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Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 2003 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 30 août 2020 04:23 Québec français Le roman et le conte hispano-américains Martin Boisclair et Maria Estévez Ruiz Le roman hispano-américain Numéro 129, printemps 2003 URI : https://id.erudit.org/iderudit/55743ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Boisclair, M. & Ruiz, M. E. (2003). Le roman et le conte hispano-américains. Québec français, (129), 32–39.

Le roman et le conte hispano-américains · des écrits scientifiques, poétiques et narratifs. Les « Maya-quichés » écrivirent un livre ayant une très grande ressemblance avec

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Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 2003 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 30 août 2020 04:23

Québec français

Le roman et le conte hispano-américainsMartin Boisclair et Maria Estévez Ruiz

Le roman hispano-américainNuméro 129, printemps 2003

URI : https://id.erudit.org/iderudit/55743ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Les Publications Québec français

ISSN0316-2052 (imprimé)1923-5119 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleBoisclair, M. & Ruiz, M. E. (2003). Le roman et le conte hispano-américains.Québec français, (129), 32–39.

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LITTERATURE

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-conte américains

PAR MARTIN BOISCLAIR ET MARIA ESTÉVEZ RUIZ*

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vMmw

Depuis que lques années, l ' A m é r i q u e h ispan ique fa i t de plus en plus p a r t i e de la r é a l i t é q u o t i d i e n n e québéco ise . En e f fe t , que ce so i t à t r a v e r s les nouveaux échanges c o m m e r c i a u x , les m o u v e m e n t s de p o p u l a t i o n , les avancées t e c h n o l o g i q u e s dans les méd ias ou l ' i m p a c t

que la g loba l i sa t i on a sur l ' e f f acemen t de nos f r o n t i è r e s , la c u l t u r e h ispan ique t e n d à occupe r un espace t o u j o u r s g rand issan t au sein de nos v ies. V i c e n t e Fox, Shak i ra , Isabel A l l e n d e , Sa lma Hayeck ou F r i da Kah lo son t des noms qu i d e v i e n n e n t de plus en plus f a m i l i e r s pou r les Québéco i s , tand is que le m e r e n g u e , la salsa, le tango et la langue espagnole gagnent en p o p u l a r i t é ce qu ' i l s p e r d e n t en e x o t i s m e . C'esfc un

i t . La c u l t u r e h ispan ique e t la langue espagnole se f r a y e n t un h e m i n au sein de la r éa l i t é québéco ise .

PHOTO : ALEX WEBB NATIONAL GEOGRAPHIC. VOL 190. N' 2. AOUT 1996 SPECIAL ISSUE l« EMER

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Mais quelle est cette culture ? Comment pourrait-on la défi­nir ? Quelle est l'identité culturelle de nos voisins hispanopho­nes ? Voilà des questions qui de prime abord peuvent sembler simples, mais qui en réalité engendrent des réponses, ou plutôt des fragments de réponses, très complexes. Nous employons l'ex­pression « fragments de réponses » car il est préférable de parler « des cultures » et « des identités » hispano-américaines au plu­riel, plutôt que d'en parler au singulier et de façon absolue. Ceci s'explique pat le fait que les Hispano-américains sont plus de 300 millions répartis dans 19 pays, du Rio Grande à la Terre de Feu, du Pacifique à l'Atlantique, en passant par toute une gamme de différences géographiques, politiques, ethniques, démographi­ques, économiques, sociales, etc., qui ont pour effet de créer une grande diversité culturelle. Ot, l'expression « Amérique hispa­nique » ne fait pas allusion à un seul peuple, mais bien à une mosaïque de peuples et de cultures, parfois très différents les uns des autres. Cette diversité, qui en crée aussi la tichesse, est ce qui tend si ardue la tâche de définir la culture et l'identité hispano-américaines.

Les peuples hispano-américains, malgré leurs différences, sont toutefois unifiés pat certains traits culturels dont leur langue commune, l'espagnol, qui sert de support à la grande production littéraire dont il sera question dans le présent dossier. Cette pro­duction littéraire abondante, qui est le fruit et le reflet de la grande diversité qui existe en Amérique hispanique, est tout aussi fiche et complexe que les cultures qu'elle représente et, pout autant, tout aussi difficile à résumer. Or, de façon à orien­ter les lecteurs dans cet océan de production littéraire, ce dos­sier tracera les lignes directrices et ptésentera les principaux auteurs du genre narratif qui ont marqué l'évolution de la litté­rature hispano-américaine. Nous vous proposons donc, dans un premiet temps, un survol de son histoire, de ses principaux cou­rants et de ses caractéristiques les plus marquantes. Dans un deuxième temps, nous nous attarderons sur une sélection de trois aspects de la littérature hispano-américaine qui caractérisent la seconde moitié du XX' siècle. Nous aborderons ainsi le « réel-

merveilleux » qui consiste en l'un des traits les plus caractéris-tiques d'un grand nombre d'œuvres hispano-américaines. Nous présenterons également un moment marqué par une immense production littéraire et par un grand succès de vente tant sut le continent qu'à l'échelle mondiale, et qui est passé à l'histoire sous le nom de boom de la littérature hispano-américaine. Nous traiterons finalement d'une tendance qui occupe une place de plus en plus importante au sein de la production littéraire ac­tuelle, c'est-à-dire le « nouveau roman historique ». Vous trou­verez également, en parallèle, une brève biographie des auteurs les plus cités dans ce dossier qui, nous l'espérons, vous aidera à mieux les connaître et à faciliter vos prochains choix de lecture...

