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DOSSIER PEDAGOGIQUE ENSEIGNANTS Série « A la croisée des chemins » LES ABATTOIRS : UN PATRIMOINE REHABILITÉ

LES ABATTOIRS : UN PATRIMOINE REHABILITÉ€¦ · muséographie tentent de répondre à des vocations différentes avec le souci d’une mise en relation d’objets ou d’images

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DOSSIER PEDAGOGIQUE ENSEIGNANTS Série « A la croisée des chemins »

LES

ABATTOIRS :

UN PATRIMOINE

REHABILITÉ

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Evelyne GOUPY - Service Educatif - 2012

SOMMAIRE UNE ARCHITECTURE DIGNE D’INTÉRÊT : POURQUOI ? ................................ 3

UN LIEU / DES OEUVRES : QUELLE(S) INTERACTION(S) ? .......................... 3

PRESENTATION GENERALE DE L'ARCHITECTURE DU MUSEE ................... 5

HISTORIQUE ...................................................................................................... 5

UNE ARCHITECTURE A REHABILITER : OUI, MAIS COMMENT ? ................. 8

POUR MEMOIRE, ETAT DU SITE AVANT LES TRAVAUX ............................... 14

LES ŒUVRES REALISEES DANS LES MURS ................................................... 15

TEMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE ................................................................. 15

TRANSFIGURATION D’UN ESPACE .................................................................. 17

ŒUVRES REALISÉES IN SITU .......................................................................... 18

TRANSPOSITION DIDACTIQUE ......................................................................... 19

REGISTRE LEXICAL ........................................................................................... 19

DISPOSITIF GLOBAL POUR APPREHENDER UNE ARCHITECTURE ............ 20

JOUER AVEC L’ARCHITECTURE DU MUSÉE ............................................. 21

DANSER L’ARCHITECTURE ....................................................................... 24

AU DETOUR D’EXPOSITIONS .................................................................... 26

IMAGINER LE FUTUR ................................................................................. 30

COMME UN ECHO - COMME UN ECHO - COMME UN ECHO ......................... 31

UN PEU D’HISTOIRE............................................................................................ 31

L'ARCHITECTURE DES MUSÉES AU XXe SIÈCLE ........................................... 32

QUELQUES REFLEXIONS COMPLEMENTAIRES DE J.-Y. LUCAS ................. 33

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. 41

OUVRAGES GENERALISTES ..................................................................... 41

ARCHITECTURE DES MUSEES ........................................................................ 41

LES ABATTOIRS ........................................................................................ 41

AUTRES REFERENCES ..................................................................................... 41

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Evelyne GOUPY - Service Educatif - 2012

UNE ARCHITECTURE DIGNE D’INTÉRÊT : POURQUOI ?

Voici quelques années, on pouvait lire, au sein des Programmes limitatifs des enseignements artistiques en classe de Terminale1 : « L’architecture des musées au XXe siècle : Espaces de conservation et de présentation de collections permanentes et d’expositions temporaires, les musées construits ou rénovés au XXe siècle interrogent nos racines culturelles comme notre ancrage dans le monde contemporain. Espaces architecturaux et muséographie tentent de répondre à des vocations différentes avec le souci d’une mise en relation d’objets ou d’images avec un large public. »

A l’époque, ces textes officiels recommandaient de faire porter l’étude « sur plusieurs réalisations significatives en prêtant une attention particulière au mode de parcours et de sollicitation du corps des visiteurs. »

Si, depuis, de nouveaux sujets d’étude se sont substitués à ces préconisations, elles n’en demeurent pas moins d’actualité puisqu’elles sollicitent de nombreux champs disciplinaires et ceci à tous les niveaux de l’enseignement. UN LIEU / DES OEUVRES : QUELLE(S) INTERACTION(S) ? Il s’agit avant tout pour le professeur de :

Définir des questionnements portant sur : o l'histoire initiale du lieu, sa fonctionnalité o son changement de destination, les choix architecturaux de la restructuration o son utilisation spatiale modulable actuelle, en regard de diverses expositions.

Elaborer, pour ses classes, des pistes de travail autour de l'architecture d'Urbain Vitry

Aborder la notion d'espace par des propositions de parcours au sein des expositions

Interroger la notion d'espace pour aider à la mise en œuvre des programmes récents

(histoire des arts, technologie, arts plastiques, enseignements d'exploration…)

Les contenus d’enseignement abordables :

" Dedans / dehors " : quel type d'enveloppe ? Que c ache-t-elle ?

Un patrimoine revisité, un lieu qui a évolué au fil des époques et a changé d’usage, les incidences réciproques entre une architecture dédiée à un cadre professionnel spécifique, un espace d'exposition et des choix muséographiques : entre l'œuvre et le lieu, quelle(s) interrelation(s) peut-on établir ? 1 Programme officiel du 5 avril 2007

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Evelyne GOUPY - Service Educatif - 2012

L’élève sera conduit à : - Affiner son regard afin de mieux observer, décrire et établir des liens ; - Accorder de l’attention à un héritage architectural afin de le situer dans le temps et

d’interroger sa nouvelle fonction.

Questionnements : - Usages passés et présents, états successifs en découlant - Questions de valorisation et de cohabitation - Coprésence de différentes catégories artistiques Plus concrètement :

- Comment l’édifice s’intègre-t-il à son environnement ? - Quelles sont les formes dominantes ? - Quelles en sont les proportions ? - En quoi la révolution industrielle a-t-elle influencé cette architecture ? - Quels matériaux et végétaux ont été utilisés ? Pourquoi ? - Comment le public, dans son mode d’appréhension, se situe-t-il dans cet espace ? - Comment est-il appelé à y circuler ? - L’édifice correspond-il à sa destination (y répond-il, y échappe-t-il) ? Pourquoi ?

Mots clés : Architecture, musée, collection, espace, conservation, Présentation, exposition, muséographie, parcours, corps du spectateur

Enseignement d'exploration, classe de seconde, Créa tion et activités artistiques

o Arts visuels : - Développer la culture personnelle de l'élève en l'ouvrant à des œuvres patrimoniales et à des

créations dans le domaine des arts visuels. o Patrimoine : - Interroger l'objet patrimonial dans son espace de création, en le situant dans une chronologie

générale de l’histoire des arts et dans le monde culturel d’aujourd’hui ; - Développer une familiarité avec le patrimoine ainsi que la conscience de la diversité des

héritages, riches de leurs contenus humains.

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PRESENTATION GENERALE DE L'ARCHITECTURE DU MUSEE HISTORIQUE :

L'architecte : Urbain Vitry (1802-1863) "Un homme attaché au passé et féru de progrès" : il fait ses études à Toulouse puis à Paris où il acquiert une double formation d'architecte et d'ingénieur.

1826. Il est nommé professeur à l'école des Arts de Toulouse.

1828. La municipalité lui confie le projet des abattoirs.

1830. Il succède à Pascal Virebent au poste d'architecte en chef de la ville, un poste qu'il occupera jusqu'en 1843.

De nombreux édifices toulousains, immeubles (cf. place de la Trinité), maisons, fontaines sont signés Urbain Vitry. Fortement marqués par un style allant du néo-classicisme au néo-gothique, les bâtiments publics qu'il réalise sont empreints d'une certaine austérité et d'un certain dépouillement. En effet, bien qu'attiré par les nouveautés techniques, il déploie un esprit conservateur, attaché à un style académique. Les abattoirs sont un exemple du type néo-classique industriel utilisé au XIXe siècle ; l'architecte s'inspire du modèle des nouveaux abattoirs parisiens. Il en adapte les plans aux contraintes topographiques et à la tradition régionale.

Les abattoirs :

1825 : Répondre aux règles d'hygiène et de salubrité publique engendre une réflexion municipale concernant le regroupement de tous les abattoirs dispersés dans la ville2, sur un site en bordure de Garonne et loin du centre : un terrain qui nécessite de nombreux remblayages pour le rehausser au niveau des allées Charles-de-Fitte est choisi. Le prestige de la capitale du Midi conduit la municipalité à opter pour un projet mettant en adéquation édifice industriel et expression d'un style architectural classique élégant. L'hémicycle, proche du fleuve est issu de la topographie du terrain retenu. Echaudoirs, bouveries, bergeries, triperies, fondoirs à suif, réservoirs, écuries, remises, parc pour les bœufs, cours de vidange et logements des agents : autant d'espaces différenciés entrant dans le cahier des charges de l'architecte. Il s'avère par ailleurs impératif de séparer les bâtiments de stabulation et d'abattage, de diversifier les accès au site, de prévoir une cour couverte pour se protéger des intempéries, de collecter le sang dans un égout central se déversant dans un canal de fuite, de prévoir une fontaine alimentée par une pompe, desservant les cours de vidange et de services, des grilles pour bloquer toute fuite éventuelle du bétail et d'utiliser rationnellement l'espace, notamment, le premier étage où seront entreposés les outils.

1828 : Début de la construction.

1831 : Réception des bâtiments.

2 Au début du XIXe, la vente de la viande était assurée par des bouchers privés, sous contrôle réglementaire de la ville ; la plus grande tuerie de l'époque se tenait à Saint Cyprien (hémicycle en bordure de Garonne pour assurer le transport fluvial de la marchandise). La municipalité souhaitait un abattoir public où l'abattage serait mieux contrôlé.

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1832 : Modification de l'édifice afin de donner au bâtiment une façade monumentale à arcades. Couvrement de la cour. Le plan ouvert et symétrique confère à l'ensemble une touche de modernité. Le tout s'inscrit dans un rectangle de 77 mètres sur 106. L'entrée est flanquée de deux pavillons de 17 x 7 m. Dans leur alignement sont construits quatre pavillons de stabulation (6 x 24 m) répartis latéralement : bouverie et bergerie sont ainsi séparées par la cour centrale. Au centre de celle-ci se trouve l'échaudoir (à l'ouest, les bœufs, à l'est, les veaux) dont l'étage sert de séchoir, les arcs diaphragmes supporteront la couverture de la cour centrale. L'hémicycle sert d'échaudoir pour les cochons. L'égout axé est connecté à la Garonne. Le chantier aura duré 44 mois.

