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Lefranc (Abel), Histoire de la ville de Noyon et de ses institutions jusqu’au xiiie siècle, 1888

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Lefranc (Abel), Histoire de la ville de Noyon et de ses institutions jusqu’au xiiie siècle, 1888.http://archive.org/details/bibliothquedel75ecol

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  • Ii

  • HISTOIREDE

    LA VILLE DE NOYON

  • MAON . IMPRIMERIE PROTAT FRRES

  • nt'u-

    HISTOIREDE LA

    VILLE DE NOYONET DE SES INSTITUTIONS

    JUSQU'A LA FIN DU XIIP SIECLE

    PAR

    Abel LEFRANG

    PARIS

    F. VIEWEG, LIBRAIRE-DITEURE. BOUILLON ET E. VIEWEG, SUCCESSEURS

    G7, RUE DE Richelieu, 67

    1887

  • ir^^

  • Sur l'avis de M. Gabriel Monod, directeur adjoint desconfrences d'histoire, et de MM. J. Roy et A. Giry,

    commissaires responsables, le prsent Mmoire a valu M. Abel LEFRANC le titre d'Elve diplm de laSection d'histoire et de j^hilologie de r cole pratiquedes Hautes-Etudes.

    Paris, le il juillet 1886.

    Le Directeur d'tudes,

    Sign : G. MONOD.

    Les Commissaires responsablesy

    Sign : J. ROY, A. GIRY.

    Le Prsident de la Section,

    Sign : G. PARIS.

  • \

  • A Messieurs

    Gabriel MONOD, directeur adjoint L'Ecole desHautes-Eludes

    y

    et

    A. GIRY, professeur l'Ecole des Chartes,maiire de confrences IJ Ecole des Hautes-Etudes,

    Hommage de profonde reconnaissance.

  • PREFACE

    Noyon a t au moyen-ge le type par excellence dela commune piscopale, toute peuple de chanoines, declercs et de procureurs. De multiples glises , de richeset puissantes abbayes

    ,absorbent elles seules la moiti

    de rtendue de la ville, et l'lment ecclsiastique yrgne en matre. Aux cts de Tvque^ comte et sei-gneur haut justicier de Noyon, apparat son lieutenanttemporel, un vidame devenu chtelain, vassal gnant,presque le rival de son suzerain , dont il partage la juri-diction. Autour d'eux, toutes les corporations rehgieuses,chapitre et couvents ; le premier, puissance redoutabledevant laquelle l'vque s'incline souvent. Fort de sesimmenses domaines, ce corps nombreux et remuantvise obtenir la prpondrance, et il faut avouer qu'il yrussit quelquefois. En face de ces pouvoirs ecclsiasti-ques, souvent rivaux, mais toujours unis quand il s'agitde lutter contre les lments laques, se dresse la com-mune, en opposition constante avec tous. D'autant plustenaces qu'ils sont presque minorit, les bourgeoisdfendent pied pied leurs franchises. Qu'un des mem-bres de l'association soit ls, tous les autres se lventunanimes pour le protger et rclamer satisfaction.Toute de rsistance, leur politique est rarement agres-sive. La commune n'use gure de la violence ni del'meute. Gomme il n'y a point d'industrie Noyon, laplbe ouvrire n'est que le petit nombre et n'exerceaucune action. On n'y trouve pas de sanglantes agita-

  • II

    tions comme Laon ou Amiens. Ce peuple de tran-quilles bourgeois s'entend mieux la procdure juri-dique qu' l'insurrection arme. Rien de curieux et devari comme ces perptuels procs ; rien aussi ne donnel'impression plus nette de la vie intime et pour ainsidire journalire de la cit du moyen-ge.

    Telles sont les diverses juridictions qui se partageaientalors Noyon, sans parler de certaines autres d'ordre secon-daire, comme celle toute temporaire de la quinzaine deSaint-Jean-Baptiste, ou celle encore du collge chevinal.Cet ensemble constitue un milieu spcial qui donne Noyon un caractre trs distinct de celui des autrescommunes de la rgion picarde. C'est ce qu'on prendrasoin de prciser par de multiples comparaisons avec lesdiverses organisations des villes voisines, Saint-Quentin,Chauny , Soissons , Laon , Amiens , Beauvais

    ,

    pour neciter que celles dont il sera parl le plus souvent. Maisil importe d'attirer ds maintenant l'attention sur unfait des plus caractristiques, au sujet duquel il estncessaire d'entrer dans quelques dveloppements plusgnraux.Ce serait se faire des rsultats de l'mancipation

    communale une fausse ide, que de les considrercomme essentiellement dmocratiques. Populaire sonorigine, le mouvement municipal ne conserva pas long-temps ce caractre.Dans la vie intrieure des cits du moyen-ge, du

    moins jusqu' la fin du xnf sicle, ce n'est pas le peuplequi joue le rle principal. Son action politique estI)resque nulle. Par la force des choses, une aristocratieurbaine s'tait forme, qui profita plus que la plbe desprivilges qu'on appelait des liberts. Dans chaque ville,un groupe de familles riches et influentes prit en main laconduite des affaires, accaparant presque exclusivementles charges et les dignits, disposant peu prs sanscontrle des finances municipales. C'est ce que rvle

  • III

    mieux que toute autre l'histoire des rpubliques ita-liennes, si profondment imbues d'esprit aristocratiqueds la fin du xif sicle. Pour les communes du nord dela France, le fait n'est ni moins gnral ni moins videntet il ne semble pas douteux qu'au fur et mesure deleurs progrs, les tudes d'institutions municipalesn'arrivent le mettre en pleine lumire. C'est cetteprpondrance de Taristocratie urbaine et la rivalitqui clata forcment entre cette dernire et le commun,que se ramne en grande partie l'histoire des villes deFlandre, d'Artois et de Picardie. La lutte longtempssourde, clate au grand jour vers la seconde moiti duxiif sicle et se manifeste alors successivement dans laplupart des grandes cits par de terribles meutes.Ypres, Gand, Bruges, Arras, Lille, et pour prendre unergion moins limite, Provins, Rouen, Le Puy, Albi,Toulouse, voil autant d'exemples qu'il serait ais demultiplier. L'agitation, partie du Nord, gagne de procheen proche et devient peu prs gnrale. Jamais, peut-tre, l'histoire communale n'a prsent un si unanimemouvement. Jamais les tendances locales, d'ordinaire sidiffrentes, tant donne la diversit des intrts, neconvergent plus clairement vers un but commun. Unimmense courant, plus rapide encore que celui duxif sicle, se propage d'un bout l'autre de la France.Partout, la plbe est lasse de la tutelle des riches et sedresse menaante contre eux. Elle rclame sa part lgi-time dans l'administration et se refuse payer pluslongtemps des impts chaque jour croissants, dont ellene profite gure et dont elle ne peut ni rgler ni sur-veiller l'emploi. L est la grande, et vrai dire, la ssulecause de la crise. Ce sont les dsordres financiers quil'amnent, plus encore peut-tre que les abus de Tadmi-nistration. Le malaise est universel. Grce l'impr-voyance des riches, peu soucieux d'pargner des contri-butions dont ils russissaient s'exempter pour la plus

  • IV

    grande partie, le dficit apparat de tous cts. Pour yfaire face, les municipalits redoublent d'exactions ou sersignent la faillite. Ce mot, appliqu aux financesd'une ville du moyen-ge, peut paratre singulier. Il estcependant exact. C'est l prcisment l'un des ctscaractristiques de l'histoire qu'on va raconter ici. Nullepart, la tendance dont il vient d'tre question n'a tplus sensible qu' Noyon. Nulle part, la dcadencefinancire ne s'est rvle plus profonde et plus irrm-diable. La banqueroute a t relle, amenant en mmetemps un bouleversement complet des intrts privs.Les magistrats municipaux en ont subi, comme on leverra, le premier contre-conp. Il n'a pas t besoin d'unemeute populaire pour les dpossder de leur actionprpondrante et affirmer leur responsabilit. Un arrtde la cour du roi suffit pour obtenir ce rsultat. Aureste, dans ce milieu tout compos d'hommes d'glise etde procureurs, et o la classe ouvrire ne formait que laminorit, la procdure remplaait la violence. On usaitplus volontiers, pour rsoudre les difiicults, des procsen parlement et des requtes au roi. La liquidationcommunale, qui arriva Noyon la fin du xnf sicle,est tout ensemble l'vnement capital de son histoire etsa particularit la plus curieuse. Ce fut une solution ori-

    ginale, et en quelque sorte unique, du problme qui seposait partout aifieurs la mme poque. On y trouverades preuves dcisives l'appui de la thse nonce plushaut. Grce l'ensemble peu prs complet de docu-ments qui nous sont parvenus sur cette grave affaire,

    on en pourra saisir sur le vif et les causes et les prip-

    ties. C'est pour cette raison qu'on a cru devoir insister

    tout spcialement sur ce sujet en s'efforant de recon-stituer par le menu l'organisation financire d'une com-

    mune au xni^ sicle. Malgr son aspect juridique, toutecette histoire forme une sorte de drame, dont on suivrapeut-tre avec quelque intrt, la marche mouvemente.

  • La commune de Noyon a t surtout jusqu'ici connueclans l'histoire pour sa prtendue origine i)acifique, quiest bien ce qu'il y a de plus contestable et de moins surparmi toutes les donnes qu'on a sur elle. AugustinThierry ne lui a consacr, dans ses Lettres sur Vhistoire

    de France, que quelques lignes, d'ailleurs peu exactes.Quant la constitution mme de la ville, aux diversesjuridictions qui s'y partageaient le pouvoir, et d'unemanire gnrale, quant son histoire civile, aucunouvrage n'en a trait jusqu' prsent. 11 n'y a donc pasheu de faire ici une bibliographie particulire dessources imprimes. Nanmoins, comme on a d forc-ment s'occuper diverses reprises de l'histoire ecclsias-tique, il ne sera pas inutile d'indiquer sommairementles divers ouvrages qui s'y rapportent. Il faut citer enpremire ligne les Annales de Vgtise cathdrale deNoyon, jadis dite de Vermand, avec une descriptionet notice sommaire de Vune et Vautre ville, pouravant uvre. Le tout pai^sem des plus rares recher-ches, taiit des vies des Evesques qu'autres monumensdu diocse et autres lieux circonvoisins. uvrepour ses varitez, applications, rapports et confor-nitez avec d'autres villes, exemples, histoires etmoralitez, profitable aux pieux et dvots et toutcurieux d'antiquit, par M. Jacques Le Yasseur,docteur en thologie, chanoine et doyen de laditeghse. Paris, Robert Sara, 1633, 2 vol. in-4^ Ce titre,cit tout au long, en dira plus qu'une apprciationdtaille. Malgr sa mthode peu critique, sa formeprolixe et son plan si confus, ce vieil ouvrage con-tient sur l'histoire ecclsiastique de la ville une sommeconsidrable de renseignements. Les textes cits , enassez petit nombre d'ailleurs, y sont corrects etfidles. Avec toutes ses lacunes, ce livre reste encorele rpertoire le plus complet de l'histoire noyonnaise.On en a tant mdit qu'il n'est peut-tre pas hors de

  • VI

    propos de lui rendre ici la place laquelle il a droitdans l'historiographie locale.

    Je ne citerai ici que pour mmoire, n'ayant eu gureoccasion d'y puiser, les Mmoires sw l'histoire duVermandois, de Colliette, cur de Gricour, prs Saint-Quentin et le Gallia Chrisiiana, o l'histoire desvoques de Noyon se trouve au tome IX, col. 979 1030,et au tome X, preuves, col. 359. Mot de la Forte-Maison, Antiquits de Noyon ou Etude historique etgographique

    ,archologique et philologique des

    documents que fournit cette ville l'histoire descits gallo-romaines et fodales de la France. Rennes,Vatar, 1845, in-8'' (486 p. et pL), ouvrage o le point devue archologique domine et qui ne touche point ausujet qui intresse ici. Citons en terminant le mmoirebeaucoup plus scientifique de M. Lon Mazire : LeNoyotinais. Etat politique, publi au tome 111 duBulletin du comit archologique de Noyon. Il existeau tome V du mme Bulletin une BibliographieNoyonnaise de M. de Marsy, laquelle on pourrarecourir, s'il tait besoin d'indications supplmentaires.

