LesAmisduFestivalauPaysBasqueCette fois les Amis du Festival, toujours sous lahouletted’AnneDussoletd’OlivierBraux,sesontlancésdansuneaventureréservéeengénéralauxgrands voyages vers les festivals d’opéra. Le butenétaitplusculturel,historiqueetgéographique,dans une agglomération connue de beaucoupjustement pour la curieuse mutation de sonimage, d’un passé industriel lourd (et même«d’industrie lourde»!) à un présent culturel eturbanistiquerenouvelé:jeveuxparlerdelavillebasquedeBilbaoquenousavonsparcouruedelacaveaugrenierdu4au8mai2016.

LecanalduMidiauseuildeNaurouzeLa distance à franchir en autocar pour y parvenir n’était pas courte: en fait, nous avons suivi unepartiedugrandchemindeSantiago,celuiquivadeProvenceenEspagneatlantiqueparleLanguedoc,Toulouseetlepiémontpyrénéen.Maislevoyaged’allers’estfaitsouslesoleiletapermisd’admirersur toute sa longueur la chaînedesPyrénéesencoreenpartie couvertedeneige, etde longerd’un

bordoudel’autrelesalléesdeplatanesducanaldu Midi. D’où la halte-déjeuner à Port-Lauraguais, dans un grand «caravansérail»autoroutierinstallésurleseuildeNaurouze,aupoint le plus élevé de l’œuvre de Riquet, entreGaronne etMéditerranée.A l’approcheduPaysBasque, Olivier (enfant du pays) nous a faitréviserlesœuvresetlescompositeursquenousallionsentendreenconcert,etnousapréparésàla réalitéhistoriqueet socialedecepaysextra-ordinaire.Les hautes Pyrénées depuis une aire del’autorouteA64,danslesoleildel’après-midi

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Les«Troiscouronnes»,crêtecristallinequiannoncedeloinl’arrivéeaupaysBasqueespagnol

Quiestcemusicienpensifdansleparcprèsdel’hôtel?Verdi!L’hôtel*****,ungroscarrérouged’unegrandechaîneespagnole,étaitàproximitéimmédiatededucentre-ville,del’Auditorium,delariaduNervión,entreungrandparcpublicàl’anglaiseetuncentrecommercial(pratiquepourlesachatsde«souvenirs»basques).Lebuffetdumatinyétaitcopieuxetonpouvaitdéjeuner«ibérique»d’unpancontomate,deboquerones(anchoisauvinaigre),detortillacon patatas, de vin (et même de cava, le «champagne» espagnol, mais nous n’avons pas osédéboucher la bouteille!). Unepetite piscine encastréedans la façade en étage a permis à quelquesnageusesetnageursdugroupede«fairedeslongueurs»poursedétendreauretourdesjournéesengénéralbienremplies.

Eneffet,dèsjeudimatin,nousexplorionslagéographieurbaineetl’histoire de la ville, sous la conduite d’une guide basque trèsdynamique, sympathique et connaissant bien son sujet (elle allaitnousaccompagnerdemanièreefficacependant toutnotreséjour)en usant de l’autocar et de nos pieds: un petit tour en bus pourprendre la mesure de ce site particulier. Nous avons d’abordparcouru la ville «moderne», désignée sous le terme espagnold’ensanchequidésignelesquartiersd’extensionplanifiéedesvillesespagnoles au 19e siècle industriel et ferroviaire (le plus célèbred’entre eux étant en Espagne celui de Barcelone, dessiné parl’ingénieur Ildefonso Cerda sur un plan quadrangulaire souventrepris,etquiamisprèsd’unsiècleàêtrerempli!).Labourgeoisiebasque, enrichie par les activités commerciales et industriellesinstalléessurleportetlaria,atraduitdanslapierresonnouveaupouvoir économique: immeubles de banques, de compagniesd’armateurs, palais de résidence... faisant appel aux talents desarchitectes du modernisme basque, catalan ou étranger. Deuxcuriosités de la période la plus active de l’ensanche: la façade du

Teatro Campos Eliseos, superbe décor moderniste d’un architecte Basque français, Jean BaptisteDarroquy(1902).