1881 et 1891 : Agrandissement des annexes par Gaubert (architecte de la ville).

1913 : Il est question de détruire le site, jugé insalubre et d'en édifier un nouveau sur le site de la cartoucherie. Déclaration de guerre � Abandon du projet

Bouveries

Triperie Fondoirs

Bergeries

Echaudoirs à bœufs

Echaudoirs à veaux

Pavillons

Cour des échaudoirs

Echaudoirs à cochons

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1929 : Les pavillons annexes sont fortement modifiés par Montariol (architecte de la ville) qui fait construire une salle des ventes et un grand réfrigérateur aujourd'hui détruits. Extensions en béton, installation de rails pour déplacer les carcasses. Enduits ciment successifs faisant remonter l'humidité à 7 mètres au dessus du sol en façade

1989. Fermeture définitive des abattoirs.

Une nouvelle expérience : des abattoirs aux Abattoi rs

1990 : Inscription des bâtiments à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques

1991 : Création dans le cadre d'un projet de structure muséale, d'une association État, Ville, Région et d'un syndicat mixte.

1992 : Nomination de Jack Ligot comme chef de projet. Protocole d'accord entre l'État, la Ville de Toulouse et la Région Midi-Pyrénées pour la création d'un Espace d'art contemporain sur le site des abattoirs.

1995 : Nomination d'Alain Mousseigne au poste de directeur des Abattoirs. Ouverture du concours de maîtrise d'œuvre pour la reconversion en musée Trois enjeux entrent dans le cahier des charges :

• Architectural : que garder, que sacrifier ? • Muséographique :

- expositions temporaires � modularité - rideau de scène de Picasso � espace monumental à inventer • Urbain : s'ouvrir sur la ville et la Garonne

Le projet des architectes Antoine Stinco et Rémi Papillault remporte le concours international.

1996 : Obtention du permis de construire.

1997-2000 : Chantier et achèvement des travaux.

Histoire : Au collège, l’approche privilégie trois axes :

o contribuer à la transmission d’une histoire culturelle en faisant acquérir des repères historiques essentiels,

o travailler sur des œuvres d’art en visant l’acquisition de compétences méthodologiques utiles à leur analyse,

o participer à une éducation au patrimoine. Tout au long du cursus, il s’agit d’acquérir des connaissances et des repères en mettant en œuvre une méthode d’analyse qui vise à former l’esprit critique, à développer l’aptitude à argumenter et à communiquer en utilisant un langage clair, enrichi du vocabulaire spécifique adéquat.

"Un édifice n’est pas une collection de surfaces mais un ensemble de parties, dont la longueur, la largeur et la profondeur, s’accordent entre elles d’une certaine manière (...)"3

3 Henri Focillon : La Vie des formes, ch. II : "Les formes dans l’espace", Paris, PUF, 1943, p. 30.

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Superposition du plan de Saint-Sernin

et de celui des abattoirs

UNE ARCHITECTURE A REHABILITER : OUI, MAIS COMMENT ?

La transformation des abattoirs de Toulouse en Musée d’art moderne et contemporain a requis une analyse et une interprétation de son architecture. Tout d’abord, ce qui fondait son identité :

• Son nom • L'espace de représentation • Le plan symétrique • L'aspect monumental de l'édifice • L'orientation et la hiérarchisation des espaces

Ce qui le caractérise s'inscrit dans l'empreinte manifeste de l'architecture d'Urbain

Vitry. Toute réhabilitation faisant en sorte que "l'histoire nourrisse le projet", il s'agissait ici d'identifier les richesses du bâtiment. Technologie, classe de cinquième : L’enseignement de la technologie prend appui sur le domaine d’application : « habitat et ouvrages ». Ainsi, l’élève est situé au cœur des objets techniques de son environnement (ouvrage d’art, équipements collectifs, aménagement urbain, aménagements intérieurs…) dont il apprécie l’évolution dans le temps. L’agencement des bâtiments publics, l’aménagement intérieur, la stabilité des structures sont autant d’applications sur lesquelles il est pertinent de faire s’interroger l’élève. Les supports d’enseignement sont choisis par le professeur de façon à permettre une approche des principes techniques de base, des notions relatives à leur évolution technique, aux énergies et aux caractéristiques des matériaux traditionnels ou innovants utilisés. Les objets techniques retenus doivent privilégier la réflexion sur les structures et l’agencement.

Caractéristiques de l’ensemble

La composition de 1827 d'Urbain Vitry est typique de l’adaptation du plan basilical aux nouveaux programmes architecturaux du début du dix-neuvième siècle. Les modèles d’inspiration de l’architecte, issus de ses visites parisiennes et de la lecture de traités, seront adaptés à la forme triangulaire du terrain et réglés sur les proportions de la nef de Saint Sernin - dont Vitry reprend la forme et les dimensions pour la figure des abattoirs. Si on superpose les plans des deux édifices (voir illustration ci-contre), on remarque en effet les correspondances qui existent entre les deux monuments :

• Largeur de la nef et cour de l'échaudoir central • Rythme des travées et dimensions • Largeur des cours latérales calée sur la dimension du transept

de la basilique • Inscription du chevet dans les échaudoirs

A l'échelle de la ville, les deux édifices sont orientés de façon

quasi identique. La perpendiculaire aux allées de la Garonne est parallèle à l'axe de Saint Sernin : les Abattoirs sont alignés, comme la basilique, sur la constellation de l'Aigle.

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Le niveau d’intérêt architectural, supérieur à celui d’un édifice utilitaire classique, tient donc aux caractéristiques essentielles de ce bâtiment : la monumentalité, la simplicité du langage néoclassique, la rationalité du plan, la symétrie, les rapports géométriques et la terminaison en hémicycle.

A la qualité de la composition et des volumes construits, il faut toutefois opposer l’aridité et la distension des espaces extérieurs. Les pieds de vigne courant sur des pergolas, les fontaines à tête de taureaux, les murets de séparation - que l’on peut voir sur les plans de Vitry - n’ont pas tenu contre la dure fonctionnalité du lieu et les inévitables altérations successives.

Aménagement des espaces extérieurs

La modification de l’image du lieu a tout d’abord porté sur le changement d’ambiance et de qualité des espaces extérieurs. Un système de cours continues, ouvertes sur la ville, s’articulant ensemble autour d’un parcours scandé par des traitements de sol différenciés, les recadre.

Sur les Allées Charles de Fitte, une grande cour d’honneur dallée accueille le public. Cette cour sert de lieu d’exposition à des sculptures, qui, vues de l'avenue, font signal et annoncent le musée. Les entrées latérales sur la rue Charles Malpel, ponctuées par des chênes verts sur des tables de buis ouvrent ces cours aux promeneurs.

Les cours de la bibliothèque et de l’administration, revêtues de pavés et de dalles, sont bordées de buis. A l’arrière, la cour des réserves est dégagée pour les manœuvres des véhicules lourds. Elle est bordée par une jardinière dans laquelle s’inscrit la verrière de la salle Picasso.

Dans l’hémicycle est aménagée une cour revêtue de stabilisé et de pavés sur laquelle s’ouvrent les espaces de détente du programme, comme le restaurant, l’espace pique-nique et les ateliers des enfants. Au centre de cette cour, les résurgences d’eau d’une fontaine carrée apportent fraîcheur à l’ensemble.

En fond de composition, le portique du jardin ouvre sur un "parvis-cimaise" qui mène

au belvédère dominant la Garonne. L'effet de surprise y est garanti. L'arrivée au fleuve se fait en plusieurs étapes :

En sortant de l'hémicycle, la verdure du jardin, le dôme de la Grave, la brique de la tour Taillefer et le blanc de la volée de marches s'exposent au regard. L'escalier forme un rempart phonique qui annihile le bruit des flots. Sur le palier intermédiaire, des plantations accentuent l'effet de "frontière". Sur le parvis supérieur, le corps est soumis au vertige : face au fleuve, rien ne semble servir de garde-corps ; ce n'est qu'en avançant un peu qu'on découvre le balcon et les gradins permettant de faire une pause pour contempler les remous provoqués par la Chaussée du Bazacle.

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Le musée

Afin de s’inscrire dans la composition du bâtiment, toute nouvelle transformation se devait de restituer les volumes originaux de Vitry, notamment en rétablissant "à l’identique" le pavillon latéral manquant. Cette restructuration s’est donc appuyée sur une intervention par touches et a exploité, dans une relecture contemporaine, les qualités d’équilibre et de symétrie de l’ensemble.

Par exemple, l’utilisation de grandes plaques de verre en double peau sur la fenêtre thermale de la grande nef constitue un des points de modification de l’image, sans altération de la forme de l’édifice.

En ce qui concerne l'intérieur, le déroulement du parcours du visiteur va dans le sens de la composition de Vitry : l’espace d’accueil occupe les trois premières travées de la halle en s’ouvrant d’un côté sur la librairie du musée et de l’autre, en balcon, sur l’escalier palatial qui mène au hall de l’auditorium et s’ouvre sur un haut volume allant du sous-sol à la toiture.

Cet espace d’accueil est surbaissé par la création d’un premier étage et ce n’est qu’une fois la billetterie passée, que le visiteur découvre l’espace majeur de la grande halle dans toute son amplitude. Les traitements de plafond et de lumière de l’accueil préparent à cette découverte.

Le changement de destination du site ne pouvait uniquement reposer sur les techniques d'éclairage, les éventuelles vitrines ou aspects modulaires de l'espace interne. La prise en compte des œuvres par l'architecture qui leur est destinée pose question : la réussite du projet architectural implique que le visiteur ne puisse dissocier l'architecture des œuvres. Quant à l'éclairage, c'est surtout l'ambiance générale engendrée dans la nef, les transitions d'une salle à l'autre et l'adéquation au type d'œuvres présentées qui laisseront trace dans les mémoires.

Le choix de la diversité a été fait : caractéristiques spatiales et lumineuses se renouvellent au fil des espaces d'exposition.

Depuis les divers niveaux, c'est tout un jeu de vues en plongée ou en contre-plongée qui nous est offert. C'est tout un cheminement du regard qui est ici convié.