    Les lments de l'tude qui va suivre ayant t puisspresque exclusivement aux sources manuscrites, c'estsur ces dernires qu'il convient d'insister davantage.Je les numrerai, en les groupant d'aprs les diffrentsdpts o elles se trouvent conserves :

    1** Archives de la ville de Noyon. Le Livre 7'ouge dela ville de Noyon (non cot). Registre sur papier de la findu XIv^ sicle, reli au XYuf et contenant 52 feuillets, surlesquels sont transcrits sans ordre chronologique 38pices. La dernire ne concerne pas directement la ville.C'est l'ordonnance, faite en 1308, de la valeur des biensde l'voque. Il s'y trouve galement, du f 29 au f'' 35, uninventaire des titres et chartes des archives de l'vch,concernant la viUe de Noyon. On aura phis d'une fois

  • VII

    l'occasion de le citer. Le preiuier titre transcrit, et en

    mme temps le plus ancien, est la confirmation donnepar Louis Vil de la charte de la commune en 1140. Les

    pices les moins anciennes datent du commencementdu xv^ sicle. Toutes les chartes reproduites au Livrerouge ont t transcrites, ainsi que Tatteste la mentionqui figure en tte, d'aprs les originaux conservs auxarchives de la ville, lors de sa rdaction. Aujourd'hui,ces pices originales ont disparu de l'Htel de Ville, sansaucune exception. Les recherches entreprises leursujet n'ont ahouti aucun rsultat. De l, la valeur touteparticulire de ce registre. Les textes en sont gnrale-ment corrects.

    Le Livre des Bourgeois [cot BB). Registre de parche-min commenc vers la deuxime moiti du xiv'' sicle,contenant la hste de tous les bourgeois faits et reusdepuis l'anne 1320, avec le texte des serments pro-noncs par les divers fonctionnaires de la ville lors deleur entre en fonctions. 74 feuillets. Reliure en par-chemin.

    Les deux sries principales qui composent la partie debeaucoup la plus intressante des archives municipalessont les Registres aux comptes et les Registres auxdiibraMons : la premire, commenant l'anne1360, pour se continuer sans interruption notable jus-qu' la Rvolution; les seconds, commenant 1388,pour se continuer galement jusqu' la mme limite.Cette dernire srie offre quelques lacunes pour le xvfsicle; la plus importante se rapporte l'poque de laLigue. Ces deux collections, bien que concernantune priode postrieure celle dont on va s'occuperici, ont t cependant dpouilles pour le xiv sicleet la plus grande partie du xv'. Un certain nombrede renseignements y ont t puiss, touchant des pointsque les documents antrieurs n'lucidaient pas sulli-

  • VIII

    samment. Je n'en ai us toutefois que dans des propor-

    tions restreintes et seulement dans le cas o un attentifexamen me confirmait dans l'ide que les choses n'avaient

    pas chang.

    2" Archives dpartementales de l'Oise. Le Cartwtaire du chapitre cathdral de Noyon (cot G. 1984),xnf et xiv' s. Registre in-folio parchemin de 355 feuil-lets, contenant la copie de plus de 500 chartes, dont la

    plus ancienne est un diplme de Charles le Chauve del'an 841. Ce prcieux volume, si riche en indications

    de toutes sortes sur l'histoire du pays , forme une desprincipales sources de ce travail. Un certain nombre desdocuments les plus importants du cartulaire sont publisdans nos Picesjustificatives. Quant aux autres chartes,restes indites parce qu'elles n'avaient pas directe-

    ment trait l'histoire de la ville, elles ont t cites

    chaque fois qu'il en est question , d'aprs le texte mmedu cartulaire. Il existe une analyse de ce registrepublie sous ce titre : Inventaire a7ialytique du car-tulaire du chapitre cathdral de Noyon, par ArmandRendu, archiviste de l'Oise. Beauvais, Moirand, 1875,grand in-4" ; extrait du tome P'" de ['Inventaire som-maire des Archives dpai^tementales de l'Oise ait-rieures 1190.

    3' Bibliothque Nationale. 1 . Ms. fr. 12030. Nouvellesannales ou mmoires chronologiques pour servir Vlvistoire de la Ville et de UEglise de Noyon, justifispar les citations des meilleurs auteurs et des monu-mens les plus autentiques (sic), des dissertatioispour rsoudre les points contests et claire ir lesdifficults. Ces Annales vont jusqu' l'anne 1509. Ellesont t crites avant 1774 par Claude Szille, chanoinethologal de la cathdrale de Noyon et prcdemmentcur de Thiescourt. Cet ouvrage, rest indit, est com-

  • IX

    pos avec mthode et critique, rraprs les sources ori-ginales, dont plusieurs sont aujourd'hui perdues, ce quilui donne une valeur toute spciale. On y trouve l'ana-Ivse et souvent le texte in extenso de certains docu-ments des plus intressants, dont il ne reste plus aucuneautre mention. Il existe la bibUothque de Noyon unecopie de ce manuscrit, dont le foliotage est diffrent decelui de l'original. On a du adopter pour cette raison,au cours de cette tude, la rfrence la date, ce quiforme un moyen de recherche et de contrle constant.

    2. Ms. fr. 12031. Notes pour Uhistoire de Noyon, parle mme. Inventaire d'une partie des chartes et titresqui se trouvaient encore dans la seconde moiti duxviii'' sicle aux archives de l'vch' du chapitre et deplusieurs abbayes ou paroisses de la ville. Extraits decartulaires et de divers registres ou collections touchantrghse de Noyon. 11 n'y a pas de foliotage gnral pource volume.

    3. Ms. fr. 12032. Notes pour Vhistoire de Noyon, parle mme. La partie la plus intressante de ces notes secompose d'extraits des registres capitulaires , dont lasrie commenait 1328.

    4. Ms. fr. 8802 8811. Manuscrits de Beaucousii.Collection considrable de notes et de recherches surNoyon, recueilhes surtout au point de vue ecclsiastique.C'est l'uvre de l'avocat Beaucousin, qui vcut Parisau sicle dernier et qui tait originaire de Noyon.Toutes ces indications sont prsentes sans ordre. Il n'ya pas eu le moindre commencement de rdaction. Cesmanuscrits, explors dans le plus grand dtail, n'ont punous fournir qu'un nombre trs restreint de renseigne-ments. On n'aura que rarement l'occasion de les citer.

    5. La Collection de Picardie, de Dom Grenier, donnelieu une remarque analogue. Les documents qu'elle

  • contient sont presque tons extraits du cartuiaire duchapitre et du Livre rouge de Noyon. Les volumesauxquels on a eu Toccasion de puiser davantage sontles numros 163, 165 et surtout 110. Il ne serait d'au-cune utilit de signaler ici en dtail les numros desautres volumes qui renferment des textes ou des rensei-gnements sur Noyon. On y renverra au fur et mesure.

    6. La Collection Moreaii; Chartes et diplmes, afourni plusieurs pices. Tous les documents de cette col-lection, concernant la Picardie, ont t transcrits de lamain mme de dom Grenier, d'aprs les originaux, ce quileur donne la garantie d'une scrupuleuse correction.

    Il ne faut citer que pour mmoire les Papiei's dfAu-gustin Thierry, runion de notes de toute provenance,dont le dpouillement n'a t d'aucune utilit : Fiches.nouv. acq. franc. W 3462, carton 31. Pices au nombrede 36, nouv. acq. franc. N*' 3409.

    J'adresserai ici, en terminant, mes plus vifs remercie-

    ments aux quelques personnes qui ont bien voulu me

    fournir aide et conseils au cours de ce travail, toutd'abord mon matre, M. A. Giry, qui, aprs avoirencourag cette tude ds le dbut, n'a cess d'tre pourmoi un guide bienveillant et dvou ; mes compatriotesMM. Lon Mazire et S. -M. Bcu, qui ont mis gnreu-sement ma disposition le fruit de leurs recherches surnotre histoire locale, et M. Coiiard-Luys, archiviste de

    rOise, qui m'a prt un concours eficace pour l'explo-

    ration de son riche dpt.

  • HISTOIREDE LA

    VILLE DE NOYONET DE SES INSTITUTIONS

    JUSQU'A LA FIN DU XIII'^ SICLE

    CHAPITRE P--

    Histoire et dveloppement de la ville jusqu' lapriode communale.

    l*"". Origine de Nouiomagus. Le Castellum . Sa description.{? 2. Translation du sige piscopal de Vermand Nouiomagus. Fondations

    de monastres en dehors du Castellum. Premire extension de la ville.f{ 3. Invasions des Normands. Leur influence sur le dveloppement des villes.

    Trois incursions principales en 859, 882 et 925. 4, Sacre de Hugues Capet. Afifaire de 1027. Destruction de la tour royale

    par l'vque et les habitants. Les diverses puissances de la ville.Evque. Chtelain. Abbayes. Chapitre. Extension des tablissementsreligieux du ix au xi* sicle. Description de la ville au xi* sicle.

    ^1--.

    L'origine de Noyon n'est pas connue. C'est dans un docu-ment du iv^ sicle, l'Itinraire d'Antonin ^ qu'on en trouve lapremire mention. Noviomagus y est indiqu comme l'unedes stations de la grande voie romaine qui reliait Reims

    1. Lon Renier. Itin. romains de la Gaule, Annuaire de la Socitdes antiquaires de France, de 1850, p. 201, n** 362, Amhiani, Novio-magus, 34 m. p. Suessonx , 21. Durocortorum , 37, en tout 98 m. p.

    Quant l'identification du Noviodunum Suessionum, assig parCsar, avec Noyon, elle semble aujourd'liui compltement abandonne.Il serait trop long de citer ici les nombreux mmoires publis sur cette

    A. Lefranc. Histoire de la ville de Noyon.

  • Amiens. Ce n'est donc qu' partir de cette poque que l'exis-tence de notre cit se trouve constate d'une manire certaine.Malgr Tabsence totale de documents sur la matire, on acependant beaucoup discut sur la plus ou moins grandeantiquit de Noyon. Plusieurs rudits, se basant sur quelquesdbris trouvs dans le mur d'enceinte gallo-romain, ontcru pouvoir en conjecturer l'existence d'une ville gauloiseantrieure, qu'une invasion de barbares aurait dtruite au

    cours du III sicle ^ Mais les fragments de sculpture et dematriaux dcouverts sont trop peu nombreux et trop peucaractristiques pour fournir cette opinion des argumentssrieux. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que le trac primitif

    de la grande voie romaine de Reims Amiens , ne passait paspar Noyon ^.

    Il semblerait rsulter de ce fait que Noyon n'existait pasencore lorsque la voie fut construite, ou tout au moins qu'iln'y avait l qu'une station de minime importance. A une

    question, voici seulement l'indication de ceux qui ont eu le plus denotorit : Peign-Delacourt, tomes XIV et XVII de la Socit desantiq. de Picardie; Mot de la Forte-Maison, Antiquits de Noyon,Ire partie tout entire consacre cette question; LonMazire, LeNoyonnais. Etat politique, Bulletin du comit archol. de Noyon, tome III ;Bcu, Bulletin du comit, tome 1er, p. 117. Voir mme Bulletin,p!55)?i, de nombreuses discussions. Dom Grenier, vol. 163, f 144, etc.On s'accorde maintenant assez gnralement placer Noviodunumentre Soissons et Berry au Bac. V. Desjardins, Gog. de la Gaule, II,p. 630.

    1. Voir Mot de la Forte-Maison, Antiq. de Noyon, p. 79 et suiv.2. On a pu dterminer les grandes tapes de cette voie, au moyen

    de la table de Peutinger, rectifie par la borne milliaire de Tongres.Quant au trac lui-mme, on l'a reconstitu peu prs en entier pourla rgion qui avoisine Noyon. Voici le rsultat des recherches qui ontt faites sur ce point. La route venant de Soisso?u passait Moulin-sous- Touvent

    ,

    puis kNampcel, o son parcours est aisment reconnais-sable de l'arbre des Zo^e^ jusqu' celui de Blrancourt, aujourd'hui lepoteau de Nampcel. A partir de cet endroit, les traces deviennent deplus en plus nettes. Vers le mont de Ghoisy, la route se bifurquait

    ,

    l'une "de ses branches se dirigeait vers Guts et l'autre continuait versl'ouest ; sa descente du plateau, elle allait vers Sempigny et abordaitl'Oise entre Parviller, localit autrefois assez importante, aujourd'huidisparue, et Pont-l'vque. Elle gagnait de l la sole Saint-Martin , surle territoire de Noyon , laissait l'est l'emplacement de la ville actuelleet continuait par Vauchelles, Porquricourt

    ,pour atteindre Ainiens en

    passant par Raye. Gette chausse, fameuse dans l'histoire de la rgion,est encore connue sous le nom de chausse Brunehaut.

