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1 « Du modèle de gouvernance pédagogique pyramidal à l’autonomisation et l’employabilité de l’apprenant » (AXE 4 : Dispositifs et pratiques de formation et d’éducation) par Abdel-Madjid DJENANE 1 , Souvent, le lecteur peu familier des réalités algériennes, s’étonne d’apprendre qu’un pays qui a engrangé durant les quinze dernières années des sommes colossales grâce à la valorisation internationale des prix du pétrole et qui a mis en place un plan de développement de près de 300 milliards de dollars pour le seul quinquennat 2010-2014, ne parvient pas encore à régler de façon durable la question de l’emploi, particulièrement des cadres nouvellement diplômés 2 . Il s’agit d’un paradoxe qui caractérise depuis les années quatre-vingt déjà plusieurs économies pétrolières, sauf que dans le cas de l’Algérie l’aisance financière dont a bénéficiée le pays n’a pas connu d’utilisation productive intense dans la sphère économique privée de l’Etat et des particuliers. Certes, des richesses considérables ont été créées dans le secteur public ou, pour être plus précis, dans le secteur des infrastructures de base et dans les secteurs sociaux tels que l’enseignement supérieur, l’éducation nationale, la santé, etc. Cependant la croyance qui a, alors, prévalu est que l’investissement public massif allait générer de façon quasi-automatique l’élargissement de la sphère productive grâce au développement de l’entreprise privée. Or, pour des raisons évidentes que nous n’évoquerons pas ici, cette stratégie n’a pas eu les effets escomptés et le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur reprend de plus belle. En effet, l’investissement public massif consenti dans le secteur de l’enseignement supérieur s’est soldé par l’accroissement considérable du nombre d’étudiants inscrits à travers l a centaine d’établissements universitaires 3 du pays. La « massification » de l’effectif des étudiants est d’autant à souligner que les entreprises publiques économiques ont été pour la plupart d’entre elles dissoutes et celles préservées de la dissolution sont soumises aux 1 Enseignant et recteur de l’Université Ferhat ABBAS, Sétif1 (Algérie), membre du réseau interuniversitaire euro-méditerranéen « Développement Durable et Lien Social » (2DLiS). 2 « Après avoir connu une baisse sensible durant la période 2010-2013, passant de 21,4% à 14,3% pour atteindre 13% en avril 2014, le taux de chômage des diplômés de l’ enseignement supérieur a connu une augmentation en septembre dernier pour atteindre 16,4% avec des disparités significatives en genre : 10,9% pour les hommes et 22,1% pour les femmes» ONS, cité dans http://forumdesdemocrates.over- blog.com/2015/01/le-taux-de-chomage-repart-deja-a-la-hausse-un-avenir-sombre-pour-l-emploi-en- algerie.html 3 L’effectif des étudiants inscrits en 2011/2012 s’élevait à 1 237 000 et 1 630 000 en 2016/2017. Le nombre moyen de diplômés est en moyenne 200 000 par année (se conférer pour l’évolution des effectifs à MESRS : L’enseignement supérieur en Algérie. Entre défis et ambitions, juin 2012, in www.auf.org /media/adminfiles/CHERIFI.pdf)

l’employailité de l’apprenant - Iddlab, le lab de l

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Page 1: l’employailité de l’apprenant - Iddlab, le lab de l

1

« Du modèle de gouvernance pédagogique pyramidal à l’autonomisation et

l’employabilité de l’apprenant »

(AXE 4 : Dispositifs et pratiques de formation et d’éducation)

par Abdel-Madjid DJENANE1,

Souvent, le lecteur peu familier des réalités algériennes, s’étonne d’apprendre qu’un pays

qui a engrangé durant les quinze dernières années des sommes colossales grâce à la

valorisation internationale des prix du pétrole et qui a mis en place un plan de

développement de près de 300 milliards de dollars pour le seul quinquennat 2010-2014, ne

parvient pas encore à régler de façon durable la question de l’emploi, particulièrement des

cadres nouvellement diplômés2. Il s’agit d’un paradoxe qui caractérise depuis les années

quatre-vingt déjà plusieurs économies pétrolières, sauf que dans le cas de l’Algérie l’aisance

financière dont a bénéficiée le pays n’a pas connu d’utilisation productive intense dans la

sphère économique privée de l’Etat et des particuliers. Certes, des richesses considérables

ont été créées dans le secteur public ou, pour être plus précis, dans le secteur des

infrastructures de base et dans les secteurs sociaux tels que l’enseignement supérieur,

l’éducation nationale, la santé, etc. Cependant la croyance qui a, alors, prévalu est que

l’investissement public massif allait générer de façon quasi-automatique l’élargissement de

la sphère productive grâce au développement de l’entreprise privée. Or, pour des raisons

évidentes que nous n’évoquerons pas ici, cette stratégie n’a pas eu les effets escomptés et le

chômage des diplômés de l’enseignement supérieur reprend de plus belle.

En effet, l’investissement public massif consenti dans le secteur de l’enseignement supérieur

s’est soldé par l’accroissement considérable du nombre d’étudiants inscrits à travers la

centaine d’établissements universitaires3 du pays. La « massification » de l’effectif des

étudiants est d’autant à souligner que les entreprises publiques économiques ont été pour la

plupart d’entre elles dissoutes et celles préservées de la dissolution sont soumises aux

1 Enseignant et recteur de l’Université Ferhat ABBAS, Sétif1 (Algérie), membre du réseau interuniversitaire

euro-méditerranéen « Développement Durable et Lien Social » (2DLiS). 2 « Après avoir connu une baisse sensible durant la période 2010-2013, passant de 21,4% à 14,3% pour

atteindre 13% en avril 2014, le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur a connu une augmentation en septembre dernier pour atteindre 16,4% avec des disparités significatives en genre : 10,9% pour les hommes et 22,1% pour les femmes» ONS, cité dans http://forumdesdemocrates.over-blog.com/2015/01/le-taux-de-chomage-repart-deja-a-la-hausse-un-avenir-sombre-pour-l-emploi-en-algerie.html 3 L’effectif des étudiants inscrits en 2011/2012 s’élevait à 1 237 000 et 1 630 000 en 2016/2017. Le nombre

moyen de diplômés est en moyenne 200 000 par année (se conférer pour l’évolution des effectifs à MESRS : L’enseignement supérieur en Algérie. Entre défis et ambitions, juin 2012, in www.auf.org /media/adminfiles/CHERIFI.pdf)