La salle Picasso : une mise en scène "théâtrale"

Rien, à l'entrée du musée, n'indique qu'une oeuvre d'une telle envergure (8,30 x 13,25 m, soient 110 m²) puisse y être exposée. La découverte globale du rideau s'inscrit dans une temporalité bien articulée.

Entrée La halle centrale, bien souvent surnommée « la nef »

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Les surprises se manifestent tout d'abord à l'opposé du hall d'accueil ; en effet, après avoir parcouru la longueur de la « nef », un premier balcon - équipé d'un garde-corps transparent - permet de découvrir la salle du sous-sol, révélant du même coup le rideau… mais pas dans son intégralité : sa partie supérieure reste dissimulée à notre regard. Notre progression dans l'escalier nous la dévoilera peu à peu, une première halte nous étant offerte à mi-parcours. Plus bas, elle se montrera dans toute sa splendeur, en haut d'une volée de marches plus larges.

Comment - au fil de ces différents degrés - ne pas retrouver trace des divers étagements dans lesquels se répartissent les spectateurs dans un théâtre traditionnel : paradis, balcon, orchestre ?

Un écrin spécialement conçu pour accueillir l'oeuvre

Œuvre monumentale, La dépouille de Minotaure en costume d'Arlequin, fait l'objet d'une présentation spécifique, en alternance avec d'autres œuvres, en raison de sa fragilité. Quand elle est dérobée à la vue, elle repose sur un pan oblique molletonné (incliné à 26°) permettant au support de ne pas subir trop de tension. Les architectes ont conçu un vaste espace (243 m²) - quasiment creusé au niveau du fleuve (à -11 mètres) - qui reproduit les proportions d'une salle de spectacle et permet de jouir à satiété de l'immense tenture. Le volume dans lequel elle s'insère est partiellement éclairé par un puits de lumière naturelle. L'espace " scénique " incomberait donc à la salle d'exposition, confrontant le visiteur à un nouveau rôle : celui d'un potentiel acteur. Dans le dispositif théâtral classique et dans le théâtre à l'italienne - sa forme accomplie -, l'illusion scénique naît de l'échange qui a lieu entre deux espaces : la scène où joue l'acteur, la salle où le public regarde ; fondamentalement, la mise en scène est une mise en espace. Ici, les frontières s'effacent pour laisser place à un passage permanent entre ces deux zones.

Vue de la salle avant accrochage définitif de l'oeuvre

Orchestre

Paradis Balcon

Scène

Vue en coupe du dispositif de monstration Dessin B. KINGERMAN

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Étaiement de la maçonnerie du bâtiment pendant la phase d’excavation

La grande halle :

La caractéristique essentielle du bâtiment réside dans la composition axée se développant de part et d'autre de la halle ponctuée d'arcs diaphragmes. L'arc constitue la référence visuelle dominante de cet espace, sa répétition engendre un rythme. Où que l'on se trouve, on sait se situer dans le musée. L'espace ouvert, non cloisonné, permet une déambulation plus rapide. Dans cette continuité vient s'ancrer, en fin de parcours,

Prouesses techniques pendant les travaux :

le bâtiment « désolidarisé » du sol

repose sur quelques pieux à l’allure bien fragile

Le même espace à l’ouverture du musée

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une grande lame de béton verticale, seul élément introduisant de la dissymétrie dans la composition générale. Sur ce pan viennent s'accrocher les escaliers permettant d'accéder aux divers niveaux et de bénéficier de points de vue particuliers. Cet espace-là se vit comme lieu de tension avec le vide, il introduit diverses temporalités.

Les collatéraux :

Les murs de séparation des cases de bouchers ont été détruits pour gagner des espaces muséographiques plus vastes. Ainsi, au rez-de-chaussée, quatre salles à droite et trois salles à gauche jouxtent respectivement la grande halle. En termes d'ouverture, tout peut être ôté ou ajouté pour une meilleure scénographie, pour accroître ou diminuer la surface de cimaise potentielle. En fonction des expositions, on peut ouvrir les espaces de la nef au maximum ou, au contraire, fermer au droit de chaque arcade par de simples cloisons de plâtre. A l'étage, les collatéraux sont en perpétuelle mouvance : des cloisons étant élevées ou détruites en fonction des œuvres exposées. Ainsi, la circulation peut-elle s'envisager en "enfilade", en ligne droite, ou, à l'inverse, en un cheminement en zigzag permettant des allers-retours entre "petites salles" et halle. Le bâtiment d'Urbain Vitry devient ainsi une enveloppe fixe englobant des cimaises mobiles.

Les salles du sous-sol : Elles se répartissent de chaque côté du grand palier donnant accès à la salle Picasso. Creusée à moins sept mètres, elles étaient initialement plus spécifiquement dédiées aux œuvres contemporaines.

L'éclairage : Le visiteur passe au travers de salles dont l'origine lumineuse présente une inversion : certaines salles du rez-de-chaussée sont éclairées en lumière artificielles alors que les salles du sous-sol bénéficient d'un éclairage naturel. Ceci contribue à estomper l'effet de claustrophobie généré par un espace souterrain. La lumière artificielle tombe sur les murs depuis un joint creux, l'écart d'intensité pouvant être réglé du simple au double et renforcé par des projecteurs. On ne manquera pas de noter, par ailleurs, le jeu d'ombre et lumière qui s'opère dans la halle : jour, contre-jour, bandes lumineuses viennent accentuer le rythme de ce grand espace.

Les matériaux : Bois, verre, pierre (grès de Carcassonne), plâtre et alta quartzite (dalles du sol) sont supposés servir de supports à l'expression des œuvres. La mise en œuvre des matériaux introduit une hiérarchisation où la brique reste la plus parlante (rappel de l'historicité du bâtiment et de la région) alors que le plâtre des cimaises propose sa neutralité.

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L'accrochage : La mobilité des cloisons permet d'aboutir à un maximum de 500 mètres linéaires de cimaise au rez-de-chaussée et de 240 à l'étage. Mots-clés : toitures de tuiles - en arêtes et en pignons, camaïeu d’ocres, parvis, axe horizontal, symétrie, rythme, ordre, régularité, stabilité, statisme, frontons, pilastres, ouvertures (rectangulaires, carrées ou cintrées), arcs en plein cintre, stèles, architecture néo-classique, obturation, alternance, séquence, hémicycle, parallélépipède, contrastes... POUR MEMOIRE, ETAT DU SITE AVANT LES TRAVAUX : Antoine Stinco et Rémi Papillault découvrirent un espace urbain désaffecté, perturbé par des constructions utilitaires discordantes, dans lequel il fallait discerner une composition harmonieuse. Percevoir, dégager, reconstruire un élément détruit – ici, l’aile sud du pavillon de la médiathèque - pour retrouver l’unité et la cohérence initiales.

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LES ŒUVRES REALISEES DANS LES MURS : Arts Plastiques, option facultative, Classe de terminale Tout en prolongeant le questionnement sur la représentation abordé en classe de première, et ce qui constitue l'œuvre, l'enseignement s'attache à la problématique de la présentation. Dans le cadre d'une pratique réflexive, les élèves sont conduits à découvrir et exploiter les dispositifs et les stratégies conçus par les artistes pour donner à voir et ressentir leurs œuvres et impliquer le spectateur. L'enseignement prend appui notamment sur les pratiques du XXe siècle, la « présentation » y occupant une place importante au point d'être parfois l'objet principal de certaines démarches de création. TEMOIGNAGE PHOTOGRAPHIQUE : La série Couleur sang regroupe vingt-et-une photographies couleur, elle résulte d’une commande passée à Simone Villemeur-Deloume4 avant que ne s’engagent les travaux. Réalisées en 1994 sur les lieux désaffectés, elles en restituent l’atmosphère de friche. L’objet de ces recherches photographiques peut sembler banal au premier regard mais dans cette apparente « évidence », l’artiste révèle son sens aigu de la couleur et son aptitude à transfigurer la matière omniprésente sous son objectif curieux.

Pour tous les clichés, René Sultra (c) droits réservés

Salle bleue Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

50 x 75 cm

Lumière du jour Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

50 x 75 cm

La grande salle

Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe 50 x 75 cm

Trois fenêtres Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

50 x 75 cm

Trou et crochet Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

50 x 75 cm

4 La photographe, qui vit et travaille dans la région toulousaine, a appris la photographie auprès de Denis Brihat, Hélène et Rachel Théret, Jean Dieuzaide et John Batho. Depuis 1985, ses œuvres ont été exposées dans différentes galeries et de nombreuses institutions culturelles en ont fait l’acquisition : Bibliothèque nationale de France (Paris), Galerie du Château d’eau, Musée des Abattoirs, Bibliothèque d’étude et du patrimoine de Toulouse...

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Evelyne GOUPY - Service Educatif - 2012

Bleu, Blanc, Rouge

Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe 50 x 75 cm

Double béance Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

50 x 75 cm

La grille Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

50 x 75 cm

Portiques et échelle

Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe 50 x 75 cm

2 diagonales. 1 poster Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

50 x 75 cm

Crochet en ogive Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

40 x 60 cm

Mortier

Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe 40 x 60 cm

Barres horizontales Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

40 x 60 cm

Fontaine Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

40 x 60 cm

Deux portails

Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe 40 x 60 cm

Cintres Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

40 x 60 cm

Crochet - Contre-jour Tirage photo couleur Ilfocolor de luxe

40 x 60 cm

Crochet N°1

Tirage photo couleur 40 x 60 cm

Crochet N°2 Tirage photo couleur

40 x 60 cm

Ecoulement Tirage photo couleur

40 x 60 cm

Machine Tirage photo couleur

40 x 60 cm

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Evelyne GOUPY - Service Educatif - 2012

Georges R OUSSE Toulouse, les abattoirs

1996 Photographie noir et blanc sur papier Kodak

124,5 x 159 cm

TRANSFIGURATION D’UN ESPACE : Georges Rousse, avant tout photographe et plasticien, mais également sculpteur et peintre, est né à Paris en 1947, où il vit et travaille. L'artiste investit des lieux, abandonnés ou ayant perdu leur fonction initiale, pour les transformer en espaces picturaux. Ainsi mêle-t-il à la fois architecture (comme trace du passé), peinture et photographie. Son travail repose donc sur une démarche essentielle : redonner vie à un lieu désaffecté en usant d’une représentation trompeuse. « L’architecture est la condition première et préalable à mon travail. Sans elle et sans cette mémoire ultime de l’architecture que je souhaite conserver, mon œuvre n’existerait pas » : ainsi l’artiste énonce-t-il d’emblée le grand principe sur lequel se fondent ses problématiques.

