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L’épaule rhumatoïde : infiltrations et synoviorthèses Éric Noël* Service de rhumatologie, hôpital Édouard-Herriot, hospice civil de Lyon, 69000 Lyon, France polyarthrite rhumatoïde / épaule rheumatoid arthritis / shoulder L’épaule est une articulation fréquemment atteinte dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), elle est symptomati- que sur le plan clinique dans 50 à 90 % des cas selon les séries. Les structures anatomiques pouvant être concer- nées par la maladie (soit isolément soit de manière concomitante) sont l’articulation glénohumérale, la bourse sous-acromiale et l’articulation acromioclavicu- laire. C’est l’articulation glénohumérale qui a été, de loin, la plus étudiée dans la littérature. Son atteinte est liée à l’ancienneté et à l’agressivité de la maladie. Pour Lehtinen [1] qui a suivi radiographi- quement 148 articulations glénohumérales, après 15 années d’évolution plus de la moitié présentent des lésions de l’articulation glénohumérale et surtout dans 21 % des cas ces lésions sont sévères (stade 3, 4 ou 5 de Larsen). L’atteinte de la coiffe des rotateurs n’est pas plus importante que dans la population générale. Sa fré- quence varie selon les séries et les méthodes d’évalua- tion. Pour Ennevaara [2], il existe arthrographiquement 26 % de ruptures transfixiantes, Kieft [3] retrouve en IRM 14 % de rupture tranfixiante et 32 % de ruptures partielles, mais surtout 36 % de coiffe amincie et donc moins fonctionnelles. Cette notion d’amincissement de la coiffe dans la PR est un élément important à prendre en considération, il est liée à l’ancienneté de la PR, ainsi Vahvanen lors du bilan préopératoire de 41 épaule (âges variant entre 23 et 68 ans) ne retrouve pas de coiffe normale (32 % de coiffes rompues et 68 % de coiffes amincies) chez des patients dont la PR a en moyenne 17,2 ans d’ancien- neté. L’articulation acromioclaviculaire est, quant à elle, très fréquemment concernée puisque sur 39 épaules (ancienneté moyenne de la PR de 18 ± 10 ans) étudiées radiographiquement, Petersson [4] retrouve une ano- malie radiographique dans 85 % des cas, en revanche cet auteur retrouve comparativement beaucoup moins de manifestations cliniques (31,5 % d’AC douloureu- ses et 5 % d’AC tuméfiées). Ces lésions étant souvent associées à des lésions glénohumérales et fortement liées à l’ancienneté de la maladie. La bourse sous acromiale est pathologique en pré- sence d’une rupture de la coiffe mais il peut exception- nellement exister des bursites rhumatoïdes isolées ou associées à une arthrite glénohumérale sans ruptures de la coiffe, en raison de la présence de tissu synovial dans la bourse sous-acromiale [5,6]. Ces données confirment le fait que les lésions de l’épaule rhumatoïde qui sont dues au pannus rhuma- toïde sont fréquentes, négligées par manque de connais- sance ou parce que les atteintes polyarticulaires ne sont pas bien contrôlées et souvent découvertes tardivement en présence de lésions radiographiques. Les classifica- tions radiographiques habituellement utilisées (Larsen, Dijkstra, Steinbrocker) ne sont pas adaptées à la patho- logie de l’épaule, contrairement à celle de Lévigne et/ou à celle de Walch. La prise en charge médicale de l’épaule rhumatoïde doit comporter une étape diagnostique puis une étape thérapeutique. *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (É. Noël). Rev Rhum [E ´ d Fr] 2002 ; 69 Suppl.3 : 126-31 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833002004179/FLA

L’épaule rhumatoïde : infiltrations et synoviorthèses

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Page 1: L’épaule rhumatoïde : infiltrations et synoviorthèses

