8
« Depuis plus de 22 ans que je connais le droit du travail, j’ai toujours eu beaucoup d’estime pour les conseils de prud’hommes et les personnes qui les font vivre. Ce sont des hommes et des femmes qui font un travail important. » C’est ainsi, par un véritable hommage que, Philippe Waquet, Doyen honoraire de la Cour de cassation, ouvrait en compagnie de Patrick Berritto, Président du Conseil de Prud’hommes de Lille, la conférence exceptionnelle consacrée, par la faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille. Il fut question, lors de cette manifestation, de l’histoire des Conseils de Prud’hommes de Lille, mais aussi de leur réalité actuelle et de leur rôle dans les relations sociales. Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille Sous la présidence de Philippe WAQUET, doyen honoraire de la Cour de cassation 26 novembre 2010

Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lillecrdp.univ-lille2.fr/uploads/media/prudhommes-4.pdfPolitiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lillecrdp.univ-lille2.fr/uploads/media/prudhommes-4.pdfPolitiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

« Depuis plus de 22 ans que je connais le droit du travail, j’ai toujours eu beaucoup d’estime pour les conseils de prud’hommes et les personnes qui les font vivre. Ce sont des hommes et des femmes qui font un travail important. »

C’est ainsi, par un véritable hommage que, Philippe Waquet, Doyen honoraire de la Cour de cassation, ouvrait en compagnie de Patrick Berritto, Président du Conseil de Prud’hommes de Lille, la conférence exceptionnelle consacrée, par la faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille.

Il fut question, lors de cette manifestation, de l’histoire des Conseils de Prud’hommes de Lille, mais aussi de leur réalité actuelle et de leur rôle dans les relations sociales.

Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

Sous la présidence de Philippe WAQUET, doyen honoraire de la Cour de cassation

26 novembre 2010

Page 2: Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lillecrdp.univ-lille2.fr/uploads/media/prudhommes-4.pdfPolitiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

Patrick Berritto, a naturellement ouvert la réunion en accueillant les orateurs et les participants, de plus d’une centaine rassemblé dans l’amphithéâtre Cassin de la faculté de droit.

Philippe Waquet évoqua l’histoire de ces juridictions qui apparurent avec l’ère industrielle.

Le premier Conseil de Prud’hommes a été créé à Lyon en 1806. Celui de Lille, l’a été, en 1810. A l’époque, le Conseil de Prud’hommes se compose de patrons et de chefs d’atelier.

« Le Conseil de Prud’hommes a été fondé grâce à l’action de patrons qui souhaitaient plus de justice, souligne Philippe Waquet. Les patrons qui y siègent alors le font, estime-t-il, avec un esprit ouvert et paternaliste. Ils dévelop-pent un intérêt pour la paix sociale et la justice envers les salariés qui sont alors sans protection. »

« Dans la plupart des cas, dans ce cadre, les interventions se concluaient par une conciliation, note le Doyen honoraire de la Cour de cassation. Autrement, les jugements étaient, le plus souvent, défavorables aux ouvriers ».

Un tournant important a lieu en 1848, au moment de la Révolution citoyenne. L’institution prud’homale se trans-forme alors et devient un organisme où siègent patrons et ouvriers. Cette évolution correspond à un accroissement des capacités des Conseils de Prud’hommes. Avec elle, nous sortons de la période où le patron a toujours raison.

Le patron n’a pas toujours raison

Le jugement rendu à Aubusson, le 10 mai 1864 rend bien compte de cette évolution. Le règlement de l’entreprise prévoyait une amende de 10F pour les ouvriers, ou ouvrières, qui marchaient sur un tapis avec des sabots.

Après avoir marché sur un tapis, Mme Juliard est condam-née à une amende de 10F. L’affaire est portée devant le Conseil de Prud’hommes. Celui-ci ne conteste pas la faute, ni le règlement, mais réduit l’amende à 50 centimes et formule deux observations :

- Premièrement estiment les membres du Conseil de Prud’hommes, tout règlement intérieur devrait être soumis au conseil, avant son application. Il a fallu attendre 1982 pour qu’il en soit ainsi.

- Deuxièmement, dans le cas qui concerne Mme Juliard, le conseil considère, « que l’amende fixée est d’une évidente exagération puisqu’elle correspond à la moitié du salaire de l’ouvrière ».

A travers les Conseils de Prud’hommes, des affaires qui lui sont soumises et des jugements qui sont rendus, on assiste, tout de même à une certaine prise en compte de la condition ouvrière.

Cette influence naissante est contrebalancée par une loi prise en 1866, qui prévoit que le patron peut établir un règlement et qu’une amende ne peut être réduite.