Dans une première intervention sur le site, il s’est approprié l’enfilade des échaudoirs en les badigeonnant de noir et en rehaussant les arrêtes qui les structuraient de blanc. Dans un deuxième temps, il a procédé par anamorphose. Enfin, il a pris une photographie, unique « ouvrage » que le spectateur est autorisé à découvrir. Cette ultime phase transforme la perception du spectateur. Ses certitudes sont troublées par la réunion dans l'image finale de divers espaces : l'espace réel dans lequel l'artiste est intervenu (les anciens abattoirs) et l’espace fictif, ici créé par l’artiste (la forme blanche demi circulaire) auxquels se superpose un troisième espace qui mélange les deux premiers grâce à la photographie. La chambre noire, véritable camera obscura placée en un point focal, restitue l’illusion d’une autre réalité dans

l’espace préexistant, invente une autre architecture. Le faux révèle une vérité nouvelle, sorte de mathématique poétique qui dépasse le réalisme photographique. C’est un jeu d’illusion auquel nous soumet l'artiste, le recours à la prise de vue redoublant cette ambiguïté. Une forme plane s'inscrit dans la partie droite du tirage. Il ne semble plus y avoir de profondeur. Cependant, il ne s'agit en aucun cas, comme on pourrait le supposer à première vue, d'une image retouchée. Georges Rousse travaille donc en illusionniste puisqu'il propose une vision particulière et renouvelée d'un espace tridimensionnel, par une intervention in situ dont le spectateur est exclu. Le lieu (les abattoirs) a une profondeur réelle et si on avait pu déambuler dans cet espace à l’époque, le demi-cercle aurait été tout aussi "discontinu", entrecoupé et éparpillé que le cercle réalisé par Varini à la sortie de la station de métro Jean Jaurès. Le processus a pourtant l’air aussi simple qu’un jeu d’enfant : une bâtisse, de la peinture, le choix d’une forme géométrique. Mais quelle magie ! Le secret : brouiller tri- et bi- dimensionnalité. Bouleversant à la fois les lois de l’architecture et de l’optique, l’illusion s’énonce comme un piège pour le regard. Ce trompe-l’œil fait disparaître la troisième dimension : ce que nous voyons suggère une platitude que nous savons fausse. " Ici, j’ai un appareil photo sur un pied, un appareil grand format. C’est un objectif, une espèce de soufflet et un verre dépoli. Sur le verre dépoli je dessine une forme et dans l’espace je reporte la même forme que je vois dans mon appareil photo. Donc, moi je me mets derrière l’appareil photo et je guide quelqu’un qui trace des points dans l’espace et quand ces points sont alignés exactement avec le dessin de l’appareil photo, on trace le trait, puis un autre et encore un autre. Après, à mesure qu’on met la peinture, la forme devient de plus en plus définie et on peut encore l’améliorer en grattant un peu ou en repeignant un morceau s’il en manque un bout. "

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Evelyne GOUPY - Service Educatif - 2012

Growth II 2003

Sculpture Argile

83,41 x 41,91 x 35,56 cm

Crédit photographique : E. Goupy

ŒUVRES REALISÉES IN SITU Disséminées par la peuplade des « Little People » inventée par Charles Simonds dans les années 70, des édifications minuscules incitent le visiteur quelque peu attentif à se prêter au jeu d’une rêverie. A peine visibles, ces réalisations donnent accès à tout un univers fantasmagorique niché dans le réel, preuve que le minuscule peut ouvrir sur un autre monde.

La chasse au trésor est ouverte ! Qui parviendra à débusquer les traces du passage de l’artiste à Toulouse ? Charles Simonds, lors de l’exposition qui lui fut consacrée en 2004, avait en effet intégré quelques œuvres à l’architecture du musée ; cette intéressante mise en abyme témoignant de l’harmonie qui existe entre les Dwellings et le bâtiment qui les abrite (jeu de construction intégrée à une construction, briques greffées à la brique) est restée en place, malgré les travaux, malgré les intempéries5. « Quelqu'un a-t-il jamais conçu un œuf ? Les nids ont-ils un style ? Existe-t-il une maison qui n'ait été pensée ? Qui a fait la première demeure ? Une maison est-elle un lieu pour vivre ? Quand une œuvre devient-elle un foyer ? Ces œuvres ce sont des ruines décomposées, Des tours qui surgissent de terre, des souches, Des traces, des boutons et des pluies florales. Ce sont des lieux pour vivre. » Charles Simonds Ces excroissances d’allure organique, dans le rapport d’échelle qu’elles entretiennent avec leur support, invitent à se questionner sur ce que l’homme édifie et, surtout, sur les effets qu’il en

attend. « La forme, la facture et la substance de son travail n’ont que très peu varié en plus de trente ans de carrière, les thèmes profonds n’ont pas changé et s’ancrent toujours sur un réseau de métaphore entre l’habitat et le corps, la terre et le corps, l’habitat et la croissance biologique, la sexualité et la mort. On retrouvera avec plaisir les implantations sauvages du peuple des « little people » accrochées comme pour mieux nous surveiller, difficiles à retrouver dans l’architecture du musée mais semblables aux premières constructions réalisées dans des anfractuosités d’immeubles dans les années 1970. Ici on ne pourra ni s’approcher aussi près qu’alors, ni espérer trouver ces intrus camouflés dans le quartier. L’élaboration de ces mondes fragiles, enchevêtrement de briques d’argile crue, formant parfois tentacules griffues, de couleur ocre et grise est digne de l’orfèvrerie. »6

5 Voir l’article consacré à Simonds dans le dossier pédagogique concernant la notion d’espace :

http://www.lesabattoirs.org/enseignants/dossiers/2012/espacepluriel.pdf, pp. 39, 55 6 Extrait de « Heureux qui comme Simonds », Bénédicte Ramade, in L'œil, n° 556, mars 2004

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TRANSPOSITION DIDACTIQUE : REGISTRE LEXICAL

Limite / Frontière / Seuil Appui / Stabilité Ouvert / Fermé

Transparence / Opacité / Translucidité Rectiligne / Brisé / Courbe

Superposé / Juxtaposé Répétition / Unicité / Rythme / Séquence

Amplitude / Mesure Rigide / Souple

Symétrie / Organisation Points de vue

Parcours / Passage / Arrêt Posture corporelle du spectateur induite par les œuvres

Vitesse de déplacement (Obstacle / Fluidité, Dégagement) Hauteur, Niveaux

Rupture / Continuité Proximité / Eloignement

Volumétrie (Large / Etriqué)

Lumineux, Tamisé, Sombre Chaud / Froid

Sonore / Etouffé / Silencieux Textures / Couleurs

Percevoir avec les cinq sens

Autant de termes permettant d’aborder les divers espaces parcourus et d’envisager de mettre concrètement les élèves au travail sur le site. Qu’il s’agisse de décrire, de dessiner, de photographier, de danser ou d’étudier le rapport que les œuvres entretiennent avec leur lieu d’exposition, cette architecture constitue un riche point d’ancrage ouvert à des pratiques diversifiées.

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COLLECTER

DEVELOPPER SA CURIOSITE

DISPOSITIF GLOBAL POUR APPREHENDER UNE ARCHITECTURE :

OBSERVER EXPLORER EXPERIMENTER

QUESTIONNER APPORTER DES CONNAISSANCES

INITIER UNE PRODUCTION COMPARER

REPERTORIER DES SOLUTIONS

ANALYSER LES ATOUTS ET LES CONTRAINTES

CROISER LES REGARDS CROISER LES APPROCHES

DEVELOPPER SON ESPRIT CRITIQUE

PROPOSER ARGUMENTER

DEVENIR ACTEUR CITOYEN

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JOUER AVEC L’ARCHITECTURE DU MUSÉE : Qu’on s’attarde à pointer ses caractéristiques ou, a contrario, à les contrecarrer, le lieu autorise de multiples pratiques plastiques. Lors des stages de formation continue proposés ces dernières années, des collègues ont été conduits à produire des réalisations répondant à des propositions variées – parfaitement adaptables au public scolaire.

Piste 1 : Vos travaux photographiques doivent démontrer la coexistence de l’ancien et du moderne :

© K. Lespagnol

© S. Got

Piste 2 : Combiner plusieurs techniques graphiques pour représenter le lieu

© I. Kaminski

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Piste 3 : Quelle que soit la technique utilisée (photo, vidéo, dessin, pratique tridimensionnelle), le résultat donne le tournis !

© E. Gamba

© B. Rocache

© N. Schild © S. Farenc ( ?) © P. Soueix

© M. Rigal © M. Clément

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Evelyne GOUPY - Service Educatif - 2012

Piste 4 : Musée insolite : produire des images dans lesquelles le bâtiment apparaîtra de façon inaccoutumée

© M.- H. Fleurigeon

© M. Saurin © M.- H. Fleurigeon

© E. Gamba © N. Schild

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DANSER L’ARCHITECTURE : Utiliser un déclencheur inhabituel … et transformer la matière dansée Deux expériences en ce sens ont été menées :

l’une, en mai 2008, avec des élèves de primaire, accompagnés de leurs correspondants espagnols7 : chaque élève avait inventé une phrase chorégraphique qu'il devait faire évoluer en fonction des divers contextes auxquels il était confronté durant cette journée. A charge pour lui de prendre conscience de la question suivante : dans quelle mesure environnement, point de vue du spectateur et formes dessinées ont-ils une incidence sur le travail corporel ?

l’autre avec des professeurs des premier et second degrés, lors d’un stage inter-niveaux en janvier 2009.

Axe 1 - Comment retranscrire chorégraphiquement une lecture architecturale ?