  • poque qu'on ne saurait prciser, ])i'ohablencnl au iv*" sicle,quand la plupart des routes de la Gaule lurent rpares ouconstruites, le pai cours fut chang; la chausse dtouruevers l'est traversa Noviomarjus, qui remplaa ds lors l'an-cienne tape des bords de l'Oise. C'est le trac ainsi modifiqui figure dans l'Itinraire d'Antonin^

    Mais si cette mention de l'Itinraire constate d'une faonpositive l'existence de Noviomagus, elle ne nous fournit aucunrenseignement sur son dveloppement. La Notltia dignitO'tiim, qu'on attribue gnralement au v sicle, nous fournit cet gard des donnes tout fait prcises; elle dsigneNoviomagus comme le sige du prfectus Laetorum Bta-vorum Contraginensium'-. Ces Bataves taient de race ger-manique; ils appartenaient primitivement la civitas desCattes. A la suite de dissensions intestines, ils avaient quittla rive gauche du Rhin, pour venir s'tablir dans l'le quiprit d'eux le nom dHnsula Batavorum^. Ils firent bienttalliance avec les Romains, mais les exigences et les obligationsauxquelles l'amiti de Rome les astreignait, les portrent, enl'an 70 de J.-C, cette fameuse rvolte que dirigea ClaudiusCivilisa, La malheureuse issue de cette tentative amena leursoumission l'Empire et les fora de rester dans l'ombrejusqu' la fin du m* sicle. A cette poque, entre 286 et 289,une invasion de Francs les chassa de leur le et, aprs unelutte qui dura trois annes. Rome dut elle-mme reconnatrecette occupation et fournir un refuge aux Bataves expulss ^.

    1. Voici l'indication du trac modifi : partir de la sole Saint-Marlin, sur le territoire de Noyon

    ,on laissa droite l'ancienne voie,

    pour diriger la nouvelle sur iVoiv'om^^^5, qu'elle traversa de l'ouest l'est. Elle passait la Verse, au moulin du W

    ,o se trouvait, ds une

    haute antiquit, un pont de pierre que les chartes de l'glise de Noyonmentionnent ds le ixe sicle. Elle gagnait ensuite Pantoise o elletraversait l'Oise pour regagner l'ancienne route, droite dans la valle.Gomme ce trac subsiste encore peu de chose prs aujourd'hui , ilest inutile d'y insister.

    2. Notltia digmtatnm. Hist. de France, I, 128, c. , col. 2 : Prfectus Ltorum Datavorum Nemetacensium , Atrebatis Delgicx secundx. Prxfectus Lsetorum Datavorum Contraginensium, Noviomago Belgicsecund.

    3. Tacite, Hist., liv. IV, ch, 12. Ann., liv. II, cli. G. De morib.Germ.y ch. 29. Csar, D belio gallico, liv. IV, ch. 10.

    4. Tacite, Hist., liv. IV, ch. 4.

    5. Eumne , Pang . de Constantin, i]3ins les Panegijvici vcteres , d . 1643,

  • Ce fut vraisemblablement dans ces circonstances qu'ils vinrents'tablir en Gaule o la Notitia dignitatum nous les montrerpartis dans les trois cits des Atrehates, des Veromanduiet des Baiocasses. Dans la cit des Veromandui , ils occu-prent d'abord Contraginum ^ que VItinraire d'Antonindsigne comme une station situe entre Augusta Suessionumel Augusta Veromanduorum , sur la route de Durocortorum Nemetacum. Par suite de quels vnements le chef-lieu deleur tablissement fut-il transfr de Contraginum Novio-magus, c'est ce qu'on ne peut gure prciser. Nous ne pouvonsque constater leur prsence dans notre cit, ds le v sicle,en remarquant qu'ils y conservrent quelque temps leurancien nom puisque l'on continua de les appeler Contragi-nenses, alors qu'ils habitaient Noviomagus ^.

    Noviomagus, chef-lieu du pagus Noviomensis ou Novio-misus^ qui appartenait la civitas des Veromandui, s'le-vait l'poque gallo-romaine sur l'un des mamelons duversant sud de la chane des collines de Picardie, qui borne aunord la valle de l'Oise. Une hauteur boise limitait la villede ce ct; de l'autre, c'est--dire au midi, elle avait pourdfense les marais qui la sparaient de la rivire. Deux petitscours d'eau, affluents de la Verse, la Gouelle et la Marguerite,coulaient l'un l'orient et l'autre l'occident de la cit.Au point de vue stratgique , la position de Noviomagustait excellente de toutes manires. Elle formait comme uncentre entre les puissantes civitates des Bellovaci, des Suessiones

    et des Amhiani. En mme temps que la valle de l'Oise, la

    ch. 4, V. Mazire, op. cit., page 26. J'ai cru devoir rappeler brive-ment ces faits pour expliquer l'tablissement des Bataves Noviomagus.

    1. Contraginum, Gondren (Aisne),2. En tous cas , Gondren ne parat pas avoir t dtruit alors. Il est

    plus vraisemblable d'admettre que Noviomagus offrant peut-tre plusde ressources que Gondren ou ayant ds lors acquis un dveloppementplus considrable, les Bataves furent amens y transfrer leur chef-lieu. L'analogie complte de nom qui existe entre le Noviomagus

    ,

    Nimgue , de l'ancienne le des Bataves , et le Noviomagus des bordsde l'Oise, n'a pas manqu de frapper certains archologues. Ils en ontconjectur que les Bataves, en venant s'tablir dans nos pays, avaientdonn leur ville nouvelle, soit qu'ils l'aient fonde , soit qu'ils l'aienttrouve dj existante, le nom de Noviomagus, en souvenir de lacit qu'ils avaient d abandonner devant l'invasion franque. Getteingnieuse hypothse ne repose sur aucune preuve, j'ai cru devoir laciter nanmoins.

  • ville commandait cette grande plaine de Santerre, qui se trouve Noyon tout fait resserre entre les collines de Picardie etles hauteurs de Larbroye.A l'poque gallo-romaine , Noviomagus comprenait un

    caslrum ou castellum et un suburbium ou faubourg. Lecaslellum, qui constituait la ville proprement dite, est encoreaujourd'hui trs nettement marqu. On l'a dsign, pendanttout le moyen ge, sous le nom de Chteau- Corbaut ^ dont onignore la raison ^. La figure de l'enceinte est celle d'un poly-gone irrgulier de neuf cts ; elle a environ 200 mtres dusud au nord et 150 165 de l'est l'ouest. La muraille estconstruite en grand appareil irrgulier dans sa partie inf-rieure; le reste se compose d'un blocage avec insertion debriques. Elle tait flanque d'un certain nombre de toursrondes irrgulirement espaces et devait tre perce de quatreportes. Tel fut le noyau primitif de la ville. Ce ne fut qu'au coursdu xii'' sicle qu'une seconde enceinte, beaucoup plus consi-drable en tendue, fut substitue la premire et la renditinutile. Jusque-l la cit proprement dite tait reste contenuedans ces troites limites.

    , 2,

    Vers le milieu du vi^ sicle, un changement se produisit quiaccrut singulirement l'importance de Noviomagus. L'voquede Vermand -, saint Mdard 3, y transfra sa rsidence (v. 531).

    1. Quant l'appellation de 7nur Sarrazin, applique durant tout lemoyen ge la primitive enceinte de la ville, elle n'a rien d'exception-nel. On la retrouve dans un grand nombre de villes , Boulogne, Sentis,Grenoble. Voir dom Grenier, Introd. gn. l'hist. de Picardie, p. 93 ;Jules Quicherat ; Mlanges d'archologie et d'histoire. Archologie dumoyen ge, p. 352, et sur l'enceinte, Mot, op. cit., p. 68.

    2. On s'accorde aujourd'hui gnralement placer Saint-Quentinle chef-lieu de la civitas des Veromandui et par consquent le sigede l'vch avant sa translation Noviomagus . L'identification avec lebourg actuel de Vermand n'est pas acceptable. Voir ce sujet Longnon,Gog. de la Gaule au \e sicle, p. 410. Le nom de Vermand, que nousconservons ici, s'applique donc la cit qui prit plus tard le nom deSaint-Quentin et nullement au Vermand d'aujourd'hui.

    3. Il existe quatre vies de saint Mdard : 1 une vie en vers deFortunat , vque de Poitiers ; 2o une seconde en prose du mmeauteur; 3 une vie crite au ixe sicle, par un religieux de Saint-

  • Il est certain que cet vnement, par suite des circonstancesdans lesquelles il s'accomplit, dut passer bien inaperu.Fortunat n'en parle mme pas dans sa vie de saint Mdard ^ ;et c'est seulement dans une autre vie, crite au xi^ sicle parlevque Ratbod, que nous en trouvons la premire mention.C'est qu'en effet, au milieu des troubles et des guerres conti-

    nuelles de cette poque, un pareil changement n'avait rien quede fort ordinaire.La ville de Vermand ayant t, plusieurs reprises, ruine

    par les Vandales, les Huns et les Francs, ne s'tait pas relevede ces dsastres successifs ^. Saint Mdard ne s'y trouvant passuffisamment en scurit, lui prfra une cit voisine, mieuxfortifie, qui n'avait pas eu subir les mmes ravages ^. D'ail-leurs, cette nouvelle rsidence le rapprochait aussi de son paysd'origine, Salency, village voisin de Noviomagus, o sa famillepossdait un riche domaine ^. Ce fait, en apparence insigni-fiant, n'en eut pas moins des consquences dcisives pourle dveloppement de la ville devenue le sige d'un vch.Peu de temps aprs, la suite de la mort d'Eleuthre , vquede Tournai, saint Mdard, son ami, fut choisi comme son suc-cesseur, et Noviomagus devint ainsi, par suite de l'union desdeux diocses, le chef-lieu d'une des circonscriptions reli-gieuses les plus tendues du nord de la Gaule.

    Mdard-ls-Soissons ; 4 une dernire attribue Ratbod , vque deNoyon, de 1068 1098. Elles se trouvent toutes au tome II de juindes Acta Sanctorum

    ,p. 82. Saint Mdard est n vers 456, Salency,

    prs Noyon. Elu, vers 530, vque de Vermand, il transporta sa rsi-dence Noyon en 531, runit en 532 l'vch de Tournay, et mourutle 8 juin 545.

    1. L'anonyme de Soissons non plus, mais il crivait au ixe sicle ,tandis que Fortunat tait presque contemporain de cet vnement.Fortunat, n vers 530, dans les environs de Trvise , mourut vquede Poitiers, dans les premires annes du vue sicle.

    2. Voir Levasseur, Annales, page 23 et suiv. Grg.; de Tours,Hisloria Francorum, liv. II, ch. 5, 6, 7, etc.

    3. Ratbod, Acta Sanctorum, tome II de juin, page 86 : Dolensilaque vir beatus civitatis illius Viromandensis

    ,

    quam regendam susce-perat

    ,

    jam factam desolationem , verilu^que iterandam paganorum irnip-tionem Noviomum quem mimitiorem prenominavimus

    ,sano satis consilio

    sedem constituit Episcopalem. 4. Son pre, d'origine franque , se nommait Ncctardus et sa mre,

    qui tait gallo-romaine, Protagia. C'est l un exemple de la rapidefusion de races qui se produisit entre les Germains envahisseurs et lesGallo-Romains.