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mêmes lois de fonctionnement que celles du secteur privé ; ces dernières n’ayant pas encore

atteint, vingt ans après, les mêmes performances d’absorption de la demande d’emploi des

entreprises publiques. Cela signifie en clair que le déséquilibre entre l’offre et la demande

d’emploi qualifié ne fait que s’accentuer, d’où la reprise du taux de chômage des diplômés

en situation de stagnation du secteur public d’amont (gel des opérations d’investissement).

Le second élément explicatif du chômage des jeunes diplômés s’explique par les contenus

des formations subies durant les cursus suivis à l’université. Ces formations, académiques,

suscitent insuffisamment les offres d’emploi par les entreprises, malgré les efforts en faveur

des offres de formation professionnalisantes. En fait, il semble bien que l’on soit en présence

d’un système d’enseignement standard qui ne parvient pas encore à briser la logique de

« former pour former » et qui ne parvient pas à établir de véritables relations de partenariat

avec le monde socio-économique. Un déphasage réel existe entre l’offre et la demande

d’emploi qualifié et c’est ce qui laisse penser que le modèle pédagogique standard est en

crise.

Dès lors, la présente réflexion, inspirée par l’engagement d’une nouvelle direction depuis

une année et demie à la tête de l’l’Université Ferhat ABBAS Sétif1 (Algérie), tente de

présenter quelques éléments de dépassement de la crise du modèle de gouvernance

pédagogique pyramidal. La démarche adoptée en faveur du changement se veut

participative et comporte deux étapes simultanées, l’une éclairant et nourrissant l’autre.

Appliquer rigoureusement la réglementation universitaire en vigueur en adoptant la

démarche assurance-qualité (DAQ), le programme d’appui à la politique sectorielle de

l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (PAPS-ESRS) ainsi que la carte de

positionnement de la gouvernance universitaire (CPGU) c’est-à-dire mettre à niveau

l’université conformément aux orientations générales du ministère de tutelle représente le

premier axe dans lequel s’exprime quotidiennement l’effort collectif pour la réussite de la

réforme.

Cet axe correspond à ce que nous pensons représenter « les progrès en organisation ». Le

second axe dépasse, quant à lui, la gestion courante de l’université et s’illustre par

l’affinement des objectifs et principes qui mènent à l’émergence du « projet d’université »

que sont tenus dans la nouvelle vision de mettre en place les chefs d’établissements et nous

plaidons pour notre part pour « une université socialement responsable ». Enfin, le

processus de transformation structurelle étant lancé, il y a lieu de mesurer la fiabilité des

actions de changement mises en place. En effet, l’évaluation doit permettre aux acteurs

internes et externes d’apprécier les effets de l’effort de mise à niveau des structures et de

les rendre comparables au système d’enseignement universel, le système LMD.

La rédaction du présent texte se soumet au cadre logique énoncé ci-dessus.

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3

1- Les préalables à l’émergence d’une université socialement responsable

Pour dépasser la crise pédagogique et sociale engendrée par le modèle d’enseignement

standard ou le modèle de gouvernance pédagogique pyramidal, bien des innovations,

celles-là même qui permettent l’émergence de relations dynamiques et vivantes entre les

différents éléments du système d’enseignement, doivent être imaginées et mises en œuvre.

Comment allier le principe de démocratisation de l’enseignement supérieur et celui de la

qualité de l’enseignement (devant se solder par l’autonomisation de l’apprenant en mesure

de transformer les connaissances graduellement acquises en processus de création de

richesse sociale), est l’une des questions posées aujourd’hui par les centres de décision du

ministère de tutelle. Pour arriver à cet objectif, la nécessité de lancer des réformes tant au

niveau du secteur pris dans sa globalité qu’au niveau des universités est une entreprise

d’innovation vieille d’une dizaine d’années déjà. Les efforts faits dans ce sens durant un plus

d’une année au niveau de l’Université Ferhat Abbas Sétif1 répondent aux orientations de la

tutelle et à l’exigence d’asseoir le modèle d’une université socialement responsable.

1.1 Adoption des réformes introduites par la tutelle

La normalisation des cursus de formation : l’esprit libéral qui a prévalu dans

l’économie algérienne dès le début des années quatre-vingt-dix n’a pas laissé à la marge les

offres de formation adoptées dans le cadre du LMD. Une inflation des offres de formation a

caractérisé le LMD algérien, ce qui s’est traduit dans les faits par une prolifération de

diplômes et de diplômés qui ne parvenaient plus à trouver les débouchés. La Fonction

Publique, le plus grand employeur du pays, éprouvait même des difficultés à classer les

« nouveaux diplômes » sans remise en cause de sa nomenclature. Cependant pour mettre

fin à cette situation qui aurait pu être fatale à toute la société, les autorités ministérielles ont

lancé avec perspicacité une entreprise gigantesque d’uniformisation des offres de formation

au niveau des trois paliers du système LMD. Grâce à cette réforme, l’université de Sétif

abrite aujourd’hui à travers ses sept domaines scientifiques de formation pédagogique

quelque cent trente formations entièrement normalisées.

La normalisation des structures de recherche et l’émergence des conditions

favorables à l’innovation et à la création : dans la course effrénée de mise en place des

structures de recherche, toutes les universités du pays, à l’instar de celle de Sétif, avaient

bénéficié presque sans limite de moyens matériels et financiers pour créer leurs propres

laboratoires de recherche. Toutes les demandes de création de nouveaux laboratoires de

recherche depuis le début des années 2000 ont été avalisées, même si un grand nombre

d’entre eux ne réunissaient pas les conditions requises. C’est ce qui a fait que l’opération

« normalisation des structures de recherche » a été lancée durant l’année 2015 : 16

laboratoires sur les 40 créés à l’université de Sétif ont été soumis à cette opération.