Cependant, le système des Conseils de Prud’hommes

français a été remarqué bien au-delà des frontières. Ainsi, le doyen honoraire de la Cour de cassation a-t-il évoqué « l’intérêt de Lénine pour cette institution qu’il souhaite voir instaurer en Russie. Les juges, estimait le révolutionnaire russe, y sont plus compétents pour traiter des affaires des usines, des conditions de travail, car la moitié des Conseils de Prud’hommes sont des ouvriers ».

Composés de patrons et de salariés qui s’intéressent à la vie de ces derniers, les Conseils de Prud’hommes sont incontestablement sensibles aux évolutions sociales et à celles des conditions de travail.

Avec les corporations, la puissance des liens sociaux

Farid Lekéal, maître de conférences à l’Université de Lille 2 évoqua la nature des relations de travail sous l’Ancien Régime et l’importance capitale qu’y jouaient les corporations.

Avant la Révolution, expliqua l’universitaire, Lille Moulins est un village au Faubourg de Lille sur le territoire duquel sont installés de nombreux moulins à huile (huile de lin, retorderie). A la veille de La

Révolution, les filetiers représentent une puissante corpo-ration employant 2500 personnes réparties dans 521 mou-lins. Ils achètent aux paysans des fils simples confectionnés à partir du chanvre. Les moulins servent à retordre les fils destinés au tissage, à la broderie, à la fabrique de dentelle ou à la couture.

Nous sommes, alors, dans une société à la mentalité ca-pitaliste qui met largement en garde contre le culte de l’argent dans laquelle la compétition économique est freinée. Toute une série de règles sont destinées à limiter la concurrence et font régner, entre patron et ouvriers, un cadre très réglementé.

Le nombre d’apprentis par maître est, très souvent, limité. Celui-ci ne dispose pas du nombre de machines qu’il souhaite. Les conditions d’acquisitions des matières premières sont limitées : il s’agit d’éviter qu’un maître puisse obtenir celles-ci à des conditions plus avantageuses que ses concurrents. Certains métiers imposent au maître l’engagement moral de ne rechercher qu’un « profit raisonnable dans l’exercice honnête » de la profession.

Les corporations sont des organes semi-publics chargés d’assurer, sous le contrôle des autorités (munici-pale, seigneuriale ou royale) la discipline et la défense d’un métier et qui jouissent à ce titre d’importantes prérogatives. Elles disposent d’un large pouvoir de réglementation : les règlements corporatifs encadrent les conditions de fabrica-tion, d’emploi de la main-d’œuvre et de la concurrence.

Les relations de travail relèvent de la police, au sens de maintien de l’ordre public, et sont sévèrement encadrées par les corporations chargées de faire régner la discipline, et de défendre les propriétaires.

Farid Lekéal

Page 3: Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lillecrdp.univ-lille2.fr/uploads/media/prudhommes-4.pdfPolitiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

L’ancien régime se méfiait de tous les regroupements, sauf des corporations strictement contrôlées. Les contentieux relatifs au travail sont du domaine public. Les relations de travail se jouent essentiellement dans un cadre artisanal ce qui permet aux contentieux d’être étouffé dans l’œuf.

La Révolution renverse l’Ancien régime et bouleverse les relations sociales. La loi Chapelier interdit toute associa-tion ouvrière, même si les ouvriers disposent d’une totale liberté de s’installer. Toute réglementation traitant du travail disparaît.

Entre 1791 et 1806, il existe alors un vide total. La question sociale est reléguée au second plan.

En 1806, l’instauration de Prud’hommes comble ce vide. C’est un tournant historique, car la régulation par les prud’hommes va véritablement structurer la relation du travail.

Restaurer la discipline professionnelle

Bruno Dubois, lui aussi Maître de conférences à l’Université de Lille 2 s’attacha à mettre en évidence la manière dont les Conseils de Prud’hommes sont, historiquement, arrivés dans le champ des relations sociales.

L’histoire des Conseils de Prud’hommes commence à Lyon

en 1805. Napoléon y rencontre les patrons de la 2ème ville industrielle de France. Ceux-ci dénoncent les difficul-tés qu’ils rencontrent au quotidien dans le traitement des contentieux professionnels. Une loi du 18 mars 1806 leur donne satisfaction. Elle instaure dans leur ville le premier Conseil de Prud’hommes.

Très vite, on assiste à une généralisation. Une dizaine de conseils sont créés entre 1807 et 1808. Un décret du 11 juin 1809 contient un règlement qui régira le fonctionnement des juridictions du travail pendant tout le XIXème siècle.

De 10 conseils en 1809, on passe à 32 en 1814, puis 81 en 1848, au début de la seconde république. Au milieu du XIXème toutes les grandes villes industrielles sont dotées de leur juridiction de travail.

Dans la région du Nord, le Conseil de Prud’hommes lillois est le premier à être installé le 6 juillet 1810. Il sera suivi par celui de Roubaix (1810), de Cambrai (1812), de Tourcoing (1821), de Calais, Douai et Armentières en 1825, de Valenciennes en 1835 et du Cateau en 1844.

