Au Nom d’Allah, le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux

On peut comprendre dans le Coran que la Parole divine et l’eau sont symboliquement liées.

La Parole semble être pour l'homme l'équivalent de l'eau de pluie pour la terre ; ou plutôt la pluie semble être le signe extérieur, le témoin, le reflet dans le monde matériel de la façon dont la Parole parvient à l’homme. Dans le Coran, l’eau est plusieurs fois comparée directement à Parole, à la Vérité divine.

« Si tous les arbres de la Terre étaient des calames et si la Mer, et sept autres Mers avec elle leur fournissaient de l’encre, les Paroles de Dieu ne l’épuiseraient pas. Dieu est puissant et sage. » (31 : 27)

« Il a fait descendre une eau du ciel à laquelle des vallées servent de lit, selon leur grandeur. Le flot débordé a charrié une écume flottante ; et semblable à celle-ci est l’écume provenant de ce qu’on porte à fusion, dans le feu pour des bijoux et des ustensiles. Ainsi Allah représente en parabole la Vérité et le Faux : l’écume s’en va au rebut tandis que l’eau et les objets utiles aux Hommes demeurent sur la terre. Ainsi Allah propose des paraboles.  » (13 : 17)

« A lui l’appel de la Vérité ! Ceux qu’ils invoquent en dehors de Lui ne leur répondent d’aucune façon ; semblables à celui qui étend ses deux mains vers l’eau pour la porter à sa bouche ; mais qui ne parvient jamais à l’atteindre. L’invocation des incrédules n’est que vanité. » (13 : 14)

De nombreuses fois, on lit qu’Allah fait descendre du ciel l’eau qui redonne vie à la terre. On lit souvent aussi que l’homme a été créé de terre…

« Du mort, Il fait sortir le vivant, et du vivant, Il fait sortir le mort. Et Il redonne la vie à la terre après sa mort. Et c'est ainsi que l'on vous fera sortir (à la résurrection).Parmi Ses signes : Il vous a créés de terre, - puis, vous voilà des hommes qui se dispersent [dans le monde]. » (30 : 19-20)

« Et parmi Ses signes Il vous montre l’éclair avec crainte (de la foudre) et espoir (de la pluie) et fait descendre du ciel une eau avec laquelle Il redonne la vie à la terre après sa mort. Il y a en cela des preuves pour des gens qui raisonnent. » (30 : 24)

On comprend à partir de ces versets que l’eau et la terre sont des paraboles, visant à montrer comment la Parole de Dieu vient aux hommes et l’effet qu’Elle produit chez eux. La terre représente l’homme qui reçoit la Parole. La Parole revivifie l’homme, elle lui donne une nouvelle vie. Elle rafraîchit le cœur comme l'eau rafraîchit le corps, comme la pluie rafraîchit la terre. Un des six piliers de la foi, selon la Parole, consiste à s’attendre à l'arrivée de l'Heure, après laquelle les hommes seront ressuscités pour mener une seconde vie, éternelle. Cette croyance invite à mener sa vie actuelle, éphémère, en conséquence. Une vie forcément différente de celle menée par les hommes qui ne croient pas en cette Parole ni en cette vie après la mort. 

La Parole redonne donc vie à l'homme, non seulement parce qu'elle lui apprend qu'il y a une autre vie après la mort mais aussi parce que la conscience même de cette autre vie fait mener à l'homme une nouvelle vie, différente de la vie qu'il menait avant de connaître et d’accepter cette Parole. La mort doit donc être comprise à la fois dans son sens réel, physique et dans son sens symbolique, comme le moment de transition entre une vie sans Parole et une vie irriguée par la Parole, deux vies radicalement différentes, par les actes qu'elles comprennent comme par les intentions qui animent ces actes. Ce constat permet de distinguer deux vies menées successivement, au cours d’une même vie biologique, par l'homme qui reçoit la Parole. Dans le Coran, la seconde vie est symbolisée par la végétation, et particulièrement par les jardins qui donnent des fruits de toutes sortes.

« Et sur la terre il y a des parcelles voisines les unes des autres, des jardins (plantés) de vignes, et des céréales et des palmiers, en touffes ou espacés, arrosés de la même eau, cependant Nous rendons supérieurs les uns aux autres quant au goût. Voilà bien là des preuves pour des gens qui raisonnent. » (13 : 4).

La Parole d’Allah conditionne les paroles des hommes. Ceux qui accueillent et méditent la Parole prononcent de belles paroles, tandis que ceux qui négligent la Parole prononcent de mauvaises paroles. D’où la comparaison entre les paroles des hommes et des arbres.