Aussi pour donner de la cohérence à cet effort national, avait-il été nécessaire d’envisager

depuis au moins une année leur mise en conformité de telle sorte à faire émerger ou à

consolider les spécialisations en tenant compte des activités économiques locales. Cette

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4

opération a permis de faire prendre conscience à l’université de Sétif des opportunités de

développement qui s’offrent à elle en s’insérant dans le tissu économique local se

structurant autour de plusieurs activités à l’instar de la plasturgie, des matériaux de

construction, de l’agroalimentaire, de l’électronique et de la mécanique. Ainsi, s’ouvre le

chapitre d’ancrage et d’amarrage des laboratoires de recherche à leur environnement

socioéconomique4. Il s’agit sans doute de l’une des réformes les plus difficiles à mettre en

place à cause de l’esprit de fermeture des laboratoires et des entreprises sur eux-mêmes.

Pour lutter contre l’enclavement structurel, des efforts soutenus sont déployés tant en

direction des entreprises, institutions et administrations locales, laboratoires de recherche,

et universités voisines et lointaines, nationales et étrangères5. Mais l’effort ne doit-il pas

être soutenu et poursuivi dans le temps ?

1.2 Les réformes induites localement

La gestion décentralisée et la responsabilisation des structures pédagogiques : avec

un effectif avoisinant les 35 000 étudiants, 1700 enseignants et 1200 travailleurs techniques

et administratifs, répartis sur quatre campus couvrant ensemble une superficie supérieure à

200 ha, l’université de Sétif figure parmi les plus grandes universités du pays et est donc

assez difficile à gérer dans une phase se caractérisant par l’absence de l’informatisation de la

gestion. Aussi pour atténuer la lourdeur du système de gestion, l’entreprise de

décentralisation de la gestion financière au profit des facultés et instituts a été lancée au

début des années 2000 à travers tout le pays. L’université de Sétif avait alors bénéficié de

cette restructuration qui avait sensiblement allégé la structure centrale en lui confiant la

gestion les charges communes et le personnel de l’université. Les choses étant restées à ce

même niveau durant une bonne douzaine d’années, c’est au début de l’année 2015 que l’on

se lança dans la décentralisation du plan de gestion des ressources humaines. Désormais,

toutes les structures de l’université développent les mêmes compétences en matière de

gestion des ressources matérielles, financières et humaines qui leurs sont allouées et

accèdent ainsi au statut de centre réel de décision déconcentré. La finalité de cette

4 La démarche de classement des systèmes de production locaux fait référence aux outils de l’aménagement du

territoire adoptés tant au niveau national à l’instar du Schéma National de l’Aménagement du Territoire (SNAT, H2030) qu’au niveau régional comme c’est le cas du Schéma d’Expansion et de Programmation Territorial (SEPT, et leur nombre doit s’élever à neuf) et enfin au niveau local par la mise en place obligatoire depuis 2005 du Plan d’Aménagement du Territoire de la Wilaya (PATW). 5 Pour s’ancrer dans son territoire, l’UFAS1 a mis en place durant l’année 2015 et en ce début de l’année 2016,

une cinquantaine de conventions de coopération avec premièrement la chambre de commerce et d’industrie locale (une centaine d’entreprises adhérentes), plusieurs directions de wilaya, notamment celles ayant fonction de promotion et de développement de « l’économie verte », les entreprises d’envergure nationale, les universités nationales et étrangères. Aussi pour dynamiser ces relations a-t-il été mis en place durant cette phase et en copiant l’expérience des universités nationales les plus avancées dans ce domaine, un bureau de liaison Université-Entreprise (BLEU), une Maison de l’Entreprenariat, un bureau d l’Institut National de la Propriété Industrielle (INAPI), un CATI (Centre d’Appui à la Technologie et à l’Innovation) en plus de la mise en place d’un cadre favorable à l’adoption de la démarche de l’Agence Nationale de Valorisation de la Recherche et du Développement Technologique (ANVREDET).

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démarche est de permettre d’une part la gestion de proximité et d’inciter la gestion

responsable, d’autre part.

La résolution des conflits de travail et la stabilisation des relations avec les

partenaires sociaux : le rêve de tout responsable universitaire est naturellement de régner

sur une structure stable dans laquelle les conflits de travail sont minimes, voire absents. Un

tel état de symbiose est possible à la condition d’être en permanence à l’écoute de toutes

les parties, notamment les partenaires sociaux c’est à-dire les syndicats des étudiants,

enseignants et des travailleurs mais aussi les associations et clubs scientifiques, culturels et

sportifs. Il n’y a pas de magie à obtenir la paix recherchée lorsqu’on adopte la démarche

basée sur le dialogue et la concertation, l’application rigoureuse de la réglementation, le

traitement équitable et humain de chacun des partenaires et que l’on s’interdit de faire des

promesses oisives, en tous les cas contrariées par le temps. En sus, s’empêcher de recourir

abusivement à la sanction négative, se dissoudre dans la masse en relativisant son rôle de

dirigeant, considérer la personne humaine avant celle de l’employé ou de l’apprenant

figurent parmi les valeurs qui contribuent à la stabilité de toute communauté humaine et par

surcroît la communauté universitaire qui représente, on l’oublie parfois, l’élite de tout pays.

La valorisation et la visibilité de l’effort collectif : l’université, plus que le palier

ultime du système éducatif, est un lieu de rencontre et de compétition de courants de

pensées, tout d’abord scientifiques et culturels, ensuite sociopolitiques et religieux. Aussi

faut-il être constamment éveillé à ces courants, parfois contradictoires, voire antagoniques,

en les rapprochant toujours des deux principales missions fixées à l’institution universitaire.

