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MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES - DGCID Février 2003 NUMÉRO 4 L’actualité des services aux entreprises Les BDS (Business Development Services) Clusters et réseaux d’entreprises MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES - DGCID

Les BDS (Business Development Services) L’actualité des ......Un artisan au Sénégal travaillant sur un touret à meuler. 3 « L’actualité des services aux entreprises » n°

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  • MINISTÈRE DES AFFAIRESÉTRANGÈRES - DGCID

    Février2003

    NUMÉRO 4

    L’actualitédes servicesaux entreprises

    Les BDS (Business Development Services)

    ➤➤ Clusters et réseaux d’entreprises

    MINISTÈRE DES AFFAIRESÉTRANGÈRES - DGCID

  • B onjour, la présente édition s’attachera authème des clusters et réseaux en portant uneattention particulière aux liens d’affaires quiles constituent.

    Dans la plupart des pays en développement, les pe-tites et très petites entreprises représentent la ma-jorité des entreprises et de l’emploi. Elles sont deplus en plus exposées à la concurrence et aux exi-gences locales et internationales en termes de qua-lité, de production, d’offre de produits et services.Les réseaux et clusters leur offrent l’opportunité dese regrouper pour atteindre des économies d’échelleet une efficacité collective, de s’organiser en se spé-cialisant et se complétant les unes les autres, demener des recherches et actions communes, decommuniquer et d’échanger des informations. Cesformes d’organisations leur permettent de s’organi-ser de façon souple et réactive.

    Quelles formes peut prendre la collaboration de cesentreprises selon le contexte et l’objectif recher-ché ? Comment les différents acteurs (entreprises,agences gouvernementales, système bancaire, as-sociations d’entreprises, coopératives, etc.) s’asso-cient-ils entre eux à cette fin ? Ont-ils besoin d’ungestionnaire intermédiaire, d’un médiateur com-mun ou d’un autre média leur permettant de tra-vailler ensemble ? Les textes de la partie « Idées,concepts et politiques » en particulier nous mon-trent qu’il n’existe pas de typologie unique des clus-ters ou des réseaux, bien que tous les différencientprincipalement selon leur stade de développement,de la naissance à la maturité.

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    Et qu’en est-t-il de l’appui ? Un cluster/réseau, ou desliens d’affaires, peuvent-ils se développer seuls ounécessitent-ils un catalyseur externe ? Dans quelscontextes peut-on soutenir efficacement le dévelop-pement d’un cluster/réseau ou de liens d’affaires ?Vaut-il mieux agir sur les entreprises (au niveau micro-économique) ou plus indirectement au niveau deleur environnement (méso-économique) ? Quellessont les modalités de ces types de services, qui ensont les prestataires, les bénéficiaires, quelle est leurportée, la durée et de l’appui ? Autant de questionsauxquelles cette publication apporte des élémentsde réponse aussi bien conceptuels que concrets. Voustrouverez des analyses, expériences et méthodes d’in-tervention en différents contextes : en Italie, les ré-seaux/clusters se sont développés « naturellement » ;au Danemark, en Inde, ou encore en Thaïlande, cedéveloppement a été canalisé par des politiques vo-lontaristes de différentes ampleurs ; au Zimbabwe,le projet Manicaland a été mené afin de développerdes liens d’affaires entre entreprises et créer une cul-ture de coopération ; au Kenya, l’action s’est centréesur une forme particulière d’appui, les visites d’é-change organisées entre entreprises.

    Ainsi, de différents contextes découlent différentesmodalités, types et ampleurs d’interventions. Parmiles expériences que nous vous présentons, certainsprojets sont en cours, d’autres sont en phase de re-trait ou terminés. Qu’en est-il de leur réplicabilité ?De la mesure de leur impact ? De l’évaluation de leurefficacité ? Des questions centrales que vous trou-verez en filigrane dans les textes que nous vous pré-sentons.

    Bonne lecture, et excellente année 2003 !

    L’actualité des services aux entreprises 2

    Photo de couverture de Pascal Berqué. Un artisan au Sénégal travaillant sur un touret à meuler.

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    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    Sommaire

    « Les clusters industriels et la promotion des PMEdans les pays en développement », Eileen Fisher,Rebecca Reuber, 2000 p. 5

    ●● Idées, concepts et politiques

    ➤ « Clusters : l’expérience italienne et ses enseigne-ments pour les pays émergents », Patrizio Bianchi, LeeM. Miller, Silvano Bertini, 1997

    p. 6 à 10

    ➤ « Une politique proactive originale d’appui aux ré-seaux : le cas danois », compilation à partir de diffé-rents textes p. 11 à 13

    ➤ « Le concept de cluster : les réseaux coopératifset la réplicabilité », Coral Ingley, 1999

    p. 14 à 17

    ➤ « Les clusters de PME, l’acquisition de capacitéstechnologiques et le développement : le concept, lapratique et les leçons politiques », M.C.J. Caniels,H.A. Romijn, 2002 p. 18 à 22

    ●● Études de cas

    ➤ « Les clusters africains et l’industrialisation : dela théorie à la réalité », Dorothy McCormick, 1999

    p. 23 à 28

    ➤ « Renforcer le secteur informel au Kenya par desvisites d’échanges », Jim Tanburn, 1995 p. 29 à 33

    ➤ « Liens stratégiques et avantage compétitif : re-cherche-action sur les réseaux de petites entreprisesen Inde », C. Richard Hatch, 2001 p. 34 à 38

    ➤ « Vers une stratégie de développement de clusterset de réseaux de PME en Thaïlande : note de dis-cussion pour les partenaires », C. Richard Hatch,2002 p. 39 à 43

    ➤ « Les liens d’affaires au Zimbabwe : le projetManicaland », John Grierson, Donald C. Mead etEdward Kakora, 1999 p. 44 à 47

    ●● Outils d’action

    ➤ « Le développement de clusters et de réseaux dePME : le programme de l’Onudi », Onudi, 2001

    p. 48 à 53

    ●● Informations utiles p. 54

    Mode d’emploi

    « L’actualité des services aux entreprises » est unproduit d’information de la Direction générale de lacoopération internationale et du développement(DGCID)1 à destination des opérateurs, des prati-ciens et des partenaires au développement. Les pré-cédentes parutions sont consultables et télécharge-ables sur le site internet du ministère français desAffaires étrangères : www. france.diplomatie.fr/solidarite/economie/bds/.

    La formule s’articule autour de quatre parties, iden-tifiables par des couleurs et une thématique spéci-fiques.

    ●● Idées, concepts et politiques(couleur bleu-vert)

    Des analyses portant sur l’évolution des démarchesd’appui, les axes d’intervention des bailleurs et lesproblématiques du moment.

    ●● Études de cas (couleur orange)

    Description et analyse de démarches et de pro-grammes nouveaux, différents ou originaux misen œuvre dans une large variété de contextes.

    ●● Outils d’action (couleur bordeaux)

    L’ensemble des phases de la vie d’un programme :de l’identification au retrait, en passant par laconception, la mise en œuvre, l’évaluation.

    ●● Informations utiles (couleur violet)

    Actualité, bibliographie additionnelle, présentationd’un site internet, d’un ouvrage récent, ou de touteautre information complémentaire sur le thème ouplus généralement pertinente sur les services d’ap-pui aux entreprises.

    1 La DGCID a confié au GRET la tâche de réaliser sur une basetrimestrielle une synthèse en français de textes et d'analysesconsacrées à l'appui aux entreprises. Ce troisième numéro aainsi mobilisé Aurélie de Lalande (traduction et synthèse),Hélène Gay (PAO), Christine Poursat (coordination) et SandraBarlet (traduction et synthèse d'ensemble).

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    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    Chaque parution rassemble une série de « fiches »qui correspondent chacune à une synthèse en fran-çais d’un texte initialement publié en anglais.

    Ceci répond à une attente mainte fois exprimée, àsavoir faciliter l’accès d’un public francophone auxécrits et analyses émanant d’autres coopérations.

    Vos attentes, commentaires et réactions

    Ce travail vous est destiné, à vous de le valider ou dele faire évoluer. Merci de nous faire connaître vos avis,remarques et suggestions aux adresses suivantes :

    [email protected]

    [email protected]

    ➤ Liens d’affaires : ce sont les opérations commerciales entre des entreprises distinctes à but lucra-tif. On évoque le vocable « lien d’affaires » lorsqu’il s’agit de multiples transactions au sein d’une re-lation établie. La coopération dite verticale a lieu lorsque des entreprises impliquées dans différen-tes étapes de la chaîne de production/de distribution travaillent ensemble. Une action communehorizontale se réfère à la collaboration entre concurrents.

    ➤ Cluster : selon l’Onudi, Porter (1998), Schmitz (1992), Humphrey & Schmitz (1995), c’est uneconcentration sectorielle et géographique d’entreprises qui ont des activités similaires, produisentdes produits connexes ou complémentaires, et qui donc se trouvent face à des défis et opportunitéscommuns. Des entreprises en cluster ne collaborent pas forcément. Se regrouper peut donner lieu pourelles à des économies externes telles que l’émergence de prestataires spécialisés de matières pre-mières, de composantes, ou au développement d’un bassin de compétences sectorielles spécifiqueset de services spécialisés dans les domaines technique, financier et en gestion. Le terme de « clus-ter » n’est pas normalisé et cette notion est déclinée et varie selon les vocables nationaux.

    Ainsi, en France on parlera de « système productif local » (SPL). Cette appellation adoptée par laDatar (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) en 1997 désigne un grou-pement d’entreprises et d’institutions géographiquement proches et qui collaborent dans un mêmesecteur d’activité. Elle est utilisée ailleurs qu’en France, par exemple au Brésil, où l’on distingue sys-tème productif local et système local d’innovation].

    En Italie, on utilisera plutôt le terme « pôle », « district » ou « grappe » industriel(le). Porter (1990) dé-finit le district – ou cluster – industriel comme une concentration d’expertises entre des secteurs etentreprises étroitement liés, dans laquelle un investissement extensif dans les facteurs de productionspécialisés déclenche une spirale positive de croissance.

