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Lepin. L'origine du quatrième Evangile. 1907

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    JOHN M. KELLY LIBDAKY.

    Donated byThe Redemptorists ofthe Toronto Provincefrom the Library Collection ofHoly Redeemer Collge, Windsor

    University ofSt. Michael's Collge, Toronto

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    H9LY REDEEMER LIBRARY, W^'sOR

    -Tt-^"'^

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    QUATRIME VANGILE

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    DU MEME AUTEURL'IDE DU SACRIFICE DANS LA RELIGION CHRTIENNE,

    principalement d'aprs le P. de Condren et M. Olier,Thse de doctorat en tholog'e. Paris, Beauchesne, 1 vol.in-8, 440 pages. 4 fr. 75

    JSUS MESSIE ET FILS DE DIEU d'aprs les vangilessynoptiques. Troisime dition. Paris, Letouzey et An,i vol. in-18 Jsus, lxxv-430 pages 3 fr. 50

    VANGILES APOCRYPHES ET VANGILES CANONIQUES.Collection Science et Religion. Paris, Bloud, 1 vol. in-18,113 pages G fr. 60

    EN PRPARATIONLA VALEUR HISTORIQUE DE L'VANGILE DE SAINT JEAN

    et son tmoignage sur Jsus.

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    QUATRIME VANGILEPAR

    M. LEPINPROFESSEUR KV GRAND SEMINAIRE DE LYON

    FROV. K?^k""'^^^oendatO^

    PARISLETOUZEY ET AN, DITEURS

    76'*'% RUE DES SAINTS-PRES, Vil*

    1907 /5PHOLY REDEEMER LIBRARY, WINDSOR

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    Permis d'imprimer,Lyon, le 26 aot 1906.

    t PIERRE, Gard. COULLI,arch. de Lyon.

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    PREFACEEn prsentant ce nouvel ouvrage au public,

    l'auteur a le devoir de lui fournir des explications,et presque des excuses.Lorsque, en 1904, parut la premire dition deJsus Messie et Fils de Dieu, un autre livre taitannonc comme devant suivre de prs, o seraittudi rvangile de saint Jean, son origine, savaleur historique, son tmoignage sur Jsus. Lesdsirs de divers cts exprims taient l'auteurun stimulant pressant remplir au plus tt sapromesse. C'est cependant aprs deux annescoules que parat le prsent volume, et encorene traite-t-il que la question de l'origine duquatrime Evangile.

    Il s'est trouv, en effet, que, pour discuter fond, comme il tait ncessaire, cette questioncapitale, il n'a pas fallu moins d'un volume entier.D'autre part, le lecteur ne sera pas sans se rendrecompte de la somme de recherches, par cons-

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    VI PRFACEquent de travail et de temps, exige par cette pre-mire tude.La thse de l'authenticit johannique a t d-compose en ses diverses parties : authenticit

    d'poque, authenticit de lieu, authenticit d'au-teur. Chaque partie a t examine au point devue de la critique la plus rcente. Sur tous lespoints, on trouvera exactement dfinie la positiondes savants qui font autorit en la matire ; c'estpresque chaque page que l'on se rfrera auxopinions de MM. Rville et Loisy, compares celles de MM. Holtzmann, Harnack, Jiilicher,Abbott, Schmiedel.

    Peut-tre la marche risquera-t-elle d'en treralentie : l'inconvnient sera compens sansdoute par l'avantage d'une documentation com-plte, qui permettra de prononcer, en meilleureconnaissance de cause et avec plus d'assurance,le jugement personnel.

    Il n'est probablement pas de question qui aitoccasionn, de la part des critiques opposs latradition, plus d'hypothses, ni de plus diver-gentes, ni qui apparaissent, rapproches les unesdes autres, plus contradictoires et, somme toute,plus injustifies.Ce fait, joint aux constatations les plus sres,

    auxquelles donnent lieu l'examen impartial dutmoignage traditionnel et l'tude approfondie duquatrime vangile lui-mme, ne pourra c'est,

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    PRFACE VITdu moins, notre confiance et notre vu quedonner une ferme conviction de l'authenticit del'crit, admir depuis dix-huit sicles sous le nomde l'aptre saint Jean.Que l'authenticit de cet Evangile engage par

    avance, dans une large mesure, son historicit,on peut le regarder comme certain. Dj mmecette dernire question se trouve examine dansle prsent ouvrage, pour autant que le rclamaitla discussion de l'authenticit. Une tude dtail-le et plus complte fera l'objet d'un travailspcial qui paratra prochainement.

    24 septembre J906.

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    LISTEDES OUVRAGES PLUS SOUVENT CITS

    ET DE LEURS ABRVIATIONS

    Dict. de la B. = Dictionnaire de la Bible, publi par F.Vigouroux, 4 vol. parus, Paris, 1895 et suiv.Dict. of tke B. = .4 Dictionary of the Bible, edited by

    J. Hastings, 5 vol., Edinburgh, 1898-1904.Enc. bibl. = Encyclopdia biblica, edited by T. K. Gheyneand J. S. Black, 4 vol., London, 1899-1903.Rev. bibl. = Revue biblique internationale, Paris, 1892 et

    suiv.Rev. d'hist. = Revue d'histoire et de littrature religieuses,

    Paris, 1896 et suiv.Zeit. neut. Wiss. = Zeitschrift fUr die neutestamentliche

    Wissenschaft, herausgegeben von E. Preuschen,Giessen, 1900 et suiv.

    Abbott, art. Gospels = art. Gospels, par E, A. Abbott,dans Enc. bibl., t. ii, 1901, col. 1765-1840.

    Bousset, Offenb. = Die Offenbarung Johannis {Kommentarber das N. T., von Meyer), neu bearbeitet von WilhelmBousset, Gttingen, 1896.

    Calmes, iS". Jean = L'vangile selon saint Jean, traductioncritique, introduction et commentaire, par le P. Th. Cal-mes, Paris, 1904.Camerlynck, Quart. Evang. = De quarti Evangelii auctore.Pars prior : Traditio, Lovanii, 1899.Drummond, Fourth Gosp. = An Inquiry into the Characterand Authorship of the Fourth Gospel, by James Drum-mond, London, 1903.Fillion, S. Jean = vangile selon saint Jean, introductioncritique et commentaires, par L.-Cl. Fillion, Paris, 1887.

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    X LISTE DES OUVRAGES CITESGodet, s. Jean = Commentaire sur Vvangile de saint

    Jean, par F. Godet, 3 vol., 3e d., Neuchtel, 1881;4ed., t. I, 1904.

    Harnack, Chronol. = Die Chronologie der altchristlichenLiteratur bis Eusehius, von Adolf Harnack, t. i, Leipzig,1897.

    H. Holtzmann, Einl. = Lehrbuch der historisch-kritischenEinleitung in das Neue Testament, von Heinrich JuliusHoltzmann, 3^ d., Freiburg i. B., 1892.

    H. Holtzmann, Evang. Joh. Das Evangelium desJohannes {Hand-Commenlar zum N. T.), bearbeitetvon H. J. Holtzmann, 2^ d., Freiburg i. B., 1893.

    O. Holtzmann, Joh. evang. = Das Johannesevangelium,erkliirt von Oscar Holtzmann, Darmstadt, 1887.

    O. Holtzmann, Leben Jesu = Leben Jesu, von Oscar Holtz-mann, Tubingen, 1901.Julicher, Einl. = Einleitung in das Neue Testament,von Adolf Jiilicher. 3^ et k^ ., Tiibingen, 1901.Knabenbauer, In loan. = Commentarius in Evangeliumsecundum loannem, Paris, 1897.

    Loisy, Le quatr. vang. = Le quatrime vangile, par Al-fred Loisy, Paris, 1903.

    Mangenot, art. Jean = art. Jean {vangile et pitres de S.),par E. Mangenot, dans le Dict. de la B., t. m, col. 1167-1203.Renan, Vie de Jsus = Vie de Jsus, par Ernest Renan,13 d., revue et augmente, Paris, 1867.

    Renan, VAntechr. = U Antchrist, par Ernest Renan,Paris, 1873.Renan, L'glise chrt. = L'glise chrtienne, par ErnestRenan, Paris, 1879.

    Resch, Parall. zu Joh. = Aussercanonische Paralleltextezu den Evangelien. iv. Heft : Paralleltexte zu Johannes,gesammelt und untersucht von Alfred Resch, Leipzig,1896.

    J. Rville, Le quatr. vang. = Le quatrime vangile, sonorigine et sa valeur historique, par Jean Rville, Paris,1901.

    Reynolds, art. John = art. John (Gospel of), dans le Dict.o/ the B., t. II, 1899, p. 694-728.

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    LISTE DES OUVRAGES CITES XISanday, Fourth Gosp. = The Criticism of the Fourth Gospel,by William Sanday, Oxford, 1905.Schanz, Heil. Joh. = Commenlar ber dos Evangelium

    des heiligen Johannes, von P. Schanz, Tubingen, 1884-1885.

    Schmiedel, art. John = art. John, son of Zebedee, par P.W. Schmiedel, dans VEnc. bibl., t. ir, 1901, col. 2504-2562.

    Stanton, Gospels = The Gospels as historical Documents.Part I : The early use of the Gospels, by Vincent HenryStanton, Cambridge, 1903.Von Soden, Urchristl. Lit. = Urchristliche Literaturgeschi-chte (die Schriften des Neues Testaments), von Her-mann Frhr. von Soden, Berlin, 1905.

    B. Weiss, Einl. = Lehrbuch der Einleitung in dos NeueTestament, von Bernhard Weiss, 3^ d., Berlin, 1897.

    B. Weiss. Joh. Evang. = Das Johannes-Evangelium(Komm. Uber das N. T., von Meyer), neu bearbeitet vonB. Weiss, ge d., Gottingen, 1902.

    Weizs.icker, Apostol. Zeit. = Das apostolische Zeitalter derchristlichen Kirche, von Cari Weizsacker, 3^ d., Tubin-gen, 1902.

    Wernle, Anf. Relig. = Die Anfnge unserer Religion, vonPaul Wernle, 2^ d., Tubingen, 1904.Zahn, Einl. = Einleitung in das Neue Testament, vonTheodor Zahn, t. ii, 2^ d., Leipzig, 1900.Zahn, Forsch. vi = Forschungen zur Geschichte des neutes-tamentlichen Kanons und der altkirchlichen Literatur,von Th. Zahn, vi. Teil, Leipzig, 1900.

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    QUATRIME VANGILE

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    QUATRIME VANGILE

    CHAPITRE PREMIERLA QUESTION JOHANNIQUE ET M. LOISY

    L'glise avait jusqu'ici considr le quatrimevangile comme l'uxTe d'un disciple immdiat deJsus, et un recueil de souvenirs authentiques sur lavie du Sauveur. La divergence constate entre cetvangile et les trois premiers prouvait l'indpendancedes relations, qui se confirmaient l'une l'autre, etl'on utilisait en confiance, dans l'uvre de saint Jean,soit les rcits, qui venaient clairer et complter labiographie synoptique, soit les discours, d'o ressor-tait dans un clat merveilleux la divine physionomiedu Matre. C'est avec amour que l'on contemplaitle Christ johannique et, en l'adorant, on bnissaitl'aptre qui l'avait si dignement reprsent.

    Les derniers ouvrages de M. Loisy^ tendent nousimposer un changement complet d'attitude sur cepoint. D'aprs ce critique, le quatrime vangilen'appartient en aucune faon sadnt Jean. Son auteurest un chrtien anonyme du dbut du second sicle,qui n'a rien de commun avec le fils de Zbde. Ledisciple bien-aim, dont il est question en cet van-gile, et que l'on identifie communment Jean

    1 A. Loisy, Le quatrime vangile, Paris, 1903 ; Autour d'unpetit livre. 1903. p. 85-108.

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    4 LA QUESTION JOHANNIQUEl'aptre, n'est pas mme un personnage rel : c'estun disciple fictif, un tre symbolique, le type du vraicroyant et du chrtien parfait.