« N'as-tu pas vu comment Allah propose en parabole une bonne parole pareille à un bel arbre dont la racine est ferme et la ramure s'élançant dans le ciel ? Il donne à tout instant ses fruits, par la grâce de son Seigneur. Allah propose ses paraboles à l'intention des gens afin qu'ils s'exhortent. Et une mauvaise parole est pareille à un mauvais arbre, déraciné de la surface de la terre et qui n'a point de stabilité. Allah affermit les croyants par une parole ferme, dans la vie présente et dans l'au-delà. Tandis qu'Il égare les injustes. Et Allah fait ce qu'Il veut. » (14 : 24-27).

L'analogie entre la pluie et la Parole est d'autant plus claire quand on observe la façon dont elles parviennent à la terre et à l’homme. La Parole arrive dans le cœur de l'homme de façon aussi rapide et imprévue que la pluie sur la terre. Comme la pluie avec les différentes contrées, la Parole ne tombe pas en même proportion sur tous les cœurs. Certains sont inondés quand certains sont desséchés.

« Il a fait descendre une eau du ciel à laquelle des vallées servent de lit, selon leur grandeur. » (13 : 17).

Et de la même façon que la pluie tombe sur tous les hommes mais que tous les hommes n’aiment pas la pluie, tous n’en mesurent pas l’importance, la Parole est donnée à tous les hommes mais tous ne La reconnaissent pas. La Parole n'est pas toujours aussi vive dans le cœur d'un homme selon les moments de la journée ou de la vie, la pluie ne tombe pas toujours avec la même intensité.

« Ô les croyants ! N’annulez pas vos aumônes par un rappel ou un tort, comme celui qui dépense son bien par ostentation devant les gens sans croire en Allah et au Jour dernier. Il ressemble à un rocher recouvert de terre : qu’une averse l’atteigne, elle le laisse dénué. De

pareils hommes ne tirent aucun profit de leurs actes. Et Allah ne guide pas les gens mécréants. Et ceux qui dépensent leurs biens cherchant l’agrément d’Allah, et bien rassurés (de Sa récompense), ils ressemblent à un jardin sur une colline. Qu’une averse l’atteigne, il double ses fruits ; à défaut d’une averse qui l’atteint, c’est la rosée. Et Allah voit parfaitement ce que vous faites. L’un de vous aimerait-il avoir un jardin de dattiers et de vignes sous lequel coulent les ruisseaux, et qui lui donne toutes espèces de fruits, que la vieillesse le rattrape, tandis que ses enfants sont encore petits, et qu’un tourbillon contenant du feu s’abatte sur son jardin et le brûle ? Ainsi Allah vous explique les signes afin que vous méditiez ! » (2 : 264-266).

L’homme qui veut montrer à tout le monde qu’il connaît la Parole est comparé à un peu de terre sur un rocher, tandis que celui qui porte la Parole uniquement pour et face à Allah est comparé à une colline, c’est-à-dire à un monticule de terre au sommet duquel un jardin peut être cultivé. La quantité de terre nécessaire pour recevoir l’eau, en être fertilisée et donner des fruits, est donc aussi plus ou moins importante selon les hommes. Un jardin régulièrement arrosé verra couler des ruisseaux sous la terre, tout comme au Paradis.

« Voilà ceux qui auront les jardins du séjour (éternel) sous lesquels coulent les ruisseaux. » (18 : 31).

D’ailleurs, de la même façon que les jardins sous lesquels coulent les ruisseaux attendent les bienfaisants au Paradis, c’est également une eau, mais mêlée au feu qui abreuvera les hôtes de l’Enfer :

« Et dis : "La vérité émane de votre Seigneur". Quiconque le veut, qu'il croit, et quiconque le veut qu'il mécroie". Nous avons préparé pour les injustes un Feu dont les flammes les cernent. Et s'ils implorent à boire on les abreuvera d'une eau comme du métal fondu brûlant les visages. Quelle mauvaise boisson et quelle détestable demeure ! » (18 : 29)

En effet, la mise en culture d’un jardin ne garantit pas la permanence de ce jardin. Il faut bien prendre garde à ne pas laisser entrer un tourbillon de feu (sous-entendues de mauvaises paroles ou actions) qui pourrait brûler le jardin : ceux qui oublient de se mettre sous la protection constante d’Allah voient leur jardin détruit :

« Et sa récolte fut détruite et il se mit alors à se tordre les deux mains à cause de ce qu’il y avait dépensé, cependant que ses treilles étaient complètement ravagées. Et il disait : « Que je souhaite n’avoir associé personne à mon Seigneur ! ». (18 : 42)

En réalité, le plus grand danger est de ne considérer le monde que sous son aspect ici-bas. Le monde ici-bas est bien réel mais si on le considère en oubliant le monde de l’au-delà, on risque comme l’homme du verset précédent de s’approprier ce qu’on ne possède pas et de ne rien pouvoir faire lorsque cela nous échappe. Il faut bien voir la Parole dans sa double dimension : sa manifestation apparente ici-bas et sa manifestation voilée dans l’au-delà.

