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© Masson, Paris, 1978 Conduite à tenir devant.~. Les boiteries de hanche et les signes dits « de Duchenne de Boulogne )) ou « de Trendelenburg )) Ann.Kinésithér., 1978,5,163-178 P. DOTTE * Un grand désarroi envahit quiconque veut pénétrer dans les arcanes des boiteries de hanche dans le plan frontal: désignations à coups de patronymes, amalgames de noms d'auteurs (parfois avec altérations ortho- graphiques), affirmations péremptoires, citations-refuges de textes an- ciens abondent dans la littérature, l'enseignement et la discussion. Tour de Pise et tour de Babel à la fois, l'édifice biomécanique ainsi échafaudé est devenu un traquenard pour beaucoup. La contribution recherchée par cet article est d'apporter une pierre de plus, mais posée avec une farouche détermination: faire crouler ce qui chancelle et, si possible, demeurer seule apparente! L'APPUI UNIPODAL La stabilisation frontale du bassin s'apprécie de préférence en appui uni- podal arrêté et non à la marche (tig. 1). Pendant le cycle fonctionnel de marche, l'exigence de stabilisation frontale du bassin présentée au moment de l'appui unipodal s'avère inférieure à celle existant dans la station debout unipodale. En effet, dans la marche, des facteurs de cinématique et de dynamique se conjuguent qui minimisent la rupture d'équilibre latente et économisent une part non négligeable de l'effort stabilisateur. D'autre part, la brièveté de la phase révélatrice rend l'observation visuelle directe difficile. A l'arrêt, au contraire, les nécessités de contrôle actif de la stabilisation frontale et de l'équilibre ortho-statique sont patentes. L'observation visuelle est largement facilitée par la durée prolongée du positionnement. Aucun autre facteur issu des phases précédentes du pas Enseignant à l'Ecole de Kinésithérapie et à l'Ecole de Cadres, C.H.U. de Montpellier. Directeur Technique, Centre de Rééducation Fonctionnelle « Le Castelet », F 34430 St-Jean-de-Védas. 163

Les boiteries de hanche et les signes dits de Duchenne de ......Face à un déficit donné, chaque boiterie n'est qu'une réponse modulée selon les ressources du sujet tant pour ce

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  • © Masson, Paris, 1978 Conduite à tenir devant.~.

    Les boiteries de hanche et les signesdits « de Duchenne de Boulogne ))ou « de Trendelenburg ))

    Ann.Kinésithér., 1978,5,163-178

    P. DOTTE *

    Un grand désarroi envahit quiconque veut pénétrer dans les arcanesdes boiteries de hanche dans le plan frontal: désignations à coups depatronymes, amalgames de noms d'auteurs (parfois avec altérations ortho-graphiques), affirmations péremptoires, citations-refuges de textes an-ciens abondent dans la littérature, l'enseignement et la discussion.

    Tour de Pise et tour de Babel à la fois, l'édifice biomécanique ainsiéchafaudé est devenu un traquenard pour beaucoup. La contributionrecherchée par cet article est d'apporter une pierre de plus, mais poséeavec une farouche détermination: faire crouler ce qui chancelle et, sipossible, demeurer seule apparente!

    L'APPUI UNIPODAL

    Lastabilisation frontale du bassin s'apprécie de préférence en appui uni-podal arrêté et non à la marche (tig. 1).

    Pendant le cycle fonctionnel de marche, l'exigence de stabilisationfrontale du bassin présentée au moment de l'appui unipodal s'avèreinférieure à celle existant dans la station debout unipodale.

    En effet, dans la marche, des facteurs de cinématique et dedynamique se conjuguent qui minimisent la rupture d'équilibre latente etéconomisent une part non négligeable de l'effort stabilisateur. D'autrepart, la brièveté de la phase révélatrice rend l'observation visuelle directedifficile.