    Le livre lui-mme n'aurait d'historique que l'appa-rence : en ralit, c'est une sorte de pome allgorique,reproduisant, non la vie relle, mais une vie idalede Jsus ; une uvre de thologie, refltant, nonl'enseignement propre du Sauveur, mais la foi de songlise, aprs plus d'un demi-sicle d'exprience ;en un mot, sous les dehors de l'histoire, une compositionimaginaire.

    Tel serait le verdict assur de la critique actuelle. Au point de vue d'une science impartiale, critM. Loisy, la thse de l'authenticit apostolique estsi insuffisamment documente et si invraisemblablequ'elle parat impossible soutenir^. Quant laquestion d'historicit, tous ceux qui envisagerontde sang-froid, sans prjug, l'tat du problme, encomprendront sans trouble ni inquitude l'invitablesolution-.

    Si invitable serait cette solution que M. Loisyentreprend de nous rassurer sur ses consquences.D'aprs lui, dans cette question du quatrime van-gile, qui est, d'ailleurs, le plus grave et le plus diffi-cile problme que prsente l'histoire du NouveauTestament, aucun intrt vital du christianisme n'estrellement en cause. Il ne s'agit que de prciser lesens d'un livre qui, en toute hypothse, reste unedes bases de l'difice chrtien ^ La valeur du qua-trime vangile, dit-il encore, ne sera pas diminueparce qu'on n'y recherchera plus de renseignementshistoriques sur le Christ. Le Christ ne laisse pas d'ytre vivant en esprit. L'cho de la parole vangliquey est infiniment plus lointain que dans les Synopti-

    * Loisy, Le quatrime vangile, p. 130. Id., ibid., p. 139. Id.. ibid.

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    ET M. LOISY 5ques : mais ce qu'on y entend est toujours une paroleprofondment chrtienne, dont le souffle, disons encorel'esprit, car c'est l qu'il faut toujours en venir,est vraiment celui de Jsus... Les pitres de Pauloccupent lgitimement leur place dans le NouveauTestament : pourquoi le quatrime vangile n'au-rait-il pas droit la sienne ? Pourquoi son ensei-gnement ne mriterait-il pas d'tre gard avec lemme respect, la mme pit que celui de Paul?Pouiquoi cesserait-on d'y trouver le Christ? Et sil'on interprte les rcits eux-mmes comme un ensei-gnement, quel dommage en rsulte-t-il pour le Christqui en est l'objet^ ?

    Or, examinons d'abord, la suite de M. Loisy, laporte qu'il convient de reconnatre son hypothse. La valeur du quatrime vangile, nous dit-on,ne sera pas diminue parce qu'on n'y recherchera plusde renseignements historiques sur le Chrisl. Il fauts'entendre. Le quatrime vangile ne sera pas sansgarder une valeur relle, une valeur trs grande : soit.Mais, qu'il garde la mme valeur, une valeur demme ordre et de mme degr : on ne peut srieuse-ment le prtendre.Dans la thorie propose, notre crit devient uneinterprtation de l'histoire vanglique, faite selonles ides thologiques et les tendances mystiques dela troisime gnration chrtienne. De ce chef, ilreste un tmoin de la foi de l'ghse. aux premiresannes du second sicle, comme les pitres de saintPaul le sont pour les annes qui suivirent la mortdu Sauveur. Bien plus, prendre dans leur rigueurles expressions de ^L Loisy, le thologien trouveraitdans le quatrime vangile, au mme titre que dansl'uvre de l'Aptre, une valeur relle pour la forma-tion de la foi. Ce qu'on entend dans cet crit est tou-

    Loisy, Le quatrime vangile, p. 138.

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    6 LA QUESTION JOHANNIQUEjours une parole profondment chrtienne, dont...l'esprit... est vraiment celui de Jsus . C'est unlivre essentiellement chrtien, d'un christianismeplus savant, non moins profond et vrai, que celui dela gnration apostolique ))^. La thologie johannique,nous assure-t-on encore, est une interprtation del'vangile primitif, suggre et autorise par l'Espritde Jsus. ))^ L'esprit de Jsus... a suggr ce quiconvenait pour interprter l'vangile sans l'altrer. ^Tout cela est fort bien et maintient au quatrimevangile une incontestable valeur. Mais, jusqu'prsent, l'historien croyant lui accordait davantage.Il y voyait, aussi bien que dans les vangiles synop-tiques, une relation autorise des actes et des parolesde Jsus ; et parce que, dans cet crit, l'exactitudede l'histoire lui paraissait s'allier la beaut de ladoctrine, il n'hsitait pas lui donner un rang d'hon-neur parmi nos livres sacrs. Or, c'est cette valeurspciale de document historique que perd l'vangilede saint Jean dans l'hypothse de M. Loisy. Il peutencore tre plac ct des pitres de saint Paul,mais non sur le mme pied que les trois premiersvangiles; si l'on y retrouve l'esprit du christianisme,l'Esprit mme de Jsus, il ne retrace plus la vie relle

    * Loisy, Le quatrime vangile, p. 123. Id., ibid., p. 783.' Id., ibid. , p. W. Cl. Autour d'un petit livre, -. i(il :

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    ET M. LOISY 7ni la parole authentique du Matre : il reprsenteencore le Christ de la foi, mais ce n'est plus le Christde l'histoire. tant donn le contraste qu'on s'efforcetrop souvent d'tablir entre ce Christ de la foi et ceChrist de l'histoire, et moins de dire qu'il n'importepas la croyance d'tre appuye rationnellementsur les faits, il faut bien convenir que la valeur duquatrime vangile se trouve, non certes annihile,mais considrablement amoindrie, et presque totale-ment transforme.Sans doute, l'on peut accorder M. Loisy que,dans son hypothse, aucun intrt vital du christia-nisme n'est rellement en cause. Le bien-fond dela foi chrtienne ne dpend, en effet, ni uniquement,ni essentiellement, de la solution du problme. Avantque le quatrime vangile et vu le jour, les fidlesavaient leur foi au Christ trs assure : ils l'appuyaientsur le tmoignage des vangiles synoptiques, et, avantles Synoptiques, sur le tmoignage de la traditionvivante, magnifiquement atteste par les pitres desaint Paul, comme sur l'exprience intime de la pr-sence continue et de l'action permanente da Christdans son glise. Mais, de ce que le christianisme apu et pourrait encore se passer de ru%Te de saintJean, il ne s'ensuit point qu'elle soit sans importancepour lui et qu'on puisse la sacrifier de gat de cur-Tel qu'il tait envisag jusqu' nos jours, l'vangilejohannique tait, avec les trois premiers, une desbases historiques de notre foi. Si cette foi est par ail-leurs assez bien tablie pour n'avoir rien craindrede l'branlement de ce fondement partiel, elle est aussitrop prcieuse pour qu'on n'estime pas infinimenttout ce qui contribue l'affermir et l'assurer.Le problme johannique a donc plus d'importanceque ne semble dire M. Loisy, et sa solution entrainedes consquences plus graves qu'il n'a l'air de sup-poser. Malgr tout, le critique estime son hypothse

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    8 LA QUESTION JOHANNIQUEncessaire. A l'en croire mme, nous ne tiendrionsencore l'authenticit et l'historicit de l'vangilede saint Jean que par proccupation dogmatiqueou prjug de sentiment. S'il s'agissait, crit-il,d'un livre ordinaire, si un grand intrt thologiquen'tait, ou ne semblait engag dans la question johan-nique, celle-ci paratrait claire tous les yeux. Onne se fait pas l'ide que l'on a pu tenir pour parolevanglique des discours que Jsus n'a jamais pro-noncs, pour faits historiques des allgories conuespar l'vangliste, pour doctrine du Christ touchantsa propre personne une thorie qui doit beaucoup la philosophie judo-alexandrine^.

    Ces rflexions paraissent appeler de srieusesrserves. Il est certes fort grave d'accuser de partipris les nombreux crivains, tant protestants quecatholiques, qui soutiennent encore la thse tradition-nelle. Nous aurons voir si leur attitude ne se trouvepas justifie au nom mme de la critique. Qu'on nouslaisse pour le moment observer que l'intrt doctrinal,le sentiment pieux, s'ils ne sauraient autoriser maintenir la thse ancienne contre des argumentsnouveaux, probants et dcisifs, sont nanmoins desmotifs bien suffisants de soumettre ces argumentsnouveaux un examen rigoureux. Sans laisser d'en-visager de sang-froid l'tat du problme, sanstenir un prjug aveugle qui nuirait l'impartia-lit du critique, il nous est bien permis de ne pas nousrsigner facilement une hypothse qui, on en con-vient, porte une certaine atteinte nos croyancessur l'histoire et l'enseignement du Sauveur.M. Loisy, sans doute, se plat relever hautement l'esprit purement critique de ceux qui admettentson hypothse^, signaler au contraire avec une cer-

    * Loisy, Le quatrime vangile, p. 137. Cf. Cheyne. Bible Pro-blems andnew Material for their Solution, hon.on, 1904, p. 40-41.

    * Loisy, ibid., p. 49, note 5 : L'esprit de VEncyclopsedia

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    ET M. LOISY 9taine dfaveur la tendance apologtique de ceuxqui ne l'admettent pas^. En ralit, est-ce que lesprtendus purs critiques se contentent d'enregistrerles rsultats d'un examen tout objectif ? N'ont-ilspas, eux aussi, des principes qui guident leur analyse,des ides gnrales qui servent de base leurs conjec-tures, des thories et des conceptions systmatiquesauxquelles ils ramnent, et parfois plient violemment,tout le reste ? Comme l'observait rcemment un par-tisan de la thse traditionnelle, qui ne se dfend pasde faire de l'apologtique : Nous sommes tous aufond des apologistes, en ce sens que tous nous estimonscertaines conclusions prfrables d'autres. Il n'estpersonne qui entreprenne d'crire sur un sujet quel-conque avec son esprit l'tat de table rase. Tous nouspartons d'un certain nombre de principes gnraux,conscients ou inconscients, fermes ou provisoires.Tous nous donnons naturellement la prfrence ce qui s'harmonise le mieux avec ces principes, quelquetravail d'adaptation qu'il faille faire, le long de laroute, pour assortir les conclusions principales auxsecondaires, aussi bien que les conclusions secondairesaux principales^. Et depuis quand y a-t-il opposition ncessaireentre le respect de la tradition et la recherche de lavrit ? La tendance apologtique, pourvu qu'ellesoit sans parti pris, impartiale et loyale, non seule-biblicar^ni a paru sous la direction de Cheyne, est purementcritique (articles sur les , vangiles de E. A. Abbott, et P.W. Schmiedel). Id., ibid., p. 150 : Le commentaire de H. Holtz-mann est conu dans un esprit purement critique ; c'est unmodle d'analyse littraire et historique.

    1 Loiy, Chronique biblique. dan la /efM d'Ats/., 1904, p. 493-Compte rendu de l'ouvrage de V. H. Stanton, The Gospds as histo-rical Documents : La critique de M. Stanton est trs bieninforme, trs attentive, trs pntrante, et aussi trs circons-pecte, sans parti pris, mais avec une tendance apologtique net-tement accentue.

    * Sanday, The Criticism ofthe fourth Gospel, i^Oo, p. 3, 4, cf. p. x.1.

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    10 LA QUESTION JOHANNIQUEment n'est point inconciliable avec l'esprit critiquemais, dans une certaine mesure, peut et doitfaire partie du vritable esprit critique ^. Pour ce quiregarde, en particulier, l'origine de l'vangile johan-nique, nous sommes positivement autoriss ne pointnous presser d'abandonner la tradition sur ce point,par le rsultat mme des rcents travaux accomplissur l'ensemble de l'ancienne littrature chrtienne.N'est-ce pas M. Harnack qui, dans la prface saChronologie, parle du mouvement rtrograde de lacritique vers la tradition, amen par les recherchesscientifiques des vingt dernires annes?" Je ne crainspas, dit-il, d'employer le mot rtrograde : il faut appelerles choses par leur nom, et, dans la critique des docu-ments dii christianisme primitif, nous sommes sanscontredit dans un mouvement de retour la tradi-tion... Un moment viendra, et il est proche, o l'onne se proccupera gure plus de dchiffrer les pro-blmes d'histoire littraire, parce que la chose impor-tante dcider sera gnralement reconnue, savoirl'exactitude essentielle de la tradition, peu d'excep-tions prs ^. ))Tout rcemment encore, le mme critique ne dcla-rait-il pas offrir, ceux qui s'taient montrs scan-

    daliss des paroles crites en 1897, c une nouvellepreuve de leur vrit, en publiant l'ouvrage o ildmontre l'authenticit du troisime vangile etdes Actes des Aptres, attribus traditionnellement saint liuc^?