Brièvement : des origines à aujourd'hui Il est difficile d'identifier avec justesse les origines, la nais­

sance de la littérature hispano-américaine. Les civilisations pré­colombiennes, telles que les Aztèques et les Mayas, produisaient des écrits scientifiques, poétiques et narratifs. Les « Maya-quichés » écrivirent un livre ayant une très grande ressemblance avec notre Bible, le Livre du conseil ou le Popol Vuh. Ce livre est une chronique de l'histoire divine et humaine des « Mayas-quichés ». C'est grâce au travail de certains moines et à un sys­tème de transmission orale élaboté par les populations indien­nes que le Popol Vuh fut rééctit en espagnol et ainsi sauvé de l'oubli après la conquête. 11 faut dire que bien des œuvres de cette époque furent détruites par les premiers moines arrivés au Nou­veau-Monde, car ils y voyaient la présence du diable. On croit que le Popol Vuh fut réécrit au milieu du XVIe siècle.

X V au XVII* siècle Avec la conquête du continent, les « crônicas » voient le

jour. Ce sont des récits écrits par des soldats, des conquérants, des curés ou des moines. Ce sont des écrits basés sur l'observa­tion directe et personnelle de la « réalité ». Ils incluent des comptes-rendus de batailles, de découvertes, de correspondance, ou peuvent prendre la forme d'un journal. Dans bien des cas, la

ISABEL ALLENDE

sabel Allende. bien que Chilienne, est née ,i Lima au Pérou en 1942, où son père occupait un poste di­plomatique. Elle abandonna le Chili après le coup d'État qui. en 1973, renversa le Président Salvador Al­

lende. Au Venezuela, elle fait de la télévision, écrit des chroniques journalistiques sur différents sujets, mais aussi des oeuvres de théâtre et des contes pour enfants. Puis, elle se lance dans le roman et publie successi­vement La casa de (os espiritus {La maison aux esprits. I 982), De amor y de sombra (D'amour et d'Ombre. 1984), Eva Luna ( 1987), Los cuentos de Eva Luna ( I 988). El plan infmito ( 1991 ), Paula ( 1994), Afrodita (Aphrodite. 1998). et Hija de la forwna (La fille du destin. 1999).

Isabel Allende dit que, dans ses livres, elle a voulu raconter la tragédie de ce continent tor turé et l'espoir des hommes et des femmes qui lut­taient pour un monde meil leur.

\1 11X1)1 ff 9sa6el allende Après le retrait de Pinochet. Isabel Allende est retournée au Chili et fait aujourd'hui partie des person-

Socialiste Chilien. Présentement, elle vit à Sausalito. en Californie. ion aux esprits ( 19821

i flllt du destin (1999)

CONTES. RECETTE Aphrodite (1998)

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réalité narrée se confond avec l'imagination de l'auteur. Le poème épique, tout comme les « crônicas », a grandi en Améri­que. Son plus illustre représentant se nomme Alonso Ercilla y Zùniga, et son œuvre, La Araucaria, est composée de trente-sept chants épiques publiés en trois parties.

Vint ensuite en Amérique la société coloniale et avec elle la censure. La Couronne espagnole imposa un contrôle sévère sut la production et l'importation de livres. Un individu trouvé en possession de livres figurant dans l'Index était passible de peine de mort ou il se voyait confisquer tous ses biens. Cette surveillance commença durant le XVIe et continua jusqu'au XVIIe siècle.

Au début du XVIe siècle, la société coloniale devenait de plus en plus mixte et métissée. Des Espagnols, nés en Amétique ou nouvellement arrivés, des indigènes et des Noirs d'Afrique for­ment l'image de cette nouvelle société très hiérarchisée, mais aussi très riche culturellement. C'est ainsi que le baroque améticain put s'exprimer librement et sans retenue. Il incorporait des divinités locales, la flore et la faune américaines et des visages aux multi­ples origines provoquant un excès de décorations. La poésie, genre par excellence propice au baroque, voit naître des figures marquan­tes, parmi lesquelles : Sor Juana Inès de la Cruz, Carlos de Sigiienza y Gôngora, Bernardo de Balbuena, Juan del Valle y Caviedes.

XVIII* siècle Tandis que l'Espagne est aux prises avec des guerres de pou­

voir, des révolutions et des trahisons, l'Amétique voit arriver le Siècle des Lumières comme une annonce des indépendances

futures. La recherche scientifique est très présente : on publie des cartes, des ouvrages sur la botanique et l'astronomie. Le « ré­cit de voyage » est le genre le plus en vogue de l'époque.

