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FRAN 4002 INTRODUCTION À LA LITTÉRATURE LE TEXTE NARRATIF Le mot texte vient du latin textus, qui signifie : trame, tissu. C'est bien comme un tissu où s'entrecroisent plusieurs séries de fils (aspects : matériel, linguistique, sémantique, symbolique…) que se présente un texte. Narration signifie récit d'événements, réels ou fictifs, qui impliquent des faits, des personnages, des lieux, un déroulement, un narrateur. La narration est rapportée par un narrateur qui raconte une histoire dans un contexte spatio-temporel. NOTIONS QUI PERMETTENT L'ANALYSE DU TEXTE NARRATIF I LES ÉVÉNEMENTS OU L'HISTOIRE L'histoire, c'est-à-dire la succession de faits, c'est ce qui est raconté. Ces faits ou événements peuvent être classés de la manière suivante : a. les événements principaux ceux qui marquent le noyau de l'action. b. les événements secondaires ceux qui incident sur "les noyaux" et font avancer, ralentir, compliquer une histoire voire créer du suspense ou l'intrigue. c. les événements informants ceux qui situent l'histoire dans le temps et dans l'espace. Pour la compréhension globale de l'histoire un mécanisme est proposé par A. J. Greimas : le modèle fonctionnel, où il s'agit comparer la situation initiale (incipit) avec la situation finale (excipit) pour ensuite se demander sur les moyens de transformation. Le modèle peut être représenté de la manière suivante: SITUATION INITIALE ------> ÉPREUVES TRANSFORMATRICES <------- SITUATION FINALE II LE RÉCIT OU LA NARRATION Le récit ou la narration est la façon dont l'histoire est racontée, c'est-a-dire la manière dont les événements sont agencés. Prenons par exemple un accident de la route, celui-ci peut-être raconté par plusieurs personnes (l'histoire), mais aucune ne va le faire de la même manière (le récit). III LE TEMPS Tenant compte de la définition entre histoire et narration il se peut que dans un texte narratif l'histoire et la narration ne se déroulent pas toujours dans un ordre chronologique strict. L'auteur prend les faits (histoire), les organise (narration) comme bon lui semble et

Le texte narratif

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Le texte narratif

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Page 1: Le texte narratif

FRAN 4002

INTRODUCTION À LA LITTÉRATURE

LE TEXTE NARRATIF

Le mot texte vient du latin textus, qui signifie : trame, tissu. C'est bien comme un tissu où

s'entrecroisent plusieurs séries de fils (aspects : matériel, linguistique, sémantique,

symbolique…) que se présente un texte.

Narration signifie récit d'événements, réels ou fictifs, qui impliquent des faits, des

personnages, des lieux, un déroulement, un narrateur. La narration est rapportée par un

narrateur qui raconte une histoire dans un contexte spatio-temporel.

NOTIONS QUI PERMETTENT L'ANALYSE DU TEXTE NARRATIF

I LES ÉVÉNEMENTS OU L'HISTOIRE

L'histoire, c'est-à-dire la succession de faits, c'est ce qui est raconté. Ces faits ou

événements peuvent être classés de la manière suivante :

a. les événements principaux – ceux qui marquent le noyau de l'action.

b. les événements secondaires – ceux qui incident sur "les noyaux" et font

avancer, ralentir, compliquer une histoire voire créer du suspense ou l'intrigue.

c. les événements informants – ceux qui situent l'histoire dans le temps et dans

l'espace.

Pour la compréhension globale de l'histoire un mécanisme est proposé par A. J. Greimas :

le modèle fonctionnel, où il s'agit comparer la situation initiale (incipit) avec la situation

finale (excipit) pour ensuite se demander sur les moyens de transformation. Le modèle

peut être représenté de la manière suivante:

SITUATION INITIALE ------> ÉPREUVES TRANSFORMATRICES <------- SITUATION FINALE

II LE RÉCIT OU LA NARRATION

Le récit ou la narration est la façon dont l'histoire est racontée, c'est-a-dire la manière

dont les événements sont agencés. Prenons par exemple un accident de la route, celui-ci

peut-être raconté par plusieurs personnes (l'histoire), mais aucune ne va le faire de la

même manière (le récit).