    ➤ Réseau : c’est un groupe d’entreprises qui coopèrent dans un projet de développement en se com-plémentant les unes des autres et en se spécialisant afin de surmonter leurs problèmes communs,d’atteindre une efficacité collective, et de pénétrer des marchés inatteignables individuellement. Onpourra par exemple parler de réseaux d’exportateurs ou de créateurs d’entreprises. Le réseau d’en-treprises n’est pas nécessairement lié à une localité. Il peut comme le cluster mener à l’efficacité col-lective. Les économies externes tendent à y être faibles mais les bénéfices de l’action commune peu-vent être substantiels. L’Onudi définit le réseau horizontal comme étant composé uniquement depetites et moyennes entreprises (PME) et le réseau vertical comme réseau où PME et grandes entre-prises sont impliquées. Qu’ils soient horizontaux ou verticaux, les réseaux peuvent être développésindépendamment du cluster.

    Glossaire : quelques termes utiles pour faciliter la lecture

  • Un texte introductif très complet !

    « Les clusters industriels et la promotion des PMEdans les pays en développement », « Industrial clus-ters and SME promotion in developing countries »,Eileen Fisher, Rebecca Reuber, Secrétariat duCommonwealth1, note de la série CommonwealthTrade and Enterprise Papers, 2000.

    Ce livre fait partie d’un programme de conseil et deformation que mène le secrétariat du Common-wealth sur la compétitivité industrielle et le déve-loppement des PME dans ses pays membres. Il viseà encourager la discussion et à permettre aux paysdu Commonwealth de mieux comprendre les poli-tiques visant à la croissance des PME et à leur com-pétitivité dans un environnement économique inter-national de plus en plus ouvert. Le cluster y est définien intégrant la dimension géographique.

    Ce livre nous présente en premier lieu les PME et lesclusters ainsi que leur rôle dans le développementéconomique ; il définit et caractérise chacun et jus-tifie leur promotion. Le soutien non financier auxPME (information, formation, mise en relation, ser-vices à l’entreprise) est justifié par la volonté crois-sante de proposer aux entreprises des services quiles rendent compétitives et indépendantes. Par cetteapproche, les services et politiques visent à com-bler des failles de marché qui désavantagent lesPME. Quant aux clusters, leur promotion est justi-fiée non seulement car elle intègre cette concep-tion, mais aussi par deux principales raisons : d’unepart les entreprises apprennent de leurs relationsavec les autres entreprises (avec leurs clients/four-nisseurs ou entre entreprises similaires), et d’autrepart une compréhension/cohésion commune est es-

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    sentielle pour établir la confiance minimale requisepour collaborer : c’est le « capital social ».

    Cinq cas d’étude de clusters contribuant au déve-loppement économique vous sont exposés. De plus,des programmes de « bonnes pratiques » en ma-tière de développement des PME sont exposés au tra-vers de deux fonctions du développement :

    ➤ le renforcement des capacités de l’entreprise :programmes de formation CEFE (ce qui signifie Éco-nomies basées sur les Compétences, Formationd’Entreprise) de la Coopération allemande, chèques-conseil, Centres d’information technique de l’Onudi(SPX : ce sont 54 centres dans 30 pays, qui propo-sent des informations techniques et permettent auxentrepreneurs, fournisseurs et sous-traitants de serencontrer) ;

    ➤ le renforcement des capacités du cluster : déve-loppement de services, de réseaux.

    Les auteurs traitent ensuite de l’optimisation de l’of-fre de services d’appui aux PME sous plusieurs angles:

    ➤ les principes d’une conception de l’offre efficacesont l’orientation par la demande, la viabilité, laconception de programmes personnalisés, une ap-proche participative, la stimulation de la compéti-tion, le développement de réseaux entre les four-nisseurs de services, et les analyses de coûts/bénéfices ;

    ➤ les facteurs limitant l’utilisation efficace de BDSsont les lourdeurs administratives, la mauvaise seg-mentation et le ciblage non approprié du marché,la communication inefficace ;

    ➤ la mesure des résultats des BDS se fait en termesde portée, d’efficacité, d’efficience (rapport coût/ef-ficacité) et de pérennité.

    Enfin, les auteurs concluent par l’importance demaintenir un équilibre : entre les besoins générauxet ceux spécifiques du cluster ; entre les approchestraditionnelles des services et celles fondées sur lemarché ; et entre les dynamiques à court terme etcelles à long terme du cluster.

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    1 NDT : le Commonwealth est une organisation multilatérale quicompte 54 pays membres qui travaillent ensemble aux niveauxgouvernemental et non gouvernemental sur un grand nombrede dossiers comme la promotion de la démocratie, du bon gou-vernement et des valeurs humaines fondamentales.

  • Le modèle industriel italien est reconnudans le monde entier comme un exem-ple de développement endogène, basésur des petites et moyennes entreprises(PME) compétitives et fortement ancréesdans leurs communautés. Quelles sontles possibilités de reproduire la compé-titivité et la stabilité sociale par le biaisde ces mécanismes dans d’autres partiesdu monde ? Cet article tente de mettreen avant les principales caractéristiquesde l’expérience italienne et d’en tirer desleçons pour les pays émergents et lesprogrammes d’appui de l’Onudi.

    ment de biens de consommation, sou-vent en lien avec l’industrie de la mode,ou d’autres produits considérés typique-ment italiens. Les PME italiennes sontégalement de gros exportateurs de pro-duits alimentaires et agro-industriels.Certains producteurs de biens intermé-diaires sont également des exportateursde longue date. Les entreprises de pro-duction textile de Prato, près de Florence,constituent peut-être l’exemple le pluscélèbre. L’Italie est également un expor-tateur phare de machines-outils, de ma-chines textile, de machines agricoles, etc.Les exemples les plus probants sont lesmachines agricoles produites à Reggio-Emilia et les machines automatiques deBologne.

    Pourquoi les petites entreprises italien-nes sont-elles si compétitives ? La réponsese trouve dans leur regroupement. Cesentreprises ne doivent pas être regardéescomme des entités individuelles maiscomme appartenant à des groupes d’en-treprises, ou clusters (voir la définitiondans le glossaire) qui leur permettent deréaliser ce qu’elles ne parviendraient ja-mais à faire individuellement.

    Le terme de cluster tel qu’il est utilisédans ce document englobe aussi bien lesgroupes composés exclusivement demicro-entreprises et de PME que ceuxqui incluent des grandes entreprises etl’ensemble de leurs sous-traitants. Certainsclusters peuvent être basés sur un pro-cédé de production unique, tandis qued’autres regroupent une gamme d’acti-vités interconnectées. Les clusters per-mettent aux entreprises de collaborer defaçon intensive bien qu’un fort degré deconcurrence existe entre elles. Par exem-

    Clusters : l’expérienceitalienne et sesenseignements pourles pays émergents

    Idées, concepts et politiques ■■

    The Italian SMEexperience andpossible lessonsfor emergingcountries,par Patrizio Bianchi,Lee M. Miller,Silvano Bertini,Italie, mars 1997.

    Texte rédigé parNomisma (Italie) etpublié par l’Onudi(Organisationdes Nations uniespour le développementindustriel).

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    Accédez au texte original sur : www.unido.org/userfiles/RussoF/Itexsum.pdf

    LA SPÉCIFICITÉDES PME ITALIENNES

    L’importance des PME en Italie

    L’Italie est connue pour sa forte concen-tration de petites entreprises : 98 % deses entreprises industrielles compren-nent moins de 100 employés. La taillemoyenne d’une entreprise industrielleitalienne est de 7 employés. L’Italie estun cas unique dans l’Union européennecar son économie se caractérise par uncoût du travail et un PIB par habitant éle-vés, associés à la présence majoritairede micro et petites entreprises.

    Le modèle italien démontre qu’une forteéconomie ne repose pas nécessairementsur de grandes entreprises. Les petites en-treprises italiennes reconnues au niveauinternational tendent à exporter des pro-duits de haute qualité. Il s’agit générale-

  • ple, elles se répartissent le processus deproduction, divisé en phases distinctes ;des petites entreprises spécialisées se par-tagent le processus de production et s’as-socient, en fonction des besoins du mar-ché. Ce modèle permet une grandeflexibilité et des réponses rapides aux be-soins du marché que les grandes entre-prises ne sont souvent pas en mesure d’of-frir. Il est important ici de préciser queces entreprises sont interdépendantesmais n’entretiennent pas nécessairementde relations de dépendance formelle lesunes par rapport aux autres.

    Le nombre de clusters italiens varie selonles sources. Les statistiques de 1995 del’Istat (Institut central des statistiques) in-diquent l’existence de 199 clusters, em-ployant 42,5 % des travailleurs de l’in-dustrie.

    Les secrets de l’avantagecompétitif des clusters :spécialisation, coopérationet flexibilité

    La spécialisation permet aux entreprisesde concentrer leurs ressources sur ce qu’el-les savent faire de mieux. Elle autorise unmeilleur contrôle qualité. Cependant, ellesuppose une répartition du travail entreles entreprises. Une firme ne peut se spé-cialiser sur une certaine phase du pro-cessus de production que si d’autres fir-mes à ses côtés se concentrent sur lesphases complémentaires. L’avantage dela spécialisation concerne autant le clus-ter comme entité que les entreprises in-dividuelles. Le développement d’un clus-ter s’accompagne d’une spécialisationaccrue des compétences techniques etcommerciales des ressources humaineslocales. Les travailleurs locaux, techni-ciens, gestionnaires et consultants pas-sent fréquemment d’une entreprise à l’au-tre. De même, les infrastructures et lesinstituts de formation au sein du clusterse spécialisent fortement. Le savoir-faireaccumulé au niveau local est la princi-pale motivation des nouvelles entreprisesde production qui viennent s’installer.

    Cette manière de travailler suppose untrès haut degré de collaboration entre lesfirmes. Cette collaboration est impor-tante non seulement en termes de dispo-nibilité des ressources mais aussi en ter-

    Clusters : l’expérience italienne et ses enseignements pour les pays émergents 7

    mes de flexibilité des entreprises. Ellepermet aux entreprises d’être notammentflexibles sur la taille de leur productionpuisqu’elles peuvent organiser la réponseaux commandes de manière flexible,sous-traiter davantage de travail en casd’accroissement de la demande, et moinssi la demande diminue.