Pour sa part, l'origine du roman hispano-américain est mar­quée par l'arrivée du roman picaresque intitulé El periquillo Samiento o Vida y Hechos de Periquillo Samiento escrita por él para sus Hijos, écrit par José Joaquin Fernandez de Lizardi en 1816. Puis l'esthétique romantique fait ses débuts dans le Nouveau-Monde. C'est depuis le Chili que l'auteur argentin Domingo Faustino Sarmiento, romantique par excellence, donne vie, en 1845, à Facundo. Civilizaciôn y barbarie. Cet ouvrage est un es­sai philosophique, politique et sociologique comportant des élé­ments de création littéraire.

XIXs et XXe siècles La littérature du XIXe et du début du XXe siècle est caracté­

risée par la rigueur scientifique du naturalisme. On voit naître des formes très hispano-américaines de naturalisme, comme le « criollismo » ou 1' « indigenismo ». Les auteurs de ces courants portent une attention bien particulière à observer la natute, les hommes et la société. Quelquefois, la natute devient dominante, imprévisible, dangereuse, fantasmagorique. Elle se déploie dans toute sa grandeur et sa force. Dans les romans, c'est le pouvoir de destruction de la nature déchaînée qui est mis en valeur Les auteurs les plus représentatifs de cette période sont, entre autres, Mariano Azuela, Leopoldo Lugones, José Eustasio Rivera et Rômulo Gallegos.

ALEJO CARPENTIER

lejo Carpentier. d'origine franco-russe, est né le 26 décembre 1904 à La Havane. Il étudia l'archi­tecture pour devenir architecte comme son père, mais dès l'enfance, son milieu le dirigeait vers la

musique et la littérature. Pour gagner sa vie. il écrit des articles dans différentes revues, puis, en 1924, il devient chef de la rédaction de la revue Carteles. Il fait la rencontre du poète Nicolas Guillén et collabore avec lui à la promotion de l'art afro-cubain. Ils fondent ensemble la revue Revista de avance, dont la voca­tion consiste à défendre les mouvements d'avant-garde. Politiquement très impliqué, il participe à des ma­nifestations et à des mouvements de révolte contre la dictature de Machado. Il dénonce publiquement les exploitations d'esclaves noirs et de criollos. affectés par les grandes compagnies sucrières. Cette dénoncia­tion, puis sa signature sur un manifeste contre de Machado lui vaudront sept mois de prison. C'est durant cette période qu'il commence à écrire son premier roman, ! Ecue-Yamba-0 !, une histoire afro-cubaine trai­tant de la magie des Noirs. En 1928, grâce à un ami journaliste, il s'exile volontairement à Paris. Il y fait la connaissance de tout le groupe des surréalistes et des cubistes, tels Breton. Eluard, Prévert, mais aussi des peintres Pablo Picasso et Juan Gris. En I 933. il publie dans Cahiers du Sud un conte écrit en français intitulé « Histoire de lunes ». En 1943-44, il visite Haïti. Ce voyage sera déterminant dans sa vie car. après avoir visité l'île dans son ensemble, fréquenté des gens, puis assisté à des rites vaudous, il décide d'écrire El reino de este mundo (Le royaume de ce monde, 1949) dans lequel il définit sa théorie sur le réel merveilleux. En I 953. il publie Los pasos perdidos (Le partage des eaux) puis, en 1956, en France, il obtient avec cet ouvrage le prix pour le meilleur roman étranger. Son dernier roman, paru en 1979, La harpa y la sombra (La Harpe et l'Ombre), est une fiction historique dont l'un des personnages principaux est Christophe Colomb. Car­pentier décède subitement le 24 avril 1980, <i Paris, où il oc­cupait toujours le poste de mi­nistre conseiller à l'ambassade de Cuba. Le 28 avril, des funé­railles sont célébrées à Cuba, LE mn u MI

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PRIX MEDICIS ETRANGER

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Quéhe, lu

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1. Le réel-merveilleux En 1943, Alejo Carpentier séjourna à Haïti. Il put sentir le

sortilège des terres de ce pays et y découvtir des avertissements magiques sur les chemins touges du Plateau Central. Il put y entendre des tambours, découvrir des rites, des paysages mythi­ques. .. Tout ceci le conduisit à comparer cette merveilleuse réa­lité et à l'opposer au metveilleux du surréalisme européen jugé par lui artificiel. Lors d'une conférence en 1974, soit trente-cinq ans après la publication de sa théotie, Carpentier dut quand même admettre la singularité de l'assemblage des mots « réel » et « metveilleux » et faire valoir les différences qui existent en­tre le « réel-merveilleux », le « réalisme magique » et le « mer­veilleux surréaliste ». À ce sujet, il dit que « le réel-merveilleux diffère du réalisme magique et du surréalisme ». Il prétend que le « réalisme magique » concerne la réalité transposée dans le domaine onirique, et que le surréalisme recherche sans doute le merveilleux, mais « fabriqué avec préméditation », tandis que le réel-metveilleux, est « notre réel-merveilleux, tel que nous le trouvons à l'état brut, latent, omniprésent, dans tout ce qui est latino-américain ».