Privilégier les activités et manifestations qui valorisent l’institution en améliorant sa visibilité

à l’extérieur est un résultat qui ne peut être obtenu sans l’ouverture vers les acteurs de la

société (institutions publiques, entreprises, chercheurs et professions libérales) et la

mobilisation de moyens adéquats (rencontres, publications, internet) pour la diffusion du

savoir-faire universitaire en matière d’organisation et de valorisation de l’effort déployé par

sa communauté et par la société toute entière. Universelle, l’université est le miroir de toute

la société. Tout le monde y a ou doit y avoir sa place, à la condition de se conformer et de

respecter les missions qui lui sont fixées dans l’organisation sociale. C’est dans cet esprit

donc que des dizaines de rencontres et de manifestations scientifiques sont abritées et

organisées par l’université de Sétif en associant à chaque fois que cela relève du domaine

public les opérateurs externes, publics et privés. Cette démarche a pu stimuler l’esprit de

compétition intra universitaire ainsi que l’intérêt légitime que doit avoir toute communauté

ou société pour son université. C’est ce qui lui a permis aussi de se repositionner

positivement sur l’échelle de l’ascension sociale.

Ces premières mesures de remise en cause induites du modèle de gouvernance

hiérarchique, fondé sur la relation pédagogique verticale entre l’enseignant et l’apprenant et

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entre l’administrateur et l’administré, sont inspirées de la stratégie collective de mise en

cohérence des éléments et acteurs de l’université entre eux et ensuite entre ces derniers et

ses partenaires extérieurs. En fait, l’objectif recherché est celui de rendre utile l’université

dans son environnement socio-économique en l’engageant sur le chemin de la créativité et

de l’innovation en matière de recherche et de formation.

2- Eléments d’orientation pour un développement durable de l’UFAS1, une université

socialement responsable

Dans sa quête de rupture avec le système d’enseignement pyramidal passif, orienté

exclusivement vers la formation, le ministère de tutelle a établi plusieurs conventions de

coopération intersectorielle ; les universités étant invitées chacune à mettre en place son

propre projet. C’est en réponse à cette démarche stratégique que l’UFAS1 tente de réunir

depuis une année quelques éléments d’orientation pour son développement durable et

acquérir ainsi le label d’une université socialement responsable.

Bénéficier du label d’université socialement responsable, signifie clairement pour nous que

la démarche de développement durable adoptée repose sur des principes qui allient à la fois

la formation de qualité et l’ancrage de l’université par la recherche dans son environnement

socioéconomique. D’autre part, cela signifie que les moyens matériels, humains et

organisationnels mis en œuvre concourent vers la réalisation des deux objectifs

précédemment énoncés.

2.1 Les principes de développement durable

Ils sont au nombre de cinq.

L’adéquation formation-développement : le premier souci est celui d’assurer la

cohérence entre l’activité d’enseignement et de recherche universitaire et les

activités économiques dominantes dans la région qui abrite cette université

technologique. Une université ou institution d’enseignement ne peut avoir d’emprise

sur son environnement que si elle y parvient d’une part à prendre en charge en

totalité ou en partie ses besoins de développement et d’autre part à y écouler son

propre produit. Ainsi, le premier principe est celui de l’adéquation formation-

développement économique et social. En effet, on ne doit pas former pour former

mais pour améliorer le niveau de vie général de la population, d’où la mise en place

de la stratégie d’offres de formation accompagnant les acteurs économiques, sociaux

et institutionnels locaux.

L’interdisciplinarité des sciences : le deuxième souci est celui d’assurer la circulation

et la consolidation de l’information scientifique au sein de l’institution

d’enseignement elle-même. En effet, souvent une, deux, voire quelques disciplines

scientifiques excellent, luisent dans un environnement « scientifique » sombre, voire

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7

lugubre. Ce sont donc des spécialités ou filières d’enseignement « excellentes » en

soi, mais n’ayant aucun impact sur la grande masse des autres filières

d’enseignement que l’on pourrait qualifier de « filières d’enseignement refuge »,

coûteuses économiquement, socialement et politiquement en ce sens qu’elles

favorisent l’exclusion. Pour contrer l’échec, l’interdisciplinarité des sciences, bien que

figurant parmi les méthodes d’enseignement les plus complexes, est paradoxalement

envisagée comme la solution idoine6 à la redynamisation de l’activité pédagogique et

de recherche à l’université. Offrir des formations pédagogiques communes à deux

disciplines au moins permet non seulement d’élargir le champ cognitif par

l’obtention de « produits hybrides » (par exemple, deux spécialités en une) mais aussi

de créer dans le champ du développement économique de nouvelles activités, de

nouveaux emplois qui donnent ses identité et légitimité à la structure

d’enseignement et de formation.

La participation des enseignants et apprenants au développement de l’université.

Dans le modèle de gouvernance pyramidal, l’étudiant est placé à la base du système ;

il subit les décisions prises aux échelons supérieurs alors qu’il s’agit du « produit » à

élaborer et auquel il y a lieu d’incorporer de la valeur ajoutée, c’est-à-dire de

développer en lui l’esprit de responsabilité et de créativité en le dotant des

qualifications et compétences nécessaires pour s’épanouir sur le plan individuel et

s’autonomiser au plan social, notamment dans le milieu professionnel qui

l’accueillera. Dans ce sens, la démarche pédagogique mise en place consiste à faire

profiter les apprenants et leurs enseignants du savoir-faire des opérateurs

économiques engagés dans la réalisation des opérations d’investissement et de

développement de l’université. Associés à l’œuvre de développement, l’apprenant et

son enseignant, valorisés, sont à même d’imaginer et de réaliser des œuvres

singulières, ce qui stimule au final l’esprit de création, d’innovation et de compétition

collectif. La participation des principaux acteurs universitaires à l’œuvre de

développement de leur université permet également de stimuler l’esprit de

responsabilité de chacun d’entre eux et de parvenir au final à plus de stabilité sur le

plan social. En effet, c’est en offrant des cadres d’échanges, les deux principales