Encorepluscurieuxunénormeentrepôtdevins(Alhondiga,1909)aubeaumilieudel’ensanche,dontil occupe tout un quadrilatère: l’architecture moderniste pseudo-médiévale extérieure en a étéconservée,etl’intérieurentièrementrenouveléparlaréhabilitationrécentedePhilippeStark(2010)quiena faituncentrecultureletsportifmunicipal.Lepatio intérieurestrecouvertparunepiscinetransparente installée sur le toit qui laisse voir d’en dessous les baigneurs s’ébattre comme desgrenouillesdansunbocal.

Larénovationdel’Alhondiga(motd’originearabequidésigneuneboursedecommerce,lonjaenespagnol)aconservélesénormespiliersdontlesdécorsencéramiquedisentbienlapremièredestinationdulieu!

Nous avons pris ensuite toute la mesure du siteurbain en montant en autocar au Mont Artxanda,sortedeFourvièreoudeMontmartrebilbaino (il y amême un funiculaire pour l’atteindre directementdepuis la ville) qui offre un panorama de la ria duNerviónouIbaizabal(pourlesBasques),delameràlamontagne. La ria est la partie terminale d’une valléefluviale surcreusée à l’époque glaciaire (le niveaumarin s’était abaissé par suite de l’accumulation del’eaudanslesinlandsis)puisennoyéeàladéglaciationavec la remontée du niveau de l’océan… Si bienqu’aujourd’hui encore la marée remonte jusqu’à lavieilleville(à14kmdel’embouchure)etquelescrueset inondations ne sont pas rares, surtout lors desmaréesdeviveseaux.Lavilles’est installéeaupointde remontée maximum de la marée, et a «glissé»ensuite vers l’aval, en suivant les installationsportuaires qui accompagnaient l’accroissement de latailledesnavires.Unepetitetablesuruntrottoirprèsdel’Alhondiga,oùlecaféetlapâtisseriebasquesétaientdélicieux….

Une belle croisée d’ogive gothique Renaissance,entrelacs de nervures des liernes, destiercerons…En redescendant de la montagne, la premièrevisite a été pour la basilique Santa Begonia,dont les énormes colonnes portent une hautevoute romane grâce à des bouquets d’arcsdignes du gothique angevin (un modèled’architecture religieuse que nous allionsretrouver souvent dans d’autres églisesbasques). Enfin la visite de la vieille ville, auxruelles étroites mais aux maisons hautes etencore occupées par les autochtones: façadescouvertesd’oriels,moruessaléespenduesdansles vitrines, toute la saveur du commercetraditionneld’unevillebasqueetespagnolequis’estdéveloppéeaufondd’uneriasurlapêche,lecommerceet l’industrie.Detempsentempsunecoquille saint jacquesscelléedans lepavénous rappelaitquenousnous trouvionssur legrand chemin de Santiago (la «voie lactée»).C’est près du théâtre Arriaga et en face (del’autrecôtédelarivière)delagaremodernistede la compagniedu cheminde ferdeBilbaoàSantander que nous avons pratiqué notrepremier restaurant basque, et constaté, parl’importance de la viande de bœuf au menu,que lepaysBasquen’estpas,à l’inversed’unebonnepartiedel’Espagne,lepaysdelachuletadecordero.

La morue entière (bacalao) est toujours trèsprésentedansquelquesvitrinesducascoantiguodeBilbao

LagaredelacompagnieduchemindeferdeSantanderàBilbaosurlesbordsduNervion

L’après midi a été consacré à la visite du muséeGuggenheim, passage obligé du touriste à Bilbao etpremier morceau choisi de cette nouvelle architectureeuropéenne de musées et de fondations, bousculeuse deplans,defaçadesetdevolumes.Cetteœuvre«provocante»a servi d’emblème à la «renaissance» de la ville après lacrise quasi existentielle qui a marqué la fin de la grandeindustrielourdeaveclafermeturedelaprincipaleusinedes«AltosHornosdeVizcaya»en(etlafaillitedelapremièresociété industrielle basqueen employés et en chiffred’affaires)

LeschupachupsdeJeffKoons

LamairiedeBilbao

2villasbourgeoisessurlarivedroitedelaria,enfacedel’ensancheL’ancien bassin de radoub des chantiers navals,prochede l’ensancheetdominépar la«cathédrale»dufoot,accueilleaujourd’huiquelquesvieuxbateauxpourlemuséedelanavigation

