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La chimiothérapie conventionnelle cause plusieurs effets indésirables sérieux et potentiellement mortels , dont la toxicité hématologique1 : l’anémie,
la thrombopénie et la neutropénie (encadré 1). Bien que ces effets ne se produisent pas systématiquement, ils limi-tent habituellement les doses de chimiothérapies adminis-trées. Il peut en résulter des retards dans l’administration du traitement et des réductions de doses nuisant poten-tiellement à son efficacité.
Encadré 1. Une urgence médicale, la neutropénie fébrile
La principale complication de la neutropénie est la neutropénie fébrile. Cette dernière est une urgence médicale et nécessite un traitement immédiat.
Selon la lignée cellulaire, la toxicité hématologique se manifeste à différents moments. Les globules blancs, plus particulièrement les neutrophiles, sont principale-ment affectés du fait de leur prolifération cellulaire et de leur courte durée de vie. Le nadir, c’est-à-dire le niveau sanguin le plus bas, est en général atteint 10 à 14 jours après le traitement de chimiothérapie et ce, souvent dès la première dose. C'est ensuite au tour des plaquettes, puis des globules rouges d'être affectés (tableau 1)2-4.
L’anémie signe la baisse des globules rouges et de l’hémo-glo bi ne dans le sang. Comme les globules rouges ont un temps de demi-vie plus long (120 jours) que les globules blancs, ils sont un peu moins affectés par la chimiothéra-pie. Néanmoins, 30 à 90 % des patients sous chimiothé-rapie souffriront d’anémie. L’effet sur les globules rouges étant surtout cumulatif, il apparaît souvent après plusieurs cycles de chimiothérapie.La thrombopénie ne sera pas abordée ici car il n’existe pas, pour le moment, de médicaments pour prévenir ou traiter les thrombopénies associées à la chimio thérapie. Les doses de chimiothérapies seront retardées ou rédui-tes si besoin. Les patients doivent aviser rapidement leur équipe soignante s’ils présentent des signes de saignement.
Diagnostic éducatifLes questions posées au patient ont pour but d’explorer cinq grands thèmes5.
Qui est-il ?Les caractéristiques du patient et ses comorbidités sont importantes dans l’évaluation de ses facteurs de risque, de la toxicité hématologique et des choix de traitements qui s’offriront à lui (tableau 2)2-4.
Tableau 2 : Facteurs de risque de développer
une neutropénie
Chimiothérapie avec risque
de plus de 20 % de causer une neutropénie
Insuffisance rénale
Patient âgé de plus de 65 ans Insuffisance hépatique
Chimiothérapie ou radiothérapie antérieure Faible état de performance
Neutropénie préexistante ou atteinte
de la moelle par le cancer
Infection active
Chirurgie récente -
Qu’est-ce qu’il a ?Le régime de chimiothérapie utilisé est le facteur de risque le plus important. Toutefois, la toxicité hématologique dépend du type de chimiothérapie et de la pathologie de base du patient. Le patient reçoit-il un traitement en contexte adjuvant à visée curative ou un traitement dans un contexte de maladie métastatique ?
L’éducation thérapeutique d’un patient atteint de toxicité hématologique secondaire à une chimiothérapieL’éducation thérapeutique fait partie intégrante de la prise en charge d’un patient atteint
de toxicité hématologique secondaire à une chimiothérapie. Elle débute dès le premier
traitement de chimiothérapie et se poursuit pendant toute sa durée. En lien avec le travail
de l’équipe soignante, le rôle du pharmacien d’officine est principalement de surveiller
cet effet secondaire des traitements et de le gérer.
Tableau 1 : Facteurs de croissance utilisés dans la prévention
et traitement de la toxicité hématologique secondaire
à la chimiothérapie
Indications/DCI Posologie Remarques
Anémie
Darbépoétine 2,25 μg/kg 1 fois par semaine ou 500 μg
1 fois toutes les 3 semaines
Délai de 2 semaines avant
de constater un effet
Érythropoïétine 40 000 UI en sous-cutané, 1 fois par
semaine ou 150 UI/kg, 3 fois par semaine
-
Neutropénie
Filgrastim 5 μg/kg par jour en sous-cutané Généralement prescrit pour 7 à
10 jours après la chimiothérapie
Lénograstim 150 μg/m2 par jour en sous-cutané Jusqu’à ce que le nadir
soit dépassé
Pegfilgrastim 6 mg en sous-cutané en 1 dose Une seule dose, 24 à 48 heures
après la chimiothérapie
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La neutropénie
En ce qui concerne la prophylaxie primaire, il est recommandé, dans certains cas, de prescrire un facteur de croissance pour prévenir les neutropénies1-4 associées au traitement. Des étu-des ont démontré qu’une prophylaxie réduisait le risque, la sévérité et la durée de cet effet secondaire. Les recomman-dations publiées par l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) et le National Comprehensive Cancer Network (NCCN) citent des exemples de chimiothérapies nécessitant une telle prophylaxie. Il est recommandé d’administrer un facteur de croissance lorsqu’une chimiothérapie comportant un risque de neutropénie de plus de 20 % est choisie.En prophylaxie secondaire, si un patient a souffert d’une neutropénie profonde ou fébrile lors d’un cycle de chimio-thérapie antérieur, il est possible de prescrire en préven-tion un facteur de croissance lors des cycles suivants, lorsqu’une réduction de dose ou un retard aurait un effet délétère sur le traitement du patient. L’anémie
Habituellement, l’anémie liée à la chimiothérapie est normo-cy tai re, hypo- ou normochrome, et la ferritine est élevée. Le bilan martial peut être normal. Le taux de réticulocytes est, quant à lui, en général important car la moelle travaille à régénérer les cellules entre les cycles de chimiothérapie. Les autres causes d’anémie doivent généralement être exclues chez le patient cancéreux (encadré 2)1, 6-8.