  • Les vies de saint Mdard nous transmettent le souvenir deplusieurs vnements, que le caraclcre morne de ces documentsne permet pas d'accepter sans rserve, tels que le passage duroi Glotaire, et le chtiment dont il fut frapp pour avoir pilll'glise de Vermand, sa prsence au lit de mort du saintvoque. Tout autre est Fhistoire de la reine Radegonde, femmede Glotaire P*", accourant Noviomagus et se prsentant l'improviste, au milieu de l'office, saint Mdard, qui brave lacolre du roi et la consacre sur le champ diaconesse ^ (544).Le tmoignage de Fortunat, qui tenait ce fait de la bouche deRadegonde elle-mme, donne ce rcit une valeur historiqueplus srieuse.

    Jusqu' la seconde moiti du vu sicle 2, l'histoire reste peu prs muette sur le compte de Noviomagus. Alors parut surle sige piscopal de saint Mdard, un homme qui est restcomme l'une des plus glorieuses figures de ce temps, saintEloi, l'intime conseiller de deux rois. En mme temps qu'ilcommuniquait la politique royale cette sage et ferme direc-tion qui a fait du rgne de Dagobert P'" l'apoge de la dynastiemrovingienne, il poursuivait avec une infatigable nergie laconversion des populations barbares de son vaste diocse. Lesfonctions qu'il remplissait dans le gouvernement ne l'emp-chrent pas de rsider dans sa ville piscopale, qu'il contribua tendre et dvelopper dans une large mesure, par des fon-dations de monastres. Sa vie qui a t crite par saint Ouen,l'archevque de Rouen 2, auquel l'unissait une vive amiti,fournit tous gards sur le pays et la ville mme qui nousoccupe des donnes d'un rare intrt^. C'est assurment l'undes monuments les plus curieux qui nous soient parvenus

    1. Voir les deux vies de saint Mdard et de sainte Radegonde deFortunat. Cette dernire se trouve dans les Acta Sanctorum, aot,tome IIL Sainte Radegonde, ne en 528, mourut le 13 aot 587 Poitiers. Elle avait pous Glotaire 1er en 538. C'est en 544 qu'ellevint Noyon pour y prendre l'habit religieux.

    2. Voici la liste des vques qui occuprent le sige de Noyon,depuis saint Mdard jusqu' saint Eloi: Augustinus ou Faustimis

    ,

    Gundulfus , Chrasmarus, vers 575. Ebru]fus , Bertiondus , sajictusAcharius , 621 640 environ. Il existe une vie de saint Achairedans le Recueil des vies de Saints d'Adrien Baillet, la date du 29novembre. Voir Levasseur, Annales, page 420.

    3. Saint Ouen, n en 609, mort (le 24 aot) en 683 ou 686 ; chan-celier de Dagobert pr ; il devint archevque de Rouen en 640.

    4. Vita Sancti Eligii, auctore sancto Audoetio, seu Dadone, episcopo

  • sur cette poque. Elle abonde en renseignements prcieux surles murs du peuple, dans le nord de la France, ses coutumesjuridiques, et surtout sur les usages paens , qui persistaientencore universellement dans ces contres, o, contre l'opi-

    nion commune, le christianisme s'implanta si difficilement *.

    Saint Eloi fonda Noyon un monastre qui devint par lasuite l'un des plus clbres du pays. D'abord plac sous levocable de saint Loup, 1 evque de Troyes, il prit plus tard lenom de son fondateur ; on y suivait la rgle de saint Benoit ~.

    C'est dans cette abbaye que saint Eloi fut inhum aprs desolennelles funrailles, auxquelles assista la reine Bathilde,

    accompagne de ses fils et d'une suite nombreuse. (Dcembre659 2.) Vers le mme temps, une vierge du nom de Godeberthe,issue de noble origine, fille spirituelle de saint Eloi, fonda

    encore l'instigation de ce prlat un couvent de femmes, qui,s'il faut en croire le rcit de Ratbod, fut l'objet de larges lib-ralits de la part du roi Glotaire III '*.

    Rotomagensi, publ. dans Surius, 1er dcembre; d'Achery, Spicileg.tome V, p. 141 , et en extrait aux Hist. de France. III, 557. Diversestraductions de cette mme vie, par Louis de Montigny, chanoine deNoyon, contemporain de Levasseur, sous ce titre : Histoire de la vie^vertu, mort et miracles de saint Eloy, evesque de Noyon, traduite du latinpar L. de Montigny, Paris, 1626, Sbastien Gramoisy. Voir encoreLabbe, Nouv. bibl. des mss., tome II. Prologue de la vie de saint Eloy,Giry et Baillet, la date du 1er dcembre. Hist. litt. de la France, tomeIII, p. 595. Les Miracles de saint Eloy, pome du xiiie sicle, publ.par Peign Delacourt, Mem. Soc. acad. de Beauvais, tome IV, etc.

    1. Voir surtout Dom Grenier, Introd. gn. V histoire de Picardie,p. 311, oi ce ct de la vie de saint Eloi est fort bien expos, etLevasseur, Aimales, page 422.

    2. Voir Levasseur, Annales, page 920 et 182. Le monastre futreconstruit en 1207, sous l'abbatiat de Raoul et prit alors le nom deSaint-Eloi. V.la Vi ta Sancti Eligii de Sdiint-Oue) ,\i\. Il, ch. 43,44,55,58, 72. Dipl. de Lothaire, publi dans Levasseur, Annales, p. 92.Autre dipl. Gallia christ

    .

    , tome IX, col. 1055.3. Saint Eloi tait n en 588, dans les environs de Limoges. Son

    remarquable talent dans l'art de l'orfvrerie appela de bonne heurel'attention sur lui. D'abord orfvre, puis trsorier du roi Glotaire II, ilfut, sous DagobertIer, charg de la monnaie royale et ensuite ministre.Il fut lu, en 640, vque de iVoyon. Lareine Bathilde, venue pourassister ses derniers moments, n'arriva qu'aprs sa mort.

    4. La vie latine de sainte Godeberthe est attribue Ratbod II,l'auteur de la vie de saint Mdard. Elle est publie dans les Acta sancto-rum au M avril et en extrait dans les Hist. de France, tome III, p. 578.Il en existe une traduction du chanoine Louis de Montigny. La vie de

  • 9

    Sur la fin du vif sicle, la ville fut prouve par un doubleflau : ce fut d'abord une peste terrible qui dcima la popula-tion et ensuite un violent incendie qui consuma une grandepartie de la cit. La vie de sainte Godeberthe nous a transmis

    sur ces deux vnements d'abondants dtails ; mais, commetoujours, il s'y mle une grande part de lgende. D'ailleurs,cet ouvrage, tel qu'il nous est parvenu, est postrieur de quatre

    sicles aux choses qu'il raconte, et l'on n'en peut user qu'avec

    de grandes rserves. Quoi qu'il en soit, si les dtails paraissentsuspects, rien ne nous contraint mettre en doute la ralit

    mme des faits, dgags des circonstances dont les hagiographesse sont plu les embellir K

    Rien n'appelle particulirement l'attention sur les voquesqui occuprent, aprs saint Eloi, le sige piscopal. Un seuld'entre eux , saint Mommelin 2, son successeur immdiat, alaiss quelque trace dans l'histoire, par la part qu'il prit auxtravaux de saint Bertin et de saint Omer, dans le pays desMorins. Aprs lui, l'glise de Noyon rentra tout fait dansl'ombre. Il ne se passa d'autre vnement remarquable dans laville, jusqu'au milieu du vin*' sicle, que la mort du roi

    la B. vierge sainte Godeberthe,

    patronne et titulaire de la ville de Noyon,extraicie d'un ancien manuscrit latin estant en la bibliothque de f glisecathdrale de Noyon et traduite en franais, par Louis de Montigny,chanoine de ladite glise. Paris, P. du Brescher, MDGXXXIIH,rdite en 1856, par M. Laffneur. Sainte Godeberthe, ne vers 640,prit le voile vers la fin de l'piscopat de saint Eloi. Sa fte se clbrele 11 avril. Voir Levasseur, Annales, p. 177 et 527. Les concordancesdes quelques dates qu'on a sur cette priode ne permettent pointd'attribuer ces libralits Clovis II, comme on l'a fait souvent , mais Glotaire III. Ge couvent devint plus tard une paroisse de Noyon

    ;

    au xie sicle, il tait encore dsign comme abbaye. (Gonfrmationdes biens du chapitre la demande de l'vque Transmar, en 945.Cartul. chap., fo 34. Id. la demande de Lyndulphe 988. Cartiil.chap., P 46.)

    1. Contigit ejus in tempore, sic exigentibus plebis Noviomic peccatis

    ,

    pestiferum in eadem civitate gladium desvire mortalitatis , ira enimimplacabilis a Deo egressa, indigenas circumquoque devastabat, parentescum filiis, sponsos cum sponsis, dominos cunt domesticis, etc. [Acta sanct.,11 avril. Hist. de France; Ex vita sancte Godeberthe a Ratbodo. III.578 B.) Les Hist. de France donnent la date de 658

    ,

    qui me parat peuadmissible. Si la peste avait svi du vivant de saint Eloi, on n'et pasmanqu d'en faire meiition dans sa vie et de mettre en relief le rle duprlat dans cette circonstance.

    2. Voir : Vies des Saints de Baillet. Vie de saint Mommelin. 16octobre, et Levasseur, Annales, p. 546,

  • 10

    Ghilpric II, survenue en l'an 720 ; une tradition rapportepar Levasseur veut qu'il ait t inhum dans la cathdrale ^Durant toute cette priode mrovingienne, la cit gallo-

    romaine que nous avons essay de dcrire ne laissait pas dese dvelopper insensiblement. Tout naturellement, comme ilen advint pour beaucoup d'autres villes, le christianismecontribua pour la plus grande part cet accroissement. Nousavons eu l'occasion de constater l'existence de deux monastres,tous deux situs en dehors du castellum ; l'un, celui de saintLoup et plus tard de saint Eloi, s'levait l'est de la ville,prs de la route de Reims Amiens ^, en partie sur l'em-placement connu depuis sous le nom de citadelle ^ ; l'autre,celui de sainte Godeberthe. au sud, peu de distance de l'en-ceinte *. D'aprs l'ouvrage de Ratbod, le roi Glotaire III auraitdonn sainte Godeberthe, pour construire ce couvent, lapartie du palatmm situe en dehors de la ville et comprenantun oratoire plac sous le vocable de saint Georges. G'est danscet oratoire, devenu une abbaye, que furent inhums ungrand nombre d'vques et de saints personnages, parmilesquels sainte Godeberthe elle-mme, saint Mommelin et saintAchaire ^, le prdcesseur de saint Eloi.Nous savons par ce texte et par plusieurs autres mentions

    parses dans toutes ces vies de saints, qu'il y avait Noyonune rsidence royale, un palatium^ dont une partie, l'ora-

    1

    .

    Continut, de Fredeg. 2e partie ; Hist. de Fraiice, p. 454 : Veniensque( Chilpericus) urbem Noviomo post non miiltiim tempus cursum vite etregnum amisit, etc.y> Gesta regum Fi^ancor. Hist. de France, II, p. 572 :(c Mortuus quidem est post hxc et Noviomo civitate sepultiis. Il y en aencore beaucoup d'autres mentions dans les chroniques d'Adhmar, deMoissac, d'Adon, mais ces documents ne font que reproduire les sourcesprcdentes. Voir encore Levasseur, Annales, p. 597.

    2. La voie de ['Itinraire d'Antonin.3. Aprs la prise de Noyon en 1591, Henri IV fit construire sur

    l'emplacement de l'abbaye de Saint- lloi, qui venait d'tre dtruitependant le sige, une citadelle qui fut dmolie en 1631. Les religieuxreprirent alors possession de leur ancien domaine, mais le nom decitadelle continua d'tre appliqu une partie de ce terrain.

    4. L'emplacement en a t longtemps marqu par une fontaine ditede sainte Godeberthe. M. Mol, de la F.-M., a consacr plusieurs pagesde SCS Antiq. de Noyon (p. 95 et suiv.) l'histoire de ces deux abbayes,mais il ne donne aucun renseignement nouveau, en dehors de ceuxdj fournis par Levasseur et Golliette.

