusions hâtives, le KGB répertoriasystématiquementlesdéclarationsdechacun.

    Voilà qu'en Sibérie les fripes de Raspoutine côtoyaient lescombinaisons aux lignes futuristes des extraterrestres, leshallucinations collectives et même la prémonition desdécouvertes futures ! Pour les agents secrets, force était deconstater qu'au fond du « sac à miracles », derrière les vieuxpapiers marxistes et les slogans fanés, se camouflaient leséternelsfantasmesdelaRussieéternelle.Toutsemélangeaitenuntourbillonquiplongeaitsesracinesdans lesentraillesde la

  • civilisationrusse.

    Unphénomèneétrangesurvintle30juin1908.Cejour-là,uneimmenselueurembrasasoudainementlecieldeSibérie,surdescentainesdekilomètresàlaronde.Leshabitantscrurentàlafindu monde, des gardiens de troupeau furent projetés en l'aircomme des fétus de paille, les enfants semirent à pleurer. Ilsdéclarèrentplustardavoirvuquelquechosedesemblableàuncylindre tomber sur terre, puis une énorme déflagration se fitentendre dans un rayon demille kilomètres. Les sismographesdu monde entier enregistrèrent la secousse tellurique quiparcourut toute lasurfacede la terre.Ungigantesquenuagedepoussièrelumineuses'étenditsurlamoitiéduglobeet,pendantplusieursjours,onputlireenpleinenuitcommes'ilfaisaitjour,àMoscou,àParisetàLondres!

    Que s'était-il passé ?Les journaux évoquèrent la chuted'unemétéorite d'un volume exceptionnel. L'événement fut appelé le« miracle de Tunguska », du nom de la petite rivière près delaquelle il se produisit, qui coule au milieu des sapinsmillénairesdelataïga.Depuis,lesscientifiques,leschamansoude simples aventuriers n'ont cessé de se rendre dans cettelointainerégionpourytrouverl'explicationdel'énigme.Siunemétéorite avait été à l'origine de l'explosion, elle aurait dûcreuser un cratère gigantesque.Or, on n'en a découvert aucun.Seulelasurfacedusolfutbrûléeàl'endroitprésumédelachutede l'objet. L'absence de cratère aurait pu s'expliquer par ladésintégrationdelamétéoritedansl'atmosphère,mais,selonlescalculs des astronomes, sa vitesse aurait alors dû dépasser lesvingt kilomètres par seconde, alors que les témoignagesrecueillisà l'époqueattestentqu'ellen'excédaitpas troisàcinqkilomètres par seconde. Lesmêmes témoignages précisent que

  • l'objet–deformecylindrique,longd'unesoixantainedemètreset pesant environ six mille tonnes – vola pendant un certaintempsparallèlementàlasurfaceterrestre.

    La polémique engagée autour de cet événement fournit unenouvelle illustration de ce désir insatiable de croire auxmiracles,quicaractériselamentalitérusse.Pendantcetemps,unartiste de renom, Rerikh, affirmait haut et clair qu'il s'agissaitd'unmessage des extraterrestres : en envoyant sur terre un deleursengins,ilsauraientvoulu,àl'aubeduXXesiècle,«prévenirl'humanitédesdangersetdescataclysmesquil'attendaient».Lazone de l'impact aurait été choisie pour son caractère quasidésertique. Pour d'autres, une explosion atomique était àl'origine duphénomène : la luminosité et le champignon, donton fit alors de nombreuses descriptions, ne laissaient aucundoutelà-dessus.Enoutre,latempératurerelevéeàl'épicentredel'explosionavaitdûatteindretrentemillionsdedegrés!

    Maislesplusétonnantstémoignagesrecueillisparlesservicessecrets du Kremlin concernent l'événement qui a eu lieu le20 septembre 1977 dans la région de petrozavodsk. Un objetd'une luminosité exceptionnelle et de forme hémisphériqueapparutdansleciel.Ilenvoyaitverslesolunetellequantitéderayons que les témoins parlèrent d'un « déluge de lumière ».Quelques minutes plus tard, la « pluie » cessa et l'objetcommençaàsedéplacerendirectiondulacvoisin.Leshabitantsde la ville purent observer le phénomène pendant une bonnedizaine de minutes. L'objet, de couleur pourpre et bordé deblanc,sedéplaçaitsansfairedebruit.Auboutd'unmoment,unpetitappareilsortitdelademi-sphèreetsurvolal'avenuecentralede la ville, provoquant la frayeur sur son passage. Au beaumilieudufaisceaulumineux,despompiersseretrouvèrentfigés

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  • Août Tentativecontre-révolutionnairedugénéralKornilov,circonscriteparlaGarderouge.