    A l'arrêt, au contraire, les nécessités de contrôle actif de lastabilisation frontale et de l'équilibre ortho-statique sont patentes.L'observation visuelle est largement facilitée par la durée prolongée dupositionnement. Aucun autre facteur issu des phases précédentes du pas

    • Enseignant à l'Ecole de Kinésithérapie et à l'Ecole de Cadres, C.H.U. de Montpellier. Directeur Technique,Centre de Rééducation Fonctionnelle « Le Castelet », F 34430 St-Jean-de-Védas.

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  • FIG. 1. - Comment doit se faire l'observation dela stabilité frontale du bassin.

    ou anticipant sur la phase suivante ne viennent interférer, qu'ilsconcernent le membre inférieur observé ou son homologue.

    La station debout unipodale permet donc d'isoler les problèmespropres à la coxo-fémorale observée. Ainsi, en vertu du principe « qui peutle plus, peut le moins », l'aptitude testée ou révélée peut être valablementconsidérée comme exploitable dans la marche du sujet.

    L'appui unipodal implique, au même titre que toute autre attitudecorporelle équilibrée, que la projection verticale du centre de gravité globaldu corps aboutisse dans le polygone de sustentation (fig. 2). Il n'appa raÎtpas inutile de souligner que cette obligation est universelle et s'appliqueaussi bien aux circonstances physiologiques que pathologiques.

    Tout schéma, toute démonstration établissant l'ignorance ou le non-respect de cette loi qui ne souffre aucune dérogation versent dans ledomaine de la fantaisie • (fig. 3).

    • Le lecteur qui viendra de découvrir comment il a été déjé abusé par certains ayant traité des problèmes deboiteries de hanche peut, dès é présent, abandonner la lecture de cet article: celui-ci ayant atteint son but premier.D'autres pages plus élaborées J'attendent dans cette revue.

    164

  • FIG. 2. - Où la gravitation universelle doitpasser pour respecter l'équilibre .

    .,I~~

    "

    ~ \·~i'...-- ...----- ..-- '______ ,..",.1FIG. 3. - Tout est possible, quand on se permetdes libertés.

    165

  • Dans la mise en appui unipodal, le centre de gravité global du corps vaoccuper une position différente de celle qu'il a dans la station deboutbipodale symétrique: il est déplacé vers le membre inférieur qui a quitté lesol. Ce déplacement est combiné dans les trois plans de référencecinésiologique :

    - il s'abaisse;- il migre du plan médian vers le côté non-porteur;- il s'antériorise. -"'fLe déplacement latéral est le plus important; il pose aussi le problème

    majeur dans la stabilisation frontale. Toutefois, des variations existentconsécutivement à l'attitude prise par le membre inférieur soulevé.

    (Tout au long de cet article, on adoptera l'exemple d'une attitude-type,quasi-spontanée, qui consiste à élever la jambe à l'horizontale vers l'arrièrepar une flexion du genou accompagnée d'une légère flexion de la hanche, lemembre inférieur demeurant dans son ensemble en position neutre d'abduc-tion et de rotation, fig. 4); on retiendra, cependant, que les données et ob-servations resteront sensiblement les mêmes lorsque des conditions patholo-giq ues imposeront certaines autres situations (fig. 5).

    FIG.4. - Appui unipodal-type.

    FIG. 5. - Variantes d'appui unipodal ne modi-fiant pas les données de l'appui-type:

    - a) chez un sujet ne pouvant fléchir lahanche;

    - b) chez un sujet ne pouvant fléchir le ge-nou;

    - c), chez un sujet ne pouvant assurer la sta-bilisation latérale du pied.

    166a b c

  • Dans la station debout unipodale, la stabilisation frontale active .dubassin permet de maintenir la ligne bi-iliaque voisine de l'horizontale et deconserver un parallélisme presque parfait avec la ligne bi-acromiale (fig. 6).Le plan orbitaire, ou ligne du regard, demeure également horizontal et lesmembres supérieurs restent suspendus proches de la verticale.