Recenser les lieux potentiellement exploitables en fonction des conditions climatiques En extérieur :

- L'hémicycle - Les deux allées - L'esplanade - Le plateau surélevé faisant face à l’hémicycle

A l’intérieur :

- Les escaliers - Le hall d'accueil - La passerelle (fond de nef) - La mezzanine (début de nef)

Réalisation de croquis dans un temps très court - permettant de pointer les caractéristiques des espaces retenus. En d’autres termes, établir un relevé des indices formels (il ne s'agit pas de dessiner le lieu à l'identique mais de fournir des indications sur les lignes, les formes, la volumétrie, les ouvertures, les limites, les transparences...) Par exemple :

o Dans le hall : Lignes droite/courbe, Transparence/Opacité o Sur la mezzanine : Dessus/Dessous, Oblique, Ombre/Lumière o Dans les salles d’exposition du premier étage : Montrer/cacher, Sol glissant,

Plafond bas, organisation modulaire, ouverture, passage o Sur la passerelle : Passage étroit, angle droit, ligne, verticalité, ouverture...

Recherche chorégraphique individuelle : comment ces croquis peuvent-ils déterminer

une matière chorégraphique à l'intérieur des limites imposées ? Quelles incidences auront-ils sur l’organisation spatiale, l’amplitude, la forme ?...

7 Projet mené dans le cadre de Danse à l’école en étroite collaboration avec Cathy Feybesse, Conseillère pédagogique en EPS. Action regroupant 31 élèves de CM 2 scolarisés à l’école « Bordes d’Olivier » (l’Union, classe de S. Labat) et 25 élèves de CE1 scolarisés au lycée français de Barcelone, soient 56 enfants permutant sur quatre ateliers, avec restitution finale au grand groupe dans la salle Picasso, sous l’installation de Berdaguer et Pejus

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Trois axes de recherche : En quoi les caractéristiques de l'espace à occuper ont-elles une incidence ? Idem avec le point de vue assigné aux spectateurs Comment ces signes graphiques peuvent-ils constituer une codification pour

la matière dansée ?

Stage réalisé en janvier 2009

Axe 2 : Comment faire appel à tous ses sens ?

« Mise en corps » dans l’espace : appuis, surfaces, plans, matières Apprentissage préalable d’un module chorégraphique dans un espace restreint. Transposition du module en jouant sur les surfaces, les textures, les espaces du

musée

L’espace (le « contenant ») comme partie intégrante de la composition chorégraphique

Choisir un lieu parmi les divers espaces, composer une chorégraphie tenant compte des plans, appuis, surfaces, matières : quelles incidences sur l’énergie, la qualité du mouvement ?

Du spectateur au spect'acteur, une question de point de vue… Chaque groupe présente d’abord sa composition au public en position frontale Nouvelle présentation, mais un groupe de spectateurs prend un point de vue fixe

de son choix (sur les galeries, au milieu des danseurs…), l’autre groupe de spectateurs passe dans le lieu de façon régulière (monter ou descendre l’escalier, aller chercher un objet, regarder les œuvres, traverser pour aller à l’opposé…)

Investir la salle Picasso

Restitution par groupes successifs dans la salle Picasso (243 m²) : Quelles évolutions sont perceptibles dans chacune des chorégraphies ? En quoi la monumentalité de la salle a-t-elle un impact sur la matière dansée ?

Question du point de vue : les spectateurs peuvent changer de niveau par permutation : orchestre, balcon, poulailler

Projet Danse à l’école, mai 2008

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Axe 3 : les œuvres comme déclencheurs et ressources En quoi les constituants plastiques présents dans telle ou telle œuvre instituent-ils un

nouveau point d’ancrage possible ? Par exemple :

o Le Rideau de scène et un travail sur les portés o Les peintures de Georges Mathieu et des recherches sur l’énergie,

l’amplitude, les gestes du peintre...

AU DETOUR D’EXPOSITIONS : Arts plastiques, Classe de troisième : L’espace, l’œuvre et le spectateur Traditionnellement, les arts plastiques sont considérés comme les arts de l’espace et de la forme. Ces données sont inséparables dans une dialectique du plein et du vide, de l’intérieur et de l’extérieur. La forme se déploie dans l’espace et en même temps, elle le génère. C’est ainsi que tout objet occupe, d’une manière ou d’une autre, un certain volume et manifeste l’espace. Différentes qualités de l’espace nous affectent en fonction de son échelle et de ses mesures, l’espace habitable, l’espace miniaturisé, la vaste étendue naturelle ou urbaine, le monument. L’organisation des volumes et des masses dans l’espace constitue le problème fondamental de la création sculpturale, architecturale et monumentale, environnementale, scénique. Les situations d’enseignement ouvriront aussi sur de nouvelles études : l’espace comme matériau de l’architecture et des œuvres environnementales, l’espace comme dimension de la réalité à expérimenter physiquement, l’espace comme dimension de dialogue et d’interaction entre l’œuvre et le spectateur. « Bernar Venet in context » 8 Bon nombre des œuvres réunies dans cette exposition permettaient de poser la question des incidences réciproques entre architecture et choix muséographiques qui en découlent. Dans l’art contemporain, l’expression in situ désigne une démarche spécifique dans laquelle l’élaboration d’une œuvre prend en compte son futur lieu d’implantation. Si cette dénomination s’avère, dans le cas présent, totalement impropre - dans la mesure où les productions n’ont pas du tout été « pensées » pour être exposées dans ce cadre muséal ; il n’est pas insignifiant que Bernar Venet en personne soit venu, au moment du montage, accompagner la mise en situation de sa collection privée. Les œuvres n’ont donc pas trouvé « une » place « au petit bonheur la chance » : des dialogues ont volontairement été ménagés entre les caractéristiques du bâtiment, les divers espaces de monstration et les œuvres présentées. Cela se percevait dès le parvis : le mur extérieur servait de soutien à un Effondrement de structures métalliques dont la forme rappellait étrangement les ouvertures en arc de cercle qui ponctuent les Abattoirs. A tel point que certains visiteurs ont pu se demander si ce curieux enchevêtrement de poutres courbes ne se trouvait pas là de façon transitoire, juste en dépôt, attendant le futur chantier dans lequel elles seraient insérées… Au musée : On pouvait demander aux élèves de dresser le constat de ces analogies en prenant des photographies et/ou en effectuant des croquis. Le point de vue était alors au centre de 8 Travail mené par une classe de sixième du collège Marengo – Toulouse, encadrée par Mme Lespagnol, professeur d’arts plastiques

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leur recherche puisque leurs productions devraient révéler ces similitudes (données spatiales, formelles, mise en abyme…). Le questionnement incontournable concernait l’endroit où se placer pour obtenir l’image la plus démonstrative de ces ressemblances entre caractéristiques du lieu et caractéristiques de l’oeuvre. Munis d’un carnet de croquis, ils pouvaient dessiner l’œuvre et le contexte auquel elle faisait écho, noter ses références et, en regard, lister les écarts notables, tandis que l’appareil photo circulait.

Venet : les arcs Judd : des boîtes dans une

boîte LeWitt : ossature LeWitt : cloisonnement

Mosset : en blanc et noir Motherwell : lignes Flavin : orthogonalité Morellet : lumières &

angles

André : dallage André : angle Stella : crénelures Kounellis : métal et relief

Dans un deuxième temps, on pouvait, a contrario, leur demander de pointer les œuvres qui leur paraissaient le plus en opposition avec les spécificités du lieu d’exposition.

Tinguely : animal animé West : couleur

et forme organique Morris : souplesse Kounellis : circularité Stella :

formes hélicoïdales

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De retour en classe… Fabriquer une production plastique spécifiquement adaptée à un espace de la salle de classe ou de l’établissement. Comment faire dialoguer spécificité du lieu d’installation et réalisation plastique ? Au fil des ans : les expositions du premier étage : La présentation de la collection permanente ou d’expositions temporaires permet de jouer de la modularité des espaces supérieurs. Laissés intégralement vacants ou cloisonnés de multiples façons, ils servent la muséographie en ménageant des effets de surprise. Pour chaque exposition, l’aspect et la structure des lieux sont modifiés. Arts plastiques, classe de Terminale, option de spécialité La question de l'œuvre, résultat d'une sédimentation complexe, est à appréhender dans sa relation au spectateur. L'espace du sensible Ce point du programme est à aborder sous l'angle de la relation de l'œuvre au spectateur. Comment réfléchir la mise en situation de l'œuvre dans les espaces de monstration, prendre en compte les éléments techniques classiques, du socle à la cimaise, jusqu'aux conditions les plus ouvertes, de la projection à l'installation ou tous autres dispositifs. Les conditions de la perception sensible (regard, sensation, lecture, etc.) sont à anticiper dans l'élaboration formelle du projet plastique.

Saura, Tauromachie, 2008

Cordier, 2008 Cordier, 2008

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Pey, Tombeau pour Sawtche alias Saartje Baartman Venus Hottentote, 2009

Saura, Pinocchio, 2008 Bouillon, 2010

H Histoire des arts : Deux des six grands domaines artistiques du collège sont ici convoqués :

o Les « arts de l'espace » : architecture, urbanisme, arts des jardins o Les « arts du visuel » : architecture et arts plastiques

La thématique privilégiée " Arts, espace, temps " permet d’aborder les œuvres d’art à partir des relations qu’elles établissent, implicitement ou explicitement, avec les notions de temps et d’espace, donc avec la place dévolue au corps du visiteur/regardeur.

