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Le Tableau du Bœuf du Printemps. Etude d'une page de l'almanach chinois by Carole MorganReview by: Françoise AubinArchives de sciences sociales des religions, 26e Année, No. 52.2 (Oct. - Dec., 1981), pp. 267-268Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30115969 .

Accessed: 15/06/2014 19:53

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BULLETIN DES OUVRAGES

,ph6nomhne social total >, refusant l'auto-

nomie des spheres, cet aspect caract6ristique du lib6ralisme bourgeois. Dans d'autres pages, cependant, c'est h la puissance impersonnelle et automatiquement f6conde du mana qu'est r~f~r6 l'immanentisme et l'optimisme histo- rique du communisme. Ailleurs encore, les caract6ristiques de la religion-communisme sont analys6es par une interpritation de type psychologisante : il y a, selon J.M., dans le communisme un ph6nomine de suggestion r6ciproque, de schizoidie collective, que l'on combat en vain par l'analyse. L'ouvrage contient, ainsi, beaucoup de donndes 6parses, parfois stimulantes, parfois insatisfaisantes.

Dans sa pr6face h l'6dition de 1963, I'A. se plaint du silence quasi g6n6ral (un homme comme Mounier, cependant, a fait exception) de I'intelligentzia de l'6poque. De fait il a certainement 6td victime d'un refus id6olo- gique de consid6rer le communisme comme un objet d'analyse. Et il y aurait beaucoup h 6crire sur la fagon dont la r6f6rence a un marxisme stalinien a st6rilis6 la recherche intellectuelle dans certains milieux. Mais J.M. n'est pas, lui-m&me, g l'abri du travers qu'il d6nonce. Par exemple il qualifie Marx ( d'homme charismatique... pour parler comme Max Webera> (p. 45). A partir du moment oh une telle perspective 6tait adop- t6e, il fallait tenter d'analyser la relation de Marx avec autrui dans le cadre de la logique de la domination charismatique. Or, I'A. ne prend pas cette voie mais adresse h Marx des reproches d'ordre moral (< l'intoldrance la plus haineuse, le refus de comprendre l'autre >, etc.). Ces jugements de valeurs ont, eux aussi, une fonction d'occultation id6olo- gique et empichent une < compr6hension (au sens weberien) sociologique.

II faut cependant constater qu'i une 6poque oh, comme nous l'avons dit, beaucoup d'in- tellectuels frangais 6taient fascin6s par le stalinisme, I'A. amine une r6flexion sur le totalitarisme (p. 356-94) qui ne manque pas de pertinence sociologique. I1I montre bien que le totalitarisme provient de la conjonction de deux facteurs : une resacralisation du politique qui lui donne les traits classiques de l'absolutisme, le d6veloppement technique et institutionnel moderne qui permet de sou- mettre les individus h des suggestions et des pressions continuelles, et ne leur laisse jamais prendre du champ par rapport i ce qu'on leur inculque. Le danger totalitaire guette toutes les soci6tis modernes : l'&re capitaliste > a r6v616 qu'il 6tait possible de tout organiser, de tout rationaliser. Le totalitarisme, nous dit Monnerot, fait h I'6chelle de la soci6t6 globale ce que le capitalisme a fait h l'6chelle de l'usine.

Jean Baub6rot.

52.479 MONTERISI (Nicola). Trent'anni di episcopato nel Mezzogiorno (1913-1944). Rome, A.V.E., 1981, 422 p. (I Vescovi e la pieta italiana. Saggi e docu- menti, 1).

De longue date, Gabriele De Rosa a tC- moign6 un attachement sp6cial

. la personne

et h l'oeuvre de Mgr Monterisi (1867-1944), un homme du Mezzogiorno, n6 h Barletta dans les Pouilles, 6v~que de Monopoli (pro- vince de Bari) en 1913, archev~que de Chieti en 1919, puis de Salerne en 1929. Dans un pr6c6dent livre, il lui avait consacr6 une 6tude au titre significatif : < Magie et peuple dans l'exp6rience d'un 6vique du Sud, (Arch., 38, no 329). Ayant pr6sent6 ici ses principes d'action et ses notes in6dites (p. 1-67), il publie celles-ci, puis ses articles et lettres pastorales.

