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L'endoscopie de I'intestin gr61e : un nouveau challenge G. GAY, Verdun, J.S. DELMOTTE, Lille I - INTRODUCTION L'intestin gr61e, jusqu'/t l'av6nement des endoscopes souples 6tait explor6 par l'opacification baryt6e, l'analyse histologique de la muqueuse gr61e, assur6e par les biopsies r6alis6es h la sonde de Crosby. Les limites des biopsies r6a!is6es h l'aveugle devant un tableau de malabsorption, les probl6mes soulev6s par les h6morragies digestives inexpliqu6es apr6s oesogastroduod6noscopie (OGD) et coloscopie ont conduit les endoscopistes /~ essayer d'atteindre "cette nouveUe fronti6re" pour reprendre l'expression de B.S. LEWIS. L'enthousiasme des "premiers pionniers", dans les ann6es 1970 devait &re vite temp6r6e par les difficult~s techniques pos6es par la longueur, la mobilit6 de l'organe/l explorer et par les d6veloppements technologiques insuffisants des appareils mis fi notre disposition. Depuis 5 arts, l'utilisation optimale des endoscopes dassiques p6diatriques darts les portions limit~es de l'intestin gr~le au-dela de l'angle de Treitz et de la valvule de Bauhin, l'introduction de la vid63endoscopie 61ectronique autorisant une meilleure analyse de la muqueuse gr~le, ont pennis au diff&entes &tuipes de progresser dam l'explomtion de l'inteslin gr~le. On peut done actueUement dislinguer trois mani6res d'explorer l'intestin gr61e : au d6cours d'une intervention ehirurgicale ou en dehors de toute intervention soit que l'ent6roscopie soit r6alis6e avec une sonde, soit encore mieux maintenant, que 1'exploration de l'intestin gr61e soit r6alis6e fi l'aide d'ent~roscopes semi-longs. II - L'ENTEROSCOPIE TOTALE CHIRURGICALE Le chirurgien guide l'endoscope dans l'intestin gr61e h ventre ouvert. L'acc6s de l'endoscope fi l'intestin gr61e peut se faire selon 3 modalit6s : orale, anale et par une ent6rotomie. L'introduction par voie anale a le m6rite de ne pas g6ner l'espace r6serv6 h l'anesth6sie. Introduit par la bouche, l'endoscope est pouss6 jusqu'/t l'angle de Treitz. Dam les deux c.as, le chirurgien fait progresser l'intestin gr61e sur l'endoscope sam difficult6 ; un clamp est plac6 au niveau du caecum. Au retrait, l'endoscopiste examine la muqueuse tandis que le chirurgien observe la s6reuse par transillumination. Pour 6viter toute distension, un clamp est plae6 tousles 30 cm d'intestin examin6. L'ent&otomie nous paralt plus simple. En effet, le risque d'infection secondaire peut 6tre 6vit6 par la technique du "manehonnage" et surtout l'examen du grele, dam ces conditions est beaucoup plus rapide et le rep6rage des 16sions plus ais6. Quelle que soit la voie d'introduction, c'est le coloscope long qui est le plus utilis6 en raison de sa bonne flexibilit6 et de ses canaux op6rateurs aux diam6tres importanls. Notom enfm qu'en c.ours d'examen, une contre pression sera exercde par le chirurgien pour 6viter la formation de boudes au niveau de l'estomac et du duod6num. Quelques pr6cautions sont fi souligner ; toujours progresser sons vision directe insuffler le minimum d'air, examiner le m6sent&e fr&luemment, fi la recherche d'une tension excessive, ne pas confondre 16sion muqueuse vasculaire et h6matomes li6s h la progression. Par le canal fi biopsie, il sera possible de conduire une 61ectrocoagulation au "Bicap", des polypectomies seront r6alis6es si n6cessaire. Un endoscope dectronique sera de pr~f6rence utilis6, grace/l la vid6o, la collaboration chirurgien m6decin endoscopiste trouve ici tout son sens. Acta Endoscopica Volume 23 - N" 3 - 1993 (suppl.) 203

L’endoscopie de l’intestin grêle: un nouveau challenge

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L'endoscopie de I'intestin gr61e : un nouveau challenge

G. GAY, V e r d u n , J.S. DELMOTTE, L i l l e

I - INTRODUCTION

L'intestin gr61e, jusqu'/t l 'av6nement des endoscopes souples 6tait explor6 par l'opacification baryt6e, l'analyse histologique de la muqueuse gr61e, assur6e par les biopsies r6alis6es h la sonde de Crosby. Les limites des biopsies r6a!is6es h l'aveugle devant un tableau de malabsorption, les probl6mes soulev6s par les h6morragies digestives inexpliqu6es apr6s oesogastroduod6noscopie (OGD) et coloscopie ont conduit les endoscopistes /~ essayer d'atteindre "cette nouveUe fronti6re" pour reprendre l'expression de B.S. LEWIS.