En d'autres termes, le merveilleux est merveilleux lorsqu'il l'est en soi. De là vient que, toujours selon Carpentier, le mer­veilleux invoqué par les surréalistes n'a jamais été autte chose qu'un subterfuge littéraire qui devient ennuyant à la longue. Or, pour Carpentier, le « vrai merveilleux », comme nous disions, est celui qui n'est pas planifié, qui n'est pas fabtiqué, tout comme celui qu'il a vu lots de son séjour à Haïti. C'est donc le « mer­veilleux issu de la "réalité" des peuples latino-américains ». Dans son prologue de El reino de este mundo (Le royaume de ce monde), il explique : « À chaque pas je trouvais le réel merveilleux. Mais

je pensais, en plus, que cette présence du réel-metveilleux n'était pas un privilège d'Haïti mais plutôt un patrimoine de l'Améri-que en entier, où on n'avait pas encore fini d'établir, par exem­ple, un dépouillement de la cosmogonie. Le réel-merveilleux se retrouve à chaque pas dans la vie des hommes latino-améri­cains ».

Par exemple, rares sont les danses collectives, en Amétique, qui ne renferment pas un profond sens tituel. Les sorcières sont également monnaie courante ; elles peuvent vous soigner, vous aider à obtenir ce que vous voulez, vous protéger de l'emprise d'autres personnes, etc. Si vous avez mal, on vous suggérera peut-être de frotter la partie douloureuse de votre anatomie avec un pois que vous enterrerez quelque part. Vous ne trouvez plus vos lunettes ? C'est peut-être un esprit qui vous joue des tours...

Sur le plan littéraire, voici quelques indications pour identi­fier le réel-merveilleux. On le reconnaît quand les événements se déroulent sur une toile de fond réaliste et vraisemblable. Pour les personnages de l'univers fictif, le monde dans lequel ils vivent est aussi « rationnel » que le nôtre, et, lorsqu'un fait extraordi­naire sutgit, ce monde demeure inébranlé. Les personnages et le narrateur n'en sont pas pout autant angoissés et n'éprouvent pas non plus de peur. En général, un personnage (vieux sage, chaman, sorcier, esclave noir, nounou indigène...) ou une instance narra­tive « compétente » explique le phénomène simplement... Rien ni petsonne ne met en doute le déroulement du fait magique ou son explication. Tout semble parfaitement normal et s'inscrit na­turellement dans le déroulement de la trame du récit.

On reconnaît également le réel-merveilleux quand la narra­tion traite de tout ce qui concerne la magie vaudou, l'imaginaire des peuples primitifs africains, la cosmogonie indigène, et les rites

CARLOSFUENTES

arlos Fuentes est ne a Mexico le I I novembre 1928. En raison du poste diplomatique occupé par son père, il a passé son enfance à Panama, Quito, Montevideo, Rio de Janeiro, Washington. Santiago et Bue­

nos Aires. En 1954, il publie son premier livre, Los dias enmascarados, dans lequel il étudie l'identité mexicaine. Un an plus tard, il fonde la revue Revisto Mexicana de Literatura avec, entre autres, Octavio Paz. Il oppose ses romans La region mai transparente ( 1959) et La muerte de Artemio Cruz ( 1962) aux traditions littéraires régio­nalistes et aux récits de type « témoignage ». Afin de raconter l'histoire qui est demeurée cachée, il désacra­lise les traits épiques du roman de la Révolution mexicaine et il incorpore à son écriture certains procédés narratifs des romans anglais et américains des années 1930 comme, par exemple, la fragmentation de scènes, le monologue intérieur et le regard introspectif. Ces deux romans lui ont permis d'obtenir une reconnais-

À partir de 1965. la vie de Carlos Fuentes est redevenue itinérante : il a vécu à Paris, il a enseigné à Harvard. Columbia, Cambridge et Princeton. En 1994, il a publié un essai Nuevo tiempo mexicano et un recueil de con­tes La frontera de cristal dans lesquels il traite des relations complexes entre le Mexique et les États-Unis. Avec la publication de £/ naranjo (L'Oranger) en 1993. il a fermé son cycle narratif qu'il nomme « l'âge du temps » de narratif qu'il nomme « l'âge du temps »

qui comprend ent re autres Terra Nostra et L'œuf de Christophe Colomb. En 1999, il a publié Los onos con Laura Diaz (Les années avec Laura Diaz) un roman qui synthétise, à travers la vie de Laura Diaz, le XXV siècle.

laa mort d'Artemio Cruz

Fuentes

ROMANS La muerte de Artemio Cruz ( I 962)

Les années avec Laura Diaz ( 1999)

RECUEIL DE CONTES L'oraneer(l993)

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dits païens, mais aussi la légende chrétienne coloniale (le Christ indien, la Vierge noire...). En fait, le réel merveilleux est un métissage de toutes les croyances, mythes et légendes de trois peuples : l'indigène, le Noir et le Blanc. Ceux-ci sont chapeau­tés pat un environnement, une flore et une faune, un habitat exubérant et insaisissable, mais faisant partie de la réalité et du quotidien américain. De plus, les événements magiques s'ajus­tent souvent dans la trame du récit aux cycles de la nature. Les romans et les contes qui appartiennent au réel merveilleux in­corporent deux formes de temps : l'un est chronologique et s'as­socie avec le temps calculable de la montre ainsi qu'à tout ce qui correspond au monde occidental ; l'autre s'oppose à celui-ci. Il peut être stagnant ou imprécis et il correspond à une ori­gine africaine ou indigène s'harmonisant presque toujouts avec l'homme et son habitat.