    Par le fait, il y a soixante ans, c'tait Baur qui tait* Sanday, Fourih Gosp., p. 5 : Il peut y avoir une apolof^ie

    scientifique, ou une science apologtique, qui mrite de comj)lerparmi les branches de la vraie science. * Harnack, Die Chronologie der allchrist- Litteratur, t. I. 1897,

    p. X, XI.* Id., Lukas der Arzt, der Verfasser des dritten Evangeliums undApostelgeschichte, 1906, p. ni.

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    ET M. LOISY 11dans l'erreur, lorsque, au nom de la critique, il repor-tait au milieu du second sicle la composition destrois premiers vangiles, et la fin celle du quatrime.Ceux qui contre lui dfendaient la date traditionnellese trouvaient en ralit dfendre la vrit. De mme,les savants les plus en renom s'accordaient rejeterl'authenticit des pitres, dites de saint Ignace d'An-tioche, quand Zahn et Lightfoot entreprirent deremonter ce courant d'opinion. Ils durent s'en excuser. On nous a dit plus d'une fois, crivait Lightfootdans la prface son grand ouvrage, que tous lescritiques impartiaux ont condamn comme apo-cryphes les pitres ignatiennes. Mais cet essai d'in-timidation morale est indigne des crivains minentsqui l'ont parfois employ, et coup sr on ne lui per-mettra pas d'interdire par avance toute nouvelleinvestigation^.

    Ainsi, il est fort possible que la vrit ne se trouvepas du ct de ceux qui attaquent l'authenticit duquatrime vangile, mais plutt du ct de ceux quila dfendent. En tout cas, les confirmations apportespar une critique rcente la tradition ancienne surnombre de points importants, antrieurement con-tests, justifient pleinement l'attitude de l'apologiste l'endroit de notre thse : elles l'autorisent demander,pour l'abandon d'une tradition fortement atteste etvoisine des origines, autre chose que des conjecturesplus ou moins plausibles. "4

    Or, ce que l'on nous propose, ce sont prcismentdes opinions individuelles, qui ne peuvent aucunementse rclamer de l'approbation commune des critiques.A l'heure actuelle, en effet, le plus grand nombredes savants indpendants reconnaissent encore auquatrime vangile une certaine dpendance rellevis--vis de la tradition de saint Jean. A la suite de

    * Lightfoot, St. Ignatius, 1885.

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    12 LA QUESTION JOHANNIQUERenan^ et de Weizscker^.M.Harnack^ y voit l'uvred'un disciple de l'aptre, qui aurait consign en partieles souvenirs retenus de son matre. C'est l'opinionadmise par M. Moffatt*, M. Ga^dne^^ M. Abbott*lui-mme, et d'autres encore. Chose remarquable,M. Julicher a cru devoir abandonner, sur ce point,son opinion antrieure, plus radicale, et en vientmaintenant' reconnatre dans notre crit un certainnoyau traditionnel remontant saint Jean.

    D'autres critiquesvont plusloin.D'ap^sMM.Wendt^Soltau, Briggs^, le quatrime vangile repose surune sorte de document primitif, compos directementpar le fils de Zbde, puis retouch et compltpar un rdacteur final.

    D'autres enfin n'hsitent pas maintenir l'authen-ticit parfaite de notre crit. Ce ne sont pas seulementdes cathohques, tels que Schanz^^, le P. Gornely^^,le P. Knabenbauer^^, M. Fillion^^ M. Mangenot ^*,

    * Renan, Vie de Jsus, IS^ ;d., 1867, p. 476 sq. ; L'glise chr'tienne, 1879, p. 58 sq.

    * Weizsacker. Dos apostolische Zeitalter, 3 d., 1902, p. 517 sq.' Harnack, Ohronol., t. i, p. 677.* Moffatt, The historical New Testament, 2^ d., 1901, p. 495 sq.' P. Gardner, A historical View of the New Testament, 1901.* E. A. Abbott, art. Gospels, dans l'Enc. bibl., t. n, col. 1794 sq *' Julicher, Einleitung in das N. T., 3 d., 1901, p. 335 sq.* Wendt, Die Lehre Jesu, 2 d., 1901 ; Das Johannesevangeiium,

    1900.' Soltau, Zum. Problem des Johannesevangeliums, dans la Zeit.

    neut. Wiss., 1901, p. 140-149.^' Briggs, General Introduction ta the Study of, Holy Scripture,1899, p. 327 ; New Light on the Life of Jsus, 1904, p. 140,

    158," Schanz, Evangelium des heiligen Johannes, 1885.^* Cornely, Historica et critica Introductio in V. T. libros sacros.

    Introd. spec, t. m, 1886." Knabenbauer, Evangelium secundum loannem, 1898." Fillion, vangile selon saint Jean, 1887." Mangenot, art. Jean {vangile de S.), dans le Dict. de la B.,t. m, col. 1167-1191.

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    ET M. LOISY 13Mgr BatiffoP, le P. Calmes 2, Fouard^, mais dosprotestants, soit de langue franaise, comme Godet *,soit de langue allemande, comme MM. B. Weiss ^,Resch^, Zahn", soit d'Angleterre, comme MM. Rey-nolds^, Stanton^, Drummond^", Sanday".Parmi ces noms, il en est qui font tout particulire-ment autorit. La comptence de M. Theodor Zahnest universellement reconnue en ce qui concerne l'his-toire de l'ancienne littrature chrtienne. M. BernhardWeiss est rput un matre dans l'exgse vang-lique. M. Sanday est en Angleterre un des savantsles plus considrs pour ses travaux sur le NouveauTestament. Mais l'crivain dont l'autorit apparatpeut-tre la plus significative en l'espce, est M. Drum-mond. Deux choses contribuent donner l'opinionde ce critique une importance spciale : d'une partses remarquables travaux sur Philon et les origineschrtiennes ^* le prparaient mieux que personne apprcier le rapport de notre vangile avec la phi-losophie d'Alexandrie ; d'autre part, il tait plus que

    * Batiffol, Six leons sur les vangiles, 4 d., 1897.* Calmes, L'Evangile selon saint Jean, 1904.* Fouard, Saint Jean et la fin de l'ge apostolique, 1904.* Godet, Commentaire sur l'vangile de saint Jean, 1881 ;4e d., t. I, 1904.* B. Weiss, Das Johannes-Evangelium, 9^ d., 1902 ; Einleitung

    in das N. T., 3^ d., 1897.* Resch, Aussercanonische Paralleltexte zu den Evangelien.IV Heft ; Paralleltexte zu Johannes, dans les Texte und Unter-

    suchungen, t. x, part. 4, 1896.' Zahn, Einleitung in das N. T., 2* d., t. n, 1900.* Reynolds, art. John (Gospel of), dans le Dict. of the B., t. n,

    p. 694-728.' Stanton, The Gospels as historical Documents. Part I : The

    early Use of the Gospels, 1903." Drummond, An Inquiry into the Character and Authorshipof the fourth Gospel, 1903." Sanday, The Criticism of the fourth Gospel, 1905.1* Drummond, Philo Judseus, or The Jewish-Alexandrian Phi-losophy in its development and completion, 1888.

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    14 LA QUESTION JOIIANNIQUEtout autre, par l'effet de son ducation antrieure,port considrer la cause de l'authenticit johanniquecomme dfinitivement perdue. Mes deux principauxmatres, dit-il, le Rv. J. J. Taylor et le D"" Martineau...rejetaient avec une gale assurance l'origine johanniquedu quatrime vangile... Toujours je me suis sentipour eux plein de dfrence, et j'ai plutt tendance suspecter mon jugement propre, ds qu'il se trouveoppos au leur ^ Or, un examen personnel de laquestion a amen M. Drummond se prononcer enfaveur de la thse traditionnelle, et, dans son rcentouvrage, il expose longuement les motifs qui l'ontfait revenir du prjug de son ducation thologique.La question d'authenticit pour l'vangile desaint Jean est donc loin d'tre dfinitivement lsoluodans le sens ngatif, et l'on peut mme croire qu'il ya plutt en certains milieux un mouvement de retouraux donnes de la tradition. M. Loisy lui-mme,qui nous parlait si dcisivement de l'invitablesolution , ne peut s'empcher de faire cet aveu : Pour qui veut seulement compter et peser les voix,sans prendre position dans le dbat, la question del'authenticit johannique est toujours ouverte^. Le critique, il est vrai, s'empresse de remarquerque la plupart des dfenseurs de l'authenticit johan-nique font des concessions importantes en ce quiregarde l'interprtation du livre, dont on abandonneplus ou moins le caractre historique, tant pour lesrcits que pour les discours ^. La majorit des par-tisans de l'authenticit, dit-il, reconnat dans notreEvangile une part d'idahsme et l'influence desdoctrines particulires de l'vangliste *, Or, fait-ilobserver, la difficult pour les tenants d'opinions

    Drummond, Fourth Gospel, p. VDI.Loisy, Le quatrime vangile, p. 52.

    * Id., \bid* Id., ibid

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    ET M. LOISY 15semblables est de dterminer en fait la mesure d'ida-lisme et la mesure d'authenticit qui conviennentaux rcits et aux discours examins dans leur ensembleet dans leurs dtails. ^Lui-mme n'est pas satisfait des essais qui ont ttents en vue d'tablir cette distinction, et volontiersil dclare l'entreprise impossible. A son sens, il n'y apas chercher dans notre crit la part de l'idal etcelle du rel, le rle du symbolisme et celui de l'his-toire : l'vangile est un, il porte le mme caractred'un bout l'autre, et il est tout entier allgorie. Telest le principe qui doit guider la solution dela question johannique. N'tant qu'une grande all-gorie thologique, le quatrime vangile ne peut trel'uvre d'un aptre direct du Sauveur.

    Mais cette manire d'apprcier le contenu de notreouvrage parait fort trange qui a lu ses rcits vivantset circonstancis ; elle oblige d'ailleurs le critique des interprtations bien extraordinaires, par la nces-sit de tout expliquer par la loi de l'allgorie : celadonne le droit d'en suspecter par avance le bien-fond.M. Loisy lui-mme parat si peu rassur sur sonhypothse qu'il envisage le cas o elle serait premptoi-rement rfute. Les arguments contre l'apostolicitdu livre, dit-il, subsisteraient tout entiers quandmme toutes les hypothses des critiques, commencerpar celle qui vient d'tre dveloppe, seraient insuf-fisantes ou mme fausses. ^ L'aveu est retenir. Parailleurs, la proposition est quelque peu singulire.Il semble bien difficile que l'on prouve l'insuffisanceet mme la fausset de toutes les hypothses descritiques, y compris celle de M. Loisy, sans que l'ontabhsse par l mme indirectement la vrit de lathse traditionnelle.

    Chose trs significative, cette thorie idaliste,' Loisy, Le quatrime vangile, p. 48. Id., ibid., p. 136.