    Des variantes individuelles peuvent se déceler en fonction de :- l'habitus du sujet: chez le sthénique, l'hémi-bassin déchargé a ten-

    dance à être soulevé, il est légèrement abaissé chez l'hyposthénique;- la souplesse rachidienne: favorisant les inflexions latéral escompensa-

    trices en présence d'une obliquité pelvienne;- la morphologie: le' bassin large, de type gyndide, éloigant le centre

    de gravité par rapport à la hanche portante, accuse les mécanismes stabi-lisateurs (il fait éclore une démarche ondulante, perfectible à un haut degréd'agréable sophistication ...).

    Quelle que soit leur vigueur, les muscles stabilisateurs ne peuventévincer l'impératif absolu qu'est la translation du corps vers le pied porteur.

    Pour affiner l'analyse segmentaire (fig. 7), il faut donc mettre envaleur, voire quantifier:

    C -- "'~.

    a

    FIG. 6. - Stabilisation frontale normale dubassin. (Nota: ce schéma ainsi que ceux desfigures 12, 19 et 24 sont repris d'aprèsd'Ombredane cité par J. Cauchoix dans:Précis de Pathologie Chirurgicale T. Il,p. 555-6-7, 1949 Masson Edit.).

    FIG. 7. - Éléments d'analyse segmentairede l'appui unipodal physiologique:- a) inclinaison externe globale du membreinférieur;- b) adduction de 5 à 10° environ;- c) discret abaissement de la tête.

    167

  • une inclinaison externe du membre inférieur porteur;- une adduction de l'articulation coxo-fémorale portante;

    un abaissement discret de la tête du sujet.Ces trois éléments sont caractéristiques de la stabilité frontale

    physiologique du bassin. Ils sont retrouvés de façon constante indépen-damment des rapports réciproques des ceintures pelvienne et scapulaire.Les inflexions rachidiennes, plus inconstantes, ressortissent de facteursextrinsèques de la coxo-fémorale.

    A des fins pédagogiques, il sera aisé de mettre en évidence le fait de latranslation latérale lors de la station en appui unipodale chez un cobayesain (fig. 8) et d'expliciter son importance statique (alignement deportance du centre de gravité) ainsi que son intérêt dynamique (mise entension des muscles abducteurs).

    , ..·.. ·1

    1

    ·..·iln'

    FIG. 8. - Mise en évidence de la translation la-térale du corps dans la station unipodale normale.

    TROUBLES DE LA STABILISATION FRONTALE DU BASSIN

    L'impotence comme l'insuffisance de la stabilisation latérale active dubassin sont dues à des causes diverses que l'on peut regroupersimplement en :

    - diminution du moment mécanique de la force selon laquelleagissent les muscles concernés *, produit de deux facteurs:

    • Le muscle Moyen Fessier, bien que le plus important n'est pas seul à concourir à la stabilisation frontale du bas-sin. On citera avec 1ui, comme faisant partie intégrante de l'éventail fessier: le Gra nd Fessier par ses fibres horizontales.leTenseurdu Fascia Lata, le Petit Fessier. On ajoutera le Pyramidal du bassin.

    168

  • · perte de longueur des bras de levier osseux (raccourcissement ducol fémoral, abaissement de la crête iliaque, bascule interne du grandtrochanter);

    · rapprochement des points d'insertions musculaires;· déplacement défavorable du pivot articulaire (luxation, recreuse-

    ment).

    - diminution de la force musculaire de tout ou partie des musclesconcernés consécutivement à certaines atteintes:

    paralysie motrice,amyotrophies diverses,section ou désinsertion,pertes de substance ou dégénérescence musculaire.

    De ces altérations de la fonction stabilisatrice active découlentdiverses boiteries de hanche. Mais aucune n'est pathognomonique de lalésion ou de l'atteinte présentée.

    Face à un déficit donné, chaque boiterie n'est qu'une réponsemodulée selon les ressources du sujet tant pour ce qui est de sespossibilités de suppléances mécaniques que de sa coordination neuro-musculaire.

    Pour mener à bien l'observation fonctionnelle de ces boiteries dehanche, il est nécessaire de s'assurer que l'appui unipodal puisse être intégra-lement pris.