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IMAGINER LE FUTUR : En dehors d’une simple localisation géographique et administrative délimitée, un territoire est porteur d’enjeux esthétiques et culturels mais aussi politiques, économiques, sociaux et environnementaux. Comment, en regard de ces considérations, le musée des Abattoirs se positionne-t-il ? A-t-il des incidences sur l’image du quartier, de la ville, du pays ? Quel est, en somme, son « territoire » ? Par ailleurs, si le paysage se définit comme « une partie de territoire perçue par les populations et dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations »9, quels nouveaux « Territoires du paysage » propres au musée des Abattoirs pourraient être envisagés ? Le lieu bénéficie d’une situation privilégiée en lien avec des éléments naturels ‐ la Garonne, le Jardin Raymond VI ‐ et la ville de Toulouse. Mais qu’en est-il de son insertion dans cet environnement proche ? Que penser de son accessibilité ? Les choix actuels posent question : les Abattoirs, la Garonne et le Jardin Raymond VI paraissent, au visiteur qui les parcourt, des entités bien distinctes alors que le projet initial prévoyait un ensemble ; le parvis ceint de grilles fait obstacle alors même qu’il devrait assurer la cohérence du tout. Ainsi le musée se donne-t-il comme une enclave. Ceci pose la question des limites, des zones-frontières. Ceci permet de concevoir d’autres configurations. Il s’agirait, pour les élèves, de rêver les abords de l’architecture en visant la « porosité ». Un travail usant de l’outil informatique permettrait de retoucher des photographies qu’ils auraient préalablement réalisées sur les lieux :

- Etablir les relations paysagères entre Toulouse, la Garonne et le musée - Imaginer un espace en mouvement et pour le mouvement - Inventer des alternatives de relations plus dynamiques, plus fluides entre les

Abattoirs et ses abords Cette réflexion est en cours, en partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage. Voici une de ses propositions :

9 Comme le précise la Convention européenne du paysage (Florence, 2000)

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COMME UN ECHO - COMME UN ECHO - COMME UN ECHO

UN PEU D’HISTOIRE

Étymologiquement, le terme musée vient du grec Museion, littéralement, lieu habité par les muses, divinités des arts. De cette origine sacrée, il faut probablement tenir compte pour la lecture et la compréhension des formes architecturales et des espaces produits.

En -288, Ptolémée Ier fit construire à Alexandrie le Museion (Palais des Muses) abritant une université, une académie et une bibliothèque. Ce grand Museion, avec son collège de savants et sa bibliothèque, fut plutôt le précurseur de l'université qu'une institution vouée à la conservation et à l'interprétation du patrimoine dans ses aspects matériels.

De cette appellation initiale, persistera le terme de muséum jusqu'à la fin du dix-huitième siècle. Il sera alors délaissé au profit de celui de musée, le muséum étant désormais associé aux sciences naturelles.

Il est aujourd’hui impensable de détacher le musée – lieu de conservation, d’étude et de réflexion concernant le patrimoine et la culture – des enjeux majeurs de notre temps. Pourtant, les musées n’ont pas toujours existé et leur création est plutôt récente dans l’histoire culturelle de l’humanité.

Qu’est-ce qu’un musée aujourd’hui et à quoi sert-il ?

Le musée est tout d’abord l’instrument de la sauvegarde et de la préservation du patrimoine dans son ensemble. Il en assure l’étude scientifique nécessaire à la compréhension et à la détermination du sens autant qu’à la propriété. Fondée sur des pratiques de conservation, de protection et de diffusion des valeurs du patrimoine culturel, la mission éducative du musée, quelle qu’en soit sa nature, est complémentaire de l'analyse scientifique (au sens large), qui accompagne les pratiques muséales.

La définition du musée a pu varier au cours de ses deux siècles d’existence environ. Aujourd’hui, selon la définition adoptée par le conseil international des musées (ICOM) l'appellation musée désigne «une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l'homme et de son environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique et notamment les expose à des fins d'études, d'éducation et de délectation». Longtemps associées au goût des pouvoirs aristocratiques européens, les collections d’objets sont en fait présentes dans la plupart des cultures humaines, elles traduisent un rapport au passé privilégiant les traces matérielles laissées par nos ancêtres, qui tend à les protéger et même, parfois, à les rendre essentielles au fonctionnement des sociétés humaines. Complétées des témoignages monumentaux, elles constituent aujourd’hui la partie principale de ce que l’on désigne globalement par le terme de patrimoine culturel.

Son histoire passe par les galeries des collections privées de l'Italie renaissante, puis par les cabinets de curiosités et, enfin, par l'exposition au public des collections confisquées pendant la révolution française.

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L'ARCHITECTURE DES MUSÉES AU XX e SIÈCLE10

Corps et architecture Les notions d'échelle, de circulation, d'ergonomie, de confort, nous rappellent que l'architecture est habitée par les hommes et que cette résidence domestique est source de plaisir. Toutefois, au-delà de cette heureuse proximité il nous faut voir aussi qu'elle génère, occupe, structure et régule l'espace public et qu'à cet égard il n'est pas infondé d'y reconnaître cette « sorte d'éloquence du pouvoir par les formes, tantôt convaincante et même caressante, tantôt seulement donnant des ordres » que lui attribuait Friedrich Nietzsche11. Architecture et espace politique L'expérience concrète de l'espace social et politique que nous livre l'histoire nous apprend en effet que l'architecture peut ouvrir cet espace à la pluralité des rapports interhumains comme le dissoudre dans l'unité d'un corps social homogène, contraignant ou rejetant l'individu désincorporé socialement. Si l'architecte moderne du Bauhaus a pour ambition d'ouvrir la cité au pluriel de l'espace politique, c'est ce même espace qui se trouve nié par l'architecture monumentale des régimes totalitaires. Agrégé au « tout en un » de la masse dont la plastique sert l' « ex-pression » du pouvoir, le corps individué n'y a pas lieu d'être. À l'opposé de cet assujettissement, l'exemple de la villa nous présente une architecture toute consacrée à l'individu et, par là, se prêtant de manière protéiforme à consacrer sa singularité. Individu dont le corps fait encore, si l'on peut dire, l'objet d'un soin - ou d'un sort - particulier dans tous les bâtiments publics abritant des collectivités : l'école, l'hôpital, la caserne, la prison. Les plans dérivés du dispositif panoptique de Bentham analysés par Michel Foucault dans Surveiller et punir12 nous renseignent sur la qualité d'attention au corps du détenu promise par l'architecture carcérale. En matière d'introduction et avant d'aborder la question du musée en tant qu'édifice public de conservation et d'exposition, il serait utile de revenir sur ces exemples qui relient l'architecture à une histoire politique des corps. Le musée Comme l'École républicaine, le musée est l'héritier de la Révolution française. Il est le contrepoint de son iconoclastie. Conçu d'abord à l'image d'un temple dédié entre autres au culte laïque de la beauté, il a collecté, conservé, exposé des objets en un lieu clos qui les a coupés de ce qui les reliait aux pratiques sociales et religieuses locales, héritières ou non de l'Ancien Régime, pour en faire les maillons d'une histoire universelle susceptible « d'illustrer la République ». Lieu de transmission opérant symboliquement le passage de l'ordre ancien à l'ordre nouveau, il a proposé ou imposé une redistribution des valeurs artistiques et scientifiques, les accordant aux fins apologétiques, édifiantes ou instructives qui lui étaient dévolues. L'objet de musée Sa conception a bien sûr évolué. Aujourd'hui, l'objet de musée, s'il est toujours un objet de vénération – et pour certains de délectation - est avant tout un objet de savoir qui réfère à différents champs conceptuels : historique, artistique, esthétique, scientifique, etc. Même si cet objet est de plus en plus affiché comme un signe identitaire pour tel pays, telle région, telle ville, tel musée, c'est encore un enjeu cognitif auprès des publics qui motive son

10 Texte rédigé par Philippe Sabourdin, IPR d’Arts plastiques 11 In Le Crépuscule des idoles ou comment philosopher à coups de marteau, Folio, 2002 12 Edité chez Gallimard, Collection Tel, numéro 225, mai 1993

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exposition. Les musées s'y attachent selon des modèles opératoires de formes diversifiées mais qui de fait, sur le fond, reviennent occuper l'intervalle d'une même oscillation. Ainsi, pour schématiser, la muséographie contemporaine a-t-elle pour alternative soit un régime de singularisation de l'objet dans un espace d'exposition neutre, rendu transparent ou invisible, le musée s'effaçant devant son objet, soit le recours à des « installations », des scénographies qui solidarisent les objets exposés dans l'unité d'un « décorum » sensé leur procurer une nouvelle authenticité, une « aura » inattendue. Dans cette logique, le musée lui-même peut s'affirmer comme un objet d'exposition, rivalisant avec son contenu. Sur ce dernier point, on pourra amorcer une discussion nourrie de quelques exemples en prenant appui sur une déclaration de l'architecte japonais Yoshio Taniguchi, auquel revient l'extension du MoMA de New York. Ce dernier aurait averti ses commanditaires « qu'avec suffisamment de moyens il leur offrirait de la grande architecture et qu'avec un budget plus généreux encore, il ferait disparaître l'architecture »13. La place du visiteur Espace public, espace de contact et d'échanges, qui s'accorde avec des contraintes idéologiques autant qu'avec une spécificité programmatique, le musée sollicite donc diversement le visiteur. C'est à travers les œuvres de diverses architectures que certains auteurs14 se sont appliqués à décrire ce que propose au public - explicitement ou implicitement - la topologie de l'architecture muséale. De cet éclairage sur la place de l'usager dans ce lieu public particulier découlent plusieurs axes de réflexion.

QUELQUES REFLEXIONS COMPLEMENTAIRES DE JEAN-YVES LU CAS15

Pour une analyse active de l'architecture des musées, il faudrait partir du postulat suivant : c'est une architecture sur mesure. Il est aisé de comprendre que les dimensions critiques d'une telle analyse s'imposeront assez naturellement. C'est également par cette notion de mesure que l'on pourra comprendre ce qui a engendré le traitement des espaces générés et les choix muséographiques. Mesure de la place faite à l'objet collectionné, à son statut et à sa relation à l'espace, au spectateur, à son parcours, à son ressenti, à l’objet architectural, aux transitions et au dialogue avec l'environnement urbain, aux préoccupations particulières d'une l'époque (l'air du temps), pour n'aborder que quelques questions générales incontournables.

La "mesure" politique n'est pas absente, on ne peut en faire abstraction : le caractère hautement symbolique du musée et les enjeux qui lui sont afférents, la lisibilité nécessaire du lieu, à l'échelle le plus souvent internationale, font à ce titre de la création d'un musée un geste fort.

C'est donc par la prise en compte, même modeste, de ces orientations que l'on pourra obtenir des éléments de comparaison et de compréhension. A cette fin, il conviendra aussi d'envisager ce qui, plus traditionnellement, caractérisait le musée, et les mutations qui ont conduit à son évolution actuelle � voir accrochage dans les salons du musée des Augustins.