Le volume inaugure une collection qui se situe dans le sillage de Don De Luca, ratta- ch6 par le directeur de la collection a L. Febvre plut6t qu'h G. Le Bras, en vue d'une histoire de la sensibilit6 religieuse, de la pi6t6, de la pastorale (pastoralitd). Une histoire scientifique, sociologique, mais pr6- fdrant la biographie h la statistique : d6- pouill6e de toute pr6occupation hagiographi- que et exploitant la masse d6ji impression- nante des mat6riaux tir6s des archives dioc&- saines et paroissiales. L'Italie suit ici sa voie propre, qui n'est pas la seule, m~me en Italie, mais dont la f6condit6 est ind6niable.

Emile Poulat.

52.480 MORGAN (Carole). Le Tableau du Bceuf du Printemps. Etude d'une page de l'almanach chinois. Paris, Collige de France (diffus6 par les P.U.F.), n.d. (1980 ?), 276 p. + XII p. de textes en fac-simil6s, 7 pl. in texto, 1 photo (M6moires de l'Institut des Hautes Etudes Chinoises, XIV).

L'absence ou la presence du < Tableau du Boeuf du Printemps > est le signe formel qui permet de distinguer, sous l'ancien r6gime, d'une part, le calendrier officiel luni-solaire, instrument politique imp6rial, entour6 d'un rituel de pr6sentation, accessible aux seuls fonctionnaires, et, d'autre part, I'almanach simultandment semi-lunaire et solaire, 6labor6 aussi par le Bureau de l'astrologie, mais des- tin6 au commun des mortels. Alors que le calendrier a disparu en 1911 avec l'institution qui lui donnait sa raison d'&tre, le pouvoir imp6rial, l'almanach reste toujours aussi populaire parmi les Chinois d'outre-mer, h Hong-Kong et B Taiwan; jadis les mission- naires et de nos jours les communistes ont

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

m~me r~utilis6 sa force de suggestion pour convoyer leur propre propagande, le r6gime nationaliste ayant, en vain, tent6 de le sup- primer dans les annies trente. La teneur des informations fournies par l'almanach a vari6 au cours des sidcles et le nombre des rubri- ques a augments avec le temps. Mais la partie la plus importante a toujours 6t6 la page de tate donnant le Tableau du Boeuf du Prin- temps - occasion du present travail - et, sur la m~me face ou au recto, une sorte d'aide-m~moire gbomantique, sous forme g ombtrique, le liu-nien ta-li. Avec une re- marquable richesse de documentation 6crite et orale (enquates auprbs de gbomanciens et devins), avec l'intuition sympathique d'insti- tutions populaires jusqu'alors miconnues des observateurs strangers, I'auteur nous offre la r6v6lation des divers modes de divination utilis6s en rapport avec l'au-delh depuis trois sibcles au moins, dans leurs micanismes pro- fonds et leurs liens mutuels; et, ainsi, grace a son d6codage de la page du Tableau du Boeuf du Printemps d'une quarantaine d'alma- nachs &chelonnis entre 1691 et 1976, prove- nant, jadis de Canton et Shanghai, actuelle- ment de Hong Kong et Taiwan (liste p. 39-43, reproduction comment6e de cinq specimens, p. 116-57), voici que s'6claire un systhme cohlrent de pens6e para-religieuse, dont on ne connaissait jusqu'alors que des fragments.