6 L’adoption de la démarche interdisciplinaire comme moyen de lutte contre l’enclavement inter et intra

universitaire remonte pour moi à une dizaine d’années lorsque j’avais à l’occasion d’une rencontre scientifique internationale consenti à travailler dans un cercle d’enseignants et chercheurs issus de plusieurs disciplines (sociologie, économie, géographie, histoire, arts) et de plusieurs universités nationales et étrangères. Cela a abouti à la création d’un réseau interuniversitaire d’enseignants-chercheurs européens et maghrébins se préoccupant avant tout des questions de Développement Durable et Lien Social (2DLiS) : sept thématiques ont été depuis traitées par ce réseau interdisciplinaire qui a déjà publié quatre livres collectifs. Démarré à Bejaia en 2007 à l’initiative d’un groupe d’enseignants universitaires français (Mulhouse et Strasbourg) et algériens (Bejaia, Sétif, Tizi-Ouzou et Constantine), ce réseau dont la coordinatrice est Prof. Stoessel-Ritz Josiane (Université de Mulhouse), intègre aujourd’hui plusieurs universités d’Afrique du Nord (Sétif, Tizi-Ouzou, Tunis, Marrakech), d’Afrique de l’ouest (Saint Louis, Dakar) et de l’Union européenne, (Mulhouse, Strasbourg, Versailles, Charleroi, Bologne et Irlande).

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missions de l’université étant clairement définies à savoir dispenser un enseignement

de qualité pour tous et faire de la recherche utile pour l’économie et la société, que

l’on parvient à faire émerger de nouvelles idées et à définir clairement les objectifs

intermédiaires et les moyens nécessaires à la réalisation au moindre coût des deux

missions évoquées.

Le développement durable : le quatrième principe est celui du développement

durable entendu comme le chemin qui mène rapidement l’université, service public,

à son insertion dans l’environnement socio-économique et à la création de nouvelles

richesses au moyen de la valorisation des ressources locales. Plusieurs actions de

développement durable (énergies nouvelles, épuration des eaux usées, conservation

des espèces, récupération et recyclage des matériaux, valorisation des ressources

naturelles locales, etc.) sont alors ouvertes à la formation et à la recherche en tenant

compte des acquisitions faites dans ce domaine. Il s’agit d’un axe primordial de

créativité et de développement de l’université de Sétif qui lui permet d’une part

d’exploiter utilement à des fins de formation et de recherche ses propres ressources

naturelles et de venir ainsi en appui aux opérateurs locaux agissant dans les mêmes

domaines et d’autre part d’adopter la démarche de développement durable

appropriée depuis longtemps par plusieurs milliers d’universités à travers le monde.

C’est ce qui a incité à Sétif la réactivation d’un ancien projet de création d’une ferme

expérimentale au sein des campus dédiée entièrement au développement durable

qui associe quasiment toutes les disciplines scientifiques abritées par cette

université. « Jardin d’étudiants » comme certains l’appellent affectivement, c’est en

réalité un atelier d’apprentissage grandeur nature qui se met en place dans cette

université.

L’employabilité des diplômés : le cinquième et dernier principe est celui de

l’employabilité des nouveaux diplômés. Dans le système pyramidal, l’objectif

recherché est celui de dispenser le maximum de connaissances théoriques à

l’apprenant, laissant le côté pratique se forger dans le milieu professionnel. Or cela

fait l’objet d’un dilemme avec l’entreprise qui se plaint de supporter un coût

supplémentaire lié à l’adaptation et à l’émergence de la qualification souhaitée. Deux

solutions sont alors mises en place par l’université. La première consiste à

développer le stage en entreprise7 alors que la seconde consiste à créer sur les lieux

pédagogiques même un immense atelier d’expérimentation piloté par un comité

7 Devenue membre du réseau SEMSEM (Services pour l’Employabilité et la Mobilité sous forme de Stages en

Entreprises pour les étudiants du Maghreb et du Machrek) qui dure de décembre 2013 à décembre 2016 à la faveur d’un Projet Tempus mis en place par plusieurs universités des rives nord et sud de la Méditerranée, l’université de Sétif s’inspire largement de cette expérience pour s’ouvrir tout d’abord sur le monde économique local et promouvoir ensuite des expériences de partenariat avec les universités et entreprises étrangères. Pour plus d’information sur cette expérience de coopération voir : www.univ-setif.dz/externe/SEMSEM.pdf

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interdisciplinaire dans lequel siègeront les chercheurs, les pédagogues mais aussi les

principaux partenaires extérieurs. Trois objectifs sont poursuivis par ce comité

interdisciplinaire : mettre en œuvre l’atelier d’expérimentation en tenant compte des

activités économiques locales réelles à même de desserrer la contrainte liée au

chômage des cadres, promouvoir de nouvelles activités en exploitant les ressources

locales et enfin aider l’apprenant à transformer son projet de recherche de fin

d’étude en projet d’entreprise. Trouver des solutions à l’employabilité des nouveaux

diplômés auxquels des compétences collectives et individuelles certaines leur ont été

transmises durant le cursus de formation, valoriser ces compétences est ce qui nous

a permis d’une part de modifier les méthodes de travail en vigueur en leur

substituant le travail en groupe en y engageant les responsables du rectorat et en

créant à l’université des espaces réservés aux institutions de valorisation de la

recherche (maison de l’entreprenariat, INAPI, Anvredet).

C’est ce qui nous amène à évoquer la mise en œuvre du projet de l’UFAS1

2.2 Le Projet d’Université : opportunités et contraintes

L’élaboration de la stratégie a naturellement débuté par l’analyse diagnostic des volets formation et

recherche. Ce diagnostic montre une forte introversion de l’université sur elle-même malgré

l’existence d’importantes ressources matérielles et humaines et malgré un tissu économique riche

s’apprêtant à un développement accéléré de la relation université-entreprise.

