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HUBERTINE AUCLERT LEB FEMMES ARABES IN ALGÉRIE •'>';>,M -y / Polygamie Le Goût de l'adultère Dorée de la gestation chez les Musulmanes Féministes au 13" siècle la prostitution est un saoerdooe Les Arabes sans représentant au Parlement PARIS SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS LITTÉRAIRES 4, RUE ANTOINE-DUBOIS, 4 PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MI-D€CINE I9OO

LEB FEMMES ARABES...absolument dissemblables, ils diffèrent mo-ralementet physiquement. L'autorité,suivant LES FEMMES ARABES 9 qu'elleest de bonne ou de méchante humour, tient ou

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HUBERTINE AUCLERT

LEBFEMMES ARABES

IN ALGÉRIE

•'>';>,M-y / PolygamieLe Goût de l'adultère

Dorée de la gestation chez les MusulmanesFéministes au 13" siècle

Où la prostitution est un saoerdooeLes Arabes sans représentant au Parlement

PARISSOCIÉTÉ D'ÉDITIONS LITTÉRAIRES

4, RUE ANTOINE-DUBOIS, 4PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MI-D€CINE

I9OO

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LES FEMMES ARABES

La Francisation et les Femmes

Le patriotisme et l'amour do la libertéInspirent le respect de la patrie et dola liberté des autres.

Quand on aborde à ce paradis terrestre,Alger (en descendant du bateau où tantd'honnêtes gens parlaient du moyen licited'acquérir cent hectares de terre en prêtant àl'Arabe, qui les possède, vingt-cinq louis), cequi frappe immédiatement, c'est de voir dansla lumière éclatante, sous le ciel si bleu, surle pavé étincelant comme de l'acier, dechoquants paquets de linge sale.

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X LES FEMMES ARABES

Ces paquets so meuvent, ils s'avancent ;alors, on distingue qu'ils sont portés par despieds poussiéreux et dominés par une têtetellement parcheminée, décrépite, ravinée,hachée* que ce n'est plus une figure humaine ;

c'est la statue de la souffrance, personnifiantune race torturée par la Mm.

Ces créatures sans âge ni sexe, qui heurtentet détonnent dans ce cadre féerique, avec leurshaillons autrefois blancs, ne sont point desvieillardes, elles viennent d'être maman. Unadorablepoupon est sur leur croupe, entortillédans un pan de haick.

Femmes d'expropriés, bouches affamées detrop dans leur tribu, elles vaguent, pauvresfemelles, repoussées de partout, traquéesbrutalisées, insultées dans toutes les langues,

par toutes les races qui se sont installées surle territoire de leurs pères.

Quand, exténuées, elles veulent faire halte,s'accroupir pour donner le sein a leur enfant,il se trouve toujours quelqu'un pour leur direqu'elles salissent la terre etpqùr les bousculer,

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LES FEMMES A1UHES 8

on criant que leurs poux gônont la circu-lation.

Mais la faim parfois a tari le soin dos mères ;

alors, de crainte que les bébés, à forco dojeûner, ne deviennent clans leurs bras doscadavres, ces femmes héroïques leur donnentà sucer du sang qu'elles font jaillir de leursveines!....

En Algérie, il n'y a qu'une toute petiteélite de Français qui classe dans l'humanitéla race arabe.

Pour les étrangers, les fonctionnaires, lesisraélites, les colons, les trafiquants, l'Arabe,moins considéré que ses moutons, est faitpour être écrasé. Le refouler dans lo désortpour s'emparer de ce qu'on nelui a pas encorepris, tel est le rêve. \

L'Algérien, qui a déclaré que le fanatismerendait les Arabes incivilisables, s'obstine àne rien tenter pour les tirer de l'ignorance, sifavorable à l'exploitation et à la domination.Il emploie pour son usage l'argent prolevé sur

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4 LES .JWMMES A1UDES

eux; aussi, les indigènes disent: — « On aorganisé entro los Européens et nous, sousprétexte do solidarité, un ingénieux systèmede bourse commune, où notre main a pourfonction unique, de verser sans relâche et laleur do puiser,librement ».

Quand on a assez regardé les moukères,vrais squelettes vivants, en pensant que l'écrinest trop splendide pour contenir d'aussi affreuxbijoux, le cicéronequi vous devine dit finement :

— «41 y en a de belles ! » et son doigt levéindique, au haut de l'amphithéâtre algérien,

un empilement de gros morceaux de sucre,bizarrement dégringolés. Ce sont des maisonsà terrasses de neige et à volets multicolores.Si curieusement on l'interroge sur ce spectaclede blancheurs estampées d'indigo, il répond

en clignant de l'oeil et en souriant malicieuse-ment : « C'est, la Casbah !»

Ce quartier arabe, qui a pris le nom del'ancienne citadelle, évoque avec un monde devisions paradisiaques, des pensées folâtres ;

car s'il renferme des maisons hospitalières, il

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LES FEMMES AiUIlES 5

recèlo aussi la musulmane tonuo sous' clof

par l'arabe jaloux.Co vieux coin, moins sûr, dit le conseiller

Ben-Larbeij que la forêt do Ynkouren, ost unombrouillement do ruelles, d'impasses onescaliers, que les maisons, on so penchant les

unes vers los autres, rendent sombres commodes tunels. On voit parfois, â une clarté, unhomme baignant dans son sang, une femmopoignardée et toujours une porte entro-bâilléo,laissant apercevoir l'intérieur d'azur d'unemaison équivoque.

L'insécurité fait fuir les Maures aisés et lesimmeubles, dont les colloctionnours disputentà l'Etat los vieilles ferrures et les faïencesanciennes, se louont difficilement.

Toutes les races qui peuplent l'Afrique semeuvent à la Casbah. Le curioux, c'est quechacun vit là sans souci do son voisin et quetous conservent, avec leur costume, leurshabitudes et leurs moeurs.

L'indépendance do caractère dont les afri-cains font preuve en agissant ainsi, peut servir

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8 LES FEMMES AlUBES

do leçon aux peuples civilisés qui attachenttant d'importance a l'opinion de leurs sem-blables.

On ne voit partoutque des hommes circuler,vendre, acheter, travailler ; le seuil des portes,los marches des escaliers, oreillers naturelsdes yaouleds (petits garçons), servont auxdévidours de soie et aux brodeurs de cuir,d'ateliers.

Co quartier, qui a comme les villes arabesdo l'intérieur, l'aspect d'un monastère d'hom-

mes, a aussi celui d'un bateau de fleurs. Lesrelations dos sexes y sont sans mystère ; nonseulement,'los Oulad-Naïls, étendues sur descoussins, parées et couvertes de bijoux,s'offrent à l'adoration des passants comme lesmadones sur les autels ; mais il n'est pas rarede voir des couples se sourire, s'embrasser,s'enlacer, s'étreindre, se culbuter sur le pavéet sans souci des passants, comme s'ils étaientcachés par une dune dans un replis du désert,s'abandonner en pleine voie publique, auxtransports de l'amour I.......

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LES FEMMES ARAI1ES * 7

Los Arabes à haute staturo, sorte de sphinxdrapés quo l'on rencontre dans les ruos tor-tueuses do la Casbah, no ressemblent en rien

aux kabyles à la tunique tissée do laines d'écla-tantes couleurs, qui crient a cinquante pasd'eux: « Carbone! Carbone !• des eifs « m'o-dam ! des aranges » fines ! fines ! ».

Typo différent encore, le restaurateurauquel le client achète du dehors dos paquetsde sardines, des gâteaux au miel, au vermi-celle, des quartiers de radis vinaigrés, dospiments frits, des oeufs rouges et enfin lesfameuses brochettes do bouchées do viande,do foie, de rognons. La loubia pimentée et lokouscous.

Chacun de ces plats coûte un sou, l'eaulimpide que les arabes boivent au broc à tourde rôlo et les Européens dans des verres, estdonnêo pour rien.

La diversité des races et des types s'accusesurtout dans les cafés maures, où les arabesde toutes régions et do toutes conditions sedonnent rendez-vous. Le café maure est une

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grande salle sans fenêtres qui a pour meublesdes nattos, quelques bancs, le fourneau defaïence sur lequel se prépare le kahoua (café)et l'étagère où sont rangées les tasses minus?cules, la boîte au sucre et la boîte au mokaembaumant.

Tout ce qu'il y a de curieux dans le mondearabe se montre dans le café maure ; on peuty rencontrer aussi bien un lion apprivoisé,

que des aïssaouas avalant des sabres et descharbons ardents. A certains jours de fête,des Oulad-Naïls viennent y danser. Les fous,qualifiés do saints par les indigènes, y sontbien accueillis et les devineresses qui prédi-sent l'avenir y sont fêtées et très écoutées.

En buvant la tasse de ÏÏahoua d'un sou, onjoue, on joue parfois jusqu'à ses femmes !...et l'on se raconte les méfaits des vain-

queurs...Ces hommes que la passion du jeu et l'im-

patience du joug rassemble, sont souventabsolument dissemblables, ils diffèrent mo-ralementet physiquement. L'autorité, suivant

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qu'elle est de bonne ou de méchante humour,tient ou ne tient point compte, au point do

vue juridique, de leurs moeurs et do leurs cou-tumes; au point de vue administratif eh blocelle les annihile, elle en fait des moutons afinde leur prendre plus facilement leur toison.

Les Arabes qui forment presque la totalitédes habitants du pays — ils sont trois mil-lions sept cent cinquante mille sur quatremillions quatre cent trois mille habitants dont

se compose la population do l'Algérie — nesont pas, otfne sont que dérisoiromont repré-sentés, dans los assemblées qui ont pour butdo s'occuper des intérêts do l'Algérie.

En commune do plein exercice, les indigènesnomment des conseillers do leur race dont lenombre no peut dépasser le quart dos Françaisélus. Naturellement la majorité européennese coalise contre la minorité africaine

Cos parias, conseillers do parias, n'ont ledroit d'élire ni le maire, ni los adjoints. Inu»tilo do dire qu'ils ne peuvent défendre avecprofit los intérêts de leurs mandants ; aussi no

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cessent-ils de réclamer contre l'injustice desvainqueurs.

Voici à titre de curiosité une de leurs pro-testations

:

> Messieurs*

« Le peuple corse, -qui vous a donné tantd'illustrations, a combattu la France pendantsix siècles. Vous n'ignorez pas que ce peuple

a du sang arabe ?

« La France a mis soixante ans à faire la con-quête définitive del'Algérie. PendantCetemps,nous vous avons combattus, comme il appar-tient à tout patriote de .défendre son sol.Mais, maintenant que les combats ont ceèsêentre nous, nous reconnaissons que Dieu,maître des destinées des peuples, vous adonné l'Algérie et nous nous inclinons avecle plus profond respect devant cette décisiondivine.

« Nous acceptons votre domination, etcette acceptation nous oblige à marcher avecvous. Vous êtes le corps d'armée ; nous som*

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mes J'arrière-garde, partageant votre sort,heureux, si vous êtes victorieux, malheureux*si vous succombez. ;

« Vous êtes nos aînés de six siècles. Cettoqualité vous impose l'obligation de nousdonner des exemples de morale et de justice.

«Nous accepterons avec reconnaissancetoutes les leçons que vous nous donnerez,

pour pouvoir marcher de concert avec vous àla prospérité des peuples français et musul-

man, entre lesquels il ne doit plus y avoir demotifs de discorde. Qui dit français doit pou-voir dire arabe, et qui dit arabe doit pouvoirdire français.

,

« Nous avons, en 1884, protesté contrel'injuste restriction des droits que là loi nousavait précédemment accordés et qui consis-taient à participer à l'élection de la municipa-lité et des délégués sénatoriaux.

« Y a-t-il danger à ce que nous prenionspart à l'élection du maire et des adjoints ?

A mon avis, il n'en existe ni pour cette élec-tion, ni pour celle des délégués sénatoriaux.

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Ce danger ne peut exister que dans l'esprit'de ceux qui ont intérêt à semer et sèmeronttoujours la division entre Français et musul-

mans*« C'est contre cet esprit déloyal et dange-

reux que nous devons nous unir, messieurs,dans un commun effort. En France on com-mence à comprendre le parti puissant qu'onpeut tirer de l'union des deux peuples ; j'ai laconviction que nous marcherons tous dans cesens et que vous approuverez ma motion.

« ALI BEN OMAR BOURMADY. »

Le docteur Ben Larbey, conseiller générald'Alger, trouve que la représentation indi-gène est vraiment trop infime ; il voudrait queles arabes prennent part aux différents votespolitiques— législatifs, sénatoriaux — etqu'une délégation musulmane soit envoyée àParis près du gouvernement do la République.«On n'aura, dit-il» les arabes que par lesarabes! »

Dans les communes mixtes, les Arabes font

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en bien plus grand nombre que les Françaispartie de la commission municipale ; seule-ment, au lieu d'être nommés a l'élection

comme les Français, ils sont nommés parl'administrateur.

Ce ne sont donc pas des défenseurs deshabitants des douars qu'ils représentent. Cesont simplement des moutons qui, par leurnombre, assurent l'autorité de l'administra-teur a la commission municipale. Le burnousrouge qui les enveloppe est paraît-il plus sou-vent attribué à celui qui le paie, qu'à celui quiserait en droit de le porter.

Six Arabes, sous le nom d'assesseurs musul-

mans, siègent et délibèrent au Conseil générald'Alger, d'Oran et de Constantine. Ces asses-seurs au lieu d'être élus par les indigènes, nosont que nommés par le gouverneur général ;

aussi, ils représentent beaucoup moins leurscoreligionnaires, que les intérêts et los capri-

ces des gouverneurs, qui los ont introduitsdans los assemblées départementales.

En la Chambre des délégations financières

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qui examine le budget et. s'occupe de toutesles affaires do l'Algérie, les colons et les Algé-riens, qui sont 384.000, ont 48 délégués. LesArabes, qui sont 3.750,000, n'ont que 9 délé-gués pour les territoires civils, 6 pour les ter-ritoires de commandement, 6 pour les paysKabyles. En tout 21 délégués seulement.Mais cette minorité infime permettra auxspoliés de prendre position dans l'administra-tion de leur pays.

Au Conseil supérieur, composé de 63 mem-bres, siègent trois musulmans appartenantaux délégations financières et trois notablesindigènes nommés par le gouverneur,

Tout le monde sait que les indigènes nosont pas représentés au Parlement. Cependantl'intérêt que les candidats ont à augmenteravec lo nombre des électeurs, celui des siègeslégislatifs, a depuis longtemps fait proposerde leur conférer les droits civiques.

Ce sont des députés élus en France quiproposent d'accorder aux Arabes les droitsde citoyens français; d'aucuns, disent qu'au

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lieu de rapporter le décret Grémieux il fautappeler les indigènes à exercer leurs droitspolitiques et à l'aide de'leur influence, con-trebalancer l'excès d'influence juive.

Cette solution mettrait fin aux troubles donotre belle colonie ; car, en réalité qui est-cequi cause les querelles entre naturalisés etIsraélites?

— C'est cette proie, l'arabe dont on se dis-pute l'exploitation. Si l'on faisait l'arabe égalde ses spoliateurs algériens et juifs, immé-diatement ceux-ci cesseraient do se combattre.

Les naturalisés et les fonctionnaires, dontles juifs plaçaient l'argent à gros intérêt,s'étant assimilé leur méthode, n'ont mainte-nant plus besoin d'intermédiaires et vou-draient seuls empocher les gains usurairos enAlgérie.

Le plus grand péril pour la colonie, cstlopéril étranger. Los étrangers sont en Algérieplus maîtres que les Français. Ils accaparentle travail, les emplois et en raison de leurquantité, ils gouvernent le pays.

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Puisqu'on vertu de leur supériorité numé-rique les naturalisés administrent la colonie,pourquoi les arabes qui représentent par leurnombre le dixième des habitants de la Francen'auraient-ils pas leur place au Parle-ment ?

Les arabes ont en Algérie plus que per-sonne des intérêts à sauvegarder ; ils devraientavoir au moins voix au chapitre, quand ils'agit de décider do ce qui a trait à leur pays.Or, ils n'ont pas de mandataires à laChambre.

Leur exclusion politique on les rabaissantsocialement, les écrase économiquement.Parce qu'ils no votent pas, les arabes no peu-vent manger, leur travail étant, on raison deleur condition abjecto déprécié, non rétribuéà sa valeur.

Pendant qu'ils no voteront pas, personnene remarquera ni la vive intelligence, ni lagrandeur do caractère, qui feront des arabesfrancisés une élite on l'humanité.

Pour pouvoir exister individuellement et

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collectivement, pour être à même de défendreleur personne et leurs biens, il est indispen-sable quo les indigènes d'Algérie soient armésdu bulletin de vote.

L'arabe mérito-t-il d'être francisé ?

En les convulsions algériennes, les Arabesseuls ont gardé leur sang-froid. Ils ont trèsdignement refusé do se solidariser avec lessémites ou les antisémites. La Franco a donc

en eux de loyaux auxiliaires, des instrumentsde pacification auxquels il est urgent do don-ner le droit de la servir.

Le tact, la haute raison se rencontrentcommunément chez les indigènes.

On est parfois surpris, saisi d'admiration,on entendant la sagesse parler par la bouchedu majestueux peuple arabe. Si on le juge

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d'après sa miniature, l'enfant, on ne peut, envoyant les jeunes indigènes si intelligents, siespiègles, qui font comme la mer, les fleurs,la verdure éternelle, partie du décor algérien,dire qu'il est de race inférieure.

Quels enfants européens, sauraient commeles jeunes arabes se tirer tout petits eux-mê-

mes d'affaire ? Dès qu'ils peuvent marcher etbégayer, ces. beaux enfants aux grands yeuxvolontés vous suivent pieds nus, ils courentsur vos talons en vous demandant à porter...môme le journal que vous avez à la main. Ussont parfois si petits et si mignons, que l'on ala tentation do les soulever do terre et de losporter, ces obstinés porteurs, un bout dochemin.

Dans les rues d'Alger, souvent il faut bous-culer et pour pouvoir passer, marcher presquosur une nuée de petits commissionnaires,petits ciris de trois à dix ans, qui jouent

comme des enfants, quand ils ne cirent, ni noportent, comme dos hommes.

Ces oisillons arabes s'abattent on bande

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autour do l'Européen dont ils se disputent lesourire et les sous. Quand l'Européen marcheils lui cornent aux oreilles : « Porter m'siou ! »Dès qu'il est assis, ils s'emparent de chacunde ses pieds et font reluire ses souliers.L'opération terminée, le ciri demande sonsalaire, deux sous, en frappant ses brossesl'une contre l'autre ; puis, il court à la recher-che de nouveaux clients.

L'Impôt

Sur les Yaouleçls (Petits garçons)

La courroie de leur boîte à cirer passée on<

sautoir, ces yaouleds sont si industrieux, siingénieux, que le conseil municipal d'Alger aférocement arraché do leurs bouches enfan-tines, une miette de pain gagnée, en leurimposant une contribution de soixante-quinze

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centimes par mois. Cette taxe doit être payéed'avance. Quand elle n'est pas versée le 7 dumois, los pauvres petits sont battus et assu-jettis à une amende qui peut être de deuxfrancs ? *

Los édiles algériens n'auraient-ils pas mieuxfait d'imposer los cerceaux et les billes desriches enfants étrangers, plutôt que de mettreune taxe sur le couffin et la boîte à cirer despetits arabes et des petits juifs ?

.Ce n'était point une contribution qu'il

fallait exiger do cette marmaillo obligeante etencombrante, mais quolquos heures d'école.

L'arabe veut-il être assimilé ?

*Aucun vainqueur, parmi les plus civilisés,

n'a encore interrogé ceux qu'il a assujettis surleurs intentions ou leurs aspirations.

Los sénateurs et députés qui, sous prétexte

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d'enquêter, vont aux frais des contribuablesvisiter notre belle colonie, en reviennent lalangue faite par ses exploiteurs i les vautoursalgériens et les criquets de l'administration.Pour des élus, les non-votants sont nécessai-rement toujours des boucs émissaires et loslégislateurs livrent aux électeurs spoliatoursla proie arabe.

Quand les politiciens veulent pressentir lesindigènes relativement à l'assimilation, à l'ins-truction et aux affaires d'Algérie, savez-vousce qu'ils font pour pénétrer los secrets désirsdes masses indigènes ?

— Ils interrogent leurs chefs ! Pendant unediffa, ils demandent à l'amphitryon : Etes-

vous content des écoles primaires ?

—>Elles no servent, affirme celui-ci, qu'à

encanailler les fellahs. Ce sont do bonnesmédersas (écoles supérieures) où nos filsapprendraient à maintenir les traditions aris-tocratiques de notre race qu'il faudrait, Mes-sieurs les députés.

Les enquêteurs oubliant que le maréchal

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Bujeaud (1) a dit que la civilisation do l'Al-gérie viendrait plutôt du dessous quo dudessus, promettent d'employer les fonds votés

pour créer des écoles primaires, à réorganiserles môdersas.

Vos tribus interrogent-ils ensuite, veulent-elles être assimilées ?

— Non, non, répondent en choeur lesCheihs /,., Et les législateurs repartent éclai-rés !

Il n'est venu jusqu'ici à aucun de noshommes politiques, cette pensée simple qu'eûteue d'abord toute femme. C'est que les inté-rêts du peuple arabe et de ses chefs étaientdiamétralement opposés et que, si ceux-cirefusaient l'assimilation, il y avait lieu decroire que ceux-là l'accepteraient avec joie.

Le peuple arabe a en effet tout à gagner àdevenir français ; ses maîtres, eux, ont àperdre en même temps que leurs privilèges,leur meilleure source de revenus.V Car, les chefs collecteurs n'ont pas seule-

(i) Appelé par* les'Arabes Bouchiba (père la blancheur).

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mont l'honneur de porter lo bâton surmontéd'uno pièce do cinq francs, ils ont droit audixième des impôts qu'ils prélèvent. Surun seul des impôts arabes, ils touchent1.297.600 francs.

Et ces sortes de trésoriers généraux renon-ceraient aux rentes qu'ils se font pour entrerdans les vues de la masse arabe déshéritée ?

— Personne ne le croira !

Les élus sont inaptes à enquêter en Algérie,

car, ils sont incapables d'entendre par leursoreilles, de regarder par leurs yeux et de tenircompte des desiderata des non-votants qui

pour eux ne comptent pas.Il n'y a que les femmes qui soient en état

d'enquêter en Algérie, parce qu'étant dans lasituation des Arabes, comme eux hors ledroit, elles no peuvent leur faire un reprochede leur exclusion politique.

Des femmes enquêteuses songeraient àprendre l'avis du peuple arabe avant de con-sulter les présidents de douars. Elles interro-geraient les êtres qui chez lo3 conquis sont

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les plus opprimés, les plus privés de liberté :

les femmes arabes.Si a ces femmes cloitrées, murées comme,

des carmélites auxquelles, quand il n'y a pasde mâles dans lour famille pour se l'attribuer,l'Etat français extorque les deux tiers de lasuccession paternelle.

Si à ces enterrées vivantes qu'un mari peutétrangler sans être inquiété, on posait cesquestions :

« Voulez-vous une loi commune pour lesFrançais et les Arabes ?

« Voulez-vous pouvoir aller et venir libre-ment ?

« Voulez-vous être soustraites au traficdont vous êtes l'objet ?

Elles répondraient avec enthousiasme :

oui !

Le rêve des musulmanes dont lavie s'écouledans les cours intérieures et dans des maisons

sans fenêtres, est d'être assimilées aux fran-çaises, affranchies de la réclusion. Les maho-métanos envient autant le sort des européen-

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nos, quo los oiseaux on cago onvient le sortdo ceux qui volent dans l'espaco. /

Par quelle attitude ravie, ollos exprime-raient leur adhésion à l'assimilation ; soule-mont, ces premières intéressées à la choso nosoront par interrogées. Les sénateurs etdéputés voyageant en Algérie voudraient-ilsle faire, que cela leur serait impossible. Lesmusulmanes étant invisibles pour les hom-mes ; ne pourraient pénétrer jusqu'à ollos quodes femmes.

La famille musulmane est inaccessible auxhommes à co point que le gouvernementfrançais n'ayant que des contrôleurs mâles,est présentement dans l'impossibilité do faireconstater chez elle les délits d'état-civil.

Il y a en Algérie, bien des fonctions quoseules les femmes pourraient remplir.

Les vainqueurs seraient mal avisés, si parfaute do fonctionnaires féminins ils négli-geaient de mettre dans la balance pour lafaire pencher do leur côté, l'opinion desfemmes arabes qui ont tant aidé leurs maris

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à défendre contre nous, pied à pied, le sol de

leur patrie. Si nos soldats leur coupaient lesoreilles pour s'approprier leurs grandes bou-clos d'or ou d'argent massif, elles mettaient,olles, à mutiler les envahisseurs, d'incroya-bles raffinements de cruauté.

Pour connaître véritablement l'avis dumonde arabe sur l'administration à donnerà l'Algérie, il faudrait à côté des hommes,des femmes enquêteuses.

Ces femmes, quelque peu initiées à la languearabe, n'exciteraient pas plus la. méfiancequ'elles no blesseraient'la susceptibilité mu-sulmane. Sous un prétexte quelconque, envue par exemple d'établir l'état-civil des fem-

mes indigènes, elles porteraient la francisa-tion à domicile.

tEn pénétrant sous les tentes et dans lesmaisons aux portes verrouillées, e}les fami-liariseraient les musulmanes avec notre ma-.nière de vivre et de penser. Les Arabes déjàtrès admirateurs des qualités utilitaires de. laFrançaise seraient en la voyant communiquer

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son savoir faire à leurs compagnes, morale-ment conquis à notre pays. V

Wagons pour Arabes

Si les Algériens, qui nev sont pas pour lerapprochement des races, ne vont jamais sepromener le samedi de peur d'êtçe pris pourdes juifs, ils n'entendent point non plus frayeravec les Arabes ; aussi protestent-ils contrela présence .des indigènes dans les comparti-ments de chemin de fer réservés aux voya^geurs. Les Arabes ne sont, paraît-if, ni deshumains, ni des voyageurs et l'on demandegravement que les compagnies de cheminsde fer aient pour les indigènes comme ellesont pour les bestiaux, des wagons spéciaux,Attendu, qu'il est répugnant de s'asseoirauprès de dépouillés mal vêtus,

Aux stations, Algériens et étrangers usent

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de violonce pour empêcher les Arabes demonter dans leurs compartiments et quandlos commissaires do surveillance des gares somontrent humains, prêtent main forte auxmalheureux indigènes, ils sont dénoncés.

Chacun se fait un jeu de torturer losArabes, de les injurier et de les frapper, sousl'oeil bienveillant de l'autorité ; quand ce n'estpas l'autorité elle-même qui les brutalise,comme le prouve la plainte ci-dessous :

« Monsieur le Maire,

« Hier matin, je me promenais paisiblement

rue Sidi-Allai avec un camarade, lorsquel'agent n° 69 s'est approché de moi et, sansprovocation aucune de ma part, m'a frappéd'un violent coup de pied et de trois gifles.J'ai été tout surpris de cette algarade et lestémoins en ont été indignés ; sans ma patienceet mon sang-froid, un mauvais parti allaitêtre fait au dit agent. J'ai protégé sa fuite,

me promettant d'avoir raison de eon forfaiten m'adressantà vous. Je crois avoir bien fait.

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((Il n'y a eu, Monsieur le Maire, je me

complais à le répéter, ni provocation, ni dis-pute, ni cris séditieux, ni quoi que ce soitayantpu nécessiter l'intervention du dit agent,à plus fortev raison l'assommade dont j'ai étévictime.

« Je n'ai jamais été eh Jrison, je n'ai jamais

eu un seul procès-verbal{j'ignore donc tota-lement les causes qui l'ont fait agir ainsi.

« Je ne doute pas, Monsieur le Maire, quevous n'ordonniez sa révocation immédiate,

« Veuillez agréer, etc.

« M'AHMED*BEN MOHAMED. »

Cette agression démontre qu'il est bientemps de mettre la proie arabe en état de sedéfendre, en l'armant du bulletin,

M, Henri Rochefort, qui a, le premier,dénoncé la cruauté envers les indigènes, esttrès aimé d'eux. En entendant prononcer sonnom, des arabes s'écrient: « Rochefort ! C'estmon père ! »

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Quel est le barbare ?

On pourrait croire quo c'ost le vainqueurplutôt que le vaincu.

Los administrateurs adversaires de l'assi-milation, qui les feraient disparaître, éloignentde nous les musulmans au lieu de les rappro-cher. Ils les scandalisent tellement par leursbrutalités et leurs injustices — les brisantquand ils refusent de dénoncer, de calomnierleurs subordonnés — que malgré le souvenirdes excès reprochés aux Bureaux arabes, nosindigènes d'Algérie réclament énergique-ment leur rétablissement, c'est-à-dire le rem-placement de l'autorité civile, qui les méprise,

par l'autorité militairo qui, au moins, res-pectait leur vaillance.

Les agents de l'administration ne se con-tentent pas d'insulter les Arabes, de lesappeler Bicot, Kebb (chien), ils les frappent à

coups de pieds et de canne ; récemment, unriche propriétaire indigène fut maltraité

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devant sa famille et ses serviteurs ; l'adminis-trateur alla jusqu'à lui tirer la barbe.

Loin de la mère-patrie, les hommes quivivent entre eux, privés de l'élément féminin,retournent à l'état sauvage ; on ne peut s'ex-pliquer autrement, la cruauté des fonction-naires envers les indigènes.

Dans les communes, ils profitent de l'éta-blissement de Tétat-civil des Arabes, pourleur donner des noms patronymiques telle-ment odieux, obscènes ou ridicules, que loministre de la Justice a été obligé d'appelerl'attention du Conseil supérieur, sur cettoinconvenante façon d'agir (sic).

/' On croirait qu'il est impossible, aux fonc-tionnaires algériens, de passer près d'unemoukère sans la souffleter d'un mot grossier.

Chaque jour, de nouvelles injures sont cra-chées à' la figure des pauvres musulmanes,qui passent sur les chemins, courbées sousun chargement de bois mort. i

Certainement, ces messieurs préféreraient

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rencontrer los reines de beauté qui, à leurapproche des tentes, s'enfuienttoutes blanches,battant l'air do leurs bras et donnant à leurvoile dos alluros d'ailes de colombes effrayées ;

mais doivent-ils s'oublier au point d'outrager,dans la moukôro, tout lo sexe féminin ?

Outrepassant la cruauté des ohefs, le garde-champêtre, parfois saisit ot fait transporter à

son domicile, pour son usage personnol, leschargements do fagots dont vivent les pau-vres vieilles indigènes. En guise do paiement

on donno à la mauresque affaméo, unevingtaine do coups do canne.

L'Algérie, qui est actuellement une vastoprison où l'Arabo maltraité n'a pas souventle morceau do pain dû au prisonnier, doit, selonle désir du général Bugeaud, qui voulait,après l'épée, faire passer la charrue, devenir

une colonio agricolo et industrielle. Lesgardes-chiourmo, appelés administrateurs,seraient donc avantageusement remplacés

par dos praticiens agricoles, aptes à mettreen valeur le pays.

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Co qui presse surtout, c'ost do sillonnernotre Afrique du Nord do routos ot do che-mins do for, afin quo colons et indigônospuissent tirer profit do lours produits. Pré-sentement; los moyens de transport sont tel-lement restreints et onéreux, qu'ils condam-nent le producteur ou à consommer sur placo

ou à laisser perdre sa récolte, l'auto do pou-voir aller la vondre ailleurs. Aussi, n'ost-il

pas rare çlo voir des villages entiers saisis àla requête du fisc, parce qu'ils, n'ont pu faireface aux obligations contractées.

L'Algôrio, qui n'a pas de chemins, estenvahie par la statuomanie. Los Françaistrouvent de mauvais goût que l'empereurGuillaume rappelle les victoires allemandeset ils l'imitent. Us entretiennent la rancunechez les Arabes belliqueux en leur mettantsous les yeux la figure de tous les généraux.qui les ont vaincus. Comme si en humiliantune noble race on conquerrait son amitié !