L’épaule rhumatoïde : infiltrations et synoviorthèses

Éric Noël*Service de rhumatologie, hôpital Édouard-Herriot, hospice civil de Lyon, 69000 Lyon, France

polyarthrite rhumatoïde / épaule

rheumatoid arthritis / shoulder

L’épaule est une articulation fréquemment atteinte dansla polyarthrite rhumatoïde (PR), elle est symptomati-que sur le plan clinique dans 50 à 90 % des cas selon lesséries. Les structures anatomiques pouvant être concer-nées par la maladie (soit isolément soit de manièreconcomitante) sont l’articulation glénohumérale, labourse sous-acromiale et l’articulation acromioclavicu-laire. C’est l’articulation glénohumérale qui a été, deloin, la plus étudiée dans la littérature.

Son atteinte est liée à l’ancienneté et à l’agressivité dela maladie. Pour Lehtinen [1] qui a suivi radiographi-quement 148 articulations glénohumérales, après15 années d’évolution plus de la moitié présentent deslésions de l’articulation glénohumérale et surtout dans21 % des cas ces lésions sont sévères (stade 3, 4 ou 5 deLarsen).

L’atteinte de la coiffe des rotateurs n’est pas plusimportante que dans la population générale. Sa fré-quence varie selon les séries et les méthodes d’évalua-tion. Pour Ennevaara [2], il existe arthrographiquement26 % de ruptures transfixiantes, Kieft [3] retrouve enIRM 14 % de rupture tranfixiante et 32 % de rupturespartielles, mais surtout 36 % de coiffe amincie et doncmoins fonctionnelles.

Cette notion d’amincissement de la coiffe dans la PRest un élément important à prendre en considération, ilest liée à l’ancienneté de la PR, ainsi Vahvanen lors dubilan préopératoire de 41 épaule (âges variant entre 23et 68 ans) ne retrouve pas de coiffe normale (32 % de

coiffes rompues et 68 % de coiffes amincies) chez despatients dont la PR a en moyenne 17,2 ans d’ancien-neté.

L’articulation acromioclaviculaire est, quant à elle,très fréquemment concernée puisque sur 39 épaules(ancienneté moyenne de la PR de 18 ± 10 ans) étudiéesradiographiquement, Petersson [4] retrouve une ano-malie radiographique dans 85 % des cas, en revanchecet auteur retrouve comparativement beaucoup moinsde manifestations cliniques (31,5 % d’AC douloureu-ses et 5 % d’AC tuméfiées). Ces lésions étant souventassociées à des lésions glénohumérales et fortement liéesà l’ancienneté de la maladie.

La bourse sous acromiale est pathologique en pré-sence d’une rupture de la coiffe mais il peut exception-nellement exister des bursites rhumatoïdes isolées ouassociées à une arthrite glénohumérale sans ruptures dela coiffe, en raison de la présence de tissu synovial dansla bourse sous-acromiale [5,6].

Ces données confirment le fait que les lésions del’épaule rhumatoïde qui sont dues au pannus rhuma-toïde sont fréquentes, négligées par manque de connais-sance ou parce que les atteintes polyarticulaires ne sontpas bien contrôlées et souvent découvertes tardivementen présence de lésions radiographiques. Les classifica-tions radiographiques habituellement utilisées (Larsen,Dijkstra, Steinbrocker) ne sont pas adaptées à la patho-logie de l’épaule, contrairement à celle de Lévigne et/ouà celle de Walch.

La prise en charge médicale de l’épaule rhumatoïdedoit comporter une étape diagnostique puis une étapethérapeutique.

*Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (É. Noël).

Rev Rhum [Ed Fr] 2002 ; 69 Suppl.3 : 126-31© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

S1169833002004179/FLA

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L’étape diagnostique doit permettre de savoir si l’épauleest concernée ou non par la PR (symptômes, gonfle-ment clinique, perte de mobilité) car un patient présen-tant une PR peut présenter des douleurs de l’épaule sansaucun rapport avec la PR, il n’est alors pas question delui proposer des traitements spécifiques et en particulierdes synoviorthèses.