III LE TEMPS

Tenant compte de la définition entre histoire et narration il se peut que dans un texte

narratif l'histoire et la narration ne se déroulent pas toujours dans un ordre chronologique

strict. L'auteur prend les faits (histoire), les organise (narration) comme bon lui semble et

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leur donne la durée qu'il lui plaît. Il y a donc le temps des faits (histoire) et le temps de la

narration.

Différents modes d'exprimer la notion du temps dans un texte narratif:

a. le temps synchronique – l'auteur choisit de respecter exactement l'ordre des

événements. Le temps est linéaire. C'est l'exemple d'un texte qui présente la

vie du héros depuis sa naissance jusqu'à sa mort ou un roman ou les saisons

marquent la progression temporelle. Dans ce mode d'exprimer le temps, il y a

en général, coïncidence entre l'histoire et le récit.

b. le temps anachronique – l'ordre des événements n'est pas respecté et dépend

de la fantaisie de l'auteur. Quelques fois le narrateur fait un brusque retour en

arrière (une analepse ou "flash back"). Parfois l'événement est projeté vers

l'avenir (une prolepse), d'autres fois le narrateur revient de manière réitérée à

un même événement pour recommencer son histoire (temps cyclique). Dans

ce mode d'exprimer le temps il n'y a pas de coïncidence entre "le temps de

l'histoire" et "le temps du récit."

Repérage des indices temporels.

Pour bien encrer l'histoire dans le temps, le lecteur devra être attentif à tous les indices

"temporels" (dates, saisons, moments de la journée, heures, périodes de vie ou

historiques, références symboliques : le dieu Cronos, la Genèse…) qui peuvent être

présentés de:

a. manière directe – C'était l'automne, les envasions de la deuxième guerre

avançaient, et un coucher de soleil illuminait à peine la ville de Paris .

b. manière indirecte – Les feuilles tombaient, l'année néfaste de 1942, à cette

heure où la lumière commence à faiblir sur la ville lumière.

Dans le cas de "b" ci-dessus le lecteur devra s'impliquer dans la reconstruction temporelle

du texte.

IV L’ESPACE

La notion d'espace en littérature ne peut pas se débarrasser de la notion de description.

Dans un espace des objets, des lieux, des personnes sont mis en place. Ces éléments sont

présentés selon une certaine organisation, selon un angle de vision, une hiérarchie

voulue. et un ton particulier. Il faut donc, être attentif à l'organisation des éléments, à

l'ordre selon lequel ils se présentent et au choix lexical qui nous renseignera sur le ton.

Différents modes d’exprimer la notion d’espace dans un texte narratif :

a. identification directe - l’espace est nommé explicitement: ex. “Charles est

sorti de la chambre de Marie”

b. identification indirecte - on nomme ou décrit un objet (le lit), une action (se

coucher), un personnage, qui appartient à l’espace construit:

L'espace peut être aussi exprimé (décrit ou représenté) en nous servant d'autres

considérations ou notions à savoir par:

- la condensation ou l'expansion

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- un trait rapide, brève ou la présentation détaillée

- une représentation graphique ou une métaphorique

- l'énumération, l’inventaire des objets

- la disposition des objets et des personnages

- le déplacement des objets et des personnages

Fonction des cadres spatiaux

1. Fonction de focalisation ou de caractérisation (l'espace en fonction de la

caractérisation: situer et caractériser des objets, personnages, événements):

a. fonction utilitaire (simple, le minimum nécessaire pour que l’action se déroule)

b. fonction symbolique redondante (renforcement par analogie des personnages

ou des actions)

c. fonction ironique (le cadre “choque” avec l’état d’âme du personnage et ses

actions ou avec l’ambiance qui domine)

d. fonction insignifiante (le cadre n’est que toile de fond; ne devrait pas signifier)

e. “contrées de la mémoire” (représenter le paysage intérieur des réminiscences)

f. fonction kaléidoscopique (se déplacer rapidement entre l’espace physique

extérieur et le monde intérieur de l’imagination)