Levendrediaétéconsacréjustement,aprèsunematinéelibre,àunepromenadeenbateausurlaria,depuislavieillevillejusqu’àl’entréeducanaldeDeusto(àmi-chemindel’océan):encontrepointdel’urbanisme triomphant des quartiers nouveaux des bords de ria, c’est un alignement de pauvresmaisonsouvrièresplusoumoinsdégradées,de terrains en friches, d’usines abandonnées,dequaisportuairesvides,degruesimmobiles(ilfautalleràl’aval,toutprèsdunouveauportd’embouchure,àSanturtzi, pour retrouver le paysage industriel qui soutient encore en partie l’économie de laville)…Imagesdelafind’uncycleéconomiquepourl’industrienéeducharbonetdufer.Maisaussidebelles vues sur la partie nord de la ville, les anciens chantiers navals, transformés en musée, et

dominéspar lanouvelle«cathédrale»deBilbao, c’est àdire le stadede football SanMamés,objet,commel’équipequiyjoue,(l’AthleticBilbao,pourlesnonfooteux!)d’unvéritableculte…Dansunsiteurbainoùleterrainàbâtirestunechoserareetchère,lesresponsablesonttrouvél’argentetl’espacepourconstruireunstadedeplusde50000placesàquelquesencabluresducentredelaville.

Nousavonscroiséaudépartdejeuneséquipesderameursquis’entrainaientsurdegrossesbarquespour les courses de trajineras, courses traditionnelles de barques traditionnelles dans le folkloresportiflocal:8rameursetunbarreurdeboutdansunelonguebarqueeffilée,destinéeautrefoisàlapècheàlabaleine(ehoui!ilyenaencoredanslegolfedeGascogne),etqu’onretrouveaujourd’huiaccrochée parfois au plafond des restaurants de pintxos (tartines) d’une chaîne de restaurantsbasques!

Auretournousavonsdéjeunédansunrestaurantdel’ensanche:nourrituredélicieusequinousafaitgoûterdesspécialitésbasquesparpetitsplatspour4…etcopieuse(lesbalancesdesalledebainontdûprononcerdesverdictssévèresauretouràAix),avantd’allervisiterlemuséedesBeaux-Arts.Les

collectionsanciennessontrichesdetableauxdevaleur,etlespeintresbasquesdepuisle19esiècleontproduitdesœuvresnombreusesetintéressantes,oùsecachentquelquesperles…Le soir, concert à l’Auditorium (PalacioEuskalduna): de l’extérieurun gros parallélépipèded’acierrouillé,pour lesouvenirde lasidérurgie, j’imagine…en faitde l’aciercorten,dont la rouilleestuneprotectionefficace, (lematériaudeprédilectiondusculpteuraméricainRichardSerra,vuaumuséeGuggenheim), etde l’intérieuruneexcellente sallede concert, pour entendre lesmusiquesdécritesparOlivierdeuxjoursauparavant(voirsontexteàlafinducarnet).Lesamedifutlejourdel’excursionàSaint-Sebastien:letempsquinousavaitétéjusquelàfavorable,adécidéd’êtrevraimentbasquepourunefois,etnousdonnerunexempledesapluieatlantiquequirendlacampagnesiverteetlesarbressifeuillus.Heureusement,celan’apasduré:justeletempsdelongerlelittoralàZarautzpourvoirunpeudelacôtetailléedansleflyschpyrénéen(avecsesgaletscommeprédécoupéesdansleslitsdessédimentscalcaires)etensuitedevisiterlavieillevillesouslesparapluies…Nousavonsdoncvu laConcha, lagrandebaieen formedecoquilleSt-Jacques)sous lapluieetsouslesoleil…Lavieillevilleapeudemonumentsancienscarelleaétéincendiéeen1813(etune partie de sa population massacrée) par les troupes anglaises de Wellington, furieuses de larésistancedestroupesfrançaisesassiégéesdanslavilleremparéeàlafindelaguerred’Espagne.Elleaétéreconstruitedanslapremièremoitiédu19esièclesanschangerleplannil’étroitessedesrues,avecungrès jaune lumineuxqui luidonneunebelleunité.Notrepetitparcoursacommencésur laplace du marché, devant le monument en hommage au compositeur Raimundo Sarriegui (1838-1913):unpoèmescellédanslebronzeetgardéparuntambourinairedelaTamborrada,défilédelafêtedeStSebastien,personnagecherauxDonostiarras(dunombasquedelaville,Donostia),dansununiformemanifestementcopiédeceluidestroupesnapoléoniennes.