On s'exerce en l'art de tourmenter lesArabes. Au lieu de supprimer, on a prorogé

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pour sept ans la loi sur l'indigénat qui em-pêche l'Arabe d'habiter où il veut, d'aller etvenir comme il l'ontond, de fairo sans autori-sation un repas public, do tirer un pétardpour une naissance ou un mariage, de sortirde chez lui sans un permis de voyage visé àtout bout de champ... La loi sur l'indigénatfait, sans motif, interner dans le désert, mêmeles Arabes riches qui déplaisent à l'adminis-trateur.

Les indigènes sont écrasés d'amendes etd'impôts spéciaux, qui s'additionnent poureux aux impôts algériens. Ils ont d'abord àacquitter la dime des bestiaux le Zechkat, ladîme des récoltes YAchour, la Lezma onKabylie. Le désordre et le bon plaisir'régis-sent les Arabes. Des décharnés mourant defaim sont soumis parfois à de grosses taxes.

Solidairement responsables des forfaits qui

se commettent, les Arabes sont de par la loidu 17 juillet 1874, tenus collectivement de

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payor les dégâts des incondios qui se produi-sent sur los communaux do parcours do leurterritoire. Dos tribus sont, pour ce fait, tel-lement frappqos, qu'elles no pouvont plus niproduire ni payer d'impôts.

Cet excès d'injustice rôvolto l'innoconco etlui fait rechercher les coupables pour lesquelselle expie. Ruinés par les incondios, les habi-tants d'un douar s'étaient dernièrement portéson masse au devant d'une locomotive dont lecharbon incandescent, on tombant et les flam-mèches emportées par le vont, mettaient lefou aux herbes sèches et aux lontisques quibordaient la voie ferrée,; ils voulaient arrêterle cheval-vapeur incendiairo et le conduiredevant les tribunaux...

Il fallut toute l'énergie du chef de train pouréviter de broyer ces justiciers désespérés.

Pauvres indigènes, boucs émissaires, ce nesont pas des locomotives qui embrasent lesforêts, ce sont ceux qui ont intérêt à dénuderla terre où elles sont plantées, pour pouvoirse l'approprier et vous en chasser.

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Les incendiaires, assez rusés pour s'affu-bler d'un burnous, vont avoir bien peur, main-tenant qu'un rapporteur de budget a déclaré

que, quand les amendes collectives ne suffi-raient pas pour punir les indigènes, on trans-férerait en masse la population des douarscoupables dans le sud. Le prétexte du refou-lement des Arabes dans le désert est donc

onfin trouvé !

L'autorité

Si au lieu d'interdire à tout le monde dotondre les Arabes, l'autorité algérienne tientla balance égale entre les tondeurs juifs etalgériens, elle n'entend pas néanmoins refou-ler les indigènes ; ils sont nécessaires à sonoxistonco ; elle veut los regarder vivre, tou-jours parqués à part dos Français.

Elle llatto leur fanatisme en les aidant àélever dos mosquées ; elle met en relief leurs

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industries, elle fait parader dans les'fêtesleurs grands chefs ; seulement, son goût pourla tradition l'empêche de no rien changer àleurs habitudes. Son intérêt propre lui défendde songer qu'ils pourraient marcher sanslisière.

Les Arabes sont pour cos amateurs docuriosités, des jolis bibelots qu'il ne faut pointremuer ; la francisation leur, semble une hor-reur qui détruirait le pittoresque algérien.

Cette arabophilie d'artiste est fort appré-ciée ; aussi, colons et travailleurs ont beaudemander que l'Algério devienne hospitalière

aux Français-Arabes ses propriétaires, commeelle l'est aux Italiens, Espagnols, Maltais,Anglais, Allemands, qui leur parlent en maî-tres et obtiennent do préférence à eux, emploiset travaux d'Etat.

Los journaux porto-voix do la colonie ontbeau clamer : « Nous voulons vivre libres

sans tuteur et sans maître ! »

La mère-patrie, avec la cruauté d'une marâ-tro, continue à soumettre à dos lois d'excep-

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tion sa chère colonie et à l'enserrer clans des

rouages administratifs inutiles, afin do facili-ter do tondre les Arabes. On les tond ras ; sil'on pouvait tirer profit de leur peau, on lesscalperait, tant sont mauvais les vainqueurs

pour les êtres sous leur joug.Dès qu'on no peut pas rétrograder, réfor-

mer en Algérie le corps électoral pour le dimi-

nuer en oxoluant les juifs, on sera bien forcéd'étendre aux Arabes los droits civiques. Ainsi,on pacifiera la colonie et Ton obligera fonc-tionnaires et politiciens, qui ne sont préoc-cupés quo d'une poignée d'individus à s'inté-resser à la grosse majorité do la population.

Les Arabes francisés auront leur libertégarantie ;

ils no seront plus menacés do lamatraque, du silos, du dépouillement doleiUvs biens et de l'exil.

Actuellement, ils ne peuvent voyager pourleurs affaires, ni alloi

1embrasser pèro et mère

mourants, Mans fortement do l'autorité.J'ai vu une musulmane perdre un impor-

tant piqués, pnl'co qu'elle n'avait pu obtenir

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do l'administrateur la permission de se dépla-cer, pour aller dôfendro ses intérêts. Unefemme ne pouvait pourtant pas être soup-çonnée de voyager pour exciter à l'insurrec-tion !

Doit-on ôter aux Arabesleur costume ?

t Un bon français d'Alger répond quand onlui parle de l'assimilation : » 11 no suffit pasde soumettre les Arabes au lois françaises ; lecostume doit être imposé comme Pierro-lc-Grand l'a imposé à ses Russes pour los faireentrer clans la^famille européenne. »

/

Tout le monde regretterait, qu'on enlevâtaux Arabes leur pittoresque accoutrement quidonne à l'Algérie une physionomie si origi-nale.

On se représente difficilement, les musul-mans introduisant leurs jambes faites autour,

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40 s ¥ LES FEMMES ARABES

dans de longs pantalons et dissimulant leurbelle prestance dans des jaquettes.

*

,

Le burnous élégamment drapé, achève dedonner grand air à ces homme statues.

;Mais 'le burnous, si couleur locale, qu'on

no voudrait point vpir abandonner est, il fautl'avouer, lourd à porter aux arabes. Qui nel'a entendu accuser à la barre d'un tribunal ?

— Vous avez, demande le président, desindices qui peuvent mettre sur les tracesl'assassin ?

— J'ai vu, réponcl le témoin, deux individusqui s'enfuyaient.,., ils avaient des burnous!.V,

Le burnous ne fait point seulement suspec-ter les musulmans ; il gène leur liberté.

.

Les arabes, cependant; ne veulent pointvoir abandonner même pat' les enfants, leurcostume. M. Chêrif Zabara fait adopter parle conseil municipal un voeu, pour que lespetits indigènes des écoles communalesd'Alger, roçoivent, non des vétempnts euro-péens, mais des efiets indigènes.

Quant aux musulmanes, si ravissantes dans

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leur costume théâtral ou leurs attifements domadone, si divinement énigmatiques sous leblanc haick, elles perdraient en; se sanglantdans une robe sombre d'européenne, quoiquechose de leur prestigieuse beauté de houris.

Une française s'embellit en se vêtant enmusulmane, une musulmane s'enlaidit en sevêtant on française, Tout le monde peut cons-tater ce fait.

Quel que soit l'habit qu'il porte, l'arabe sisociable, si respectueux de la parole donnée,si généreux, si hospitalier, ne doit pas êtretraité en ennemi quand il peut être pour nousun si précieux auxiliaire pour faire de l'Algérie

que toutes les nations convoitent, un Pérouafricain.

L'Algérie nous envoie déjà le marbre, lefer, le cuivre, le blé, l'orge, les essences àparfums, les pâtes alimentaires, l'huile d'olive,les truffes blanches, les primeurs, son vinreconstituant, ses délicieux moutons par ba-teaux. Elle fournit aux papeteries et à beau-coup d'industries, l'alfa.

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Si sur son sol toujours en gestation, les ré-coltes succèdent aux récoltes, si l'arbre surlequel on cueille le fruit est déjà de nouveauchargé de fleurs, son sous-sol, en outre doscouches de pétrole, du sulfure d'antimoine,des nitrates, des minerais précieux et des pro-digieux gisements de phosphates, renfermedes richesses, dont on ne connaît point même

encore toute la valeur et l'étendue.Par calcul donc, si ce n'est par amitié,

pour tirer profit de l'Algérie, les français sontintéressés a fairo des arabes, leurs associés etleurs égaux.

Le mariage Arabe est un viol d'enfant

Certes, français et arabes différent d'habi-tudes et de moeurs: Si consommer le mariage

avec une fillette impubère est chez les fran-çais un crime, c'est chez les arabes une cou-tumo ; aussi, les petites arabes se marient-

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elles à l'âge où les petites françaises jouentseulement à la mariée.

En suivant d'un oeil impatient los évolutionsenfantines de, leurs filles, les pères musulmanscalculent ce qu'elles vaudront de douros : car,contrairement aux français qui ne consententà se marier qu'avecune femme qui leur apportede l'argent, les arabes sont, eux, obligés d'endonner pour pouvoir épouser. Ce qui consti-tue le mariage musulman, ce qui lo rendvalable, c'est la dot versée par l'époux commeprix d'achat de la femme.

Dans les villes, la dot de la femme se cal-cule on argent (en douros), sous la tonte entroupeaux de moutons, on chameaux, en pal-miers. Dans des oasis du Sahara, le douaire dela femmenoire, ne consiste guère qu'en bijoux,ceintures, coupons de tulle et de cotonnade.

Une femme du commun, se vend de trenteà cinquante francs.

Une femme qui sait tisser los burnous ostpayée de trois, à huit cents francs.

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A douze ans une femme est estimée pour safigure, à vingt ans pour son savoir faire.

Aux premiers temps de l'occupation, lesfemmes arabesgardées en otage étaient échan-gées contre des chevaux, ou vendues à l'en-chère comme des bêtes de somme.

Autrefois aussi, en Grèce, on troquait lesfemmes contre dos boeufs. C'est pour celaqu'elles sont appelées dans l'Iliade Trouveusesde boeufs.

Dans le Sud africain, le sexo féminin tient

au même titre que les perles, lieu d'argent ;

de même en Asie. Dans l'Afghanistan on com-pense encore un meurtre, par la livraison de plu-sieurs jeunes fille et une blossuro par la livrai-

son d'une femme.Une fillette est suivant sa gentillesse et le

rang de sa famille payée do trois cents francsà mille francs.

Les acquéreurs se disputent les musulma-

nes qui exercent les fonctions d'institutrices(monitrices) et les paient de mille, à troismille francs.

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Plus les petites arabes sont jolies, pluselles sont* certaines d'être achetées par unvieux mari auquel sa position permet de les

payer très cher.La> vente des musulmanes donne lieu à un

marchandage, entre le pèro et le futur époux.L'objet du litige, la femme n'est mise au cou-rant de l'affaire, que quand elle est conclue.

Il y a des gamines de sept ans qui tiront àla bûche pour savoir auquel des hommes quiles ont payées, elles devront appartenir. Ceci

prouve que dans le commerce dos femmes, lamauvaise foi n'est pas exclue.

Tous les jours d'ailleurs, les prétoires destribunaux algériens retentissent do révélationsscandaleuses et de réclamations d'hommes,qui ont payé une femme qu'il se voient enle-ver par un autre.

On a fait grand bruit en France de l'aven-ture de Fathima, cette jeuno institutricekabyle que son père' avait vendue 750 fr. à unnommé Rhamdan et qui ensuite, avait épouséun jeune homme selon son coeur, l'instituteur

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Ibrahim, fut réclamée par son premier ache-teur.',- • •/ -' >

:

Le juge de paix de Mekla, se conformant àla loi Koranique, avait donné- gain de causea Rhamdan et il fallut toute la pression del'opinion publique vivement émue en France

par ce barbare procôdéV pour forcer le tribu-nal de Tizi-Ouzou à infirmer le jugementdu juge de paix de Mekla, dégager Fathimade l'engagement pris par son père avecRhamdan et lui permettre de filer le parfait

amour avec l'instituteur qu'elle avait épousé.Il ne faut pas oublier que Fathima et Ibra-

him appartenaient, de si loin que ce soit, aumonde universitaire, que leur chef M. le rec-teur Jeanmaire, s'était intéressé à leur odys-sée et l'avait signalée.

Qu'on supprime l'indignation publique sou-levée par ce concours de circonstances, etFathima aurait été obligée de quitter sonsecond mari qu'elle aimait, pour aller vivre

avec le premier qu'elle ne connaissait pas,tant est grande l'habitude de nos tribunaux

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français, de respecter les anomalies arabes.Les victimes ordinaires ont beau se faire

éloquentes et suppliantes, leur voix déses-pérée n'émeut pas plus le public quo lesjuges. J'en ai vu se tordre les bras, se roulerà terre, hurler, mordre ceux qui les appro-chaient, en entendant la justice française,stylée par des tremblours, leur appliquer ledroit coutumier musulman, si formellement

en contradiction avec notre droit français.Trop souvent les juges annulent des ma-

riages librement consentis, pour livrer lafemme à l'homme qui l'a achetée, alors qu'elleétait petite enfant. Quo dis-jé, il se trouvemême des magistrats français, pour livrer lajeune fille à l'homme qui l'a achetée avantqu'elle ne soit née !

Il y a quelques années, à Bon-Mensour, unpère vendit sa fille à naître. Quand la petitefut venue au monde, il voulut résilier le con-trat passé et s'adressa aux tribunaux ; mais lestribunaux donnèrent gain de cause au ma-riage projeté, la jeune fille vendue avant sa

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naissance, dut appartenir à son acquéreur.Le procès, m'a dit l'habitant du pays qui

me signalait ce fait, a coûté dix-sept mille

francs.Les pères pressés de tirer profit de leurs

filles, n'attendent pas leur nubilité pour lesmarier. Pour masquer cet attentat à la nature,on n'omet pas de dire au mari qu'il n'userade son droit d'époux que quatre, cinq ailsaprès le mariage. L'enfant n'en est pas moinsà la merci d'un homme qui n'a aucun deri^vatif à ses passions, qui se dit que'.'l'a.petite."payée est son bien ot souvent, dans la fillettela femme est atrophiée./ Quand le fait par trop criant parvient auxoreilles de la justice, les parents criminels etl'hommo qui a infligé non le mariage mais leviol à une enfant, trouvent des témoins decomplaisance qui oxcipent de leur bonne foi

et ils sont acquittés.La cour d'assises d'Alger vient encore d'ac-

quitter un mari do Takement, Medja Iddirbon Mohamed, qui avait violé aaïemmoâcjêede

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neuf ans, après TaVoir attachée avec des filsde fer.

Pour mettre un terme à ces viols d'époux,il faudrait appliquer sur tous les territoiresfrançais, la loi qui interdit aux filles de con-tracter mariage avant quinze ans.

Si les femmes avaient en Franco leur partde pouvoir, elles ne permettraient pas quesur une terre francisée, subsiste une loi admet-tant le viol des enfants. L'homme tolère cecrime, parce qu'il est solidaire do celui qui enprofite.

Quelquefois les drames poignants qui sepassent dans le gourbi ou sous la tento sontrévélés : J'ai vu amener devant le juge unepetite fille de neuf ans, étique et couverte dobrûlures. Son mari, un vieux, racontait qu'elleétait tombée au feu pendant une crise d'épi-lepsie. Tout le monde sait à quoi il faut attri-buer ces crises nerveuses si fréquentes chezles petites épouses arabes.

L'atrophiement dont elles sont l'objet dansleur enfance rend — alors quo los hommes

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do leur race sont grands et forts — la plupartdes fommos petites, délicates et maladives.

' La loi française baissera-t-elle toujourspavillon devant le Koran ? La Républiquenlra-t-elle pas au secours des petites victi-

mes de la débauche musulmane ?

D'après la loi Koranique, aucune femme nepeut se soustraire au mariage. Le père a ledroit de l'imposer à sa fille, le tuteur ou leCadi ont le pouvoir de forcer les orphelines de

se marier.En se mariant la musulmane garde son

nom. Messaouda bent (fille), Djaffar restequand elle a épousé Aïssa ben (fils) Lakdar,Messaouda bent Djaffar. On ne la reconnaî-trait plus si elle changeait aussi souvent de

noms que de maîtres. Elle conserve sagementle sien, ce qui n'existe pas chez nous et au lieud'annihiler comme la française sa personna-lité, elle l'augmente, elle acquiert par le faitdu mariage une sorte d'émancipation civile etéconomique. '

La femme arabe ne peut disposer d'elle et

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de sa fortune que le jour où elle est mariée.Mais dès ce jour-là, elle a l'administration etla jouissance de ses biens personnels. Ellepeut môme plaider contre son mari sans au-cune autorisation.

Entre époux musulmans, la séparation debions est le droit commun.

La femme n'a rien à dépenser dans le mé-nage, elle ne doit apporter aucune part con-tributive, attendu que la première conditionexigée de l'homme qui veut contracter ma-riage est de pouvoir subvenir à l'entretien et àla nourriture de chaque femme qu'il épouse.Mais l'arabe souvent oublie le Coran et exploiteses femmes au lieu de les entretenir.

Bien que la musulmane ait reçu de sonmari une dot, le soir de ses noces elle lui de-mande « Le droit de la première entrevue ».L'époux donne selon ses moyens une pièce demétal, où un billet de banque. Cet usage étaitobservé en France aux premiers temps denotre histoire. Clovis n'épousa-t-il pas Clo-tilde par le sou d'or et le denier d'argent ? Le

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mari était censé acheter sa femme par cesdeux pièces de monnaie.

Les prohibitions relatives au mariage mu-sulman sont nombreuses. Il ,ne doit existerentre les fiancés, ni parenté de sang, ni pa-renté de lait c'estrà-dire que le mariage estdéfendu entre les enfants qui ont sucé le laitd'une même noumce.

Les M'zabites doivent'se marier dans leurpays d'origine, l'émigration leur est inter-dite.

}-• Les musulmanes ne peuvent épouser queides musulmans ; alors, que les musulmanspeuvent épouser des. femmes de toutes raceset religions.

Noces Arabes

En présence du Cadi (juge) et de deux té-moins le futur dit au père de la fiancée. « Je tecompte la somme ouTe reliquat de Ja somme

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(souvent des avances ont été faites), convenuepour acheter ta fille.

Le père répond : Voici ma fille, fais-en tafemme !... Et le mariage est conclu^La vented'une jeune fille s'accomplit sans plus de cé-rémonies que la vente d'une génisse.

Aussitôt après, les fêtes commencent ; unfestin a lieu — dans le désert le morceau leplus renommé des repas est la bosse de cha-melle — quand on a suffisamment mangé onexamine les présents. Les cadeaux reçus par lafiancée sont étalés sur les tapis au lieu d'êtreexposés comme en Europe sur les meublesdu salon. On met partout le môme soin à lesfaire valoir.

Enfin, l'époux entouré de cavaliers fait lesimulacre d'enlever son épouse, il l'assied surune jument brebis harnachée d'étoffes écla-tantes, ou dansun palanquin porté par un mé-hari.

Les curieux s'écartent pour laisser passerle cortège : Ce sont d'abord de beaux cava-liers habitués à faire parler la poudre ; en-

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suite, viennent les enfants en gandoura (che-mise) d'une blancheur éclatante et en ohéehia

rougo montés sur de minuscules petits ânesafricains.

Des nègres, castagnettes à la main, dansentla bamboula au milieu de la route, ils se tré-moussent, tournent sur eux-mêmes, s'accrou-pissent, se relèvent, mettent dans leurs sauts

une sorte de fureur diabolique qui fait croirequ'ils sont touchés par la baguette d'un pres-tidigitateur. Suivent les tambours, les musi-ciens, puis des femmes à pied en longue filequi entr'ouvrent leur blanc haïck pour faireretentir l'air de ce cri strident

: « You ! you !

you !»Quand on arrive au domicile conjugal où

doivent se prolonger les fêtes des noces, lemari reçoit son épouse comme une reine.

La jeune fille qui a exprimé son consente-ment au mariage par le silence, semble tou-jours n'avoir pas de langue. Durant toutes lescérémonies du mariage la bienséance luiinterdit de parler.

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Dans certaines régions, à Ghadamès parexemple, pendant les'sept premiers jours"dol'union la femme doit rester absolumentmuette. Sa mère parle pour elle. Elle l'acca-ble publiquement de conseils : « Soyez dit-elle

pour votre mari une esclave, si vous voulezqu'il soit pour vous un serviteur « Soignez

ses repas, entourez de silence son sommeil,

car la faim rend emporté et l'insomnie donnemauvais caractère. »

La foule des assistants s'accroupit et faitripaille. Tout individu qui se présente, si

pauvre, si inconnu soit-il, est le bienvenu,l'invité de Dieu et a sa part du festin nuptial.

Quand on a fini de manger, on rit, on s'in-terpelle joyeusement. Des nègres racontentdes drôleries qui font éclater de rire lasociété.

Une noce arabe est à la fois, un tournois,un concert, une comédie et un bal.

Le soir, pendant que dans la fête à ciel ou-vert, les fusées font merveille, que les rireset les bravos éclatent joyeux comme des feux

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d'artifico, le marié ot la mariée retirés à l'écart,se parlent souvent pour la première fois.

La porte de la chambre ou de la tente des

nouveaux époux est bientôt ouverte, les cu-rieux s'y précipitent, ils s'étouffent pour êtrepremiers à voir la mariée sortant des bras de

son époux los cheveux dénoués, les vêtementsfroissé, l'air confus et... désanchanté... Elleest assise sur un tapis, on l'admire, on lafélicite. Personne n'omet de faire à haute voix

ses réflexions sur son attitude. Heureuse-ment, le plaisir l'emporte sur la curiosité ;

toute cette foule vive, joyeuse, se rue versles musiciens. On recommence la danse desaimées, finalement personne ne tenant plus

en place, on fait des vis-à-vis, on esquisse des

pas et des sauts qu'on chercherait vainementà retrouver dans les bals de nos villes deFrance.

Le mariage musulman est — bien quel'époux se soit réservé le droit d'empêcher sesfemmes de manger de l'ail et de se livrer à desoccupations débilitantes — plus avantageux

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que le mariage français, puisque loin deperdre des droits, la femme en acquiert etqu'au lieu de donner une dot elle en reçoitune. Seulement, ce mariage n'est pas con-senti, il a presque toujours lieu malgré l'oppo-sition de la jeune fille et il offre ce revers dela médaille, la polygamie.

La Polygamie

Un conseil de guerre (1) siégeant à Oran, adernièrementacquitté Rochia, épousede Moha-med-Ould-Saïd, chef du douar de Marnia.Cette femme,, à la suite d'une scène de jalou-sie, en était venue aux mains avec Aïchadeuxième épouse de Saïd, et l'avait tuée netd'un coup de bâton. Les, débats ont révélé decurieux détails sur la polygamie qui a enfantéce drame.

(i) En territoire militaire, les tribunaux militaires remplacentles tribunaux civils,

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La polygamie qui forco les femmes con-'damnées à la subir, à faire journellementintervenir le fer et le poison pour se débar-

rasser d'une rivale, engendre chez les hom-mes la pédérastie.

Les femmes déjà rares en pays arabe, puis-qu'elles sont vingt-deux pour cent de moins

que d'hommes, étant accaparées par ceuxqui ont le moyen de les payer, les pauvressont souvent dans l'impossibilité d'avoir uneépouse; alors, ils prennent pour femmesdes hommes! d'aucuns sont mêmes sur-pris parfois derrière une touffe de lentisque,

en conversation criminelle avec une chèvre

ou une brebis !

Ces êtres primitifs ne peuvent être accu-sés comme les ultra-civilisés de rechercherdans la pédérastie un raffinement de débau-che. S'ils recourent à un moyen anti-naturelpour satisfaire leurs instincts amoureux, c'estparce que les polygames font la rafle et par-tant, la disette des femmes.

On sait que sous, l'égide de la loi Korani-

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que, le musulman peut afficher les moeurs losplus dissolues,,

Posséder un grand nombre cfôpouses rendson opulence, indiscutable ; ai«si, il se ruineen femmes, comme des européens se ruinenten chevaux.

D'abord, il épouse ! il épouse ! ensuite, ils'encombre de concubines, au point d'êtredans l'impossibilité de maintenir son état demaison. Alors pour alléger ses charges etpouvoir poursuivre ses fantaisies amoureuses,il chasse des femmes et des concubines,il en prend d'autres. Ce renouvellement de

son personnel féminin est son plus granddivertissement,

« La femme est faite pour le plaisir del'homme, disent les arabes, comment vou-drait-on qu'une seule et unique épouse puisseamuser un homme toute sa vie. La polyga-mie et la répudiation sont nécessaires. »

D'après les prescriptions de Mahomet,chaque femme d'un même homme devraitavoir une demeure à part, mais ce n'est pas

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co qui a lieu ; ordinairement, le mari et toutes

ses femmes vivent dans la plus complète pro-miscuité, pour éviter les frais de logementséparés.

Le prophète avait pu, lui, qui s'attribuait lecinquième du butin et le cinquième des dons etprésents, avec sa fortune considérable, possé-der auméprisde laloi, dix-septfemmesàlafois,et procurer à chacune de ses dix-sept épouseslégitimes et de ses onze concubines, une cer-taine aisance ; malheureusement tous lesmahométans n'ont pas les gros revenus dufondateur de leur religion ; le plus souvent,les polygames ont pour maison une tenteséparée en deux par une grande portière.D'un côté delà tente sont toutes les femmes,(le musulman qui avoue n'en avoir que quatreen a six) de l'autre, le mari commun prodi-guant ses tendresses à la favorite du moment.

Tous les peuples ont pratiqué la polygamie.Les rois d'Israël furent polygames. Salomoneût soixante femmes légitimeset quatre-vingtsconcubines.

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Les Francs aussi furent polygames. Charle-

magne avait huit femmes. Dans les huttes deterre d'Aix-la-Chapelle, l'empereur eût, disentles historiens, des batailles à soutenir contreelles, et malgré son gantelet de fer, s'il futvictorieux ailleurs, il fut là souvent battu.

Mahomet n'était pas plus heureux avec sesdix-sept femmes ; quand il n'échangeait pasavec elles des coups, il échangeait des injures ;

sans cesse il était obligé de faire intervenirDieu, pour réfréner leur irrévérence.

Zeinah, sa quinzième femme, lui servit unjour une épaule de mouton empoisonnée.

— Pourquoi, lui demanda Mahomet, as-tucommis ce crime?

— J'ai voulu, lui répondit Zeinah, réassu-rer si tu es véritablement prophète, si tu sau-rais te préserver du poison ; dans le cas con-traire, délivrer mon pays d'un imposteur etd'un tyran.

Aïcha, sa favorite, lui fit tant d'infidélités,que pour fermer la'bouche à ses contempo-rains scandalisés, il dût mettre dans le Koran,

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chapitre 26 : « Ceux qui accuseront une femmed'adultère, sans produire quatre témoins,seront punis de quatre-vingts coups defouet ».

,La vertu d'Aïcha, femme remarquable,d'ailleurs, no fut plus mise en doute après ceverset.'

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.Bien qu'il lui fut impossible de vivi'e enbonne intelligence avec autant d'épouses,légitimes ou illégitimes, Mahomet ne renonçajamais à sa passion pour le sexe féminin.

« Les deux choses que j'aime le plus aumonde, répétait-il souvent, ce sont : lesfemmes et les parfums.

Tous les Chorfa (chefs religieux),; sontpolygames comme Mahomet.

L'ancien sultan du Maroc avait des cen-taines de femmes. Chaque vendredi unenouvelle épouse entrait dans son harem.,

Norodom, roi du Cambodge, donne à làpolygamie un but utilitaire ; il assigne à cha-

\ cune de ses cinq cents femmes, une occupation\ dans son palais ; les plus favorisées sont

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comédiennes, danseuses, los autres cuisinièros,tailleuses, etc.

Chez les arabes aussi, los autres fommessont les servantes de la favorite momentanée.Mais l'élue d'aujourd'hui n'est jamais certainodo no pas être la répudiée de demain, tant estgrande la mobilité arabe.

La civilisation chasse devant elle la polyga-mie aussi anti-naturelle que contraire à ladignité humaine. D'où vient donc qu'on con-quérant l'Algérie la France monogame aitlaissé la polygamie y subsister ?

Il est étrange que la pluralité des fommes,condamnée en France, soit permise sur notreterre francisée d'Afrique.

Si les françaises votaient ot légiféraient,il y a longtemps que leurs soeurs africainesseraient délivrées de l'outrageante polygamieet de l'intolérable promiscuité avec leursco-épouses.

C'est en voyant le préjugé de race dominertout en Algérie, que l'on comprend bien l'ab-surdité du préjugé de sexe. Ainsi, la race

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arabe, si belle et si bien douée, est absolu-ment méprisée par les européens qui, rare-ment cependant, sont aussibeaux et possèdentautant d'aptitudes naturelles que les arabes.

.Et voyez cette contradiction. Le Françaisvainqueur dit au musulman : « Je méprise tarace, mais j'abaisse ma loi devant la tienne ;

je donne au Koran le pas sur le Code. »

Les Français permettent aux Arabes de•pratiquer la polygamie, qu'ils s'interdisent à,eux-mêmes. Pour masquer leur illogisme, ilsaffirment. que les Africains ont des besoins

que ne connaissent pas les Européens et quec'est pour faire droit à ces besoins qu'on leurlaisse épouser tant de femmes.

Si la polygamie était nécessaire aux Arabes,les riches seuls, pouvant se satisfaire, com-ment les pauvres, plus nombreux que lesriches, ne porteraient-ils pas la peine de leurprivation ?

Nous avons eu sous les yeux des exemplesqui sont en contradiction avec cette assertion :

des Arabes bien portants pendant qu'ils avaient

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une seule épouse, s'affaiblissaient, perdaientla santé, dès qu'ils eii prenaient plusieurs.

La polygamie ne hâte pas seulement ladécrépitude physique, elle amène la dégéné-

rescence intellectuelle. En concentrant toutel'activité cérébrale des arabes sur l'instinctbestial, elle annihile leur intelligence et atro-phie leur cerveau.

En avançant sa mort et en préparant laperte de sa race, l'homme polygame est-il aumoins plus heureux-que le monogame ?

Nous avons interrogé à ce sujet nombred'Arabes ; tous nous ont avoué que la plura-lité des femmes engendrait des dissensionsdomestiques, et que la guerre était en perma-nence dans la maison do l'homme qui avaitplusieurs épouses.

Mahomet qui avait tant, cependant, d'appé-tits charnels, dénonçait los amertunes dontses nombreuses femmes et concubines l'abreu-vaient.

Le défunt shah de Perse, Nassr-Eddin, quiavait dix-neuf femmes légitimes et deux

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cents concubines, répétait à qui voulait l'en-tendre, lors des noces d'or du défunt hommed'Etat Gladstone : « Qu'il valait mieux vivrecinquante ans avec une seule femme qu'un anavec cinquante femmes. »

.Il faut bien que l'on sache en France, que la

polygamie révolte la femme arabe. La jeuneépouse d'un homme déjà muni de plusieursfemmes répond presque toujours aux premierscompliments de son mari, par des injures.C'est la très faible expression de son horreuret de son dégoût, pour ce qu'elle nomme le

«chenil conjugal. »

Beaucoup de femmes arabes répètent dusoir au matin à leur mari qu'elles ne peuventvivre de bon gré avec un homme qui a plusieursfemmes, qu'elles ne restent chez lui que parforce.

En pays musulman, quand un homme ve-nant de se marier entre par la porte avec sanouvelle femme, il n'est pas rare que la pre-mière épouse en titre, sorte par la fenêtre et

se sauve chez ses parents. On tente une ré-

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v•

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conciliation, le mari polygame soutient ques'il a amené une seconde femme Sous son toit,

ce n'est que pour lui faire faire gratuitementl'ouvrage de s^a mère ou de sa soeur;,.

Quand le Cadi a forcé la femme outragéedanssa dignité, à regagnerle logis conjugal, la

guerre éclate terrible entre les épouses. Cesrivales qui se partagent à tour de rôle les

coups et les baisers du maître, et dont cha-

cune appelle l'autre : «.mon préjudice » se fontmutuellement chasser et répudier.

« Deux femmes s'espionnent réciproque-ment, trois femmes, quatre femmes d*ùn

môme homme s'espionnent encore bien plus. »

Il n'entre pas d'amour dans ce ménage àquatre ou huit, mais une jalousie féroce quiengendre le crime et en fait comme un besoinde ce milieu délétère.