2. fonction picturale, décorative, d’ambiance (faire voir et faire sentir)

3. fonction cinématographique (créer un effet cinématographique à travers une

adaptation verbale de certaines ressources cinématographiques: des jeux de lumières, des

changements de plans, des jeux avec la distance des objets, profondeur du champ, la

perception “en mouvement”, la vision panoramique, la vision microscopique (“zoom in”,

“close-up”, etc.)

4. fonction musicale (créer un rythme dans le récit: des pauses, du suspense, des

apertures, des modifications de ton, etc.)

5. fonction temporelle (marquer le passage du temps)

6. fonction de vraisemblance (motivation réaliste, “l’effet du réel”)

7. fonction structurale (élément majeur de l’exposition )

D’autres types d'espace (par extension métaphorique, figurée du concept d’espace

physique).

L’espace PSYCHOLOGIQUE (mental, des désirs, de l’inconscient, des réminiscences)

L’espace ONIRIQUE (des rêves)

L’espace SOCIAL (des normes, des conduites, des systèmes éthique, des codes)

L’espace HISTORIQUE (des événements enregistrés)

a. l’histoire des soi-disant GRANDS événements des collectivités [H]

b. l’histoire des PETITS événements quotidiens des individus ou collectivités [h]

L’espace IDEOLOGIQUE (des valeurs, des normes)

V LES PERSONNAGES

Les participants de l'action sont ordinairement les personnages du récit. Il s'agit très

souvent d'humains; mais une chose, un animal, ou une entité (la Justice, la Mort, etc.)

peuvent être personnifiés et considérés alors comme des personnages. Que leur référent

soit vrai ou fictif, les personnages ne sont dans un texte que des "êtres de papier". C'est-à-

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dire qu'ils sont définis par les indications que donne le texte à leur sujet. Celles-ci

concernent leur être (données psychologiques et sociales), mais aussi leur faire (des

comportements, des actes). La caractérisation des personnages est conformée donc, par

les traits de leur être et leur faire.

Types d’indicateurs textuels de caractérisation

La présentation des traits qui caractérisent un personnage peut être faite par:

a. définition directe - le trait est nommé directement, explicitement par des

noms, des adjectifs, des renseignements de type social, psychologique,

physique et autres.

b. définition indirecte- le trait n’est pas nommé: il est démontré, exemplifié. Le

lecteur doit inférer le trait par :

1. l'action – celle-ci peut être considérée comme un acte accompli, un acte

d’omission ou un acte en puissance. Ces actes peuvent être chargés d’une

dimension symbolique.

2. le discours – la façon dont le personnage s'exprime (de manière verbale ou

par une activité mentale) peut nous renseigner sur l’origine, l’habitat, la

classe sociale, la profession ou ses caractéristiques individuelles. Il faut

donc, tenir en compte aussi bien de la forme que du contenu du discours.

3. l'apparence extérieure - celle-ci est généralement chargée de traits

cependant il faut distinguer que certains traits externes sont en dehors du

contrôle du personnage tels que la hauteur, la couleur des yeux, la longueur

du nez… et d'autres dépendent partiellement du personnage : les coiffures,

les vêtements…

4.le contexte ou l'ambiance – les traits que l'on peut déceler dans cette

catégorie on les trouve dans deux types de contextes le physique (la maison,

la rue, le village…) et l'humain (la famille, la classe sociale).

RENFORT PAR ANALOGIE

1. Noms propres – Le nom même du personnage, par des effets visuels, acoustiques,

morphologiques, sémantiques ou par des allusions littéraires ou mythologiques, renforce

le(s) trait(s) définitoires du personnage. Ces effets peuvent être présentés par un rapport

de similarité ou par un rapport de contraste.