La présence de lésions radiographiques viendra affir-mer l’atteinte rhumatoïde, mais si les radiographiessont strictement normales seules d’autres investigations(échographie et IRM) permettront de trancher et depréciser les localisations du pannus. En échographie, iln’est pas toujours très aisé de distinguer épanchement etvolumineux pannus [7].

L’étape thérapeutique comportera comme toujours,en présence d’une PR, un traitement associant AINS,éventuellement corticoïdes et surtout traitement defond (parmi lesquels le méthotrexate tient actuellementune place de choix, tout comme les nouvelles moléculesanti-TNF) afin de contrôler au mieux la maladie.

Une fois la PR correctement contrôlée, s’il persisteune souffrance au niveau d’une épaule ce sont alors lesgestes locaux qui vont entrer en action (injections decorticoïdes et synoviorthèses osmiques ou radioactives).

Les résultats des traitements chirurgicaux (synovec-tomies, prothèses) seront d’autant moins satisfaisantsqu’ils seront proposés à un stade dépassé.

MOYENS DU TRAITEMENT MÉDICAL

Injections de corticoïdes

Les produits utilisés sont habituellement les corticoïdesretard classiquement utilisés au niveau de l’épaule(Altimt, Diprostenet). L’injection peut être effectuéeau niveau de l’articulation glénohumérale, de l’articu-lation acromioclaviculaire ou de la bourse sous acro-miale. Elle peut être réalisée avec (lors d’unearthrographie ou d’une bursographie) ou sans contrôlescopique, suivie ou non d’une immobilisation par attellede 24 à 48 h.

Synoviorthèses

La fréquence des synoviorthèses réalisées dans les épau-les rhumatoïdes est faible par rapport aux localisationsles plus fréquentes (genoux, mains et poignets).

Pour Schutte [8] elle est 9,8 %, alors que pour Col-combet [9] elle est de 4,1 % pour les SNRA et de 1,3 %pour les SNO.

Nous avions rapporté [10] un taux de 7,1 % pour les662 articulations ayant bénéficié d’une SNRA en 1989dans le service de rhumatologie du Pr Bouvier à Lyon.

Elles ne sont pas réalisées au niveau de l’articulationacromioclaviculaire, ni au niveau de la bourse sousacromiale.

Acide osmique (tetraoxyde d’osmium à 1 %) (SNO)Elles ont été réalisées pour la première fois en 1951 pardes auteurs scandinaves et sont appelées synoviorthèsesdepuis 1968 [11]. L’injection est réalisée à l’occasiond’un contrôle arthrographique en adjoignant préalable-ment au 5 mL d’acide osmique de la xylocaïne à 1 ou2 % et en fin de geste une ampoule de corticoïdesretards. L’injection doit être suivie d’une immobilisa-tion de l’articulation par une attelle pendant 48 h.

Une allergie à la xylocaïne est une contre indication,tout comme la présence d’une rupture de la coiffe desrotateurs.

Il existe parfois des réactions douloureuses et/ou fébri-les dans les heures qui suivent l’injection. Certainsauteurs ont décrit l’aggravation de lésions cartilagineu-ses préexistantes.

Actuellement l’utilisation de l’acide osmique est envoie de disparition.

Radio-actives (SNRA)L’utilisation de produits radio-actifs en intra-articulairesremontent à 1963, avec l’or radioactif, abandonnédepuis car il s’agit d’un rayonnement gamma diffusanten dehors de l’articulation injectée contrairement aurayonnement bêta qui caractérise l’yttrium 90 utilisédepuis 1968. L’yttrium est un bêta émetteur pur alorsque le rhénium également utilisé au niveau de l’épaulecomprend 72 % de rayonnement bêta et 15 % de rayon-nement gamma. Le métal radioactif est fixé in vitro surun colloïde dont les cellules ont une très forte affinitépour les synoviocytes qui vont subir une nécrose pro-gressive dès le premier mois, cette nécrose va s’étendreaux couches les plus profondes et au 3e mois apparaîtune fibrose de la synoviale. Dans le meilleur des cas, si letraitement a été efficace c’est une synoviale normale quipeut alors se régénérer.