    1erseptembre ProclamationdelaRépublique;Kerenskiprendlatêted'undirectoire.

    25-27octobreCoupd'Étatsousladirectiondesbolcheviks.FormationduConseildescommissairesdupeuple,présidéparLénine;décretssurlapaixetlaterre.

    19185janvier Réuniondel'AssembléeconstituanteélueàPetrograd.6janvier DissolutiondelaConstituante.15janvier Formationdel'Arméerouge.1er/14février Adoptionducalendriergrégorien.

    10-11mars MoscoudevientlacapitaledelaRussie;legouvernementsoviétiques'installeauKremlin.1924 MortdeLénine.1924-1953 Stalinedirigel'Unionsoviétique.1953-1964 Khrouchtchevdirigel'Unionsoviétique.1964-1982 Brejnevdirigel'Unionsoviétique.1985 Gorbatchev,secrétairegénéralduPCUS,lancelaperestroïka.1990 Instaurationd'unrégimeprésidentielenURSS.1991Mars Gorbatchevestéluprésidentdel'Union.Juin EltsineestéluprésidentdelafédérationdeRussie.Décembre Findel'URSS.1996,juin EltsineestrééluàlaprésidencedelafédérationdeRussie.2000,mars PoutineestéluàlaprésidencedelafédérationdeRussie.

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  • 11.AndreïRoublevvécutapproximativementde1370à1430.

    12.Enrusse,«saint»(sviatoï)signifie«lumière».Lesmoinesreprésententainsi,enquelquesorte,desicônesvivantes.

    13.Siméonmouruten1642.Satombedevintunlieudepèlerinagepourdesguérisons miraculeuses. Durant deux cent cinquante ans, les pèlerinsaffluèrent de tous les coins de la Sibérie pour prier devant ses reliques,lesquelles furent jetées hors du sanctuaire par les bolcheviks en 1918, enmêmetempsquepérissaitlafamilleimpériale.

    14.NikolaevàVerkhotourié.

    15.Raspoutinenerelatapubliquementcesvisionsqu'après1908.

    16. Ce qui pourrait laisser penser que Raspoutine était un espion, commel'ontaffirmécertains.

    17.AuXIVe siècle, lemoine Philothée émit une prédiction selon laquelleMoscouserait la« troisièmeRome».Après ladestructionpar lesBarbaresde l'Empire romain et la prise de Byzance par les Turcs, la Russie seconsidéra comme la « troisième Rome », gardienne de l'« esprit chrétienauthentique».

    18.LacélèbrecompagniedeDiaghilev.

    19.MarcRaeff,citéd'aprèsMichelHeller.Voir«Bibliographie».

    20.IlrestacinqmoisàSaint-Pétersbourg,deseptembre1903àjanvier1904.

    21.VassiliKlioutchevskiévoqueicilesoriginesdelamèredeNicolasII,laprincesseDagmardeDanemark.

    22.PeterhofouTsarskoïeSelo.

    23.Ratchkovski.

    24. Selon les données officielles, on dénombra quatre-vingt-seizemorts ettroiscenttrente-troisblessés.Lénineévoquadescentainesdemorts.

    25.Raspoutineparvintcependantàsefairephotographierenhabitdeprêtre.

  • 26.Selonlerécitqu'ellefitplustardàsonamieAnnaVyroubova.

    27.DivorcéeduprincedeLeuchtenberg.

    28.En1911.

    29.AlexandreSoljenitsyne,LaRouerouge,Fayard,2001.

    30.Le1erseptembre1911.

    31. Ville située au bord de la Volga, plus tard renommée Stalingrad, puisVolgograd.

    32.Les«navires»etles«flottilles»deskhlysty,dispersésàtraverstoutelaRussie,maintenaiententreeuxdescontacts.

    33.VoirV.L.Maevski,LaTragédiedelaRussieimpériale,Madrid,1963.

    34.VoirYvesTernon,Raspoutine,unetragédierusse,Bruxelles,Complexe,1991.

    35.Goutchkov.

    36.Officierdelagardeimpériale.