A son origine le Conseil de Prud’hommes est conçu pour répondre au souci de restaurer la discipline professionnelle. C’est l’administration (le Ministère de l’intérieur) qui décide de l’implantation d’un conseil.

A Lille, c’est le conseil municipal qui prend la décision le 29 mai 1810 de sa création. Dans un premier temps de mauvaises relations existent entre le conseil et la municipalité lilloise. Les frais de fonctionnement constituent

une pomme de discorde. La ville rechigne à assurer les 1600F de budget annuel, dont 1300F pour les salaires du secrétaire et de son commis.

Dans sa forme originelle, le Conseil de Prud’hommes lillois comptait cinq membres : trois marchands fabricants et deux chefs d’atelier ou ouvriers patentés. La composi-tion du conseil lillois, conforme aux règles imposées par le décret de 1809 illustre parfaitement la forme exclusivement patronale de prud’hommes d’origine. Ils ne sont alors ni représentatifs, ni paritaires.

Le décret du 27 mai 1848 démocratise les conseils en admettant à la fois l’éligibilité des compagnons et en affirmant le principe du paritarisme, avec en plus dans l’esprit de la Révolution de 1848 un principe favorable à l’élection croisée. Ce sont les ouvriers qui élisent les conseillers patrons, et les patrons les conseillers ouvriers. Résultat, chacun des champs voulant dominer l’autre, on élit les plus mauvais représentants dans le camp adverse. Ce résultat aboutira souvent à un blocage de la justice prud’ho-male.

La réforme de 1853 abandonne l’élection croisée. Elle est aussi l’expression parfaite d’un régime autoritaire soucieux de contrôler la justice du travail. Elle confie la justice des conseils non plus à un prud’homme élu mais à un élément extérieur nommé par le gouvernement.

Une justice conciliatoire assurée par des pairs

L’un des arguments phare ayant présidé à la création des Conseils de Prud’hommes réside dans les vertus d’une justice assurée par des pairs dans le domaine social. En effet, les conflits du travail revêtent souvent des aspects techniques qui ne peuvent être maîtrisés que par des juges issus du monde des métiers. La qualité des juges prud’ho-maux augmentent leur légitimité et leur autorité par rapport aux justiciables.

C’est la procédure mise en œuvre qui a contribué au succès de la juridiction prud’homale. Elle est allégée pour rendre la juridiction plus accessible et plus rapide. Elle est axée sur un but unique : la recherche de la conciliation.

Pendant les deux premiers tiers du XIXème siècle, plus de

Bruno Dubois

Page 4: Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lillecrdp.univ-lille2.fr/uploads/media/prudhommes-4.pdfPolitiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

90% des affaires introduites devant les prud’hommes se sont achevées par un arrangement devant le bureau de conciliation. Malgré une évolution lente et difficile, tant pèse le poids de l’arbitrage patronal, les Conseils de Prud’hommes tendent progressivement à se rapprocher d’une véritable institution judiciaire comme le montre l’évolution du statut des conseillers.

On a longtemps hésité à faire du conseiller un juge à part entière, mais l’évolution tend vers une assimilation progres-sive au corps judiciaire. Pendant longtemps les fonctions prud’homales n’ont pas été rémunérées.

Dans le Nord, dans les années 1970, certains conseillers refusent toutes indemnités au motif que « leur considération en pâtirait ». Ils souhaitaient ainsi sauvegarder leur indépen-dance.

C’est une loi de 1880, qui proclama le principe général de l’égalité entre patrons et ouvriers devant l’indemnisation des fonctions prud’homales.

Cette absence de rémunération n’empêche pas les prud’hommes d’avoir à faire face à une tâche lourde, qui les assimile, tantôt à « des fonctionnaires d’une nature particu-lière », tantôt à de véritables juges qui participent, efficace-ment, à la construction du droit du travail.

Des missions d’administration du travail

L’évolution de l’activité prud’homale est parallèle à l’évolution de l’institution. Etroitement liés au pouvoir à l’origine, placés entre les mains des élites industrielles, les prud’hommes sont d’abord institués pour combler le vide laissé par la suppression des structures d’Ancien Régime. Ils se voient alors confier une série de missions qui relèvent plus de l’administration générale des métiers que de la justice du travail. Toutefois, ces premières fonctions s’étiolent progressivement au profit des attributions judiciaires.

Les Conseils de Prud’hommes peuvent hériter de certaines attributions extra-judiciaires. Il peut s’agir d’assurer la défense des plus faibles ou d’apporter un secours immédiat dans une situation d’urgence, pour, par exemple, aider des orphelins ou répondre aux besoins de déshérités.

Les juges du travail n’hésitent jamais à dépasser le cadre de leurs attributions légales pour apaiser les conflits collectifs. Des interventions qui se font souvent en faveur des employeurs. La tradition consistant à prendre systéma-tiquement parti en faveur du patronat contre les grévistes est constante dans la pratique du conseil lillois pendant tout le XIXème siècle.