    Ce type de collaboration requiert de lacoordination. Les clusters sont généra-lement dotés de la présence de structu-res institutionnelles chargées d’organi-ser l’activité économique du pôle. Lesétudes de cas italiennes révèlent que cesstructures jouent un rôle clé dans la fa-cilitation des activités de coopérationentre les entreprises, et entre les entre-prises et les institutions. La forme queprennent ces institutions varie selon lecluster, mais leur rôle de catalyseur descollaborations reste le même. À Parme,on aura par exemple le Consortium duParmesan, à Reggio-Emilia l’Associationdes petits entrepreneurs, etc.

    L’organisation de la production et la pré-sence des structures institutionnelles inter-médiaires favorisent toutes deux la crois-sance du système en encourageantl’entrée de nouvelles entreprises dans lecluster. Grâce au réseau local, une nou-velle entreprise peut s’installer avec uncapital limité (il lui suffit d’être en me-sure d’assumer une des phases de pro-duction, ou l’une de ses composantes) etun risque d’échec limité (au moins au dé-part, l’entreprise n’a pas besoin de créerde réseau commercial). Les structuresintermédiaires fournissent les servicesélémentaires d’appui aux entreprises, fa-vorisent une confiance accrue entre lesentrepreneurs et garantissent de faiblescoûts administratifs et légaux. Les étudesde cas confirment que les zones où lacoopération entre entreprises est la plusintense sont celles où la présence desstructures intermédiaires est la plus forte.

    Les divers modèlesdu développement local

    De nombreux modèles de développe-ment local ont été réunis sous le termede cluster. Une meilleure connaissancedu phénomène révèle que malgré les si-militudes entre les systèmes, la réalitédes regroupements de PME est plus com-

    plexe et ne peut être totalement englo-bée par un terme générique.

    Les auteurs classifient trois catégories decluster : embryonnaire, consolidé et ma-ture. Ces catégories correspondent sou-vent à l’âge du cluster, mais pas toujours.Certains clusters ne parviendront pas àdépasser le stade embryonnaire tandisque d’autres, récents, atteindront rapide-ment le stade de la consolidation ou dela maturité.

    ➤ Un cluster est embryonnaire quandson activité se limite au marché local ourégional. Il est constitué d’entreprises quisous-traitent pour des grandes entrepri-ses, généralement situées hors du contex-te local.

    ➤ Un cluster est consolidé quand il esten mesure de conquérir un marché pluslarge et compte davantage d’entreprisesà la spécialisation accrue. Cette consoli-dation se traduit par l’acquisition d’uneidentité plus affirmée en tant que cluster.

    ➤ La maturité d’un cluster s’accompagned’une réelle capacité d’innovation, diri-gée vers la production de biens de plusforte valeur ajoutée, dans la perspectived’une expansion internationale.

    Un autre élément à considérer est la po-sition géographique des systèmes de pro-duction : dans des communautés rura-les, dans des villes de taille moyenne,dans les zones industrielles de grandesvilles.

    ➤ En général, les systèmes mis en placedans les zones rurales se concentrent surun secteur unique de production, en rai-son du manque de services qualifiés et deressources humaines à leur disposition.

    ➤ Les systèmes basés dans les villesmoyennes sont plus diversifiés, mêmes’ils s’inscrivent dans une même filièretechnologique et/ ou ont une même ciblecommerciale. Parfois, divers systèmes deproduction sont présents dans la mêmezone en même temps.

    ➤ Les systèmes situés dans des grandesvilles, au-delà de leur diversification, ontaisément accès à des ressources humai-nes qualifiées, en raison de la présenced’entreprises de services, d’universités etde centres de recherche, et disposent d’in-frastructures suffisantes.

    Notons également qu’un cluster peut êtreisolé ou implanté au sein d’un clusterplus vaste, régional, auquel il serait lié

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

  • par des similarités technologiques oucommerciales. C’est le cas de l’anneaude clusters qui entoure Florence, tous liésà l’industrie de la mode.

    Enfin, les clusters sont en constante évo-lution. Ces dix dernières années, les clus-ters ayant atteint la maturité avaient ten-dance à accroître leur niveau deconcentration industrielle (par le biaisde fusions-acquisitions). Pendant cetemps, d’autres clusters se créaient, par-ticulièrement dans le sud de l’Italie ; cer-tains à partir d’activités traditionnelleset d’autres par la mise en place de ré-seaux de sous-traitance par les entrepri-ses du nord du pays.

    Clusters : l’expérience italienne et ses enseignements pour les pays émergents 8

    Les conditions nécessairesà la mise en place de PMEcompétitives

    Le développement des PME doit êtreavant tout considéré comme un phéno-mène spontané, guidé certes par des po-litiques d’action gouvernementales, maisnon pas déterminé par elles. La créationd’entreprise est généralement mue pardes choix autonomes et individuels, dansdes contextes économiques et sociauxsouvent dominés par l’incertitude. Aumoment de penser des programmes d’ac-tion en faveur de la création d’entreprise,il est nécessaire de créer les conditionsfavorables à la formation d’entreprisesvia des initiatives spontanées. Pour cefaire, les barrières institutionnelles doi-vent être baissées et un climat positif gé-néré en termes de perspectives de mar-chés et de profits.

    Les considérations macro-économiquesévoquées ci-dessus doivent être envisa-gées parallèlement à des initiatives pluslocalisées dont l’objectif est la promo-tion spécifique des clusters. Ainsi, laconception et mise en place d’un pro-gramme d’action en faveur des clustersdevrait s’appuyer sur l’analyse de la si-tuation macro-économique. Une ana-lyse de la zone d’intervention ciblée de-vrait également influer le programmed’action.

    Trois types de clusters, troistypes de programmes d’action

    L’examen de l’expérience italienne ré-vèle que pratiquement aucun cluster n’aété créé suite à un programme d’actionspécifique. Tous ont débuté comme desmécanismes spontanés d’adaptation aumarché. Les clusters évoluent avec letemps : ils croissent, se transforment,s’ouvrent aux relations externes, se ré-organisent ou déclinent. Le rôle des po-litiques d’action consiste à accompagnerle processus d’évolution des clusters versla consolidation, l’innovation technolo-gique, l’internationalisation, etc.

    Ce processus évolutif implique une adap-tation des politiques d’action en fonc-tion du degré de développement des clus-ters. Afin de permettre leur ajustementau niveau local, ces politiques d’inter-

    vention doivent être continuellement sui-vies et évaluées. Afin d’obtenir unconsensus, elles devraient être conçuespar les divers acteurs du développementlocal. Malgré la nécessité de souplessedes programmes d’action, certaines gran-des lignes peuvent être dessinées en fonc-tion du stade d’évolution des clusters.

    ●● Les clusters embryonnaires

    Les zones géographiques caractériséespar des groupes d’entreprises apparte-nant au même secteur peuvent être consi-dérées comme des clusters potentiels.Ces zones peuvent aussi bien regrouperdes artisans spécialisés que des groupesd’entreprises sous-traitantes, ou bien en-core des usines d’entreprises étrangèreslocalisées dans des zones industriellesspécialisées.

    La probabilité que ces regroupementsd’entreprises se développent en clustersdépend d’une série de variables com-plexes. Si la plupart des conditions sontréunies, ces regroupements de firmespeuvent être considérés comme des clus-ters embryonnaires.

    La phase embryonnaire est bien sûr laplus délicate. À ce stade, les concepteursdes programmes d’appui doivent avanttout :

    ➤ éliminer les obstacles à l’expansionde la production et à la création d’en-treprises (simplifier les procédures ad-ministratives, créer les infrastructures né-cessaires à l’installation de firmes indus-trielles, mettre en place des structuresd’appui judiciaires) ;

    ➤ appuyer les entreprises locales en ter-mes de commercialisation et de promo-tion des produits locaux sur de nouveauxmarchés, afin de donner une opportu-nité au système local de se spécialiser ;

    ➤ mettre en place des outils financierspour les micro-entreprises si nécessaire.Dans le contexte italien, la création d’en-treprises a été facilitée par la présence decapitaux accumulés au sein des familles,tant rurales qu’urbaines. Les pays émer-gents sont souvent affectés par la pau-vreté en zone rurale et périurbaine, ce quilimite sévèrement les possibilités de créa-tion d’entreprises. La création d’entrepri-ses dans ce contexte, même basée sur destechnologies simples, présente une réelleproblématique car les ressources finan-

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    LEÇONS À RETENIR DUFONCTIONNEMENT DES PME

    ET DES POLITIQUESMISES EN PLACE EN ITALIE

    Est-il possible de tirer des leçons de cemodèle afin de les appliquer aux paysémergents ? Peut-on développer une mé-thodologie générale de développementdes PME à partir de l’expérience ita-lienne ? Ces questions ne sont pas nou-velles et les réponses peu simples.L’expérience italienne est là pour dé-montrer que la mise en place d’un mêmeprogramme d’action dans plusieurscontextes donnera des résultats écono-miques différents en raison de la diver-sité des caractéristiques culturelles, so-ciales et institutionnelles du contexte.Les programmes d’action doivent doncêtre souples et dynamiques, ouverts àtoute sorte d’industrialisation tant quecelle-ci assure compétitivité, multipli-cité des acteurs économiques et stabi-lité sociale, telles qu’observées dans lesclusters les plus performants.

    L’expérience italienne nous apprend quela formation de clusters implique :

    ➤ des pré-conditions macro-écono-miques et macro-institutionnelles ;

    ➤ diverses stratégies selon le stade dematurité du cluster ;

    ➤ des municipalités et structures inter-médiaires actives ;

    ➤ une grande variété d’outils d’action etd’acteurs.

  • cières informelles sont rares et l’accès auxressources institutionnelles difficile.

    ●● Les clusters consolidés

    Une fois passé le stade embryonnaire,les clusters doivent entrer dans des dy-namiques d’innovation. De nombreuxclusters risquent le déclin à ce stade, s’ilsne sont pas en mesure d’innover en ter-mes de produits, de processus et d’or-ganisation.

    Au cours de cette phase, les deux pro-blématiques principales sont la réduc-tion des coûts et des risques liés à l’in-novation. Les entreprises individuellementne peuvent se permettre d’investir sur l’in-novation car elles craignent d’être vite li-mitées par la concurrence locale.