    37. Certains, comme le général Djounkovski, payèrent de leur poste leursinterventionshostilesàRaspoutine.

    38. Le tsar Michel Romanov avait été élu le 21 février 1613 par uneassembléepopulaire.

    39.LafamilleimpérialecommençasonvoyagejubilaireàtraverslaRussie.Elle visita Vladimir, Souzdal et Nijni-Novgorod où elle s'embarqua sur laVolga vers Kostroma. De là, les souverains refirent le chemin qui avaitconduitletsarMichelàMoscouparRostovetPereïaslav.

    40. Dans laGazette de Saint-Pétersbourg le 13 octobre 1913 et dans uneinterviewaujournalisteRazoumovski.

    41.KhioniaGousseva,ancienneprostituée.

  • 42.VoirArchivessecrètesdel'empereurNicolasII,Paris,Payot,1928.

    43.Autourdelagrande-duchesseElisabeth:leprinceFélixIoussoupov;legouverneur de la province de Moscou, Djounkovski ; le maréchal de lanoblesse,Samarine;leprésidentdeladouma,Goutchkov.

    44.VoirprinceFélix Ioussoupov,LaFindeRaspoutine,Monaco, éditionsduRocher,2005.

    45.Danslesannées1920,cedernierconfirmacetteversiondesfaitsdansdesinterviewsàlapressed'immigrationrusse.

    46.PrinceFélixIoussoupov,op.cit.

    47. Ce documentaire a été diffusé en France en juillet 2007 sur la chaîneHistoire. L'hypothèse de Richard Cullen se base sur la découverte d'unéminentpathologisterusse,VladimirJarov.

    48. Selon les documents d'archives allemandes publiés dansNovi journal,NewYork,1967.

    49.DmitriVolkogonov,Lenin,Moscou,Novosti,1994.

    50. Documents retrouvés dans les Archives centrales spéciales d'État deRussieprovenantdelaSûretégénéralefrançaise:saisisparlesAllemandsen1940 et transportés à Berlin, certains dossiers du ministère de l'Intérieur(rapports de contre-espionnage) y ont été découverts par les servicesspéciauxsoviétiquesenmai1945etemportésàMoscou.

    51.Citéd'aprèsZ.A.B.Zeman,W.B.Scharlau,TheMerchantofRevolution:TheLifeofAlexanderIsraelHelphand(Parvus),London,OxfordUniversityPress,1965.

    52.Dnevnikiipisma,NewYork,Ermitage,1990,p.101.

    53.Néanmoins,unepolémiquedemeureàproposdutsarévitch.Alexisest-ilvraiment mort en 1918 ? Non, répondent Vadim Petrov, Igor Lyssenko etGueorgui Egorov, trois scientifiques russes qui ont récemment étudié laquestion. Le compte-rendu de l'exécution est mensonger : le chef desassassinsaassuréàsessupérieursqu'ilavaitparfaitementremplisamission,cequin'étaitpaslecas.

  • 54.WolfMessingleconfirmalorsd'unentretienavecl'auteur.

    55. Cependant, les intimes du tsar ont souvent joué, bien au-delà du casRaspoutine, un rôle politique important en Russie : Pierre le Grand s'étaitreposé sur son conseiller Menchikov ; l'impératrice Anne, sur Biron ;l'impératriceCatherine II, sur sesamants successifs.Alexandre Ier avait euMme de Krüdener ; Alexandre II, son ministre d'origine arménienne,Mélikov.

    56.NotammentlacélèbreDjouna,quiexerçadéjàsestalentssouslerègnedeBrejnev,àlafindesannées1970.

    57. Le dieu Volos, par exemple, dont la puissance indomptable, selon latradition, se manifestait tour à tour dans la fécondité et la destruction dumonde,setransformaen«saintVlassileThaumaturge,serviteurdeDieu».Peroun,ledieudelafoudre,futremplacéparleprophèteÉliedéclenchantlatempête.

    58. Particulièrement au début duXVIIIe siècle, sous le règne de pierre leGrandquilespourchassaetlescontraignitàraserleurbarbe.

    59.Selonletémoignaged'AlexandreLangeron,émigréfrançaisservantdansl'arméerusse.

    60. Chateaubriand, Benjamin Constant, Grégoire, Mme de Duras et MmeRécamier.

    61. Il est intéressant de noter que, parmi ces 42 %, on rencontre denombreuxhautsfonctionnairesdel'État.