Carpentier prétend que le réel merveilleux doit impliquer la foi. Il dit d'ailleurs, dans le prologue de Le royaume de ce monde, que « la sensation du merveilleux présuppose une foi. Ceux qui ne croient pas aux saints ne peuvent être guétis pat des mira­cles de saints... »

2. Le boom de la littérature hispano-américaine On désigne par ce nom un moment de l'histoire littéraire

hispano-américaine très marquant qui s'étend environ de 1962

à 1972. En effet, il s'agit d'un phénomène digne d'attention car il correspond à un moment lors duquel un groupe d'auteurs sur­passe la diversité géographique, politique, économique et cul-tutelle au profit d'une littérature continentale unifiée. C'est à partir de quatre points géographiques (le Mexique, le Cône sud, l'Amétique andine et les Caraïbes) que des auteuts comme Julio Cortâzar, Mario Vargas Llosa, Gabriel Garcia Marquez et Car­los Fuentes ptoposèrent une union ou une fraternité attistique qui permet de faire connaître de façon massive et approfondie la littérature hispano-améticaine à l'échelle mondiale.

Il existait déjà des auteurs de renommée internationale comme Jorge Luis Borges, Pablo Neruda et bien d'autres, mais c'est lors du boom que cette teconnaissance a pris beaucoup plus d'ampleur. En fait, « l'explosion » à laquelle fait allusion le mot « boom » est en relation avec une soudaine production littéraire massive et la multiplication des chiffres de vente des œuvres hispano-américaines, tant sur le continent qu'en Europe ou en Amérique du Nord.

Il y a plusieurs hypothèses qui tentent d'expliquer cet inté­rêt si matqué et si soudain pour la littérature hispano-améticaine. Selon certains critiques, cet intérêt poutrait être lié à la Révo­lution cubaine qui attire grandement l'attention mondiale sur le Continent. Une autre explication pourrait être qu'à cette épo­que, les projets de développement internationaux étaient par-

GABRIEL GARCiA MARQUEZ

ROMANS Cent ans de s )/rtude(l967)

Chronique d'u ie mort annonc =e(198 .'amour au te tips du choléra 1985) .e General da ns son labyrinth >( 1989

RECUEIL DE CONTES es funéraiile de Gronde Mei né(l9(

}ouze contes vagabonds <19? 2.

NOUVEAU JOURNALISME

abriel Garcia Marquez est né le 6 mars 1928 en Colombie. Il est élevé par ses grands-parents maternels. Son grand-père, Nicolas Marquez Iguaran, un ancien colonel, était son

compagnon et confident. Sa grand-mère, Tranquilina Iguaran Cotes, femme nerveuse et visionnaire, entrait la nuit dans sa chambre et le terrorisait par ses histoires de revenants. La maison et son ambiance constitueront le cadre de nombreux contes et romans. Un certain soir, à la fin des an­nées 1940, un ami lui prêta un livre : La métamorphose, de Kafka. Une fois chez lui. il commença à le lire. Il prétend que le texte le jeta littéralement par terre. Il n'imaginait pas qu'on puisse écrire de pareilles choses. S'il l'avait su, il se serait mis à écrire bien avant. Il vivra une autre expérience de la sorte bien des années plus tard ( 10 ans), cette fois au Mexique. On lui propose de lire un tout petit livre : Pedro Pâramo de l'auteur mexicain Juan Rulfo. Il dit que cette nuit-Là il ne put dormir qu'après avoir lu une deuxième fois le roman. Le lendemain, il lisait Le Llano en flammes, et son im­pression de perfection et d'éblouissement resta intacte... Pendant le reste de cette année, il ne put rien lire d'autre, car tout lui paraissait mauvais...

Envoyé en Europe en juillet I 955, il se rend à Genève, puis à Rome, où il s'inscrit au Centre expé­rimental de cinéma. Quelques mois plus tard, la fermeture du journal par le dictateur Rojas Pinilla le surprend à Paris. Bientôt sans argent, réfugié au dernier étage d'un hôtel du quartier Latin, il travaille à La Mala hora (publié en 1962), puis naît l'idée de Pas de lettre pour le colonel. En 1965, il commence la rédaction de Cent ans de solitude dont la publication à Buenos Aires, en avril 1967, lui vaut aussitôt la célébrité dans toute l'Amérique latine et bientôt en Europe. Il vit à Barcelone de 1968 à 1974. Durant cette période, paraît l'Incroyable et Triste Histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique. Devenu universel et populaire par l'originalité et la fécondité de son imagination créatrice, en 1981 il voit son roman Chronique d'une mort annoncée (publié simultané­

ment à Bogota, Barcelone et Buenos Aires) atteindre un premier tirage de deux millions d'exemplaires.