Les enfants n'échappent pas à cette fureurjalouse, chaque bébé cl'une famille polygamo apour marâtre toutes les femmes de son pèrequi font souvent plus que de le martyriser.L'autre jour encore une jeune femme arabe

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prenait entre ses jambes un beau chérubin dedeux ans, l'enfant de sa rivale, et l'égorgeaitcomme un chevreau.

Ordinairement, ces marâtres des fils et desfilles du même père, agissent discrètement,et si on les soupçonne, personne ne peut lesconvaincre d'avoir estropié ou aveuglé l'en-fant do leur rivale.

La polygamie aicle-t-elle au moins à peu-pler l'immense territoire de l'Algérie ?

Non, car au lieu d'augmenter, la polygamiediminue le nombre des naissances. Les famil-les musulmanes nombreuses n'existent pas etmalgré tous ses désirs de paternité, l'hommen'a avec ses quatre femmes, pas plus d'enfants

que l'Européen avec une seule.Deux raisons qui s'enchaînent, concourent à

restreindre la reproduction de l'espèce : l'excèsde bestialité de l'homme polygame et la stéri-lité do la femme due aux abus et à l'atrophie-ment dcmt elle a été victime dans son enfance.

La polygamie n'étant pas consentie par lafemme et ne valant ni au point de vue indivi-

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duel, ni au point de vue collectif, sa suppres-sion: a été demandée par la pétition ci-des-sous :

« Messieurs les Députés,

« Messieurs les Sénateurs,

» Permettez-nous d'appeler votre attentionsur la situation des femmes arabes, qui sont,avec la tolérance de la France, si barbarementtraitées.

» La femme arabe vendue tout enfant à unmari est séquestrée par ce mari dans le chenilconjugal avec ses co-épouses, puis répudiée

sans motifs pour faire place à une autro.» On a déjà laissé trop longtemps les arabes

garder leurs lois, leurs moeurs, leur langueNe croyez-vous pas qu'il est urgent d'en fairedes enfants de la République, do les instruire,de les assimiler aux'français?

» Nous vous prions, Messieurs, de bienvouloir substituer sur notre territoire afri-cain l'état de civilisation à l'état de barbarie,en décrétant la suppression de la polyga-

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mie que les femmes arabes subissent par forceet qui est outrageante pour tout le sexe fémi-nin. Nous vous demandons aussi d'interdirele mariage des petites filles impubères.> » Le viol d'enfant sous prétexte de mariage,la pluralité des femmes et leur séquestrationdans les prisons matrimoniales, sont lois etusages hors nature, qui entravent l'accroisse-ment de la population au lieu de le favoriser,et font obstacle à la fusion si désirable de larace arabe et de la nôtre.

y La république — a moins d'être en contra-diction avec son principe môme — ne peutcontinuer à encourager d'un côté de la Médi-terrannéela polygamie et le mariage des fillesimpubères qu'elle punit de l'autre côté.

» Nous espérons, Messieurs, que vous vousinspirerez des intérêts de la civilisation et quevous abrogerez les lois inhumaines qui régis-sent là majorité des habitants de l'Afriquefrançaise. »

Hubertine AUGLERT.

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La Polygamie et la Presse

Cette pétition a été commentée par toutela Presse : « Maintenant, ont dit des jour-,naux, c'est une Algérienne qui sert de ren-fort aux sénateurs. Elle est d'autant plusinexcusable de n'avoir rien vu qu'elle était —ayant Habité Alger, Laghouat, le sud Ora-nais — en situation pour tout observer. »

« La polygamie est clans nos moeurs, ontaffirmé certains chroniqueurs. »

Si la polygamie est dans nos moeurs, ellen'est pas dans la nature. Ainsi, la femme,qui moins sophistiquée que l'homme, touchede plus près à la nature, est absolumentmonogame et elle reste monogame mômequand elle déchoit moralement; la « noceuse »

a toujours un ami do coeur et la prostituée dedernière catégorie pour*avoir un,homme àelle, prend le « souteneur. »

Loin de modérer les passions, la polyga-mie les excite; l'homme polygame est encore

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bien plus volage que le monogame. Il a léga-lement l'habitude du changement.

Du reste, si la polygamie est chose sibonne, si les hommes arabes veulent conti-

nuer à avoir plusieurs femmes, la plus élé-mentaire égalité exige que les femmes arabesaient — comme avant Mahomet— plusieursmaris.

Les musulmans étant en Algérie beaucoupplus nombreux que les femmes c'est la po-lyandrie et non la polygamie qui devrait s'ypratiquer.

La polygamie pour tous et toutes, ou bien :

A bas la polygamie !

Réponse du Ministre

Lrç président de la Chambre des députésm'a communiqué la décision défavorable duministre — auquel avait été renvoyée mapétition '— au relèvement de la conditionjuridique et sociale c}e la femme arabe.

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« Il ne paraît pas possible, dit le ministre del'Intérieur, au moins pour le moment, ainsi

que le fait remarquer, M. le gouverneurgénéral de l'Algérie, de donner satisfaction

aux voeux exprimés par la pétitionnaire. Lasituation de la femme arabe ne saurait êtremodifiée sans toucher aux statuts personnelset successoraux musulmans qui ont toujoursété respectés par la législation algérienne. Ily aurait'môme imprudence à mettre à l'étudeune aussi grave question : outre l'impossibi-lité évidente d'arriver à une solution pratique,on provoquerait dans la population indigène,déjà préoccupée des projets de réformes, uneagitation qu'il convient d'éviter. »

Le ministre de l'Intérieur est plus musul-man que Mahomet lui-môme. Pendant qu'ilobjecte un danger chimérique, un bon maho-métan Kassim-Anim Boy, conseiller à la courd'appel au Caire, demande justement que laloi interdise la polygamie, la répudiation etoblige à instruire la femme, à la laisser vivreindépendante et libre de choisir son époux.

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74 LES FEMMES ARABES

Eh quoi ! les idées volent, le progrès pousseles hommes et les conquis de la RépubliqueFrançaise seuls croupiraient en leur vieuxerrements?

L'Algérie maliométane devrait rester dansle statu quo, pendantque tout marche autourd'elle? '

Les statuts quo l'on invoque pour s'abste-nir de modifier le sort de la femme arabe ontété violés combien de fois par les administra-teurs, quand il s'agissait de rançonner et demettre en interdit les indigènes. D'ailleurs, cesstatuts dont le ministre paraît faire un sigrand cas aujourd'hui ont été méconnus parles arabes eux-mêmes, qui, oublieux des con-ventions prises, n'ont depuis l'annexion del'Algérie, cessé de se déclarer belligérants etde rechercher à reconquérir leur indépen-dance»,

La France a, sous le couvert de la civilisa-tion, dépossédé l'arabe du territoire de l'Al-gérie et maintenant, elle arguerait de sonrespect pour la barbarie du vaincu, pour le

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LES FEMMES ARABES 75

laisser en dehors de la civilisation au nom delaquelle elle l'a conquis? Cola est inimagi-nable ! ./...-.

Il n'est pas, comme on pourrait le croire,impossible d'arriver à une solution, relative-ment, à la suppression de la polygamie dansle monde musulman.

Il ressort en effet clairement d'une enquête

que j'ai fait à ce sujet, que beaucoup d'arabestrop pauvres pour pouvoir se marier sontobligés de recourir à des moyensanti-naturelspour satisfaire leurs appétits sexuels.

Les autres sont en majorité monogames etusent fréquemment du divorce. Il n'y a clone

en fait, qu'un nombre restreint d'arabes quipratique la polygamie et encore, de ce nom-bre il faut défalquer les hommes instruits quin'ont chez eux qu'une seule femme.

« Une seule femme, me disait dernièrement

un conseiller municipal arabe, en visite chezmoi à Paris, est déjà assez difficile à conten-ter, comment pourrait-on en contenter plu-sieurs ! »

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Quant à nos soeurs indigènes, dès qu'ellessont initiées à notre vie, elles ont le dégoûtdo leur condition de femmes-troupeau et elles

no veulent plus rentrer dans le milieu où ellessont forcées de subir la polygamie et de vivreséquestrées.

En dépit du Koran, los femmes Touaregont interdit la polygamie et l'on ne trouvepas dans les tribus de leur race, d'exemplod'hommes ayant pris une deuxième femme.

Pour ce qui est de l'agitation momentanéequi ressuscitera à son noble passé et mettraen marche vers le progrès la race musul-

mane, il est puéril de chercher à l'éviter. Cetteagitation doit forcément avoir lieu lors del'assimilation.

La polygamie qui met obstacle à la fusiondes deux races sous une loi commune doit êtresacrifiée à l'unité française.

Les occidentaux sont aussi peu monoga-mes que possible. Ils ont des amours succes-sives et parfois multiples ; mais au moins dansles pays monogames, la polygamie est voilée.

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Si un homme s'avisait de mettre en contact

sa femme et sa maîtresse il serait traité degoujat par ses congénères.

Eh bien, la délicatesse féminine dont leseuropéens se font les gardes du corps, cettedélicatesse existe chez les femmes arabes etveut être respectée.

Sous aucuns cieux, la femme qui a donné

son coeur ne s'habitue à partager avec d'au-tres celui qu'elle aime !

La Répudiation. — Le Divorce

Les vautours qui ne veulent pas que laproie arabe leur échappe on devenant fran-çaise, feignent de craindre révoltes et soulè-vements, pour s'abstenir d'enrayer les excèssexuels déprimants des vaincus.

Pendant que le polygame s'abrutit et sebat dans le « chonil conjugal », avec los mul-tiples ouvrières-épousos, qui lui permettentcï'être si majestueusement fainéant, il ne

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songe en effet à défendre ni sa liberté, ni sonbien.

« Oto-toi do là que je m'y mette, polygame ! »

Ceux qui no peuvent exterminer les Arabessont charmés de les voir s'émasculer à l'aidede la pluralité des femmes et du changementà vue, au moyen du petit jeu de la répudiation,de leur personnel féminin.

Avant la loi islamique, les mauresquespossédaient le droit de répudiation ; mais, lesfondateurs de religions sont comme les con-fectionneurs de lois, partiaux pour leur sexe.Mahomet a conservé le privilège de répudiationà l'homme, il l'a enlevé à la femme.

L'homme a le droit de répudier sa femmechaque fois qu'il en a envie, sans avoir besoind'alléguer d'autres raisons que son caprice.

La répudiation a lieu sans procédure.

« C'est une exécution intime, que la penséedu mari accomplit et que sa bouche consacrepar des mots dans ce sens : Va-t'en !... Je tedonne à toi-même!... Tu as la bride sur le

cou !... »

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La justice n'intervient, relativement à larépudiation, que dans le cas où des contesta-tions surgissent.

Le mari qui a répudié deux fois sa femme àl'aide de la formule ci-dessus peut se rema-rier avec elle, moyennant un nouveau donnuptial ; mais s'il l'a offensée par ces parolesoutrageantes : « Tu es pour moi comme dela chair de porc», il ne peut la rêépouserqu'après qu'elle aura été remariée à un autrehomme.

Il n'y a qu'un cas qui annule ou plutôtajourne la troisième répudiation ; c'est quandelle a été prononcée pendant les menstrues dela femme.

On voit à quel point la condition de lamusulmane est aléatoire. Aujourd'hui, elleest épouse, demain elle est répudiée, chasséede la tente ou de la maison qu'elle habitait.

Il n'existe ^uère demahométanes qui n'aientété au moins répudiées trois fois. Cela ne les(léconsidère^àliTtalnTël^to

.Seulement, la réciprocité n'existe pas pour la

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femme et si son mari lui déplaît, elle n'a pasà son service la répudiation, pour s'en débar-rasser.

Quançl chez les Musulmans polygames, unedes femmes ne plaît plus ou ne rapporte pointassez au mari par son travail, il n'est guèrede torture qu'il n'emploie à son égard, avantd'user de son droit de répudiation. Certainsmaris balancent la femme dont ils ne veulentplus après une planche hérissée de pointes, declous, supplice qui lui met les jambes et lebas des reins en sang. D'autres s'ingénient àlui faire avancer la poitrine et à prendre seslongs seins dans l'entrebâillement d'uneporte. Ces actes sauvages s'accomplissent

sous l'égide de notre gouvernement civilisa-teur !

Qu'attend-on pour mettre fin à cette bar-barie ?^Que de plus diligents et de plus habiles

que nous aient imposé leurs lois aux Arabes !

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Des lézards pour maris

« Que l'on nous donne des lézards pourmaris plutôt que des hommes polygames ! »

crient dans les prétoires les belles divoroeu-

.

ses. J

Si en pays musulman on se marie souvent,

on divorce presque aussi souvent que l'on semarie. C'est que les arabes ne sont point en-core asservis aux préjugés qui forcent les civi-lisés à supporter volontairement la torture.Quand ils sont malheureux en ménage, trèssagement ils se séparent.

L'homme a bien des moyens de rompre lelien conjugal, il peut dissoudre le mariage parle divorce Taîah, le divorce Ha, le divorceLia. Il use peu du divorce Moubara (par con-sentement mutuel) qui ne coûte rien àl'épouse.

Parfois les maris demandent une si grossesomme pour autoriser leur femme à recou-vrer sa liberté, qu'aucun prétendant acheteur

4'

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ne veut mettre ce prix et que l'épouse mar-chandise reste en disponibilité.

Généralement, le mari n'accepte de sépara-tion que contre une somme proposée commedon compensateur par la femme, c'est le di-

vorce Khola par lequel l'épouse se dépouille

pour payer à son mari la rançon de sa liberté.Dans ce divorce, l'amour propre joue un rôle,la femme a à honneur de ne pas paraître ob-tenir sa liberté à trop bas prix ; aussi laisse-t-elle au mari dont elle veut être délivrée, unepartie de sa dot quand ce n'est pas sa dottout entière.

En pays arabe, toute femme qui a cessédo plaire doit rembourser à l'homme la sommedont il l'avait payée. Le Cadi prête aux marismain forte, il ne prononce guère que le divorceKhola; aussi, quandles musulmanes ont uncas çù le divorce peut être rendu par autorité

\de justice, elles préfèrent recourir à l'impar-tialité des tribunaux français.

Le divorce peut être prononcé d'office parles tribunaux français, malgré la volonté du

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mari, quand celui-ci maltraite, entretient in-suffisamment sa femme, ou quand il est inapteà remplir les devoirs conjugaux. C'est le plussouvent, ce dernier cas de divorce que lesfemmes allèguent.

Les médecins se plaignenten Algérie, d'êtrepoursuivis avec persévérance et ténacité, pardes femmes arabes qui veulent leur faire cer-tifier que leur mari est impuissant.

Munies ou non de certificats, il n'est pasrare de voir ces femmes entamer une ins-tance en divorce, en demandant aux tribu-naux français de leur accorder quelques mil-liers de francs de dommages intérêts, parceque leur époux n'a pas été pour elles, réguliè-rement un mari, pendant un temps.

La musulmane qui demande le divorce parautorité de justice, expose ses griefs au jugequi, après l'avoir entendue, la met elle etl'époux en adala (en observation)' pendanthuit jours chez une personne honorable. Aubout de ce temps, leur surveillant fait un rap-port pu il déclare quel est celui des époux qui

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a tort. De son côté le juge s'informe et quandil est suffisamment éclairé, il pronoace ledivorce.

C'est dans leurs instances en divorce queles femmes arabes se montrent tout entières.Les maris penauds baissent la tête, pendantqu'elles déploient une si grande éloquencequ'on croirait entendre les belles parleusesde l'Arabie payenne ressuscitées.

Elles protestent avec véhémence contre lapluralité des femmes. Elles déclarent préférerla prison au harem. « Que l'on nous donne,disent-elles, des lézards pour maris plutôt quedes hommes polygames ! »

La musulmane étant de sang libre, les ver-rous et là matraque n'ont pu la subjuguer ;aussi veut-elle sortir du mariage dès qu'elle

y est entrée, si elle s'y trouve malheureuse.Il s'agit seulement pour elle d'en sortir fière-ment, et sans perte d'argent, dût-elle pourcela en dépenser.

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La Mauresque offre des douros

à la Jugesse

La femme arabene marchandejamais quandil s'agit de reprendre possession d'elle-mêmeet souvent, avant d'obtenir le divorce, elle estruinée par les recors de la justice si ce n'estpar les juges.

Les musulmans méditatifs qui regardent cequi se passe dans et hors le prétoire, croientque toutes les consciences françaises sont àacheter, aussi, s'obstinent-ils à réclamer enfinançant, la complaisance des fonctionnai-res.

Le Caïd Ali M..., a été condamné àquatre mois^ de prison- par la cour d'assisesd'Alger pour avoir tenté de séduire pécuniai-rement un expert. Il avait offert à cet expertune enveloppe contenant mille francs en luidisant : « Pour boire le café ! »

Autant est expéditive la justice arabe oùsans frais, sans perte de temps, séance tenante

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la cause est entendue et jugée par le Cadi ;

autant est lente et coûteuse la justice fran-çaise ; mais en dépit des journées d'attenteet des dépenses considérables, les arabes trèsprocessifs sont toujours devant les tribunaux.Il est vrai, qu'ils se montrent quelquefoishumains envers ces dépouillés que l'instinctde la conservation pousse à exercer des « re-prises ». Bien avant que le président Magnaud

se soit rendu célèbre, un modeste juge depaix d'Algérie acquitta un malheureux araben'ayant pas mangé depuis cinq jours, qui avaitvolé une chèvre et l'avait vendue vingt-cinq

sous.Les plaideurs musulmans comptent beau-

coup moins sur leur bon droit que surleur bourse pour avoir raison de leurs adver-saires; donc, dès qu'ils ont des démêlés avecîa justice, ils veulent mettre tout le mondedansx leur jeu et ils offrent de l'argent auxjuges et à leurs tenants et aboutissants.

Les femmes agissent comme les hommes ;

quand elles plaident en divorce, à défaut du

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juge, elles cherchent à corrompre la jugesse.Un jour d'audience musulmane une jolie

mauresque se fit introduire auprès do moi.Après s'être assurée que j'étais seule, queportes et fenêtres étaient bien closes, elles'approcha et en me faisant mille démonstra-tions affectueuses, elle me remit des papiers.Pendant que je les lisais elle me baisait mainset vêtements, elle se couchait à mes pieds

pour appuyer ses lèvres au bas de ma robe.Tout à coup elle se redressa, sortit d'un

sac caché sous sa melhafa (voba), des poignéesde douros et mettant un doigt sur sa boucheelle me les tendit... son étonnement fut inima-ginable quand elle rne vit refuser avec indi-gnation do lui laisser acheter mon interven-tion auprès du juge, mon mari.

Un musulman peut deux fois divorcer d'unemême femme et la reprendre après le délailégal de trois mois et dix jours. S'il divorceune troisième fois, il no pourra en faire de

nouveau sa femme qu'après qu'elle aura étéépousée et répudiée par un autre homme.

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' Quand les juges demandent leur âge auxarabes qui comparaissent devant eux, ceux-cirépondent souvent : « Nous sommes commeles moutons, nous n'avons pas d'âge. »

Le serment n'est jamais déféré à l'audience,mais il est accepté Soit sur un marabout vé-néré, soit dans la mosquée, un vendredi avantmidi, sur l'étendard du prophète flottant au-dessus de réchauds d'encens.

La meilleure condition pour les femmesarabes aisées est d'être divorcées ou veuves ;

ainsi seulement, elles sont libres de participerà la vie extérieure. Elles président aux réu-nions où l'on parle de la tribu et de la race.Dans ce pays où les poètes, sorte de trouba-dours, vont de douars en douars, déclamer

sur l'amour, la galanterie, au lieu de les dé-considérer les pose. Elles ont, paraît-il, deslégion^ d'adorateurs platoniques.

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Ce que les Femmes Arabes disentde FAmour

Si un adorateur demande : — Raïra, veùx-tum'aimer?

— Macache ! (non) répond la Houris.L'a-t-eïle expérimenté avant de naître,

toujours est-il, que la femme araKe paraîtn'avoir jamais ignoré qu'aimer c'est souffrir f

Mais si elle redoute d'aimer, elle souhaiteardemment d'être aimée et personne mieuxqu'elle, ne possède l'art de séduire et d'en-sorceler.

Pendant que les orgies ont lieu, dans les

rues de la Kasbah à Alger ; des maisons pri-sons qui bordent ces rues, où vivent cloîtrées,murées les femmes arabes, montent dansl'ether comme des nuages d'encens, leursrêves..... leurs aspirations vers l'amour!...

Ces mauresques vendues comme des ani-maux, ces femmes forcées de subir la poly-gamie, sont dos chercheuses d'idéal !

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Interrogez-les sur l'amour, elles vousrépondront : — L'amour ! C'est le coup d'oeil,c'est l'étreinte des bras et des mains, c'est lebaiser !... L'amour n'est que jusque là!...Une fois qu'il est marié, c'est fini 1... fini !...Les bras tendus pour embrasser retombent,se collent au corps !.....

Si aimées qu'elles soient, les musulmanesne s'atta*chent pas à leur mari polygame quiles a blessées dans leur fierté en partageantson coeur et ses faveurs. Leur âme se re-plie sur elle-même, comme ces fleurs qui fer-ment leurs pétales, dès qu'elles sont froisséeset mutilées.

Ces femmes arabes dont on ne prend pasgarde de ménager la délicatesse, sont dessensitives qui frémissent, se révoltent, ont larépulsion des indignes contacts.

,

Plus qu'aucune femme au monde, ellessentent ces musulmanes, qui ont été engen-drées par des mères poètes.

Dan3 l'ancienne Arabie, toutes les femmesétaient poètes, la plus célèbre d'entre elles,

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fut Kanza dont la renommée égala l'illustreKhindif qui donna son nom à la tribudes Beni-Mondar qui, sous le nom de Kindi-fides, peuplent le Hedjâz et le Nedjd.

L'Arabie payenne eut quatre sages et cessages furent des femmes. Ëllos s'appelaient

:

Sohr, Amrah, Djoumah et Hind qui, à la

guerre se faisait des colliers do nez et d'oreil-les d'ennemis.

Les femmes les plus remarquables de l'is-lamisme furent Aïcha— épouse préférée duprophète qui conseillait d'apprendre des versaux, enfants disant que le rhythme purifiaitla langue — et Zobéidah femme de Haroun-al-Rachid qu'elle inspirait pour les affaires del'Etat.

Les musulmanes ont une indépendance do

caractère quo la plupart des françaises nepossèdent pas. Tout l'assujettissement moralqu'on dénomme chez nous le devoir, leur estinconnu. N'ayant pas leur sensibilité déve-loppée outre mesure par les romans et lareligion, elles ne connaissent pas ces élans de

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passion qui les portent à se sacrifier et àsubordonner leur bonheur à celui de l'homme.Elles veulent être heureuses elles-mêmes etéprouver personnellement, une complètesatisfaction.

L'élévation de leur esprit date de loin : dutemps de la société païenne, alors que lesfemmes avaient la liberté de choisir le com-pagnon de vie qui leur plaisait, elles nevisaient qu'à faire des mariages « d'intelli-gence ». Elles recherchaient un mari sympa-thique.

Les femmes des autres races se laissaientséduire par la beauté physique, la richesse !

Elles préféraient à tout, la beauté morale, lasupériorité intellectuelle. Elles épousaientleplus généreux et le plus poète !

Avant d'épouser, elles faisaient subir desépreuves. Celle du réchaud et des parfums,était infaillible pour distinguer, entre unhomme de rien et un homme bien né.

La femme arabe d'aujourd'hui, si annihiléequ'elle soit, participe de ses aïeules, elle a

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toutes ses aspirations dirigées vers le mieux,témoin ce proverbe qui excite la vigilance desgeôliers musulmans : « Quand la femme a vul'hôte elle ne.veut plus de sonmari. » C'est quol'hôte, presque toujours européen, représentepour elle une supériorité d'éducation et dedéveloppement intellectuel.

Quel sentiment autre que le mépris, lamusulmane peut-elle avoir pour le maîtrejaloux, paresseux, méfiant, qui en sortantemporte la clef de la maison ? Aussi, dèsqu'elle peut se soustraire à la claustration,elle jette le Koran par dessus la Kasbah etpréfère se donner à vingt français, plutôt quede se laisser acheter par un seul mari maho-métanï '..

L'amour sous la tente

Autrefois, la mauresque ne détestait pasainsi, l'homme de sa race. Il y a douze centsans, en Arabie, les époux né s'interpellaient

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que par ces doux mots : « Toi qui es à moi ! »Maintenantque les jeunes filles —' des enfantsplutôt — sont vendues par leur père à unmari qui pourrait êtreleur grand-père,l'amourdans le mariage n'existe pas et la matraqueest impuissante à assurer la fidélité de lafemme.

La nature violentée, reprend un jour sesdroits, le petit organe que la jeune épousea. dans la poitrine s'agite. Parfois, c'estpour un homme qu'elle n'a jamais vu mais quia aperçu, lui, à la dérobée, quand elle soulevaitson haïck, ses yeux qui assassinent comme lapoudre.

« Le coeur est le plus court chemin pourarriver au coeur » disent les arabes ; aussi,quand ils veulent être aimés ils commencentpar aimer. '

Les musulmanes les encouragent par leurcoquetterie et leur indifférence ; mais ellesn'aiment pas plus leurs amants que leursmaris et ne sont que des dilettantes de l'infi-délité/

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En trahissant pour un bijou ou môme pourrien ceux qui les aiment, les mauresques jouentleur existence.

A Biskrà, si une femme regarde par lafenêtre, son mari achète un de ces excellentspistolets fabriqué dans la ville même et lui

casse la tête. Pour un coin de voile soulevé,pour un regard échangé, elle risque sa vie.On mesure la somme de félioité que cetteinfidélité platonique représente pour celui qui

en est honoré. Aussi, malgré tous les périls,l'ardeur des amoureux ne se dément pas plusque la témérité des femmes toujours prêtes àprovoquer le courroux des hommes qui lesont achetées.

Les amants arabes ont pour leur Lella(dame) une violente passion, c'est l'adorationenthousiaste des chevaliers pour les preusesdu moyen âge.

Dans le désert, la mahométane n'a pasperdu sa puissance et elle joue un grand rôlelors des guerres entre tribus. Les plus bellesd'entre les plus belles femmes de la tribu,

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suivent les combattants assises dans de richespalanquins, sorte de boudoir portatifs hisséssurdos chameaux. Elles excitent les guerrierspar leurs chants, leurs déclamations, leurscris joyeux ou irrités. Après la victoire, onreconnaît le concours do ces houris en leurattribuant uno part dans lo partage du butin.

Dans l'Arabie payenne, des femmes sontallées jusqu'à l'impudeur pour sauver leurtribu : On raconte qu'à la bataille de la

<(Coupe des Toupets » les filles du poète Fincl

quittèrent leurs vêtements et s'avancèrenttoutes nues, au milieu des combattants, ellesles excitaient en criant : « Guerriers, fondez

sur l'ennemi, terrassez-le et nous vous em-brasserons à pleins bras ! »

Le Coût de l'adultère

Quand les épouses des polygames sont in-fidèles elles sont durement châtiées. Le Korann'est pas indulgent pour l'adultère. En son

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chapitre 24, il prescrit d'infliger à chacun descoupables cont coups de fouet en présence de,nombreux croyants. Le verset 19 du chapitre4 est encore, plus sévère, lisez et frémissez :

« Si vos femmes commettent l'action infâme,appelez quatre témoins ; s'ils se réunissentcontre elles, enfermez-les dans des maisonsjusqu'à ce que la mort les visite » — Porteset fenêtres étaient murées — On ne pourraitdire combien cet article de loi barbare, inventé

par la jalousie de Mahomet, a fait supprimerde vies humaines.

En Océanie, l'adultère s'expie par uneamende de dix cochons sauvages, donnés parl'amant, au mari de la femme séduite.

Dans le Sahara, le chef de tribu qui rendla justice, cote plus cher la curiosité ; celuiqui entre sous une tente pour voir la femmede son voisin, doit en compensation donnerdix brebis à ce voisin.

Dans le Toua^pâdi^Hère est puni de la bas-tonnade. /#/,

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En Algérie parfois la femme adultère estscalpée.

Un arabe du douar Ouana, Afsa Essaïd,vient d'appliquer à sa femme Meyriem bentAmar qui lo trompait, le manche d'un coupe-ret rougi au feu sur les parties sexuelles.

J'ai vu dans le sud Oranais, des maris quiavaiont été abondonnés par leurs femmes,conduire les infidèles devant les tribunaux,pour leur demander cinq francs de dommagesintérêts par nuits qu'elles avaient passées loinde lui.

D'autres époux, veulent se faire payer unecompensation, pour toutes paroles ou gestescontre la femme, propriété qu'ils ont ache-tée.

Le musulman, on le voit, a mille petits

moyens de se faire des rentes avec ses fem-

mes, il n'est donc pas étonnant qu'il en épouseautant.

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Les Milianaises féministes

au ije siècle

Epouser est facile, assujettir l'est moins.Parmi les femmes indépendantes l'arabe estune insurgée. C'est qu'elle n'a pas toujoursété traitée en bétail :

A l'époque de l'idolâtrie, alors que Maho-met n'avait pas encore proclamé que l'hommeétait supérieur à sa compagne, la femme de

race arabe jouissait des mêmes droit que sonépoux et plus encore que lui, de considéra-tion.

Hommes et femmes doués de la même pro-digieuse mémoire, acquéraient le même savoir,ils avaient la même connaissance de la tra-dition orale et des poésies, car en ce temps-là, l'écriture et les livres étaient inconnus. Onénonçait verbalement et en vers toutes sesimpressions.

,Les femmes ne se contentaient pas d'êtrebelles parleuses, elles avaient un merveilleux

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talent poétiquo qu'elles employaient surtoutà auréoler de gloire les bravos, morts en dé-,fondant la tribu.

Confondue avec la poésie dans l'admirationdes arabes, la femmo était adorée comme unesorte de divinité.

Mahomet renversa l'autel et fit de la femmoqui y était assise, un instrument de plaisircharnel.

Cette déchéance, cotte annihilation ne fut

({lie superficielle, la loi islamique ne put vain-

cre l'atavisme et les musulmanes conservè-rent dans les géoles matrimoniales, l'amourque leurs aïeules avaient pour l'indépen-dance.

Les femmes arabes ont levé bien avant lesEuropéennes et les Américaines, l'étendardde l'émancipation.

Il y a cinq cents ans, que les milianaises,

se sont insurgées contre le masculinisme. Au13° siècle, elles se sont fa-it rabrouer par lesaint arabe Sidi-Mohamed-ben-Yusset, quileur reprochait : « d'usurper la place des

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hommes, de commander partout, quand ellesdevraient obéir ; enfin de se révolter controle droit de l'homme ot de faire leur possible

pour l'infirmer. »

Bravo nos ancêtres {

La gestation des Musulmanesest de cinq ans

Ayant si vif le sentiment de la liberté, lafemme arabe se sent responsable. Pendanttout le temps de la gestation, elle se préoccupede l'oeuvre qui s'accomplit en elle. L'enfantqu'elle forme doit être beau ! Aussi, de mômequ'un artiste qui veut reproduire un chef-d'oeuvre, elle s'entoure de ce qu'il y a de pluscharmant dans la création. Elle se fait appor-ter des gazelles qu'elle contemple tous lesjours pendant des heures, elle leur lèche yeuxet dents, afin que l'enfant qu'elle porte aitleurs dents blanches, leurs grands yeux ca-ressants.

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Le petit être qu'elle met au monde après

ces efforts clo volonté, est en général merveil-leusement joli. Est-ce le soleil qui a aidé la

maman à le si bien modeler ?

L'accoucheuse est en pays arabe la pre-mière venue, Quand on la voit courir à unetonte on lui demande :

— Mra (femmo) où vas-tu si vite ?

— Je vais, répond la musulmane interpellée,

« je vais partager une existence en deux exis-tences. » Ce qui veut dire : Je vais accoucher

une femme. »

Cette sage-femme d'occasion qui n'a reçud'autres enseignements que ceux de la tradi-tion et do l'expérience, complique le travail del'enfantemont au lieu de le faciliter. Elle triple,par des pratiques barbares, les douleurs desfemmes qui. subissent les épreuves de la ma-ternité.