    Le rôle des politiques d’intervention dansce contexte est de créer une identité com-mune aux entreprises locales, mêmeconcurrentes. Une fois celle-ci établie,il est plus facile d’entreprendre des ac-tivités communes en termes de recher-che, formation, information sur les nou-velles technologies, matériel innovant,amélioration de la qualité et de l’effica-cité, recherche de nouveaux marchés,approches commerciales, etc.

    À ce stade, des infrastructures propresau transfert de technologies et à l’apportde services doivent être mises en place.

    ●● Les clusters matures

    Un cluster est arrivé à maturité quand ildispose d’une capacité d’innovation for-tement endogène. L’internationalisationdevient alors une nécessité. Les possibi-lités de croissance quantitative au niveaulocal sont limitées.

    Les systèmes tendent à se concentrer surdes activités de plus forte valeur ajoutéeet davantage spécialisées, et peuvent re-chercher la collaboration de systèmesexternes complémentaires pour accroî-tre leur degré de spécialisation. À cestade, des initiatives de coopération entreclusters basés dans diverses régions etparfois même divers pays se forment,ainsi que des collaborations entre en-treprises et institutions.

    Les politiques d’intervention doivent seconcentrer sur la construction des in-frastructures modernes nécessaires à uneaction sur le marché international (trans-ports et télécommunications).

    Clusters : l’expérience italienne et ses enseignements pour les pays émergents 9

    Suggestions de politiquesd’intervention propresà créer un environnementfavorable aux PME

    Les PME sont souvent des acteurs éco-nomiques faibles considérées individuel-lement, mais elles peuvent devenir ex-trêmement compétitives si elles travaillentdans un environnement favorable, c’est-à-dire qui leur offre la complémentarité,des activités communes, des biens col-lectifs et la stabilité institutionnelle.

    Dans les pays émergents, cet environ-nement favorable doit être initié à partird’un plan stratégique d’action conçu surle long terme et comprenant deux ni-veaux d’action :

    ➤ le premier vise à promouvoir le déve-loppement des PME en général, sans spé-cification sectorielle ;

    ➤ le second consiste en des actions spé-cifiques en fonction des secteurs d’acti-vité, dont les objectifs sont d’accroîtrela compétitivité du cluster, de promou-voir la mise en place de réseaux et lacoopération entre entreprises, d’amé-liorer la qualité des produits, etc.

    Ces deux niveaux d’action reflètent deuxmanières d’aborder le domaine, ils neconstituent pas de séquence chronolo-gique.

    Renforcer l’environnement économiqueest une pré-condition nécessaire à l’appuiaux clusters. Le premier pas consiste à ana-lyser la situation locale et à partir de là àconsidérer les obstacles à éliminer, lesmeilleures stratégies de promotion, etc.

    Le premier groupe d’actions d’appui audéveloppement des PME inclurait :

    ➤ la construction d’infrastructures debase au niveau local (zones industriel-les, routes, eau, électricité, télécommu-nications) ;

    ➤ l’offre de formations professionnelleset la promotion de la culture entrepre-neuriale ;

    ➤ l’offre de services aux micro-entrepri-ses du secteur informel, afin de les inci-ter à rejoindre le secteur formel ;

    ➤ la réduction des coûts administratifset de la complexité des procédures bu-reaucratiques pour les entreprises ;

    ➤ la privatisation des entreprises étatiquespar le biais d’une réorganisation indus-

    trielle, de la décentralisation de la pro-duction et de la promotion de la sous-trai-tance, particulièrement auprès des entre-prises étrangères et des grandes firmes ;

    ➤ la circulation de l’information concer-nant les lois d’incitation à la formationd’entreprises, l’investissement et l’offrede microcrédit.

    Le second groupe d’actions d’interven-tion comporterait :

    ➤ la promotion des produits locaux surles marchés étrangers ;

    ➤ l’offre de formations spécifiques auxprocédés de production et à la gestiondes affaires, au travers de centres tech-niques et d’instituts de formation ;

    ➤ l’incitation à la création de réseauxd’entreprises et à la mise en place de ser-vices collectifs, au travers de centres deservices à l’offre sectorielle ;

    ➤ l’apport de soutien et conseil tempo-raires en termes de gestion pour les PMElocales ;

    ➤ l’offre d’appuis financiers sur le moyen/long terme pour permettre aux entreprisesd’acheter des équipements techniques, d’a-voir recours à des cabinets de conseil, etc.

    ➤ la spécialisation et l’amélioration dela qualité des infrastructures ;

    ➤ la création de liens internationaux pourles entreprises locales, avec la possibi-lité de fusions au travers de programmesde collaboration internationaux ;

    ➤ l’attraction d’investissements étrangers ;

    ➤ la mise en relation des entreprises lo-cales avec des universités et centres derecherche ;

    ➤ le renforcement des identités localeset la stimulation de la circulation de l’in-formation au travers des associationsd’entrepreneurs ;

    ➤ la stimulation de réseaux de collabo-ration institutionnelle au niveau inter-national.

    Le rôle crucial joué par lesgestionnaires intermédiaires

    Les gestionnaires intermédiaires peuventêtre toute organisation qui a un impactdirect sur la vie économique : des agen-ces gouvernementales, des centres d’af-faires, des associations d’entrepreneurs,

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

  • le système bancaire, des coopératives,des entreprises clés, etc.

    Souvent, diverses institutions sont en re-lation avec les entreprises dans les clus-ters. Dans les clusters consolidés, un ges-tionnaire intermédiaire unique agitgénéralement comme point de référencepour l’ensemble des acteurs du clusteret pour ceux basés à l’extérieur du clus-ter également.

    Le niveau d’intervention approprié dugestionnaire intermédiaire auprès desPME est le niveau local et régional. Lesgestionnaires intermédiaires font partieintégrante du système : ils sont prochesdes entreprises, accessibles et bien in-formés de leurs besoins. Ils ont descontacts avec des structures extérieureset jouent l’interface entre elles et les en-treprises du cluster.

    L’efficacité des gestionnaires intermé-diaires est liée au degré de développe-ment du cluster. Les clusters les plus dé-veloppés disposent généralement d’unsoutien institutionnel plus efficace.

    Le renforcement d’un environnementinstitutionnel positif suppose :

    ➤ la mise en réseau des acteurs fonda-mentaux au niveau local, afin d’éviter ladispersion des ressources et d’accroîtrel’efficacité des interventions et l’inté-gration des diverses composantes de l’é-conomie locale dans le système ;

    ➤ de favoriser l’émergence d’institutionslocales qui agissent en catalyseurs et dé-finissent les règles du développementstratégique pour le cluster en partenariatavec divers acteurs locaux.

    Le succès du processus de renforcementinstitutionnel dépend grandement de laconscience qu’en ont les institutions lo-cales et les individus qui les composent.Communiquer autour d’exemples deconsolidation institutionnelle réussie peutavoir un impact très positif sur la sensi-bilisation à ces questions.

    Quelques conseilsà l’intention des programmesd’appui aux PME de l’Onudidans les pays émergents

    Repenser les politiques d’appui aux PMEdans les pays émergents implique de re-penser les politiques d’ajustement macro-

    Clusters : l’expérience italienne et ses enseignements pour les pays émergents 10

    économique et les stratégies d’ouverturedes marchés. La création et la réouver-ture de marchés doivent être menées gra-duellement et prudemment, afin de pré-venir les problèmes économiques etsociaux que cela pourrait poser. Les po-liti- ques d’intervention devraient avoirlieu sur le long terme, afin de permettreune mise en place progressive des chan-gements macro-économiques et ce pouréviter notamment que les quelques gran-des entreprises compétitives ne ferment.

    Les interventions dans les pays émer-gents présentent toujours le risque quel’appui financier et les programmes dedéveloppement disponibles bénéficientune fois de plus aux entreprises qui enont le moins besoin ; soit en raison d’unmanque d’information, soit parce queles entreprises qui en ont vraiment be-soin ne sont pas en mesure de répondrede manière adéquate aux opportunitésqui se présentent. Dans cette opérationdélicate, la priorité est de ne pas créerou agrandir le fossé entre les entreprisesinnovantes et internationales et cellesliées à des activités ou des secteurs plustraditionnels. Cette division est indési-rable non seulement car elle va à l’en-contre de la croissance économique,mais aussi parce qu’elle est susceptiblede créer de fortes tensions sociales pou-vant détériorer le processus de déve-loppement dans son ensemble.

    Un environnement qui puisse appuyerla croissance des entreprises doit doncêtre établi. Les PME en ont particulière-ment besoin en raison de la limitationde leurs ressources propres. Entouréesde facilités de formation, de recherche,de centres d’affaires, de structures ad-ministratives décentralisées, de cabinetsde conseil, etc., les PME sont beaucoupplus à même de prospérer.

    C’est dans ce contexte que les gestion-naires intermédiaires jouent un rôle pri-mordial. Ce sont ces structures, ancréeslocalement mais dotées de connectionsrégionales, nationales et même interna-tionales qui permettent aux PME d’êtredes acteurs actifs, à la fois localement etsur des marchés plus larges. Les PME bé-néficient alors d’un environnement au-quel elles se sentent appartenir. Quandla communauté semble leur fournir tousles éléments dont dépend leur croissanceet leur permet d’intervenir dans la miseen forme de ces éléments, un climat de

    confiance s’installe, qui facilite le dia-logue, les transactions et la coopération.Ceci est un des facteurs clés du succèsdes clusters italiens.

    Les efforts de promotion des clusters dePME dans les pays émergents devraients’organiser autour de quatre étapes fon-damentales :

    ➤ identification des clusters potentielset conception de projets pilotes pour leurdéveloppement, avec l’aide d’expertsinternationaux ;

    ➤ analyse détaillée des contextes éco-nomiques et institutionnels dans les zonesdéterminées ;

    ➤ renforcement des politiques de ges-tion locale à travers l’identification d’ins-titutions leader, de programmes de for-mation, d’assistance technique décentra-lisée, de développement des ressourceshumaines, d’appui technique et finan-cier pour les nouvelles entreprises et d’ac-tivités collectives telles que les coopé-ratives et consortiums ;

    ➤ développement de la collaborationentre clusters par la mise en relation desentreprises et institutions locales avecles réseaux/marchés internationaux.