« Et propose-leur l’exemple de la vie ici-bas. Elle est semblable à une eau que Nous faisons descendre du ciel ; la végétation de la terre se mélange à elle. Puis elle devient de l’herbe

desséchée que les vents dispersent. Allah est certes Puissant en toutes choses ! » (18 :45)

Autant la Parole est-elle comparée à l’eau, autant l’oubli de cette Parole par l’homme est comparé à l’évaporation de l’eau. Allah fait certes descendre Sa Parole à tous les hommes mais cette Parole ne reste que chez les hommes qui en prennent soin et qui se La rappellent.

« Glorifie le nom de ton Seigneur, le Très Haut, Celui Qui a créé et agencé harmonieusement, qui a décrété et guidé et qui a fait pousser le pâturage, et en a fait ensuite un foin sombre. Nous te ferons réciter (le Coran), de sorte que tu n’oublieras que ce qu’Allah veut. Car Il connaît ce qui paraît au grand jour ainsi que ce qui est caché. Nous te mettrons sur la voie la plus facile. Rappelle, donc, où le Rappel doit être utile. » (87 : 1-7).

Ce verset montre une nouvelle fois que si l’homme ne prend pas soin de la Parole, ne la médite pas, ses actes se dessècheront tout comme la végétation qu’on n’arrose pas. Le Rappel de la Parole doit donc constamment irriguer les facultés de l’homme desquelles la Parole s’est évaporée à force d’être oubliée. Dès lors, de la même façon qu’un paysan doit irriguer tout son champ, l’homme doit veiller à ce que toutes ses facultés aient bien été averties de la voie à suivre. Plus la Parole sera accueillie par l’homme, plus elle aura de conséquences et plus nombreux et précis seront ses effets :

« Et c’est Lui qui, du ciel, a fait descendre l’eau. Puis par elle, Nous fîmes germer toute plante, de quoi Nous fîmes sortir une verdure, d’où Nous produisîmes des grains, superposés les uns sur les autres ; et du palmier, de sa spathe, des régimes de dattes qui se tendent. Et aussi les jardins de raisins, l’olive et la grenade, semblables ou différents les uns des autres. Regardez leurs fruits au moment de leur production et de leur mûrissement. Voilà bien là des signes pour ceux qui ont la foi. » (6 : 99).

Mais le fait que ce soit Allah qui fasse oublier ce qu’Il veut à l’homme nous montre que l’homme qui se rappelle la Parole ne le fait que parce qu’Allah l’a décidé. Et de la même façon que qu’il ne faut pas que le croyant s’approprie ses actes ici-bas car ils ne sont que des reflets apparents d’un monde caché qui lui échappe, celui qui pêche n’est responsable de ses actes qu’ici-bas et ne maîtrise en rien sa vie après la mort, celui qui oublie la Parole ou refuse de la considérer n’est également qu’à moitié responsable de son sort. Le monde existe constamment sous son double aspect, visible et invisible. Le visible est constamment présent aux yeux de l’homme tandis que l’invisible est tantôt dévoilé aux croyants tantôt masqué aux croyants et aux autres. Se rappeler la Parole revient en fait à prendre constamment conscience de sa soumission à Allah et à accepter cette situation. Cette prise de conscience est elle-même une forme de soumission, puisque nul ne choisit complètement d’être guidé.

« Allah égare qui Il veut et guide qui Il veut. » (14 : 4).

Dieu décide de tout, y compris des moments où Il laisse l'homme libre de reconnaître que c'est bien Lui qui décide ou de croire qu'il décide lui-même. Tout est déjà programmé, mais tout n'est pas toujours dévoilé aux hommes. En réalité, plus on fait confiance à Dieu, plus on témoigne de Sa puissance et plus Il dévoile à l’homme Sa

Réalité. Cette Réalité qui compose l’homme tout comme Elle compose toute la Création, cette eau qui donne et redonne la vie, cet océan existe donc à la fois à la surface de la Terre et en l’homme.

Cette parabole de l’eau, tout comme l’image de l’océan chère aux soufis, est d’autant plus éclairante quand on sait que le corps humain est composé d’eau à plus de 60%…