Afin d'enrayer la mortalité si grande parmiles nouvelles accouchées, on remplace, à lagrande joie des indigènes, les matrones igno-rantes, par des sage-femmes diplômées.

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LES FEMMES ABABES •103

Los femmes qui donnent lo jour à un filsreçoivent de leurs maris des bijoux. Collesqui mettent au monde une fille sont injuriées,maudites, battuosl... Car, si l'on n'enterreplus toutes vives à leur naissance, sur lo montAbou-Doulamah, ou sur le mont Ben-Daïmatoles filles, pour leur épargner les peines, atta-•chés à la ondition des femmes, comme autemps où l'aïeul du poète Farazclak les ra-chetait de la mort, en donnant par tête pourrançon à leurs parents deux chamelles §t unchameau, la naissance des filles n'en est pasmoins considérée comme un grand malheur,pour les familles pauvres.

Les femmes arabes ne consentent à deve-nir mères, que quand elles ont bien constatéqu'elles ne manquent de rien et peuvent vivre

avec l'homme qu'elles ont épousé. (1)

A leur arrivée chez leur époux, elles setournent, se retournent, dans la maison ousous la tente des années*. Si elles trouvent

(i) Sont-elles initiées à la méthode scientifique de M. PaulRobin ?

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leur nid suffisamment duveteux et chaud, ellesdonnent le jour à un onfant, rarement à plu-sieurs.

Cetto attente de la maternité est poétique-ment interprétée. On croit que l'enfant som-meille longtemps clans le sein de sa mèreavant de naître; si bien, que la coutume attri-bue à un époux un enfant né cinq ans aprèssa mort.

^ En droit musulman, la grossesse d'unefemme peut durer jusqu'à cinq ans. « C'est,disent les légistes, le terme maximum de lagestation indiqué par Dieu. » Cependant quel-

ques-uns contestent ce terme et indiquentquatre ans comme le laps de temps le plusgénéral.

Bien que le Koran soit muet' à ce sujet,les cadis abondent dans ce sens ; ce qui donnelieu à beaucoup de procès.

La cour d'Alger étonne le monde arabe,chaque fois qu'elle déclare que la plus longuegestation d'une femme ne dépasse pas dixmois et déboute de leurs prétentions, les

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beaux-frères qui réclament do leurs belles-soeurs remariées depuis trois ou quatro ans,l'enfant qu'elles viennent de mettre au mondecomme étant le fils de leur frère mort depuiscinq ans. Mais la cour d'Alger a aussi rendudes arrêts grotesques comme celui qui légi-timait un enfant venu au monde plus de deux

ans après la mort de son père putatif.Les M'zabites qui émigrent pour travailler

dans les villes du littoral et laissent leurfemme dans leur pays d'origine, reconnais-sent comme leurs, fut-ce après plusieurs an-nées d'éloignement, les enfants qui naissentd'elles.

« L'assiégée est toujours vaincue » disent'les arabes en parlant de la femme séduite.

Le Koran qui s'est souvenu que les arabesdescendent dTsmaôl fils naturel cl'Agar etd'Abraham (alors que leurs frères les juifsdescendent d'Isaac fils légitime de Sarahetd'Abraham) n'a pas voulu qu'il puisse existerdes enfants illégitimes. Les bébés que lesfilles Oulad-Naïl récoltent en leur vie d'aven-

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ture, sont reconnus par la tribu de leur mèreet élevés par elle.

La femme arabe allaite son enfant avec desseins allongés à force d'être tirés, seins quilui tombent, jusque sur les cuisses quelque-fois et qui servent autant à amuser, qu'ànourrir l'enfant.

Au lieu d'avoir comme en France leur bébédans leurs bras, les mères marocaines les por-tent à califourchon sur leurs hanches, dans

un pli du haïck.Les mères arabes portent leurs enfants sur

leur dos, mais seulement pour les transporterd'un endroit à un autre ; car dans la maison

ou sous la tente, ils sont abandonnés à eux-mêmes nus sur la terre dénudée, ce qui lesoblige à s'ingénier, à s'aider de leurs bras etde leurs jambes pour se mouvoir, Ce systèmed'éducation les rend vigoureux et audacieuxc'est-à-dire aptes à marcher très tôt.

A Alger, dès que le petit arabe sait bienmarcher, il doit rapporter à la maison des

sous.

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— Pourquoi, clemandai-je un jour à ungrand yaouled dont je me servais, pourquoiles petites filles ne sont-elles pas envoyéesdans les marchés comme les petits gar-dons-? .''

';.'''•''"

— Parce que, me répondit-il, on les vole-rait aulieu deles acheter. »

Si les petites filles ne vivent pas extérieu-rement comme les petits garçons, elles neleur sont cependant pas inférieures en intelli*-

gence ?;:' Une Yamina de quatre ans^ possèdedéjà toutes les séductions d'une jeune fille.Quand un homme la taquine au lieu de pleurercomme ferait une petite européenne, elleriposte avecl'audace d'une femme.

Le chaouch d'un "tribunal de la provinced'Alger vint un jour, très ému, me faire cetteconfidence : « Croirais-tu, me dit-il, qUes le

« greffier me soutient que c'est ma femme et«moi qui faisons nos enfants !*.. Ce n'est ni.«' moi ni ma femme... C'est lo bon Dieu !

« Est-ce qtle l'on a jamais trouvé quelqu'un

« pouvant faire une bouche, un nez, des yeux ?

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« Essaie donc, toi, ai-je répondu au greffier,

« essaie donc de faire une figure humaine. »

— Que t'a-t-il répliqué ?

— Le greffier ? Il s'est esclaffé de rire ettout le tribunal riait avec lui....-.-.'-. '. .- \ . .'.'..."

Ce fait seul servirait à prouver, que chezles musulmans naïfs, Malthus n'a pas d'adep»'tes.; "':..-

Beaucoup de musulmanes trop peu for-mées, meurent en couches. Quant au nombred'enfants d'époux trop jeunes qui suc-combent avant l'âge de six ans, il est incal-culable.

En pays arabe, quand une femme stérileveut avoir un enfant elle touche du bout dudoigt le lion que les marabouts promènentde douar en douar, de ville en ville, en recueil-lant clés sous.

Ce lion dont l'attouchement a des effets siprolifiques n'est pas Tanimal féroce que nousconnaissons. C'est un lion doux, obéissant,bien élevé, qui a fait son éducation dans une

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kouba et qui remplit parfois l'Afrique- dunord du bruit de ses miracles.

Les musulmanes stériles ont l'habitude dosuspendre chaque mois, à un buisson bénit

ou à un arbre isolé, un morceau d'étoffe im-prégné de sang de leurs menstrues. C'est unmoyen infaillible pour devenir féconde.

L'esclave nègre que son maître a renduemère prend le nom d'Ouem-el-Ouled (la mèrede l'enfant) et jouit des égards dus aux fem-

mes légitimes. Son fils n'est pas bâtard maisl'égal de ses demi-frères ; comme eux il appar-tient à la tente, comme eux il hérite.

Quand les enfants nègres ont six ans leurmère leur grave sur la Jigure avec un couteaurougi au feu, des signes ineffaçables qui ferontreconnaître toute sa vie à quelle peuplade ilappartient.

Les traditions du matriarcat se sont con-servées parmi les Touareg. Imouchar (hom-

mes francs) chez eux l'enfant suit toujours le

sang de sa mère. « C'est le ventre qui teintl'enfant dit une formule de leur droit tradi-

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tionnel ». Le fils d'une mère noble et d'un pèreesclave est noble (1).- Le fils d'un père noble etd'une mère esclave, est esclave. Ce n'est pointle fils du, chef qui succède à son'père mais lefils de la soeur aînée de celui-ci. C'est la loisalique renversée.

Sur la côte d'Ivoire, au Gabon, chez lesNigritiens, chez les Touareg clu nord et dusud, le droit coutumier Beni-Oummia (fils dela mère) est fidèlement observé. A la mort duchef, do famille, son avoir est divisé en deuxparts les « biens de justice » acquis par lelabeur et les « biens d'injustice » conquis les

armes à la main : Les premiers sont, disentles voyageurs, répartis^ également entre lesenfants sans distinction de sexe. Les « biensd'injustice » reviennent en entier au fils aînéde la soeur aînée.

Quand un territoire conquis doit être dis-tribué entre les tribus il est donné aux damesdouairières de la noblesse.

(t)La noblesse utérine exista en France, en la période féodale: Lumôre noble donnait lo Jour a un fils noble lo père, fût* îl roturier.

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Beaucoup, de tribus Berbères sont Beni-Oummia (fils do la mère) ; à Rhat, le droitBerbère réserve aux femmes représentantsdes anciens maîtres du sol, l'administrationde l'héritage ; elles seules disposent dos mai-sons, sources, jardins et pour l'administra-tion comme pour le commerce, elles ne sontnullement inférieures aux hommes, d'aprèsM. Duveyrier (1). C'est au fils de la soeuraînée que reviennent les droits de commande-ment sur les serfs et les redevances payéespar les voyageurs.

Où la prostitution est un sacerdoce

Chez les arabes où l'on compte vingt-deuxfemmes pour cent de moins que d'hommes, etoù la polygamie qui excite l'appétit sexuel etfait on raison de l'accaparement de quelques-uns, la rareté pour tous du.sexe féminin sur

(i) M. Duveyrier a vécu longtemps parmi les Touareg.

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le marché du mariage, il no faut pas s'éton-ner si sacrifier à l'amour est oeuvre pie, si laprostitution est en Algérie un sacerdoce.

La trijju des Quled-Naïl qui pour plaire àAllah exerce ce sacerdoce, recueille partouthonneurs, considération, richesses.

Cette Tribu des prêtresses de l'amour dontles tentes ne sont pas comme celles desOulad-Sidi-Cheik, noires surmontées d'unpanache de plumes d'autruche ; mais d'unecouleur grenat rouge qui la distingue de sescoreligionnaires aux tentes grises ou brunes,occupe un immense espace sur les confins dugrand désert entre Bou-Saàda et Laghouatprès de Djelfa. Los hommes et les femmesdont elle se compose, sont les plus parfaitstypes de beauté arabe. Les hommes effémi-nés sont poètes et jouent de la flûte. C'est auson de pet instrument que les bambines de latribu apprennent à danser, en faisant leurspremiers pas.

Quand elles ont atteint neuf ou dix ansqu'elles savent chanter et danser à souhait»

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fumer élégamment, elles émigrent par troupo,.

vers les villes du littoral où elles exercent leurprofession qui est de charmer et d'ensorceler

— de se donner ou de se vendre librement.Ces enfants du désert n'admettent pas la

réglementation de la prostitution.Les Chambaa prévenus que la garnison

d'El-Goléa allait avoir des maisons publi-

ques, firent connaître hautement qu'ils serévolteraient si on prenait des femmes de leurrace pour ce commerce patenté;

Mais ajoutèrent-ils «clés négresses on peutfaire ce que l'on veut, ce ne sont pas des êtres,humains. »

Les aimées si jolies, les vierges folles du.sahara ravissent les européens. Ces houristransfigurent les habitués des cafés mauresqui ont, en les regardant danser, un avant-goût du Paradis de Mahomet.,... Les richesqui sont là leur versent sur les mains desamphores remplies de parfums.;...

Quand on voit êtincelantes de la tête auxpieds, de pierreries, de diamants et envelop-

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péespar la fumée des aromates, les charman-tes Oulad-Naïl se lever une à une et douce-mont, comme en hésitant, s'avancer dans lecercle formé par les spectateurs où bientôtelles agitent leurs hanches par un mouve-ment lascif, l'assistance est fascinée. Uneseconde aimée succède à la première, offrantla môme irrésistible, mystérieuse attraction ettoute la troupe des danseuses défile, simulantles choses les plus provocantes, laissant devi-

ner, grâce au costume arabe, les hanches ot leventre qui s'agitent, aussi distinctement ques'ils étaient nus.

Cette danse du ventre (1), c'est l'amour sansl'amour, elle produit une ivresse des sens dont

ne peuvent se lasser les spectateurs.La musique bien qu'assourdissante est en-

traînante ; bientôt un nègre, castagnettes dofer ou clarinette à la main, s'approche de cha-que assistant et ceux môme qui sont dégue-nillés lui donnent de dix à douze douros.

(t) Le spectacle grotesque que l'on en donne en France n'enest qu'une horrible Imitation.

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Cet argent a été emprunté pour quelquesheures, à un juif par de pauvres arabes qui ontvoulu se procurer le plaisir déjouer aux richesdevant les belles Oulad-Naïl.

'Quand, en se vendant à tout le monde, ces

aimables enfants auront recueilli assez d'ar-gent, elles retourneront dans leur tribu et lesépouseurs se les disputeront. C'est qu'avecl'or, elles apportent dans les plis do leur me-lhafa de brocart ou de soie, un peu do civili-sation.

Ce n'est pas seulement un besoin inhérentàleurpauvreté, qui a engendre la coutume géné-rale chez les Oulad-Naïl, d'offrir à prix d'orleurs filles à tout venant, c'est une croyancequ'en agissant ainsi ils honorent Allah. Ilssont persuadés, que les femmes font oeuvreméritoire en se prostituant et ils les encoura-gent dans cette voie ; car selon eux, renoncerà cette habitude attirerait sur la tribu les plusgrands maux.

La dîme de chair fraîche payée à ce mino-taure, le vice, leur paraît une garantie do sécti-

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rite. Aussi, c'est vainement qu'Abdel-Kadervoulut faire perdre aux filles des Oulad-Naïll'usage d'aller dans toute l'Algérie se prosti-tuer; une disette survint, on l'attribua à lacolère d'Allah et l'ancienne coutume fut réta-blie.

Les Oulad-Naïl nobles, c'est-à-dire degrandetente, agissent royalement avec leurs amants,d'une heure; quand ils ont admiré un objetrare ou un des tapis qui forment l'autel surlequel on sacrifie à l'amour, elles le leur fontporter par leurs suivantes.

Ghadamès, plus collet-monté qu'Alger etles autres villes du littoral, proscrit la pros-titution; elle chasse de ses murs les prosti-tuées.

Le royaume dollaoussa est pour elles en-core plus cruel. Dans ce royaume, les femmes

reconnues pour se livrer à la prostitution,sont lo jour du marché pendues sur la placepublique.

En compensation de cette sévérité, Biskra,qu'un poète compare à une émeraude dans un

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joyau d'or, appelle et adule les courtisanes.Elles occupent dans l'oasis aux cent cinquantemille palmiers, tout un quartier. Et, ellescontribuent au moins autant que les courses deMéharas, à attirer lès hiverneurs.

Dans les steppes du Sahara dos maraboutsberbères, appelésTagama(Saints) qui laissentcroître leurs cheveux et les disposent en lon-

gues tresses pour être remarqués de loin, ontune industrie traditionnelle, c'est de faire tra-fic de leurs femmes avec les étrangers. Ces

moeurs se retrouvent, chez les tribus d'origineberbère en Tripolitaine.

Hérodote raconte, que les filles de la Lydie

se livraient à la prostitution. Elles exerçaient

ce métier, jusqu'à ce qu'elles trouvassent à semarier. C'est ainsi qu'elles se mettaient enétat de choisir un époux.

Arts et Industries des Femmes Arabes

En savourant l'holocauste des exquisesOulad-Naïl, le polygame demande à grands

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cris que les musulmanes se régénèrent dansle travail.

| Le labeur quotidien' de ses épouses est pourlui une bonne source de revenus. Voilà pour-quoi il fait sur le marché la.rafle des travail-leuses habiles. N'est-ce pas bien placer sonargent, que de payer 300 francs une épouse-ouvrière qui lui en rapporte annuellementmille ?

Certainement, la beauté prime en Afrique

comme partout, mais le savoir-faire féminin

y est encore plus apprécié qu'en pays civilisé.Car s'il n'est point assez riche pour avoir desesclaves, l'arabe paresseux et contemplatifs'en remet à ses femmes du soin de tisser sesvêtements, de tisser sa maison mobile, la tenteet de préparer ses aliments, ce qui ne consistepas seulement à confectionner du couscous etdes gâteaux de miel, mais à moudre pénible-ment dans un moulin primitif, formé de deuxpierresserrépar un écrou, l'orge et le blé, à fairele beurre, les fagots, les peaux de boucs, àaller chercher de l'eau, à soigner les chevaux

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et les chameaux ; enfin, à enlever et à poserla tente dans les migrations.

Ces moukères délicates, souvent exténuées,qui doivent même tenir l'étrier à leur épouxfainéant, marchent à pied, la croupe chargéed'un enfant, les bras remplis de provisions oud'ustensiles do ménage, pendant que celui-ci

se prélasse sur un cheval.De la capacité de ses femmes dépend pour

le musulman le mal-être ou le bien-être relatif.Aussi, s'il repousse pour elles l'école émanci-patrice qui les soustrairait à sa tyrannie, ilest tout acquis à leur développement manuel.Ce barbare qui fait profession de contemplerle soleil, aime bien qu'on initie ses femmes àdes travaux dont le produit favorise son oisi-veté.

Justement les métiers que les femmesarabes peuvent exercer exigent, pour êtrelucratifs, un certain développement intellec-tuel. L'intérêt de l'homme finira donc parmodérer son effroi de l'école féminine.

C'est bien joli de fabriquer de la poterie,

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avec la fine terre si variée de couleurs quiabonde en Algérie, seulement, si la musul-

mane pouvait ajouter à la routine qui dirige

sa main, quelques notions capables d'élargirson horizon intellectuel, la glaise qu'elle pétrittriplerait de valeur.

Actuellement, dans plusieurs régioi, lesfemmes arabes fabriquent dos tasses, desamphores, des réchauds, des plats à faire,cuire le pain, le couscous ou la viande, des

vases de toutes formes. Elles vernissent leurpoterie d'un composé d'huile et de résine.

Les femmes kabyles ne traînent pas seule-ment la charrue à la place dos boeufs ; ellesconfectionnent des cruches qui ont cinq piedsde haut ; l'une d'elles entre dans l'intérieur du

vase, pétrit la terre et lui donne la formevoulue, tandis que les autres s'occupent del'extérieur. On retire la femme quand le vaseest achevé et on le fait cuire au soleil. Leshabitantes de Tougourtfabriquent de lapoteriefaite au tour.

Quand elles recevront, en même temps

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'*...'..qu'une instruction élémentaire, un enseigne-

ment professionnel, les femmes arabes utili-seront le kaolin, elles deviendront des porce-lainiôres émérites et les Algériens n'aurontplus la peine de faire venir de France leurvaisselle.

Presque sur tout le territoire algérien lesfemmes indigènes font mouvoir des milliersde métiers, qui ressemblent à nos anciensmétiers de tisserands et sur lesquels ellestissent également la laine, la soie,le poil dechèvre et de chameau, l'alfa et les filamentsde palmiers nains.

Avant de tisser, elles commencent parlaver la laine, non avec leurs mains, avecleurs pieds, ensuite elles la filent et enfin ellesla teignentà l'aide de végétaux qui croissentenAlgérie et qui, comme l'indigo, Tasfar et lagarance, donnent des couleurs aussi écla-tantes que solides.

L'étoffe que l'on tisse est d'autant plusforte, qu'en filant la laine, on y a mêlé plusde poils de chèvre ou de chameau.

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Dans le felidg qui fait les tentes, il entreautant de poils que de laine.

La plus grande largeur des étoffes tissées

par les musulmanes est de deux mètres, leurlongueur moyenne est de six mètres.

Les femmes du Soûf ont sans cesse en mou-vement cinq mille métiers; elles fabriquentdes haïcks, des tapis, 70.000 haouli par anqui, en moyenne, se vendent vingt-cinq francspièce. On comprend quo, dans ces conditions,l'homme ait imaginé d'avoir des troupeaux defemmes, qui lui produisent de beaux bénéficespendant qu'il fume des cigarettes et se délectede moka.

Les femmes de Figuig sont aussi desouvrières habiles qui tissent le coton, lalaine, et brodent les haïcks.

Les femmes Chambaa tissent et brodentégalement les étoffes.

Mais, les plus beaux haïcks blancs à tramede laine fine et à chaîne de soie, sont tisséspar les marocaines.

Les femmes arabes n'ont pas d'ateliers pour

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travailler ; très ingénieuses, comme toutes lesfillesde la nature, elles enfoncent dans laterre quatre grands piquets, sur lesquels ellesattachent des traverses en bois destinées àsupporter un plafond de branches de lauriers-roses, de lentisques ou de chênes nains, lesmêmes branches abritent le fond et les côtésde ce gourbi fleuri sous lequel est installé lemétier à laine. V

Elles ne se servent pour travailler que deleurs mains et d'un petit instrument en fer,qu'elles promènent vivement sur la tramepour régulariser le tissage.

Avec leslaines mérinos, leslaines fines, lesmusulmanes fabriquent des haïcks et des bur-nous, elles joignent des laines communes auxpoils de chameaux, aux filaments de palmiers,et elles en tissent des toiles à tentes imper-méables, d'un demi-centimètre d'épaisseur.

Le grand plaisir des femmes arabes est defabriquer des tapis sur lesquels jouent d'écla-tantes couleurs. Les Raïra et les Yamina,qui ont un tapis sur le métier, triomphentdans

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la tribu et sous la tente ; on vient de loin pouradmirer l'oeuvro et l'estimer,

Il paraît quo les charmantes tisseuses musul-

manes sont les ancêtres des tisseurs d'Aubus-

son. L'industrie et la fabrication des tapisaurait, dit-on, été importée on Europe par lesArabes qui s'emparèrent de l'Espagne etenvahirent la France.

La création de la fabrique d'Aubussonseraitdue à une des tribus arabes battues parCharles-Martel en 739, aux environs de Poi-tiers.

Il y a des femmes qui savent seulementtisser, d'autres qui savent faire les dessins;alors, les premières s'assurent les talents dessecondes moyennant un franc par jour pen-dant les trois semaines que le tapis demeure

sur le métier.La fabrication des tapis et burnous souffre

présentement de la concurrence de la mé-tropole'. Lyon et Nîmes produisent cesarticles.

Les tapis arabes de haute laine de la région

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des plateaux sont, malgré cola, si recherchés,qu'une école professionnelle indigène pourleur fabrication a été créée à Alger parMîne Delfau. Cette école, qui reçoit de l'auto-rité encouragements et subventions, formedes monitrices qui vont ensuite enseigner auxfemmes de leurs tribus à fabriquer des tapisau goût des Européens en leur conservantleur cachet original.

Pour que les tapis mauresques soientdemandés sur les marchés européens commeles tapis indiens et persans, il suffira dediriger le sens artistique des femmes qui lesfabriquent, de leur apprendre à mettre enrelief leur originalité, de leur donner, par undéveloppement intellectuel, la clef pour mieuxsaisir et reproduire les emblèmes et les sym-boles constituant l'art arabe.

Dans le Fezzan, les femmes de Gatroûnfont de jolies corbeilles qui sont exportéesdans toutes, les oasis environnantes.

Les Ghadamésiennes brodent le cuir avecun talent inimitable.

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Los femmes d'Agadès tissent les nattes etfabriquent des objets on cuir curieux.

Les fromages confectionnés par les femmesde l'Aïr sont renommés par tout le Sahara.

Los habitantes de Ouargla, des négressespour la plupart, fabriquent les médol, grandschapoaux de paille, garnis de petits carrés dosoie de toutes couleurs, que les arabes placentpar-dessus turbans et chéchia.

Encore une spécialité algérienne, la bro-derie, sur soie ou sur batiste dite orientale.

Quand, à Alger, Mme Luce, créatrice d'unedes premières écoles arabes-françaises defilles, fut, sur l'injonction du Conseil géné-ral, forcée de transformer son institutionen ouvroir, elle apprit aux jeunes mauresquesà faire une broderie originale tantôt pleine,tantôt ajourée comme une dentelle et dont larégularité paraît ne pouvoir s'obtenir quemécaniquement.

Les hiverneurs étrangers paient bien cettebroderie qu'ils emportent comme un souvenirde l'industrie africaine. Les expositions

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anglaises et américaines aimont à la faireadmirer à leurs visiteurs. Des expositionsfrançaises lui donnent la médaille d'or. Maiscombien de Français et d'Algériens ignorentl'existence de cette broderie artistique, donttous les sujets sont arabes ?

De 1862 à 1878 l'école professionnelle Lucefut soutenue par l'assistance musulmane, quilui donnait une subvention de dix-huit centsfrancs par an et une maison mauresque vasteet curieuse pour logement.

En 1878, maison et subvention furent sup-primés ; Mrao Luce Ben-Aben, petite-fille deM"18 Luce et sa continuatrice, dut enfermerdans son appartement — où il lui fut impos-sible de recevoir beaucoup d'élèves — sonenseignement si profitable à l'art et à la patriefrançaise.

Mme Luce a le grand mérite d'aérer l'espritde ses élèves, en même temps qu'elle dirigeleurs mains. Si elle leur fait pénétrer les déli-catesses que la broderie artistique comporte,si elle leur apprend à suivre, à tracer un

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dessin, un chiffre, un signe cabalistique,elle leur ensoigne, aussi secrètement, à parleret à écrire en français. J'ai eu entre les mainsdes lettres de ces jeunes mauresques, qu'uneécolièro parisienne ne rougirait pas de signer.

Aussitôt instruites et initiées à nos moeurs,les mauresques deviennent réfractaires à lapolygamie. Elles aimont mieux se prostituerque d'épouser un polygame.

Cette répulsion instinctive prouve simple-ment que la polygamie ne fait pas le bonheurdu sexe féminin.

Bête de rapport, condamnée au labeur pro-ductif incessant d'une mercenaire ; ou bête deluxe, vouée à la perpétuelle immobilité d'unemomie étendue sur des coussins ; la femmearabe, quelle que soit sa condition, est dansla maison comme sous la tente, assez indiffé-rente aux détails de la vie intérieure. Ellen'est ni ne se sent chez elle, chez le mari.

Quelques mauresques ont cependant, par-fois, comme les Européennes, des petits talentsculinaires. Elles font des pâtisseries feuille-

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tées, des gâteaux au miel, vraies feuilles depapier dorées, sucrées, transparentes, dontles autorités se délectent.

En manipulant avec méthodo la farined'orge, elles obtiennent des granules qui,cuites à la vapeur d'un consommé de volaille

ou dé mouton et arrosé largement d'un jussubstantiel très épicé, constituent le célèbrecouscous.

Le plus souvent, ce couscous, c'est l'hommequi l'apprête, les épouses qui n'ont point deserviteurs pour le préparer ne sachant cuisi-

ner, ou ne devant point être arrachées à leurtravail qui serait rémunérateur si, au lieud'être accompli sans initiation, il était fait avecla méthode que leur inculquerait une instruc-tion rudimentaire.

La femme arabe, dont l'industrie est letissage, la poterie usuelle, la vannerie, la bro-derie du cuir, du velours, de la soie et la bro-derie d'art, réclame pour pouvoir gagner savie en travaillant, un certain développementintellectuel. Ce développement l'empêcherait-

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il do se ployer aux usages de sa race, auxcaprices dos polygames, qu'il faudrait encorelo lui donner, car, on Algérie comme enFranco, on vit de couscous ou do pain, nonde préjugés.

Pour faire une musulmane médecin

Comment la femme arabe pourrait-elles'éclairer, s'affiner, devenir apte à perfec-tionner ses industries pour les rendre plusproductives, puisqu'elle n'a pas d'écoles oùelle peut aller s'instruire ?

Pendant mon séjour à Alger, j'ai dû avecsurprise constater que la capitale de l'Algérieétait dépourvue d'écoles indigènes de filles.Voici en quelles circonstances :

Une ancienne habitante de l'Algérie, avait

conçu le "projet de faire initier à ses frais àl'art de guérir, une mauresque. Elle voulait

que le diplôme décroché, la nouvelle docto-

resse qui aurait gardé pour inspirer con-

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fiance, le costume et los moeurs do sa raco,se dévouât à soulager les maux des femmes

ses compatriotes et coreligionnaires.Ce* but louable, ne pouvant qu'aider ,à

l'affranchissement de la femme arabe, je memis à la recherche d'une jeune mauresqueque son intelligence rendrait apte à profiterdes études médicales. Pensant que nulle part,mieux qu'à son école, je pourrais être rensei-gnée sur les dispositions d'une fillette doneuf à dix ans, je m'informais où se trou-vaient les écoles arabes de filles.

Plusieurs personnes firent à ma questiondes réponses prouvant qu'elles ne compre-naient ce que je demandais ; alors, me souve-nant des Zaouïa (écoles entretenues par lesmosquées) je dirigeais mes pas vers la placedu Gouvernement, et j'entrai dans la grandemosquée, si joliment illuminée à la fin duRamadan par les feux des émeraudes (sim-ples lampions verts) qui la constellent. LeTaleb (savant) auquel je m'adressais parut luiaussi, surpris de ma question. Il réfléchit Ion-

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guemont ot enfin m'affirma qu'il n'y avait pasà Alger d'écolos arabes pour les filles.

— Est-ce qu'il n'y en a jamais eu ?

— Si.

— Est-ce qu'il n'y en a pas ailleurs ?

— Si.Bref, de questions en questions je parvins

à connaître le nom d'une ex-directrice desécoles arabes de filles d'Alger ; et à force demarches et de contre marches, l'adresse de

sa petite fille qui m'apprit beaucoup de cho-

ses ; mais je voulus tout contrôler.Pour avoir des renseignements précis,

exacts, je compulsais dans les bibliothèquesles documents officiels, je lus les compterendus des Conseils généraux et tout ce qui atrait à l'instruction publique depuis l'an-

j nexion. J'appris ainsi, qu'avant le décret enj date du 14 Juillet 1850, qui avait organisé1 l'enseignement musulman et créé dans les'villes d'Alger, d'Oran, de Constantine et deBone une école où les filles arabes recevaient

; l'enseignement primaire, il existait une école

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musulmane de filles à Alger ; seulement de-puis que la France s'était emparée des bienshabbous qui lui permettait de subsister elleavait du fermer ses portes.

Dans sa session de 186Ï, le Conseil Géné-ral d'Alger avait supprimé l'allocation des-tinée aux écoles féminines arabes, arguantque l'enseignement pédagogique n'était pasen rapport avec l'état de la femme dans lasociété musulmane ; qu'il ne saurait se conci-lier avec les devoirs que les moeurs des mu-sulmans imposent à la femme ; qu'on rendait,en les instruisant, de mauvais services auxjeunes filles et qu'aucun musulman se respec-tant, n'enverrait sa fille à l'école (1), ni n'yprendrait sa femme ; car, il était reconnu que;quandlesjeunes filles avaient passé par l'école,elles étaient moins maniables et se pliaientdifficilement aux moeurs de leur race.

Point d'écoles, conséquemmentpoint d'éco-lières. Il s'agissait donc d'entrer, directement

(i) Mohammed Kamal, rédacteur au journal Le Mohacfter,réclame énerglqueriient l'instruction de la femme arabe.

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en rapport avec les familles pour trouver lesujet que je cherchais. Je fis des démarchesauprès de nombre do familles qui étaient tou-tes décidées à vendre leurs fillettes à un mu-sulman, mais qui ne voulurent pas, malgrédes offres d'indemnité équivalentes à une dot,

me les confier pour les faire instruire.Si ces démarches furent infructueuses,

quant au résultat poursuivi, elles furent pourma curiosité et mes recherches sur les habitu-des et les moeurs des arabes, pleines de pro-fits et d'enseignements.

Dans toutes les races humaines, la classeaisée a plus de préjugés que celle qui ne l'estpas. Je songeais que ma proposition n'avaitde chance d'être acceptée, que par les pau-vres ; et j'allais frapper au bureau d'assis-tance musulmane. Le trésorier qui avait vuune jeune fille arabe s'instruire avec succès,prendre son diplôme d'institutrice, parut toutdisposé à m'aider à trouver la future docteur.

•—Il voyait surtout le côté humanitaire de la

question ; car quant à l'assimilation, il en dé-

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sespèrait, disait-il, et comparait le fanatismemusulman à celui de Saint-Louis, qui parlaitd'enfoncer à ceux qui ne croyaient pas, sonépée jusqu'à la garde dans le corps.

L'instruction justement, tue le fanatismeet les Français qui veulent réellement con-quérir les arabes fanatiques, feraient biend'imiter le vice-roi d'Egypte Mahomed-Ali,qui faisait ramasser les enfants dans les rues•et sur les places publiques, pour les conduireà l'école. C'est ainsi qu'il a pu régénérer sonpays.