S’agissant du diagnostic établi, il fait ressortir la préférence remarquée pour l’académisme que ce

soit dans le domaine de la formation que dans celui de la recherche. En effet, sur treize dizaines

d’offres de formation dispensées dans le cadre du système LMD, une offre de formation seulement

sur neuf environ est à profil professionnel. Cela contribue en quelque sorte à expliquer la faible

employabilité des nouveaux diplômés. Le même constat d’orientation de l’activité de recherche vers

la recherche fondamentale caractérise les laboratoires de cette université technologique agissant

pourtant dans sept domaines scientifiques différents. Bien que les laboratoires de recherche, acquis

dans le cadre de l’effort national consenti au profit du développement prioritaire du secteur de

l’enseignement supérieur, aient appréciablement contribué à lutter contre le sous-encadrement qui

avait caractérisé ce secteur à la fin des années quatre-vingt-dix, ils se caractérisent pour la grande

majorité d’entre eux par leur faible implication dans le développement socio-économique. Peu

d’entre eux sont liés aux entreprises par des conventions de coopération et de mutualisation des

moyens !

Pour dépasser cette situation d’enfermement de l’université sur elle-même ou de situation

d’université utile pour elle-même, deux grandes pistes sont continuellement explorées.

La première est celle de l’ouverture de l’université sur son environnement socio-économique. Les

résultats des recherches effectuées dans ce sens montrent l’existence d’innombrables opportunités

de jumeler chaque offre de formation, chaque activité de recherche à un domaine d’activité

économique, agricole ou industriel ou même de services, spatialement proche ou éloigné. Dans leur

effort de soutien à l’activité économique du pays, les pouvoirs publics ont organisé celle-ci dans le

cadre du schéma national d’aménagement du territoire par site et par type. Ainsi on peut identifier

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dans la région de Sétif et ses environs immédiats plusieurs zones d’activités hissées, grâce à la

présence d’universités, au rang de pôle d’excellence de mécanique, plasturgie, électronique,

agroalimentaire ou encore des matériaux de construction. Désormais un effort soutenu est déployé

par notre université pour son amarrage à cet environnement socio-économique tant dans le domaine

des offres de formations professionnalisantes que dans celui de la recherche par l’innovation au

profit des opérateurs économiques. Etre liée aux opérateurs économiques et institutionnels par des

conventions de coopération est certes un grand pas en avant en matière de pérennisation des

relations professionnelles de l’université algérienne mais insuffisant pour endiguer l’enclavement

structurel dans lequel se sont spatialement et temporellement enfermés ces deux mondes que tout

voue pourtant à l’ouverture et à l’entraide. Dans cette optique et en s’inspirant des expériences

réalisées tant par quelques universités nationales que par des universités étrangères organisées en

réseaux, l’université de Sétif tente tant bien que mal de se mettre à niveau en établissant des

relations formelles avec les universités, entreprises et administrations et en dupliquant des

structures à même d’aider à soutenir l’effort d’ouverture sur le monde extérieur.

La seconde piste explorée, incitée simultanément par plusieurs principes de gouvernance dont ceux

de l’indépendance et de la souveraineté du service public qu’est l’université, de l’adoption du

principe d’équité vis-à-vis des apprenants, de l’exploitation rationnelle des ressources allouées aux

institutions publiques, est celle de compter sur ses propres forces pour faire face à la contrainte de

la massification des effectifs des étudiants. En effet, les entreprises, quelles soient privées ou

publiques, ne sont pas toujours favorables aux discours volontaristes qui animent les décideurs

publics. Elles ont un seul objectif et c’est celui de prospérer en affaires, un objectif qui ne cadre pas

toujours avec celui des pouvoirs publics qui, eux sont tenus, d’assurer une formation de qualité au

plus grand nombre possible de citoyens8.

Cette seconde piste tient également compte des ressources matérielles, acquises ou naturelles, ainsi

que des ressources humaines et cognitives propres à l’université de Sétif qui adopte désormais une

démarche de développement durable. Elle tient enfin compte de l’action publique en matière

d’aménagement du territoire et d’élévation du niveau de vie des populations.

Créée il y a bientôt une quarantaine d’années, l’université de Sétif a rempli au sein du secteur de

l’enseignement supérieur le rôle d’université incubatrice. Durant cette longue période, elle a en

effet contribué à créer ou à accompagner cinq universités et une école nationale supérieure, autour

desquelles sont venues s’installer et se développer des zones d’activités industrielles. Cette

8 Il s’agit ici de l’un des Objectifs du Millénaire affiché par l’ONU en 2000 et intégré dans leurs politiques de

développement par plusieurs institutions internationales dont la Banque Mondiale. Consciente de la difficulté à

laquelle font face les universités publiques de la région MENA, notamment en ce qui concerne la massification

des étudiants, la Conférence régionale de la Banque mondiale et du Centre pour l'Intégration en Méditerranée sur

l'enseignement supérieur dans la région MENA, 2015 s’intéresse de plus en plus à la question de savoir du

comment concilier massification des étudiants inscrits dans les universités publiques et efficacité de ces mêmes

universités en termes de gouvernance et d’employabilité de leurs diplômés (notre université a émis le vœu de

création au sein de la Conférence de la Banque Mondiale sur l’Enseignement Supérieur d’un groupe de réflexion

sur la gestion des universités publiques qui sont les seules à assurer, conformément aux principes de l’Unesco,

l’accès au plus grand nombre de citoyens à l’enseignement supérieur et qui souhaitent être aussi efficientes sur le

plan des résultats que les universités privées : voir notre rapport de mission et notre communication : A-M

Djenane : « Participation à la gouvernance d’un établissement public d’enseignement supérieur : quelques

éléments de réflexion », Beyrouth, 12-15 mai 2015, 11 pages)..

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université peut légitimement aspirer aujourd’hui à tirer profit de son statut d’ancienne université-

mère notamment dans le domaine de la mutualisation des moyens de recherche et des formations

académiques. C’est ainsi qu’après avoir aidé à créer et à mettre en place plusieurs universités, elle

aspire aujourd’hui en s’appuyant sur sa propre expérience à créer en son sein son propre incubateur

d’entreprises.