L'un des protagonistes de cette transformation a été Willem Sandberg directeur du

13 Propos rapportés par Raul A. Barreneche, Nouveaux Musées, Paris, éd. Phaidon, 2005 14 Cf. Alain et Véronique Dervieux, L'architecture des musées au XXe siècle, CNDP, 2008 15 Coordonnateur académique Architecture à la DAAC de Nantes, intervention effectuée à l'occasion du stage lycée option obligatoire au Lycée La Herdrie, Basse Goulaine, les 8 et 9 janvier 2008

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Stedelijk Muséum d'Amsterdam de 1945 à 1962. Inspiré par le Modern Museum of Art de New York, il veut faciliter le contact entre le public et la culture par des moyens divers : exposition anti-chronologique (nouveauté pour l'époque), installation d'échafaudage sur les trottoirs bordant le musée, avec vue sur l'intérieur des salles par les fenêtres, incitant ainsi à venir visiter. Parallèlement, il s'est occupé personnellement des catalogues ou du graphisme des affiches, tout en menant une politique d'achat très active... entre autres ! Par sa contribution, Sandberg a jeté les bases d'une muséographie renouvelée. Il déclarait "Si nous voulons rester nous-mêmes, il nous faudra changer sans cesse, l'avenir débute aujourd'hui. Le grand art est toujours recherche".

Sa participation au comité de sélection du projet du centre Georges Pompidou à Paris ne relève bien évidemment pas du hasard.

A partir du milieu du XXe siècle, un grand nombre d’établissements muséaux, construit à travers le monde, témoigne de ces changements. En contact direct avec la société, dans laquelle il joue un rôle actif, le musée bouge et évolue vers ces nouvelles formes. Mais il reste néanmoins une question essentielle, toujours en débat : Le musée doit-il s’exhiber ou s’effacer ?

En France entre 1994 et 2001, vingt musées ont été créés ou rénovés. De nouveaux musées, dits de société, ont été créés aux côtés des « grands ». De nouveaux musées expérimentaux ont également vu le jour en se tournant vers la création artistique contemporaine, une création flexible, interdisciplinaire et internationale qui tend à s’éloigner des cloisonnements catégoriels. Ce qui n'est évidemment pas sans incidence sur le traitement des espaces.

D'une part, l'accompagnement des collections par une documentation, dont on peut qualifier la nature de scientifique, complète le légitime besoin de comprendre, en attribuant aux œuvres présentées le statut d'indices permettant d’appréhender une période, une société. Cet aspect pédagogique, désormais très affirmé dans les musées contemporains, n'est pas sans conséquence sur la perception de ce qui est présenté et sur les moyens de cette présentation.

D'autre part, comment, à ce propos, ne pas évoquer l'équilibre parfois instable entre l’œuvre et ce qui peut entrer en rivalité avec cette dernière ? Au-delà de l'envahissement possible par une information surabondante, c'est aussi la prégnance excessive du cadre architectural qui - lui-même faisant œuvre - peut contribuer assez paradoxalement à diluer et à brouiller les perceptions. Cette question est fondamentale dans le débat actuel.

Travailler sur les aspects sensibles de l’architecture est d'autant plus aisé qu'il est possible de travailler en ce sens, bien en amont, avec les élèves, à l'occasion de visites ou en décryptant les espaces-mêmes d’un l'établissement scolaire. S'appuyer à la fois sur une observation raisonnée (plans, circulations, aperçu du programme architectural) et sur le vécu des différents usagers permet d'amorcer cette sensibilisation à l'espace. La lecture critique, dans le sens le plus complet du terme, est un exercice dont le profit est durable.

Effectivement, au sein de l'établissement, il existe un potentiel particulièrement exploitable. La manière dont se trament les espaces, avec ce qu'ils indiquent, leurs éventuels disfonctionnements, les usages qui sont faits de ces espaces, en particulier, les usages transgressifs, sont autant de sources d'interrogation. La façon dont les impératifs administratifs et scolaires peuvent éventuellement détourner les intentions architecturales, les possibilités d'isolement, de regroupement, la gestion des flux, comme aux abords des réfectoires, renseignent sur ce que ces espaces indiquent et proposent comme modèles de comportements sociaux. Ce que ces espaces ont parfois de contradictoire, leur éventuelle solennité, leur hiérarchisation, la part possible des choix individuels, ne serait-ce que des portes ouvertes ou fermées, peuvent également témoigner de leur rôle actif.

La place faite au corps individuel est-elle réelle? Cette "rationalisation" de l'espace (ratio, ration, rationnel) réduit à la portion congrue la place de l'individu. Ce sont souvent les failles

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de cette mécanique qui génèrent des espaces accueillant momentanément les élèves. L'espace est utile, il faut s'adapter, même mal, à cette utilité. Observer ce qui est à la marge de cette utilisation est souvent révélateur des relations entretenues avec l'environnement architectural.

Ainsi même si l'expérience physique du parcours reste le vecteur irremplaçable d'une sensibilisation efficace à la lecture des espaces, l'impossibilité de visiter physiquement la totalité des lieux muséaux est réelle. Il est donc souhaitable de s'appuyer d'une part sur les visites effectuées et d'autre part sur les partis pris et les différences significatives repérés dans l’échantillonnage retenu par le professeur.

Le corps, à la fois sollicité à entrer - et contraint ou interdit d'approche, est souvent mis à distance respectable des œuvres. Il est assez simple de comprendre que la nature des volumes, leurs articulations, les choix de matériaux, les éclairages, accompagnent l'impression de sanctuarisation du lieu en codant par exemple le niveau sonore de la parole, pour n'évoquer que cela.

Les aspects techniques sont certes incontournables en ce qui concerne le renouvellement des formes architecturales, mais les dimensions des œuvres, installations, espaces dédiés à la vidéo, ont amené à proposer désormais d'autres modes de fonctionnement et la réinvention permanente des dispositifs de présentation. Encore une fois, ceci à un impact direct sur les superficies nécessaires et aussi sur ce rapport au corps et aux perceptions de celui-ci.

Pouvoir isoler un espace de projection, faire l'expérience sensorielle d'une œuvre qui exige une qualité de présentation spécifique, sont des impératifs dévoreurs d'espace. Le centre Pompidou n'est, par exemple, en mesure d'exposer qu'environ un tiers de ces collections. La part croissante prise par le monde virtuel générera probablement à son tour d'autres configurations spatiales.

Le terme de déambulation 16 , fréquemment rencontré, devrait être relativisé, si l'on considère l'architecture comme agissante : comment ne pas mettre en question cette notion, pour privilégier l'idée d'un conditionnement spatial - même subtil - dès les abords du musée et dont le caractère souvent fortement symbolique est facilement observable.

Un autre aspect réside dans le caractère concurrentiel des structures muséales qui, soumises aux lois du marché, doivent se renouveler cycliquement. Les O.C.M, (organismes culturels de marché), selon Jean Michel Tobelem, spécialiste en ingénierie culturelle, fonctionnent à la manière d'entreprises et se déterminent en fonction de stratégies marketing. Il existe un véritable tourisme culturel dont les enjeux financiers sont considérables et on comprendra l'importance d'une communication forte sur des événements ponctuels. La recherche de cette médiatisation pouvant parfois se faire au détriment des budgets alloués aux collections permanentes.

L'objet architectural lui-même participe à cette compétition et c'est parfois une incitation puissante. L'œuvre de Frank Gehry à Bilbao en est un exemple convaincant. L’image du musée devenant prédominante, le geste architectural l’emporte presque sur la perception des contenus. Le musée est alors lui-même objet d’art.

La floraison dans les dernières décennies d'un nombre considérable de musées est également liée, d'une part, aux progrès réalisés dans les techniques de conservation et d'exposition des œuvres : technique architecturale, isothermie, surveillance électronique, éclairage (on notera au passage cette question très importante, du traitement artificiel ou naturel de la lumière et par conséquent, des zones d'ombre et de leurs éventuelles portées 16 Sauf erreur, la signification donnée au terme s'est un peu écartée de la référence aux déambulatoires des édifices religieux, passages obligés le long des reliquaires, pour désigner une marche sans but précis, selon sa fantaisie

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symboliques).

D'autre part l'évolution des structures de l'art contemporain où le musée peut court-circuiter le couple galerie/collectionneur par des acquisitions parfois précoces et donc moins coûteuses. Cette politique d'acquisition a pour conséquence de nécessiter la création de nouveaux espaces d'exposition et de conservation en faisant évoluer la perception du rôle du musée.

Enfin la multiplication des espaces muséographiques s'observe aussi à cause de l'élargissement de la notion de culture où toutes les activités humaines seraient dignes d'intérêt. Ce qui est évidemment contestable. La muséification généralisée, dans ce schéma, s’accompagne souvent de défiance à l’égard de la création contemporaine.

Une des conclusions qui s'impose lors de la recherche de pistes relatives à la question du musée et aux manières dont ses architectures extérieures et intérieures sont appelées à fonctionner est bien évidemment qu'il n'y a pas de réponse univoque et pérenne. La fonction et, au-delà, la forme, sont totalement dépendantes du statut, fut-il symbolique, de l'objet muséal. Cette représentation historique, contextuelle, est donc, par essence, évolutive et dépend étroitement de la représentation que l'époque se fait d'elle-même. De plus la mutation, même partielle, du lieu muséal en vitrine formatée de l'actualité artistique, participe à cette dynamique.

Au-delà d'un lieu de collection qui a généré nombre de formes fermées, le musée est devenu un lieu d'affichage des conceptions de son époque ; l'architecture comme langage, en est le vecteur le plus flagrant. Il suffit d'observer la multiplication planétaire, désormais commune des trames architecturales vouées à l'expression de la transparence, pour comprendre qu'il y a, outre la volonté de faire la démonstration d'une démocratisation culturelle en marche (leurre architectural), la volonté de lutter contre une conception muséale et des modèles issus d'une histoire encore récente. L'architecture du musée se fonde donc sur un paradoxe et est amenée à s'assumer en tant que tel avec plus ou moins de franchise.