\QcibrielQarcia\ QiMarque^ En 1982, il est le lauréat du prix Nobel de littérature. La même

année, il publie VAmour aux temps du choléra ( 1986) et La aventura de Miguel Littin clandestino en Chile. En 1989, il publie une fiction historique basée sur les derniers jours de Bolivar : Le Général dans son labyrinthe. Au cours de sa carrière, il publiera plus de 19 scé-

L'Amour aux temps du

choiera

de publier (octobre 2002) en espa mémoires (près de six cents pages. Vivir bara contark

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ticulièrement ptésents en Amérique hispanique, favorisant ainsi les investissements dans différents secteuts, entre autres dans les universités et dans les mécanismes de publication. Certains ana­lystes prétendent au contraire qu'il s'agit d'un phénomène d'or­dre économique et de marketing se traduisant pat des fonds dis­ponibles, des éditeurs habiles et une campagne publicitaire efficace qui ont eu pour effet de petmettre une grande diffusion de la production littéraire hispano-américaine de cette époque. Il existe également d'autres voix qui proposent comme explica­tion que la littérature européenne était épuisée et que les lec­teurs recevaient alors avec un très grand enthousiasme le sang nouveau, la brise d'air frais proposés par les nouveautés sttuctu-relles, thématiques et, entre autres, le réel-merveilleux du Nou­veau Monde. Toutefois, le plus probable est qu'il s'agisse d'une interaction entre ces différents facteurs combinée au talent des auteurs inspirés, entre autres, par le grand remous artistique, so­cial et culturel des années 1960.

Les principaux auteurs du boom ont été Julio Cottâzar (Ar­gentine), Matio Vargas Llosa (Pérou), Gabriel Garcia Marquez (Colombie), José Donoso (Chili) et Carlos Fuentes (Mexique). À ce groupe se joignirent également Juan Carlos Onetti (Uru­guay), José Lezama Lima (Cuba), Alejo Carpentier (Cuba), ainsi que plusieuts autres. D'autre part, patmi les œuvres produites dans ce contexte, on compte Marelle (Rayuela, 1963) de Julio Cortâzar, et Cent ans de solitude (Cien aiîos de soledad, 1967) de Gabriel Garcia Marquez qui ont ctéé un impact tant chez la cri­tique que chez le public lecteui, non seulement par leurs chif­fres de vente mais aussi et surtout par leurs propositions litté­raires différentes l'une de l'autre mais tout aussi originales et innovatrices.

Aujourd'hui, plus de trente ans plus tatd, il n'y a aucun doute quant à la dimension littétaire des textes publiés par les auteurs du boom, qui n'ont été détériorés ni par le temps, ni par le re-gatd parfois critique de ceux qui les considérèrent en un premier temps comme de simples produits de consommation massive. Ef­fectivement, malgré le fait que la littérature hispano-améticaine était déjà ttès riche avant le boom, celui-ci joua un important

tôle précurseur de façon à tracer le chemin pour plusieurs auteurs et courants hispano-américains, tant en Amétique hispanique que dans le monde entier, et ce, jusqu'à aujourd'hui. Ses tépet-cussions se font d'ailleurs sentir par l'accueil favorable de plu­sieurs auteuts « post-boom » dont les oeuvtes sont traduites en plusieurs langues et distribuées internationalement, comme Isa-bel Allende, Zoé Valdés, Laura Esquivel et bien d'autres.

3. Le nouveau roman historique hispano-américain Le roman historique, que nous pourrions appeler « roman his­

torique traditionnel », est apparu en Angleterre lors de l'époque romantique européenne. On atttibue la paternité de ce courant littéraire à l'Écossais Sir Walter Scott (1771-1832) à la suite de la parution de son roman Waverley (1814), suivi de Rob Roy (1817), de Lucie de Lmwnermoor (1819), et dlvanhoe (1819). Le succès que Waltet Scott a connu avec ces romans est dû à la « nou­velle formule » littéraire proposée et qui consistait à déployer une intrigue fictive (souvent des histoires d'amour) sur une toile de fond historique, c'est-à-dire présentant des faits et des personna­ges réels du passé. Ce succès fut si grand, et les lecteuts de l'épo­que étaient si désireux de lire des romans histotiques, que de nom­breux écrivains commencèrent eux aussi à situer leurs récits fictifs dans un contexte historique réel.

En Amérique hispanique, l'influence de Sir Walter Scott se fit également sentir permettant ainsi l'appatition de romans his­toriques écrits par des auteurs du continent. Ces romans respec­taient la fotmule proposée depuis Waverley, mais les objectifs s'éloignaient de ceux des romans européens. En Amérique his­panique, l'apparition des romans historiques correspond à la pé­riode où, peu à peu, chaque pays venait d'avoit son indépendance politique, sociale, économique et culturelle, ctéant ainsi plu­sieurs vides à comblet et un profond sentiment de nationalisme. Or, le roman historique avait pour but de participer à la grande entreprise de « combler » ces vides, de créer une identité natio­nale, de créet des tableaux de mœurs, de répettotiet les caracté-tistiques de chaque « nouveau » pays, et de discuter de questions politiques et sociales. Par exemple, en Argentine, le roman que