2. Paysage – Un certain paysage peut souligner, par analogie, un trait de caractère. Ce

rapport peut être montré de manière directe, fondé sur la similarité (un parage isolé en

hiver peut mettre en relief un état de dépression) ou de manière invertie fondé sur le

contraste (un paysage idyllique sert à présenter une profonde tristesse).

3. Personnages – Un ou plusieurs personnages sont présentés dans des circonstances

similaires et les similarités ou les contrastes entre eux soulignent des traits de

caractérisation de chacun.

VI VOIX NARRATIVE

Tout récit est rapporté par une voix appelée le narrateur.

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Typologies de voix narratives

1. le narrateur présent dans l'histoire (homodiégétique) – Le narrateur raconte à la

première personne, une histoire dans laquelle il intervient; il peut se manifester

comme un protagoniste ou comme un observateur de l'histoire.

2. le narrateur absent de l'histoire (hétérodiégétique) –Personne ne semble raconter

les actions , le récit semble objectif: pourtant il y a un organisateur secret qui

choisit tel ou tel ordre de narration. Parfois un détail révèle la présence discrète de

ce narrateur. En général la présence de ce narrateur "caché" se fait sentir par ses

commentaires sur la narration, par ses jugements ou interprétations de l'histoire ou

des généralisations.

Ex. "Mme. de Chartres…avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ;

mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté, elle

songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart

de mères s'imaginent [jugement du narrateur intercalé à l'histoire] qu'il

suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour

les en éloigner." La princesse de Clèves

MODES NARRATIFS/MODES DU DISCOURS

I LA NARRATION

Elle relate des actions, résume des paroles ou les rapporte au style direct. Les

verbes d'action y ont une part essentielle.

II LA DESCRIPTION

Elle renseigne sur les états, ainsi que sur les situations. Elle donne des indications

de forme, volume, contenu, composition, concernant des lieux et des objets. Elle

peut aussi donner des renseignements d'ordre psychologique et social sur des

personnages (il s'agit alors des portraits). La description fait usage surtout des

verbes d'état et des qualificatifs. En principe une description suspend le

déroulement du temps : elle donne à voir les lieux, objets ou personnages soit à un

instant précis, soit dans leurs qualités invariables. Il est fréquent qu'une

description contienne, au moins d'une façon implicite, un jugement sur ce qui est

décrit, ou des indices de l'état d'esprit de celui à travers le regard de qui elle est

faite.

III DIALOGUE ET MONOLOGUE

Ils reproduisent des paroles telles qu'elles ont été prononcées ou sont censées

avoir été prononcées; ils utilisent le discours direct et en portent les marques. Ce

sont des "discours" intégrés au récit. L'usage de la première et de la seconde

personnes pour désigner les interlocuteurs y est la règle. Lorsqu'il s'agit d'un

monologue intérieur, c'est-à-dire de parole non pas prononcés mais seulement

pensées par un personnage, il y a très souvent usage du style indirect libre.

Dialogues et monologues sont pour le récit des moyens de mimer la réalité (récit

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mimétique); ils sont souvent utilisés quand le texte donne à voir une "scène" et ils

sont donc le mode d'expression fondamental dans les textes de théâtre.

Style direct, indirect, indirecte libre

Le style direct est la reproduction des paroles telles qu'elles ont été

prononcées dans la réalité, ou sont censées l'avoir été dans une

fiction. Les paroles y sont parfois accompagnées d'indications de

tons, mimiques, attitudes…Typographiquement, il est signalé par

des guillemets (" ") et, le plus souvent introduit par un tiret.

Ex. Isabel a dit: "Je refuse de vivre dans ces conditions."

Le style indirect rapporte les paroles prononcées, mais en les

intégrant à un tour narratif : par ex. "Il dit qu'elle pouvait…"

Ex. Isabel a dit qu'elle refusait de vivre dans ces conditions.

Le style indirect libre rapporte des paroles ou des pensées comme

le style indirect, mais sans faire intervenir un verbe introductif .

Ex. Isabel n'allait pas continuer à vivre dans ces conditions.