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    16 LA QUESTION JOHANNIQUEqui est substantiellement celle que prsentaient Bauret Strauss, au milieu du xix^ sicle, est aujourd'huipresque universellement abandonne. A peine est-ellesoutenue par deux ou trois critiques isols, commeM. Loisy, M. J. Rville ^ et M. Schmiedel. 2 Elle n'estpas mme approuve de M. H. Holtzmann^ quiretrouve un fond traditionnel autoris en diversendroits de notre crit. M. Loisy parat en convenir. L'histoire de la critique, dit-il, laisse une impressionaussi douteuse que la discussion du tmoignage tra-ditionnel. Aucune hypothse n'a pu rallier les suffragesdes exgtes les plus clairvoyants, qui presque tousont la leur. ^ A l'heure prsente, il semble que lamajorit des critiques attribue encore une certainevaleur historique au quatrime vangile. ^

    S'il en est ainsi, l'hypothse de l'allgorisme intgralne peut donc tre apporte ds l'abord comme unargument dcisif contre l'authenticit de notre crit.Au contraire, l'accord gnral des critiques les plusindpendants parat garantir l'avance cet vangileun certain fond de tradition johannique, par cons-quent une certaine authenticit. Ce nous est, en toutcas, une invitation trs positive rechercher d'aborddans quelle mesure cette authenticit peut et doittre reconnue.Au dire de M. Loisy, la question d'historicitprime la question d'authenticit, ^ parce que, aupoint de vue de la vraisemblance historique, une cer-taine mesure et une certaine forme d'idalisationparaissent peu conciliables avec l'authenticit johan-

    * J. Rville, JLe quatrime vangile. 1901.* Schmiedel, art. John, Son of Zebedee, dans VEnc. bibl., t. n>

    col. 2504-2562.* H. J. Holtzmann, Das Evangeliam des Johannes, 2

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    ET M. LOISY 17nique, n^et que le caractre non historique du qua-trime vangile se dmontre indpendamment dela question d'auteur ^.Mais, ce qui est encore plus certain, c'est que laquestion d'auteur peut aussi se rsoudre indpendam-ment de la question d'historicit. Or, n'est-il pas plussage, critiquement parlant, de faire passer une tudeplus facile faire et moins sujette Terreur, avant un&tude plus dlicate et particulirement dpendantedes influences subjectives ? Il est incontestable quel'examen de l'historicit prte facilement l'illusionet l'arbitraire. Comment prciser la (> mesure etla forme d'idalisation, qui, au point de vue de lavraisemblance, paraissent peu conciMables avec l'au-thenticit johannique? L'esprit de systme peut ais-ment influer sur cette apprciation. L'tude de l'au-thenticit, au contraire, est d'un ordre beaucoupplus objectif. Le tmoignage de la tradition est rela-tivement ais constater. D'autre part, les caractresinternes du liATe peuvent fournir des indicationssuffisamment claires sur son origine et son auteur.Nous pouvons donc retourner la proposition de >L Loisy,et dire : la question d'authenticit prime la questiond'historicit.

    Sans doute, si l'tude de l'authenticit ne donnaitque des rsultats douteux ou quivoques, nous devrionsrserver la solution jusqu'aprs examen dtaill del'historicit, lequel influerait dans un sens ou dansun autre sur la dcision dfinitive. Mais il peut se faireaussi que le tmoignage externe de la tradition etle tmoignage interne du li\Te soient par eux-mmessi prcis et si clairs qu'ils fournissent dj une rellecertitude sur son origine. Il est vident que, dans cecas, il faudrait reconnatre par avance notre crit

    ^ Loisy, Le quatrime vangile, p. 53. Id., ihid., p. 136.

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    18 LA QUESTION JOHANNIQUEune valeur historique considrable, en rapport avecla qualit mme de son auteur.

    C'est ce que nous allons vrifier.Nous essayerons de dterminer tout d'abord quellepoque remonte la composition du quatrime vangile

    et dans quelle contre a eu lieu sa publication. Nousnous poserons ensuite cette question : Est-ce quel'aptre Jean, donn comme auteur de cet van-gile, tait prsent dans la rgion et l'poque ol'ouvrage a vu le jour ? Ce point fondamental lucid,nous examinerons de plus prs la valeur des attesta-tions traditionnelles qui rapportent notre livre saint Jean, puis le tmoignage que rendent son ori-gine les autres crits dits johanniques , enfin lesindications que fournit le document lui-mme relati-vement son auteur.

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    CHAPITRE IIL'POQUE DE COMPOSITION ET LE LIEU

    DE PUBLICATION DU QUATRIME VANGILE I. L'poque de composition.

    Pour dterminer l'poque laquelle a t composle quatrime vangile, il est ncessaire de nousadresser en premier lieu aux documents de l'anciennelittrature chrtienne, dont l'tude a t porte denos jours un si remarquable degr de prcision.Interroger ces documents, au pralable classs d'aprsleur ge, certain ou probable, examiner leurs pointsde contact avec l'vangile johannique, discuter leurdpendance son endroit, apprcier finalement letmoignage qu'ils lui rendent : tel est le procd decritique externe, qui, sauf tre complt par lacritique interne du document, doit aboutir fixerl'origine de notre crit.Or, qui entreprend cette recherche, un fait trssaillant se laisse d'abord constater. Vers le dernierquart du ii^ sicle, entre l'an 170 et l'an 200, unnombre imposant de tmoignages montrent le qua-trime vangile reu, et regard comme d'originedj ancienne, dans les diverses parties de l'glise.

    Les trois crivains de cette priode dont nouspossdons des ouvrages un peu considrables. Clment

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    20 ORIGINE DU QUATRIME VANGILEd'Alexandrie 1, en Egypte (190-203), TertuUien^, Carthage (190-220), saint Irne^, Lyon (177-189),le citent frquemment. De son ct, Tatien, dansson Diatessaron'^, rdig trs probablement en yriaquepxjur l'glise d'phse (175-180), harmonise cetEvangile avec les trois premiers. Le Canon dit deMuratori^ le compte dans la liste des critures quelit officiellement l'glise de Rome (170-210). D'autrescrivains encore ne laissent pas d'y faire allusiondans les courts fragments conservs de leurs crits.Tels, Polycrate^ vque d'phse (190), Thophile^vque d'Antioche (180'-185), Mliton^ vque de

    ^ Clment d'Alex., Cohortatio ad Gentes, i, ix, x ; Psedagogus,I, n, m, V ; II, ni.

    ^ TertuUien, Liber de Oralione, passim ; Liber de Baptismo,passim ; Adversus Praxeam ; Adversus Marcionem ; Liber de anima:De carne Christi." Irne, Contra hreses, passim. La Lettre des chrtiens deLyon et de Vienne leurs frres d'Asie et de Phrygie (Eusbe,

    Hist. eccL, V. i-iii), qui date de 177-178, a plusieurs emprunts auquatrime vangile, comme l'Apocalypse ; elle cite en parti-culier Jean, xvi, 2.

    * Essai de reconstitution du Diatessaron dans Zahn, Forschungenzur Geschichte des Neut. Kanons, i Theil : Tatian^s Diatessaron,Erlangen, 1881. Traduction anglaise par le Rv. Hogg, AnteNicene Christian Library, additional vol., Edinburgh, 1897.* Le texte dans Preuschen, Analecia, Freiburg, 1893, p. 129 sq. ;Zahn, Geschichte des Neut. Kanons, t. n, p. 139 sq. : En quatrimelieu, l'vangile de Jean d'entre les disciples. Celui-ci, exhortpar ses condisciples et vques, leur dit : Jenez avec moi, aujour-d'hui et ces trois jours, et ce qui aura t rvl chacun, nousnous le ferons connatre mutuellement. La mme nuit, il futrvl Andr d'entre les aptres que Jean fit en son nom unerelation de toutes choses, qui serait approuve de tous... Quoid'tonnant, si Jean se prononce si fermement dans ses ptres,disant de lui-mme : Ce que nous avons vu de nos yeux, ou de nos oreilles et palp de nos mains, c'est ce que nous vous avonscrit. Par l, en effet, il se dclare, non seulement tmoin ocu-laire et auditeur, mais encore crivain de toutes les merveillesdu Seigneur.

    * Polycrate, Lettre au pape Victor, dans Eusbe, //. E., V, xxiv.' Thophile, Ad Autolycum libri trs, II, 22.* Mliton, Fragni., vu, tir d'Anastase le Sinate, Dux vix, 13-

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    POQUE DE COMPOSITION 21Sardes (160-180), Apollinaire^, vque d'Hirapolis(vers 170), Athnagore -, le philosophe apologiste(176-180). Enfin, vers la mme poque, les Actesdoctes de Jean,^ attribus Leucius (160-180), sonten dpendance de notre document, et le paen Celse*tire de cet vangile comme des trois premiers les ob-jections qu'ils'efforce d'opposer auxchrtiens(176-180).

    Ainsi se constate, autour des annes 170-200, unediffusion trs vaste de l'vangile johannique, tant enOccident qu'en Orient : Lyon, Rome et Car-thage, comme Alexandrie, en Syrie et en Asie-Mineure.

    D'autre part, ds cette mme poque et d'unefaon aussi universelle, l'on croit l'origine anciennedu quatrime vangile, si bien que la plupart destmoins que nous avons mentionns, non seulementconnaissent et utilisent cet crit, mais encore leregardent comme l'uvre de l'aptre saint Jean.En Occident, Tertullien attribue Jean, le disciplebien-aim^ et aptre du Seigneur^, le quatrime van-gile ', aussi bien que l'Apocalypse et la I' ptre ^.

    ^ Apollinaire, dans la Chronicon Paschale, dit. Dindorf, p. 13 sq.^ Athnagore, Legatio pro Christianis, 4, 6, 10.* Dans Lipsius-Bonnet, Acta Apostolorum apocrypha, 11^ part.,

    Leipzig, 1898, t. i, p. 151-216 : Acta Joannis, passim. D'aprsHarnack, Chronologie, t. n, p. 174, les Actes datent de 130-200

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    22 ORIGINE DU QUATRIME VANGILED'aprs lui, c'est une vrit reue dans l'glise quenos quatre vangiles reposent sur l'autorit aposto-lique, deux d'entre eux ayant t rdigs par desdisciples directs d'aptres, et les deux autres, dontcelui qui nous occupe, par des aptres mmes. D'entreles aptres, dit-il, Jean et Matthieu nous donnent lafoi ; d'entre les disciples, Luc et Marc nous la renou-vellent ^ Le Canon de Muratori montre pareillementle quatrime vangile tenu Rome pour l'uvre de Jean d'entre les disciples , c'est--dire, n'enpas douter, de Jean l'aptre ^, tmoin oculaire etauditeur direct... des merveilles du Seigneur ^ En Orient, mmes attestations. A l'exemple deTertullien, Clment d'Alexandrie cite sous le nomde Jean l'aptre* le quatrime vangile^, comme laI^e ptre^ et l'Apocalypse'. Lui aussi nous rapporte,sur la foi de presbytres jadis consults, une petitenotice littraire concernant les vangiles ; l il dclareque Jean, le dernier de tous, voyant que les van-giles antrieurs avaient manifest les choses corpo-relles du Christ, composa, sur les instances de sesfamiliers et divinement port par l'Esprit, un van-gile spirituel ^. De son ct, Thophile d'Antioche,allguant les premires paroles du quatrime van-gile, les attribue d'une faon toute naturelle Jean' ,et la manire dont il suppose ce personnage bien connu,

    ' Tertullien, Adversus Marcionem, IV, n, cf. v.* La raison de cette appellation parat tre que Jean se dsignelui-mme comme disciple dans son vangile. Cf. Abbott, art.

    Gospels, col. 1821, note i.' Voir ci-dessus, p. 20, note 5.* Clment d'Alex., Strom., V, XII; cf. Excerpta ex Theodoto, XLI ;

    Quis dives salvetur? XLn.* Id., Pasdagogus, I, VI ; Excerpta ex Theodoto. VI.* Id., Peedagogus, lll, xn ; Strom., II, XV; III, IV, V, VI; IV, XVI;

    V, XII ; Quis dives salvetur ? XXXVn.' Id., Strom., VI, xin.' Id., Hypotyposes. Dans Eusbe, H. E., VI. xiv.* Thophile, cit ci-dessus, p. 20, note 7.