L'enthousiasme des "premiers pionniers", dans les ann6es 1970 devait &re vite temp6r6e par les difficult~s techniques pos6es par la longueur, la mobilit6 de l'organe/l explorer et par les d6veloppements technologiques insuffisants des appareils mis fi notre disposition. Depuis 5 arts, l'utilisation optimale des endoscopes dassiques p6diatriques darts les portions limit~es de l'intestin gr~le au-dela de l'angle de Treitz et de la valvule de Bauhin, l'introduction de la vid63endoscopie 61ectronique autorisant une meilleure analyse de la muqueuse gr~le, ont pennis au diff&entes &tuipes de progresser dam l'explomtion de l'inteslin gr~le.

On peut done actueUement dislinguer trois mani6res d'explorer l'intestin gr61e : au d6cours d'une intervention ehirurgicale ou en dehors de toute intervention soit que l'ent6roscopie soit r6alis6e avec une sonde, soit encore mieux maintenant, que 1'exploration de l'intestin gr61e soit r6alis6e fi l'aide d'ent~roscopes semi-longs.

II - L'ENTEROSCOPIE TOTALE CHIRURGICALE

Le chirurgien guide l'endoscope dans l'intestin gr61e h ventre ouvert. L'acc6s de l'endoscope fi l'intestin gr61e peut se faire selon 3 modalit6s : orale, anale et par une ent6rotomie. L'introduction par voie anale a le m6rite de ne pas g6ner l'espace r6serv6 h l'anesth6sie. Introduit par la bouche, l'endoscope est pouss6 jusqu'/t l'angle de Treitz. Dam les deux c.as, le chirurgien fait progresser l'intestin gr61e sur l'endoscope sam difficult6 ; un clamp est plac6 au niveau du caecum. Au retrait, l'endoscopiste examine la muqueuse tandis que le chirurgien observe la s6reuse par transillumination. Pour 6viter toute distension, un clamp est plae6 tousles 30 cm d'intestin examin6.

L'ent&otomie nous paralt plus simple. En effet, le risque d'infection secondaire peut 6tre 6vit6 par la technique du "manehonnage" et surtout l'examen du grele, dam ces conditions est beaucoup plus rapide et le rep6rage des 16sions plus ais6. Quelle que soit la voie d'introduction, c'est le coloscope long qui est le plus utilis6 en raison de sa bonne flexibilit6 et de ses canaux op6rateurs aux diam6tres importanls. Notom enfm qu'en c.ours d'examen, une contre pression sera exercde par le chirurgien pour 6viter la formation de boudes au niveau de l'estomac et du duod6num. Quelques pr6cautions sont fi souligner ; toujours progresser sons vision directe insuffler le minimum d'air, examiner le m6sent&e fr&luemment, fi la recherche d'une tension excessive, ne pas confondre 16sion muqueuse vasculaire et h6matomes li6s h la progression. Par le canal fi biopsie, il sera possible de conduire une 61ectrocoagulation au "Bicap", des polypectomies seront r6alis6es si n6cessaire. Un endoscope dectronique sera de pr~f6rence utilis6, grace/l la vid6o, la collaboration chirurgien m6decin endoscopiste trouve ici tout son sens.

Acta Endoscopica Volume 23 - N" 3 - 1993 (suppl.) 203

III - L'ENTEROSCOPIE TOTALE NON CHIRURGICALE

1) Mdthodologie

II s'agit de sondes de fin calibre, ddrivdes des bronchoscopes. Ce matdriel ("Spaghetti" scopes) mesure en moyenne 250 cm de long, 5 mm de diamibtre et poss&le un ballon gonflable son exl~mtitd. ]I progressc grace au pddstaltisme intestinal. C'est le seul type de mat&iel qui

autarise une exploration compl~ de l'intestin gr61e.

Certalns des prototypes l~SS&tent un canal a biopsie et la possibilitd d'anguler rextrdmitd de rendoscope. Cependant~ ces deux amdliorations se font aux ddpens du confort du patient dans la mesure oi} r endoscope est de plus gros calibre, ce qui entraine des douleurs pharynges.