Dans le même esprit de valorisation des atouts dont elle dispose, on n’omettra pas de souligner que

l’université de Sétif est implantée dans une région économique dynamique qui impulse de fait

l’investissement public, notamment dans les domaines des grands transferts hydrauliques,

d’aménagement des périmètres agricoles irrigués et d’organisation des filières de production

agroalimentaire, d’aménagement des zones industrielles et d’activité. Or, il est du rôle de l’université

en tant que service public de s’insérer et de s’approprier cette stratégie de développement, voire

d’en être un des principaux coordonateurs. Cela est d’autant possible que l’Université de Sétif se

déploie sur quatre campus se situant tous à la lisière ouest de la ville et s’étendant ensemble sur une

superficie de plus de 200 ha dont une quarantaine pouvant servir aux expérimentations de

développement agricole.

C’est en tenant donc de ces atouts et opportunités de développement que l’idée de création d’une

ferme d’expérimentation agricole et d’élevage avait déjà émergé au début des années deux mille. Ce

projet, grâce auquel une superficie conséquente a été attribuée à l’implantation de l’université Sétif1

sur le plateau d’El Bez, prévoit la création d’un jardin de conservation des plants, d’une ferme

expérimentale d’amélioration de la production végétale, plein champ et sous serres, d’une ferme

expérimentale d’amélioration de la production animale, d’une station expérimentale d’épuration des

eaux usées et d’un institut d’agronomie. Recourant aux nouvelles techniques d’irrigation assistées

par ordinateur, aux techniques de chauffage des serres avec l’énergie solaire, aux techniques

d’épuration des eaux usées grâce à l’apport de la biologie, de la chimie, de l’électronique et de la

mécanique, pour nous limiter à ces disciplines, on voit bien que cette ferme agricole expérimentale a

aussi le statut d’un atelier grandeur nature dans lequel toutes les disciplines scientifiques enseignées

seront sollicitées. Elle n’aura pas pour unique mission de rapprocher les disciplines scientifiques les

unes des autres, de promouvoir au sein des campus le développement durable ainsi que la

participation des apprenants et de leurs enseignants au développement de leur université et de les

doter des compétences recherchées. Elle a aussi pour mission de mettre l’université au service du

développement local durable en apportant ses connaissances et savoirs faire dans les domaines

techniques de l’hydraulique, de l’aménagement du territoire et du paysagisme, de l’irrigation, de

l’énergie solaire et éolienne, de l’agroalimentaire, etc. En fait, la ferme grandeur nature est le projet

qui permettra de réaliser l’ensemble des principes qui fondent la nouvelle stratégie dont celui de

lutter contre l’enfermement de l’université sur elle-même. C’est parce qu’elle poursuit l’idéal de

concrétiser les objectifs de développement durable en assurant l’exploitation rationnelle des

ressources, en promouvant l’échange interdisciplinaire, en améliorant les compétences des

apprenants et jeunes chercheurs ce qui facilitera leur employabilité qu’elle peut revêtir rapidement

le statut d’université socialement responsable. Cet objectif est d’autant réalisable que la démarche

partagée par plusieurs acteurs fait appel à la participation de toutes les compétences qu’elle

souhaite fédérer.

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2.3 L’évaluation

L’évaluation, autrefois globale et peu punitive, devient de notre temps régulière, détaillée et

rigoureuse. Le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a effectivement

pris de l’ampleur en termes d’effectifs, d’infrastructures mais aussi en termes d’attentes. Il est

attendu de ce secteur de participer activement et directement à l’accumulation des richesses, voire

même à transformer la nature du modèle d’accumulation du capital en remplaçant progressivement

la richesse mercantile par la richesse productive. C’est pourquoi les mécanismes mis en place

rendent possibles l’application deux types d’évaluation.

La première, permanente, s’attache à l’observation, l’enregistrement et la résolution quotidienne

des anachronismes induits soit par l’excessive centralisation soit par la forte décentralisation du

système de gestion laissant ainsi émerger des espaces libres, incontrôlés par le système formel à ses

deux niveaux. Les anachronismes s’expriment alors par le recours des parties lésées, qu’elles soient

organisées ou individuelles, à des mouvements de contestation, voire des arrêts de travail,

l’absentéisme répété ou même des grèves momentanées ou durables, visibles tant de l’intérieur que

de l’extérieur de l’institution universitaire. La coordination, l’écoute, le dialogue, la vigilance et la

présence sont les remèdes préventifs qui empêchent l’émergence de tels anachronismes, ce qui

témoigne du bon fonctionnement des structures et du système. En effet, des actions de régulation et

de normalisation des activités de la vie universitaire doivent guider le système de gestion global à

plus d’efficacité et à la stabilité nécessaire pour l’émergence d’un cadre de travail favorable à la

créativité et à l’innovation qui doivent être les premiers critères d’évaluation de l’activité

universitaire prise dans sa globalité.

Cette méthode, non écrite, non formalisée, évalue cependant la capacité des équipes dirigeantes à

gérer et à assurer la stabilité du système universitaire global et son insertion dans le système social.

C’est une fonction de régulation qui s’impose d’elle-même à tout manager, une fonction qu’il ne faut

jamais négliger. De plus en plus donc, les évaluateurs ont des préférences plutôt pour le profil de

managers. En effet, les managers anticipent et tiennent compte de tous les éléments, du moins des

principaux éléments du système à la fois. C’est parce qu’ils sont porteurs de projets qu’ils sont aussi

meneurs d’hommes que « le paradoxe est qu’un bon dirigeant doit savoir également se plier à la

règle collective, changer les normes et accepter les contradictions9 »

Cependant, ce type d’évaluation ne rend pas toujours compte de toute l’efficacité des changements

opérés. D’où la mise en place de méthodes d’évaluation multi variée, multicritère.