Les prud’hommes sont également érigés en gardien de la propriété industrielle. Cependant, les prud’hommes se sont vus attribuer une compétence pénale.

Ces attributions extra-judiciaires des conseils soulignent la vocation quasi universelle qu’on avait voulu confier à l’institution à son origine. Malgré cela, la plupart de ces missions seront progressivement négligées. Les prud-hommes préféreront consacrer tout leur temps et toute leur énergie au règlement des litiges individuels du travail.

D’une administration disciplinaire à l’émergence de la justice sociale

Entre 1830 et 1880, 60% des différents sont relatifs aux salaires, 13% à la rupture de la relation de travail, 10% aux malfaçons, 5% à l’apprentissage.

Les conseils de Prud’hommes rendent une justice du travail, dont la valeur est en général saluée, et participent effica-cement à l’émergence du droit du tra-

vail. A la croisée des XIXème et XXème siècles, les Conseils de Prud’hommes sont conçus à leur origine, plus comme une administration disciplinaire que comme une véritable juridic-tion.

Ce sont les grandes lois de 1905–1907 qui procéde-ront, à la judiciarisation des conseils de Prud’hommes : généralisation sur l’ensemble du territoire en les intégrant dans la carte judiciaire, apparition du juge de paix comme juge départiteur, placement sous tutelle du ministère de la Justice, ou encore appel porté devant la cour d’appel et non plus devant le tribunal de commerce.

Le Conseil de Prud’hommes : une école du dialogue

Après les exposés des universitaires sur l’histoire de Conseils de Prud’hommes, Patrick Berritto, l’actuel Président du Conseil de Prud’hommes de Lille mit en évidence l’activité actuelle du conseil lillois et du paritarisme qui le caractérise. Il apporta un éclairage sur le fonctionne-ment même du conseil et de ses acteurs.

Si le Conseil de Prud’hommes de Lille a 200 ans d’existence, comme l’ensemble de la prud’homie, cela fait à peine 60 ans qu’il fonctionne tel qu’il le fait actuellement. Un fonctionne-ment qui est la conséquence des réformes intervenues en 1958, 1979 et 1982.

Ce sont ces réformes qui ont réellement consacré la place des Conseils de Prud’hommes dans l’ordre judiciaire, de plusieurs manières :

- Par la généralisation des conseils sur le territoire national,

- Par l’extension de la compétence des conseils à l’ensemble des litiges nés du contrat de travail,

- Par la prise en charge par l’Etat de la formation des conseillers prud’hommes,

- Par la protection des conseillers salariés contre le licenciement,

- Par la légitimité des conseillers donnée par l’élection.

Les prud’hommes, ne sont pas vraiment des tribunaux comme les autres, car ils sont unique dans leur concep-tion, dans leur fonctionnement, et par leurs acteurs. Les conseillers prud’hommes, sont des hommes et des femmes venant d’horizons divers, de milieux sociaux différents, et exerçant des métiers divers et variés.

Ce sont des salariés et des employeurs élus sur des listes syndicales et patronales avec des convictions divergentes,

Patrick Berritto

Page 5: Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lillecrdp.univ-lille2.fr/uploads/media/prudhommes-4.pdfPolitiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

une idéologie différentiée sur la société et une philosophie diversifiée sur les rapports sociaux dans l’entreprise. Et pourtant, ces hommes et ces femmes sont amenés à se côtoyer, à dialoguer afin de prendre ensemble des décisions. « Cela s’appelle, note Patrick Berritto : le parita-risme ».

« Lorsqu’ils sont élus pour la 1ère fois au Conseil de Prud’hommes, je suis certain, souligne-t-il, que nombre de conseillers arrivent dans l’institution avec des images préconçues, celles des rapports sociaux que l’on connaît dans l’entreprise. Si par ailleurs, certains raisonnent unique-ment dans la défense de leurs pairs, ils s’aperçoivent très vite que leur postulat de départ ne peut tenir. On n’est pas conseiller prud’hommes uniquement par l’élection. On le devient réellement au cours du ou des mandats ».

« En fait, les comportements, note le Président du Conseil de Prud’hommes de Lille, s’ajustent au fil du temps et une interaction entre les collèges se crée. Au fur et à mesure de l’intégration au sein du Conseil, chacun apprend à se connaître et mesure la place qu’il occupe. Nous sommes dans la confrontation d’idées et non dans l’affrontement. Tout au moins, et heureusement, c’est comme cela que réagissent une très grande majorité des conseillers lillois ».

« Pour celles et ceux qui ne se rallient pas à cette façon de travailler, ils sont très vite repérés, tant par leurs collègues que le juge départiteur et ne peuvent que se retrouver à la marge ».