TOMAS ELOY MARTINEZ

'ornas Eloy Martinez est né en 1934 en Argentine. Il fait des études en journalisme et occupe dif­férents postes dans les médias nationaux. Il participe, entre autres. ,i la diffusion des auteurs du

boom de la littérature hispano-américaine par le biais de la revue Primera Plana. Son premier roman Sogrodo ( 1970) peint la réalité de Tucumàn. sa province natale, avec l'influence du réel-merveilleux. Ses écrits postérieurs combinent l'histoire, le témoignage et la recherche journalistique. Il est possi­ble de reconnaître cette combinaison dans La novela de Peron ( 1986), La mono del amo ( 199 I ) et Santa

Evita (1995). En 1999, il publie un recueil de diffé­rents textes qu'il avait écrits relativement à la réa­lité, la culture, la poli t ique, l 'économie, etc., de l'Argentine et des Argentins. Son oeuvre est consi-

J 0 V E I dérée comme l'une des plus solides et surprenantes

EVITA

S T O M A S E L O I M - m r i t i t j r

P E R Ô • remis Eloy Mart inez

tains de ses livres, comme Santa Evita, ont d'ailleurs été des best-sellers. Actuellement, il dirige le pro­gramme d'Études Latino-américaines de Rutgers University au New Jersey où il est également pro­fesseur.

ROMANS Santa Enta (1995)

'ela de Pérou ( I 986)

Page 8: Le roman et le conte hispano-américains · des écrits scientifiques, poétiques et narratifs. Les « Maya-quichés » écrivirent un livre ayant une très grande ressemblance avec

l'on considère souvent comme le premier foman national est Amalia , de José Mârmol, qui présente, tout comme les autres romans histotiques, un técit fictif se déroulant dans l'atmosphère de terreur causée par la dictature de Juan Manuel de Rosas.

Cette nouvelle fotmule littéraire a donc eu beaucoup de suc­cès au XIXe siècle en Amérique hispanique. Au cours du XXe siècle, certains auteurs continuèrent d'écrire de ces romans, mais ils avaient perdu de leut fotce. Cependant, depuis un peu plus de vingt ans, c'est-à-dire depuis la fin des années 1970, de nombreux romans possédant une thématique historique ont commencé à refaire surface sur le continent. Seymout Menton, historien de la littérature, fixe en 1979 l'année de la réappari­tion des romans historiques.

Il y a plusieurs hypothèses pout expliquer cette réapparition soudaine. Une de celles-ci est que plusieurs pays hispano-améri­cains passèrent d'une dictature à une autre au cours du XXe siè­cle, conduisant ainsi les auteurs, une fois la démocratie rétablie, à ressentir le besoin de faire la lumière sur les événements de ces années, de resituet les faits, de reconstruire les identités nationa­les. Ils voulaient désactaliser l'unique version officielle des faits en créant d'autres versions. Ils étaient désireux de faire compren­dre à leurs compatriotes que l'histoire n'est qu'une histoire possi­ble (parmi tant d'autres) des événements et des personnages du passé. Ils voulaient également dénoncet les irrégularités, la vio­lence, les abus de pouvoir, les injustices, etc., qu'ils avaient dû taire pendant les années de dictature. Bref, ils voulaient opposet leurs

fictions aux discours officiels. Plusieurs d'entre eux commencè­rent alors à entremêler la fiction et les événements téels, ce qui donna comme résultat l'apparition de nombreux romans-témoi­gnages et romans histotiques.

Toutefois, toujours selon Menton, le facteur le plus impor­tant dans la stimulation de la ctéation et de la publication d'autant de tomans historiques était l'approche du 500e anni­versaire de l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Cet anniversaire a, d'une part, engendré une plus grande conscience des liens histotiques partagés pat les pays hispano-américains et un questionnement vis-à-vis de l'histoire officielle, et, d'autre part, il a provoqué la réapparition de la polémique entre les cri-tiques et les défenseurs de la conquête ibérique de l'Amérique. Cette conscience, ce questionnement et cette polémique avaient donc besoin d'un espace discursif où se manifestet et, selon Men­ton, la littétature, et plus précisément le roman historique (vu la nature historique des questions débattues et des faits présen­tés), sembla être l'une des formes les plus adéquates.

Mais en quoi consiste exactement le « nouveau roman his­torique hispano-américain » ? Tout comme le roman historique traditionnel, le nouveau toman historique incorpore des événe­ments et des personnages réels du passé. Toutefois, malgré le fait que ces romans incluent des éléments de réalité, les auteurs ne se sentent pas pour autant obligés de respecter le pacte de véra­cité que cela pourrait impliquer. Cette liberté de fictionna-lisation crée une rupture dans les mécanismes de reptésentation

JUAN RULFO

RECUEIL DE CONTES Le L/ano en flammes (1953;

1 • uon Rulfo est né au Mexique en 1918. Il passe son enfance avec ses grands-parents dai 1 avoir abandonné ses études universitaires, il exerce plusieurs métiers. En 1953, il pub t i Hano en Hamas (Le Uano en flammes) qui le rend immédia­

IS l'État dejalisco. Après lie son recueil de contes.

tement célèbre. Deux ans plus tard, grâce à une bourse, il peut terminer son premier - et unique - roman, Pedro Pàramo. qui le consacre définitivement. Il mourut en 1986.