Cependant, le temps passait et aucunepetitepauvresse n'avait encore fixé notre choix, Ilimportait de trouver une enfant sachant aumoins lire et un peu parler en français.

J'adressais partout et à tous ma réclama-tion ; je passe les recherches vaines, les espoirsdéçus, les indications erronées, le fameuxsujet fut trouvé et perdu maintes fois avantd'être découvert. Enfin, j'allais choz le recteurde l'académie d'Alger.

M, Jeanmalre se déclara sympathique à

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l'idée d'instruire une musulmane. Il conseillade choisir une Kabyle et offrit obligeammentde trouver une enfant intelligente. On devraitl'envoyer faire ses études à Paris ; car, si ellerestait à Alger, les arabes n'auraient pas pourelle autant de considération que si elle reve-nait de France.

On lui faciliterait son instruction. Elleobtiendrait des dispenses, serait reçue officierde santé...

Son exemple qui déciderait d'autres arabesà faire faire des études médicalesà leurs filles,pousserait l'Etat qui fabrique des médecinsarabes, auxquels il donne le traitementde mécle

•cins de colonisation à agir de même envers lesfemmes. D'autant que cela lui coûterait moins ;les filles étant tout de suite assimilées tandisqu'il faut quatre ans pour assimiler les gar-çons.

.11.1. . . t ... t • . I l l , . I l .Mon départ précipité d'Algérie fit forcément

ajourner le projet de faire une musulmanemédecin.

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Avant longtemps l'idée sera reprise ; j'aidès maintenant la certitude, que les étudessérieuses ne répugneront pas aux filles denotre Afrique du Nord.

Il est aussi urgent au point de vue patrio-tique qu'au point de vue humanitaire, qu'il

y ait des musulmanes médecins ; car, lapieuvre anglaise essaie d'enserrer de sestentacules notre belle colonie ; après avoirfourni armes et poudre aux belligérants et auxbandits, afin de « nous faire » dansle désordreetle trouble l'Algérie, elle cherche à conquérirmoralement le pays.

Elle fait envahir les tribus arabes, par deslégions de prétendues doctoresses qui sousprétexte de traiter les musulmanes et de leurdonner des médicaments, pénètrent sous lestentes pour déprécier, calomnierla France etfaire l'apologie de l'Angleterre. Quand onchasse ces diaconesses, elles rentrent commehiverneuses.

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Alger sans écoles Arabes de filles

Les deux mille fillettes arabes ou kabylesdisséminées dans les écoles françaises du ter-ritoire de l'Algérie, infligent un éclatantdémenti à ceux qui affirment quo les indigè-

nes sont inaptes à profiter de l'instructionqui leur est donnée. Ces jeunes musulmanes,

non seulement font preuve de capacités intel-lectuelles remarquables, mais à la fin de l'an-née, leurs parents ont le droit d'être fiers deleurs succès puisqu'elles remportent de beauxprix, ou subissent très bien les examens.

Ces garanties d'intelligence ne décidentpasles rapporteurs du budget de l'Algérie à pro-poser d'instruire les filles arabes : « Paspour elles disent-ils d'écoles qui en feraientdes déclassées. »

L'instruction produit le même effet enFrance qu'en Algérie. En élevant moralementcelui qui l'a reçue, elle le déclasse, elle luicréé des besoins. Voudrait-on pour s'épargner

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la difficulté d'une heure de transition, sup-primer l'instruction, enrayer le progrès ? Per-sonne ne songe à cela. Tout le monde n'estd'accord que pour mieux organiser la société,de manière à ce que l'humanité instruite, ytrouve la satisfaction de ses besoins.

Il a été émis au Conseil général d'Alger,un voeu en faveur d'un institut professionnelde jeunes musulmanes ;

mais les arabophobes,do concert avec les arabes qui siègent danscette assemblée, ont vu là un détour prjspour ouvrir une école de filles et ils l'ontrepoussé. '

Les fillettes en sortant de l'école, s'écrientépouvantés les algériens, no voudraient plussubir la séquestration !...

Or, c'est cette séquestration do la femmequi maintient l'homme sous le joug et enfaitune proie facile.

La ville d'Alger, habitée par beaucoupd'indigènes, est donc, par le caprice des enne-mis de la fusion des races arabe et françaiseprivée d'écoles de filles indigènes,

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Les jeunes musulmanes qui ne peuventaller dans les écoles françaises faute d'êtrefamiliarisées avec notre langue, sont dansl'impossibilité absolue de s'instruire dans lacapitale de l'Algérie. Mais on réclame pourelles. Nous avons adressé une requête auxpouvoirs publics-, afin que les filles arabes nesoient pas plus condamnées à l'ignorance en1900, que durant la période de 1845 à 1861où elles avaient des écoles.

Les Français qui osent soutenir que les fil-les arabes— en raison des statuts

-— nouséchappent relativement à l'instruction ; etque nous devons respecter les droits succes-soraux musulmans qui les font dépouiller deleur patrimoine, devraient bien avouer, qu'ilsont intérêt à autoriser la tyrannie mahométanepuisque l'ignorance de la femme leur assurel'exploitation de toute la race indigène.

Quand la musulmane, qui ne touche qu'untiers de la succession paternelle, n'a pas decohéritiers mâles, l'Etat français s'empare desdeux autres tiers.

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Aucune loi ne sanctionne ce dépouillementdes la fille arabe, et l'usage établi ressemble

assez à une convention tacite de brigands, oùles Français semblent dire aux musulmans :

« Nous vo\is laissons détrousser les femmes,à conditionque quand vous ne serez pas là, cesera nous qui les détrousserons ! »

Le gouvernement français ne peut pas con-tinuerà donner en Algérie l'exemple de la pil-lerie, en laissant s'emparer et en s'emparantde la fortune des filles arabes.

Les rapporteurs du budget de l'Algérie quidemandent la réduction dés écoles primairesde garçons, ne s'étonnent pas naturellement,

que les villes comme Alger et Oran soientprivées d'écoles arabes de filles ; ils sont aucontraire, comme de simples geôliers musul-

mans, plutôt disposés à dénoncer le dangerde l'école émancipatrice pour les filles. Car,faire lire les femmes parait aussi déplacé enAlgérie, qu'en France les faire voter.

On vante les bienfaits de l'instructionetl'on refuse de la répandre en pays Arabe.

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On pourrait cependant le faire à peu defrais, si au lieu de procéder en créant detoutes pièces et magnifiquement des écolesspéciales, où les musulmans parqués à partrestent musulmans, on facilitait l'accès desécoles françaises existantes aux filles et gar-çons indigènes, par l'adjonction aux direc-teurs et directrices de ces écoles, d'un insti-tuteur et d'une institutrice parlant arabe.

Fusionner avec les jeux, l'émulation et lesefforts des enfants, ne serait-ce pas tuer dansl'oeuf le ridicule préjugé de race qui nous faitprendre notre supériorité d'éducation pourune supériorité native ?

Même dans les Centres où l'élément euro-péen ne s'est pas fixé, il ne faudrait que desécoles françaises-arabes. Pourquoi vouloirrenfermer à part dans des écoles exclusive-ment réservées à leur race les indigènes quel'on veut franciser? Est-ce en séparant lesenfants que l'on arrivera à unir les adultes ?

Pas d'enseignement religieux à l'école;donc, au lieu de respect des croyances musul-

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mânes — ce qui serait un encouragement àconserver ces croyances — neutralité, indif-férence vis-à-vis des religions diverses dosélèves.

V Contrairement à ceux qui demandent laréduction du nombre des écoles primairesarabes, moi qui ai vécu quatre ans parmi lesindigènes, curieusement en enquêteuse, jecrie : Des écoles ! encore des écoles !

/On se plaint de ce que l'arabe reste inen-

tamé par notre civilisation et l'on ne vou-drait pas l'initier, en l'instruisant, à ce qu'onlui reproche de ne pas connaître 1

Où serait l'excuse de la conquête si l'arabeque l'on a assujetti pour le civiliser (sic) con-tinuait à vivre à l'état de nature ?

Si dans le débat mémorable qui eût liou en1861 au Conseil général d'Alger, les Algé-rois n'avaient pas laissé sans protester, lesarabes qui exècrent les écoles émancipatricesdes filles de leur race, représenter ces écoles

comme des imitations de gynécées de Corin-the et d'Athènes et profiter de leur nombre

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pour voter leur fermeture, l'assimilationserait proche, si elle n'était un fait accompli.Car les femmes gagnées promptement, commeelles le sont, à notre civilisation, nous auraientpuisamment aidés à nous' concilier les Ara-bes, à nous ménager des intelligences dans lemonde musulman.

Les Arabes apprécient les femmes

instruites

Les indigènes très subtiles savent bien quela cloche de l'école commune pour les françaiset les arabes, sonnerait le glas de leur résis-tance à la francisation. Aussi sont-ils hosti-les à l'instruction obligatoire pour les gar-çons et rebelles à tout développement intel-lectuel féminin : « Si nos femmes étaientinstruites, disentles musulmans, elles seraientles alliées des roumis. »

Qu'on ne les interroge donc plus aux Con-

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seils Généraux ou Municipaux sur l'opportu-nité d'ouvrir des écoles de filles indigènespuisque l'on est certain d'avance qu'ils répon-dront négativement.

Le sexe masculin estpartout toujours décidéà annihiler le sexe féminin, voilà pourquoi ilest nécessaire que chacun, homme et femme,ait le droit d'intervenir pour son proprecompte, dans les assemblées administrativeset législatives.

Pour nous Français, notre intérêt en Algé-rio doit primer tout. Or, nous avons un intérêtréel, un intérêt politique, à instruire les mu-sulmanes puisque par elles, nous pourrionsavoir raison de préjugés et faire malgré eux,le bonheur des mahométans.

Les arabes seront très satisfaits, de trouvergrâce à nous chez leurs épouses une cultureintellectuelle

: à preuve ces paroles de l'ex-chef rebelle Kada à une française que larenommée avait précédée à Laghouat.

« Moi je n'ai qu'une femme bôto... Tonmari est bien heureux de t'avoir ! Où donc

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t'a-t-il trouvée ? Si j'avais eu une femme qui

comme toi comprenne tout, sache tout, jeserais devenu le grand Sultan de France !»

Parures, Costumes, Art de s'embellirdes Africaines

On feint d'avoir peur des polygames, dontelles soritle bétail, pour se dispenser d'ins-truire les musulmanes, bien qu'il y ait plus

d'un demi-siècle que le général Bugeaud adit : « Les Arabes nous échappent parce qu'ilsdissimulent leurs femmes à nos regards. »

Loin de tenir compte de ces paroles,lesgouvernements qui se sont succédés depuis laconquête de l'Algérie ont laissé les Arabesséquestrer, voiler leurs femmes ; et^ il y a peude temps, un ministre de la justice, n'a-t-ilpas formellement interdit aux notaires algé-riens de prier les fiancées musulmanes desoulever leur voile pendant la rédaction deleur contrat?

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Une plus récente circulaire du garde des

sceaux prescrit même aux juges instructeurset aux officiers de police judiciaire de ne pasfaire enlever leur voile aux femmes indigènesquand elles sont dans lours bureaux.

Cet hommago rendu au Koran favorise lesfaux et les substitutions de personnes ; c'estainsi qu'une jeune femme nommée Kôira, pûtdernièrement passer pour une vieille appeléeKheltoum, chez un notaire d'Orléanville etpermettre à un gendre do s'approprier,moyennant cette substitution, une propriétéde sa belle-mère.

Les filles de grandes tentes sont voilées àsix ans. Vers l'âge de cinq ans, elles ont ététatouées comme d'ailleurs les filles de toutesles conditions. Les mouches, les fleurettes,les petites croix dont on orne leur visagefont agréablement ressortir la blancheur deJour peau. Chaque tribu a sa marque spécialeet assigne une place particulière à cette mar-que, c'estcomme un blason qui fait reconnaîtreau loin ceux qui en sont parés.

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A Alger, quand un Arabe meurt sur lavoie publique, il se trouve toujours dans lafoule quelqu'un qui reconnaît, à son tatouage,à quelle tribu il appartient.

Les musulmanes ont été habituées à croire

que la femme dont on aperçoit le visage estpresque outragée, aussi si elles laissent voir

par l'entre-baîllement du péplum leur corpsnu, elles cachent soigneusement leur nez.

Pas plus qu'elles ne doivent se montrer,les femmes arabes ne doivent franchir le seuilde leur demeure.

— Comment ! On en voit circuler dans les

rues d'Alger!

— Sans doute, mais ce ne sont pas là desmusulmanes distinguées, ce ne sont que desmercenaires ou dès filles joyeuses.

Mahomet, mari très, jaloux, prescrivit,

—•prîur avoir plus de garantie de la vertu de

ses dix-sept épouses — que toutes les musul-

manes seraient voilées et qu'elles ne se lais-seraient pas voir par les étrangers.

Ce précepte dont les femmes se relâchent

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un peu à la campagne, est rigoureusementsuivi dans les villes ; aussi, abhorrent-elles losvilles, qu'elles considèrent ajuste titre commedos tombeaux où leur vie muréo est en proieà toutes les infirmités physiques comme àtoutes les sujétions morales.

,

Les femmes d'Alger et des environs ont levisage caché par une sorte de loup fait d'unmouchoir qui laisse seulement voir les beaux

yeux. Elles ne connaissent point l'embarrasdes jupes. Sous le haïck, elles portent avecle pantalon bouffant très étoffé, très long etpresque toujours blanc, une mignonne veste

en soie claire qui leur sied à ravir. Elles ontau-dessous du haïck, crânement posé sur latête, aux lourdes tresses noires, un petitbonnet tintinnabulant de piécettes d'oùs'échappent leurs cheveux, naturellementfrisés.

Les femmes de Laghouat portent toutesun costume qui, fut-il fait de haillons, a unecoupe théâtrale. Ce costume, composé d'unesorte de péplum antique, ouvert sur les côtés,

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est retenu sur les épaules par de massivesagrafes d'argent; un long voile relevé, flot-tant, est noué sous le cou et descend, entraîne,pour former manteau. Sur la tête, elles ontun bandeau royal.

Les femmes de beaucoup de régions sontvêtues presque exactement comme les mado-

nes de nos églises. Elles n'ont sur elles riende cousu, ne sachant pas commeles Euro-péennes manier l'aiguille. Elles portent lamelhafa (robe), faite sans couture, d'une pièced'étoffe blanche.

— laine, indienne, mousseline

ou calicot — qu'elles enroulent autour du

corps et qui est nouée sur les épaules ouretenue par une agrafe d'argent, ornée depierreries.

Cette robe, d'où sortent les bras chargésde bracelets, laisse voir par côté la poitrinenue. -^ Cette poitrine est d'ordinaire si mai-

gre, qu'il n'y a pas d'indécence à là montrer. -—La melhafa est serrée à la taille par uneceinture de brocart ou par un écheveau delaine multicolore.

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Les mahomôtanos riches portent commeceinture une cuirasse en argent, largo do vingtcentimètres. Avec leurs chaînes do tête otde cou, leurs anneaux de bras et de jambes,elles font entendre en marchant un bruitmétallique, une sorte de cliquetis d'opées, dochocs d'éperons, qui feraient prendre ceshouris pour des hommes d'armes.

Les bijoux font partie intégrante do l'habil-lement et sont portés tous les jours par lesfemmes arabes. Des colliers s'étalent sur leurgorge déformée dès l'enfance, par leur mèrequi leur tire les seins pour los allonger jusqu'àla taille.

Leur coiffure est moitié turban et moitiémitre. Un foulard de soie et or entoure latête sur laquelle étincelle un diadème incrustéde pierreries ; sur le foulard enroulé se rejoi-gnent, soudées par un camée, les chaînes d'oret d'argent qui soutiennent les lourdes etimmenses boucles d'oreilles, — sans ceschaînes, l'énorme parure faite de plaques decorail et d'anneaux enchâssés dans l'or ou

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l'argent massif, aurait, au bout d'une heure,fendu les oreilles.

0 Sarah ! quand tu fis, par vengeance,pour la punir d'avoir séduit Abraham, percerles oreilles à ta rivale Agar, aurais-tu pudeviner que toutes les femmes voudraientsubir la marque infamante que tu infligeas àton esclave, et y suspendre, en guise d'orne-ment, presque des roues de voiture ? Il y ades boucles d'oreilles qui ont trente centi-mètres de diamètre !

.Ces bijoux grossiers sont confectionnés pardes bijoutiers ambulants qui vont dans lesdouars, fondent les douros qu'on leur confieet les transforment, selon le désir de leurpropriétaire, en colliers ou en bracelets.

Le haïck ou long voile blanc enveloppe lesmusulmanes dans presque toutesles régions,elles le ramènent pudiquement de la main surle visage, quand par hasard elles sortent pourentrer dans des sortes de voiture cellulairesdont les stores sont baissés.

Les Sahariennes, toutes jolies, ont des

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vêtements blancs, bleus ou rouges ;. ollosportent la melhafa et mettent pour sortir unmanteau appelé ghansa. Pour toute parure,elles ont un collier de pièces do monnaie, degrains de corail et de clous do girofle. Leursboucles d'oreilles tombent jusque sur leursépaules.

Les belles Ghadamésiennes, au type grec,s'enveloppent dans une pièce d'étoffe qui passesous le bras droit pour s'attacher sur l'épaulegauche, laissant le sein à découvert, cetterobe est fixée au corps par une ceinturerouge. Une écharpe blanche flotte autourd'elles et leur donne quelque chose de vapo-reux et d'éthéré.

Leur diadème en or ou cuivré soutient ungros pompon rouge qui leur pend au milieudu front, ce pompon, symbole de liberté estinterdit aux esclaves. Elles sont chaussées desouliers en cuir rouge, richement brodés.

Les femmes Chamba ont une gandoura(chemise) sans manches, ouverte sur le côté,leurs cheveux noirs sortent de leurs turbans

T

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et tombent frisés sur leurs épaules ; elles nesont point voilées.

Los femmes du Touat non plus ne se voi-lent pointlo visage.

Les Touareg de sang mêlé sont, commeleurs maris, vêtues d'une peau de chèvre etd'un sale haïck ; leurs cheveux jamais peignéssont en désordre.

Les femmes Touareg de race pure sont trèsbelles ; elles ne se voilent le visage que devant

un étranger, en témoignage de respect.

« Le remède à la pauvreté c'est le Soudan »,dit un proverbe arabe. Les femmes du Soudan

avec l'étoffe effilochée et les rangs de coquil-lages enfilés qui cachent leur nudité ne décè-lent pas la richesse.

Les Koholanes, négresses qui avoisinent leSoudan, ont pour tout vêtement la Fouta(mouchoir noué sur les hanches) ; d'autressont enveloppées dans une pièce de lin bleudont l'une des extrémités fait coiffure et nelaisse voir que les boucles d'oreilles.

Les Foullanes sont aussi enveloppées dans

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une pièce d'étoffe, mais elles ne caohont pasleurs beaux cheveux qui tombent en lourdestresses laineuses ornées de verroteries, coquil-lages et cuivres, sur leurs épaules.

De grandes boucles d'oreille à cinq ou six

rangs, en corail, en verroteries, en grainesoriginales, font ressortir la peau doréede leurvisage ; et de gros colliersen ondâa, en ambre,en clous de girofle, roulent sur leur poitrine,où les rattache une bandelette en soie rougevif qui passe entre les seins et va se fixer surl'une des hanches. Cet attifement ne contri-bue pas peu àrendreles Foulîanesjolies.

De même que les costumes, la pudeur varieselon les pays, ainsi en Egypte les fenlmesont la poitrine découverte et la figure voilée.

Les femmes kabyles ne s'astreignent pasaux usages arabes, elles ont sous leur petitecoiffe noire la figure découverte et sortentlibrement de chez elles comme les Euro-péennes ; leur melhafa est courte, elle laissevoir leurs jambes nues ornées au mollet et àla cheville de braCelels.

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Dans toute coiffure de musulmane, estniché à portée de sa main d'une façon appa-rente, lo petit miroir qu'elle consulte en met-tant le khôl qui donne de l'éclat à son regardqui accentue les arcs de ses sourcils, quiestompe ses cils.

Les femmes du Tell et du Sahara ontcomme celles du Sud les yeux agrandis par lekhôl.

Même les négresses mettent du khôl qui a,entre autre propriété, celle d'arrêter l'écoulé*ment des larmes. Ceux qui en font usage,acquièrent paraît-il une vue limpide et per-çante.

Le khôl, on le sait, a pour base le sulfured'antimoine ; Mahomet l'ordonne et les mé-decins arabes le prescrivent.

La femme arabe fait aussi usage du henné,qui colore en rouge ses pommettes, ses lèvres,les ongles de ses pieds et de ses mains et lesfait ressembler, disent les poètes, au fruit dujujubier.

Partout, le cou et la poitrine des musul-

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mânes sont ornés de colliers de^verroterie,de corail, dé sequins d'or, de clous de girofle ;leur figure est agrémentée de petits dessinsbleus qui fpnt ressortir leur peau doré, cré-meuse, nacrée ou lumineuse. Leur bouche

rouge recèle souvent des perles éblouissantes.

*En mastiquant le souak qui parfume l'ha-

leine, failles lèvres pourpres et rend les dentsd'une blancheur si éclatante, la femme arabemarche à tous petits pas; on voit en mêmetemps que le mouvement de ses pieds, l'on-dulation de ses hanches. Elle cambre fière-ment la taille et il se dégagé de toute sa per-sonne une étrange séduction dont elle aconscience.

Hiver comme été, la musulmane a le mêmecostume blanc propre ou blanc sale, avec ousans transparentde couleur. Ainsi légèrementvêtue, elle s'étend la nuit sur le sol nu pourdormir, si elle n'est pas assez riche pour pou-voir coucher sur un tapis ou sur une natte.

Pourquoi est-elle empêchée de porter leburnous qui l'envelopperait si utilement,

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comme la Française est empêchée de porter lepantalon qui triplerait son agilité ?

Mahomet a interdit do porter le burnous

parce qu'avec co vêtement, a-t-il dit : « Lesfemmes pourraient avoir une vie extérieure ettromper encore plus souvent leurs maris. »Môme sans burnous elles ne s'en font pasfaute. Les Arabes avouent avec mélancolie

que leurs compagnes ne sont pas comme lesEuropéennes, susceptibles d'attachement.

Le coeur des musulmanes est-il aussi indif-férent ? Ne se vengent-elles pas plutôt parune froideur voulue et une coquetterie calcu-lée d'être comme du bétail, un objet de trafic ?

Toujours est-il que leur poitrine peu cou-verte est très sensible au froid. Sur les pla-teaux algériens, on ne sait quel nombre dejolies mauresques le froid couche en terrechaque hiver. Si en pays civilisé lé préjugémartyrise, on peut dire qu'en pays barbarele préjugé tue.

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La mort chez les Arabes

Si les frimas glacent mortollement dansleur robe do tulle ou de calicot, los musul-

manes, ce n'est pas parce que ceux de lour

race ignorent l'art de conserver la vie : LosArabes que notre administration évince dosbonnes terres, dépouille, dépossède et qui, àbout de privations meurent de faim dans lacampagne, ou qui vont hâves, décharnés,expirer dansles villes, possèdent plus qu'au-

cun peuple du globe, la faculté de reculerl'heure de la mort. D'abord ils sont sobrescomme leur chameaux, ils pratiquentpar reli-gion l'hygiène (1) ensuite, ils ont des remèdespour toutes les maladies.

L'Arabe essentiellement observateur, passepour malpropre auprès des ignorants euro-péens quand il préfère boire l'eau trouble et

(x) La science répandue dans le Coran, au point de vue dosprescriptions hygiéniques, dépasse, dit le D>' Grenier, le fonddes connaissances acquises par l'humanité au temps ou vivaitMahomet.

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saine, à l'eau limpide et fraîche, qui donnela colique et la fièvre.

Quel moyen de soulager ou de guérir avons-nous,, que les indigènes algériens ne possè-dent pas ? C'est d'eux que nous tenons l'ap-plication du feu, sur la partie malade de notreindividu.

Bien avant que Pasteur n'inocule la rage,bien avant la vaccination de Jenner, ils sesont inoculés la petite vérole pour en atté*

nuer les effets. Ils se font, pour cela, une inci-sion entre le pouce et l'index où ils introdui-sent le pus d'un bouton de varioleux. Maisils ne veulent point que ce pus provienne d'unevache ou d'un juif, n'entendant, disent-il^, ni

« s'avachir » ni « s'enjuiver » cle là, vientleur résistance à la vaccination officielle.

Le Musulman ne se couvre pas seulementd'amulettes quand il est malade, il multiplieles bains maures.

« Le Jjsain estaun médecin muet » dit unproverbe arabe.

L'habitant du Saharaqui a là colique ou

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la fièvre, croit se guérir en se serrant forte-ment le gros orteil avec un fil de soie ;

cependant, il ne néglige pas de s'envelopperle ventre dans une toison d'agneau.

L'habitant du Tell, malade, ne se contentepas de chercher à recouvrer la santé on man-geant sur la tombe des étrangers, il fait usagedes « simples », ses toubib (médecins) luiont appris la ver*tu des plantes qu'il foule auxpieds.

Il sait quand il doit employer le bou-nafa(père du bien), dont nous avons fait le thapsia,les moutardes, la salsepareille, la douce-amère, le sapindus, les larges mauves, letérébinthe,l'anis, le fenouil, la camomille, lepyrèthre, le ricin, le safran, la sauge, lalavande, la menthe, la verveine... Mais samédication préférée est l'oignon !

L'Arabe a-t-il mal à l'estomac, il mange del'oignon. A-t-illa colique, il s'entoure le ven-tre d?un cataplasme#d'oignons cuits.

Si cette panacée le préserve longtemps, elle

ne l'empêche pourtant pas d'arriver à notre

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fin commune, la mort. Il y est d'ailleurs rési-gné et il répète souvent ce proverbe :

« Il vaut mieux être assis que debout;

« Il vaut mieux être couché qu'assis ;

« Il vaut mieux être mort que vivant ».Son fatalisme fait supporter au musulman

la douleur avec héroïsme. Quand un fils adoré

ou une favorite meurt, il s'exclame stoïque-ment : Mehtoub ! (c'était écrif !)

Non seulement l'Arabe est résigné à lamort, mais, souvent, las, désespéré, il l'ap-pelle en tombant sur le bord des chemins, oùparfois les fauves le dévorent avant qu'il nosoit devenu cadavre.

Comme les Grecs, les Gaulois, les Romainset les Germains, qui voulaient que les chersêtres qu'ils perdaient entrent dans le paradisde leurs rêves parés et agréables à voir, lesmusulmans font la toilette de leurs morts.

Dès qu'un décès se produit, lie cadavre estsoigneusement lavé et parfumé. On lui metdes aromates, du camphre et du coton danschaque ouverture naturelle.

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Si le mort a été guillotiné, avant de l'ense-velir on lui recoud soigneusement la têteau tronc, afin qu'Allah ne soit pas embarrassépour le reconnaître.

Si c'est une femme qui est morte, on peigneavec soin ses cheveux, que l'on sépare en deux

par une raie au milieu de la tête et qu'on laissedénoués retomber gracieusement sur sa poi-trine, puis le corps est enveloppé de cinqlinges blancs. Le cadavre de l'homme n'estenveloppé que de trois linges blancs,

L'hygiéniste Mahomet n'a pas voulu com-promettre la santé des vivants en faisantpasser les morts par la mosquée ; ils vont dechez eux droit au cimetière, tout comme doslibres-penseurs.

Les étrangers s'arrêtent, étonnés, quandils rencontrent dans les rues des villes ou desvillages d'Algérie, une foule nombreuse oùles Aïssaouas ont déployé leurs drapeaux ; oubien un petit groupe d'Arabes silencieux, por-tant, suivant l'usage, sur le bout des doigts,sous un surtout de moire verte gansée d'or,

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une sorte de paquet long, informe^ que l'on sepasse de doigts en doigts. C'est un décédé

que l'on conduit à sa dernière demeure, sansdiscours et sans fleurs.

Ce mort que l'on transporte ainsi, est sanscercueil, il va reposer à même la terre ; aussi,

pour le préserver de la dent des chacals et deshyènes, qui infestent certaines régions, aus-sitôt le cadavre enterré à la profondeur detrente ou quarante centimètres, les Arabesconfectionnent autour de lui une petitemaçonnerie. On place également sur lui despierres brutes que l'on couvre d'épitaphes.

Cela n'empêche que beaucoup de cimetièresarabes sans clôture, comme ceux que j'ai vu,ne soient, la nuit, le rendez-vous des fauvesqui, sentant les cadavres et ne parvenant leplus souvent à les déterrer, épouvantent lesvivantsxde leurs rugissements et cernent pen-dant des heures leurs demeures en quittantle cimetière.

Les enterrements chez les M'zabites se fontla nuit et dans lo plus grand secret ; ils ne doi-

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ventpas être vus des étrangers à leur religion.Chez les Kabyles, on creuse la fosse avant

que le malade n'ait trépassé ; aussitôt qu'il acessé de respirer, on l'enterre. Cette précipi-tation sauvage fait souvent prendre pourmorts des évanouis. Quand les malheureux seréveillent dans leur fosse, qu'ils gémissent etfrappent, on dit qu'ils reçoivent des coups de

« matraque » en expiation de leurs péchés et,au lieu d'ouvrir la tombe, on se jette à genouxdessus, on prie. La torture des ensevelisvivants laisse, indifférente l'administrationinhumaine.

Autrefois, quand lo roi du Congo mourait,on conservait son cadavre plusieurs mois,puis on le transportait à la tombe en lignedroite, en démolissant tout sur le parcours.

Les rois des Roua sont ensevelis avec desfemmes vivantes dans le lit d'une rivière.

Les chefs Dahoméens sont onterrés exac-tement àla place où ils ont expiré.

Les veuves Pahouïnes sont enterrées nues,peintes en vert.

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Chez nombre de peuplades africaines, onensevelit les chefs morts avec plusieurs viergesvivantes.

Le corps du souverain des Hovas estenfermé dans un canot d'argent,

Les Zabarat, tribus arabes du Soudan, quiadorent le feu purificateur et le soleil vivi-fiant, enterrent leurs morts la tête tournéevers le soleil lovant, puis ils allument Unbûcher sur la tombe pour entraîner l'âme dudéfunt clans un tourbillon de flammes et delumière.

Le simoun, en ensevelissant dans le désertles caravanes, a fait prendre à presque tous leshabitants de l'Afrique l'habitude de l'inhu-mation. On laisse souvent, à côté du mort,des vivres.

Les grands hommes arabes, les saints, lesmarabouts, comme d'ailleurs les héroïnes ouprophétesses, sont enterrés dans des koubas,dans des mosquées. C'est leur Panthéon, à

eux.Avant d'entrer dans ces blanches koubas qui

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êmaillent le paysage algérien de leurs cou-poles carrées, ces personnages ont préalable-ment subi un embaumementqui les a momifiés.Ils reposent dans la salle funéraire, sur desespèces de grands lits ou catafalques, ornésde monceaux d'oripeaux de soie multicolore,de drapeaux verts aux croissants dorés, decolliers, de chapelets, d'oeufs d'autruche...

Il y a aussi, comme je l'ai dit, des tombeauxde femmes dans les Koubas, tel celui de LallaKhédidja sur le versant du mont du mêmenom, dont la crête neigeuse est visibled'Alger qui en est à cent kilomètres,

C'est toujours autour des tombeaux véné-rés que se font les serments, que se donnentles mots d'ordre, que se préparent les insur-rections. Ces tombeaux sont dans toute l'Al-gérie assidûment visités par les musulmans ;les uns demandentaux marabouts qui les habi- '

tent aide et courage, inspiration ; d'autres,leur apportent leurs offrandes.

A toutes fêtes, les femmes se rendent enprocession aux tombeaux des marabouts.

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Vêtues de blanc neuf, elles marchent en fileindienne en faisant retentir l'air de leursplaintes lamentables ; arrivées près des Koubaselles les entourent et d'un ton aigu, discor-dant, chantent des sortes de litanies. Puiselles s'assoient sur le sol pavé de faïences ver-nissées et en riant et mangeant, elles se ra-content leurs bonnes fortunes ou leurs dépi-tements amoureux.