    " faut pour cela que plusieurs conditions soient réunies:- la mise en charge autorisée,- l'absence d'esquive antalgique,- un alignement sagittal satisfaisant du tronc et du membre inférieur,- une stabilisation proprioceptive efficace de l'étage pédio-jambier (la

    fig. 5 c montre un moyen de pallier éventuellement à une insuffisance dece facteur), et, de pleine évidence, une mobilité articulaire de quelquesdegrés dans les secteurs d'abduction et d'adduction de la hanche.

    Enfin, sauf cas extrêmes, l'inégalité de longueur des membresinférieurs trouble l'observation mais n'induit pas une boiterie de hancheplutôt qu'une autre.

    a) l'instabilité frontale absolue du bassin

    Quand un membre inférieur a une force stabilisatrice du bassin nulle,la perte d'équilibre menace (fig. 9).

    Si on exclut le secours d'un appui manuel sur une aide de marche ou unpoint fixe, la seule possibilité de prendre un appui unipodal est de réaliserune superposition de la ligne gravitaire sur l'axe mécanique du membre infé-rieur lui-même à l'aplomb de son propre polygone de sustentation (fig. 10).Ceci est obtenu par une forte inclinaison latérale du tronc, de la tête et desépaules du côté portant (fig. 11).

    169

  • FIG.9.Force stabilisatrice

    nulle = menace de perted'équilibre.

    FIG.11.Mise en

    équilibration frontale.

    FIG.10Alignement segmentaire

    et superposition gravitaire.

    Le soulèvement puis le maintien dans l'espace du membre Inférieuropposé deviennent alors possibles grace à une suspension active dubassin sous le tronc par les muscles ilio-costaux homologues.

    Dans ce type de station debout unipodale, où l'orientation du tronc estdéterminante, l'inclinaison de la ligne bi-acromiale (abaissée vers le côtéen charge) est le signe capital: il s'agit de la boiterie de l'épaule, attitudede suppféance décrtte par Duchenne de Boulogne (fig. 12).

    L'analyse segmentaire (f;g. 13) met en évidence:- une verticalisation de l'axe mécanique du membre inférieur porteur;- une abduction positive de la coxo-fémorale portante;- un départ de la tête vers l'extérieur, au-delà de la surface d'appui au

    sol.

    Ces trois éléments sont démonstratifs du fait qu'au contrôle actif de lastabilité du bassin est substituée une recherche d'équilibre unipodal parrépartition symétrique des masses segmentaires de part et d'autre de l'aplombau so!- ..

    170

  • FIG. 12. - Appui unipodal avec boiterie FIG. 13. - Éléments d'analyse segmentaired'épaule = signe de Duchenne de Boulogne. de la boiterie d'épaule (signe de Duchenne

    de Boulogne).- a) verticalisation du membre inférieur;- b) abduction positive;- c) déport de la tête.

    L'inclinaison du tronc, par conséquence le déport de la tête, n'est pasconstante chez un même sujet. Elle est influencée par l'effet de balancierdes membres supérieurs: mise en abduction plus ou moins complète dubras du côté porteur souvent accompagnée d'un recentrage du membresupérieur opposé en adduction horizontale.

    On saura que l'amplitude de la boiterie d'épaule est sans rapport avecl'importance précise du déficit; elle n'est essentiellement liée qu'à des solu-tions gravitaires.

    La surélévation du bassin au-dessus du plan horizontal passant par lacoxo-fémorale portante est dépendante de l'inclinaison du tronc, uncertain parallélisme étant la plupart du temps maintenu entre les ceinturespelvienne et scapulaire.

    On notera que cette boiterie se constitue sans variation notable desespaces costo-iliaques par inflexion rachidienne. Seule une courbure dorso-cervicale se dessine, avec pour finalité, d'assurer l'horizontalité du regard etd'atténuer la translation amorcée par la tête.

    Il n'est pas superflu de considérer les conséquences biomécaniquesde cette boiterie ((ig. 14):

    171

  • FIG.14.

    Impacts biomécaniquesde la boiterie

    d'épaule(signe de Duchenne

    de Boulogne).

    FIG. 15. - Mise en évidence d'une boiterie d'é-paule provoquée chez un cobaye sain.