La pénétration moyenne dans les tissus mous varieselon le produit utilisé, elle est de 3,6 mm pour l’yttriumet de 1,2 mm pour le rhénium.

Un des risques de ce type de traitement est la diffusiondes particules colloïdes par voie lymphatique (5 à 10 %de l’activité initiale). Certains auteurs [12] ont décritdes instabilités chromosomiques transitoires (quatre àsix semaines) au niveau des lymphocytes. Malgré tout,

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les risques cancérigènes ou leucémogènes sont quasi-ment inexistants, sous réserve d’utiliser des isotopesbêta émetteurs et d’immobiliser les articulations pen-dant 48 h au décours du geste, afin de limiter au maxi-mum la migration des substances colloïdes.

Dans une épaule, il est recommandé d’injecter 1 à2 millicuries d’yttrium ou 2 à 4 millicuries de rhénium.Ce geste doit être réalisé lors d’une arthrographie, iln’est pas clairement démontré qu’il soit utile de lerenouveler en cas d’échec. La présence d’une rupture dela coiffe des rotateurs n’est pas une contre-indication àla réalisation d’une SNRA.

Il est par ailleurs important de bien respecter la limi-tation des doses cumulées lors d’une séance et demanière globale lors des différentes synoviorthèses réa-lisées.

Autres

Une équipe [13] a proposé la réalisation de blocs dunerf supra-scapulaire avec de la bupivacaïne.

RÉSULTATS

Il n’y a pas dans la littérature de publications sur lesrésultats de gestes locaux réalisés au niveau de l’articu-lation acromioclaviculaire ou de la bourse sous acro-miale.

Les résultats que nous allons rapporter concerne exclu-sivement l’articulation glénohumérale.

Injections de corticoïdes

Il n’y a pas de publication sur le résultat des injectionsde corticoïdes dans le cadre de l’épaule rhumatoïde.

D’après Gobel [14], il semble que dans les synovio-rhèses toutes articulations confondues, il soit préférabled’y adjoindre des corticoïdes retards.

Synoviorthèses

Les publications sur les résultats des synoviorthèsesdans l’épaule rhumatoïde sont très peu nombreuses.Elles rapportent pour la plupart les résultats de SNRAfaites au niveau de plusieurs articulations au sein des-quelles se trouvent quelques épaules.

Schutte [8] a suivi 19 épaules noyées au milieu de174 genoux (toutes ces articulations ayant bénéficiéd’au moins une SNRA) tous les six mois pendant troisans. Les meilleurs résultats sont retrouvés lorsque laSNRA est effectuée au stade I radiologique de Stein-

brocker et si la maladie est peu active et répond bien autraitement de fond. Il n’y a aucune différence entre lesPR séropositives et séronégatives.

Sur la même population, Rau [15] retrouve globale-ment des bons résultats (appréciés sur la douleur, legonflement, la fréquence des poussées, la mobilité, lenombre d’injections de corticoïdes nécessaires) qui sedégradent avec le temps (60 % à six et 12 mois, 54 % àdeux ans et 50 % à trois ans). La répétition des SNRAn’apporte rien de plus.

Stucki [16] rapporte les résultats de 164 SNRA dont82 ont été réalisées chez des PR, les autres ayant étéeffectuées dans le cadre de rhumatismes psoriasiques, despondylarthrites ou d’épanchements chroniques d’arth-rose. Les résultats sont considérés comme bons dans50 % des cas, ils sont meilleurs aux stades 0, 1 ou 2 deLarsen qu’au stade 3. En terme de localisation les résul-tats sont supérieurs au niveau des genoux et des coudes.Colcombet [9] retrouve 47 % de très bons et bonsrésultats au niveau des épaules rhumatoïdes avec unrecul de 18 mois. Ils sont liés au stade radiologique(respectivement 61 %, 49 % et 23 % aux stades 1, 2, 3de Steinbrocker). Il ne retrouve pas de différence entreles SNRA et les SNO.