Les mauresques d'Alger vont en grandnombre le vendredi, à la mosquée d'Ab-Er-Halsman — et Tesabli située surun plateau quidomine la mer au-dessus du jardin Marengoet où — quand j'étais lasse de respirer la brisesaline — je ne pouvais pénétrer qu'après avoirôté mes souliers ; car on ne marche dans lesmosquées que pieds nus.

Les musulmanes font toucher aux tom-beaux de menus objets, elles m'engageaient àapprocher d'eux aussi quelque chose, disant

que cela me porterait bonheur.Dans une petite niche de la mosquée est une

aiguière remplie d'eau. Les visiteurs boivent

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à tour de rôle de cette eau croupie dont lesaint est censé s'être désaltéré depuis le ven-dredi précédent. Souvent de charmantes mau-resques m'ont fait la politesse de m'offrir deboire avant elles.Q En pays arabe les haillons sont les insignes

du deuil. Dans l'extrême Sud les nègres met-tent une botte de paille à leur ceinture quandils sont en deuil.

S Dans le nord africain les hommes ne por-tent pas le deuil de leurs femmes, ce qui neles empêche pas de les regretter parfois et dedire à la mort d'une épouse : « J'ai perdu unepartie de ma fortune, ma femme m'avait coûtécent douros ! Elle savait si bien faire les crê-pes au miel et le Kouskous !

Quand leur mari meurt, les musulmanossont forcées de manifester une grande douleur.En signe de deuil, elles doivent s'abstenir,pendant quatre mois et dix jours, de khôl, dehenné et de souak, c'est-à-dire renoncer *L

être belles.Elles sont obligées de quitter leurs robes

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de mousseline et de tulle brodé, leurs mignon-

nes vestes de satin, leurs fins haïcks, pour sedraper dans des sacs en poil de chameaux etdans de vieux débris d'étoffes à-tentes. Elles

se noircissent les joues avec du noir de fumée,

se déchirent, s'arracjient la figure avec leursongles au point d'en faire ruisseler le sang.De sorte que, bien que leur coeur soit le plussouvent indifférent au mort, elles paraissentpleurer des larmes rouges ; eUes ont la figurecouverte de sang, comme nous l'avons inondéede larmes.

Quand les amies et parentes d'un défuntcrient et pleurent sur sa tombe après l'enter-rement, les tolba et les marabouts les apos-trophent en ces termes : « Femmes ! laissez lemort s'arranger avec Azraïl 1 (l'angede la mort)qui établit la balance de ses bonnes et de sesmauvaises actions. Vos lamentations sontune révolte contre l'ordre de Dieu !»

A Alger comme à Coristantine et à Oran,là mortalité musulmane dépasse la natalité.Ailleurs les naissances l'emportent beaucoup

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sur les décès puisque en dix ans, la popula-tion algérienne arabe a pris un si grand ac<-croissement.

Le climat algérien endort, éteint l'énergie.L'alanguissement de tout l'être, ôte le pou-voir de penser, de vouloir comme en Franceet la mort traîtreusement, sans qu'on la sentevenir, saisit.

Après l'enterrement, les riches font servir

aux pauvres une immense diffa. Cela vautbien notre repas des funérailles entre héri-tiers, du mort, se montrant les dents.

Les Touareg si courageux, si braves, ontune peur affreuse des esprits et des revenants ;

aussi, se gardent-ils de pleurer leurs morts,de peur de les voir ressusciter.

Dès que l'enterrement a eu lieu, ils chan-gent de camp afin de mettre l'espace entre lesvivants et le mort ; ils ne donnent môme pointau fils le nom de son père, le nom meurt chez

eux, avec l'homme qui le portait.Cet anéantissement du souvenir de l'être

perdu, jure avec le culte qu'ont les arabes

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pour leurs grands morts et caractérise deréelles différences de moeurs, entre les noma-des du Sahara et les habitants du Tell.

Le Paradis et les Houris

Le mahométisme maintient dans le Para-dis l'inégalité des sexes qu'il a établie surla terre ; car, bien qu'il ait donné à la femmela capacité légale, morte ou vivante, dans leciel comme dans le désert, la musulmane n'estque pour le plaisir de l'homme.

On sait qu'on ne peut toucher le Koransans avoir fait une ablution ; mais l'eau même

ne lave pas, dans certaines circonstances.Pendant les menstrues et pendant ses cou-ches, il est défendu à la femme, eût-elle faitcent ablutions, de toucher au Koran.

Elle prend ce qu'elle veut de la croyancecommune, on s'occupe peu de sa foi.

« La femme à l'âme d'un chien » ; inutile

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qu'elle aille à la mosquée, car cette créaturesans vertu troublerait les hommes par sa pré-sence. Il est donc superflu de dire que si cha-

que croyant musulman peut, à l'occasion,remplir l'office de prêtre, les femmes ne peu-vent en exercer le rôle.

Nous sommes loin, comme on voit, del'époqueoù la cheikesse Chohdah, surnomméela gloire des femmes et rangée parmi lessavants de l'Islamisme, donnaitdans la grandemosquée des conférences publiques, où elleexpliquait le livre des « Défaites ou Infortunesdes amants. »

Le Vendredi est le Dimanche des Arabes.La femme doit en ce jour, consacré à Dieu,tisser comme les autres jours les tapis et lesburnous, moudre la farine d'orge, car leKoran blâme qui imite les infidèles chrétiensou juifs en s'abstenant de travailler ce jour-là.

Les catholiques libéraux et anti-sémites deFrance préconisent l'alliance et non la fusionfranco-arabe, parce qu'ils ont des préjugés de

race.

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Combien ce grand metteur en scène défunt,Lavigerie, fut mieux inspiré qu'eux, quand,ne se contentant pas de faire planter aux fraisdes contribuables et des gens charitables, parles orphelins arabes, des milliers d'hectares devigne, dont sa famille hérita; il releva lesnègres, en honorant à Notre-Dame d'Afriqueune madone du plus beau noir, une viergenègre !

La mosquée ne rassemble le vendredi quela moitié de la nation musulmane, les hom-mes ; les rares femmes qui s'y rendent vontlà pour causer, non pour prier. Je les vois

encore, ces femmes s'accroupir dans une nef,séparées des hommes et parler entre elles dôtoutes choses étrangères à la religion. Ellesme forçaient à m'accroupir comme elles, cequi me brisait les jambes ; elles comptaient

mes jupes, détaillaient mes vêtements ; il estvrai, qu'en revanche, elles me laissaient com-piaisamment satisfaire ma curiosité et soule-ver le voile qui masquait leur visage.

Il y a, dans le Sahara, des femmes qui,

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commeles marabouts, rendent dans lesZaouïasdes oracles. On vient de loin leur demanderde résoudre des différends et l'on se soumetaux jugements qu'elles rendent.

Toutes les femmes Touareg savent lire et.écrire ; alors que grâce à nous, civilisateurs,les Mauresques d'Alger croupissent dans laplus grande ignorance.

Les femmes qui ont fait le pèlerinage de laMecque, sont pour le reste de leur vie célèbresdans leur tribu. Seulement, après leur mort,elles n'ont, comme toutes les autres musul-manes, droit, dans le Paradis de Mahomet,qu'à une soixante-douzième partie de mari ;

en d'autres termes, un homme a, pour lui seul,soixante-douze houris.

Comment donc Mahomet fera-t-il, quand iln'y a pas môme une femme pour chaquehomme, pour en donner soixante-douze àchaque Mahométan? La multiplication desfemmes aura donc lieu comme a eu lieu lamultiplication des pains ? Sans doute, puisqued'après le Koran, la femme est uniquement

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créée pour composer à l'homme un hareméternel et lui procurer des joies et des plaisirsininterrompus.

— A qui, dans l'autre monde, appartiendrala femme qui a épousé plusieurs hommes ?

Le prophète répond que ses maria la tire-ront au sort.

La cruauté divine envers la femme et l'ha-bitude prise par lec hommes de la laisser horsde la religion, prédisposent peu les Musul-

manes à s'occuper de l'au-delà de la vie.

N'attendant pas dans le Ciel de bonheur, lafemme arabe le cherche sur la terre. Pourelle, la suprême félicité est de plaire, d'inspi-

rer de l'amour ; aussi le Cadi, auquel elle vase plaindre quand elle n'est point satisfaite de

son mari, lui donne-t-il droit souvent endisant : « Je te comprends, car je sais que lareligipn des femmes, c'est l'amour! »

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Devineresses

Si les musulmanes ne croient guère à uneautre vie et ne se mettent point en' peine de lamériter, elles pensent que les influencesoccultes peuvent puissamment aider à épuiserdans celle-ci, la coupe des jouissances ; aussi,consultent-elles volontiers les devineresses etfont-elles preuve envers elles, d'une vraiecrédulité orientale.

L'Afrique est le pays béni des magiciennes.Les diseuses de bonne aventure n'attendentpas dans leur appartement ou dans leurmaison roulante les clients, elles vont àdomicile. Elles s'annoncent elles-mêmes dansles rues d'Alger en criant : Guézano ! Ouézano !

(je tire la bonne aventure).Ce sont en général d'ancienne\* femmes

galantes qui échappent à la misère, en s'attri-buant la prestigieuse puissance de lire dansl'avenir.

En entendant crier Guézano! des européen-nes rieuses apparaissent aux balcons et parfois

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font signe à la sybille de monter chez elles.Celle-ci après nombreuses invocations, exa-mine leurs mains et leur fait des prédictions

que le hasard se plàit quelquefois à sanctionner.Les Aïssaouas, ces mangeurs de fer rouge

et de verre pilé qui épouvantent et stupéfientles habitués des cafés Maures, des villes dulittoral en jonglant avec la vipère à cornesdont la piqûre est foudroyante, sont le plussouvent accompagnés de négresses jeunes etjolies et de vieilles gonzana à la mâchoireédentée, au nez bourré de tabac qui disent àchacun sa bonne aventure.

Les prédiseuses d'avenir vont par -groupe do

trois ou quatre. Des hommes les arrêtent aupassage et là, en pleine rue, elles leur annon-cent ce qui doit leur arriver. Pauvreté oufortune, vie ou mort, malheur ou succès enamour !... Tout cela débité dans un langagepittoresque, souligné de force gestes.

Chacun de rire, elles, en bonnes filles rientaussi ; elles touchent leur dû et vont gaiementà la recherche de nouveaux clients.

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Qu'il y a loin d'elles, à nos sybilles revôches,insultant l'amoureux naïf qui avoue ne pasvoir dans le sceau d'eau le portrait de celle quidoit l'aimer ! Mais elles sont nombreuses etles clients sont rares ; aussi, les jours de pluieces sorcières la melhafa et le haïck maculésde boue, poursuivent jusque sou,s les porteseochères la promeneuse qui s'y met à l'abri,de leurs offres de service. De gré ou de force,elles lui prennent la main. Voyant son effare-ment : « N'aie pas peur, disent-elles, tu esfemme et je suis femme, mets une piécettedans ta main, et je vais te raconter ton passé,ton présent, et ton avenir ».

Les sorcières arabes ne font pas seulementprofession de prédire ce qui doit arriver àchacun, elles passent pour connaître lapropriété d'herbes avec lesquelles elles con-fectionnent des breuvages qui ont la faculté dediminuer ou d'augmenter, à volonté, la géné-ration, de forcer la gaieté, l'amour ou desatisfaire la haine.

Dans le Sahara, c'est à de vieilles mulâ-

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tresses et aux tolba (savants), qui cumulent lerôle d'alchimistes et de magiciens, qu'hommeset femmes vont demander le philtre composéd'herbes spéciales et préparé avec des invoca-tions effrayantes, qu'on mêle aux aliments decelui ou de celle dont on veut se faire aimer.

Chacun sait que d'un crapaud mâle et d'unserpent femelle du désert, incinérés ensemble,il résulte une poudre qui fait suivre où l'onveut celui qui en a absorbé une pincée.

En Algérie, les prédiseuses d'avenir trans-portent généralement avec elles leurs instru-ments de travail

: un vase où brûle l'encens,

une canne pour tracer les signes cabalistiqueset une émeraude qui assure la lucidité.

Des négresses guérissent les esprits cha-grins dont la mélancolie a résisté à la salivepassée derrière l'oreille, en leur oignant lefront avec le sang chaud d'une demi-douzainede poules blessées à mort.

Afin de pouvoir se procurer suffisammentde poules pour ces sacrifices, elles ont appris

aux indigènes à pénétrer dans les poulaillers,

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en marchant à quatre pattes, le corps nu,enduit de graisse de hyenne. Les chiens,terrifiés par l'odeur de la hyenne, n'aboientpas et les larrons, à l'aide de fumées de résine,endorment les poules, les mettent dans leurspaniers.

Il y a des devineresses qui observent lamarche des serpents, d'autres la marche desnuées. Celles-là lisent dans les étoiles, celles-ci interprêtent les sables sonores et déchif-frent ce qui est écrit sur les rochers.

Tolède est la capitale des magiciens ; maisc'est au Maroc qu'on trouve surtout lesmerveilles du monde magique. A vingt joursde Souss, près d'une montagne qui parle,vivent les plus célèbres sorciers et sorcièresdu monde ; ils y ont établi une école d'alchi-mie et de nécromancie, qui est fréquentée parde nombreux élèves qui se répandent ensuitedans les tribus africaines, où ils sont toujoursles bienvenus.

Un devin gagne largement sa vie, chez lesArabes qui protègent leur demeure par la

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marque des cinq doigts et qui pensent sedébarrasser de leurs maladies, en les faisant

passer dans les tiges d'alfa. On voit fréquem-ment dans le désert des voyageurs descendrede cheval ou de chameau, s'accroupir prèsd'une touffe d'alfa, dont ils nouent ensemblelos pousses nouvelles, croyant y attacherleurs souffrances.

Tout est surnaturel, pour les rêveurs enburnous. Les puits artésiens font leur émer-veillement. « Les Français, créateurs des eauxvives, ont, disent-ils, retrouvé la clef des eauxsouterraines, cachée par les magiciens ».

Ils attribuent aux plantes et aux animaux

un pouvoir parfois prestigieux. Ainsi, si l'at-touchement du lion a des effets prolifiques,les grands lézards d'un mètre, qu'on trouvedans le Sahara, peuvent, en les frappant deleur queue, rendre la femme stérile et l'hommeimpuissant.

Certaines tribus de l'Afrique gardent aufond d'un sanctuaire un tigre orné de fétiches.On lui offre des moutons, des volailles, du

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maïs, on exécute des danses en son honneur.«;;Ailleurs, c'est le crocodile qui est un animal

sacré. Agiter une lame au-dessus des eauxqu'il habite, est un crime capital.

Tout Israël se prosterna pendant cinq centsans, devant le serpent d'airain.

L'ours est une divinité dans le Nord, lejaguar au Brésil, le crapaud dans l'Amériquedu Sud, l'araignée dans les îles du Pacifique.

Tous les ans, un bourreau égyptien jette,en grande pompe, dans les eaux dévorantesdu Nil, une. magnifique poupée. Autrefois,c'était une jeune fille vivante qui était lancéereligieusement dans le fleuve, afin d'obtenirpar ce sacrifice une récolte favorable.

Les prédiseurs d'avenir (1) sont, d'après lesArabes, plutôt inspirés par diable que parDieu; cependant, ilslouent Allah, ils crientau miracle, quand ils ont reçu d'eux, sousforme d'amulettes, des petits papiers entiere-

(I) Kamal Mohammed, dans son livre « Respeot auxdroits de la Femme dans l'Islamisme », les appelle maî-tres en friponneries.

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ment blancs et qu'après avoir été portés sousla gandoura ou la melhafa, à même la peau,pendant trois jours, ces papiers blancs, tra-vaillés par des compositions savantes, appa-raissent couverts d'écriture. 0 sainte chimie !

De combien de miracles n'es-tu pas l'auteur !

Cervelle de jeune fille

En pays arabe, où les filles sont épouséespresque aussitôt que nées, une vierge estrare. Elle est d'autant plus prestigieuse: sescheveux et ses ongles, déjà teints de henné,sont capables de retenir, suspendu en l'air, lerocher détaché de la montagne, aussi long-temps que celui qui les porte est en dangerd'être ^crasé par son poids,

La possession d'une dent de petite musul-mane, donne à son propriétaire le pouvoir defaire coucher à ses pieds les animaux les plusféroces.

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Mais la partie du corps de la jeune Arabequi possède la suprême vertu, c'est la cervelle !

La cervelle d'une vierge musulmane ne pré-serve pas seulement de tous les maux, neguérit pas seulement de toutes les maladies,elle donne à ceux qui ont le rare bonheur dela posséder et qui la portent enfermée dans sonétui métallique, sous le turban, la faculté depénétrer tout ce qui est caché et d'êtreéclairé dans toutes les sciences. Si Mahomet

a été un homme si remarquable, c'est, paraît-il, parce qu'il portait, appliquée sur le crâne,une cervelle de jeune fille. Ces bons Arabes,aident, comme on voit, M. Manouvrierà réha-biliter le cerveau féminin.

Pour se procurer la magique cervelle, onn'hésiterait pas à l'arracher de la tête d'uneenfant vivante. Mais ce crime est impossible,les petites Arabes, étant une valeur, une mar-chandise de prix, sont étroitement surveillées.Alors, pour avoir des cervelles de vierges, onviole les sépultures. Un cheik vient encored'informer la justice, que la jeune Sahéli

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Halima bent Amar, inhumée la veille à Man-souriah, avait été déterrée dans la nuit et quesa cervelle, avait été extraite de son crâne.

L'amoUt\ fait talisman

Parmi les amulettes des peuples naïfs, il enest de bien dignes d'inspirer le respect auxcivilisés : telle l'amulette faite en terre pétriede larmes qu'on porte sans cesse aux lèvres,pendant l'absence des voyageurs.

Quand lès Arabes partent de chez eux pourune expédition, une guerre, un long voyage,ils ne disent adieu à aucune femme de leurfamille, cela paraît-il, leur porterait malheur.Mais leurs mères, leurs épouses, leurs filles,accompagnées de parents et d'amis, les sui-vent .furtivement, baignant dé larmes la tracede leurs pas. Quand ils montent à cheval etdisparaissent à l'horizon, celles qui les aimentsont courbées sur la route, pour recueillir pré-cieusement la terre qu'ils ont foulée.

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De cette terre mouillée do larmes, on faitdes amulettes que tous ceux qui s'intéressont

aux disparus portent sur leur coeur, comme desreliques avec la sainte croyance que ce témoi-

gnage d'affection ramènera sains et saufs les

voyageurs au logis. Cet amour fait talisman,est bien suggestif. Nous n'avons pas, nous,civilisés, trouvé, pour prouver notre attache-ment, quelque chose d'aussi réellement tou-chant dans sa simplicité.

Quand un homme veut se faire aimer d'unefemme indifférente, il doit porter sur lui uneamulette qui a été écrite par un taleb nu, avecune plume taillée dans le bois du laurier-rosomâle, trempée dans l'encre jaune.

Un marabout renommé se fait parfois payerquatre ou cinq douros, pour écrire une amu-lette préservatrice des maladies ou des voleurs.

A côté des amuletttes bienfaisantes, il y ades amulettes redoutables. Celles qui con-tiennent des poils de chacal, rendent le coeurlâche ; celles sur lesquelles on a craché troisfois, attirent la mort sur ceux qui les portent.

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Les Français se moquent volontiers desamulettes. Les petits sachets de cuir conte-nant les versets de Koran que l'on place surle coeur, que l'on suspend au cou ou au bras,ne sont pas cependant plus ridicules que nosscapulaires et nos médailles.

Les Caravansérails. — Le Désert. —Laghouat

Les croyances qui bercent les êtres primi-tifs, éveillent une ardente curiosité chez lescivilisés qui bâtissent sur les hypothèses. Aus-sitôt débarqués en Algérie, les européensrêvent de connaître le beau pays mystérieuxet magique ; seulement ils voudraient pouvoirle visiter comme ils ont visité la France etl'Italie, c'est-à-dire commodément. Ils pren-nent le chemin de fer pour aller voir Oran,Constantine ; d'aucuns poussent une ' pointejusqu'à Biskra, toujours en chemin de fer,

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mais quand il s'agit, et pour cause, de quitterce mode de locomotion usuelle dans les payscivilisés, beaucoup hésitent et finalement,renoncent à parcourir le petit désert, plutôt

que de monter dans les guimbardes antédilu-viennes, où les

,

entrepreneurs de transportsentassent les voyageurs.

La diligence est déjà remplie de paniers,ballots, couffins et d'arabes leurs proprié-taires quand les Européens s'y empilent aupoint de ne pouvoir faire un mouvement,de ne pouvoir remuer un pied, pendant desheures et des heures. Ce supplice d'être ainsipressé et forcé à la plus complète immobilité,rompt le corps et brise les nerfs.

Dans les solitudes immenses aux horizons

sans fin, au silence effrayant, où l'on ne voit

pas voler un oiseau, où l'on ne rencontre nihumains, ni animaux, ni arbres, où l'on a surla tête l'éblouissant ciel bleu et l'ardent soleilet sous les yeux le sable ou le roc, on a dis-posé de distance en distance, pour assurer lesrelais des chevaux et la subsistance des voya-

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geurs, des auberges du désert appelées cara-vansérails.

On ne les aperçoit pas de loin, tant ils sem-blent prendre soin de se dissimuler.

Ils sont formés de quatre bâtiments, parfoisfortifiés, qui renferment une vaste cour aumilieu de laquelle coule une fontaine ombra-gée de verdure. Des murs bas enclosent lesbâtiments plus bas encore.

Le soir arrivent de tous côtés les diligen-

ces remplies de voyageurs, les caravanes etles convoyeurs, les longues files de chameauxchargés de marchandises et de produits pré-cieux, les cavaliers de race et de costumes dif-

férents.

Les auberges du désert qui logenttoutes les nations, entendent, comme à latour de Babel, parler toutesleslangues.

Un vieil indigène, assis à l'entrée du cara-vansérail, accueille gracieusement tout lemonde, aussi bienles pauvres fellahs, que lesriches convoyeursdes régions lointaines.

Les détenteurs des caravansérails sont sur-veillés, inspectés, l'abri et les repa3 qu'ils

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fournissent sont taxés, C'estpour cotte raisonsans doute qu'ils feervent à trente personnesle dîner de trois.

Ce ne sont cependant pas leurs approvi-sionnements qui sont coûteux. Nous avons vule cocher de la diligence, acheter pour eux àun berger, après prix débattu, un mouton de

son immense troupeau pour un franc cin-quante centimes.

Tout ce qui est pris en dehors de la tabled'hôte, échappe au tarif, et est par consé-quent, côté un gros prix par ces hôteliers ra-paces;mais la faim et la soif, sont dans ledésert trop violentes, pour pouvoir marchan-der; ''

Bien avant d'arriver au Hocher-de-Sel, lesol est saupoudré de matières blanches etétincelantes. Sur les bords des ruisselets, desruisseaux et des rivières, se trouve aussi dusel. Enfin les yeux sont éblouis parce spec-tacle féerique, une montagne de sel que lesoleil dore, argenté, drape des plus riantescouleurs. Le rocher de sel émerveille les voya-

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geurs auxquels il apparaît comme un bloc do

diamants et de pierres précieuses.Après les cuvettes superposées qui se suc-

cèdent, en éveillant chez le voyageur l'idée delacs, de mers disparus, viennent les mame-lons de poussière rose, lilas, dorée, argentée,que le vent soulève en tourbillons, en faisantretentir l'air d'une musique dont vos oreillessont émerveillées. Le phénomène des sables

sonores, simule en môme temps qu'un bruitde vagues, le son du tambour.

On fait des lieues et des lieues sans voir unhomme. On passe une demi-journée sansapercevoir un oiseau. Solitude effrayante,silence lugubre, tel est le petit désert. On letraverse en cuisant le jour et en gelant lanuit. *

L'air que l'on respire dan9 ces espaces im-

menses, est par exemple absolument salubreet fortifiant. On serait malade ailleurs, si l'onétait soumis aux fatigues et aux privations desommeil et de nourriture qu'on y endure. Là,malgré toutes les souffrances, l'énergie vitale

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est augmentée, Comment so fait-il, qu'un mé-decin entreprenant n'ait-pas déjà établi dansle petit désert, un sanatorium pour anémi-ques?

La diligence ayant été dans le précédentvoyage attaquée, une petite troupe de gensd'armes nous escorta au mauvais passage,d'un relais à un autre des spahis galopaient àla portière et coupaient de leur brillant uni-forme, la monotonie du paysage et do leurgais lazzis, l'épouvantable silence du désert.

L'un de ces spahis enleVait une mauresque.Pour mieux dérouter son mari et les arabespartis à sa recherche, il l'avait affublée d'uncostume européen ce qui la rendait disgra-cieuse, sans cacher son origine écrite sur safigure et sur ses mains par lo tatouage.

Cette mauresque aussi bonne mère qu'infi-dèle épouse, n'avait pas Voulu se séparer d'unemignonnette de trois ans qu'elle mangeait debaisers. Tous les voyageurs, cela va sans dire,s'intéressaient aux amoureux.

La pauvre humanité sent si bien que dans

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cetto triste vie, la soulo chose bonne estl'amour, que son coeur va d'instinct, à ceuxqui" en souffrent ou qui en jouissent !

Nous eûmes bientôt à essuyer une vraiefusillade, ce n'étaient point les brigands quiavaient surgi ; mais le mari outragé qui récla-mait son bien.

C'est au son de la trompe que la diligencefranchit triomphalementla porte de Laghouat,tout le monde est sur le seuil pour la regarderpasser. Quand on Ta vue, on la suit, on setransporte en foule au lieu où elle s'arrête.L'arrivée de cette diligence est un événement,n'apporte-t-elle pas dans ses flancs le cour-rier ! C'est-à,-dire des nouvelles d'Alger et dela métropole ? '

Laghouat est un pays étrange où rien neressemble ,à ce que l'on a vu ailleurs; Lesfemmes de Laghouat ont un costume découpethéâtrale, qu'il soit fait de brocart ou dehaillons, toutes, elles portent élégamment lepéplum antique.

Le matin, les habitants sont réveillés par

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les fifres dos bergers qui conduisent 'auxchamps los immenses troupeaux de chèvres etde moutons de tous les indigènes ; ces bêtesont suspendue au cou une clochette qui caril-lonne gaiement.

Puis viennent les turcos à l'uniforme pitto-resque, aux musettes qui dans ces sites sau-vages jouent des airs que l'on n'a jamaisentendus.

On est surpris de trouver aussi bien, ceposto avancé, cette avant-garde du désert qui

ne compte pas 4.000 habitants. Les rues sontlarges, les maisons bien alignées construitesen briques rouges sont toules à arcades.; Desjardins partout, d'où déborde la verdure, et,si ce n'étaient les carres d'habitations arabesconstruites en terre séchée au soleil, sansfenêtres, sans jour extérieur, on pourrait secroire clans une ville du littoral.

La mosquée placée sur une hauteur estjoli-ment ornée de faïences vertes.

Le lendemain de notre arrivée, on nousdonna dans un jardin une branche de cerisier

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chargée de fruits. C'est quo les arbres d'Eu-rope croissent là-bas à l'égal dos palmiers et

que los jardins do légumes et d'arbres fruitiersfont à Laghouat une ceinture. '

En creusant le sol, on ne trouvo ni sable,ni roc, ni pierres; mais l'humus noir à laprofondeur do plus d'un mètre; aussi, avecquelle vigueur tout croît, légumes, fleurs,fruits. Il est vrai que dans ce pays brûlant,l'humidité est soigneusement entretenue au-tour des plantes. Les arrosements so fontadministrativement, à jour et heure fixe, parun ruisseau intelligemment détourné de laM'zi.

Un jour, je vis un arabe grimpé sur unpalmier de notre jardin qui chantait à tue-tete.Intriguée je m'informe. On me répond que lechanteur est en train de féconder les pal-miers femelles en semant sur leur tête en fleurdu pollen de palmiers mâles. L'acte accompli

on donne une pièce de monnaie à l'opérateur.L'exubérance de vie qui se manifeste dans

l'oasis de Laghouat, se traduit parfois désa-

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gréablemont pour los habitants. Non seule-ment les plantes croissent et se multiplientrapidement, mais aussi les insectos, mais aussilos reptiles.

En se levant le matin, il n'est pas rare quel'on sente on mettant ses pantoufles, un obs-tacle froid et mou qui remue sous le pied. C'est,

un crapaud.Les souris bâtissent des nids dans lo som-

mier de votre lit, ce qui ne trouble pas peu lesommeil. Le soir quand vous lisez votre jour-nal elles viennent par couple sur votre épaule,

vous regardant curieusement on agitant la

queue.Quant aux serpents, ils sont si nombreux,

qu'ils pénètrent chez vous sans façon, entrantpar la fenêtre quand la porte est fermée.

Je ne parle que pour mémoire des poux quel'on trouve, en dépit de la propreté la plusméticuleuse, journellement clans ses vêtementsou dans son lit.

Malgré ces petits désagréments, Laghouatimpose son souvenir, on rêve de la revoir

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quand on Ta déjà vue. Y sera-t-on autantattiré, quand on pourra, grâce au chemin do

for, plus facilement la visiter?Oui, car on voudra regarder de nouveau

les étoiles qui sont à Laghouat lumineuses

comme des soleils et aspirer la brise salubredu largo de la mer de sable, autrementpure et tonifiante que celle des océans.

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Les Sauterelles

La radieuse Algérie recèle, avec des poux et desserpents, les sauterelles dévastatrices.

Quand, par les chaudes journées de juillet, lesParisiens qui s'amusent sur les pelouses du Bois-de-Boulogne, à saisir au vol les jolies sauterelles vertesou grises qui animent la nature et se fondent dans

son harmonie,, songent-ils, qu'à une journée deFrance, des sauterelles, plus grosses, autrement cos-tumée* que celles qu'ils ont sous les yeux, sont ijnfléau que l'on combat, une calamité contre laquellese porte, par instant, tout l'effort algérien?

Ces sauterelles qui habitent le désert agissent,quand le famine les pousse, exactement comme lespeuples affamés qui, sous prétexte de guerre, vontse refaire chez leurs voisins ; elles se forment enmyriades de légions qui s'abattent sur l'Algérie luxu-riante et dévorent toute végétation. Cependant, cen'est encore rien; ces sauterelles si nombreuses,qu'elles deviennent des nuages qui obstruent lalumière du soleil d'Afrique, qui arrêtent voitures ettrains, dans leur marche, pondent là ou elles s'arrê-tent chacune de 80 à 100 oeufs qui, une fois éclos,

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200 LES FEMMES ARABES

sont ces criquets voraces qui nettoient mieux le sol

que ne le ferait l'incendie ; qui, « lorsque l'herbe, etla feuille manquent, mangent le bois, qui, lorsque lebois manque, mangent la pierre ! »

,

Chacun,' naturellement, chasse ces destructricesdu mieux qu'il peut. Lors d'une des dernières inva-sions, un maire requis un grand nombre d'Arabes

pour détruire les criquets sur ses terres de Belkacem ;

comme il ne les payait pas, les Arabes travaillèrenttrois jours, puis ils refusèrent de laisser manger pluslongtemps leurs récoltes, pour passer leur temps à

protéger gratuitement celle du maire.Le magistrat municipal leur fit dresser procès-ver-

bal et le juge de paix de Dellys en condamna pource fait soixinte-douze à cinq jours de prison et quinzefrancs d'amende.

, Le gouverneur auquel on en appela de cette injus-tice, ne voulut pas faire casser le jugement qui con-sacre la domesticité gratuite et obligatoire, des Ara-bes envers l'autorité algérienne.

Les sauterelles ne redoutent réellement que lescigognôs qui s'alignent en bataille pour démolir à

coups de bec le mur vivant qu'elles forment envolant.