La sonde endoscopique est introduite par voie nasale, ce qui amdliore la toldrance pharyngde. L'appreil ne comporte pas de lest mdtallique ~t rextrdrnitd distale destind ~ ]'alourdir. En revanche, il comportc un ballonnet ~t son extrdmitd qui cst rempli d'eau, une fob clans la deuxi~me pattie du duod6num, ce qui permet de le fester et d'am61iorer la progression pdristaltique. L'appareil est donc introduit par vole nasale, une fois dans le pharynx, la progression est assurde par le l~Tistalfisme intestinal. L'examen de l'intestin est f a r au rebait de la sonde endoscopique, la vitesse de retrait dtant contr61de par le degrd d'insufflation du ballon. Un examen complet est fa r en 5-6 heures.

Lewis propose de placer la sonde d'entdroscopie (SIF-OLYMPUS, un banonne un can~ d'insufflation) pr/~s de l'angle de Treitz en s'aidant de l'extrdnn'td distale d'un endoscope porteur - un coloscope pddiatrique - introduit per os ("Piggyback method"). Les deux apparefis sont mis en place sous contr61e endoscopique pros de l'angle de Treitz. La liaison - fil de suture - entre les deux extrdmitds de ces endoscolx~ dtant prise dans les mords d'une pince/l biopsies, ouverte, quand la sonde intestinale est conectement en place.

Les cntdroscopes viddo sondes : il s'agit actuellement du prototype PENTAX de 4,10 m/~tres de long (Fig. 1) qui s'apparente aux appareils prdc~ents avec les avantages de l'image digitalisdc. Cc prototype comporte un ballonnet ovale ~ son e~'td distale, une possibilitd d'angulation haut/bas existe. Dam notre exp~'ence, la raise en place dans l'intesin gr~le nous a sembld facile (20 mn en moyenne) cn positionnant directement la sonde viddo dans le 2~ne duoddnum. Un canal ~ biopsie autorise des biopsies de petit calibre. 11 s'agit cependant d'un matdriel encore fragile/~ manipuler.

Figure 1

Prototype Pentax. Pentax VS BP 2000.

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2) Limitm actuelles

L'exaraen est actueUement plus confortable qu'avec les premiers prototyes et de plus, il peut ~tre r6ali~ on ambulatoire. De m6me, la "Piggyback mdthod" facih'te le placement de la sonde d'ent~'rcc~opie au-del~ de rangle de Trcitz. 11 n'en reste pas moins clue l'examen est long (6, 7, 8 heures), clue m6me conduit jusqu'/l ril6on, rexamen de la muqueuse n'est pas complet (50/~ 70 % de h surface totale examin6e), qu'il est impossible de progresser/L nouveau apr~s un relrait et qu'enfin la progression passive des appareils est g6n6e par les sts les adh&ences et les troubles du l~fistaltisme intestinal. Les prototypes rats/l notre disposition en 1993 ne comportent pas de possibilit6s th&-apeutiques. Enfm, il s'agit de matbriels encore on~eux et fxagiles, leur exploitation n&essite pour un rendement optimal, beaucoup de temps d'une &luipe endoscopique mofiv~e.

IV - L'ENTEROSCOPIE LIMITEE OU ENTEROSCOPIE POUSSEE

Elle utilise des endoscopes semi-longs.

1) M6thodologie

L'examen est r6alis6 selon les m~mes modalit& techniques qu'une oeso-gastro- duod~oscopie : malade ~ jet, n, s&iation au Propofol, d6cubitus lateral gauche. Quelques artifices techniques seront parfois n&essaires pour passer rangle de Treitz : utilisation de la scopie t61~vis&, patient sur le dos et compression abdominale.

L'introduction d'un raidisseur, l'endoscope dtant clans le duodenum, permet d'dvil~r les boucles intra-gastriques. Avec les prototypes OLYMPUS de 2,15 m de long (Fig. 2) ou PENTAX de 2,60 m, il est possible d'explorer les 2/3 de l'intestin gr~le et dam 30 % des cas, sa totalit~, en ufilisant la mdthode dire de double vole ; en effet, une lois l'intestin gr61e pro~dmal parcouru par voie haute, les qualit~ m6caniques de ces appareils permettent de les utilizer comme un coloscope et de porcourir les derni~s ames gr61es apr~s franchissement de la valvule il6~-coecale.

Figure 2

Prototype Olympus d'enteroscope semi-long (2,10 m).