« Mais attention, interaction et intégration ne veut pas dire compromission, affirme Patrick Berritto, nous avons tous une identité, une origine sociale, culturelle et syndicale. Nous ne pouvons oublier que nous avons été élus sur des listes syndicales et patronales. Et à divers degrés, cette représentation intervient dans nos comportements. Cela permet, considère-t-il, un équilibrage dans les forces présentes car cette ligne syndicale est un véritable garde fou et fait la force du paritarisme ».

« La crainte serait l’électron libre, estime Patrick Berritto, toujours susceptible de jouer contre son camp, ce qui perturberait le jeu de la confrontation des deux collèges, en se contentant de jouer sa propre partition. Cette situation serait de nature à dénaturer le concept même du parita-risme ».

« Mettre sa casquette pour juger en conseiller prud’homme, et non en tant que professionnel du droit, ne consiste pas agir au nom d’un sigle ou d’une étiquette. Nous pouvons

être à la fois de bons militants et de bons juges » assura-t-il.

« Notre origine syndicale est certes présente, mais la struc-ture paritaire dans les conseils nous place dans la confron-tation et non dans le « mandat impératif » et aucun mot d’ordre ne peut être donné et en tout état de cause, ne doit être appliqué ».

« Ce que l’on pourrait nommer le « bon » conseiller prud’hommes est celui qui ne défend pas l’indéfendable, précise encore, le président du Conseil de Prud’hommes de Lille. Car être des juges militants ne nous empêche pas de rendre une justice de qualité, en toute impartialité ».

« La force symbolique et matérielle des impératifs juridiques et judiciaires nous oblige mais ne nous soumet pas. Nous gardons notre libre arbitre et notre indépendance face à la magistrature professionnelle ».

La compétence unique du Conseil au regard du contrat de travail et la place du Conseil dans l’organisation judiciaire demande aux acteurs : de juger en fonction de la règle de droit applicable, d’être juge de premier degré, non pas au regard de la censure par des juges professionnels, mais pour apporter sa vision sur les faits, de saisir du départage pour éviter le blocage.

Toutefois, les Conseils de Prud’hommes ne vivent pas en autarcie. Il existe d’autres acteurs qui interviennent en fait et en droit dans le procès prud’homal.

Les avocats, les fonctionnaires du greffe et le juge départiteur, tous acteurs...

Les avocats sont apparus dans les Conseils de Prud’hommes après la réforme de 1958. Au fil du temps, ils ont contribué à la mise en place des techniques judiciaires et procédurales. Ils ont amené le respect de la règle de droit.

La pertinence de leurs arguments peut aussi bien convaincre les conseillers prud’homaux comme les faire douter. Un doute qui oblige à la recherche, à la réflexion, au débat et à la confrontation des idées.

L’oralité des débats est indéniablement un moment fort du procès, à condition que les plaidoiries soient intéressantes et interactives tant sur les faits que sur le droit. C’est cette

Page 6: Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lillecrdp.univ-lille2.fr/uploads/media/prudhommes-4.pdfPolitiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

pertinence à l’audience qui peut faire la richesse des débats en délibéré.

Les fonctionnaires du greffe sont des agents de l’état. Leur statut leur donne une totale indépendance vis-à-vis des conseillers prud’hommes et par la même vis-à-vis des collèges. Leurs fonctions principales sont : l’accueil du public, la préparation des dossiers, le suivi des audiences. Ils ont un travail de veille sur le formalisme en assurant la régularité du procès et le respect de la procédure. Leur compétence est un apport supplémentaire dans la qualité des jugements.

Pour autant, ils n’intercèdent en rien sur les décisions prises en délibéré sauf dans la vérification de celles-ci au regard des demandes faites par les justiciables.

Le juge départiteur n’intervient que lorsque les juges prud’homaux n’ont pas réussi à se mettre d’accord. Il permet d’éviter les blocages et, parfois, apporte un nouvel éclairage sur le dossier tant juridique que factuel. Pour autant, il ne remplace pas les conseillers, surtout en formation complète. Il fait partie intégrante de la formation, tant dans le débat que dans la prise de décision.

Le juge professionnel peut ne pas reconnaître les conseillers prud’hommes comme ses pairs et ceux-ci peuvent estimer que le juge professionnel est leur supérieur. Son intervention permet, parfois, de temporiser les ardeurs et de recentrer les débats car par nature, il échappe à toute emprise partisane.

« Pour ma part, déclara Patrick Berritto, je réfute le départage basé sur le principe du collège comme celui du déni quand on estime que le problème juridique est trop complexe. Le conseiller prud’homme est en charge d’une compétence particulière, celle de régler les litiges du contrat de travail et l’intervention du juge départiteur ne doit être que l’excep-tion. En tout état de cause, les conseillers prud’hommes et le juge professionnel se doivent de travailler ensemble pour un même but : donner une réponse aux justiciables selon la règle de droit applicable et en toute équité ».