Les terribles acridiens que l'on combat par lebruit, la fumée et les toiles étendues (appareils cyprio-tes), ont prouvé qu'ils se riaient de ces obstacles en

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LES FEMMES ARABES 201

venant s'abattre en plein Alger. Quelques compa-gnies arrivèrent d'abord en éclaireuses (ce sont lesmâles qui marchent les premiers), puis ce ne furentplus des compagnies de sauterelles qui se montrè-rent, mais le tourbillonnement incessant d'une arméede scarabées d'or étincelant sous le soleil, dans leciel bleu, ressemblant— couleur à part— au tour-billonnement des flocons de neige, par leur nombreet leur rapidité. '

Dans leur vol vertigineux, ces flocons d'or vivantssont superposés ; les uns touchent aux nues ; les

autres rasent la terre. Les sauterelles laissent en pas-sant tomber les preuves de leur digestion ; terrasseset balcons sont, après chaque vol, maculés. Elles-mêmes ne dédaignent pas de s'abattre sur les fleurset la verdure; elles tombent nombreuses par lescheminées.

Cette invasion des sauterelles qui fait l'amusement,des citadins d'Alger, le désespoir des colons et desindigènes et est pour tout le monde la famine enperspective, offre un spectacle curieux ; on oubliele boire et le manger pour regarderies vols ; enfantset grandes personnes saisissent au passage ces bes-tioles, on se les renvoie en riant; on dirait de cettecalamité une fête.

On fait des chapelets de sauterelles, on en metsous globe ; chacun est jaloux d'essayer dans un

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202 LES FEMMES ARABES

bocal sa petite expérience, pour la ponte des pèlerinset l'éclosion des criquets, J'en ai enfermé commetout le monde; ce que voyant, notre Arabe medemande: « Tu veux en manger ? » Je n'ai pas

~ tant nos préjugés sont grands pour tout ce quitouche à la nourriture -- osé en goûter. On assureque leurs cuisses ont un vague goût d'écrevisses et

un chimiste, qui les a analysées, certifie qu'elles sontonze fois plus nourrissantes que le boeuf.

Dans le sud de l'Afrique, ces insectes salés, séchés,sont pour beaucoup de tribus la base de l'alimenta-tion ; certaines les réduisent eu poudre et en font dupain. Les nomades les mangent aussi bien crues quecuites. C'est pour eux la manne tombée du ciel,'

Mahomet a autorisé dans le Koran l'usage dessauterelles; malgré cela,je crois que peu d'habitantsdu Nord africain s'aviseront de s'en nourrir ; ce seraitpeut-être cependant prudent d'en faire des conservesqu'on mangerait durant la disette, quand les plainesfertiles de l'Algérie se seraient transformées en uneimmense mer grouillante et jaune.

SansMnterruptioii, les bataillons ailés succèdent

aux bataillons, forment des nuées immenses quimontent du Sud au Nord, empoisonnant des cada-

vres de leurs traînards les citernes et les rivières.C'est en présence de cette calamité, qu'on peut* se

demander pourquoi les hommes qui ne savent

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enrayer ni la ruine, ni la mort sont seuls au gouver-nail? Si les femmes y avaient leurs places, est-oncertain qu'elles n'auraient pas — avec leur pré-voyance et leur intuition— trouvé le moyen deparalyser l'adtion des sauterelles ?

Des malheureux, hommes, femmes, enfants, ramas-sent les sauterelles qui sont achetés un franc le sacde vingt-sept kilogs par la municipalité algérienne.

Au mol appel fait pour combattre le fléau, lapopulation ne répond pas en nombre, alors qu'ilfaudrait que contre cette monstrueuse invasion, l'Al-gérie tout entière se rue avec entrain.

Sur le crédit ouvert pour organiser les secours etla défense, les habiles et les protégés obtiennent degros dédommagements ; mais les tout petits colons ?mais les indigènes ? Qui pense à eux ? Seront-ilsdonc toujours comme en 1867, condamnés à mourirde faim et à empoisonner l'air de leurs cadavres,laissés sans sépulture dans leurs champs dévastés?

Il ne faut pas oublier qu'en prenant possession del'Afrique, les Français ont assumé en même tempsque le pouvoir, la responsabilité des êtres et deschoses. Ils ont pris charge de corps en même tempsque charge déterre.

L'Arabe attend des occupants français,— qui n'ontmalgré leur science et leur civilisation, pu prévoiret prévenir mieux que lui, l'invasion des sauterelles

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204 LES FEMMES ARABES

la possibilité de subsister quand elles ont dévoré ses-récoltes.

,

Tout le monde est d'accord pour vouloir peuplernotre vaste territoire africain, et chacun convient quecela n'est'pas déjà si facile. Eh bien! commençonsdonc par empêcher de mourir de faim les Arabes quihabitent ce territoire. V

Notre sollicitude envers eux peut seule sauve-garder le résultat des efforts humains dans l'AfriqueFrançaise.

Ma Gazelle Yzette

Quand on s'avance vers le sud de l'Afrique, bal-lotté par une de ces diligences primitives dans deschemins seulement tracés, on rencontre souvent desgazelles par troupes de sept on huit, En les voyants'enfuir, sans effleurer la terre, comme des oiseaux,les voyageurs les plus blasés, poussent un cri d'ad-miratioiii et, si fugitive qu'ait été leur apparition,chacui^ pris à leur irrésistible charme, caresse ledésir d'en posséder, d'en ramènera Alger, où ellesvivent juste assez de temps pour être adorées etlaisser inconsolables leurs parents d'adoption. C'estsans doute pour cela qu'on les a nommées « bêtes àchagrin, »

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LES FEMMES ARABES 205

Cependant, n'est-ce pas pour les gazelles que l'ona créé, ait quatrième étage de tant de maisons d'Al-

ger, ces terrasses, vrais jardinets suspendus, dontles tonnelles embaument le chèvre-feuille? Mais quesont quelques ''mètres carrés pour des êtres qui n'ontpas trop pour bondir de l'immensité du désert ?Ceux qui les y séquestrent subissent bientôt le châ-timent de leur crime, en les voyant à l'apogée de lagrâce, de la gentillesse, de la familiarité, mourir !

Captivés par ces séductrices du désert, nous avonspendant un séjour dans le sud Oranais, élevé troisgazelles: Mina, que sa haute taille nous a forcé deconfier à des amis, AU et Yvette, couple ravissant

que nous avons amené à Alger, pour de là le trans-porter en France. Notre petite gazelle mâle baptiséeAli qui souriait en montrant ses dents avait de suiteété familière et caressante.

Ali se dressait droit sur ses pieds de derrière enappuyant ses pieds de devant à ma ceinture, et il ar-ticulait des sons semblables au zézaiement d'unenfant ; ce qui faisait dire que j'avais une gazelle quiparlait.

Yzette était, comme beauté et intelligence, la per-fection de sa race. Quand on me l'apporta, toutepetite, son poil était une soie, ses jambes des allu-mettes ; avec cela des yeux immenses, rayonnants'Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau, Emerveillée,

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je la pris dans mes bras, d'où elle s'échappa ou plu-tôt s'envola comme un oiseau. Mon admiration pource petit bijou du désert me poussait sans cesse àl'enlever de terre, pour la presser sur ma poitrine etla couvrir de baisers. Chaque fois elle s'échappaitavec la même impétuosité, se blessant ses finesjambes, me faisant des noirs et déchirant ma robe dehaut en bas.

C'était Yzette qui tétait la plus grande partie dulait de la chèvre blanche qui servait aussi de nour-rice à Ali et à Mina.

Lorsque nous emmenions nos gabelles brouter lesfleurs — fleurs de nos jardins de France, qui foison-nent à l'état sauvage sur les plateaux algériens

•—je

tenais le ruban attaché au collier d'Yzette et, enmême temps que sa bouche, ma main cueillait pourles lui offrir, ses plantes préférées.

On ne peut dépeindre la nervosité de ce petit êtreélectrique : Dès qu'elle apercevait un animal ou unesilhouette humaine, elle courait affolée. Avec la forceprodigieuse emmagasinée dans son corps minuscule,elle Wentraînait à la .maison, où elle arrivait essouf-flée, baignée de sueur et sa petite langue grise horsde la bouche.

Il est bien difficile, de transporter les gazelles d'un

pays à un autre, pans les blesser. Pour les ramener à

Alger, nous avions rnis^Yzette et Ali dans un couffin

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au fond rembourré, au-dessus recouvert d'un voileqiii protégeait leurs jolies têtes.

,

Pendant le voyage, nous négligions de manger auxrelais des diligences, nous oubliions aux gares l'enre-gistrement de nos bagages, tant nous étions occupésd'elles ! A Relizane, malgré nos supplications, on lesavait mises avec les marchandises ; alors, à chaquearrêt de quelques minutes, je me précipitais dansleur wagon, je m'agenouillais devant le couffin quiles contenait et je leur égrenais des raisins dans labouche.

En arrivant à Alger, Yzette et Ali fatigués par troisjours d'immobilité,restèrent vingt-quatre heures sansvouloir manger.

Nous avons pu, mais avec beaucoup de peine,les garder à l'hôtel dans un salon attenant à notrechambre.

.*

Ces mignonnes, pleines de vigueur, n'étaient pastoujours sages. Un jour elles eurent pour voisin uncuré: celui-ci entendit la nuit leurs trépignements,leurs plaintes, leurs cris et en fut effrayé. 11 descen-dit au bureau et dit à là propriétaire :

— « Madame vous avez au n° 6 quelqu'un de bienmalade ; c'est uh homme qui ne passera pas la nuit,je croîs qu'il agonise ; en l'entendant hoqueter, sedébattre, lutter contre la mort* je me suis levé et je

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208 LES FEMMES ABABES

viens vous demander de lui offrir les secours de notredivine religion ».

Les garçons appelés affirmèrent qu'il n'y avaitdans l'hôtel personne de malade, que le prêtre avaitrêvé, ou était victime d'une hallucination.

La nuit suivante même tapage; le curé de nou-veau descend au bureau.

— Je me trompais, ce n'est "pas un malade quevous avez, dit-il à la propriétaire, c'est un épilepti-

que. Il bouscule tout dans ses convulsions, il seplaint, il crie, il hurle ! C'est épouvantable ! Et leprêtre offrait de secourir le corps, comme il avaitoffert la veille de secourir l'âme de son voisin.

Bien qu'ayant passé des nuits retenant son souffle,l'oreille collée'à la cloison, il est parti de l'hôtel sansse douter, que c'étaient deux innocentes gazelles quiavaient causé tout son émoi.

Cependant, redoutant de nouvelles plaintes, nousmîmes en pension nos gazelles. J'allais tous les ma-tins leur porter des salades et c'était, de part et d'au-tre, une joie de nous revoir. Elles voulaient mesuivra quand je partais.

Dès que nous eûmes loué l'appartement où setrouvait pour elles une terrasse, nous les y fîmes

transporter et elles entrèrent tout à fait dans notrevie.

Pendant les repas, Yzette et Ali luttant de gentil-

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LES FEMMES ARABES 201)

lesse, approchaient de nous leur tête fuie-en faisantentendre un petit cri ressemblant à « hein-hein » Ne

me donnes tu rien ? Et leurs jolis museaux venaientchercher des fruits jusque dans nos assiettes.

Elles mangeaient avec plaisir tous les légumes crusou cuits. Ali dévorait même avec enthousiasme lepoisson et la viande. Tous les deux aimaient fort laterre.

Après notre dîner, venait le leur. Elles avaient àdiscrétion artichauts, choux, carottes, branches devigne et de chèvrefeuille, fleurs de géranium.

.matin

et soir, de l'orge.

•Le sac d'orge produisait sur Yzette et Ali un effet

magique: dès qu'elles l'apercevaient, la joie illumi-nait leurs grands yeux; elles mettaient leurs petitspieds sur les nôtres pour tendre plus près de lui leurmignon museau. Nous remplissions nos mains d'orgeet ce qu'elles en mangeaient !... Parfois leurs deuxtêtes se trouvaient dans la même main, j'allais diredans la même assiette.

Quand l'orge était finie, elles cherchaient à jouer,avec nous, comme elles auraient pu le faire avecd'autres gazelles amies.

Pour les inciter à se coucher, on étendait devantelles un tapis. La mise du tapis était pour Yzette lesignal du jeu; elle y posait ses pieds impatients,abaissait devant l'un do nous ses cornes jusqu'à terre

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210 LES FEMMES ARABES

puis, les relevant brusquement, elle aspirait l'airavec force et commençait une série de sauts et demouvements gracieux qui nous ravissaient et fai-saient tomber la plume ou le journal de notremain.

. ,

Si Ton poursuivaitYzette, elle à son tour poursui-vait, jouait à cache-cache avec plus d'habileté queson partenaire. Elle dansait, tournait sur elle-même,sautait des quatre pieds à une grande hauteur enjetant ce cri nerveux : « couic » qui, paraît-il, dénotela plus grande joie chez les gazelles.

Quand on surprenait Ali et Yzette à démolir latapisserie et les meubles et qu'on les claquait, Alivenait lécher la main qui l'avait frappé ; Yzette, aucontraire, boudait, se tenait à l'écart ; il fallait luifaire beaucoup de prévenances pour pouvoir se re-concilier avec elle et rentrer dans ses bonnes grâ-ces.

En présence d'un chien, Ali et Yzette prenaientleur attitude de combat; les jarrets arqués, la têtepenchée, elles lui présentaient leurs mignonnes

cornes. Dans cette position défensive, elles rappe-laient leurs soeurs du désert qui à l'époque des gran-des sécheresses, se réunissent par troupe de dix à

vingt mille pour1 chercher un climat plus frais, Pour-suivies par les lions et les panthères, elles opposentle nombre à la force, marchent en colonnes serrées,

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LÉS FEMMES ARABES 211

se forment en cercle et offrent à leurs féroces assail-lants, un rempart de leurs coriies aiguës.

Yzette et Ali, qui ne paraissaient heureux qu'ennotre compagnie, étaient en même temps que notrejoie, nos joyaux ; nous les montrions avec orgueil à

tout entrant chez nous On comparaît leurs beauxyeux, à la fois si vifs et si doux, à de gros diamantsnoirs.

Ce qui est bon est, hélas ! de courte durée, le des-tin cruel nous enleva nos gazelles.

Ali mourut le premier. Yzette eût un vrai chagrind'avoir perdu son camarade ; pendant huit jours ellefut désespérée, restant à l'écart, refusant la nourri-ture, pleurant comme une personne humaine. Nousl'accablions de tendresse. Nous eûmes l'idée de lalaisser librement circuler sur la terrasse et dans l'ap-partement ; cette demi-liberté'la consola

Après avoir craint de la voir mourir de douleur,nous eûmes le plaisir de la voir recommencer à joueret. croître encore en force et en beauté.

La mort d'Ali avait développé chez Yzette unesensibilité extraordinaire. La solitude lui était insup-portable, elle allait et venait avec moi par l'appar-tement, se couchait à mes pieds quand je m'asseyaiset s'étendait à l'heure de la sieste, sur le tapis prèsde mon lit.

C'était une affaire d'Etat pour quitter cette petite

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sensitive : longtemps avant de sortir, je m'évertuaisà la distraire, je jouais avec elle, je l'accablais defleurs et d'orge ; tout était inutile; la mignonne'cou-rait affolée, se haussait sur la pointe de ses pieds pourconstater que je n'étais plus là et ojle gémissait !...Longtemps après mon retour, son chagrin persistait ;

aussi comme j'évitais de m'absenter l

Pendant sa toilette, Yzette trépignait sous la brosse;quand je lissais ses poils avec un peigne, au contraire,elle me léchait les mains.

Ah I quelle peau 1 quelle poil superbe recouvraitses formes élégantes 1 Jamais un pou, jamais unepuce ; un grain de poussière tombant sur elle, étaitprestement enlevé d'un coup sec de son petit pied.

Les gazelles qui produisent naturellement le musc^en ont l'odeur. L'arabe nomade n'a pas d'autres par-fums que la fiente musquée de la gazelle.

L'intelligence éclatait dans les yeux d'Yzette,comme dans ceux de la personne humaine la mieuxdouée. Elle était pour nous une compagne compre-nant et sentant tout, vibrant sous notre souffle.

Les gazelles sont les véritables associées de ceuxqui les ont adoptées, Yzette partageait nos joies etnos peines ; elle s'identifiait à notre état d'âme.

Quand on l'appelait d'un de ses noms, Yzette,Zizie, elle répondait : « Hein ? Hein ? »

Lorsque, ne la voyant pas et que la cherchant,

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nous la trouvions couchée dans une pose adorable,toutes jambes étendues, nous nous appelions mu-tuellement pour la contempler. Oh! disions-nous,qu'elle est jolie!» et nous passions des minutescomme en extase devant elle...

,Un matin, je fus réveillée par la respiration sacca-

dée de notre petite amie ; elle avait des contractionsde gorge. Nous appelâmes aussitôt le vétérinaire quiformula une ordonnance.

Mais les remèdes ne guérissaient point Yzette, sesforces diminuaient, elle s'entravait dans les meubles;elle qui toute petite bêlait, se démenait lorsque je laprenais dans mes bras, se laissait, grande et forte,porter sans faire de résistance

Quand elle s'évanouissait, nos baisers la rani-maient ; alors, je lui présentais des fleurs qu'ellemangeait avidement.

Une nuit, elle eut des convulsions terribles, descris rauques et gutturaux sortirent de son gosier,elle ouvrit la bouche largement et ses yeux tournéss'éteignirent. Yzette était morte !

La maladie n'avait pas imprimé sur son beau corpsses stigmates ; elle était, quoique morte, resplendis-sante. En la voyant si belle le naturaliste s'émer-veilla

J'ai plus d'une fois en rêve revu ma petite gazelle

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Yzette, elle tendait à mon cou ses deux mignonnespattes et droite appuyée à moi, elle mangeait ravie,de l'herbe et des fleurs.

Je contemple sa dépouille sur un coussin qui;simule l'autel. Cette ensorcelante petite bête évoquepour moi, la mer de sable d'or, la musique du ventdans l'immensité du désert. Elle me donne, dans ceParis brumeux et froid, l'illusion de la tiédeur atti-rante de l'Afrique ensoleillée.

L'Arabe soldat

L'Afrique du nord, si favorisée des dieux, a pourdéfenseurs naturels ces guerriers nés, les Arabes.

Je fus Un jour abordée dans une rue d'Alger, par unArabe qui me dit en bon français : « Je vais à Paris,as-tu des commissions? » 11 était minable, bien queroyalement drapé dans une loque.

Comme je le regardais avec incrédulité, il reprit :

« Tu penses qu'il faut beaucoup d'argent pour allerà Paris? Je n'en ai pas et cependant je pars... Jeferai à pied le voyage de Marseille à la capitale.,. Jedemanderai sur la route une croûte de pain...

•— Que vas-tu faire à Paris ?

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-—J'ai une affaire au Conseil d'Etat; mon avocat aperdu mon procès, je veux aller le plaider moi-même. La justice de France est juste !... J'ai le bondroit pour moi... Lis, tu verras que je dois gagnerles juges à ma.causé. Emporte ces papiers chez toi,tu me les rendras demain ; et il me mit dans la main

un paquet de lettres et de documents, desquels il res-sort que mon interlocuteur, Salah ben Abdalhah, estinscrit au* i»r tirailleurs, sous le numéro matricule8.471/

11 faisait partie de la glorieuse phalange, formée deplus de vingt mille Arabes, qui s'est fait massacrerà la frontière de l'Est, en 1870, pour défendre le solfrançais.

Ces tirailleurs avaient tellement excité l'admirationdes vainqueurs à Wissembourg et à Woerth, quequand ceux qui avaient échappé à la mort furentfaits prisonniers, les dames de Berlin, enthousias-mées, leur offrirent, à la grande indignation de lapopulation mâle et de la presse locale, un banquetd'honneur qu'elles leur servirent de leurs propresmains.

Aussitôt libre et guéri de ses blessures, SaUh estallé en Tunisie, puis au Tonkin, où il fut proposépour la médaille militaire, qu'il eût obtenue dix foissi, au lieu d'être né Arabe, il fût né Français ; car, àl'instar des hommes de sa race, Salah faisait uatu-

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2.1 Gv .'.";/ ; LES FEMMES ARABES

rellement des prouesses sur nos champs de bataille.Les Arabes naissent guerriers, la poudre et là

mitraille les électrisent, le danger en fait des fousd'audace et de témérité.

; •

Si nos gouvernants étaient avisés, ils voteraientune loi établissant la conscription des Arabes, Elle

nous fournirait un contingent de plus de cent millehommes qui, bien encadrés dans les troupes françai-ses, seraient autant de Uons déchaînés de l'Atlas, qui

nous aideraient à vaincre l'ennemi dans la prochainemêlée. ;

;

/:

-.Salah servait avec passion la France, quand un

jour, à la suite d'un effort dans une marche militaire,il fut blessé. Lorsqu'un animal est blessé, on l'éti-quette : « Bon pour l'éqliarrissage! » Si l'on n'est

pas reconnaissant de ses services, du moins on sup-prime par la mort ses souffrances. A Salahj qui avaitlé corps haché de cicatrices et troué de balles

; à

Salah, qui avait pendant vingt ans risqué sa vie poursauvegarder celle de la France, le colonel du i°p

tirailleurs ne sut que dire : « Tu n'es plus bon à rien,va-t'en ! »

Tosutes les notions de justice et de loyauté du braveArabe se troublèrent en entendant son chef ; carenfui, on avait fait avec lui un pacte ! On lui avaitdit, quand il était entré au régiment: « Si tu sers laFrance comme ta mère, elle te traitera comme un

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LES FEMMES ARABES 217

fils. » Et voilà maintenant que, loque humaine uséeà lui faire un rempart de sa poitrine, la France lerejetait !.,. La France ! Non 1 ce n'était pas possible !

C'étaitle colonel seulement qui avait crié: <<Va-t'en! »

Il en appela de la décision du colonel au ministre dela Guerre. Le ministre de la Guerre donna des ordresau médecin de l'hôpital du Dey, qui passa une con-tre-visite et conclut que Salah était encore bon pourle service et pouvait attendre sa retraite.

Le colonel ne se rangea nullement à cet avis, et lelendemain, il fit jeter Salah hors de la caserne parquatre hommes. Ce fut un spectacle lamentable : le

n° 8.471 ne voulait pas se laisser chasser : il priait, ilsuppliait :« Je suis seul au monde... Ma tribu m'amaudit quand je me suis engagé.,, Mes parents, mesamis, criait-il, ce sont mes compagnons d'armes !

Mon foyer, c'est le régiment. » Puisqu'on lui inter-disait de manger la soupe, il ne voulait pas s'enaller, sans avoir un dédommagement. « Pension ousoupe », répétait-il en se cramponnant, obligeantles quatre hommes aie traîner, à le porter au dehors.

En effet, ou Salah est bon à faire un soldat, commel'a déclaré le médecin de l'hôpital militaire d'Alger,et alors il peut finir son temps, attendre sa retraite;ou il est, comme le soutient le colonel, impropreau service pour cause d'infirmité contractée dans lemétier militaire, et la France doit l'indemniser.

tu

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218 LES FEMMES ARABES

Le ministre, auquel avait été posé ce dilemme, arépondu par un refus do pension. Le soldat évincéporta alors sa requête devant le Conseil d'Etat, quila rejeta en alléguant une foule de raisons contra-dictoires qu'il serait trop long de rappeler ici

C'est ce jugement que Salah veut attaquer, soute-nant logiment qu'on ne peut lui refuser, à lui Arabe,admis à essuyer le feu de l'ennemi, les indemnitésqui sont allouées aux Français dans les mêmes condi-tions. Il avait bien trouvé à emprunter de quoi payersa place d'Alger à Marseille, sur le pont d'un bateau ;

mais, pour pouvoir être embarqué, il lui fallait lapermission de s'éloigner d'Alger; car, ce vétéran, enmêlant son sang à celui des Français sur les champsde bataille, n'a point acquis le droit de bénéficier deleurs lois ; il reste soumis aux vexations du Code del'indigénat, qui interdit à tout Arabe de se déplacersans le consentement de l'Administration.

Salah attend encore l'autorisation de venir enFrance. Pour pouvoir vivre,' il s'essaie au commerce,sans succès naturellement, On peut le voir, dépe-naillé, à moitié nu, mais ayant toujours grand air;arpenter la rue de la Lyre un couffin à la main ; ilcrie, en s'efforçant d'imiter l'accent de ses coreli-gionnaires : « Des eifs ! des eifs! » Ses oeufs, quicuisent au soleil, lui rapportent plus de déboires quede profit. Heureusement, l'espoir qui le soutient

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LES FEMMES ARABES 210

compense le pain qu'il ne mange pas. « C'est unmauvais moment à passer, dit-il héroïquement. Dès

que je lui aurai mis en main mes pièces, le Conseild'Etat m'accordera mon dû. »

Naïf tirailleur ! Le Conseil d'Etat dira t-il oui,après que le ministre de la Guerre a dit non? Pen-dant que l'on gaspillera l'argent rue Saint-Dominique,

on n'aura pas de quoi indemniser les Arabes qui ontguerroyé pour nous vingt ans.

Quand, talonné par le besoin, l'ex-soldat de laFrance, Salah bon Abdalhah, qui ne connaît, pourpouvoir gagner sa vie, d'autre métier que le métiermilitaire, va, rouge de honte, réclamer chez sescoreligionnaires « la part de Dieu » ou solliciter de

sa tribu des secours, on le cingle de cette apostro-phe : « Ceux que tu as servis sont donc bien ingratsqu'ils ne peuvent rassasier ta faim après t'avoir usépour leur gloire? »

Bien qu'ils uoient traités aussi odieusement, et que,malgré leurs qualités guerrières, ils ne puissentdépasser, dans notre armée, le grade de lieutenant,les Arabes sont, quand l'épreuve fond sur nous, tou-jours prêts à partager nos périls, En ,(870, ils nousont offert leur dévouement, leur sang et leur argent ;les bureaux Arabes leur ont insolemment réponduque la France n'avait pas besoin d'eux pour chasserl'ennemi.

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220 LES FEMMES ARABES

Les indigènes d'Algérie nous ont suivis volontaire-ment en Grimée, au Mexique, en Italie, dans lesVosges, au Tonkin, accomplissant partout des pro-diges de valeur.

Plus de six mille étaient partis pour Madagascar,s'efforçant de rendre victorieux notre drapeau, qu'ilsarboraient en môme temps que l'étendard vert duprophète,

Ces vaincus inconscients nous ont, pour le plaisirde guerroyer, aidé à déposséder les Hovas de leurterritoire, comme nous les avions dépossédés du

/leur. :;/;'. ,' ..///Malgré que les engagements pris envers eux n'aient

pas été tenus, chaque fois que la France sera enguerre,ses fils arabes, pour lesquels elle agit en marâtre,voleront à son secours, se feront tuer pour elle.

J'ai cru utile de rapporter ici une série defaits observés, où l'on voit, dans leur écrase-ment douloureux, vivre les fiers Arabes.

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Les Beni-Gharabas

La tribu des Beni-Gharabas, renommée par sa largehospitalité et son esprit d'indépendance, tenait, avantla disette qui affame les Arabes de l'Algérie, on peutdire tente ouverte ; elle se ruinait en diffa (repasd'honneur) pendant qu'elle retirait du sol, presquesans culture, le blé, l'orge, le maïs, le tabac, les fèveset les olives. Mais successivement deux récoltes ontmanqué, les silos (greniers souterrains) sont vides,et, par pur hasard certainement, les amendes pieu-vent depuis qu'elle ne peut plus rôtir des moutonsentiers et préparer du kouskous à la poule pour lesautorités.

A tour de rôle, ses chameaux, ses chevaux, sonbétail, ses troupeaux de moutons et de chèvres ontpris le chemin du marché. Malheureusement, lesprix sont avilis par la surabondance des arrivées ;

tout se vend pour rien, et puis il se trouva — le jouroù l'on conduisit boeufs et vaches au marché — quel'administrateur du centre dans lequel la tribu desBeni-Gharabas est englobée eut justement besoinde deux vaches laitières ; il choisit les deux plus bel-,les du troupeau et en les marchandant égrena, parhabitude, le chapelet d'amendes qu'il avait en réservepour la tribu.

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Comment vendre ses vaches à un particulier quitient le sort des soixante-dix tentes du douar entreses mains ! On est trop heureux de faire pour l'apai-ser un sacrifice.

— Tiens, M. l'administrateur, prends ces vaches!fais-les emmener! Pour les autres, c'est 180 francspièce ; pour toi, « c'est rien du tout. »

L'administrateur indigné éleva la voix.

— Pouilleux, s'écria-t-il, est-ce que je veux de tesvaches pour rien ? Ça crève de faim et encore çaparle de faire des cadeaux !

Avec autorité, il glissa une pièce de cent sous dansla main du vendeur, et il s'en alla au Cercle raconteraux autres fonctionnaires que les Beni-Gharabasavaient bien eu l'audace de vouloir lui donner lesdeux vaches qu'il avait achetées.

La vente des troupeaux pqrmit do ravitailler latribu ; pourtant, les embarras, la gêne reparurentbientôt.

On porta au marché les volailles : poules, dindons,pintades, qui vivaient librement dans le douar etl'animaient de leurs chants et de leur gloussements ;

seulement, la fatalité voulut que ce jour-ïà trois ouquatre fonctionnaires renouvelassent leur poulailler.Ils étaient, disaient-ils, venus acheter à eux de pré-férence, et ils s'appliquaient à bien leur montrer

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l'épée de Damoclès suspendue au-dessus dé leurtête.

Dans l'état d'embarras où se trouvait la tribu, il

eût été maladroit de les faire payer, Il fallait ména-ger l'interprète, un juif qui avait prêté, à cent trentepour cent par mois, il est vrai, de l'argent.

C'eût été une faute de. ne rien offrir à monsieurl'huissier, qui pouvait de suite tout saisir. Quant augarde champêtre, qui cumulait aussi l'office de geô-lier, il dressait beaucoup de procès-verbeaux contreceux qui n'étaient pas ses amis ; et puis, les Beni-Gharabas avaient toujours quelques-uns des leurs enprison. On l'çctroie si facilement, cette prison, envertu du code de l'indigénat et même du bon plaisir,

que les Arabes qui la subissent ne s'en émeuventpas ; seulement il ne faut pas être mal avec le geôlierqui, par distraction, oublie parfois de distribuer l'eauet le morceau de pain.

Les Beni-Gharabas délégués à la vente de la basse-

cour du douar : Yaya ben Yaya, Abdelkader, Larbi,Ali ben Belkaseem, se consultèrent du regard et secomprirent ; bien qu'ils comptassent sur le produit deleurs volailles pour emporter de l'orge et du blé, ilspartagèrent, presque complètement, poules, dindons,pintades entre les fonctionnaires venus acheter sépa-rément et comme en se cachant mutuellement, Leursdomestiques eurent bras et mains chargés ; en outre,

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un ihimense collier de couples de ces volatiles leurdescendait des reins aux genoux.

Ces vigoureux garçons, qui ployaient sous le poids,paraissaient trouver comme leurs maîtres tout natu-rel le dépouillement des Beni-Gharabas à leur profit,

Cependant, il faut dire que le greffier-notaire, uncourtaud épais qui gagne de l'argent gros comme lui,se pourlécha les babines en voyant les dindes si bienà point et eut un élan de coeur :

«Allons, ben Yaya dit-il allons, je veux bienaccepter, pour te faire plaisir ; mais dis chez vousque, quand tu nous inviteras pour une diffa, Ma-dame emportera du sucre d'orge pour les bébés dudouar!»

Pour pouvoir subsister, les Beni-Gharabas vendi-rent tout et n'eurent bientôt plus que leurs tentes.Ils vendirent leurs tapis vieux et neufs, ils vendirentleurs plats de bois et de métal, leurs plateaux d'ar-gent. Ils vendirent leurs chiens-loups, ces sentinellesvigilantes qui flairent l'animal ou l'homme à deuxkilomètres, et déchirent de leurs crocs je maraudeurou'l'irn,Drudent qui ose s'avancer. Enfin, à bout deprivations et d'expédients, ils cédèrent à un maqui-gnon contre très peu d'espèces sonnantes leurssuperbes chevaux, ces amis toujours sellés qui lesattendent à la porte de la tente.

Ce sacrifice suprême ne les préserva que pour un

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temps très court de la famine ; car, si grande que fûtleur sobriété, les Béni Gharabas étaient plus dequinze cents bouche à nourrir !

.

Il n'y eut bientôt plus rien sous la tente, ni argent,ni provision, et rien dans l'immense pleine aride oùest campé le douar. Depuis longtemps, aussi loin

que l'on a pu marcher, on a cueilli, au point d'ex-tirper la racine, les asperges sauvages dont se délec-tent l'hiver les Français d'Algérie ; depuis longtemps,on a arraché jusqu'aux plants des chardons, que l'onmange en guise d'artichauts et qui en ont le goûtplus fin.