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    POQUE DE COMPOSITION 23compare tout l'tat de la tradition asiatique sonpoque, ne permet pas de douter que, pour lui, commepour Clment d'Alexandrie, il ne s'agisse de l'aptrede ce nom.En posant en principe qu'il ne saurait y avoir decontradiction entre les vangiles sur la date ducrucifiement. Apollinaire d'Hirapolis ^ tmoigne demme qu'il place notre crit sur le mme niveau que lesSynoptiques, et admet ainsi son apostolicit -. LesActes de Jean sont plus exprs encore : on y voitl'aptre s'approprier ce qui est dit du disciple bien-aim, tmoin et auteur de l'vangile, et non seulementrappeler qu' la Cne il reposa sur la poitrine duSauveur,^ mais encore, comme pour autoriser la doc-trine secrte consigne en ces Actes apocryphes,imiter la rflexion finale de l'vangliste, en disant : Il m'est impossible d'crire tout ce que j'ai vu etentendu.*

    Enfin, tradition occidentale et tradition orientalese trouvent pour ainsi dire rsumes en saint Irnedevenu vque de Lyon, mais demeur en relationstroites avec l'Asie-Mineure, dont il tait originaire.A l'exemple de Tertullien et de Clment d'Alexandrie,Saint Irne cite frquemment le quatrime van-

    ^ Apollinaire, cit ci-dessus, p. 21, note 1.' Schmiedel, art. John, col. 2545. Harnack, CArono/.. t.i, p. 673:Nous pouvons tenir pour probable que dj autour de 170 Apol-

    linaire d'Hirapolis attribuait le quatrime vangile Jean, le filsde Zbde. Cf. Loisy, Le quatrime vangile, p. 30, note 2.

    ' Lipsius-Bonnet, Acta apost-, II* part., t. i, p. 195.* Id., ibid., p. 194. Cf. James, Apocrypha anecdota, dans les

    Tex^s and 5'tudi^s, sr. II,1897,p.l49;Zahn, For5c/i., t. vi, p. 194sq. ; Schmidt, Die alten Petrusakten in Zusammenhang der apo-kryphen Aposlellitteratur, dans les Texte und Unters-, t. xxiv,part. I, 1903, p. 26 ; Liechtenhan, Die pseudepigraphe Littera-tur der Gnostiker, dans la Zeit. neut. Wiss-, 1902, p. 229 sq. ;Drummond, Fourih Gosp., p. 344, 345. Harnack, Chrono., 1904,t. n, p. 174, regarde comme acquis, la suite des dmonstra-tions de K. Schmidt, que * les Actes supposent les crits johan-niques canoniques .

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    124 ORIGINE DU QUATRIME VANGILEgile^, aussi bien que l'Apocalypse^, et les ptres^,en les rapportant Jean , le disciple du Sei-gneur*. Il prcise davantage encore dans la noticequ'il consacre aux quatre vangiles : Jean, dit-il,le disciple du Seigneur, qui reposa sur la poitrine duSeigneur, donna lui aussi un vangile, tandis qu'ilrsidait phse en Asie ^.

    Ainsi, au dernier quart du second sicle, la croyancesemble gnrale dans les diverses parties de l'glise,soit en Orient, soit en Occident, que le quatrimevangile est l'uvre de l'aptre saint Jean. Une seulenote discordante se fait entendre dans ce concertunanime de tmoignages. Autour de 165^, l'on voitapparatre en Asie une cole, ou une secte, qui rejetteles crits johanniques. Saint Irne ', parlant de lancessit d'admettre iCS quatre vangiles reus detradition apostolique, condamne vivement ceux quis'cartent de cette tradition. Il invective en parti-culier certaines personnes, qui, par opposition ladoctrine de l'effusion du Saint-Esprit, telle que lasoutenaient sans doute les montanistes, rejettentl'vangile de saint Jean, qui parat consacrer cettedoctrine et sert de point d'appui aux hrtiques enquestion. Ces adversaires du quatrime vangile

    1 Irne, C. H.,U, n, 5; xxii, 3; III, vm, 3; xi, 1, 9; xvi, 5;IV, n, 3 ; \% 1 ; X, 1 ; V, xvni, 2.

    ^ l., ibid., I, XXVI, 3 ; IV, xiv, 2 ; xvn, 6 ; xvm, 5 ; xxx, 4 ;V, XXVI, 1 ; xxvin, 2 ; xxxiv, 2 ; xxxv, 2 ; xxxvi, 3.

    * Pour la P ptre : Irne, C. H., III, xvi, 5 et 8. Pour laIle p. : Id., ibid., I, XYi, 3 et 8.

    * C'est le titre habituel sous lequel il le dsigne. Personne nedoute que, dans sa pense, il ne s'agisse du fils de Zbde.Il ne laisse pas de l'appeler l'aptre s en divers endroits : C. H.I. IX, 3 ; cf. II, xxn, 4 ; Lettre au pape Victor, dans Eusbe, H. E.,V, XXIV.

    Irne. C H., III, i, 1.' Harnack, Chronol.,i. i, p. 379; Zahn, Gesc/j.

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    POQUE DE COMPOSITION 25sont mentionns de nouveau par saint piphane,dans son livre contre les Hrsies*. Le saint docteurles reprsente comme rejetant, non seulementl'vangile, mais tous les crits jolianniques, et lesattribuant l'hrtique Crintlie. Par un jeu demots plein d'ironie, il leur donne le nom d'Aloges.>( Puisque, dit-il, ils ne reoivent pas le Logos, prchpar Jean, on les appellera Alogoi^, > ou privs deraison. Et le nom leur est rest.

    Mais, au point de vue qui nous occupe, l'attitudedes Aloges, loin d'infirmer le tmoignage du reste dela tradition, en ce dernier quart du second sicle, nefait que le confirmer dcisivement. Si l'on avait eualors le moindre soupon que le quatrime vangilefiit d'origine rcente, coup sr c'est ce motif qu'onet fait valoir en premier lieu pour en rcuser l'auto-rit, et l'on n'et pas song en faire honneur unhrtique de la fin du premier sicle, contemporainde l'aptre.Nous pouvons donc considrer la croyance en l'an-ciennet, et mme, si l'on fait abstraction des Aloges,en l'apostolicit du quatrime vangile, comme unecroyance trs gnrale et trs ferme autour des annes170 et 200. Or, une telle croyance suppose de toutencessit que l'crit avait dj effectivement un cer-tain nombre d'annes d'existence, et sans doute circu-lait dans les glises depuis plus d'une gnration :si bien que le seul tat de la tradition, la fin du secondsicle, oblige mettre en fait que l'vangile johan-nique est antrieur, pour le moins, aux annes 140 et130.Renan le reconnaissait quivalemment, lorsqu'ilcrivait : Si vers l'an 170 le quatrime vangile appa-rat comme un crit de l'aptre Jean et revtu d'unepleine autorit, n'est-il pas vident qu' cette date-l

    ^ Epiphane, Hres., li, 1-35. Cf. Philaslrius. Fres., LX.^ Id-, ibid., 3.

    OTTATRIME VANGILE. 2.

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    26 ORIGINE DU QUATRIME VANGILEil n'tait pas n de la veille ^ ? M. J. Rville dit sontour : La place que le quatrime Evangile occupe dsle dernier quart du second sicle dans le recueil desquatre vangiles, que l'on appelle aujourd'hui l'exy-viov TTp[i.oo.pov, implique une existence djancienne ^.

    Cette conclusion, dj solide par elle-mme, se trouveprcise et confirme par l'examen des documents quinous sont rests de la priode antrieure.En remontant la srie des tmoignages, depuifl'an 170 jusqu'au dbut du second sicle et la fin dupremier, nous rencontrons d'abord les disciples desgrands gnostiques, entre 145 et 180, ^ et le mouvementmontaniste, qui prend ses origines en Phrygie vers156-157. * Baur avait jadis prtendu^ que le qua-trime vangile supposait le plein dveloppement dela gnose htrodoxe, et que sa doctrine sur la venuede l'Esprit-Saint tait en dpendance de l'hrsiemontaniste. Aujourd'hui l'on est unanime recon-natre que la dpendance est au contraire du gnos-ticisme et du montanisme vis--vis de notre crit.Et en effet, il est certain tout d'abord qu' partir

    de 145 les premiers disciples des grands chefs gnosti-ques, Basilide et Valentin, connaissaient et exploi-taient comme source autorise l'vangile de saintJean. Saint Irne ^ le montre utilis abondammentpar les Valentiniens en gnral. Il donne, en l'attri-buant Ptolme, disciple personnel de Valentin, unfragment de commentaire du prologue johannique,

    ^ Renan, Vie de Jsus, p. LXIV.* J. Rville, Le quatrime iangile, p. 322.' Harnack, Chronol., t. i, p. 294.* Id., ibid., p. 375. Zahn, Forschungen, t. v, p. 13 sq.* Baur, Kritische Untersuchungen Uber die kanonischen Evan-

    gelien, 1847.* Irne, C. H., I, vro sq.

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    POQUE DE COMPOSITION 27qui a d faire partie d'un ouvrage plus tendu ^. Dansce fragment, Ptoleme se rfre nettement Jean,le disciple du Seigneur , et toute la manire de saintIrne ne permet J3as de douter que l'hrtique n'aiten effet regard l'Evangile comme uvre de l'aptre ^.Au surplus, dans sa Lettre Flora, que nous a conser-ve saint piphane, le mme Ptoleme cite expres-sment le dbut de l'vangile johannique comme asser-tion de l'Aptre ^De son ct, Origne reproduit un certain nombre defragments d'un commentaire du quatrime Evangile,

    qu'il attribue un autre disciple de Valentin, Hra-clon. Or, ce gnostique parat avoir rapport lui aussinotre vangile saint Jean : d'aprs lui, le verset 18 duprologue johannique tait parole non du Baptiste,mais du Disciple. ^ On peut croire, dit M. Loisy, quel'vangUste tait dsign comme disciple par Hra-clon lui-mme, qui entendait le mot disciple au sensd'aptre et l'appliquait Jean. Clment d'Alexan-drie rapporte pareillement des extraits d'un Valentinienoriental, nomm Thodote, et d'autres gnostiques, quiutilisaient le quatrime vangile, et le citaient commede Jean' l'aptreEnfin, l'auteur des Philosophoiimena parat attri-buer Basilide lui-mme, le grand chef gnostique,deux citations de notre document^. Les critiques dis-cutent le bien-fond de l'attribution Basilide, maisne mettent pas en doute qu'elle ne convienne au moins

    Irne, C. H., I, vm, 5. Id., ibid., I, IX, 3.' Dans piphane, Haeres., xxxm, 3 sq.* Dans Origne, In Joan., t. vi, 2.' Loisy, Le quatr. vang-, p. 18, note 1.* Clment d'Alex., Excerpta ex Theodoto, vi-ix. xm, xvn-xix,XXVI, xLi, XLV, etc.' Id., ibid., VI.* Id., ibid., XL, cf. XXXV.* Philosophoumena, vn, 22, 27.

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    28 ORIGINE DU QUATRIME VANGILE son cole, contemporaine de celle de Valentin. Del'aveu de M. J. Rville, qu'il s'agisse de Basilide enpersonne, qui florissait Alexandrie, vers l'an 130, oude l'un de ses disciples, comme il est, sinon vraisem-blable, du moins possible, il n'en reste pas moins quepour l'cole de Basilide notre quatrime vangilefaisait partie des vangiles reconnus valables ^ M. Loisy ne fait qu'adhrer au consentement unanimedes critiques, lorsqu'il formule la conclusion que lescoles gnostiques de Basilide, Valentin, Marcion, ontconnu et exploit le quatrime vangile^. La critique ne reconnat pas moins fermementaujourd'hui la dpendance du mouvement montanistevis--vis de notre crit. Il est indubitable, avoueM, Schmiedel, que le quatrime vangile offre un pointde contact avec le montanisme dans l'ide du Paraclet,et ici il faut accorder la priorit l'vangile^. M. Ju-licher, son tour, convient que les montanistes ai-maient employer tous les crits johanniques commefaisant autorit *. C'est aussi la pense de M. J. R-ville : Il ne faut pas s'tonner, dit-il, que le quatrimevangile et, d'une faon gnrale, les crits johanni-ques aient t fort en honneur dans la chrtient exalted'Asie-Mineure, notamment chez les montanistes. Ceux-ci s'appuyaient, en effet, sur la doctrine du Paraclet

    ^ J. Rville, Le qnalr.