    Le principal élément à retenir de l’ex-périence italienne est certainement lanécessité de renforcement ou de créa-tion d’un environnement favorable audéveloppement des dynamiques éco-nomiques. Dans les pays émergents, laconception de politiques qui appuientla formation de gestionnaires intermé-diaires et de prestataires de services auxPME est particulièrement importante.L’existence de ces organisations est cru-ciale en raison de leur rôle de catalyseur.Seul un environnement institutionnel ca-pable d’offrir la stabilité sociale et éco-nomique et les services externes néces-saires peut permettre à des PME de seformer, de survivre et d’apprendre à col-laborer entre elles.

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

  • Une politique proactiveoriginale d’appui auxréseaux : le cas danois

    Idées, concepts et politiques ■■

    Ce texteest une compilationde plusieurs textes :● « Principles for promotingclusters & networksof SMEs », John Humphrey,Hubert Schmitz, Institutefor Development Studies(IDS), étude commissionnéepar l’Onudi, no 1, octobre 1995 ;● « Entreprenariatet développement local »,Sergio Arzeni,Jean-Pierre Pellegrin,Développement territorial,L’Observateur de l’OCDEno 204, février-mars 1997 ;● des extraits du troisièmetexte de la partie « Idées,concepts et politiques »,traitant du concept decluster (page 14) ;● des extraits de l’étude decas sur l’Inde : « Liensstratégiques et avantagecompétitif : recherche-actionsur les réseauxde petites entreprises enInde » (page 34) ;● des extraits de l’étude decas sur la Thaïlande : « Versune stratégiede développementde clusters et de réseaux dePME en Thaïlande : note dediscussionpour les partenaires »(page 39) .

    11

    Accédez aux originaux des deux premiers textes utilisés dans ce document :www.unido.org/userfiles/PuffK/humphrey.pdf et www1.oecd.org/publications/observer/204/027-029f.pdf

    Des lacunes au niveau national

    En 1989, l’élimination des barrières doua-nières était déjà en ligne de mire avecl’ouverture du marché unique européenà venir en 1992. De plus, le Danemarkconnaît à cette période un déficit com-mercial croissant.

    Le programme est déclenché en 1989 parla prise de conscience et la reconnais-sance que les PME sont au centre de l’é-conomie danoise et qu’elles sont maléquipées pour faire face à une concur-rence devenant mondiale. Une étudemenée par McKinsey & Company pourle gouvernement danois avait au préala-ble montré l’importance pour les petiteset moyennes entreprises (PME) d’attein-dre une masse critique. Ceci découlaitde l’identification d’un problème princi-pal : les 7 300 fabricants danois sont troppetits pour être compétitifs sur un mar-ché européen ouvert et concurrentiel.

    Le Danemark manque de « locomotives »industrielles mais dispose toutefois de pe-tites et moyennes industries (PMI) bienéquipées et employant du personnel qua-lifié. Cependant, une des contraintes ma-jeures pesant sur les PMI danoises est leurmanque d’historique de coopération pourréagir ensemble à ces difficultés et s’or-ganiser pour développer de nouvelles op-portunités commerciales.

    La réaction du gouvernement :le programme de réseaux

    Le gouvernement danois part du cons-tat de l’expérience italienne : en Italie,les régions où l’emploi provient des pe-tites entreprises se multiplient. La stra-tégie des PMI du nord de l’Italie présenteainsi une voie alternative pour atteindrela masse critique désirée. Le gouverne-ment danois définit le réseau comme lacoopération entre entreprises en vue d’a-méliorer leur compétitivité, et en parti-culier en vue de créer de nouvelles op-portunités commerciales.

    Dès 1989, il décide de renforcer ses pe-tites entreprises en lançant un programmede création de réseaux afin de les en-courager à collaborer pour renforcer leurcompétitivité et leur permettre de s’im-planter sur de nouveaux marchés en s’or-ganisant en réseaux, en montant des pro-jets communs, en utilisant les servicesd’un médiateur. Le programme comporteaussi un volet financier destiné d’unepart à couvrir le coût d’une étude de fai-sabilité préliminaire, et d’autre part cou-vrant jusqu’à 50 % des frais de gestiondu réseau. De plus, dans un effort pourpromouvoir l’atteinte de la masse cri-tique, le gouvernement a assoupli la ré-glementation anti-trust.

    Les projets conjoints mis en place dans lecadre de ce programme peuvent avoir pourobjet le développement d’une nouvellegamme de produits, l’accès au marché oula mise au point de nouveaux processusde production qu’une entreprise seule nepourrait réaliser. Des synergies entre lesentreprises sont alors imaginées pour éta-blir des agents et des distributeurs sur denouveaux marchés et mettre en commundes produits individuels en les intégrant àdes gammes complètes de produits.

    L’HISTORIQUEDU PROGRAMME

  • Une politique proactive originale d’appui aux réseaux : le cas danois 12

    pour l’industrie et le commerce, crée uncomité de pilotage du secteur privé.L’équipe est formée afin de développerun projet national de réseaux : campa-gne médias pour placer le réseau au cen-tre du discours commercial national, im-plication des leaders commerciaux surtous les aspects du programme, pro-gramme de formation de médiateurs,bourses « défis » pour les réseaux inno-vants, et palette d’incitations pour queles entreprises établissent des réseauxqui leur permettent d’exporter plus. Lacommunauté d’affaires réagit en premierlieu négativement. Le comité de pilotagecherche par tous les moyens à atteindreles PME de tout secteur et à toute loca-tion : journaux, présentations télévisées,conférences, présentations aux organis-mes professionnels, courriers directs auxentrepreneurs.

    Recruter et formerdes médiateurs

    Parmi les candidats au programme deformation de médiateurs de réseaux, 40sont sélectionnés et formés (ils paientpour suivre le cours) durant des sériesde séminaires de deux jours, compre-nant essentiellement des études de casafin que leurs connaissances puissentêtre rapidement opérationnelles. Une ca-ractéristique notable du modèle danoisest que le rôle de médiateur est assumépar un particulier indépendant qui guidele processus de coopération entre les en-treprises.

    Royaume-Uni), le programme a globa-lement été un succès, et ce sous plusieursangles :

    ➤ il a atteint en cinq ans une échelle de5 000 entreprises impliquées dans la for-mation de réseaux, sur un groupe ciblede 10-12 000 entreprises ;

    ➤ ce décollage en force a permis d’in-tégrer le réseau à la culture commercialedanoise. L’idée et souvent aussi la pra-tique se sont répandues largement et leréseau est devenu une option naturellepour considérer les nouveaux défis com-merciaux ;

    ➤ l’enquête intermédiaire a révélé que75 % des entreprises participantes esti-ment que le réseau améliore leur capa-cité concurrentielle. 90 % souhaitaientcontinuer la pratique du réseau au-delàde la période du subventionnement.

    Les résultats sont en effet encourageants :moins de 18 mois après le début des for-mations, à la fin de la première phasedu projet, plus de 3 000 des 7 300 fa-bricants danois sont activement impli-qués dans un ou plusieurs réseaux, for-mels ou non : transformation alimentaire,habillement, meubles, travail du métal,machinerie sont représentés, ainsi qued’autres secteurs. Avec la croissance dunombre de réseaux, et lorsque que leurimpact sur les exportations des PME de-vient évident fin 1991, le ministère duCommerce et de l’Industrie se retire enannonçant « les réseaux ont pris leurenvol au Danemark et fonctionnent àprésent indépendamment »1.

    Ce projet a ainsi rapidement réussi à fairecoopérer des entreprises qui au départavaient une culture commerciale assezhostile envers lui en développant un sec-teur privé chef de file, en assurant la cou-verture de l’information, une bourse« défi », et une formation pour créer uneoffre en « catalyseurs » (les médiateurs).

    Le résultat, c’est que ce projet a démontréque le réseau est une stratégie commer-ciale appropriée dans les nations indus-trialisées où les entreprises ont soit desressources limitées soit des difficultés àatteindre le seuil d’efficacité dans leursopérations clés.

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    LES DÉFIS À RELEVER

    Le programme de réseaux vise à stimu-ler massivement les entreprises danoisesafin de surmonter leur résistance à lacoopération.

    Le gouvernement danois a commencépar mettre en place une bourse « ré-seaux », assez souple à obtenir. Il s’estattaché à changer la culture commer-ciale identifiée comme plutôt indivi-dualiste en organisant un comité de pi-lotage du secteur privé cherchant àjoindre les PME par tous les médias pos-sibles. Il a recruté et formé des média-teurs pour les réseaux, provenant es-sentiellement de cabinets de conseilprivés, de centres de transfert de tech-nologies, de cabinets d’expertise comp-table et banques commerciales.

    De nombreuses difficultés doivent alorsêtre surmontées :

    ➤ afin de créer un intérêt pour le réseau,il faut montrer des exemples d’initiati-ves pertinentes et qui touchent les peti-tes entreprises locales ;

    ➤ le second point critique est d’identi-fier une idée de réseau qui soit viable ;

    ➤ ensuite, il s’agit de convaincre ungroupe d’entreprises de se lancer danscette idée et de faire en sorte qu’elless’approprient le projet et sa progression ;

    ➤ enfin, il faut les persuader de l’intérêtet de la nécessité d’une étude de faisa-bilité préalable à la poursuite du projet.

    Ces défis sont les difficultés à surmonterqui ont été confiées aux médiateurs deréseaux. À cette fin, des cas de « meil-leures pratiques » leur ont été donnéssous forme de méthodologies, d’outilset de matériels de promotion.

    LA MISE EN ŒUVRE

    Changer la culture commerciale

    Première étape, donc, créer une culturede coopération entre les entreprises da-noises par la participation et l’informa-tion. L’opérateur du ministère, l’Agence

    LES RÉSULTATS

    Le succès est au rendez-vous…

    L’initiative danoise de réseaux a pris fin,en tant que programme subventionnépar le gouvernement, en 1993. D’aprèsl’évaluation intermédiaire (conduite parGelsing & Knop, 1991) et des vues d’ob-servateurs externes (Pyke, 1994) et inter-nes (information orale et écrite fourniepar Martinussen, DTI Business NetworkCentre, Danemark, et Business Net,

    1 « Networking has taken a life on its own inDenmark ».