Le Boeuf du Printemps n'est qu'un 6l1ment des fetes marquant le passage B l'annde nou- velle, et le Tableau une substitution graphi- que et textuelle aux processions se concluant, depuis les Sung, par une flagellation rituelle, destructrice de l'image du beuf de terre. Ce bceuf constitue, lui-m0me, une entit6 complexe, ayant successivement polaris6 divers symbolismes, pour d6tenir finalement, avec son bouvier, dans le tableau stylis6 des almanachs, une fonction de pr6diction m6tdo- rologique h l'usage des agriculteurs. Le dessin, qui ne fait qu'illustrer grossi~rement le texte, n'est pas obligatoire : on ne le trouve pas dans les almanachs les plus anciens, non plus que dans ceux de Taiwan, alors qu'il est coutumier chez les Chinois d'Asie du Sud- Est. Les pronostics dirigeant les travaux agri- coles sont thdoriquement d6termin6s par le signalement follement minutieux des cou- leurs de chaque partie du corps du bceuf et des ddtails de son aspect et de celui du bou- vier, que les devins dressent au d6but de l'ann6e, en se basant sur les directives du < Livre du Boeuf du Printemps >> (ch'un-niu ching, datant sans doute du XIV' sibcle), selon les signes cycliques de l'ann6e concern6e.

Le curieux de l'affaire, ainsi que l'a judi- cieusement d6cel6 l'A., c'est que ce catalogage compliqu6 de couleurs et de postures, appa-

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remment essentiel, est clos sur lui-m~me, sans d6bouch6s pratiques. Les pronostics sont, en fait, tiros du < Livre de la Terre- Mbre > (ti-mu ching), un ouvrage d'origine inconnue, en sentences faites de sept a neuf vers pentasyllabiques, r6parties suivant le cycle sexag6sinal. Mais, d6cid6ment, le Ta- bleau du Boeuf du Printemps n'est de nos jours qu'un instrument symbolique de mal- trise sur les variations saisonnidres : car les Chinois d'outre-mer, qui sont maintenant les grands consommateurs des almanachs tradi- tionnels, n'ont que faire de provisions m6t&o- rologiques concernant la Chine continentale; ce qu'ils veulent, c'est rester psychologique- ment li6s au pass6 de la terre natale de leurs anc&tres.

Au-dessous du Tableau du Boeuf du Prin- temps ou au verso, les almanachs offrent un autre systhme prdvisionnel, le liu-nien ta-li, extr~mement technique, fournissant des ren- seignements r6solument diff6rents de ceux dont nous venons de parler, et, pourtant, destin6s comme eux a appr6hender l'environ- nement dans sa r6alit6 temporelle annuelle. Pour le comprendre, il faut se reporter a la gdomancie, que les sinologues ont coutume de d6nommer feng-shui, et qu'ils dchouent h interpr6ter faute d'en connattre les sources. L'A. prend ici pour base de ses commen- taires les proc6d6s suivis par l'dcole gdoman- tique San-yiian. Le principal travail du gdo- mancien est d'indiquer, B l'aide de sa bous- sole (luo-pan), l'orientation convenable de la tombe d6finitive des parents du requ6rant pour que celui-ci et sa descendance soient assurds de r'influence b~ndfique des ddfunts familiaux. La figure g6om6trique formant le liu-nien ta-li, un octogone ou un cercle d6- coupe en quatre zones rdgulibres concentri- ques (ts'eng), repr6sente la boussole stylis6e du g6omancien. Parmi les 616ments influen- gant le choix du site fundraire, I'A. expose aussi la th6orie des << toiles astrologiques >, entit6s imaginaires qui se d6placent selon un cycle, B la manibre des 6toiles, et peuvent &tre b6ndfiques ou mal6fiques; celle de l'har- monisation entre les huit caractbres, pr6sidant h la date de naissance du d6funt, et les in- fluences potentielles des sites. Elle remarque aussi b'immense 6cart entre la th6orie et la pratique, et les accommodements auxquels les gdomanciens plient leur science pour la soumettre aux impdratifs de l'urbanisme galo- pant de Hong Kong par exemple.

Lorsqu'au terme de la lecture, on voit tant d'616ments disparates s'agencer en mosa'que harmonieuse, on se prend h r~ver aux services que pourrait rendre un tel travail s'il &tait muni d'un index !

Frangoise Aubin.

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