En 1989, Menkes [17] retrouve pour une populationconstituée d’épaules rhumatoïdes, avec un recul com-pris entre deux et dix ans, une amélioration fonction-nelle qui se maintient dans 51 % des cas et une stabilitédes lésions radiographiques pour 53 % des épaules.

En 1999, nous avions rapporté une étude rétrospec-tive concernant 36 épaules rhumatoïdes ayant bénéficiéd’une synoviorthèse soit radio-active soit osmique [10].

PopulationElle comportait des patients suivis dans les services derhumatologie des Pr. Bouvier (Lyon) et Alexandre (St-Etienne). Les patients inclus dans l’étude ont été revusconsécutivement soit en consultation soit en hospitali-sation entre novembre 1995 et juin 1996. Il s’agissait de21 femmes et de trois hommes (âge moyen de 52,7 ans,20 épaules droites). La PR était séropositive 20 fois sur24. Sur le plan radiographique, c’est la classification deWalch qui a été utilisée (aucune anomalie pour 24 %,type A (petites géodes et déminéralisation) pour 52 %et type B (macrogéodes ou érosions sur la zone d’inser-tion synoviale) pour 24 %).

Le geste réalisé a été 30 fois une SNRA (2 millicuriesde rhénium 186) et six fois une SNO. Six épaules ontbénéficié de deux SNRA. Le délai moyen entre le début

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de la PR et la première synoviorthèse était de 7,3 ans(extrêmes 1–24 ans).

RésultatsLes patients ont été revus avec un recul moyen de88,5 mois (extrêmes : 25–252 mois).

Sur le plan subjectif : 21 épaules (58 %) étaient trèsaméliorées ou améliorées alors que neuf épaules étaientinchangées et six étaient aggravées.

Le score de Constant pondéré pour le sexe et l’âgeétait à la révision de 81 points (extrêmes : 18–116,5), lescore non pondéré était de 59,7 points (extrêmes :16–93).

Sur le plan radiographique (classification de Walch), àla révision la répartition selon les types était la suivante :aucune anomalie (2,8 %), type A (33,3 %), type B(52,7 %), type C (pincement glénohuméral) (5,6 %) ettype D (pincement glénohuméral sévère et ascension enhaut en dedans de la tête humérale) (5,6 %).

En terme d’évolution radiographique par rapport auxclichés initiaux, il existait une stabilité dans 39,4 % descas, une aggravation modérée dans 42,4 % des cas etune aggravation sévère dans 18,2 % des cas).

La comparaison du groupe avec évolution radiogra-phique sévère et du groupe sans modification radiogra-phique, montre qu’il existe un lien entre :– l’évolution radiographique et l’importance du délaientre début de la PR et première synoviorthèse ;– l’évolution radiographique et l’importance du délaientre dates de la synoviorthèse et de la révision dupatient ;– l’évolution radiographique et la gêne algofonction-nelle (score de Constant).

Il existe par ailleurs, comme cela est classique unerelation entre le fait que la PR soit agressive et qu’il y aitune évolutivité radiographique au niveau de l’épaulemalgré la réalisation d’une synoviorthèse.

Il est difficile de comparer de manière fiable les grou-pes des SNRA et des SNO car ils sont trop disparates.

Quand à lui, Gobel [14] a étudié une population de150 articulations toutes confondues (épaules, poignets,coudes, hanches et chevilles) de patients présentant unePR selon les critères de l’ARA 1988. Ces articulationstraitées étaient réparties en trois groupes équivalents(groupe 1 = injection de rhénium 186, groupe 2 =injection de rhénium 186 + Hexatrionet et groupe 3 =injection d’Hexatrionet seule).