Après avoir vu lesbeauxpoissonsdugolfe (deGascogne),nousavonsadmiré les églises gothiquesdontlescolonnesetlesnervuresdesvoutesabritaientàlafindelamatinéedusamedidesmariages«engrandespompes»(enparticulierunchapeaudebelle-mèreparticulièrementréussiàlabasiliqueSantaMaria!),etl’ancienquartierdespêcheurscolléentreleportetlaforteressequidominaitlaville,sansoublierlaplazamayor,dontlesbalconsportentencorelesnumérossouslesquelsonpouvaitleslouerautrefoislesaprès-mididecorridas(alascincodelatarde!).

A Saint-Sébastien, il y a des pelotes basques pour toutes les mains et tous les âges: pourlesdébutants,lesalevins(?),lesbenjamins,lesbicolores,lespassionnées,lesenfantins,lesjuvéniles,lesanciens,lesprofessionnels,etles…chauffe-mains!!!

AuretourdeSaint-Sébastien,unpetitdétourversl’avaldelarianousapermisdevoirleponttransbordeurdePortugalete/Getcho,destinéàpallierl’absencedepontsentreBilbaoetl’embouchure:ilaétémisaupointetconstruitparlacollaborationd’unarchitecteespagnoletd’uningénieurfrançaisen1893etfonctionnetoujours.

Ledépartpourleretours’estfaitledimancheaupetitmatin,avecquelqueschorizos,jamonesetbotellas(txacoli,levindescoteauxdelaBiscaye)danslesbagages,histoiredesesouvenirdecevoyage«exotique»lorsdesprochainsapéritifsaixois.Ceretourparcontreaétéaccomplisousunautretempsquel’aller,grisjusqu’àToulouse,venteuxd’AutandanstoutleLauraguais,trèspluvieuxsurtoutelaplainelanguedocienne…etlesmélodiesdesmusiciensbasques,dontOliviercontinuaà