La méthode d’évaluation multicritère, en même temps qu’elle consiste en l’accompagnement des

universités dans la mise en place de la stratégie globale du secteur de l’enseignement supérieur,

s’attache à l’appréciation pointue de toutes les parties du système d’enseignement, à l’instar des

offres de formation et du système d’enseignement, de la recherche, de la qualité des infrastructures,

du système de gestion, de la qualité de vie universitaire, etc. L’objectif recherché est alors celui de

savoir si le mode de gestion adopté et les changements opérés satisfont aux cahiers des charges

9 Réflexion empruntée à Sylvie Dallet, philosophe, artiste et universitaire française. Intellectuelle atypique,

cette autre réflexion la caractérise mieux : « La quête de vérité du chercheur n’est pas une démarche linéaire, dont la fonction se définirait sur le modèle des objets que nous fabriquons industriellement pour un seul usage. L’itinérance de recherche se construit paradoxalement sur une errance guidée par des rencontres fécondes, haltes nécessaires auprès de personnes-échanges, d’objets-mystères et de lieux-ressources » in Enigmatiques cailloux du petit Poucet : les objets au cœur de la pensée inuit », juillet 2015

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établis pour chaque aspect de la vie universitaire, des cahiers des charges ayant pour souci

l’émergence des compétences au niveau des établissements universitaires et par suite l’amélioration

continue des performances de ces mêmes universités.

Dans ce sens, plusieurs instruments d’évaluation, interne et externe, sont mis en place par le

ministère de tutelle et ceci en tenant compte des axes stratégiques de développement fixés au

secteur de l’enseignement supérieur.

Parmi ces instruments, l’université de Sétif a adopté depuis peu la démarche Assurance Qualité, une

méthode d’évaluation interne basée sur l’analyse en termes de contraintes-opportunités, forces et

faiblesses. Son objectif est l’amélioration continue des axes suivants : la formation, la recherche, la

gouvernance, la vie à l’université, les relations avec l’entreprise, les infrastructures, et la coopération

internationale. Adhérents volontaires, les membres de la Cellule Assurance-Qualité, se réunissent

régulièrement et appréhendent objectivement chacun des domaines énoncés plus haut. L’analyse

étant prometteuse, c’est ce qui a motivé la demande d’adhésion de l’université de Sétif au

programme d’appui à la politique sectorielle de l’enseignement supérieur et de la recherche

scientifique.

Parmi les instruments d’évaluation externe, il y a celui mis en place par la Banque Mondiale pour la

région Moyen Orient et Afrique du Nord et adopté par l’Université de Sétif. La Carte de

Positionnement de la Gouvernance Universitaire est une méthode comparative qui s’appuie sur un

panel de plus de cent universités. Elle permet à ces dernières de se positionner par rapport à

l’échantillon représentatif des universités publiques et privées, grandes et petites du point de vue

effectif, mono ou plurilingues, etc. de la rive sud de la méditerranée. L’évaluation est faite en tenant

compte d’une quarantaine de critères.

En conclusion, nous retiendrons qu’en dépit des difficultés rencontrées sur terrain et des retards

enregistrés dans le temps, l’émergence de solutions en faveur d’un projet d’université qui concilie

entre la contrainte dite de la massification des étudiants et la performance en matière des

formations de qualité, de recherche utile pour le secteur socioéconomique et par suite de résolution

de la question de l’employabilité des nouveaux diplômés, se soumet à la capacité de mobiliser le

plus grand nombre possible d’acteurs autour de l’innovation et de ce projet d’université.

La démarche s’inspirant de l’économie réelle locale se donne deux objectifs. Le premier est

d’accompagner les opérateurs économiques et institutionnels dans leur effort d’investissement en

leur prodiguant l’expertise et le savoir faire nécessaires à la réussite des projets de développement :

faire de la recherche au profit des entreprises, former des cadres pour la mise en œuvre des projets

répond au souci d’établissement des relations entre l’entreprise et le secteur socioéconomique. Le

second objectif est celui de la formation à l’interdisciplinarité, par suite à l’intersectorialité. En effet,

parmi les difficultés qui bloquent le développement économique et social et par suite réduisent les

possibilités de l’emploi dont celui des jeunes diplômés, l’absence d’intersectorialité empêche

l’émergence des économies d’échelle. Or c’est l’interdisciplinarité qui permet le dialogue fructueux

entre les sciences donc l’apparition de nouvelles idées, de l’innovation qui sont à l’origine de la

création et de l’apparition de nouvelles compétences conduisant à leur tour à l’élargissement du

domaine scientifique.

En partant des conditions réelles qui caractérisent aujourd’hui les efforts isolés déployés par les

différents acteurs à l’intérieur de l’université et les opérateurs au sein des secteurs économiques et

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sociaux, c’est le pari de lutter contre l’enclavement structurel et de participer activement à

l’employabilité des nouveaux diplômés que l’université de Sétif se fixe comme objectifs à atteindre.

Pour cela, elle s’est lancée dans une série de réformes internes en application des orientations du

ministère de tutelle et de sa vision stratégique.

Références bibliographiques

1- A-M Djenane : « Participation à la gouvernance d’un établissement public d’enseignement supérieur : quelques éléments de réflexion », Beyrouth, 12-15 mai 2015, 11 pages)..

2- Sylvie Dallet : Enigmatiques cailloux du petit Poucet : les objets au cœur de la pensée inuit », juillet 2015

3- André Jaunay : Créativité et développement économique : rôle du contexte et propositions pour une animation adaptée, Août 2014

4- Ministère de la Planification et de l’Aménagement du Territoire : Schéma National de l’Aménagement du Territoire (SNAT, H2030), 2004

5- Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire : Schéma d’Expansion et de Programmation Territoriale des Hauts Plateaux-Est, 2012,

6- MESRS : L’enseignement supérieur en Algérie. Entre défis et ambitions, juin 2012, in www.auf.org /media/adminfiles/CHERIFI.pdf)