    5. Levasseur, Annales, page 422.

  • 11

    toirc Saint-Georges, et probablement aussi d'autres construc-tions se trouvaient en dehors du castcllum^ du ct sud dela ville. Quant la cathdrale, son existence ds l'poque desaint Mdard n'est pas douteuse. C'est dans ce monument quesainte Radegonde reut le voile ; il fut rpar par saint Eloi ^et, au dire de la lgende, sauv des flammes par sainte Gode-berte lors du grand incendie. Etant donne la persistance aveclaquelle on conserva partout ailleurs le mme emplacementpour des glises successives, elle occupait srement une partiedu monticule o s'lve la cathdrale actuelle, mais on en estrduit aux conjectures et tout renseignement prcis nousmanque sur ce monument primitif. Tout ce qu'il importe deconstater, c'est que la ville n'tait plus renferme dans sesmurailles et que, par suite de l'extension des difices religieux,

    elle prenait chaque jour un dveloppement plus considrable.

    .^3,

    Le 9 octobre 768, Charles, fils de Ppin, fut reconnu etsacr roi Noyon, pendant que son frre Carloman l'tait, lemme jour, Soissons -. C'est le seul vnement saillant dontfasse mention l'histoire du vin'' sicle touchant notre ville. Acoup sr, les Carolingiens, qui montrrent pour les bords de

    1. La vie crite par saint Ouen raconte que saint Eloi, ayant un jouraperu, la faade de l'glise, in fronte hastlicx sancti Medardi, unepartie lzarde, fit appeler sur le champ des ouvriers pour la rparer.Gomme ceux qui l'accompagnaient l'engageaient attendre une saisonplus favorable, il leur rpondit : Laissez-moi faire, mes amis, car sice mur n'est point rpar de mon vivant, il ne le sera jamais.

    2 . Contin. de Fredeg.,

    4e partie. Hist. de France,\. 9, b : Mis transactis,predicti reges Carolus et Carlomanniis, unusquisque cum leudibus suis adpropriam sedem regni eorum venientes inslituto placito, initoque consiliocumproceribus eorum, mense septembri die dominico XlVcalendas octobris,Carolus ad Noviomum urbem et Carlomannus ad Suessionis civitatem,pariter uno die a proceribus eorum et consecratione sacerdotum sublimalisuntinregno.r) Annales Francorum, mme recueil,Y. p. 36 : Dominusvero Carolus VII idus octobris in Noviomo civitate, Carlomannus in Sues-sionis civitate simiiiter. Et cclebravit, etc. Eginhardi Annales, mmerecueil, V. p. 200 : Filii vero Karolus et Carlomannus consensu omniumFrancorum reges creati et Karolus in Noviomago, etc. Les tmoignagessont trop nombreux pour tre tous cits ; tous, sauf le Continut, deFredeg., fixent la date au 9 octobre. Ppin tait mort Quierzij-sur^Oise le ^4 septembre.

  • 12

    rOise, comme pour ceux de l'Aisne, une prfrence si mar-que, durent venir frquemment Noyon, qui se trouvait proximit de toutes leurs rsidences favorites. Il est vrai quece voisinage mme les empcha peut-tre d'y faire des sjoursprolongs. C'tait plutt pour eux un lieu de passage, d'o ilspouvaient facilement gagner toutes leurs stations de Quierzy,Attigny, Verberie et mme Laon et Soissons. C'est ce quiexplique que les chroniqueurs du temps ne nous ont transmisaucune mention de voyages royaux ^ Quoi qu'il en soit, leseul vnement de 768 montre que la ville n'tait pas dlais-se, puisqu'on la choisissait comme le sige de la grandeassemble qui devait reconnatre et proclamer le roi Charles.

    Jusqu' la seconde moiti du ix^ sicle, il ne se passa d'autrevnement remarquable qu'un synode tenu en l'an 814, pourfixer les limites respectives du diocse de Noyon et de celuide Soissons -. Alors commencrent, vers le milieu de ce sicle,ces invasions de Normands qui influrent, d'une manire sidcisive, sur l'organisation de la fodalit. Ce ne fut pas,d'ailleurs, leur seul rsultat. Elles exercrent aussi sur ledveloppement des villes une action considrable et c'est cetitre qu'il importe de s'y arrter ici. Rien, en effet, ne con-tribua davantage les fortifier. Ces continuelles attaquesfurent cause qu'on se mit rparer les anciennes enceintesgallo-romaines qui, presque partout, tombaient en ruines;souvent mme on en construisit de nouvelles sur un plusgrand primtre, l'emplacement du castellum tant devenutrop restreint. A la suite de ces terribles calamits, il seproduisit dans les cits une raction qui fut trs favorable leur dveloppement. La prsence ou seulement l'approche dudanger contraignit les habitants de chercher tous les moyensde s'en prserver et les amena dployer une nergie dont ils

    1. Voir Conciliorum omnium collectio regia, impr. au Louvre, tomeXX, p. 424. Labbe et Gossart, Concilia, XI, p. 1313. P. Harduin,VII,p. 197. Voir surtout un travail sur les Conciles de Noyon, de l'abbLaffneur, dans les Assises archol. de la Soc. desantiq. de Picardie tenues Noyon en 1856, p. 49. Mazire, le Noyonnais, EtatpoL, p. 42. Voirencore Flodoard, Historia Beniensis, liv. II, p. 13, dans Hist. de France,tome VI, p. 213. M. Lafineur dans son tude attribue Noyon leconcile de 831, oii fut dpos Jess, l'vque d'Amiens. Tous les histo-riens sont d'accord pour placer ce concile non Noyon, mais Nimgue.Voir Labbe et Gossart, Concilia, VII, 1673, 1698.

    2. Nous savons seulement ]^ar\in capitulaire de 808, Hist. de Finance,V. 679, que Gharlemagne vint cette anne-l Noyon.

  • 13

    ne paraissaient pas capables. Depuis de longs sicles, en effet,les vnements les avaient contenus dans une fcheuse inac-tion. C'est peine si l'on avait song relever quelques-unesdes ruines amonceles par les barbares. Les villes s'taientdveloppes un peu au hasard, rien ne contraignant les habi-tants grouper leurs constructions en vue d'un sige subir;les invasions normandes, en les forant de se fortifier et de seprotger par des murailles contre d'incessantes incursions,changrent toutes ces habitudes. Les villes prirent une dispo-sition plus rgulire; il semble qu' l'abri de ces nouvellesenceintes, leiu' individualit jusque l mal dfinie se soitdgage plus pleinement. Elles eurent ds lors une physio-nomie plus tranche, plus nette. Il n'y eut plus de ces grosbourgs irrguliers, aux maisons parses travers la campagne,auxquels l'ancien casteUum donnait seul quelque unit. Lancessit o l'on se trouva de construire, en trs peu de temps,de longues et solides murailles et de pourvoir tous lesbesoins de la dfense, donna aux habitants l'occasion de fairede prodigieux efforts, qui ne favorisrent pas seulement ledveloppement matriel de leur cit, mais contriburent aussi relever leur nergie engourdie par une longue prioded'inactivit. Il n'est rien de tel pour rapprocher les hommesque la communaut du danger. Nul doute que la rsistance laquelle tous avaient pris part ne leur ait communiqu cetteforce de cohsion qui leur manquait jusque-l. D'isols qu'ilstaient, ils devinrent associs. L'union, en leur donnant cons-cience de leur force, put leur permettre d'oser certaines reven-dications qui leur taient impossibles auparavant. Les seigneurs,comtes ou voques, ont pu tre amens par l leur concderquelques droits ou tout au moins tenir un compte plussrieux de leurs dolances. Il en arriva comme pour les croi-sades qui, moins de trois sicles aprs, devaient si grandementaider l'armissement et l'extension des liberts commu-nales. Evidemment, dans les sches et courtes chroniques quinous restent sur cette poque, aucun texte positif n'a signalcette transformation. Il n'y faut chercher que des faits; quantaux institutions, ce n'est gure que par l'induction qu'on enpeut deviner l'histoire. Les chroniqueurs sont muets sur cestransformations qui s'accomplissaient chaque jour insensible-ment sous leurs yeux; il faut un brusque changement, quelquervolution bruyante, pour les leur faire remarquer.

    Les invasions des Normands formeraient ainsi une tape de

  • 14

    plas vers rafranchissement dfinitif du xif sicle, qui ne futpas, comme on l'a cru souvent, une mancipation imprvue,mais bien seulement l'aboutissant de longs et constants efforts.La Rvolution communale n'a pas cr tous les privilges,elle n'a fait souvent que les tendre et les confirmer, en don-nant aux villes une organisation plus prcise et plus fixe, et enaffermissant sur des bases plus solides des droits antrieure-ment acquis; elle n'a eu d'autre rsultat que de parfairel'uvre obscure et lente, commence depuis des sicles.

    Il ne faudrait pas croire cependant que les incursions nor-mandes se prsentent sous cet aspect ds leur origine. Lespopulations tout d'abord n'osrent point rsister; elles se lais-

    srent aller l'affolement, prfrant recourir la fuite plutt

    que de combattre ces hardis envahisseurs. Mais cette faiblessene dura pas; force d'tre pills et dcims, ces hommes,dans l'excs mme de leurs maux, reprirent courage et regar-drent en face leurs ennemis. Peu peu, le succs aidant, devaincus qu'ils taient, ils devinrent vainqueurs leur tour.C'est alors que se produisit ce grand mouvement de rsistancedont Robert le Fort et le roi Eudes sont rests comme lesinstigateurs les plus fameux, et le sige de Paris, comme lefait d'armes le plus hroque, et c'est alors aussi que durent semanifester dans la condition des habitants des villes, les chan-gements dont on a parl plus haut. Il en fut de mme Noyon; aprs les massacres de 859, il y eut les victoires de890 et de 925.

    Les Normands firent leur premire incursion srieuse Noyon, en l'an 859 ^. La proximit de la rivire d'Oise rendaitleurs attaques on ne peut plus faciles; aussi n'est-il passurprenant qu'elles se soient frquemment renouveles. Lorsde cette premire apparition, ils venaient de l'le 'Oyssel,

    1. La Chronique d'Adhmar de Ghabannes mentionne l'anne846 un incendie de Noyon par les Normands [Hist. de France, VII,p. 226), et un fragment de chronique [Hist. de France, VII,p. 224), un autre pillage de Noyon que l'on a dat de 844.Mais ce sont l des tmoignages peu certains, Adhmar de Ghabannesayant crit saGhronique en Limousin, au xie sicle, et la compilation deVHistoria Francise tant postrieure 1015. De plus, les Normands neparaissent pas s'tre aventurs sur les bords de l'Oise avant 859. Ils nes'tablirent sur les bords de la Seine qu'en 857 ; et le Nord de la Francetait rest jusqu' cette poque l'abri de leurs ravages, part, bienentendu, les ctes. Il est donc prsumer que les indications de cesdeux chroniques s'appliquent l'incursion de 859.

  • 15

    leur station dos bords de la Seine. D'autres handes l'ava^'eaient,pendant ce temps, Saint-Valery-sur-Somme, Amiens et toutela rgion environnante. Ils arrivrent de nuit devant la ville,dont ils s'emparrent par surprise; puis, le pillaj:,^e fait, ilsemmenrent avec eux l'veque Immon et un certain nombrede nobles, clercs ou laques. Gesmalbeureux prisonniers furenttous tus quelque distance de la ville, la tradition veut quele petit monticule, connu sous le nom de Tombelle, sur laroute de Ham, ait t le lieu de leur supplice KNous ne savons pas si les Normands, aprs ce coup de main

    rapide, continurent de remonter l'Oise. Toujours est-il qu'ilsrestrent longtemps sans reparatre de nouveau dans leNoyonnais. Il est probable que le souvenir des dvastationsde 859 les cartait d'une rgion dans laquelle ils n'espraientplus retrouver de butin. Une seconde mention des AnnalesBertiniennes'^ nous apprend que plus de vingt ans aprs,

    1. Annales de Saint Berlin, dans dit. Dehaisnes (Soc. Hist. deFr.), p. 99, dans Hist. de France, tome VII, page 75. Cet Immon occupaitle sige piscopal depuis 840 environ. Il assista, en 853, au 2e concilede Soissons et fut missus dans le Noviomisus [Hist. de France, VU,p. 616. Capitul. de Charles le Chauve de 853). Voir Levasseur,Annales, p. 636, et Beaucousin, Bibl. nat. Ms. fr. 8805, f 45,qui donne de nombreux dtails sur sa vie. M. Peign Delacourt, dansson tude sur les Normans dans le Noyonnais aux ix* et x sicles, meten doute la ralit du massacre de 859. Il n'y a cependant aucun motifsrieux pour justifier cette opinion. Le tmoignage des Annales deSaint Bertin, source premire du rcit, est formel sur ce point. Il a tadmis par tous les historiens. Il est contrm par d'autres autorits qui,pour tre postrieures, n'en ont pas moins leur valeur, telles que laChronicon de Gestis Nortmannorum in Francia [Hist. de France, VII,153), compose pour cette priode par un religieux de Saint-Omer,d'aprs ces mmes annales de Saint Bertin et aussi d'aprs d'autressources. De plus, c'tait une tradition de l'glise de Noyon que l'vequeImmon tait mort martyr de la main des Normands. Il y a au Cartul.du chap., fo 40, une charte reproduite dans Levasseur, page 681, con-firmant les privilges de l'Eglise (841), qui porte ce titre : Karolus rexper Immonem martyrem episcopum. D'ailleurs, cette tude de M. P. D.,comme tous les ouvrages de cet rudit, manque totalement de critiqueet de clart, nous aurons plus d'une fois lieu de le constater. C'estdans ce mme opuscule qu'il taxe le mur sarrazin, dont il reste encorede si colossales substructions, de mur lev la hte au moment de l'in-vasion des Huns.