Avec un recul de trois ans, 71 articulations avaient étéexclues en raison d’un changement de traitement de

fond ou d’arthrites à répétition ayant nécessité un autretraitement local.

Pour les 79 articulations analysées, les meilleurs résul-tats (clinique et radiologique avec un ralentissement dela progression des lésions selon la classification deLarsen) avaient été obtenus dans le groupe 2rhénium 186 + Hexatrionet.

Autres

Gado [13] a montré que les blocs du nerf suprascapu-laire avec bupivacaïne et adrénaline, permettaient unenette amélioration des douleurs et de la mobilité parrapport à la classique injection intra-articulaire de cor-ticoïdes. Sur une série de 58 épaules, l’obtention de cesrésultats est assez rapide et se confirme à trois mois.L’adjonction de corticoïdes retard à l’association bupi-vacaïne et adrénaline n’apporte rien de plus.

INDICATIONS

La priorité en matière de PR est d’obtenir un contrôlesatisfaisant de la maladie grâce aux traitements de fond.Parallèlement, il faut rester vigilant vis-à-vis des articu-lations en général et de l’épaule en particulier.

S’il se discute un traitement spécifique de l’épaulerhumatoïde, cela se fera en fonction des douleurs et deleurs caractéristiques mais également de la présence ounon d’une tuméfaction du moignon de l’épaule quitraduit généralement l’existence d’une bursite sous-acromiale (isolée ou associée à un épanchement intra-articulaire).

Plutôt que de réaliser de multiples injections de cor-ticoïdes retards sans résultat durable ou d’effectuer dessynoviorthèses non justifiées (douleurs de l’épaule sanspannus chez une patiente présentant une PR), il paraîtplus logique d’obtenir un état des lieux aussi précis quepossible et tenter de connaître le potentiel évolutif decette épaule rhumatoïde afin de ne pas laisser le momentde la chirurgie qui peut être préventive (synovectomie)ou prothétique avec de très bons résultats fonctionnelssous réserve qu’elle ne soit pas proposée trop tardive-ment.

Pour préciser l’état de l’épaule rhumatoïde, un certainnombre d’explorations complémentaires sont à notredisposition :– la scintigraphie osseuse au tecnetium 99m objective laprésence d’une atteinte inflammatoire de l’épaule maiselle n’est pas assez précise et spécifique, d’autres techni-ques scintigraphiques ont été proposées [18] ;

Infiltrations et synoviorthèses 129

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– l’échographie permet de repérer les épanchements etleur localisation (intra articulaire et/ou sous acromiale)[7,19]. Il est parfois délicat de distinguer épanchementet prolifération synoviale. Son accessibilité, sa repro-ductibilité vont certainement faire de l’échographie,dans les années à venir, un élément de premier plandans l’orientation de la stratégie thérapeutique ;– l’arthrographie montre la présence d’une synovialeinflammatoire, son couplage à l’arthroscanner analyseraau mieux l’état de la coiffe des rotateurs et du cartilageglénohuméral ;– l’IRM a fait l’objet de très peu d’études dans l’épaulerhumatoïde. Les études d’autres articulations rhuma-toïdes montrent qu’elle a intérêt marqué dans l’évalua-tion du volume synovial, de l’épanchement et desérosions osseuses, cet intérêt peut être renforcé parl’utilisation des séquences avec suppression de graisse.Son coût et son accessibilité difficile restent quandmême encore un frein important à son utilisation enroutine. Elle peut, malgré tout, être d’une aide pré-cieuse dans le choix des indications thérapeutiques etdans la surveillance.