nousfairelaprésentation,neparvinrentpasàfairerevenirlesoleil.Maislapluien’arrêtepaslepèlerin,etnousrecommencerons!RolandCourtot,mai2016************************************LeConcertàl’AuditoriumdeBilbaoDéjàqu’ilyapeudemusiquesaussiobsédantesquelaForlaneduTombeaudeCouperindeRavel,avecsondéhanchementrythmiquelancinant…alorsquand,enplus,onrelit,parcequel’auteurdoitvenirprésenter son livre audîner «LeLivre et laMusique» suivant,LesForêtsdeRavel qui racontent lagenèsedel’œuvre,cethommageauplusgénialclavecinistefrançais,thrènepoursesamismusicienstombés à la guerre, on est littéralement assiégépar cettemusiqued’un raffinement suprême. C’estdanscetétatd’espritquejem’avançaisverslePalaisEuskalduna,revêtudesaparured’acierrouillé,commeundernierbâtimentsortidesdéfuntschantiersnavalsdeBiscaye.Grande,bellesalle,maiscommentsonneraitl’OrchestreSymphoniquedeBilbaodanscettepierredetouche de la transparence et du miroitement ravéliens? Est-ce le fait que le chef d’orchestremadrilène Arturo Tamayo ait été un disciple de Pierre Boulez? Sa lecture rigoureuse, commedépersonnalisée(lesecretRaveln’auraitpasprotesté) joueavecprécisionde l’étagementdesplanssonores,entreallégementsdelapâtesonoreetsoudainesperforationssubitoforte.AdmirableNicolasCarpentier (tiens, tiens, un compatriote?) qui lance dans les incessants solos de hautbois uninstrument qu’il fait ici sonner «à l’ancienne», comme on pouvait l’entendre jadis à l’OrchestreNational,àlaSociétédesConcertsduConservatoire,telqueRavell’asansdouteentendu:mincedeson,presquenasillard,agresteàcoupsûr.CommeilretrouveradansMahlerlesoninternationalquis’estimposéaujourd’huidanstouslesorchestres,onpouvaitêtrecertaind’unesonoritévoulue.Elleafaitmerveilledanscettecoloratureéperdueoùlehautboisravélienestengloire.Commetousceuxquil’ontvue,jegardeunsouvenirinoubliabledeLilyLaskine,«lagrandedamedela harpe», minuscule silhouette agrippée, comme un koala, sous son gigantesque instrument d’oùsortaientlescantilènesmousseusesetlesponctuationsoffertesàlaflûtedeJean-PierreRampaldansleconcertodeMozart. J’enétaisrestéàcetteconstatation,confortéepar lesAnnieChallan,MarielleNordmannouMarie-ClaireJamet:harpiste,c’estpourlesfemmes.Ehbien,XavierdeMaistreestunsplendide gaillard; Toulonnais, il ne déparerait pas le Rugby Club de la ville! Harpe solo à laPhilharmoniedeVienne(premierFrançaisàintégrerl’illustrephalange),ilavaitmisauprogrammeleConcerto du compositeur argentin Alberto Ginastera (1916-1983). Méconnu en France, les payshispaniquesonteuàcœurdecélébrerlecentenairedesanaissance.LesBasquesrendaient,enoutre,hommageàl’enfantdupays,NicanorZabaleta,créateuretdédicatairediconcerto.Maisc’estvrai,ilyavaitdéjàeuunLes Amis ont découvert avec bonheur unemusique où la science est déboutonnée par la frénésierythmiqueetunesortede«tachisme»orchestrald’unebelle fraîcheur.Aprèssalutsbondissantsetsourires carnassiers, le beau Xaviermet la salle à ses pieds aux sons de variations sur un air qu’àl’entracteMonikaBeckerschanteainsi:

MeinHut,derhatdreiEcken,DreiEckenhatmeinHut,UndhaternichtdreiEcken,DannistesnichtmeinHut.

SimultanémentRolandCourtotenassurelaversionfrançaise:

Monchapeau,ilaquatrebosses,Quatrebossesamonchapeau;

S’iln’avaitpasquatrebosses,Ceneseraitpasmonchapeau.

Il fallaitbien ce retourà l’enfanceavantdeplongerdans la couléede24minutesde l’Adagio de la10ème SymphoniedeGustavMahler!Musiqueerratiqueoù l’auteurduChantdelaterre abandonnetout recours au développement et semble chercher à s’évader des territoires qu’en neuf«Symphonies-monde»iladécouvertsetdéfrichés.«Adieu,malyre!»a-t-ilécritdanslamargedelapartition…Austèredetimbre,auxcontrastesdynamiquesatténués,cettevariationperpétuelle,d’une

irrémédiabletristesse,constammentauborddusilence,avantunegigantesqueetultimecontorsiond’une intensité à peine soutenable, s’avance au-devant de la musique nouvelle qu’il incombedésormaisàSchönbergetBergdemanifester.DirequeleBilbaoOrkestraSinfonikoapuisserivaliseravecVienneouAmsterdamdanscettemusiqueserait infantilemais, sous la direction analytique, toute boulézienne, d’Arturo Tamayo, la phalangebasqueestloindedémériter.Pourbeaucoupd’entrenous,c’étaitlebaptêmedufeudecettemusiquelagunaire, où des nappes sonores en grisaille découvrent, avant de les engloutir, de frêles îlotsmélodiques.Unpeudésemparés,sansleréconfortdes«Ewig!»(«éternellement»)septfoisrépétésdelatoutefinduChantdelaterre,nousavionsbienbesoind’êtrelibérésparlanuitbleuprofondetlesilencerépandussurlavilleoùlamaréeinnervesottovoceuntempolarge,puissant,mahlérien.EtjepensaisaudélicieuxquatraindePaul-JeanToulet:

Merendras-tu,rivagebasque,Avecl’heurenvoléEttesdansesdansl’airsalé,Deuxyeux,clairssouslemasque?

OlivierBraux,mai2016