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    POQUE DE COMPOSITION 29et sur la primaut du tmoignage spirituel dans cescrits, pour justifier la lgitimit et l'autorit sup-rieure de leurs prophties ^. Mais, si les montanistes recouraient au quatrimevangile comme un document capable d'autoriserleurs prtentions, c'est donc qu'ils le considraient, l'exemple des gnostiques, leurs contemporains,comme un ouvrage de haute origine, et sans doutecomme un crit apostolique et sacr. De fait, la con-duite des Aloges, qui, pour les rfuter plus radicale-ment, nient que le quatrime Evangile soit de saintJean et l'attribuent Crinthe, parat bien attesterque les montanistes s'y appuyaient comme sur l'uvredu fils de Zbde. M. Loisy a donc raison d'affirmerque ces hrtiques s'autorisaient de l'Apocalypseet du quatrime vangile considrs comme critsapostoliques ^. D'autre part, le mme critique dclare,en parlant de notre vangile, que les montanistes ontpris ce livre parce qu'il avait cours dans l'glise, sanstre instruits autrement de sa provenance et de sesdoctrines ))^. Leur attitude pourrait donc aller jusqu'attester la croyance de l'Eghse contemporaine elle-mme en l'apostolicit de notre document.A l'poque de cette floraison de la gnose et de cemouvement montaniste, que nous connaissons seule-ment par des citations fragmentaires ou de simplesallusions, nous trouvons plusieurs crits consid-rables de saint Justin, fidlement parvenus jusqu'nous. C'est l'Apologie des chrtiens, prsente Anto-nin le Pieux vers 150-152, VApologie au Snat deRome, lgrement postrieure, et le Dialogue avec lejuif Tryphon, qui parat dater des annes 150-160 ^

    ^ J. Rville, Le quatr. vang., p. 63.* Loisy, Le quatr. vang-, p. 18. Id., ibid., p. 19.Harnack, Chronol., t. i, p. 274-284 ; Bardenhewer, Les Pres

    de l'glise, nouv. d. franc., 1905, t. I, p. 120-123 ; Batiffol,Anciennes littratures chrtiennes. La littrat. arerque, 1897,p. 97-98.

    2.

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    30 ORIGINE DU QUATRIME VANGILEOr, ces divers ouvrages offrent de nombreux points decontact avec les penses et les expressions du qua-trime Evangile,

    Saint Justin parle du Verbe, Fils unique duPre ^, qui tait avec lui avant toutes choses, et par lequel au commencement le Pre a tout cr ^,du Verbe fait homme et appel Jsus-Christ ^, duChrist n, non de semence humaine, mais de la volontde Dieu * : toutes formules qui rappellent le prologuejohannique. Il associe, comme dans le discours Nico-dme, les ides du Fils de Dieu envoy dans le monde par le Pre, et du Christ crucifi pour le salut deshommes selon ce que prfigurait le serpent d'airain.^D'aprs le quatrime Evangile, Jsus dclare Pilatequ'il est venu au monde pour rendre tmoignage la vrit et qu'il est n pour cela : notre apologisteassocie de mme l'ide que le Christ s'est fait notredocteur et qu'il est n pour cela , avec l'ide de soncrucifiement sous Ponce-Pilate. Il parle d' aveugles-ns guris par le Sauveur ', comme par allusion auchapitre ix de saint Jean. Parmi les dclarationsqu'il prte Jean- Baptiste, figurent celles que for-mule expressment notre vangile : Je ne suis pasle Christ , mais la voix de celui qui crie . Enfinifdonne comme parole du Christ une dclaration fortsemblable celle que le Sauveur adresse Nicodme : Si vous ne renaissez, vous n'entrerez point dans leroyaume des cieux . Nous avons donc, en ces divers passages de saint

    1 Justin, Dialog., 104.' Id., // Apol, 6 ; cf. Dial, 45, 84, 100.' Id., / Apol, 5, cf. 6, 21, 22, 23.* Id., Dial, 63, cf. 76, 84 ; / Apol, 32.' Id., Dial, 94. Id., I Apol, 13.' Id., Dial, 69 ; / Apol, 22. Id., Dial, 88. Id., / Apol, 61.

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    POQUE DE COMPOSITION 31Justin, sinon des citations littrales du quatrimeEvangile, du moins tout un ensemble d'allusions,d'ides communes et de formules voisines, qui paratobliger supposer que l'apologiste chrtien s'est ins-pir de notre crit. A en croire M. Schmiedel, la con-cidence verbale des citations ne serait pas assezexacte pour exclure la possibilit qu'elles procdentd'une autre source, dont se serait inspir l'vang-liste lui-mme ^. Mais c'est l une possibilit, peususceptible d'tre transforme en une hypothse rai-sonnable. Les points de contact sont la fois tropmultiples et trop troits pour qu'on puisse croire autre chose qu' une dpendance directe du philosophevis--vis de l'vangile. On s'explique parfaitementbien que saint Justin, tant donn le genre particulierde ses ouvrages, n'ait pas cru devoir s'asservir unlittralisme absolu dans la citation de ses sources van-ghques ; d'autre part, il semble infiniment prf-rable de supposer une utilisation un peu large duquatrime vangile par l'apologiste chrtien, pluttque d'imaginer je ne sais quelle source commune, par-faitement inconnue, o auraient puis la fois l'van-gliste et notre auteur.Aprs avoir longuement tudi cette question,M, Drummond "^ estime que saint Justin a t effective-ment en possession du quatrime vangile, que sathologie du Logos reprsente une tape plus rcentede la thologie johannique, bien plus, qu'il fait relle-ment allusion au texte de l'vangile et en donnemme diverses reprises de vritables citations. Audire de M. Sanday, nous pouvons considrer la chose comme gnralement admise aujourd'hui "^. C'estl'opinion laquelle inclinait dj Renan*. C'estcelle

    * Schmiedel, art. John, col. 2546.' Drummond, Fourth Gosp., p. 129, 145, 149, 155.* Sanday, Fourth Gosp., p. 246.* Renan, Vie de Jsus, p. tix.

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    32 ORIGINE DU QUATRIME VANGILE laquelle se rangent, non seulement MM. B. Weiss,Zahn, Resch, Stanton, Reynolds^, mais encoreMM. Harnack, Abbott, Bousset^M. J. Rville, pour sa part, se dclare dispos admettre que saint Justin a eu connaissance du qua-trime vangile et mme qu' il en a fait usage dansquelques rares passages de ses crits ^ Enfin, M. Loisyreconnat expressment la dpendance de l'apologistegrec l'gard de notre document. Sa chnstologie,dit-il, est toute johannique, ou plutt la fusion y estfaite, comme dans celle de saint Ignace, et plus com-pltement, entre la doctrine johannique et les donnessynoptiques... Justin emprunte au quatrime van-gile, non seulement des ides dogmatiques, mais desformules qui ne permettent pas de nier sa dpen-dance l'gard de Jean*.

    Il n'y a pas lieu d'en tre surpris, si l'on songe quesaint Justin tait le matre de Tatien, et que ce der-nier recevait le quatrime vangile, au point de lefusionner avec les Synoptiques dans son Diates-saron, compos trs peu de temps aprs la mort de sonmatre (165). Dj, dans le Discours aux Grecs, quiparat avoir t publi du vivant de saint Justin^,Tatien s'tait inspir de notre crit, et en avait mmecit plusieurs paroles du prologue ^

    * B. Weiss, Einl., p. 349 ; Zahn, Gesch. neut. Kanons, t. i,p. 463 sq. ; Resch, Paralleltexte zu Johannes,T^.\lsq.;?>iAiion,s.Ti.New Testament Canon, dans le Dict. of the B., t. m, p. 534 ; Rey-nolds, art. John, p. 696.

    * Harnack, ChronoL, t. i, p. 673; Abbott, art. Gospels, col.1837 ; Bousset, dans la Theologische Litteraturzeitung, 1897, p. 75 : que Justin ait employ le quatrime vangile, aussi bien que lesSynoptiques, cela me parat maintenant pleinement assur. En par-ticulier, / ApoL, 61, prsente une allusion incontestable Jean, m, 4 sq.

    ^ J. Rville, Le quatr. ^ang., p. 68.* Loisy, Le quatr. vang., p. 14.* Harnack, C/irono/., 1. 1, p. 284: vers 150-155; Barde nhewer,

    op. cit., p. 137: vers 165; Batiffol,oj9.c.,p. 91 : vers 163-167. Tatien, Orat., 13, 19, cf. 5.

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    POQUE DE COMPOSITION 33Nous sommes ainsi arrivs au milieu du second

    sicle, et les faits constats renforcent pleinement laconclusion tire de l'tat des tmoignages entre 170et 200. L'utilisation du quatrime vangile autourde 150-160, la fois par les hrtiques, gnos-tiques et montanistes, et par les auteurs ortho-doxes, comme saint Justin et Tatien, parat biengarantir que notre document est dj quelque dis-tance du moment de sa publication.De fait, nous en trouvons encore des traces, en nous

    reportant dix ans auparavant. \'ers 140 ^, le Pasteurd'Hermas prsente avec le quatrime vangiledivers points de contact. En particuher, c'est uneide et ce sont des expressions bien johanniques, quiapparaissent dans ce passage : La porte est le Filsde Dieu. Dans le royaume de Dieu personne ne peutentrer autrement que par le nom de son Fils aim.La porte est le Fils de Dieu ; c'est la seule entre pouraller au Seigneur ; ainsi personne ne pntrera prs delui que par son Fils^. La dpendance du Pasteurvis--vis de notre vangile est regarde comme pro-bable par MM. Zahn, Drummond, Sanday, Stanton,Reynolds ^ M. Loisy estime que, sans tre certaine,elle est cependant possible et n'a rien d'ailleurs quidoive tonner. Une affinit doctrinale assez troite,dit-il, existe entre Jean et le Pasteur d'Hermas, prin-cipalement en ce qui regarde la prexistence du Christ...Certains rapports d'expression sont assez frappants,bien qu'ils ne supposent pas ncessairement une d-

    * Harnack, ChronoL, t. i, p. 259 ; Bardenhewer, op. cit.,p. 96 : entre 140-155 . Cf. Batiffol, op. cit., p. 63: Funk, Patresapostolici, 2* d., 1901, t. I, p. cxxx : entre 140-154 .

    - Hermas, Pastor, Simil. ix, 12. Cf. Jean, x, 7, 9.^ Zahn, Einl., t. ii, p. 448 : Drummond, Fourth Gosp., p. 255;

    Sanday, i'our;/i Gosp., p. 241; Stanton, art. cu., p. 533; Reynolds,art. John, p. 700.

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    34 ORIGINE DU QUATRIME VANGILEpendance littraire^... Que cet vangile ait t connu Rome, et dj en crdit vers 130-140, il n'y auraitpas lieu d'en tre surpris^.

    Si le tmoignage d'Hermas reste douteux, les cri-tiques s'accordent aujourd'hui admettre celui dugnostique Valentin, qui enseignait partir de 130 ou135 ^ Nous avons vu que l'cole, fonde par ce gnos-tique, exploitait, dans la deuxime moiti du secondsicle, l'vangile de saint Jean. Ce simple fait pouvaitdj indiquer que l'crit, dont les disciples prten-daient autoriser leur doctrine, avait servi baser lesleons mmes du matre*. De fait, Tertullien affirmeque Valentin utilisait tout l'instrument vanglique^L'auteur des Philosophoumena lui fait citer commeparole du Sauveur le texte johannique : Tous ceuxqui sont venus avant moi sont des voleurs et des men-teurs^ Ces attestations correspondent ce que noussavons par ailleurs de la doctrine de Valentin. Lesquatre couples d'ons qui composent son ogdoade l'Abme et Sig (Silence), l'Intellect et la Vrit, leVerbe et la Vie, l'Homme et l'glise' sont en rap-port intime avec les ides fondamentales du prologuede saint Jean.Renan admettait dj le rle de notre vangiledans le gnosticisme, et en particulier dans le systme

    ' M. Loisy ajoute : 11 ne faut pas dire nanmoins que Jeanpourrait tout aussi bien dpendre d'Hermas. Ceci est l'adresse deM. H. Holtzmann, Einl., p. 466, d'aprs lequel, en cas de dpen-dance, il faudrait donner la priorit au Pasteur.