    - sur le genou: contrainte en valgus;- sur le pied: hypersollicitation en valgus tarsien et en prono-

    abduction métatarsienne;- sur la hanche: meilleure couverture et plus larges surfaces d'appui

    (ce qui explique la rencontre de cette boiterie malgré une bonne cotation« analytique» des stabilisateurs: il s'agit d'une recherche antalgique);

    - sur les muscles adducteurs: leur recrutement étant le seul moyenactif de contrôle direct de la boiterie.

    Enfin, on mentionnera que l'enraidissement rachidien rend la boiteriemoins « coulée», plus saccadée, évoquant l'image du balancier demétronome.

    Pour une démonstration pédagogique, on provoque facilement chezun cobaye sain une boiterie d'épaule en neutralisant tout transfert latéraldu bassin lors de la prise d'appui unipodal (fig, 15). Les trois élémentssignificatifs précédemment mentionnés apparaissent aussitôt.L'inclinaison latérale du tronc est automatiquement majorée lorsque l'onoriente les deux bras vers l'extérieur du pied porteur (balancé de bras dupas de parade soviétique).

    Il devient dès lors définitivement acquis que la boiterie d'épaule, signede Duchenne de Boulogne, est une performance d'équilibrisme (fig. 16).

    172

  • FIG. 16. - Boiterie d'épauleou signe de Duchenne de Boulogne= performance d'équilibrisme .

    b) l'instabilité frontale relative du bassin

    Lorsque la puissance des muscles stabilisateurs latéraux n'est pasnulle mais seulement insuffisante pour optimaliser la position du bassin, labascule frontale parvient à être contrôlée sans qu'il n'y ait inéluctablementune perte d'équilibre (fig, 17),

    Lors de la prise d'appui unipodal, le bassin s'incline sur le fémurportant, la coxo-fémorale se ferme en angle aigu, l'écartement de la crêteiliaque du grand trochanter met en tension l'éventail fessier.

    Il en résulte soit un freinage dû à la contraction musculaire renforcéepar la tension passive, soit un amarrage grâce à des rétractions musculo-aponévrotiques (notamment au niveau du Tenseur du Fascia Lata).

    FIG. 17. - Force stabilisatrice insuffisante = con- FIG. 18. - Bascule du bassin = éloignement dutraIe 1( limite ii de la bascule frontale du bassin. centre de gravité = exigence accrue de translation.

    173

  • L'abaissement du bassin vers le membre inférieur détaché du sol apour conséquence d'éloigner le centre de gravité global du corps parrapport à la coxo-fémorale d'appui. Une translation latérale accrue estindispensable pour maintenir la ligne gravitaire dans le polygone desustentation (fig. 18).

    Dans ce type de station debout unipodale, où l'aspect hyper-hanchéest caractéristique, l'inclinaison de la ligne bi-iliaque (abaissée vers le côtéen décharge) est le signe majeur. Il s'agit de la boiterie du bassin, attitudecompensatrice dite de Trende/enburg (fig. 19).

    L'analyse segmentaire (fig. 20) montre:- une inclinaison externe importante du membre inférieur d'appui;- une adduction manifeste de la coxo-fémorale portante;- un abaissement de la tête (pseudo-télescopage du tronc).

    Ces trois éléments témoignent du fait que le sujet a dû lacher face auxexigences physiologiques de la stabilisation et n'est parvenu à contrôler ledéséquilibre qu'à la limite de tolérance.

    On observera que cette boiterie entraîne une asymétrie des espacescosta-iliaques (fermeture du côté porteur, ouverture du côté soulevé). Il enrésulte une inflexion lombo-sacrée à concavité du côté d'appui. Associée àl'abaissement vertical du plateau sacré, elle produit une descente massivedu tronc diminuant la hauteur apparente du sujet.

    c- * .

    FIG. 19. - Appui unipodal avec boiteriede bassin = signe de Trendelenburg.

    174

    FIG. 20. - Éléments d'analyse segmentaire dela boiterie du bassin (signe de Trendelenburg).