Le président du Conseil de Prud’hommes de Lille estime « qu’entre avocats, fonctionnaires du greffe, juge départi-teur, conseillers prud’hommes, il ne doit exister ni condes-cendance, ni supériorité, tous les acteurs intervenant pour une même cause, celle de faire vivre cette juridiction unique en son genre, qui malgré ses défauts et son fonctionnement atypique, a su résister aux épreuves du temps ».

Le Conseil de Prud’hommes : une instance unique

Jean-Philippe Tricoit, Maître de confé-rences, aborda la question de l’unicité de l’instance prud’homale. « La règle d’unicité, souligna-t-il, est propre au Conseil de Prud’hommes. Elle découle du fait que les deux parties relèvent de la même instance. Cette disposition impose au plaideur de regrouper les demandes liées au même contrat ».

Cette règle déroge au principe de l’article 4 du Code de

procédure civile et n’a aucun équivalent dans les autres matières civiles. En principe, son non respect a pour consé-quence de rendre irrecevable les demandes présentées ultérieurement. Elle empêche le plaignant de déposer de nouvelles demandes, sauf en cas d’appel. Cette unicité d’instance est hors norme.

On peut s’interroger de l’unicité de l’instance sur l’existence de cette règle. Elle est contestable car les raisons de son existence sont fragiles. D’ailleurs en jurisprudence, on constate que son application est de plus en plus limitée.

La règle de l’unicité existe, notamment, pour éviter qu’une multiplication des plaintes contre l’employeur n’entrave la bonne marche de l’entreprise. C’est aussi une manière de limiter l’encombrement des conseils de prud’hommes en incitant à vider, en une seule fois, l’ensemble des différents.

Toutefois, on peut estimer que cette règle est disproportion-née par rapport aux principes du droit à un procès équitable qui se manifeste par le droit d’accès à la justice. Il existe un principe constitutionnel au recours juridictionnel qui invalide constitutionnellement la règle d’unicité.

De fait, il ressort des décisions prononcées par la chambre sociale de la Cour de cassation que l’application de cette règle d’unicité tend à s’assouplir sérieusement même si le principe demeure fondé juridiquement. En ce sens, on remarquera que, pour la chambre sociale de la Cour de cassation, « la règle de l’unicité de l’instance (…) n’est applicable que lorsque la première instance s’est achevée par un jugement sur le fond ».

L’aide juridictionnelle : gratuite, mais dépendante des réalités économiques

C’est Louis IX qui a établi la première consultation gratuite. En 1850, la loi oblige le barreau à fournir une assistance gratuite.

Auparavant, la justice gratuite pouvait s’apparenter à la charité. Aujourd’hui, rendue obligatoire, elle n’en demeure pas moins dépendante des réalités économiques

« Après, François Fillon, le 1er Ministre parlant d’un Etat en faillite, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, le 15 juin 2010, affirmait que la dotation juridictionnelle ne sera pas augmentée. Pourtant selon René Despieghe-laere, la dotation n’est pas suffisante. D’autant qu’on annonce la réforme de la garde à vue. Le budget actuel de la justice n’est pas suffisant pour répondre à la situation ».

Selon le CEPEG qui compare les 47 pays européens, la France est loin d’être la mieux placée en ce domaine. Une étude réalisée par la Commission européenne sur l’efficacité de la justice le confirme.

L’efficacité d’un système judiciaire peut se mesurer de deux manières :

- Premièrement, en comparant en nombre de jours le stock

René Despieghelaere

Jean Tricoit

Page 7: Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lillecrdp.univ-lille2.fr/uploads/media/prudhommes-4.pdfPolitiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

d’affaires restant à juger. En France, il faudrait 286 jours ouvrables pour résorber le retard.

- Deuxièmement, en utilisant le « clearance rate », autrement dit le taux d’avancement. Si celui-ci est supérieur à 100, on termine plus d’affaires qu’on en reçoit. En dessous, le stock s’accroît. La France creuse son retard puisque l’indice est de 94,8. En conséquence, le nombre d’affaires en souffrance augmente.

Tous indices confondus, la France se situe derrière la Finlande, le Danemark, la Suède, la Suisse, la Pologne, la Norvège et l’Autriche.

A l’heure actuelle, le parquet règle la moitié des affaires sans que les justiciables soient présentés à un juge du siège indépendant.

La France dépense 57,7 € par an et par habitant pour sa

justice, les tribunaux, le ministère public et l’aide judiciaire. Par comparaison, l’Italie est à 71,8 €, l’Angleterre à 75,1 €, l’Espagne à 86,3 € et la Suisse à 140,5 €.

La France est dans le bas du classement avec moins de 0,30% de son PIB consacré à la justice. L’Etat Français consacre 353 € par affaire, la Belgique 397 €, l’Italie 787 €, les Pays Bas 1029 € et l’Angleterre 1131 €.