    * Loisy, Le quatr. i'ang., p. 5, 6.^ Harnacii, Chronol., t. i, p. 291 : de 135 environ jusque vers160. Cf. Bardenhewer, op. cit., p. 172 ; Batiffol, op. cit., p. 77.* Drummond, Fourth Gosp., p. 273.' Tertullien, De prsescript. haeret., xxxvxn. Cf. Drummond,Fourth Gosp., p. 268 sq. ; Loisy, Le quatr. vang., p- 16, note 4

    Valentin usait des critures qui avaient cours dans l'glise, sauf les interprter sa faon.

    * Philosophoumena, VT, 35. Cf. Jean, X, 8.' Irne. C. H.. I, vni, 5.

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    POQUE DE COMPOSITION 35de Valentin ^. Au tmoignage de M. H. Holtzmann,l'ogdoade du chef gnostique pourrait tre regardeavec la plus haute vraisemblance comme un tmoinde l'existence du prologue johannique... autour del'an 140 ^ M. Loisy rsume en ces termes le jugementde la critique contemporaine : On croit gnrale-ment, et il parat certain que l'ogdoade de Valentin,qui enseigna Rome vers 135-160, se rattache auprologue de Jean^ M. Jiilicher va jusqu' dire : L'cole gnostique de Valentin, qui florissait partirde 130, fut grandement influence par le quatrimevangile, ds son premier commencement ^ Le tmoignage de Valentin nous reporterait ainsi,pour le moins, aux annes 135-140. Les critiques sontactuellement unanimes dclarer le quatrime van-gile antrieur cette poque. A peine convient-il dementionner l'opinion contraire de M. Corssen, tantelle est exceptionnelle. D'aprs ce critique, notre Evan-gile aurait t compos pour rfuter le doctisme queles Actes de Jean attribuaient l'aptre ; et comme,au sentiment de M. Corssen, les Actes remonteraientaux environs de 140, l'vangile serait lui-mme plusrcent. Mais cette hypothse a trouv peu de crdit,et, comme dit M. Loisy, elle ne pouvait en trouver ,attendu que, d'une part, la rdaction des Actes estfixe gnralement aujourd'hui aux annes 160-170,et que, d'autre part, nous l'avons vu, la dpen-dance de ces Actes l'gard de l'vangile paratincontestable. ^

    Les critiques les plus exigeants n'hsitent donc pas dclarer l'Evangile johannique antrieur 140.M. H. Holtzmann fait lui-mme observer que, sur ce' Renan, cit ci-dessus, p. 28, note 2.* H. Holtzmann, Einl., p. 469.* Loisy.Lc quatr.vang.,i>.i&.Ct.Za.ha,Gesch.desneul.Kanons.

    t. I, p. 736 sq.* Jlicher, Einl , p. 317.* Loisy. op. cit., p. 47. Cf. ci-dessus, p. 23.

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    36 ORIGIME DU QUATRIME VANGILEpoint, les valuations primitives de l'cole critiqueont subi une rduction indniable. On est revenu,dit-il, de 160-170, datation de Baur et de B. Bauer, 150-160, avec Schwegler ; 155, avec Volkmar ; 150,avec Zeller ; autour de 150, avec Bretschneider, Schol-ten, Matthes ; entre 135 et 163, avec Tayler ; vers 140,avec Hilgenfeld, Hausrath, Thoma, Pfleiderer^

    Pouvons-nous remonter plus haut ? Il semble bien,tout d'abord, que rien ne nous force abaisser la com-position du quatrime vangile jusque vers cetteanne 140, ni mme aux annes voisines. Il n'estaucun crit du premier tiers du second sicle dont onpuisse dire qu'il a influenc notre document.

    Sans doute, au dire de M. Schmiedel^, l'vangileserait en dpendance de la premire gnose htrodoxe,qui commena de fleurir vers 120 ou 125. Mais cetteopinion, qui semble renouvele de Baur, n'est plusaujourd'hui approuve des critiques. M. J. Rvilleobserve avec raison que l'crit est encore tout faittranger au mouvement gnostique. Les tentatives quel'on a faites pour y dcouvrir des allusions aux sys-tmes de Basihde ou de Valentin n'ont pas abouti.Assurment, l'vangliste opre avec des termes et desconcepts, tels que Lumire, Vie, Logos, qui se retrou-vent dans les systmes gnostiques, mais avec une valeuret dans des conditions bien diffrentes... Les systmesgnostiques, mme les plus levs, sont des mythologiesspculatives abondantes et touffues, o l'imaginationanime et personnifie les concepts d'une analyse mta-physique chevele et entrane l'esprit bien loin de lathologie juive comme du rationalisme philosophiquegrec. Ni dans la philosophie religieuse de Philon, nidans la pense mystique 'du quatrime vanghste,

    H. Holtzmann, Einl., p. 464.^ Schmiedel. art. John, col. 2551.

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    POQUE DE COMPOSITION 37il n'y a rien de pareil. Celui-ci est remarquablementsobre dans sa spculation, d'une simplicit hardie etpuissante ^. M. Loisy n'hsite pas faire sienne cette conclusion. L'erreur principale de Baur, crit-il, consistait voir dans le quatrime vangile une sorte de compro-mis entre le gnosticisme dans tout son dveloppementet la tradition chrtienne primitive, tandis qu'il seplace trs certainement et de la faon la plus naturelleau dbut de la gnose ^. On a prtendu encore^ trouver dans notre documentdes allusions la rvolte des Juifs sous Hadrien, en132. Lorsque le Christ johannique dit ses adversaires : Si un autre vient en son propre nom, vous l'accep-terez ^ sa dclaration viserait un individu usurpantle rle de Christ, sans doute un faux Messie qui auraitparu l'poque de l'vangliste, et Tonne pourrait guresonger qu'au chef de l'insurrection de 132, Barkochba.De mme, la parole de Jsus : Vous me chercherez,et vous ne me trouverez plus^, marquerait, dans lapense de l'vangliste, l'impuissance des Juifs seprocurer un librateur, impuissance manifeste par lercent chec de la rvolte. Enfin, il y aurait encoreune allusion aux massacres des chrtiens qui signalrentle soulvement de Barkochba, dans cette parole duSauveur : Le temps vient o quiconque vous feramourir croira rendre hommage Dieu . Cependant ces prtendues allusions ne sont plus re-leves l'heure actuelle que par de rares critiques,et encore le sont-elles fort discrtement. M. H. Holtz-mann se contente de noter, propos du premier pas-

    ^ J. Rville, Le quatr. vang., p. 322.' Loisy, Le quatr. vang.,p. 40.' Hilgeafeld, Historisch-kritische Einleitung in'das N. T., 1875 ;Pfleiderer, Dos Urchristenthum, 1887.Jean, v, 43.

    ' Jean, vu, 34.' Jean, xvr, 2.

    QUATRIME VAJGILB. 3.

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    38 ORIGINE DU QUATRIME VANGILEsage : S'il faut voir dsign l un individu dtermin,ce doit tre soit l'Antchrist personnel, soit quelquepersonnage historique, et, dans ce cas, plutt le Messiejuif Bar Kochba que Simon le magicien^. Au sujetdu dernier passage, il se borne dire : Que l'on men-tionne des perscutions juives, et non paennes, celacorrespond la perspective historique, mais pourraitgalement viser la rcente exprience de la secondeguerre juive ^. L'interprtation est propose, on levoit, sans beaucoup de conviction. Aussi le mme M. H.Holtzmann, quand il s'agit de fixer le temps o lequatrime Evangile a d natre, tant au point de vue dela teneur apologtique qu'au point de vue critique ,s'en tient cette formule assez large : au plus tt lafin du premier sicle, et au plus tard vers le milieu dudeuxime ^. Si l'on peut se prononcer pour la lin dupremier sicle, c'est donc que les allusions aux vne-ments de l'an 132 sont loin d'tre certaines.M, Schmiedel lui-mme ne retient en considrationque le premier passage. Cette prdiction concernantun autre Messie, dit-il, fut ralise lorsque, en 132,Barckochba se leva, excitant les Juifs la grandervolte, qui se termina, en 135, par l'extinction com-plte de la nation juive. Il est bien tentant de penserque le chapitre v, 43, contient une allusion cet vne-ment. Mais, avoue-t-il, si nous n'avions pas d'autresraisons faire valoir en faveur de cette priode, nous ne songerions pas btir sur le passage enquestion la moindre hypothse pour la datation denotre crit *. De fait, M. Loisy estime que l'vangliste a eu plutten vue, dans les deux premiers endroits, ce qui s'est

    pass en 70 et la terrible situation qui s'est dnoue 1 H. Holtzmann, Evang. Joh., p. 99." Id., ibid., p. 193.^ Id., Einl., p. 464.* Schmiedel, art. John, col. 2551.

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    POQUE DE COMPOSITION 39alors par la destruction de Jrusalem ^. On peutmme douter que les paroles prtes au Sauveur serapportent cette circonstance de la premire guerrejuive : elles paraissent avoir une porte beaucoup plusimmdiate et plus simple. A supposer qu'il faille yvoir une allusion obscure ces vnements lointains,elle se comprendrait fort bien et de mme l'annoncedes perscutions qu'auront subir les disciples comme une allusion prophtique, analogue cellesqui se rencontrent dans les trois premiers Evangiles.De mme est-il difficile de trouver un indice srieuxde composition au second sicle, dans ce fait que lequatrime vangliste emploie le nom de mer deTibriade ^, lequel apparat pour la premire fois sousla plume de Pausanias et devient de plus en plus usit partir du second sicle, tandis que les crivains dupremier, Strabon, Pline, Josphe, les Targumistes,parlent uniformment de mer de Gennesar ou de

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    40 ORIGINE DU:.QUATRIME VANGILEclarent MM. H. Holtzmann, Julicher, J. Rville, Loisy*,soit qu'il suppose seulement la tradition synoptiqueexistante "et connue de notre auteur, ainsi que le pen-sait Renan ^, et que le pensent encore M. Drummond ^et beaucoup d'autres. La rdaction des Evangilessynoptiques tant gnralement rapporte au premiersicle, et mme, par bon nombre de critiques indpen-dants, plus prsides annes 70 ou 80 que de l'an 100,il s'ensuit que rien ne nous interdit de reculer la com-position du quatrime vangile jusque-l, si par ail-leurs nous avons des raisons positives de le faire.

    Ces raisons positives existent-elles ? M. Schmiedelen doute. Nulle trace certaine de notre document nelui parat constatable avant 140. Or, l'en croire, ilest ncessaire de placer l'origine de l'Evangile le plusprs possible de l'poque o ses traces commencent apparatre : donc peu de temps avant cette anne 140 *,M. Albert Rville se prononce dans le mme sens. Tout bien pes, dit-il, il me semble impossible defaire remonter la composition du quatrime Evan-gile au-dessus de la priode 130-140, et j'opteraispour 140 plutt que pour 130 ^

    Ces critiques, cependant, sont devenus] aujourd'huide vritables exceptions. De quel droit dclarer l'ori-gine de l'vangile immdiatement antrieure l'po-que o l'on constate avec certitude sa trace [dans lesdocuments conservs ? Notre crit pourrait n'avoir

    1 H. Holtzmann, Einl., p. 440 ; Evang. Joh., p. 2-3 : Juli-cher, Einl., p. 314 ; J. Rville, Le quatr. vang., p. 325 ; Loisy,Le quatr. i'ang-, p. 56 sq.'

    ^ Renan, Vie da Jsus, p. LXXVi-* Drummond, Fourih Gosp-, p. 16.* Schmiedel, art. John, col. 2550. Comme, d'autre part, l'crit

    lui parat reflter les vnements qui signalrent la rvolte desJuifs sous Barkochba, M. Schmiedel [fixe approximativementcomme date d'origine la priode 132-140.