    2. Annales de Saint Bertin, d. Soc. hist. deFr., p. 290, et Hist. deFrance, VIII, page 37 : Quapropter usque circa Landunum castellumvenerunt et que in gyro ipsius cas telli erant, deprdati sunt et incende-runt et disposuerunt Remis venire, indeque per Suessiones et Noviomagum

  • le-vers 882, ils passrent par Noyon pour aller assiger Reims.Ravagrent-ils de nouveau la ville ou bien se contentrent-ilsde passer auprs sans y entrer, sachant n'y rien rencontrer,c'est ce qu'on ne peut dcider, par suite de l'extrme concisionde ce passage des Annales.Nous arrivons ici une nouvelle incursion qui a donn lieu

    bien des discussions, et dont l'importance dans l'histoire dela ville varie beaucoup, selon qu'on admet l'une ou l'autresolution. Deux textes diffrents nous fournissent les dtails decette nouvelle attaque qui fut suivie d'un sjour prolong; lepremier se trouve dans les Annales de Saint Vaast ^ et lesecond dans les Miracles de saint Bertin-, ouvrage composvers le x sicle, par un moine de Sithiu.Remarquons tout d'abord que les deux rcits ne prsentent

    premire vue aucune contradiction. Il n'a fallu rien moinsque les efforts d'imagination de certains rudits, pour dcou-vrir dans ces textes des dissemblances qu'ils ne renfermaientpoint. La vrit, c'est que l'un d'eux, celui des Miracles de-saint Berlin, offre des dtails plus prcis sur le lieu et la dis-

    position de la station que les Normands occuprent prs deNoyon, durant tout un hiver ^. Gomme M. Peign-Delacourt at lui-mme amen le constater, les deux auteurs sont

    pergentes ad prefatum castellum expiignandum redire et regnum sibiadjicere. Quod pro certo audiens Hincmarus episcopus ciijus homines depotestatc Remensis^ etc. M. Peign-Delacourt s'tonne que plusieursauteurs aient parl de ce passage, et dclare qu'il ne connat aucuntexte y faisant allusion. Celui des Annales Bertiniennes lui a chapp.

    1. Annales Vedastini, d. Dehaisnes (Soc. hist. de Fr.), pages 336,337, 339, 341, QiHist. de France, VIII, 88.

    2. Miracula sancti Beriini , Mabillon, Acta sanctorum ordinis S.Benedicti, sec. III, p. 591, et Hist. de France, IX, 118.

    3. M. Peign-Delacourt, op. cit., fixe cette station de l'le desMoricans, place suivant lui au confluent de la Verse et de l'Oise. Pard'ingnieuses inductions, il dmontre que cette le appartenait autrefois la paroisse de Ghiry, village auquel il applique le nom de Chyrisiacusou Kirisiacus, que Mabillon, Dom Grenier et les Bollandistes ont appli-qu Quierzy-sur-Oise. L'expression Australi plaga, employe dans lesMiracles de S. Berlin, ne peut, en effet, convenir Quierzy qui est l'est de Noyon. Le systme de M. Peign-Delacourt n'est, d'autre part,qu'une pure hypothse. Il y a sur les bords de l'Oise une localit encoreexistante aujourd'hui laquelle toutes ces indications s'appliquentexactement, c'est le hameau de Couarcy, dpendance de Pontoise (cantonde Noyon). Au reste, il n'importe pas ici de dterminer cet emplace-ment: toute la question est de savoir si les Normands ont, oui ou non,pris Noyon.

  • entirement d'accord sur la date de l'incursion, qui arriva laToussaint de l'an 890, sur la composition de la bande dontune partie vint par eau et l'autre par terre, enfin sur l'itin-

    raire suivi pour gagner Noyon. La Hotte avait, comme en 859,quitt la station des bords de la Seine pour remonter d'abordce fleuve et ensuite l'Oise, partir de Conflans-Sainte-Hono-rine : Magnus exercitus Danorum adunatus in loco quiob concursum insignium inibi aquarum Confluenlia vocatui\ascendit flumen dictum Isaram^ pervenitque et equitatu etnaviglo subusque Noviomum civitatem... Ici commencent,suivant le mme rudit, de notables divergences^ nous nousabstiendrons de le suivre sur ce terrain, de crainte de nous ygarer avec lui. Il est bien certain, et c'est ce qui ressortvidemment de la lecture des textes, que les Normands ne sontpoint entrs dans Noyon. Ce n'est que par un commentaireforc qu'on parvient soutenir le contraire. Ils tentrent uneattaque que les habitants repoussrent victorieusement KA la suite de cet chec, qui contraste singulirement avec le

    facile succs de 859. les Normands construisirent, peu dedistance de la ville, en un lieu naturellement fortifi etdfendu par la rivire d'Oise et par la fort, un camp retran-ch, d'o ils purent la fois continuer le sige commenc ettenter dans les environs de frquentes incursions. Le prin-temps venu, manquant de vivres et renonant bloquer pluslongtemps la ville qui se dfendait toujours, ils quittrent leur

    1 . La dmonstration de M. Peign-Delacourt pour prouver que lesNormands se sont empars de Noyon est tellement fantaisiste qu'il est peine besoin de la rfuter ici. Il supprime de propos dlibr tous lespassages contraires sa thorie et les regarde comme des ngligencesde style, des navets ou des modifications apportes par fiert natio-nale. Toutes ces mentions pourtant formelles : ic Faciens [exercitus') ihimuntionem circa villam... intendens siin hrevi neqiiiret aria et diutinaobsiione, civitatem quia parva videbatur capere posse. Sed cum hemisphe-riumnihil ibi prevalentes , consummarent et [nedum dicamus) aliquid pro-ficerent, verum magis faine ac siti, ouviique penuria artati, pne deficerenlconsultum, etc. , dans les Miracles de saint Berlin.^ et : la Nortmanni verocptum iter peragentcs, castra sibi adversus civitatem statuunt dans lesAnnales de Saiit-Waast, ne l'embarrassent point. D'ailleurs, il se contreditlui-mme et arrive concder que, si les Normands ne sont pas entrsdans Noyon, c'est qu'ils ne l'ont pas voulu; il est branl par sespropres objections. Inutile d'insister sur ses hypothses de l'ile deMoricans, de la route qu'il imagine avoir t suivie par les cavaliersnormands, sans aucun texte l'appui. Voir d. Dehaisnes (Soc. hist.deFr.), p. 336.

    A. Lefrang. Histoire de la ville de Noyon. *

  • 18

    station des bords de l'Oise pour se diriger vers le Brabant. Ilstentrent en clierain une attaque sur Sithiu, qui leur rsista etleur infligea de trs grosses pertes *.

    Il parait que cette srie d'insuccs dcouragea les Normands,puisqu'on ne les voit pas, durant trente-cinq ans. reparatresur les bords de l'Oise. En 925, une de leurs bandes partie deRouen revint dans la rgion. Aprs avoir pill le Beauvaisiset incendi Amiens et Arras, elle se prsenta devant Noyon.Dj le feu tait aux faubourgs et les Normands s'apprtaient donner l'assaut la ville, quand les habitants du castellum^aids de ceux des faubourgs qui s'taient rfugis dans l'en-ceinte, firent une vigoureuse sortie dans laquelle ils massa-crrent une partie des assaillants et mirent le reste en fuite -.

    Ce fut la dernire expdition des Normands, qui, dsormaiscontenus en Neustrie, ne songrent plus en sortir. Leursincursions avaient dur prs d'un sicle. Noyon eut fort ensouffrir, mais, par contre, cet esprit de rsistance, ce rveild'nergie et d'initiative, sur lequel l'attention a dj tappele, s'y montrrent on ne peut plus sensibles. Le texte deFlodoard attribue uniquement aux habitants le mrite de cebeau fait d'armes; il n'y est question ni du comte, ni del'vque, ni d'un chef quelconque auquel l'honneur en puisserevenir; c'est dj l'indice d'un groupement et d'une forcecollective qui ne fera que s'accentuer et produira plus tard deprcieux rsultats.

    Plus nous avancerons et plus nous verrons cette tendance la cohsion, l'union des citoyens s'accentuer dans l'histoirede Noyon. Voici un fait survenu en l'an 932, qui la mettraencore mieux en relief. L'voque Airard ^ venait de mourir etle choix de son successeur amenait, comme l'ordinaire, toutessortes d'intrigues et de comptitions. Un clerc de la ville, quidsirait vivement l'emporter, mit dans ses intrts un certaincomte Adelelme. Ce seigneur, ayant escalad secrtementpendant la nuit le mur d'enceinte, pntra dans la cit et enchassa tous les hommes d'armes. Mais ceux-ci, aids par une

    1. L'entreprise sur Saint-Omer fut excute non par le gros de l'ar-me, mais par une bande seulement. Voir Giry, Hist. de la ville deSaint-Omer, p. 17. Voir aussi le 7nme ouvrage, p. 12, sur l'poque dela composition des Miracles de saint Berlin et la valeur historique decette source.

    5. Chronicon Flodoardi, Hist. de France, tome VIII, p. 183.

    3. Airard occupa le sige piscopal de 915 932.

  • l)

    partie (les habiUinls des fauhoiirj^s, attaqurenl la ville; grce la connivence des citoyens rests dans l'enceinte, ils br-lrent l'nne des portes et s'inlrodnisirent par une fentre dansla calhdrale qui tait proche du rempart. Adelelme, qui s'^Haitrfugi dans Tglise avec quelques-uns de ceux qui l'avaientaccompagn dans son entreprise, fut massacr, et les habitantsredevinrent matres de leur ville. Peu aprs, Tabb de GorbieWalbert fut lu comme vque de Noyon K

    Cet vnement, dont le rcit nous a t transmis parl^'lodoard, l'annaliste de Reims ^, est loin de conticdire nosprcdentes assertions. Il montre d'une manire extrmementnette, les habitants de la ville agissant toujours de leur propreinitiative et formant une sorte d'association autonome, qu'au-cune autorit ne vient entraver. Ici, comme dans les sigesnormands, nous ne trouvons aucune trace de l'interventiond'une puissance, d'un chef ou d'un pouvoir quelconque. Cesont les cives, suivant l'expression mme de Flodoard, quiprtent leurs concours aux milites. Ces deux classes d'habi-tants ont les mmes intrts et elles se renforcent mutuelle-ment pour les dfendre. La conclusion de l'affaire, c'est queles cices reprennent possession de leur ville, et civesurbem recipiunt. De plus, l'auteur de ce rcit circonstancin'est pas tranger aux choses de la rgion ; il habite Reims, lamtropole dont les rapports avec Noyon sont des plus frquents,il est contemporain de tous ces faits, qu'il raconte en connais-sance de cause. Ses livres sont une des sources historiques lesplus estimes et les plus exactes, son tmoignage ne sauraitdonc tre suspect. Il a d connatre par des renseignements

    1. Walbert, vque, de 932 936.2. Chronicon Flodoardi, IJist. de France, t. VIII, p. 188, et la Chron.

    de Richer, livre P"", dit. Soc. hist. de France,

    p. 1 15 et 1 17. Ce comteAdelelme n'est gure connu que par cette aventure et par un avantagequ'il aurait remport sur les Normands en l'an 923, d'aprs Flodoard : Ragenoldiis exagitalus furore, in pagum Atrehatensem predatum progre-ditur, cui obviiis faclus cornes Adelebnus sexcentos ex eis slramt, clerisfiiga prolapsis. Il est difficile sur d'aussi vagues mentions de dter-miner au juste quel tait ce comte Adelelme. Tout ce qu'on peut affir-mer c'est qu'il n'tait point comte de Noyon. Il est encore questiondans llistoria ecclesie Bemensis de Flodoard (livre III, chap. XVIIIet XXVI) d'un comte Adelelme, mais il n'est gure possible , causedes dates, de l'identifier avec le personnage dont il est ici question.D'ailleurs ces diverses mentions sont aussi peu explicites que les pr-cdentes.