Acta Endoscopica Vo lume 23 - N" 3 - 1993 (suppl .) 205

2) Limites et d~eloppement futurs

L'apport de la vid6ascopie r est majeure dam l'exploration du gr61e. En effet, le d6veloppement continuel des capteurs CCD (Couple Charge Device) produit des images de qualit~ tr~ 61ev6e dam les domaines de la r&olution, de la perception des couleurs. De plus, l'utilisation combin6e du "zoom" 61ectronique propos6 par OLYMPUS surclasse les endoscopes classiques dits "High magnification endoscope" type ent&oscope SIF-M et coloscope CF-I-IM (OLYMPUS). L'image obtenue grace ~ ce "zoom" (Fig. 2) autorise une analyse de la muqueuse comparable/~ celle obtenue avec une loupe binoculaire. Une analyse pratiquement histalogique devient possible.

D'autres artifices sont 6galement possibles pour am61iorer l'analyse de la muqueuse du gr61e, en parliculier rimmersion qui permet d'obtenir des images comparables a celles r6alis6~ en microscopie 61ecarmique ~ balayage.

V - INDICATIONS

1) L'ent&oscopie "limit~" est d'indication large dans la mesure off la plupart des affections qui touchent le gr61e sont diffuses. C'est ainsi que dans ce cadre, seront principalement reconnues dam notre exp~ence personnelle : la maladie coeliaque, les maladies m6taboliques, les maladies syst6miques responsables du syndrome de malabsorption ; les tumeurs b6nignes plus fr~tuentes clue les tumeurs malignes : a d 6 n ~ o m e s et lymphomes souvent st~osants et bien s~, les maladies inflammatoires et infectieuses : Crohn, Whipple et SIDA.

Cette ent6roscopie pouss6e sera ~galement utile dans les h~morragies digestives gastro-inteslinales de causes obscures, lorsque ni roeso-gastro-duod6noscopie, ni la coloscopie ne permettent d'en retrouver l'origine.

Cette ent&oscopie utilisant des ent&oscopes semi-longs par double voie dam notre exp&ience portant sur 110 patients permet de retrouver 90 % de causes d~6morragies digestives chroniques. Les investigatiom digestives hautes (fibro-oeso-gastro-duod6noscopie) et basses (coloscopie totale) et scintigraphie an T.C. r6ali.~es pr6alablement, 6tant n6gatives.

Elle dolt constituer l'examen h pratiquer chez ce type de patients lorsque les explorations endoscopiques classiques n'ont pas permis de retrouver la cause de l'h6morragie. L'examen peut 6tre r6alis6 par tout endoscopiste expdriement6.

2) L'ent6roscopie totale non chirurgicale est d'indication exceptionneUe et ~ notre avis, a peu de chances de voir son cadre s'61argir dans la mesure off comme nous l'avons vu pr6c6denunent, le probl~me des h6morragies digestives hautes peut 6tre r6solu dans la majeure partie des cas grace h l'ent6roscopie poussde avec enteroscope semi-long. Enfm, l'ent6roscopie totale ne garantit pas, en l'absence de lesions observ6es que l'op6rateur n'a pas omis de 16sions signiticatives, darts la mesure off, comme nous l'avons vu, l'examen de rintestin est long et la muqueuse n'est pas examin6e compl6tement. De plus, surtout en mati6re de toxidt6 m6dicamenteuse, il est parfois difficile de diff6render les ldsions tides h la drogue de celles lides h la progression de 1'endoscope.

3) Indication de l'entdroscopie totale chirurgicale

Elle est indiqu6e devant une h6morragie digestive qui menace la vie du patient off les endoscopies hautes et basses, le transit du gr61e, la scinfigraphie au technecium, l'angiographie - investigations r6alis6es en fonction de l'6tat du patient et des possibilit6s locales - se seront r6v616es n6gatives. Darts ces conditions, eUe a permis de poser un diagnostic 6tiologique ou d'aider au geste chirurgieal chez 100 % des 17 patients op6r6s pour hemorragie digestive de cause non retrouv6e par les proc6dures habituelles. D'autre part, eUe apparalt comme la m6thode de choix pour trailer les complications obstructives dues aux polypes intestinaux des patients porteurs de syndrome de Peutz Jeghers leur 6vitant ainsi des ex6r6ses multiples et pour pr6eiser l'extension et l'importanee des r6seetions/l pratiquer chez les patients porteurs de maladie de Crolm.

206 V o l u m e 23 - N ~ 3 - 1993 (suppl .) Acta Endoscopica