ATTITUDE PRATIQUE

Sur le plan pratique et en fonction des données clinico-radiologiques, il peut être proposé l’attitude suivante :– radiographies apparemment normales (pas d’érosions,interligne glénohuméral conservé) avec douleurs et sansgonflement du moignon de l’épaule : deux à trois injec-tions de corticoïdes retards idéalement sous contrôlescopique, en intra articulaire. En cas d’échec échogra-phie et/ou IRM et gestes locaux selon les constatations(synoviorthèse radio-active de préférence avec rhéniumou yttrium au niveau de l’articulation glénohumérale,éventuellement associé à une injection de corticoïdesretard au niveau de la bourse sous acromiale idéalementlors d’une bursographie s’il existe un épanchement dansla bourse sous-acromiale) ;– radiographies apparemment normales (pas d’érosions,interligne glénohuméral conservé) avec douleurs et gonfle-ment du moignon de l’épaule. Faire d’emblée une écho-graphie et/ou une IRM, pour préciser l’état de la coiffeainsi que la localisation des épanchements et de laprolifération synoviale. Selon les données de l’imageriesynoviorthèse radio-active au niveau glénohuméraléventuellement associée à une injection de corticoïdesretards dans la bourse sous-acromiale lors d’une burso-graphie. Dans ce cas de figure comme dans le précé-dent, il convient d’être vigilant avec surveillance clinique

et radiographique de l’épaule tous les six mois saufévénement nouveau. L’échec d’une synoviorthèse doitfaire discuter une synovectomie chirurgicale sous réservequ’il n’y ait pas de lésions cartilagineuses significativesau niveau de l’articulation glénohumérales.

En présence d’une rupture de coiffe, il convient éga-lement de prendre un avis chirurgical si l’épaule est lapriorité thérapeutique :– présence d’érosions sur les radiographies simples avecdouleurs d’épaule, indication de synoviorthèse radio-active et de synovectomie en cas d’échec, sauf s’il existeune atteinte de l’interligne glénohuméral. Dans ce cas,il faut envisager à moyen terme une prothèse totale si lacoiffe est satisfaisante ;– pincement glénohuméral évolutif, un geste prothéti-que doit être envisagé dans les six à 12 mois en fonctiondes priorités thérapeutiques de la PR ;– douleurs avec destruction de l’articulation glénohumé-rale, le stade de la prothèse totale d’épaule est dépassé, ilne s’agit pas d’une indication de synoviorthèse. Il fautprivilégier le traitement symptomatique soit par voiegénérale, soit par voie locale. C’est à ce stade que lesblocs du nerf sus-scapulaire peuvent trouver une place,ils méritent en tous les cas d’être évalués sur des sériesplus importantes que la seule série de Gado [13]. Cer-tains auteurs ont proposé la mise en place d’une pro-thèse inversée (prothèse Delta) [20] ;– pour l’articulation acromioclaviculaire, le traitementmédical avec deux à trois injections de corticoïdes idéa-lement sous scopie doit être privilégié lorsqu’il existedes douleurs significatives et reconnues au niveau decette articulation. Si l’articulation glénohumérale et lacoiffe sont intactes, et si les douleurs acromioclaviculai-res persistent malgré le traitement médical, une résec-tion du centimètre externe de la clavicule peut êtreindiquée.

CONCLUSIONS

Le traitement médical de l’épaule rhumatoïde est centrésur les gestes locaux, qui doivent intervenir une fois lamaladie correctement contrôlée par un traitementadapté. Ce traitement local doit être en adéquation avecl’état clinico-anatomique de l’épaule.

Les infiltrations et les synoviorthèses radio-activesdoivent être réalisées à bon escient et au bon endroit, leslésions (coiffe, cartilage, pannus synovial, épanchement)pouvant être précisées par l’échographie et surtoutl’IRM.

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Lorsqu’il existe des lésions radiographiques , il fautêtre vigilant et surveiller l’évolution clinico-radiologique, car le pincement de l’interligne glénohu-méral est un véritable tournant évolutif, devant faireenvisager la mise en place d’une prothèse d’épaule sanstrop attendre.

REFERENCES

Pour toutes les classifications radiographiques se rapporter à l’articlede Christophe Lévigne, dans ce même numéro.

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Infiltrations et synoviorthèses 131