Encadré 2. Causes de l’anémie chez le patient cancéreux
Anémie des maladies chroniques.
Les facteurs de croissance ne sont pas recommandés en prophylaxie primaire de l’anémie induite par la chimio-thérapie. Les recommandations suggèrent que les érythro-poïétines puissent être considérées selon certains critères. Les objectifs de traitement sont l’amélioration de la qualité de vie et la réduction du nombre de transfusions.Les récentes controverses concernant les facteurs de crois-sances de l’érythropoïétine ont donné lieu à la publication de multiples méta-analyses et recommandations (encadré 3). Les érythropoïétines devraient être utilisées avec prudence chez les patients recevant une chimiothérapie à visée curative9-13.
Qu’est-ce qu’il sait ?
Il est primordial d’expliquer au patient les objectifs du trai-tement ainsi que les signes et symptômes d’une infection
ou d’une neutropénie fébrile. Le patient devrait consulter son équipe soignante dès lors qu’il présente une tempé-rature supérieure à 38,3 ºC ou égale à 38 °C pendant plus d’une heure, ou encore des signes d’infection (toux, mal de gorge, dysurie, douleur abdominale, etc.)1-4. L’anémie
Les signes et symptômes de l’anémie sont la fatigue, l’essouf flement, la pâleur, la tachycardie, etc. Il est impor-tant d’expliquer ces symptômes au patient pour qu’il les reconnaisse rapidement.
Qu’est-ce qu’il fait ?Le patient doit être en mesure de s’administrer ses médica-ments. Il doit également connaître et appliquer les moyens de prévenir les infections (encadré 4)2-4 et de reconnaître les signes de saignement. Le fait de recevoir un facteur de croissance réduit ses chances de contracter une infection, mais ne les prévient pas.
Quel est son projet ?Le patient doit être évalué dans sa globalité et comprendre le but des traitements. En fonction de sa situation, certains médicaments ne sont pas recommandés. Les objectifs de traitement individuels peuvent également évoluer dans le
Encadré 3. Résumé des recommandations concernant les érythropoïétines et l’anémie reliée à la chimiothérapie
versus les bénéfices avant de débuter un traitement
à la chimiothérapieSources
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Scrijvers D, Roila F. Erythropoiesis-stimulating agents in cancer patients: ESMO
Recommendations for use. Annals of Oncology. 2009.(Suppl 4):iv159-61.
Encadré 4. Mesures de prévention des infections
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certains effets indésirables14, 15. Ce sont principalement des rougeurs au site d’injection et des douleurs osseu-ses et articulaires. Le paracétamol peut être utilisé pour les myalgies et arthralgies liées au filgrastim. Toutefois, le patient doit demeurer vigilant face aux signes d’infection, car le paracétamol peut masquer une fièvre sous-jacente.L’érythropoïétine et la darbépoétine peuvent causer un syndro me pseudo-grippal, des étourdissements, des céphalées et des dou-leurs articulaires. Elles peuvent également augmenter le risque de maladie thromboembolique et causer une hypertension artérielle. Dans certaines études, le taux de mortalité par cancer était plus élevé chez les patients ayant reçu ces agents.Le pharmacien peut contribuer à réduire certains de ces effets indésirables. Le patient peut également lui poser des questions auxquelles il doit être en mesure de répondre en ce qui concerne les médicaments en vente libre ou l’auto-médication permettant de traiter ces effets.
ÉvaluationL’évaluation doit permettre d’estimer si le programme a répondu aux objectifs fixés dans le contrat éducatif. �
Nathalie Letarte
Pharmacienne en oncologie, Département de pharmacie
du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Professeure adjointe
de clinique à la Faculté de pharmacie de l’université de Montréal (Québec)
Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits
d’intérêts en relation avec cet article.
temps. Ainsi, un patient bénéficiant d'un traitement adjuvant peut recevoir un facteur de croissance, mais il est possi-ble de choisir de ne pas en administrer s'il évolue vers un contexte métastatique. Chaque situation est différente.
Contrat éducatifLe patient sous facteur de croissance doit être en mesure de :– connaître les médicaments qui lui sont prescrits ;– citer les médicaments qui lui sont prescrits ;– repérer les effets indésirables et les signaler à un membre de l’équipe soignante ;– reconnaître les signes d’aggravation ou de progression de sa maladie (signes d’infection, de saignement, etc.) ;– avoir recours à son équipe soignante si besoin ;– avoir recours, si nécessaire, aux ressources d’aide ou aux organismes pouvant soutenir les patients.
Suivi éducatifLes séances du programme d’éducation thérapeutique peuvent se construire autour de trois grands thèmes : l’expli ca tion de la maladie, le traitement médicamen-teux et la gestion des effets indésirables de ceux-ci.La toxicité hématologique associée aux traitements de chimiothérapie peut se produire tout au long des traite-ments du patient et peut même s’aggraver d’un cycle à l’autre. Le pharmacien d’officine peut rencontrer le patient de façon chronique, à chaque cycle de traite-ment. Il peut ainsi créer des liens avec lui et l’équipe médicale traitante, et effectuer un suivi systématique.Les facteurs de croissance (tel le filgrastim) peuvent générer
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DOSSIER%202001%20n°1-2.pdf
Références
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