JUAN RULFO

Pedr t

Rûifo

Paramf en H a n i a ^ H

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à un point tel qu'elle nous permet de parlet d'un nouveau genre littéraire. Cette liberté favorise également le questionnement épistémologique proposé par les auteurs, la téécriture de l'his­toire ainsi que de nouvelles interprétations de celle-ci. En plus de cette fictionnalisation, les auteurs de nouveaux romans his­toriques incorporent différentes techniques d'écriture, moins innovatrices que leur mécanisme de teptésentation (de fictionnalisation libre de la réalité), mais tout aussi efficaces pour atteindre leurs objectifs de désacralisation d'une vetsion unique de l'histoire au profit d'une multitude de micro-discouts. Selon Seymout Menton, ces techniques d'écriture souvent retrouvées dans les œuvres sont : l'intertextualité, la métafiction, la distor­sion de l'histoire, la reproduction mimétique d'une période his­torique, la parodie, la carnavalisation et le dialogisme.

Plusieurs auteurs de renom, comme les acteurs du boom de la littératute hispano-améticaine tels Carlos Fuentes, Matio Var­gas Llosa et Gabriel Garcia Mâtquez, n'ont pu résister à la force de ce courant. C'est ainsi que Fuentes écrit Terra nostra et L'Œuf de Christophe Colomb, que Gabriel Garcia Marquez publie Le Gé­néral dans son labyrinthe et que Vargas Llosa présente La guerre de la fin du momie. En fait, Fuentes est le premiet à revitaliset et à transformer le roman histotique traditionnel avec Terra Nostra (1975) en y incorporant l'ironie, le grotesque, l'anachronisme et, bien entendu, des faits historiques... Des faits histotiques qui sont reconnaissables mais qui sont déformés de façon délibérée afin de proposer l'éclatement du modèle unique de l'historio­graphie. Cependant, Seymout Menton, tout comme il a déjà été mentionné, propose l'année 1979 comme point de repère pour parler de la réapparition du roman historique. C'est à ce moment que le Cubain Alejo Carpentiet publie son roman histotique La Harpe et l'Ombre, qui le présente comme le plus rigoureux et comme celui qui a le mieux pressenti et appliqué les possibilités littéraires que l'on attribue, toujours selon Menton, au nouveau roman historique.

À la suite de Terra Nostra et de La Harpe et l'Ombre, plu­sieurs auteurs ont suivi les pas de Fuentes et de Carpentier pu­bliant ainsi plus de 250 romans ayant pour thème le passé his­

torique. Parmi cette grande production, on retrouve entre autres des œuvres comme Santa Evita (1995) de Tomàs Eloy Martinez, Les aventures de ]uan Cabezôn (1985) de Homero Aridjis, L'Ancêtre (1983) de Juan José Saer, Maluco (1990) de Napoléon Baccino et Des nouvelles de l'Empire (1987) de Fer­nando del Paso.

Doctorants, Département des Uttératures, Université Laval.

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M A R I O V A R G A S LLOSA

M ar io

don i I I don p o u r l ' éc r i t u re , il s ' inscr i t en Le t t r es , en I 953, à l 'Un ive rs i té de San Marcos . Il avait déjà pu ­

bl ic a l 'époque que lques con tes dans les j o u r n a u x locaux. Vargas Llosa voyage en Espagne avec une

bou rse d 'é tudes en I 958 . mais son but u l t ime est Paris. Il s'y instal le en 1959. Puis, jusqu 'en 1974. il v i t

en Eu rope , par tageant sa vie e n t r e Paris, Lond res et Barce lone . En plus de pub l ie r des romans à pa r t i r

de 1966 (La casa verde). il t rava i l le c o m m e c r i t i que l i t t é ra i re et j ou rna l i s te et éc r i t éga lement des p iè­

ces de t héâ t re . En 1990, il se p résen te c o m m e candidat

à la p rés idence du Pé rou . À la sui te de son expé r i ence

po l i t i que , il déc ide de pub l ie r ses m é m o i r e s : Le poisson

dans l'eau (El pez en el agua). Par la su i te , il se consacre

p le inement à la l i t t é r a t u r e et ,i la presse, c o r r e s p o n d a n t

t rès souven t avec le j ou rna l espagnol El Pais. En 1993, il

o b t i e n t sa c i t o y e n n e t é espagno le , e t en 1996 la Real

Academia Espanola le n o m m e m e m b r e de son académie.

Il est le lauréat de p r i x aussi p res t ig ieux que le R ô m u l o

— ' > Gal legos (1967) , le Pr inc ipe As tu r ias (1986) , le Planeta

Mal n, Yiarg.it. Uosa

I * poisson dans l'eau

I Mario Vdrfpa Lkaàt

La ville et les chiens

La ville et les chiens (1963)

A U T O B I O G R A P H I E

Le poisson dans l'eau ( I 997)