  • ^ 20

    de premire main tous les dtails de cette aventure qui avaitpour lui d'autant plus d'importance qu'elle touchait unequestion d'lection, l'une de celles qui se prsentaient le plussouvent et qui devaient ncessairement proccuper davantageun historien ecclsiastique K

    4.

    Un an aprs, en 933, le Noyonnais fut, ainsi que le Soisson-nais, compltement ravag par le fils d'Herbert de Vermandois,Eudes, qui rsidait Ham. La ville, l'abri de ses paissesmurailles, chappa seule ses dvastations -. Les cinquanteannes qui suivirent ne sont gure remplies que par desaffaires ecclsiastiques. Flodoard parle frquemment des diffi-cults souleves par les lections d'vques auxquelles il futlui-mme activement ml. Bien qu'lu, suivant les rglesordinaires, par le clerg et le peuple de Noyon, il fut supplant,contrairement tous les droits, par un moine du nom deFoucher. L'vque de Brme, Adelagus, lui crivit cetteoccasion une longue lettre, d'une singulire lvation determes pour le temps ^ (951).

    1. Les Annales de Flodoard, qui vont de 916 966, ont t compo-ses Reims, pour la plus grande partie, au fur et mesure des vne-ments qu'elles racontent. L'Historia ecclesie Remensis fut crite de940 953, et l'on sait que les Annales sont la fois antrieures etpostrieures sa rdaction, sans qu'on puisse prciser l'poque mme laquelle elles furent commences. Le tmoignage de Richer, qui aracont aussi ce fait au livre 1er de sa chronique, n'est que la rptitionde celui de Flodoard.

    2. Chronicon Flodoardi, Hist. de France, tome VIII, p. 189 a.

    3. Cette lettre se trouve dans Levasseur, Annales, p. 700, texte ettraduction. Elle est aussi dans Mabillon, An?iales Benedidini , tome III,p. 475. Il faut lire dans Levasseur les curieuses et naves pages qu'ilconsacre l'vque Foucher. Il n'a pas de terme assez violent pour lefltrir : Le sang me gle dans les veines, je frmis d'horreur, mon me estesperdiie, voulant entrer au discours de la vie (comme on la figure) inso-lente, odieuse et toute criminelle de ce diffam prlat. Mon encre rougit, maplume s'arrte, etc. , p. 698. Voir en gnral les mmes Annales, depuisla page 650, sur toutes ces dissensions ecclsiastiques, sans impor-tance pour le sujet trait ici, mais qui n'en ont pas moins leur intrt.Aprs Walbert, l'vch fut occup par Transmarus, 938-950, puispar Radulphus, 950-951. Fulcherus , lu en 951 la place de Flodoardet mort en 955. Hadulfus, 955-977. Lindulfus. 977-988. Ratbodus,989 la lin du xe sicle.

  • 21

    En 987, un vnement analoj^'ue celui de 7G8 ramnel'attention sur la ville; Hugues Gapet, lu roi dans rassemblede Senlis, lut sacr dans la cathdrale. Jusqu'ici tous les

    historiens s'accordaient placer le sacre du premier Captien Noyon, suivant en cela les tmoignages unanimes des chroni-queurs du temps. Un ouvrage rcent, reprenant une anciennethse de Kalckstein, se prononce pour Reims, en s'appuyantsur une charte contemporaine de l'abbaye de Fleury-sur-Loire K Cette opinion nouvelle ne parat pas admissible. Entre

    le tmoignage d'une charte rdige sur les bords de la Loireet celui de Richer, contemporain et souvent tmoin oculairedes faits qu'il raconte 2, confirm par une foule d'autres men-tions du 2^ livre des Miracles de saint Benot ^, de la Chro-nique de Saint-Bnigne de Dijon ^, etc. , le doute n'est pas unseul instant possible. Sur ce point, Richer, qui vcut Reimset y crivit sa chronique, au monastre de Saint-Remi, entre992 et 995, est une autorit dcisive. Le sacre de 987, cr-monie essentiellement ecclsiastique, a d ncessairementappeler l'attention du moine rmois, qui se proccupa si vive-ment des divisions et des difficults amenes par l'avnementdes Captiens et le changement de dynastie; on ne peutsupposer qu'inform comme il l'tait de tout ce qui concernaitla rgion, il ait commis une semblable erreur, au dtrimentde sa propre ville, sur un aussi notable vnement.Une chronique du xii'' sicle, la Narratio restaurationis

    abbatie sancti Martini Tornacensis, de l'abb Heriman ^,

    i. Luchaire, Hist. des Instit. monarch. des prem. Capt., t. I, p. 66,note 3, d'aprs Kalckstein, Gescliichte

    ,p. 389, n 2. Il est vrai que

    M, Luchaire, afflrmaiif en cet endroit, montre plus loin (p. 69]quelque hsitation et dit : Hugues Gapet, sacr Noyon ou Reims, etc.

    2. Richer, d. de Waitz, in usum scholarum, p. 133.3. Mir. de saint Benot, 2e livre, d. de Certain. Soc. hist. de France,

    p. 127. Ce 2e livre fut compos par Aimoin , moine de Fleury-sur-Loire, peu aprs 1004.

    4. Chron. de Saint-Bnigne de Dijon, Hist. de France, VH, p. 244.5. Heriman

    ,moine Saint-Martin de Tournai, fut lu abb de ce

    monastre vers 1130. Il alla vers 1147 la croisade et s'arrta pourcertaines affaires Rome , oii il crivit au palais de Latran son His-toire de la restauration de l'abbaye de Saint-Martin de Tournai, quicommence avec le rgne de Philippe 1er et sarrte la seconde moitidu xiie sicle. Voir Gall. christ, III, Instrumenta^ col. 58. Cette chro-nique est publie dans Smedt, Chron. de Flandre, II, p. 495; dansd'Achery, Spicil., II, p. 918 de l'dition de 1713, in-P, et dans l'di-

  • 22

    qui renferme sur l'histoire cls deux diocses de Noyon et deTournai, alors runis, de si intressants renseignements, nousa transmis le rcit d'un fait des plus caractristiques et desplus curieux arriv vers l'an 1027. C'est l'histoire de la

    destruction, par l'vque Hardouin de Croy et les habitantsde Noyon, de la tour o rsidait l'officier royal. Cette tours'levait tout prs de la cathdrale et de l'vch. Le chevalier

    qui le roi l'avait confie, accablait d'exactions le peuple de la

    ville, battant en brche le pouvoir de l'voque dont il voulaits'attribuer les droits. Il cherchait surtout tendre sa comp-tence sur les causes et les affaires extrieures quiressortissaient

    au tribunal piscopal, empchant ce dernier de rien dcider,avant qu'il et lui-mme prononc son jugement. Cette con-duite exasprait l'vque et les habitants qui, voyant toutes lesremontrances inutiles, s'unirent pour aviser leur dlivrance.

    La destruction de la tour qui permettait au chtelain royal

    de les braver et de commettre impunment ces mfaits, leurparut le meilleur moyen d'arriver ce but. Un jour que lechtelain tait all au dehors avec ses gens, ne laissant dans laforteresse que sa femme et quelques servantes, Tvque crut lemoment favorable et fit prendre les armes aux habitants.Voulant s'introduire dans la tour sans recourir la violence,il usa d'un singulier stratagme qui russit pleinement. Sousprtexte de porter la chtelaine une toffe de soie qu'il dsi-rait employer un vtement d'glise, il pntra en visiteurdans le. chteau. La dame sans dfiance lui en ouvrit elle-mme les portes et le reut avec de grandes marques de joie.Lorsqu'il crut tous ses gens runis et prts se mettre l'uvre, l'vque lui dcouvrit la ruse et lui annona qu'enpunition des exactions de toutes sortes commises par sonmari, la destruction de la tour avait t dcide. La chtelaineconsentit non sans quelque peine se. laisser emmener.La tour fut aussitt entirement rase, l'aide du fer et dufeu, avec toutes ses dfenses et dpendances ^ Puis, cette

    Lion in-4o de 1677, tome XIL p. 460, en fragments dans Hist. deFrance, tome X, p. 236 et 237. L'ouvrage d'Heriman, souvent cit parLevasseur qui ne le connaissait que par l'historien de Tournai , Cousin,renferme des dtails abondants sur certains vques de Noyon, tels queFoucher et Ratbod. Il passe trs rapidement sur d'autres. VoirLevasseur, Annales, p. 743 et 967, et Mazire , op. ciL, p. 58.

    1. Convenerunt isli [cives] adversits hanc arcem , ut cam dejiciantcunctaquG propur/nacula , et plus loin : cvncta edificia evertunt , machi-

  • 23

    vengeance accomplie de la manire la plus pacifique, lesauteurs de ce coup de main audacieux rentrrent paisible-ment chez eux. On imagine la colre du roi la nouvellede l'attentat commis par l'vque son vassal. La cause futdfre la cour royale qui pronona une sentence de bannis-sement ^ Hardouin se rfugia auprs du comte de Flandre,Baudouin le Barbu -, qu'il savait en grande faveur auprs duroi Robert, dont la fille Adle tait sur le point d'pouser lefils du comte. Baudouin promit l'vque, en change deplusieurs autels que ce dernier possdait en filandre et qu'illui cda, de s'interposer en sa faveur. A sa prire, le roiaccorda le pardon demand et Hardouin de Groy put enfinrentrer dans sa ville piscopale.Nous aurons plus d'une fois l'occasion de revenir sur ce

    curieux rcit. Bornons-nous constater ici qu'il tmoigne trsclairement de la juridiction temporelle exerce par l'vquesur la ville, puisque les plaids et causes extrieures ressor-tissent son tribunal. Le chtelain royal n'est pas un rivaipour lui. L'expos mme de ses empitements prouve qu'iln'exerait aucune autorit srieuse et fonde. Dans le procsqui suit l'affaire, il n'est nullement question de rtablir sacharge. Le roi ne se plaint pas d'autre chose que de la destruc-tion de sa tour, de deperditione domus sue. Si son chtelainavait eu Noyon d'autres fonctions que celle de gardien dudonjon, le coup de main de l'vque n'aurait pas eu pourrsultat de le supprimer : le roi l'aurait assurment maintenu.Au lieu de cela, ce personnage disparat de l'histoire noyon-naise en mme temps que la forteresse confie ses soins, carla tour, une fois renverse, ne fut pas reconstruite. C'est donc

    nas ad evertendum undique instruunt,immensam ejus altitudinem solo

    coequant de summo lapide usque ad imum comininuimt ; ce qui indiqueque la construction dtruite comprenait plus qu'une simple tour etqu'elle avait les proportions d'une vritable forteresse. liCs dtailsfournis par Heriman montrent qu'elle devait se trouver du ct est dela ville

    ,

    prs de la porte.1

    .

    C'est un des exemples les plus anciens qu'on ait de l'interven-tion de la curia rgis. Voir sur le fonctionnement et la comptence dela cour du roi, Luchaire : op. cit., , p. 273 et 274, oii ce jugement estsignal.

    2. Baudouin le Barbu, comte de P^landre, de 989 1034. Son fils,Baudouin V de Lille, pousa Adle, fille du roi Robert, en 1029, etfut comte de Flandre de 1034 1067. (Voir P. Anselme, Hist. gncal.et chronol., II, p. 716.)