  • … Mais dans quelle mesure ?

    La première évaluation formelle des ré-seaux danois, le rapport Amphion (1996),relativise ces premières conclusions. Cerapport, salué pour sa contribution à l’a-mélioration de la situation économiquedu pays (Flowcs Williams, 1996) qui avaitd’ailleurs débuté dès 1987, met en avantles problèmes liés à la mesure de l’effi-cacité :

    ➤ bien que les deux tiers des entreprisestrouvent que les réseaux leur étaient bé-néfiques, les trois quarts des réseaux ontdisparu à la date de l’évaluation ;

    ➤ de plus, les trois quarts des fonds at-tribués n’ont pas été utilisés ou ont étéalloués à des projets qui n’existent plusen 1996.

    Les conclusions étaient donc d’une partque le programme avait échoué à ré-soudre certains problèmes structurels,en particulier celui de la coopérationentre entreprises, et d’autre part, que lamise en œuvre du programme avait étéinadéquate car il n’y avait pas eu de ciblespécifique autre la création « réussie »des réseaux en elle-même. « Réussie »étant défini selon des indicateurs prin-cipaux d’évaluation du succès associésd’une part à la continuité du programmeet d’autre part à la stabilité des structu-res des réseaux (Neergaard et Nielsen,1997).

    La mesure de l’efficacité du programmerestait donc problématique.

    Une expérience toutefoisréplicable et répliquée

    ➤ L’expérience danoise a servi de mo-dèle et le savoir-faire en promotion deréseaux a été exporté dans plusieurs au-tres pays industrialisés : dans certainesrégions espagnoles, au Portugal, enFrance, en Norvège, aux États-Unis, auCanada, en Australie, en Nouvelle-Zélande. D’autre part, il a aussi servi àdéfinir des politiques de réseaux dansdes pays en développement (voir entreautres les études de cas que nous vousproposons sur l’Inde et sur la Thaïlande)et ses principales caractéristiques ont étélargement suivies : programme d’infor-mation, bourses « défi » pour les réseaux

    Une politique proactive originale d’appui aux réseaux : le cas danois 13

    modèles, et formation pour créer uneoffre de médiateurs de réseaux. Ces trans-ferts de l’expérience danoise signifientqu’il y a d’une part une recherche conti-nue pour l’amélioration des pratiques etpour leur adaptation à différents contex-tes, et d’autre part que la réplicabilité estpossible.

    ➤ La question politique principaleconcerne le degré de subventionnement.Au Danemark, le programme a été, bienque limité dans le temps, largement fi-nancé par le gouvernement. Au contraire,au Royaume-Uni, les entreprises ont lar-gement payé pour les services. L’avantagede l’exemple danois est qu’il a accéléréle décollage et a permis au programmed’atteindre plus aisément une grandeéchelle. L’exemple anglais présente luil’avantage de provoquer une implicationplus forte des entreprises participanteset donc d’encourager la pérennité duprogramme.

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

  • Les responsables politiques et chercheursaccordent une importance croissante auxclusters industriels et réseaux, forme al-ternative de collaboration des petites etmoyennes entreprises (PME). Le cluster etle réseau en effet permettraient aux PMEd’être plus compétitives sur le marchémondial et d’atteindre collectivement desobjectifs qu’elles ne pourraient pas se fixerindividuellement en gagnant en échelleet en portée, ce qui auparavant était l’a-panage des grandes entreprises.

    De plus, les PME jouent un rôle essen-tiel dans la croissance des économies demarché. En particulier, elles contribuentlargement à la création d’emplois dansdes pays tels les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada ou la Nouvelle-Zélande,où les petites entreprises présentent untaux de croissance de l’emploi supérieuraux autres. Elles jouent ainsi un rôle es-sentiel dans la dynamisation des éco-nomies nationales, encouragent les ex-portations et le commerce régional etinternational.

    Ce document s’attache tout d’abord aufondement théorique de la formation ducluster, puis présente des études de clus-ters en différenciant les clusters nouveauxdes clusters matures. Les clusters matu-res qui sont mis en débat proviennentrespectivement d’Europe de l’Ouest etd’Amérique du Nord, où ils sont spon-tanément nés et existent aujourd’hui.Cette étude présente ensuite les pro-grammes initiés ces dix dernières annéesen Scandinavie et en Australasie1 en di-rection de clusters nouveaux. La dernièrepartie de ce document traite des ques-tions conceptuelles émergeant du débatautour du modèle du réseau et de la per-

    tinence de ce concept dans la gestion despetites entreprises.

    Le concept de cluster :les réseaux coopératifs etla réplicabilité

    Idées, concepts et politiques ■■

    The clusterconcept :cooperativenetworks andreplicability,Coral Ingley, 1999.

    Actes de la conférencede Naples, ICSB(International Councilfor Small Business).

    14

    Accédez au texte original sur : www.sbaer.uca.edu/Research/1999/ICSB/99ics027.htm

    LE CONCEPT DE CLUSTER

    1 NDT : ensemble géographique formé par laNouvelle-Guinée, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

    Le concept de cluster industriel de Porter(1998) – présenté dans le glossaire – afourni le cadre d’initiatives de réseauxdans plus de douze pays développés. Lesliens entre les entreprises et l’adoptionde stratégies de coopération sont desthèmes bien documentés, ce qui reflètel’intégration croissante des marchés etdes économies. Ce concept, développéau XIXe siècle par Marshall, existe en pra-tique depuis des siècles et a gagné enimportance auprès des politiques en tantque moyen permettant à des entreprisesde coopérer pour gagner un avantageéconomique.

    Les districts industriels (définition dansle glossaire) de petites entreprises sontpromus à partir du postulat que les in-dustries traditionnelles ne sont pas vouéesà mourir : la production artisanale peutfournir un modèle pour une industrie dehaute technologie. Le succès des districtsindustriels en Europe serait fondé sur unsystème qui socialise le risque au traversde nombreuses institutions publiques etprivées.

    Enfin, troisième notion, les réseaux (dé-finition dans le glossaire). La création deréseaux comme dispositif d’entraide entrePME est, selon Arzeni et Pellegrin (1997),fondée sur le principe qu’un groupe d’en-treprises est mieux équipé qu’une en-treprise (en particulier une PME), et quel’action commune offre des ressourcesdont l’entreprise individuellement nepeut pas bénéficier.

  • Le concept de cluster : les réseaux coopératifs et la réplicabilité 15

    familles s’introduisent dans les réseaux,ont des partenaires et accords commer-ciaux multiples et partagent leurs risqueset récompenses. Comme dans les clus-ters européens, elles peuvent à la foisêtre fortement compétitives et collabo-rer : elles ont de multiples connexions(ou « guanxi ») sous-tendant une struc-ture typique de participations croisées,de connections familiales, et un systèmede pratiques commerciales complexesfondé sur les économies d’échelle et surles échanges commerciaux entre entre-prises chinoises.

    Quant aux clusters nouveaux, les étudesse sont centrées sur ceux nés dans lecadre d’un programme de développe-ment d’un secteur au niveau national.

    Parmi ces programmes d’intervention, lesprogrammes scandinaves ont représentéun prototype pour d’autres interventionsdans les pays nordiques. Ainsi, Yla-Anttila(1994) a étudié le développement duconcept de cluster industriel en Finlande,et a remarqué que les organisations ausein des clusters du pays, fortes et en ra-pide croissance, étaient fortement inter-dépendantes et souvent en synergie.

    Chaston (1996) et Arzeni et Pellegrin(1997) ont décrit un modèle – inspiré dela « Troisième Italie » – à plusieurs pha-ses développé par l’Institut technologiquedanois pour surmonter les faiblesses struc-turelles (en particulier la prédominancede petites entreprises). Le programme(1989-1992) cherchait à promouvoir lasurvie et la croissance des PME et à com-penser la baisse des opportunités d’em-ploi dans les grandes entreprises. Un traitcaractéristique du modèle danois est quele rôle de médiateur est assumé par unparticulier indépendant qui guide le pro-cessus de coopération entre les entrepri-ses. Des expériences ont été menées d’a-près ce modèle dans le Pays de Galles etau sud-est de l’Angleterre (1993), enNorvège, et plus récemment au Canada,en Australie et en Nouvelle-Zélande. EnAustralie, le programme « Business net-work Programme » (BNP) a été établi auniveau national en 1994 pour aider lesentreprises à établir et développer des ré-seaux, et visait à créer plus de mille ré-seaux en quatre ans.

    En Nouvelle-Zélande, où comme enFinlande on trouve quelques clusters pro-ductifs capables de se développer à l’ex-

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    LE DÉVELOPPEMENTDE RÉSEAUX

    ET LA PERFORMANCE

    portation, une version de ce modèle àplusieurs phases a été développée. Lepremier tiers de l’initiative a consisté àcréer des « groupes d’action commune »(« Joint action groups », ou « Jags »), quisont des réseaux « souples » (« soft net-works »). Par la suite, des réseaux « durs »(« hard networks »), fondés sur l’appro-che des médiateurs danois, ont été éta-blis. La différence principale entre cesdeux types de réseaux est que les Jags,ou réseaux souples, abordent les ques-tions générales du secteur, alors que lesréseaux durs se concentrent plus direc-tement sur la génération d’entreprises ad-ditionnelles rentables et sont générale-ment des centres de profits. Les Jags sontnationaux et sectoriels alors que les ré-seaux « durs » concernent une zone géo-graphique restreinte. Plus de 35 Jags etplus de 100 réseaux durs ont été créésces sept ou huit dernières années.

    Un trait commun à ces études (sauf pourRabellotti et Schmitz) est leur nature sta-tique : elles sont descriptives et définis-sent les attributs spécifiques d’un réseauà l’aide d’études de cas effectuées à unmoment particulier. La recherche sur lesprogrammes de développement de nou-veaux clusters a été limitée, peut-être depart la jeunesse de certains programmescomme ceux d’Australie ou de Nouvelle-Zélande.

    Pour comprendre les clusters matures,beaucoup d’études se sont concentréessur les districts industriels européens, quireprésentent des clusters « naturels »(c’est-à-dire qui se sont formés seuls).Ces clusters matures ont évolué dans letemps et sont profondément ancrés dansleur contexte géographique, institution-nel et culturel. La majorité des étudessur ces clusters présente les traits géné-raux du modèle et se concentre sur sesdifférents aspects sous l’angle des attri-buts et de leur importance dans l’éta-blissement du cluster.