Particulièrement intéressants à cet égard sont les musées qui ont fait l'objet d'extensions, ou qui ont dû repenser leur mise en espace intérieure. Ils permettent de comprendre les enjeux paradoxaux qui les animent et au passage ce qui les relie et/ou les distingue de leur environnement urbain.

Les exemples ne manquent pas et, là encore, le caractère exemplaire de la démonstration, même douteuse, en rend l'étude fructueuse. Ces lieux témoignent de compromis voués à être réinventés. Il ne faudrait pas, dans leur étude, oublier de partir de ce qui définit architecturalement le lieu muséal, à savoir, le programme qui préside à sa réalisation.

Sans cette compréhension de la commande initiale, lire les espaces reste, au pire, un exercice d'improvisation purement subjectif et dans le meilleur des cas un constat, même sensible, fondé sur l'observation rationnelle et l'apport de quelques connaissances parcellaires qui s'y agglomèrent. Autrement dit, les risques d'approximation sont grands. Que dire du site, du ou des commanditaires, des fonctions symboliques et des choix politiques relayées par cet édifice qui ne peut prétendre à une quelconque neutralité ? Connaître les conditions de sa réalisation est donc une aide précieuse à son étude.

Il ne faudra pas négliger l'écart toujours possible entre la commande, le programme architectural et l'usage qui peuvent moduler ce rapport, ainsi que l'évolution de la relation au fait artistique (musée d'art contemporain, exposition temporaires), qui tôt ou tard, corrompt la pensée initiale des concepteurs, ou la volonté politique, ce qui n'est pas obligatoirement positif.

Deux réflexions suggérées par cette question, à savoir : comment matériaux et espaces sont-ils agissants sur nos perceptions ? Ce conditionnement sensoriel passe aussi par les

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codages usuels (ce qui est grand, ce qui impressionne, ce qui paraît riche ou bien ce qui apparaît comme un espace plus intime, réservé). Au besoin, les architectes ou les concepteurs de la mise en espace ont d’ailleurs parfois recours à des formes résolument métaphoriques. Pour s'en convaincre, les termes d'usine, fabrique, cathédrale, temple sont récurrents et renvoient à la fois à la fabrication et au sacré. Tout en relativisant ce constat et en évitant toute forme de caricature, la géographie n'est pas non plus absente dans cet inventaire et les particularismes sont marqués selon les pays. Des quadrillages de verre allemands des façades - qui peuvent rappeler les bâtiments du Bauhaus - aux vastes espaces de circulation quasi-religieux des musées japonais17 en passant par la réhabilitation des bâtiments industriels en Grande Bretagne, les métaphores ne sont pas rares, elle s'appuient sur des éléments de culture répandus et déjà partagés.

C'est aussi cette notion d'émotion partagée qui fonctionne comme un des moteurs possibles des pratiques muséales actuelles. Un des exemples les plus flagrants est celui de l'usage qui est fait du turbine hall de la Tate modern de Londres mettant en relation les spectateurs dans une communauté d'émotion. Ici, Le soleil d'Olafur Eliasson ou Les toboggans de Cartsen Höller proposent d'une certaine façon, l'adhésion à un corps collectif. Ce partage de l’expérience introduit un processus dont les ressorts mériteraient d’être examinés de près.

Quelques exemples incontournables dans la liste des musées

Enfin pour compléter ces quelques pistes, on peut considérer qu'il existe un certain nombre de musées ou structures culturelles particulièrement utiles à l'étude de la dimension architecturale. On pourra inclure dans cette liste quelques structures culturelles d'exposition pour peu que leur statut d'objet architectural soit remarquable et permette d'alimenter la réflexion.

La liste n’est pas exhaustive (heureusement, il existe un nombre considérable d’exemples potentiels), elle aborde quelques indices majeurs et les raisons pour lesquelles ils peuvent s’imposer. Ce sont juste des propositions

ROSSI

Bonnefantenmuseum, Maastricht Impossible, en se promenant le long de la Meuse, de ne pas arrêter son regard sur ce bâtiment en forme de fusée

- Désacralisation du musée. - Matériaux de construction utilisés

traditionnellement dans le pays.

17 "Depuis la création du terme de museion se pose la question de la sacralité du musée. Les architectes ont fait du musée ce qu’était la cathédrale d’hier, un bâtiment au travers duquel notre culture investit ses espoirs et ses rêves, des édifices pour lequel nous faisons littéralement le pèlerinage. Mais si on peut comparer le musée avec les cathédrales d’hier, le vocabulaire de l’architecture religieuse lui est néanmoins rarement appliqué. Cependant, au Japon, pays qui subissait à la fin du dix-neuvième siècle une occidentalisation sans précédent, une métaphore de l’espace sacré traditionnel se fait au travers de certains musées de manière presque littérale. Ils ne sont ni des espaces neutres offrant des objets, ni de simples produits du design architectural mais des espaces caractérisés par une mise en scène qui incitent les visiteurs à se comporter de manière particulière. Les formes ne se contentent pas de suivre le contenu, elles l’incarnent et proposent des valeurs et des croyances par des expériences vives et directes."

Cédric Doumier, Mémoire de diplôme. Institut d'architecture de la Cambre, Bruxelles

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FOSTER

Le Carré d’Art, Nîmes - Dialogue fécond entre passé et

présent. - Intégration dans un espace bâti,

urbanisé. - Spectateur renvoyé à ses propres

références culturelles.

HERZOG et DE MEURON

A la fin des années 1980 à Munich, Herzog et de Meuron modernisent un bâtiment pour la collection d'art Goetz. A partir d'un entrepôt datant des années 1960 isolé dans un parc, ils conçoivent un cube de bois et de verre doté d'un vaste sous-sol. De l'extérieur, la construction ressemble à une piscine, tandis qu’à l'intérieur, c’est un musée inondé de lumière naturelle.

- Le musée comme référence artistique (style international)

- Minimalisme de l'architecture qui laisse toute la place à ce qui est conservé à l'intérieur.

ITO

Le Musée de Shimosuwa est implanté sur un site difficile. Entouré par deux routes, il ne restait, disponible pour le musée, qu'une étroite bande de terrain s'étirant sur 200 mètres. Mais cette situation bénéficie de la présence toute proche du lac Suwa autour duquel Ito a passé toute son enfance. En réponse à ce site particulier, Ito développera un concept créatif issu du lac, dessinant une vague s'élevant de plus en plus haut pour ensuite retomber en pente douce. A son extrémité elle s'arrête brusquement comme si elle avait été figée par le gel, tout comme le lac qui, en hiver, est totalement gelé. Cette vague crée une architecture fluide qui semble en mouvement.

- Le musée comme écrin - Le musée comme sculpture (accès

privilégié du spectateur) - Prise en compte de l'architecture de

façon globale, précédant les œuvres qui sont données à voir à l'intérieur.

O'GEHRY

Musée Guggenheim, Bilbao - Le musée comme sculpture. - L'architecture comme référence à

l'histoire de l'art (baroque) - Architecture spectacle. Exubérance.

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ROGERS et PIANO

Le Centre Pompidou, Paris - Caractère emblématique de sa conception

architecturale ouverte - Technicité du bâtiment - Evolution des conditions de présentation

des œuvres. - Structure, déportation externe des

éléments "organiques"

PEI

Le Musée du Louvre, Paris - Extension du grand Louvre - Problèmes soulevés par celle-ci - Proposition fonctionnelle et valeur

signalétique de la pyramide

WRIGHT

Le Musée Guggenheim, New York - Parti pris architectural singulier - Mode de présentation des œuvres,

déterminé par la forme de la bâtisse

NOUVEL

Le Musée du Quai Branly, Paris - Qualité de son implantation dans la ville - Choix en termes de matériaux et de

traitement des espaces intérieurs et extérieurs

- Ce qu’il révèle du statut des objets collectionnés

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HERZOG et DE MEURON

La Tate modern, Londres - Réhabilitation du lieu - Spécificité de la circulation et de l’accès

immédiat - Choix de l’accrochage non chronologique - Usage qui est fait du Turbine hall (le hall

des turbines)

BARDON, COLBOC, PHILIPPON

Le Musée d’Orsay, Paris

- Architecture d’intérieur de Gae Aulenti, - Difficulté rencontrée à réhabiliter un espace

de manière pleinement fonctionnelle - Impact négatif sur les conditions de

circulation et de présentation des œuvres.

LIBESKIND

L’extension du Musée Juif, Berlin - Qualité magistrale de la réponse à une

problématique difficile : évoquer le manque, donner une forme architecturale à l’absence.

Parmi les exemples complémentaires possibles :

La Fondation Beyeler à Bâle par Renzo Piano : la déclaration de l'architecte permet l'étude frontale d’une question essentielle. « L'édifice du musée doit, par son architecture, s'efforcer de manifester la qualité propre de la collection qu'il abrite et définir sa relation avec le monde extérieur. Il s'agissait donc d'un rôle actif, mais non agressif. »

Le choix d’une ou plusieurs formes architecturales très singulières, dont l’aspect extérieur ne révèle pas spontanément la fonction n’est pas sans intérêt, car cela permet d’évoquer de façon ouverte les relations entre formes et fonctions. De plus, il s’agit d’exemples aisément mémorisables.

L’évocation de structures culturelles, de lieux d’exposition, tels la Fondation Cartier pour le parti pris architectural manifeste, le Lieu Unique ou le Palais de Tokyo pour les options de présentation des œuvres et l’utilisation de l’espace, est également envisageable.

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BIBLIOGRAPHIE

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50 activités pour découvrir l'architecture à l'école et au collège, Marie-Claude Derouet-Besson, SCEREN, 2007

Patrimoine références : L'héritage industriel, un patrimoine, Claudine Cartier, SCEREN, 2002

Patrimoine références : Architecture du XXe siècle, un patrimoine, Gérard Monnier, SCEREN, 2004

Mallette : 15 œuvres dans le monde pour découvrir l'architecture contemporaine, un bâtiment, un architecte, Collection d'architectures, Arc en Rêve, Bordeaux

Danser les arts, Tizou Perez, Annie Thomas, CRDP des Pays-de-la-Loire, Nantes, 2000

ARCHITECTURE DES MUSEES

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Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, Collection Tel, 1993