    A. Rville, Jcsus de Nazareth, 1897, 1. 1, p. 357.

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    POQUE DE COMPOSITION 41influenc, d'une manire palpable, les ou\Tages eccl-siastiques qu' partir de 140, et cependant avoir vule jour bien avant cette date. M. Abbott, qui partagel'opinion de M. Schmiedel sur l'tat des tmoignagesantrieurs au milieu du second sicle \ parat agirprudemment en s'abstenant d'en rien conclure relati-vement l'origine relle du quatrime Evangile, qu'ilsuppose mme antrieur l'an 108^. De mme, M. H.Holtzmann, tout en se montrant peu dispos trouvertrace de notre crit avant 140, n'en indique pas moinscomme date probable de composition la priode assezlarge de 100-133 ^. De fait, la diffusion de l'vangilejohannique vers le milieu du second sicle, attestepar les spculations hrtiques du montanisme et de lagrande gnose, comme par les ou\Tages orthodoxes desaint Justin et de Tatien, exigerait elle seule pour notredocument une anciennet dj notable cette poque.Cependant il est d'autres faits encore qui nous invi-tent et mme nous obligent remonter plus haut.Nous pouvons mentionner d'abord, sans pourtant yinsister, les tmoignages de la Didach, de Vptredite de Barnabe, et de Basilide.

    M. Harnack rattache la priode 130-160 la Didachou Doctrine des douze aptres^. Il est certain que lesprires eucharistiques contenues dans cet crit ont unecertaine affinit avec les discours johanniques de ladernire Cne.Au sentiment de M. Zahn^etdeM. Re-ch*elles auraient t modeles directement sur ces dis-cours. M. Harnack estime plutt qu'il existe entreles deux crits une parent d'ides surprenante,mais non une dpendance littraire '. Tout en obser-

    ^ Abbott, art. Gospels, col. 1832.- Id., ibid., col. 1795.' H. Holtzmann, Einl., p. 464.* Harnack, Chronol., t. i, p. 438. i' Zahn, Einl., t. ii, p. 446.* Resch, Parat, zu Joh., p. 2.' Harnack, op. cit., 1. 1, p. 435 et 680, note 3.

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    42 ORIGINE DU QUATRIME VANGILEvant pareillement qu' on peut trouver aux prireseucharistiques de la Doctrine des douze aptres unesaveur johannique et qu' on est bien tent de penserque ces prires ont t imites des discours aprs laCne ", M. Loisy ^ se range l'opinion de M. Harnack.Il est, en effet, possible que la Didach tienne sesaffinits avec l'Evangile de saint Jean de sa dpen-dance vis--vis de la liturgie primitive, laquelle pou-vait tre en relation avec la tradition consigne encet crit ^.Le rapport de Vptre dite de Barnabe (130^) avecle quatrime Evangile est galement douteux. Sansaller jusqu' prtendre, avec Keim *, que l'ptre estsature d'ides johanniques, on peut trouver unindice srieux d'influence exerce sur l'auteur parnotre vangliste dans le fait qu' son exemple il inter-prte le serpent d'airain comme symbole du Christen croix et, d'autre part, emploie des formules johan-niques, telles que venir en chair , apparatre enchair, vivre jamais. C'est la pense de M. Zahnet de M. Sanday ^. M. Loisy, comme M. Stanton etM. Drummond , estime les rapprochements non con-cluants.Quant au clbre gnostique Basilide, qui dogma-

    tisait Alexandrie vers 130 ou 133, il aurait bien' Loisy, Le qualr. vang., p. 4.* Cf. Wohienberg, Die Lehre der 12 Apostel in ihrem Verhdltnisszum neutest. Schrifttum, 1888, p. 56 sq. ; Balifrol. dans la Revue

    bibh, 1897, p. 480 ; Camerlynck, Quart. Evang., p. 32 ; Jacquier,La doctrine des douze Aptres, 1891, p. 52 sq.' Harnack, ChronoL, t. I. p. 427 : 130 ou 131. Cf. Batiffol,

    op. cit., p. 11 ; Loisy, Le quatr. vang., p. 5, note 1. D'aprsFunk, op cit.,i. i. p. xxv, et Bardenhewer, op. cit.,i. i, p. 50,l'ptre aurait t compose plutt sous Nerva (96-97) ou peuapr.

    * Keim, Geschichte Jesu, 1. 1, p. 141 sq.* Zahn, Ei.nl., t. n, p. 448 ; Sanday. Fourth Gosp., p. 241.* Loisy, Le quatr. ^ang-, p. 4 : Stanton, Gospels, p. 33; Drum-

    mond, Four'h Gosp., p. 256.

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    POQUE DE COMPOSIinX 43exploit l'Evangile johannique, si l'on en croit l'auteurdes Philosophoumena ^. Ce dernier crivain, il est vrai,ne mrite pas une absolue confiance : les citationsbasilidiennes des Philosophoumena, observe M. Loisy,sont sujettes caution -. Mais, s'il n'est pas sr queBasilide lui-mme... ait employ ^ notre Evangile,cela parait cependant rendu fort \Taisemblable parle fait de l'utilisation de cet crit dans l'cole de Basi-lide, comme dans l'cole de Valentin et par Valentinlui-mme. M. Drummond juge la chose hautementprobable *.Quoi qu'il en soit de ces premiers tmoignages, une

    particularit plus certaine nous conduit au mmersultat, bien plus, nous permet de conclure l'exis-tence du quatrime Evangile ds l'an 120 ou 125. C'estle fait que notre document, qui prsente des relationsassez troites avec les ides et les formules exploitespar la gnose hrtique, non seulement ne manifesteaucune tendance apologtique contre cette gnose ht-rodoxe, mais encore se montre compltement indiff-rent son gard et l'ignore mme tout fait. Or,remarque bon droit M. J. Rville, il parait biendifficile d'admettre que, si le quatrime Evangile taitn une poque o le gnosticisme battait son plein,non plus seulement en une foule de spculations indi-viduelles dnues d'autorit, mais dans de vritablescoles dont la terminologie est souvent apparente la sienne, on n'y trouvt aucune trace de ces sys-tmes, soit qu'il se rencontrt avec eux sur certainspoints, soit qu'il et les combattre ou se distinguerd'eux. On ne saurait allguer que le quatrime van-gliste ne fait pas de polmique ; il en fait beaucoup,

    * Voir ci-dessus, p. 27.' Loisy, Le quatr. ^-ang., p. 16. Cf. Harnack, ChronoL, t. i,

    p. 291.' Loisy, ibid.* Drummond, Fourth Gosp., p. 331.

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    44 ORIGINE DU QUATRIME VANGILEau contraire, mais exclusivement contre les Juifs. M. Rville conclut : Comme les grands systmes deBasilide et de Valentin se forment partir de l'an 125,il ne nous parat pas possible de faire descendre la com-position du quatrime Evangile au del de cette date \M. Julicher parle dans le mme sens : Le fait, dit-il,que le quatrime vangliste a pu crire un Evangile tendance, sans trace de tendance anti-gnostique,montre coup sr que le gnosticisme n'avait pas encorecommenc d'tre un danger srieux pour l'glise, dumoins en cette partie de l'glise qui se trouvait dansson horizon ^. L'auteur du quatrime vangile,dit pareillement M. Loisy, ne parat avoir ni l'intentionde rfuter la gnose ni celle de la concilier avec la tra-dition... Sa parfaite scurit l'gard de la gnosehtrodoxe prouve sans doute qu'il a crit avant queparussent les principaux docteurs gnostiques^

    Aussi le plus grand nombre des critiques actuelsregardent-ils l'an 125 comme la limite extrme qu'onne saurait dpasser, lorsqu'on veut fixer l'origine denotre document. Pour ceux qui ne trouvent pas l'ou-vrage plus anciennement attest, il doit tre rapport la priode qui spare cette anne 125 de la pubhca-tion des Synoptiques. C'est trs approximativementque Renan ^ fixait l'an 126. M. Oscar Holtzmann etM. J. Rville ^ se prononcent d'une faon gnralepour la priode 100-125. D'aprs M. Julicher ^ l'ou-vrage ne peut tre postrieur 125, et, comme lesSynoptiques paraissent de la fin du premier sicle, ildate plus probablement de 100-110. M. von Soden '

    ' J. Rville, Le quatr. vanp., p. 323, 324.* Julicher, Einl., p. 324. Cf. Von Soden, Urchristl. Lit., p. 225.' Loisy, Le quatr. cang., p. 95.* Renan, L'glise chrtienne, p. 58 sq.* O. Holtzmann, Joh. evang., p. 79 ; J. Rville, Le quatr.vang., p. 325.* Julicher, Einl., p. 324.' Von Soden, loc. cit.

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    POQUE DE COMPOSITION 45propose, comme date approchante, l'an 110, l'ouNTagene contenant ni allusion la rvolte de Barkochba,ni trace de gnosticisme .

    Cependant un certain nombre de critiques croientpouvoir remonter plus haut encore, et jusque dans lesquinze premires annes du second sicle, la chanedes tmoignages favorables l'existence du quatrimeEvangile. Le document le plus important qui s'offreen premier lieu l'examen, est la collection des septEptres de saint Ignace. Ces lettres, dont l'authenticitest aujourd'hui dfinitivement reconnue ^, furent critespar l'vque d'Antioche la veille de son martyre,sous Trajan (98-117), approximativement vers l'an110^. Il est incontestable qu'elles renferment nombred'expressions et de formules qui rappellent celles duquatrime Evangile, et que la thologie de saint Ignacese rapproche sur beaucoup de points de celle de saintJean. Peut-on dire que l'vque d'Antioche a connunotre Evangile et qu'il en dpend ?M. de Goltz a minutieusement tudi la questiondans un important ouvrage ^. Il s'arrte la conclusionqu'Ignace n'a pas d utiliser notre crit, mais qu'ilappartient sans doute au mme milieu et la mmepoque, qu'en tout cas seul un sjour prolong dans

    * Harnack, ChronoL, t. i, p. 382 ; Bardenhewer, op. cit., t. i,p. 78 sq. ; Batiffol, op. cit., p. 14 ; Sanday, Fourth Gosp., p. 51.Ce rsultat est d surtout aux travaux de Zahn, Ignatius i'onAntiochien, 1873 ; Ignatii et Polycarpi epistuUs, 1876 ; Fiink. DieEchtheit der ignat. Briefe, 1883 ; Lightfoot, St. Ignatius, 1885.

    ^ D'aprs Lightfoot, op. cit., et Bardenhewer, /oc. ci. : sous Tra-jan, 98-117; Harnack, ChronoL, t. i. p. 406: les derniresannes de Trajan, 110-117; Julicher, ftn/., p. 375, et Loisy, I-cquatr. vang., p. 6 : vers 115 ; Von der Goltz, Ignatius von Antio-chien als Christ und Theologe, 1894 vers 110 ; Allard, Histoire desperscutions, 1885, t. I, p. 179, et Funk, o/). cit., t. i, p. LVin :vers 107.

    ' Von der Goltz, op. cit., p. 118-144, 197-206.3.

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    46 ORIGINE DU QUATRIME VANGILEune communaut influence par la pense johannique a pu lui permettre de s'approprier cette pense aupoint que l'on constate. M. Harnack^ dclare se ranger cette conclusion. Elle est galement adopte parMM. Abbott, Schmiedel, J. Rville ^

    D'autres critiques jugent les points de contact tropnombreux et trop spciaux pour ne pas conclure une dpendance relle, qui ne peut tre que des pitresvis--vis de notre document. M. Sanday relve d'abordque la raison, pour laquelle M. de Goltz refuse d'ad-mettre la dpendance littraire, n'est pas que les rap-ports de saint Ignace avec le quatrime Evangilesoient trop superficiels, mais au contraire qu'ils sonttrop profonds pour s'expliquer par la simple influenced'un crit. Et il ajoute : C'est vrai, l'affinit est pro-fonde. J'ai eu occasion, il y a quelques annes, d'tu-dier de plus prs les Lettres ignatiennes, et j'en ait impressionn au point de me demander s'il y aquelque exemple d'une ressemblance aussi troite entreun livre de l'criture et un crit de Pre. Abstractionfaite d'une certaine matrialit d'expression chezIgnace, et tant donn qu'il est un Syrien ardent etnon un Grec, il me parat reproduire la doctrine johan-nique avec une fid