    Ainsi, Piore et Sabel (1984) ont étudiéles clusters de la région Émilie-Romagnedu nord de l’Italie – souvent qualifiée de« Troisième Italie » – qui ont rendu la ré-gion prospère. Ils ont en particulier portéleur attention sur la spécialisation flexi-ble dans la production.

    Schmitz et Musyck (1994) ont eux consi-déré des clusters dans quatre régions enEurope et se sont attachés à étudier lerôle des institutions publiques et privéesdans l’apport de crédit et de servicesd’appui. Les caractéristiques principalesqui en sont ressorties sont les mesuresd’investissement dans les ressources hu-maines et les programmes de formation.

    Rabellotti (1995) a mené une des quel-ques études transnationales existantesen comparant des clusters de fabricationde chaussures : deux en Italie et deux àMexico. Les similarités trouvées entre lesclusters de ces deux pays étaient les fai-bles liens entre les entreprises et le rôledes organisations de soutien qui n’estpas apparu comme crucial.

    Schmitz (1995) s’est intéressé au mêmesecteur dans une région brésilienne et atrouvé que la plupart des caractéristiquesde ce cluster répondait au modèle éla-boré par Rabellotti.

    En Chine, un grand nombre d’entrepri-ses coopératives sont liées entre elles pardes accords verbaux et par la confiance.Ces réseaux ressemblent fortement auxexemples européens dans leurs attributsessentiels : ils sont fondés sur la famille,le clan, la localité de naissance ou ledialecte (Anwar, 1996, Tanser, 1994). Les

    LES CLUSTERS NOUVEAUXET LES MATURES

    Dans un réseau, stabilité et développe-ment sont liés, et les périodes d’évolu-tion graduelle, non linéaire, sont sou-vent suivies de changements radicaux.Selon Axelsson et Easton (1992), un ré-seau industriel est par nature dynamiqueet n’est jamais en équilibre : durant l’é-volution graduelle, les éléments qui ontmené à la création du réseau sont ren-forcés et les acteurs cherchent à élabo-rer des façons de faire, ce qui peutconduire à un réseau plus intégré. Parla suite, le changement radical peut pro-venir, à la fois de tensions internes auréseau ou d’un changement dans sonenvironnement externe. Ces affirma-

  • Le concept de cluster : les réseaux coopératifs et la réplicabilité 16

    ➤ il y a un biais dans la sélection, la lo-calisation géographique étant en soi unepreuve de la présence d’avantages spé-cifiques locaux ;

    ➤ la recherche n’a pas su différencier l’ac-tivité industrielle de l’activité organisa-tionnelle. Lorsque l’on parle d’activité in-dustrielle, la proximité des partenaires etla performance sont substituables. L’acti-vité organisationnelle dépend quant àelle des ressources naturelles, qui ne sontpas substituables ;

    ➤ la mesure des performances est in-adéquate. En effet, aucun compromisd’évaluation et de mesure des perfor-mances des réseaux n’est atteint : il n’ya pas de critère de définition du succèsd’un programme de réseau.

    En se fondant sur la recherche deNeergaard et Nielsen (1997) sur les pro-grammes danois, il semble évident queles indicateurs principaux d’évaluationdu succès d’un programme étaient as-sociés à sa continuité et à la stabilité desstructures des réseaux.

    ➤ La longévité ne peut pas servir de cri-tère pour mesurer la performance du pro-gramme danois car beaucoup de réseauxn’ont pas survécu au programme. Souscet angle, le programme en Nouvelle-Zélande n’était pas non plus une réus-site, et on peut être plus mitigé pourl’Australie (Akoorie, 1998). Selon Neer-gaard et Nielsen, si on utilise comme cri-tère des facteurs non structurels, commela rentabilité, la part de marché de l’en-treprise et l’amélioration de la compéti-tivité individuelle, alors on peut faire uneinterprétation plus positive. Neergaard etNielsen en concluent que les réseauxpeuvent se développer en plusieurs sta-des : une première génération de réseauxartificiellement imposés peut servir audéveloppement d’une seconde généra-tion de réseaux naturels. D’autre part, lesconcepts de durabilité et de longévité po-sent des problèmes additionnels en ter-mes d’évaluation des performances duréseau car les alliances en réseaux nesont pas forcément faites dans une op-tique de long terme et peuvent repré-senter un arrangement transitoire entredes partenaires du réseau.

    ➤ Le changement structurel sur le longterme n’est pas un critère valable, car, sil’on adopte une perspective de politiquesectorielle, on ne peut dire si les pro-

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    tions sont confirmées par la rechercheempirique.

    Ainsi, Sanexian (1995) a examiné les dy-namiques structurelles et l’adaptabilitéde deux des plus importants clusters horsd’Europe : la Silicon Valley en Californieet la Route 128 entourant Boston, dansle Massachusetts.

    Les deux clusters sont nés dans les an-nées 60 comme des lieux d’invention etd’entreprenariat dans le domaine de l’é-lectronique. Après une phase prospère,ils ont été secoués dans les années 70par la concurrence japonaise pour laSilicon Valley, et par le développementdes ordinateurs personnels concurren-çant les fabricants de mini-ordinateurspour la Route 128.

    En 1991, la Silicon Valley – qui est pro-che du modèle du cluster industriel (basetrès flexible d’entreprises qui peut doncmieux réagir aux aléas économiques) –avait rebondi avec une nouvelle vaguede petites entreprises prêtes à tirer pro-fit des nouvelles opportunités de mar-ché. La Route 128 n’a quant à elle pasconnu un tel renouveau. Dans son étudedu cluster de fabrication de chaussuresde la Sinos Valley au Brésil, Schmitz(1995) a conclu que dans ce cas d’étude,un cluster, développé et organisé suivantles marchés et l’organisation locale desproducteurs, augmente la capacité desentreprises à s’adapter. Les réseaux d’en-treprises chinoises fondés sur la famillerencontrent aussi les défis d’une concur-rence accrue et de marchés changeants.Tanzer (1994) et Anwar (1996) soutien-nent que, bien qu’il y ait des exceptions,l’insistance à garder la propriété et lagestion au sein de la famille tend à li-miter la taille et la complexité que cesentreprises peuvent atteindre.

    Ainsi, si ces études indiquent que cer-tains clusters semblent pouvoir s’adap-ter aux changements, elles ne dégagentaucun modèle ni ne présentent les condi-tions de succès d’un cluster.

    La première évaluation formelle des ré-seaux danois est le rapport Amphion(1996), qui a fait ressortir que la mesurede l’efficacité du programme était pro-blématique.

    En Australie, le Bureau of IndustryEconomics (BIE) a évalué en 1995 un pro-gramme de réseaux établi en 1990 et aconclu que les aspects non financiers du

    soutien gouvernemental n’étaient pasassez pris en compte. Fulop (1997) a rap-porté, après enquête auprès de la moitiédes entreprises impliquées, que le pro-gramme était sain et rentable, d’après unemesure sur les ventes, les niveaux de pro-duction et les profits nets. Buttery etButtery (1997) ont étudié 22 réseaux aus-traliens et ont trouvé que les réseaux nerépondaient pas aux attentes initiales deleurs membres : les réseaux qualifiéscomme étant les meilleurs étaient ceuxoù des aspects socio-relationnels tels laconfiance s’étaient développés.

    Le programme a ainsi plus mis l’accentlors de la phase de création du réseausur l’assistance financière directe que surle soutien informel (qui a lui un rôle in-direct), pourtant exprimé par les entre-prises comme plus utile.

    Le rôle qu’un gouvernement doit jouerauprès des acteurs lorsqu’il établit un ré-seau semble donc plus approprié dansle domaine de l’assistance directe pourétablir des échanges d’informations etdes systèmes de veille concurrentielle etl’assistance financière directe à ce staden’est pas aussi importante.

    L’analyse de Goldfinch et Perry (1997)du programme de réseaux durs enNouvelle-Zélande reste plus circonspectquant à l’applicabilité du modèle danoiset suggère que l’impact du programmedépend de la qualité des médiateurs lorsde la création du réseau. Akoorie (1998),lui, cite Hawkins (1997) et conclut quece programme est un succès. Sur 71 ré-seaux, seulement 6 exportent, et selonHawkins, environ la moitié des réseauxserait encore en développement.

    Enfin, peu de littérature existe concer-nant l’efficacité des réseaux industrielssur la stimulation de l’exportation.

    QUESTIONS CONCEPTUELLES

    Le soutien au concept de réseau est loind’être unanime : la recherche sur les ré-seaux en relation avec les regroupementsindustriels et les liens entre organisationssuggère que les prescriptions politiquesdéfendant les regroupements sont par plu-sieurs aspects imparfaites (Akoorie, 1998) :

  • grammes de développement de réseauxdurs ont altéré la structure sectorielle enpromouvant la collaboration entre les en-treprises. Dans le cas du Danemark, l’a-mélioration économique semble être plusune conséquence de changements dansla politique macro-économique. Quantaux initiatives en Australie et en Nouvelle-Zélande, quatre années de recul sont in-suffisantes pour révéler un quelconqueimpact majeur (Akkorie, 1998).

    ➤ Si les programmes australiens de ré-seaux visaient à stimuler l’implicationdes plus petites entreprises à l’export,l’impact a aussi été limité dans ce do-maine : seulement 4 % des entreprisesaustraliennes exportent et cela représenteen moyenne moins de 10 % de leurs re-venus (Akoorie, 1998) ; si 10 % des en-treprises en Nouvelle-Zélande exportent,95% des revenus à l’export sont géné-rés par seulement 150 entreprises.

    Ainsi, bien que les fondements empi-riques s’accordent et qu’il y ait certainescaractéristiques clés communes, la théo-rie sur les réseaux d’entreprises manquedans ce contexte. Bien que les clustersindustriels de différentes régions aientdes caractéristiques distinctes (dont beau-coup sont communes), la conceptuali-sation de la politique industrielle et dela stimulation économique manqued’exemples empiriques.