« Ces comparaisons, estime le Bâtonnier de l’ordre, montrent bien que le budget consacré à la justice dans un pays résulte d’un choix politique.

En France, nous sommes dans une situation où la justice n’est pas prioritaire. L’aide juridictionnelle qui détermine un accès égal pour tous à la justice est un principe sacré. Or, en 2009 le budget est en diminution de 300 millions d’euros.

Les recours juridictionnels sont examinés au cours d’une réunion du bureau qui a lieu le mercredi. Ceux-ci sont admis, ou non, sur le principe d’une part de la liberté de choix de l’avocat pour le client, et réciproquement, la liberté de choix de l’avocat. Si le justiciable ne connait pas d’avocat, il existe une liste d’avocats.

L’aide juridictionnelle peut être totale ou partielle selon les revenus. Pour une aide juridictionnelle totale, pour une personne seule, l’avocat touche 929 €. A l’origine l’aide juridictionnelle était gérée par le trésor public, avec des rémunérations versées à l’avocat qui, assez souvent, ne l’étaient pas avant trois ans.

La situation a évolué. Les barreaux ont créé des caisses, les Cerfa qui sont des fonds qui gèrent les dotations de l’aide juridictionnelle sous contrôle de l’Etat. Ces Cerfa font

des avances de fonds au bénéfice des justiciables et des avocats.

La défense pénale s’organise un peu différemment avec la prise en charge des mineurs, des victimes, des droits des étrangers, avec une évolution vers une facturation à l’heure.

A Lille, en moyenne, l’heure est facturée entre 180 et 200 €. L’aide juridictionnelle repose sur l’unité de valeur, qui représente une demi-heure de travail. Elle est valorisée à 22,5 € la demi-heure, soit 45 € de l’heure.

Trente unités de valeur, c’est l’indemnisation proposée pour une intervention devant le Conseil des Prud’hommes, soit 750 € pour l’ensemble de la procédure.

Nouvelles technologies : quelle frontière entre vie privée et vie professionnelle ?

Avec la banalisation des technologies de l’information et de la communi-cation, (téléphones portables, cour-riels...) les rapports entre vie privée et vie professionnelle ont été modifiés. Il y a perturbation des frontières entre les deux sphères. Un sujet hautement sensible, impliquant les espaces et lieux de travail, et sur lequel, les juristes

et conseillers sont parfois amenés à se prononcer. Selon le Pr Bernard Bossu, Doyen de la faculté de droit de l’Univer-sité de Lille 2, une question se pose : « un employeur peut-il contrôler les moyens informatiques dont use un salarié ? »

En 2006, une décision de la Cour de cassation souligne que l’outil de travail doit être utilisé à des fins professionnelles. Ainsi, les fichiers créés sur un ordinateur professionnel ne sont pas du domaine privé.

Cependant, la cour de cassation pose une limite à ce principe. Un employeur ne peut ouvrir un fichier intitulé personnel qu’en présence du salarié et ceci au nom du respect de la vie privée qui est un principe fondamental. Contrevenir à cette règle peut être à l’origine de sanctions lourdes contre l’employeur. Et les éléments de preuve obtenus de cette manière ne peuvent être utilisés en justice. Mais il est nécessaire que le fichier apparaisse bien comme personnel. Ainsi, un fichier avec seulement indication des initiales ne peut être assimilé à un fichier personnel.

Un employeur peut-il avoir un regard sur les sites visités par le salarié ? Les sites visités par un salarié dans le cadre de son travail sont sensés avoir un caractère professionnel car on n’est pas dans le cadre de la correspondance. L’employeur peut donc preendre connaissance des sites visités.

Un salarié s’est élevé contre ce principe en prétendant que l’accès à un site par la démarche du favori relève du domaine privé. La Cour de cassation a refusé cette argumentation.

Ce qui pose un problème. En effet, en visitant les sites visualisés par son salarié, l’employeur ne peut-il pas avoir un regard indiscret sur la personnalité de celui-ci en prenant connaissance des sites visités, l’employeur peut être

Bernard Bossu

Page 8: Les 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lillecrdp.univ-lille2.fr/uploads/media/prudhommes-4.pdfPolitiques et Sociales de Lille 2, aux 200 ans du Conseil de Prud’hommes de Lille

imformé des goûts sexuels, religieux, syndicaux, ou poli-tiques de ses salariés.

La CNIL considère que le contrôle ne doit porter que sur les sites les plus fréquentés. Seule une utilisation déraisonnable d’internet à des fins privées peut entraîner des sanctions pour un salarié, et éventuellement son licenciement.

Le 18 mars 2009, un arrêt de la Cour de cassation a justifié le licenciement d’un salarié ayant utilisé 41 heures dans le mois internet à des fins extraprofessionnelles.