On déserte par bandes le douar silencieux surlequel plane la mort pour aller à la ville; on serépand dans les sentiers qui conduisent aux villagesenvironnants. Ceux qui restent avec les enfants mou-rants trompent leur faim en buvant de l'eau. Mais ceremplissage factice n'empêche pas l'estomac de setordre et de hurler.

Les moins affaiblis des restants sondent aux alen-tours le sable de leur matraque. Celui qui a soup-çonné une racine se jette à plat ventre sur la terredorée et nue. Ses doigts décharnés ne lui semblentbientôt plus porter ce qu'il trouve, assez rapidementà sa bouche ; alors, comme l'animal dont Mahomet

a interdit la consommation, il enfonce fébrilement

le'

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son groin dans le sol, ses dents affamées fourragentla terre et dévorent les racines avidement.

Tout à coup, l'un de ces humains rongeurs, Yaya,dont deux des fils avaient expiré de faim le matin,

se redresse les yeux hagards, la' bouche grandeouverte ; il se renverse en arrière en des convulsionshorribles, il est mort !

Son corps nourrira les chacals ; mais ses femmes,mais ses enfants encore vivants?

j Sa troisième et toute jeune épouse, Réïra, allaite

un beau bébé de sept mois nommé Ali. Je dis allaite !

Hélas ! les mères affamées n'ont pas de lait ! Depuisla veille, Réïra, avec le mépris de la souffrance quidistingue sa race, Réïra perce d'une aiguille le boutde ses seins, et l'enfant suce les gouttes de sang!Cependant, malgré l'horrible torture qu'elle s'impose,il va s'engourdir comme ses frères et son père ; cettecrainte fait surgir en elle une pensée lumineuse,,, ""^

Non, dit-elle, Ali ben Yaya ! non, tu ne mourraspas!... ; /'''*

Elle va le vendre, s'il le faut, pour le sauver ! Aumarché, à la ville, elle trouvera ceux qui ont achetéles agneaux et les cabris du douar ; il lui achèterontson petit si joli et lui donneront à manger.

Avec une énergie sauvage, son enfant, toujourssilencieux, juché sur la croupe, elle part/A chaque

pas, l'eau quelle a absorbé avec excès pour se soute-

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^ LES FEMMES ARABES 227

nir pendant la route découle d'elle comme d'uneéponge pressée... Elle a trop compté sur ses forces...Comme elle se sent le coeur retourné ! Heureuse-ment, elle rencontre bientôt deux coreligionnaires,montées à mulet, qui la recueillent.

On descend à mi-côte, dans le repli de terrain où

se tient le marché animé par le bêlement des mou-tons et des chèvres, les interpellations des vendeurset des acheteurs, les à-savoir que font personnelle-ment ceux qui ont perdu une bourse ou une bête,

En arrivant, chacun plante un pieu en terre et yattache son cheval ou son mulet. On frôle, on bous-cule ces animaux au passage; ils n'en restent pasmoins'calmes et inoffensifs.

Réïra,.accroupie, les peaux de sa poitrine dans labouche de son bébé, s'appuie à la tente d'un mar-chand de nouveautés. Oh! elle ne voit plus lesrobes de tulle aux transparents multicolores, lesceintures de brocart, les babouches finement brodéesqu'elle recèle. Tout tourne autour d'elle, commequand elle a essayé un jour de danser la valse fran-çaise. Se tiendra-t-elle seulement debout? Le solvacille sous ses pieds. Mais... le petit Ali qui neferme même plus les lèvres sur le sein flasque qu'ila dans la bouche...

Elle titube en marchant; un fonctionnaire qu'ellefrôle la repousse brutalement de sa canne et en la

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voyant tomber s'écrie : « Sale mouquière ! Elle estsaoule d'absinthe !... »

Réïra n'entend pas, la peau qui est son sein estsortfe de la bouche ouverte de son fils ! Va-t-elle lelaisser mourir ?...-.

En titubant toujours, elle arrive à la ville, uneroute sur les deux côtés de laquelle s'alignent quel-

ques maisons ; elle s'y traîne, offrant à tous Ali expi-rant : «Joli petit, gémit-elle,,, achète... faim...achète joli petit... manger.., Joli petit Ali...achète...

On s'attroupe autour d'elle. L'administrateur, lemême qui a acheté cent sous les deux plus joliesvaches du douar de Reïra, survient criant, menaçant:« Quoi ! c'est cette pouilleuse qui suscite ce désor-dre ?...

« Ramassez-moi ça !... » commande-t-il au garde-champêtre qui cumule l'office de geôlier.

Réïra, épuisée par son suprême effort maternel,s'affaisse, son enfant s'échappe de ses bras, tombe

sur la chaussée. En le ramassant, une femme à la

poitrine,opulente s'écrie : « Quel beau petit bicot ! »Elle lui fourre la tête dans son corsage, il est sauvé !

On porte Réïra, évanouie, à la prison ; des gaminset des badauds suivent en « gueulant » : Eh 1 l'ivro-gnesse !... l'ivrognesse !.., La cruauté humaine estde tous les pays.

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On enferme la jeune mère dans un cabanon, on lacoijche sur la planche qui sert de lit, et.,;, on l'aban-donne 1

Le lendemain, elle ne remue toujours pas. Cepen-dant, elle devrait avoir digéré son absinthe .,

A la fin, le geôlier s'alarme. Le médecin est appelé :

on lui, raconte que la prisonnière a été arrêtée pourivresse ; il l'examine attentivement, puis, la voixtremblante d'Indignation : « Triples brutes ! s'écrie-t-il, cette femme es't morte de faim !... »

La Fantasia

Dans une commune mixte de la province d'Alger,où déjà notre gai drapeau flotte à quelques fenêtres,on enguirlande les rues de branches de palmiers, ondresse un arc de triomphe en lauriers-roses. Euro-péens et Arabes luttent d'émulation pour donner auchef-lieu du centre un aspect enchanteur. C'est quecelui que l'on attend peut à son gré ruiner ou faireprospérer le pays.

Les administrateurs de la contrée n'ont garded'oublier de se montrer empressés auprès de quidispense les faveurs et l'avancement. Ils sont venusescortés de leur personnel et de leur famille, quand

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2.30 LES FEMMES ARABES

ils ont pu obtenir les chevaux réquisitionnés pour latransporter.

Seulement, les Arabes sont fous de briller dans lesfantasias ; au lieu de prêter leur cheval pour porter à

la fête les administratrices et leur nichée, beaucoupont préféré l'enfourcher pour s'y rendre eux-mêmes.Résultat pour eux : cinq jours de prison et quinzefrancs d'amende. Mais la joie de se réunir aux goums,d'aller en bottes rouges sous le drapeau vert déployése joindre aux cavaliers qui s'échelonnent dans laplaine, de voir les grands marabouts, les grandsnobles, vaut bien la peine que l'on risque quelquechose.

Les grands de tous les pays ont une manière parti-culière de se distinguer du commun des mortels.Les nobles arabes venus à la fantasia sont, eux, déco-rés d'une façon aussi incongrue qu'originale : ils sontdécorés... de fiente !.., Oui... de fiente de faucon!Ils ont sur leur burnous les traces des excréments del'oiseau chasseur ; c'est, dans le désert, une mar-que de gentilhommerie, Cela vaut bien le bout deruban ou la ferblanterie dont — pour se faire remar-quer — se marquent les Européens

Le gouverneur général de l'Algérie, en l'honneurduquel se font tous ces préparatifs, revient du Sud.Il ramène des wagons de choses rares ;il a reçu desMouadhin, en signe de soumission des masses de

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cadeaux ; mais il ne revient ni sur le cheval noirsuperbe ni sur le beau méhari blanc que les indigè-nes du Sud lui ont donné, il revient de Biskra en trainexpress ; et, comme un dieu qui se fait précéder d'unsoleil, un roi d'une armée, il se fait précéder d'unemachine folle qui court en éclaireuse devant le train

,

gouvernemental.Les télégrammes.signalant l'approche du gouver-

neur se succèdent, Le voilà !

Dès qu'il paraît, les clairons sonnent, les tamboursbattent aux champs, les chevaux qui, impatients, secabraient, s'élancent rapides ; ils reviennent sur leurspas en courant si vite qu'on les croit emportés parle vent. Les cavaliers qui les montent se lèvent droitssur leurs selles, poussent de grands cris et déchar-gent en l'air leurs fusils. Enivrés par la poudre qu'ilsont « fait parler », ils repartent, animés par unefureur diabolique.

Ces hommes, qui semblent ne fa^ire qu'un avecleurs chevaux, leur communiquent leur fièvre d'en-thousiasme, et bientôt les spectateurs, eux-mêmesélectrisés, les acclament et partagent leur délire.

Tous les chevaux qui participaient à la fantasiaétaient beaux ; leur tête fine, leurs formes élégantesexcitaient l'admiration de la foule. Mais parmi euxil y en avait un à la robe d'ébône, à la fière encolure,qui attirait tous les regards. C'était la jument de

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Lagdarben-Djali. de la tribu des Oulad-Mokran,baptisée Riliana (vite comme le vent).

Car les chevaux, là bas, traités en personneshumaines, ont des noms, et les Arabes prennentcertainement plus de soins à faire l'éducation d'uncheval que les Européens à faire celle d'un homme ;

aussi parviennent-ils à développer en lui plus quede l'instinct, de l'intelligence. C'est ainsi qu'ilsobtiennent du cheval qui vient de renverser soncavalier un arrêt immédiat. Le noble animal demeurecomme un chien fidèle, près du cavalier blessé oumort.

Rihana ne faisait pas seulement la joie de son pro-priétaire, elle était la gloire de sa tribu. Elle gagnaitle prix aux courses, elle était acclamée dans les fan-tasias, elle savait se mettre à genoux et se lever toutedroite sans inquiéter son maître.

L'administrateur de M... guignait ce beau cheval.La vue de celui que ramenait le gouverneur aiguisa

son désir de le posséder. Enfin, n'y tenant plus, ils'approcha de son propriétaire :

— Ladgar, dit il, combien veux-tu de ce cheval desultan ?

—' Il n'est pas à vendre, répondit Ladgar.

— Je sais que tu es à ton aise ; mais, voyons, pourme faire plaisir, estime-le un gros prix et cède-le-moi.

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— Mon plaisir vaut le tien, ça me fait plaisir à moide le garder.

L'administrateur se mordit les lèvres. La fête ter-minée, le gouverneur partit, il songeait encore aucheval. Il alla conter sa déconvenue au vieu.{ Chaya,qui lui servait d'intermédiaire pour prêter de l'argentà cent vingt pour cent. Chaya lui remplit le coeurd'espoir :

— Cela tombe à merveille, dit-il ; Bouziane, voisinde Ladgar, me,doit, je vais l'envoyer saisir.

•—Mais... quel rapport, fit le fonctionnaire ?

— Je m'entends ; je dirai à l'huissier deux mots, il

trouvera moyen.d'avoir la jument.L'huissier n'eut guère à prendre dans le misérable

gourbi de Bouziane.

— Ce n'est pas suffisant ici; voyons là, lit-il enenjambant la haie de clôture du voisin, et, ayantaperçu Rihana près de la demeure de Lagdar, il mar-cha droit à elle et la saisit.

Aux protestations indignées de celui-ci, affirmant

ne rien devoir à personne, l'huissier cria pour touteréponse : « Revendique ! »

Il demanda, en effet, à la justice de lui prêter main-forte pour recouvrer son bien, Malgré les nombreuxtémoins jurant que Rihana était née chez Lagdar,malgré les quittances d'impôt établissant sa qualitéde propriétaire du cheval, le tribunal, s'appuyant sur

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des subtilités juridiques, le débouta de sa demande,le condamna aux dépens et valida la saisie pratiquée.

Rihana, mise en vente, fut achetée pour le comptede l'administrateur, qui l'enfourcha sans pudeur dèsqu'il en fut devenu possesseur et toisa dorénavantavec insolence Lagdar, navré qu'on lui eût subtilisé sabête. Quand celui-ci passait à portée de sa voix il luicrait : « Espèce de gueux, tu as refusé de me céder tajument et, quinze jours après, tu l'as fait vendre parautorité de justice ! Je te revaudrai cela ! »

L'enlèvement de Rihana désola particulièrementNedjma, la femme préférée de Lagdar.

Nedjma ne mangeait pas un gâteau de miel, pasune poignée de dattes, pas une bouchée rissolée de

mouton rôti en plein air, sans en donner sa part àRihana, et celle-ci paraissait répondre à cette sympa-thie et hennissait de plaisir en voyant sa belle maî-tresse.

Un jour que l'administrateur, en tournée dans ledouar des Oulad Mokran, l'avait laissée à la gardede son chaouch, elle vint d'instinct à la porte deLagdar. Nedjma crut naïvement que Rihana leur étaitrendue. Joyeuse, riant et pleurant à la fois, sautant etdansant, elle courut à elle, caressa son poitrail, prit

sa tête dans ses mains mignonnes et, soulevant sonhaïck, elle l'embrassa longuement.

Entendant des pas, elle abaissa vivement son voile

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et se sauva éperdife. Mais l'administrateur, revenuprécipitament, avait aperçu Nedjma et, moins peut-être que sa beauté, son exubérance de vie et depassion avait éveillé en lui un de ces sentiments fousqui ne se raisonnent jiii ne se vainquent.

Il ne pouvait détacher sa pensée d'elle. Le jour, ilcherchait à la voir; la nuit, il la voyait en rêve. Sapassion s'irrita au point que, ne pouvant plus la dis-simuler, il fit du juif Chaya le confident de son tour-ment/''-'"..

« Diable ! s'écria celui-ci, il n'est pas aussi facilede s'approprier une favorite qu'une jument I » Seule-ment, c'était une canaille que n'épouvantait pas lecrime, et, un jour, il dit à l'amoureux transi ; « Eu-rêka ! » .-'

-

''' ', '"-

On simula l'organisation d'un complot, dans lequelLagdar, ami de la France, fut impliqué de rébellioncontre elle.

Avec l'intimidation et l'argent, on se procure tou-jours des témoins. Il y en eut pour affirmer que lemari de Nedjma, vendu aux Anglais, soulevait leSud, projetait de faire surprendre nos troupes.

Malgré l'invraisemblance de l'accusation, l'ab-sence de preuves, Lagdar, reconnu coupable, futcondamné, dépouillé de tous ses biens et envoyé àNouméa.

Nedjma, terrifiée par le jugement rendu, se soumit

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à ce qu'on exigeait d'elle. Et pendant que le mari, lepropriétaire, est au bagne, l'administrateur, tranquil-lement, jouit de sa femme et de sa jument,

Divorceuses

Au siroco qui a pendant quinze heures déchaîné

une tempête de sable, a succédé une pluie torren-tielle, une trombe d'eau, qui creuse des ravins dansla terre chaude d'Afrique et transforme la plaineroussie, coupée d'un ruban blanc, la route, en ma-récage. Au-dessous de cette route est le Rocailleux,petite ville de l'Oranie d'où, malgré l'affreux temps,partent, nombreux et par groupes, des « emburnou-sés » et des « enhaïckées.

Femmes et hommes qui n'usent point de cettetente portative, le parapluie, paraissent bien moinstroublés par la tourmente atmosphérique que parl'orage qui gronde en eux ; de leur bouche crispéesortent des exclamations aiguës, leurs yeux lancentdes éclairs !

Tout ce monde gravit la colline au haut de la-quelle sont juchés, de façon à bien dominer la villearabe, comme premier élément de ville française,trois vastes bâtiments : l'hôtel de l'administration,

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luxueux et confortable ; la gendarmerie, qui a l'as-pect d'une vaste caserne ; alors qiie les casernes à

soldats, série de pavillons jetés à mi-côte, ont der-rière leurs rideaux de lauriers-roses des coquetteriesde villas. Puis une maison basse qui, comme hon-teuse d'exister, cherche visiblement à se dissimuler :

la prison. Enfin, un parallélogramme en briques rou-ges. C'est le temple de Thémis. A cinquante mètres,on le croirait entouré de troupeaux de moutons ;

mais, quand on s'avance, on voit que ce l'on prenaitpour des moutons sont des hommes accroupis les

uns près des autres et pelotonnés dans leurs bur-nous. Ils sont là trois ou quatre cents, attendant sousune pluie diluvienne l'heure de l'audience musul-mane.

Les femmes, groupées à part des hommes, ramè-nent de leurs petites mains, aux ongles rougis parlehenné, le haïck sur leur figure ; parfois le vent indis-cret en soulève un pan et l'on a de fugitives appari-tions de houris. Ces femmes, presque toutes jeuneset jolies, sont en instance de divorce. La grandeporte à deux battants du tribunal s'ouvre enfin ; et,pendant que les Arabes, trempés jusqu'aux os, s'ac-croupissent dans l'immense salle, le chaouch, encostume resplendissant de blancheur, prononce so-lennellement : « L'audience est ouverte ! »

Les juges installés, aussitôt les plaideurs dé-

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filent à la barre. Allégueraient-ils de bonnes raisons,

— juges et justiciables ne pouvant faute de parler lamême langue se comprendre, — s'ils n'ont pris laprécaution de payer l'interprète, celuj-ci traduit lecontraire de ce qu'ils disent et ils sont souvent con-damnés.

Au milieu des accusations si fréquentes de vols,coups, blessures, de curieuses réclamations se pro-duisent dans le prétoire. On entend, en effet, bientôtappeler la cause Yamina bent Aïssem, contre Larbiben Ali.

Une mouquière, à la silhouette élégante, s'avanceà la barre ; elle entr'ouve son haïck, seulement defaçon à irriter la curiosité, et avec beaucoup de pré-cision elle expose au tribunal que son mari ne l'a

pas embrassée depuis six semaines ! Pour ce préju-dice, ce délit, elle réclame cent francs de dommages-intérêts. Les juges goguenards paraissent trouver quele mari s'est assez puni lui-même.

Mais voici la contre-partie de cette affaire :

Un mari nommé El-Abib, dont la femme Messaoudavient de faire une fugue, réclame trois francs de dom-mages-intérêts pour chaque jour qu'elle a passé horsdu domicile conjugal. Etant débouté de sa demande,il sort en proférant contre le juge cette malédictionsi usitée en pays arabe :

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Que Dieu maudisse tous les tiens !

1 Qu'il fasse que les tiens soient aveugles !

Qu'il détruise tes récoltes !

Qu'il te rende malade, estropié !

Meryem bent Djabis, dont le marine voulait ac-cepter que le divorce kola, c'est-à-dire consenti con-tre une grosse somme d'argent, est enfin parvenue à

se procurer un certificat de médecin attestant qu'elleest... demoiselle, et elle obtient sa liberté, sans avoirà payer à son mari aucune rançon pour la racheter.

La plupart des divorces ont pour principal motif lapolygamie, bien que la polygamie ne soit pas un casde divorce. ï

Beaucoup de divorceuses viennent pour la pre-mière fois exposer.leurs griefs. Elles protestent avecvéhémence contre la pluralité des femmes. Le jugeles met, elles et leurs maris, en adala (en observa-tion) pendant huit jours, chez un surveillant chargéde dire qui a tort, de l'un ou de l'autre époux.

Mais, regardez cette gamine à la barre, le haïckimpudiquement relevé, la figure en pleurs ; elle parle

avec volubilité ; les mots trahison, djvorce, revien-nent sans cesse sur ses lèvres. C'est Kansa, une jolieadolescente de quatorze ans, à laquelle son mari pré-senta l'autre semaine, en revenant des noces, unenégresse pour coépouse.

Furieuse, indignée, Kansa voulut s'enfuir pour

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échapper à la promiscuité ; son mari barricada la

porte; alors, affolée, la pauvre enfant, au risque de

se tuer, sauta par la fenêtre qui plonge dans unravin,

Le tribunal tança le mari, Amed ben Hassem, un'avorton de dix-huit ans, blême et malingre, qui pro-testa de son amour pour sa première épouse et dé-clara que, s'il eu avait pris une seconde, c'était toutsimplement pour lui faire faire l'ouvrage de sa mère...Du reste, dé par là loi musulmane, il aVait le droitd'épouser quatre femmes !..

Ne pouvant obtenir le divorce, Kansa/ s'écrie:« Donnez-moi un lézard, §un chien pour époux, plu-tôt qu'un homme qui a une autre femme !» Puis ellese précipite dehors, elle s'enfuit, elle court si vileque ses parent et son mari ne peuvent la suivre. Elledégringole la colline et arrive sous un arbre colos-sal, le seul resté debout d'une forêt brûlée ; à sesbranches se balancent des moutons fraîchementécor-chés. Cet arbre est l'abattoir de la ville, c'est sousson ombrage qu'à n'importe quelle heure on égorgeagneaux et boeufs. Deux hommes jettent la victime à

terre, la maintiennent couchée, pendant qu'un troi-sième saisit la bête à la gorge et d'un coup de cou-teau lui tranche la carotide,

A la place même où l'on venait de tuer une chèvreblanche au long poil soyeux, à la tête fine, qui avait

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crié comme une jolie femme sous le couteau dubourreau, s'étalait une flaque de sang. La petiteKansa, désespérée s'étendit dans ce sang encore fu-mant ; sa mélafa (robe) et son haïck se teignirent de

pourpre, elle avança la tête sur le billot, et le coeurcrevé, la voix pleine de sanglots, elle dit au bou-cher :

«Je suis trop malheureuse.,, trop... malheureuse...saigne-moi !»

Sadia

Tout le monde est frappé du grand air des Arabeset de la majesté royale avec laquelle les plus pau-vres d'entre eux se drapent dans leur burnoustroué. Cette distinction n'est pas seulement l'apanagedes hommes; bien des femmes de la race seraient —si elles se montraient — sacréesreines dans les milieuxles plus aristocratiques de nos cités civilisées.

Sadia est parmi les plus triomphantes de cesreines.

La femme arabe est petite,' généralement. Sadiaest grande, gracieuse, élégante î Sa voix est une har-monie, son charme trouble et fascine. Seulement, larenommée de sa coquetterie est aussi répandue quecelle de sa beauté.

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Sadia est-elle donc une courtisane ?

Non point! Quant on pénètre dans sa maison spa-cieuse, la plus belle du pays avec ses ornements et sescroissants en faïence vernissée, on voit dans les piècesimmenses des amoncellements de tapis formant àla fois tentures, meubles et sièges. On voitdescoffres dechênes débordantde bijoux,de dentelles, debroderiesde soie et d'or, d'oripeaux merveilleux, d'éventails etde mille riens artistiques ; mais pas d'hommes,

Pour boire en se brûlant les lèvres, le café bouil-lant obligatoire' servi dans des tasses en or massif,

sur des plateaux d'argent d'un mètre de diamètre, onest entre femmes. Et c'est à des femmes que Sadia.

montre ses richesses et veut en faire don, dès qu'elless'émerveillent.

,

Cependant, ses allures européennes, son audace des'affranchir de la réclusion imposée aux musulmaneset enfin ses trois divorces successifs avant d'avoiratteint 25 ans, lui ont fait une réputation de galan-terie

5 on détaille sa beauté comme on estime sesbijoux.

Sadia sprt, mais après la nuit venue, selon lesprescriptions de Mahomet,

Elle estenveloppéed'un haïck de crêpe de soie blancrayé de rose qui ne laisse voir qu'un de ses yeux.Sadia ne sort que pour se rendre chez les notablesde la ville où on lui fait fête? Elle arrive vers huit

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heures précédée de suivantes, accompagnée de samère, une matrone commune, et de sa jeune soeur,une bébette de huit ans, déjà mariée. Ceux qu'ellehonore de sa visite lui servent un lunch, et avecquelle suprême élégance Sadia porte une coupe à

ses lèvres ou mange un gâteau.Il faut bien qu'elle soit réélement séduisante, il

faut bien quelle soit incomparable, cette Sadia,puisque les maris dont elle est divorcée ne peuventl'oublier.

Pourquoi donc alors tous ces divorces?Voici son odyssée avec le dernier mari, le caïd

Mouhamed, fils d'un bachaga, s'il vous plaît.Le caïd Mouhamed, des environs de Tiaret, où

naissent les plus beaux hommes, avait vu marcherSadia, et il en .était devenu éperdument amoureux.Les passions ne sont pas patientes en Algérie ; poursatisfaire la sienne, le caïd Mouhamed acheta Sadiatrente mille francs,

On célébra pompeusement les noces, malgré lerechignement de la famille de l'époux qui criait à

la mésalliance. (Les questions de généalogie,, denaissance, ont une importance capitale en paysarabe; selon ses parents, le caïd Mouhamed devaitépouser non la belle Sadia, mais une fille de grandetente). On fit rôtir des moutons entiers par trou-peaux, on égorgea mille poules, on fabriqua deux

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ents kilos de gâteaux de miel, et toutes les bouchesde la région pauvres et riches, goûtèrent au kous-kous du festin; car pour aller à la noce en paysmusulman, on n'a pas besoin d'être invité, et simisérable qu'il soit, celui qui se présente à unbanquet de mariage est toujours le bienvenu.

Le riche qui se marie offre aux assistants decopieux repas; le pauvre, lui, n'offre niàboireniàmanger; il n'en réunit pas moins un nombreuxpublic. Attendu que, chez ce peuple sympathique,toute fête particulière devient une solennité généraleet procure l'occasion de se réunir, de faire parler lapoudre, de rire, d'entendre la musique et de danser.

A la noce du caïd Mouhamed, on multiplia .lesfantasias ; quand le dernier kilo de poudre futbrûlé, l'enchanteresse Sadia, hissée sur un mulet,superbement harnaché d'un tapis rouge à franges,que deux nègres menaient par la bride, fut triompha-lement conduite chez son époux, elle allait être unefemme de grande tente I On donne à ce titre là-bas,l'acception que celui de châtelaine a chez nous.

Toute la ville escortait Sadia ; une délégation de latribu Mouhamed était venue à sa rencontre, et l'onmarchait, électrisé par les fusillades, dans un nuagede fumée, au son infernal des tambours et des musi-

ques, des chants et des coups de fusil.Des femmes deux par deux dans des palanquins

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drapés d'étoffes multicolores agitaient leurs blancs *

haïcks et excitaient les cavaliers de la fantasia àbriller, en criant: « You ! You ! You ! You ! »

Quand un pan, de la tente de Mouhamed se sou-leva sur le front radieux de la nouvelle épousée, oncrut voir entrer une déesse ! Mais tout de suite sonair ravi disparu, ses sourcils se froncèrent. Elle avait

vu sous la tente... des femmes !

— Mouhamed! dit-elle en les désignant, c'est àtoi ?.

.

— Oui, répondit celui-ci.

— Alors! fit-elle, adieu !..

je m'en vais... Je neveux pas partager mon mari.

Elle sortit majestueuse, remonta sur le mulet etretourna chez elle, au grand ennui de l'escorte venuepour les fêtes des noces.

Lorsque le caïd fut revenu de sa stupeur, il enfour-cha son meilleur cheval et courut après son épouse ;

vainement, il épuisa toutes les protestations d'amour..

« Je taime ! disait Sadia, c'est justement pour cela queje ne veux pas que tu sois à d'autres qu'à moi.Renvoie tes femmes et alors, seulement alors tupourras venir me chercher. »

Le divorce n'est pas difficile à obtenir en paysarabe. Pourtant, il y avait là pour Mouhamed desquestions d'intérêt impossible à trancher, il ne pou-vait, sans perdre sa situation, répudier ses autres

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femmes, Ce fut donc Sadia qui demanda et obtint ledivorce.

Croit-on que pour cela le caïd ait renoncé à elle ?Non ! Il a toujours l'assiduité de l'amoureux le plusépris.

iSi, poussé par sa famille, il plaide pour se faire

Srendre le prix de la jolie femme qu'il n'a pas, enmême temps il sollicite des entrevues, Il obtient desrendez-vous à chacun desquels il souscrit un bilet decinq cents francs.

Sadia adore le caid, les tourments mêmes qu'elle luiinflige par sa coquetterie en sont une preuve.

Mais cette fière et belle Mauresque aime mieuxêtre l'amante, la favorite unique de Mouhamed, quel'épouse d'un polygame, &

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Conclusion

En prenant possession do l'Algérie, laFrance a assumé la responsabilité dn bonheurdes Arabes. Cependant, au lieu de leur pro-curer les avantages de la civilisation, elle

exerce sur eux depuis 70 ans une oppres-sion barbare.

Les vaincus désarmés, ridiculisés, exploi-tés, spoliés, par l'autorité et les particuliers ;

sont tiraillés entre nos lois et les leurs, reprispar le code de l'indigénat, quand ils échap-pent à la législation française ou musulmane.Pour justifier la cruauté et les exactions, onfeint d'être devant eux en état de légitimedéfense, comme devant l'ennemi.

Pendant que la France tyrannise les arabes'et leur accorde en compensation de leurliberté et de leurs biens, le droit de s'abrutir

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en violant los enfants, en faisant abus desfemmes qu'ils peuvont séquestrer par troupeelle ouvre ses bras maternels aux étrangers !

Les étrangers sucent son soin.ot quand ilssont régénérés, ils retournent dépenser enleur pays la fortune acquise ; tandis que lesmusulmans meurent de faim.

La République peut-elle conserver à saporte sans le mettre en valeur, un riche etmerveilleux pays clans le seul but d'occuperune armée do fonctionnaires à pousser àdégénérer une race de quatre millions d'indi-vidus ?

Le lecteur qui m'a suivi regardant aveccommisération la femme arabe instinctive-ment idéaliste livrée à une bestialité sauvageet le musulman dont les plaies saignantes,sont sans cesse avivées par les vautours dontil est la proie, est forcé de conclure que pourréaliser l'unité française en Algérie, pourfusionner les deux races, une loi communerégissant à la fois français et arabes, estnécessaire.

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Aussi bien, il y a trop longtemps que ceuxauxquels on a pris leur patrie sont exclus do

son administration. Le meilleur moyen de lesempêcher de se rebeller, c'est de les chargerde concourir à faire prospère et libre leurpays.

,Il n'y aura plus de conflits entre algériens etIsraélites, qnand les arabes dont ils se dispu-tentla dépouille pourront se défendre à coupsde bulletins.

Dès que les indigènes sont instruits, ilsadoptent nos moeurs ; d'ailleurs, bien que lescoutumes des méridionaux et des Corsesdifférent de celles des habitants du nord de laFrance ; tous ne sont pas moins soumis à unemémolégislation.

L'Allemagne n'a pas attendu pour courbersous ses lois les Alsaciens-Lorrains, autantde temps que nous, pour imposer notre lan-gue et notre civilisation aux indigènes d'Ab-gérie.

En traitant en égaux des enfants sortis deson sein les arabes désespérés, en utilisant

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pour la mïso en valeur do la colonie leurendurance et pour la défense du territoireleur courage guerrier, la Franco peut décu-pler sa force et sa richesse, faire do l'Algérieoù l'on n'entend actuellement que paroles dohaine, cris de colère, lamentations, un para-dis terrestre serein, où les habitants vivraientunis par la communauté des intérêts et où leshouris aux beaux yeux, ne seraïcmivplus ni

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TABLE DES MATIÈRES

La francisation des Arabes et les femmes x

Les Arabes sans représentant au Parlement 14Doit-on ôter aux Arabes leur costume ? 39Le mariage arabe est un viol d'enfant 42La polygamie 57Des lézards pour maris

.81

La mauresque offre des douros à la jugesse 85

Ce que les'femmes arabes disent de l'amour. .... 89

.

Le coiit de l'adultère S---......... > .

96Féministes au 130 siècle 99Durée de la gestation des musulmanes ...... 101On la prostitution est un sacerdoce xxiArts 'et industries des femmes arabes ,' , . , . . . 117Pour faire une musulmane médecin ....... 130Alger sans écoles arabes de filles 138

Art de s'embellir Jes Africaines 146,

La mort chez les Arabes 159Le paradis et les houris 172Cervelle de jeune fille

, . • , . , .184

Les caravansérails. •- Le désert' — Laghouat. . . .

188Les sauterelles

. , ,199

Ma gazelle Yzette 204L'Arabe soldat

. 214Les Beni-Gharabas 221La fantasia 329Divorceuses 236Sadia .,.-.—,^ 241Conclusion >/^^!^- IV\2i7

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