    Concernant la conceptualisation du mo-dèle, la controverse est centrée sur la va-riabilité d’un cluster à l’autre et sur l’u-nicité d’une part des attributs (socio-culturels, historiques et spatiaux) dechaque cluster, et d’autre part des évo-lutions qui influencent leur structure etleur développement. Il est difficile de gé-néraliser les expériences, et l’incertitudedemeure quant à comment stimuler descomportements coopératifs sans culturede réseau.

    Enfin, certains partagent le point de vueque les facteurs associés aux clusters quiréussissent ne seraient pas réplicables.Amin (1989) cherche à savoir si les nou-veaux districts industriels développerontdans le temps les mêmes caractéristiquesque les districts qui ont le mieux fonc-tionné, ou si une intervention externepeut créer des réseaux à des endroits oùdes conditions de base sont réunies. Ildéfend l’idée que les composantes et lesrelations complexes d’un système in-

    Le concept de cluster : les réseaux coopératifs et la réplicabilité 17

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    dustriel ne peuvent pas être induites parla politique. Akoorie (1998) pose aussila question de la mise en œuvre de lacollaboration entre entreprises.

    CONCLUSIONS

    L’étude des réseaux inter-entreprises, enparticulier parce qu’elle est liée à la po-litique industrielle et au développementdes compétences de petites entreprises,représente un domaine nouveau dans lalittérature sur la gestion. Cependant, leparadigme du réseau est complexe et saconceptualisation est incomplète. La lit-térature permet d’identifier une typolo-gie des structures des réseaux mais lacompréhension de la dynamique des ré-seaux reste incomplète. Les débats sontnombreux, en particulier sur la réplica-bilité du modèle de cluster et les poli-tiques, les évaluations des réseaux et lesmesures d’impact sur la performancesont critiquées.

    Le réseau peut valoriser la théorie du dé-veloppement de la petite entreprise et ades implications importantes sur la for-mulation des politiques et les pratiquesde gestion, qui doivent encore pour laplupart être explorées. Il reste beaucoupà apprendre sur l’efficacité des réseauxet sur les effets des programmes conçuspour les initier. Les petites entreprisesont beaucoup à gagner de cette connais-sance qui leur permettra de mieux com-prendre les bénéfices en termes de com-pétitivité sur les marchés mondiaux queleur collaboration peut leur offrir.

  • Les clusters de PME,l’acquisition de capacitéstechnologiqueset le développement :le concept, la pratique etles leçons politiques

    Idées, concepts et politiques ■■

    SME clusters,acquisitionof technologicalcapabilitiesand development :concept, practiceand policy lessons,Marjolein C.J. Caniëls& Henny A. Romijn,Pays-Bas,février 2002.

    18

    Ce document est une contribution audébat politique sur la promotion d’unecroissance économique régionale et surla compétitivité des petites et moyennesentreprises (PME) dans le cadre du dé-veloppement. Un cadre analytique com-prenant les points de vue complémen-taires des approches existantes est ainsidressé et utilisé comme base de réfé-rence pour la conception de la politiquedans ces domaines.

    Les deux approches existantes sont l’ap-proche par l’efficacité collective au ni-veau méso-économique et l’approchepar la capacité technologique au niveaumicro-économique. L’approche intégréeprésentée dans ce texte a pour objectifl’amélioration structurelle de la compé-titivité régionale.

    Ce nouveau cadre de travail permet dedéterminer comment on peut encoura-ger par le cluster (au sens de la défini-tion de Schmitz donnée dans le glossaire)l’apprentissage technologique au niveaude l’entreprise. Il offre aussi de nouvel-les directions politiques. Une étude em-pirique d’une fabrique d’équipementagricole dans la province de Punjab auPakistan illustre la valeur ajoutée de cettenouvelle approche.

    L’approche méso-économique par l’ef-ficacité collective des entreprises et l’ap-proche micro-économique par la capa-cité technologique de l’entreprise offrentdes points de vue qui se complètent lors-qu’il s’agit d’étudier la compétitivité àlong terme des PME.

    Le schéma de la page suivante montrecomment on peut recouper l’efficacitécollective, qui analyse les avantages pourune entreprise de faire partie d’un clus-ter industriel (et les répercussions pourle cluster des bonnes performances deses entreprises, et par effet de dominoles avantages au niveau de la région), etl’approche selon la capacité technolo-gique, qui étudie comment les proces-sus internes à une entreprise affectent sacompétitivité à long terme. Une vastepalette d’avantages d’être en cluster pourles PME a été identifiée par de nom-breuses études ; en particulier la pre-mière étude de cas que vous nous pré-sentons (« les clusters d’entreprisesafricains et l’industrialisation – de la théo-rie à la réalité ») propose une réflexionsur l’efficacité collective.

    Accédez à un texte similaire des mêmes auteurs,« SME clusters, acquisition of technological capabilities and development : a conceptual

    framework » : www.tm.tue.nl/ecis/Working%20Papers/eciswp38.pdf

    RECOUPER LES APPROCHESMICRO ET MÉSOÉCONOMIQUES

    Soumis au Journalof Industry, Competitionand Trade.

  • Comment les mécanismes qui permet-tent aux entreprises de tirer des avan-tages du regroupement (niveau méso-économique) se traduisent-ils au sein dechacune (niveau micro-économique) endes efforts technologiques plus impor-tants ou plus efficaces ? Répondre à cetteinterrogation nous permettra de com-prendre comment le processus le clus-ter peut :

    ➤ catalyser l’apprentissage technologiquede l’entreprise ;

    ➤ lui permettre de développer des ca-pacités et une meilleure performanceéconomique ;

    ➤ contribuer à la croissance économiquerégionale.

    Les éléments de réponse sont de deuxordres (cf. tableau page suivante) ; il fautdéterminer :

    ➤ au niveau méso-économique les typesd’avantages qui résultent du regroupe-ment lorsque les entreprises forment uncluster. Ces avantages portent sur les éco-nomies d’échelle, de couverture et detransaction dans (i) la production ou dans(ii) l’accumulation de connaissances ;les effets de débordement (ou en anglais

    Les cluster de PME, l’acquisition de capacités technologiques et le développement 19

    « spillovers effects ») de connaissances(iii) par les changements de motivationset d’attitudes, (iv) par la formation de ca-pital humain (apprentissage informel surle tas / in situ), ou enfin (v) par le trans-fert de technologies.

    ➤ au niveau micro-économique les typesd’efforts technologiques que les entre-prises font généralement. Ils se concen-trent essentiellement sur l’embauche, laformation, la recherche d’information oula R&D.

    Examinons de plus près ce tableau :

    ➤ La ligne I présente un mécanisme as-socié aux avantages directs sur les coûtslors de la production des entreprises encluster : une telle économie de coûts pro-vient d’une forte demande.

    ➤ La ligne II montre que les économiesd’échelle, de couverture et de transac-tion dans l’accumulation de connais-sances peuvent avoir quatre effets signi-ficatifs sur l’effort technologique : a) lesclusters peuvent générer une demandeminimale critique pour de nouveaux pro-duits ou services spécialisés qui ne pour-raient pas être produits de façon renta-ble ailleurs. Ceci stimule en retour les

    efforts d’investissement des entreprisespour maîtriser la production de ces nou-veaux produits ; b) la présence de four-nisseurs locaux spécialisés attirés par laforte demande locale permet de baisserle prix d’intrants spécialisés ; c) la pos-sibilité qu’ont les entreprises de rejoin-dre des réseaux d’innovateurs grâce auxfaibles coûts de transaction permettentdes avantages financiers par le partagedes coûts et des risques ; d) de même,des investissements collectifs plus im-portants sont possibles.

    Les lignes III, IV, et V nous indiquent queles effets de débordement des connais-sances d’autres entreprises peuvent com-pléter les efforts internes d’une entrepriseen les rendant plus efficaces.

    ➤ Les changements d’attitude et de mo-tivation (ligne III) nous renvoient à l’ex-position de personnes à de nouvellesidées dans un environnement particu-lier : c’est un processus qui agit sur leursprédispositions mentales et va leur fairepréférer le changement à la stabilité.

    ➤ L’apprentissage informel sur le tas per-met la formation de capital humain (ligneIV) en agissant sur l’évolution des atti-tudes des personnes (ici sur l’attitude en-vers le travail). Tout comme le méca-nisme III, il implique un vaste effort(colonnes A à D).

    ➤ Enfin, le transfert de technologies (ligneV) agit entièrement sur l’offre ; il opèrede trois manières : les mouvements demain-d’œuvre qualifiée entre entreprises(colonne A) ; les journaux commerciaux,rencontres, foires et divers forums d’é-changes entre personnes (colonnesC&D) ; et les interactions entre utilisa-teurs et producteurs (aussi C&D), qui ontsouvent lieu lorsque des innovations sontmises en œuvre ou perfectionnées. Leseffets de débordement de connaissancespar les transferts de technologies inter-agissent souvent avec des économies d’é-chelle, de couverture et de transaction.

    Toutefois, les clusters engendrent aussiparfois des effets négatifs non décrits dansnotre tableau, et en particulier trois :

    ➤ une concurrence excessive entre despetits producteurs non capables de dif-férencier leurs produits peut mener à unebaisse des marges, laissant peu de res-sources disponibles pour les améliora-tions technologiques ;

    « L’actualité des services aux entreprises » n° 4 ●● février 2003 ●● Un produit d’information de la DGCID (MAE)

    Intégrer les approches micro et méso-économiques :une perspective analytique

    Pays

    Cluster

    Entreprise

    Performance économiquedu pays

    Performance économiquedu cluster

    Proximité géographique

    Avantages du regroupement

    Efficacité collective

    Entreprise

    Performanceéconomique

    de l’entreprise

    Capacitéstechnologiques

    Effort technologique

    Apprentissage

    Capacité technologique

    Performance économiquedu pays

  • ➤ dans les clusters où le secret est diffi-cile à garder et où la protection des in-novations est inexistante, les effets dedébordement des connaissances peu-vent conduire à réduire les incitations àinnover pour celui qui les produit ;

    ➤ dans les communautés résistantes auchangement des barrières considérablespeuvent être dressées contre les effortsd’amélioration technologique.

    Les cluster de PME, l’acquisition de capacités technologiques et le développement 20

    Une approche plus volontaristeet dynamique que cel