La fréquentation de site pornographique, ou la conservation de photos pornographiques obéissent au même règle : c’est l’abus qui doit être sanctionné. La jurisprudence a tendance à ne pas faire de l’entreprise un lieu totalement d’interdiction, mais elle permet à l’employeur d’écarter ceux qui remettent en cause son bon fonctionnement.

Le temps des incertitudes

Cherchant à préciser plus encore cette notion d’une barrière plus ou moins étanche entre vie privée et vie profes-sionnelle découlant de l’existence des nouvelles technologies, Alexandre Ba-rège, Maître de conférences à l’Univer-sité de Lille 2, parla lui « du temps des incertitudes. »

« Le 11 février 2009, cita-t-il, une déci-sion de la Cour de cassation spécifie qu’un employeur ne peut ouvrir le sac d’un salarié qu’avec son accord et en présence d’un témoin. Or, un fichier informatique n’est-il pas un sac virtuel ? ».

Cette règle s’explique par le fait que le salarié a le droit au respect de sa vie privée donc de sa correspondance, droit reconnu par un arrêté du 2 octobre 2001, l’arrêt Nikon. Le salarié peut donc invoquer ce principe et refuser que l’employeur prenne connaissance du contenu de messages personnels. Cependant, un arrêt du 17 mai 2005, l’arrêt Klajer rend possible l’ouverture des correspondances et fichiers personnels en présence du salarié.

Facebook est à l’origine d’une autre source d’incertitude. Quel est le statut d’un commentaire défavorable réalisé par un salarié sur son employeur sur Facebook ? Est-ce que les propos exposés sur Facebook entrent dans le cadre du secret de la correspondance ?

Oui si les échanges sont limités. Un message négatif, même s’il est connu par l’employeur, s’il demeure dans le cadre d’un échange entre amis, relève du domaine de secret de la correspondance.

Non, si l’ouverture est nettement plus large. Un message circulant entre amis des amis n’a plus un caractère privé. Le salarié ne peut ignorer que Facebook ne garantit pas le secret. Une décision du Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 19 novembre 2010 a ainsi admis le licenciement de salariés qui avaient critiqué leur employeur sur Facebook.

Un contentieux d’exécution, plutôt qu’un contentieux de rupture

Pour Philippe Waquet, l’arrêt Nikon sur le courrier électronique et la vie privée du salarié rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation en audience publique le 2 octobre 2001 est un début. « L’arrivée d’internet, estime-t-il, modifie totalement la vie des entreprises ».

« En 1982, note le Doyen honoraire de la Cour de Cassation, apparaît le principe

selon lequel il est nécessaire de faire la différence entre la vie privée et la vie d’entreprise. Avant l’employeur sanction-nait à son gré. La jurisprudence, souligne-t-il, se fait par morceaux, et c’est ainsi que se construit le droit dans ce domaine ». Le Doyen honoraire de la Cour de cassation s’interrogea sur l’avenir des Conseils de Prud’hommes. « Ils ont grandi difficilement fit-il observer. Et même si les crédits ne sont pas toujours là, le travail, précisa-t-il, se fait de mieux en mieux ».

« Ce qui est positif, estime Philippe Waquet, c’est que le dialogue social se développe au sein des conseils, et en particulier grâce à la parité ». « Ce dialogue fait avancer la vérité qui n’est ni d’un côté, ni de l’autre ».

Pour Philippe Waquet, « une faiblesse des Conseils de Prud’hommes, consiste en l’échec relatif de la concilia-tion. » Et cela s’explique : « Le temps de la conciliation, estime le Doyen honoraire, est un temps long, un temps que les Conseils de Prud’hommes n’ont pas. C’est un point, propose Philippe Waquet, sur lequel il faut que porte la réflexion. Car, la conciliation préliminaire est dans les Conseils des prud’hommes un cadre judiciaire qui préserve les droits de chaque partie ».

« Le référé, considère-t-il, c’est la justice de notre temps où tout le monde est pressé. S’il n’y a pas de référé, affirma-t-il, la justice n’existe pas. S’’il faut attendre 2 ou 3 ans avant une décision, insista-t-il, la justice n’existe pas ». Et de déclarer : « les Conseils de Prud’hommes étant pourvus d’une instance de référé, il faut que celle-ci vive. Le contentieux prud’homal, affirma, Philippe Waquet, en terminant son intervention, devrait être un contention d’exécution. La justice prud’homale devrait aller vers une meilleure application des obligations de l’employeur plutôt que d’aller vers un contentieux de la rupture et de l’indemni-sation, vers un contentieux de la vie ».

Compte-rendu établi par Jean-Paul BIOLLUZ (ARIA-Nord)

Philippe Wacquet

Alexandre Barege

Membres du GIP CERESTE :

Groupement d’Intérêt Public (J.O. du 29 novembre 2006)Contact pour vous inscrire : [email protected]

http://cereste.univ-lille2.fr/