  • un signe assur qu'en dehors de sa garde, il n'avait aucune

    juridiction particulire dans la cit. Remarquons encore queles habitants interviennent d'une manire active dans toutecette affaire. Les agissements du chtelain royal portent atteinte leurs droits comme ceux de l'vque, et c'est de concert

    avec ce dernier qu'ils dcident d'anantir la tour i.

    Ce n'est pas ici le lieu de chercher prciser vers quelle

    poque a pu s'accomplir cette importante transformation dupouvoir piscopal. Constatons seulement qu' dater de ce

    moment, nous voyons l'vque agir en toute circonstance

    comme seigneur incontest de la ville. Quelques annesplus tard, apparat ct de lui une sorte de lieutenant

    temporel, auquel il a dlgu une partie de ses attributions.

    Ce vidame, d'abord officier subalterne, accrot progressive-ment son autorit et s'lve jusqu' devenir le rival de so^suzerain. Il est le second seigneur de la cit et quitte bientt

    son premier titre, tmoignage trop vident de son origine,pour prendre celui de chtelain^ plus en rapport avec l'tendue

    1. Ce fait a dj t attribu par erreur l'anne 996. C'est bien vers1027 qu'il faut le placer. Le mariage d'Adle, fille de Robert, avecBaudouin V, qui est prsent comme prochain et qui fut contractvers 1028, est un lment de date certain. L'vque Hardouin de Croyoccupa le sige piscopal depuis l'an 1000 jusqu' 1030 environ. VoirGallia Christiana, tome IX, col. 993, etLevasseur, Annales, p. 746. Jen'ai pas craint, pour cette histoire, de suivre d'assez prs le texte duchroniqueur et d'entrer dans les minutieux dtails du rcit, dontquelques-uns provoquent le sourire; c'est que c'est peu prs le seulfait qui anime l'histoire du xie sicle jusqu' l'piscopat si bien remplide Baadry. A coup sr, tous ces dtails ne sont pas d'une rigoureuseauthenticit. Cependant, tant donnes les habitudes du moyen ge, ona peine croire qu'Heriman les ait tous invents. Il a d les puisera unesource antrieure que nous ne connaissons pas. En tous cas, rien nenous empche de croire au moins la ralit du fond de cette histoire.Par suite de l'union des deux diocses de Tournai et de Noyon, lesvnements qui se passaient dans l'un devaient tre facilement connusdans l'autre. L'auteur raconte la chose avec une vidente complaisanceet l'on doit reconnatre que la scne est trs vivante et narre avec unrel talent. Il la prsente comme un bon tour, amusant et finementjou. Remarquons encore que les deux piscopats suivants de Hugues etde Baudouin sont peine indiqus par cette sche mention : Harduinosuccessit Hugo, IJugoni Dalduinus , Balduino Rathodus. , ce qui indiqueque Heriman se souciait assez peu de raconter avec dtails les faitspropres la seule glise de Noyon. S'il a donn cette histoire undveloppement exceptionnel, c'est qu'il en possdait les lments.

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    de sa juridiction. C'est sous ce nom qu'il est dsign ds lemilieu du xi" sicle.A ct de ces deux pouvoirs principaux qui, en ralit, se

    ramenaient un seul, puisque le second n'existait que parle premier, il y avait encore dans la ville d'autres juridictionsecclsiastiques, indpendantes, dont l'action restait circon-scrite un emplacement dtermin. Durant la longue priodeque nous venons de parcourir, la ville n'avait point cess des'accrotre et de se dvelopper. Les tablissements religieux,paroisses et abbayes, s'y taient multiplis, donnant lacit une extension chaque jour plus considrable. Ds leix" sicle, au couvent de Saint-Loup, fond par Saint-Eloi,et celui de Sainte-Godeberthe taient venus s'ajouter quatreautres monastres : Saint-Maurice, Saint-Martin, Saint-Etienneet Saint-Remy. Plus tard, en 1064, l'voque Baudouin fondaau nord de la ville, sur la hauteur appele mons monu-menti, l'abbaye de Saint- Barthlmy qui devait, par lasuite, contrebalancer celle de Saint-Eloi. Les actes fournissentaussi des mentions d'un certain nombre de paroisses : Saint-Nicaise, Saint- Pierre et Saint-Paul, Saint-Martin, Saint-Nicolas. Mais, ct de ces diverses fondations ecclsias-tiques, s'en trouvait une autre qui les absorbait toutes et lesdpassait de beaucoup en richesse et en puissance. Une com-munaut de chanoines s'tait forme Noyon, comme dansles autres vchs, ds le milieu du ix sicle. Ils portrentd'abord les noms de frres de Saint-Mdard, frres de Notre-Dame, qu'ils quittrent de bonne heure pour garder celui dechanoines de Vglise de Notre-Dame. Forts de leurs privilgeset de leur immunit, ils devinrent promptement un pouvoir part dans la cit, indpendant de l'vque et jouissant detoute juridiction sur l'tendue de territoire comprise dans leclotre. Le partage de la mense commune de l'glise, entre leschanoines et l'vque, s'tait effectu ds le commencementdu x" sicle. A partir de cette poque, le chapitre demeurematre absolu de ses nombreuses possessions. Le tonlieu de laville lui appartenait, sauf celui de la foire rserv auxvques.Il disposait de tous les moulins compris tant dans l'enceinteque dans le suhurhium : d'Andeu, du Wez, de Saint-Remi,de Saint-Maurice, des Fosss, et jouissait des revenus de plu-sieurs couvents, de Saint-Maurice, de Saint-Etienne et mmeun moment de Saint-Eloi. Nous n'avons pas faire ici l'nu-mration exacte de ses biens, il suffira de se reporter aux

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    diverses chartes concdes au chapitre par les papes ou les roispour s'en rendre compte ^

    Telles taient les diverses juridictions qui se partageaient laville, au moment o la Rvolution communale clata, amenantavec elle l'institution d'une nouvelle puissance, rivale de toutesles autres. Depuis l'vnement de 1027 jusqu' l'poque del'organisation de la commune, les chroniques ne nous four-nissent gure que de sches et courtes mentions, pouvant toutaussi bien s'appliquer aux habitants du Noyonnais qu' ceuxmmes de la ville. On sait seulement que les Noviomensesfigurrent parmi les milices royales dans la guerre dePhilippe P'" contre le comte de Flandre, Robert le Frison,en 1071, et qu'ils prirent part la bataille de Gassel o le roide France fut si compltement dfait ~.

    Les voques, qui se succdrent sur le sige piscopal aprsHardouin de Groy, jusqu' la fin du xi^ sicle, n'eurent qu'unrle des plus effacs ^. Seul, Ratbod II, le prdcesseur imm-diat de l'vque Baudry, dont on va voir l'active influence sur

    1. Voir P. justif., nos i^ i his, 2, 2 bis, 3. La plus ancienne charted'immunit concde l'glise de Noyon est celle de Gtiarles leChauve (Quierzy, 25 dcembre 841, p. justif. no 1), qui, commetoutes les chartes de ce genre , fait remonter la concession des biens etprivilges une antiquit fort contestable. Toutes ces indications sontpuises dans le cartulaire du chapitre; il serait trop long d'en indiquerles sources en dtail. Nous renvoyons, pour l'expos de ces diversesjuridictions, aux Chapitres VII, VIII et X.

    2- Gnal. des comtes de Flandre, Hist. de France, XI, p. 391.Chron. de Normandie, Hist. de France, XI, 340. D'aprs cette chronique,le roi Henri 1er, en 1054, au moment de la guerre contre les Normands,ft semondre ceulx de Rains, de Soissons, Lannois, Vermendois, Flandres,Artois , Aminois , Pontliieu, Noyonnais, Beauvaisis , estre et compa-roir certain jour Beauvais. La mme Chronique [Hist. de France, XI,324) mentionne qu'au moment des troubles suscits par l'avnementd'Henri 1er, le duc de Normandie aida ce dernier recouvrer sonroyaume et prit avec lui Senlis, Beauvais, Amiens, Gompigne.Rains, Laon, Noyon, etc.

    3. Hugues, 1030 1044. Gall. christ., X, Instrum., col. 562, et IX,1000. Baudouin, 1044 1068. Ratbod II, 1068-1098. Voir Migne

    ,

    Patrol. M. CL., p. 1494. Gall. christ., IX, col. 996. Hist. littcr. de laFrance', VIII, p. 457. Acta Sanctorum, Junii, II, die 8, p. 87. Vie de

    saint Mdard et mme recueil, Aprilis, II, p. ?>'i.Viede sainte Godeberthe.C'est sous son piscopat que fut enferm dans la tour juxta portam, en1070, l'voque de Langres, Renaud, Hist. de France, p. 483. Historiatranslationis reliquiarum sancti Mamantis. Voir en gnral, pour l'his-toire ecclsiastique de cette priode, Levaisseur , Annales , p. 761 et suiv.

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    les destines do la ville, s'est acquis quelque renom par sestravaux hagiographiques. C'est lui qui a crit ces deux vies desaint Mdard et de sainte Godeberthe qui prsentent un certainmrite littraire en mme temps qu'elles forment des sourceshistoriques d'une relle valeur. Dans le premier de ces ouvragesse trouve une gracieuse et pittoresque description de Noyon,qui fait de la rgion un tableau enchanteur et montre qu'autemps mme o la commune fut institue, la richesse du paysavait acquis dj un singulier dveloppement. C'est, ditRatbod, une contre fertile et agrable, toute couverte devignes et de jardins. La culture du bl y est particulirementflorissante. Cette rgion est fconde en guerriers et en servi-teurs de Dieu. Entoure de forets et de marais, elle se trouvemerveilleusement dispose j)^!' ^^ nature pour rsister auxincursions. La ville est elle-mme place entre deux petitsruisseaux, l'orient, la Gouelle, et l'occident, la Marguerite.Un troisime cours d'eau, la Verse, les reoit tous les deux etporte leurs eaux ainsi confondues jusque dans la granderivire d'Oise, non loin des remparts de la ville. Partouts'lvent de verdoyants pommiers; on ne voit que prairies etfrais herbages qui donnent la plaine un aspect charmant.Ce riant pays est plein d'attraits pour ceux qui l'habitent. Deplus, il est, l'orient comme l'occident, si bien fortifiparles rochers, les rivires, les collines et les valles resserresd'alentour, qu'il est on ne peut plus facile de le dfendre avecune poigne d'hommes contre une grande et nombreuse inva-sion d'ennemis.

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    CHAPITRE II.

    Origine et histoire de la Commune.

    1. La rvolution communale en Picardie. Concession de la Charte de Noyonvers l'anne 1108. L'vque Baudry, fondateur de la commune.

    ^2. La commune depuis sa fondation jusqu' la fin du xiii' sicle. Evne-ments de 1223. Dcadence de la commune. La liquidation de 1291,Suppression de la chtellenie.

    1

    C'est vers le milieu du xi^ sicle que commena se mani-fester, dans quelques cits, une srie de mouvements popu-laires qui, gagnant peu peu de proche en proche, causrentdans un certain nombre de villes de sanglantes meutes, sui-virent dans d'autres un cours pacifique et amenrent partoutde notables changements, dans la condition civile et politiquedes habitants. Ce mouvement, auquel on a donn le nom dervolution communale, a t jug trs diversement. Parmi leshistoriens, les uns, et c'est le plus grand nombre, en ont faitune rvolution considrable, une tape capitale dans l'manci-pation des classes populaires ; ils se sont pris d'un enthou-siasme excessif pour ces agitations locales dont ils exagraientet les proportions et les rsultats ; d'autres les ont considrscomme les consquences ncessaires d'institutions antrieures,tantt exclusivement romaines, tantt exclusivement germa-niques ; d'autres enfin, obissant des proccupations parti-culires, des opinions prconues, se sont attachs en fairedes mouvements d'origine ecclsiastique ou des changementspolitiques provoqus et encourags par la royaut. Ce n'estpas ici le lieu d'examiner en dtail ces thories, ni de prendreparti pour l'une d'elles. Ce que l'on sait en particulier surl'origine de la commune qui va nous occuper est trop vague ettrop incertain pour nous permettre d'apporter de nouveauxarguments en faveur de l'une ou de l'autre de ces opinions ^

    1. On en trouvera l'expos dans l'Histoire des institut