    - a) inclinaison externe importante du membreinférieur; b) adduction ++; c) abaissement de latête.

  • Ici l'amplitude de la boiterie du bassin est en rapport avec la capacité decontrôle (force ou rétraction) et peut donc varier au décours de la récupéra-tion ou selon l'état de fatigue momentané.

    Cette boiterie a également des répercussions biomécaniques (fig. 21) :- sur le genou: contrainte en varus;- sur la hanche: hyperpression polaire et tendance expulsive ascen-

    dannte;- sur le rachis lombo-sacré: surcharge unilatérale vers le côté

    instable.

    *"'"

    FIG. 21. - Impacts biomécaniques de la boiteriede bassin (signe de Trendelenburg).

    FIG. 22. - Mise en évidence d'une boiterie debassin provoquée chez un cobaye sain (éloigner letémoi de positionnement de deux à trois traves dedoigts de la valeur physiologique).

    FIG.21

    FIG.22

    175

    )

  • 1

    L

    On saura que l'enraidissement rachidien, s'il ne se fait pas en attitudecompatible avec l'inclinaison du bassin, conduira à l'adoption par le sujetd'une boiterie d'épaule.

    A titre pédagogique, chez un cobaye sain, on parvient à faire réaliserune boiterie du bassin en imposant un transfert latéral du bassin majoré lors dela prise d'appui unipodal (fig, 22). Les trois éléments spécifiques analysésapparaissent alors. Ceci pour autant que le sujet ne bascule pas sur le bordexterne du pied, ni qu'il ne s'équilibre par une abduction du membre infé-rieur soulevé. Interrogé, le cobaye signale la perception d'une tension dans larégion trochantérienne et, parfois, d'un coincement lombo-sacré.

    Pour mémoriser le principe de la boiterie du bassin, signe de Tren-delenburg, on démontrera qu'il s'agit d'un exercice ou d'une position en« rappel» (fig. 23).

    FIG. 23. - Boiterie de bassin ou signe de Tren-delenburg = position « en rappel !i.

    c) Variations

    A ces boiteries bien typées viennent s'ajouter quelques élements per-mettant de comprendre à quelle confusion ont pu parvenir ces notions etces signes.

    D'abord l'existence d'une boiterie mixte, associant la chute de l'épauledu côté portant et celle du bassin du côté déchargé. Elle se rencontrelorsqu'il existe une atteinte musculaire de la région ilia-costale croisée parrapport au déficit de hanche (fig. 24). Dans ce cas, le sujet s'équilibre parl'inclinaison du tronc (signe de Duchenne de Boulogne) mais ne peuttracter le bassin vers le haut à partir de l'hémi-thorax surélevé. Non retenu,le bassin verse (signe de Trendelenburg).

    176

  • D'autre part, la fatigue musculaire des stabilisateurs faibles, la douleur parsollicitations trop intenses de rétractions feront qu'une boiterie du ba ssin de-vienne temporairement irréalisable et laisse la place à une boiterie d'épauleépargnant complètement les formations surmenées.

    Que dire enfin des bilatéralisations, symétriques ou non, labiles ellesaussi en fonction de la fatigue? Si ce n'est qu'elles parviendraient à

    FIG. 24, - Boiterie mixte d'épaule et de bassin,forme combinée justifiant /'appelation double:

    ••• , signe de Duchenne/Trendelenburg.

    FIG, 25, - La tête et les jambes ... suffisent pourdéterminer les modalités d'appuis unipodaux :

    - 1) appui unipodal physiologique;- 2) boiterie d'épaule, signe de Duchenne

    de Boulogne;- 3) boiterie de bassin signe de Trende-

    lenburg;- 4) boiterie mixte, signe double de Duchen-

    ne/Trendelenburg;- 5).... interprétation littérale de la renver-

    sante formule: «Trendelenburg inversé »! (qui,employée par quelques-uns pour désigner un bas-sin surélevé, équivaut tout bonnement au signe

    de Duchenne de Boulogne).

    FIG,24

    FIG,25

    177

    )

  • pousser à la querelle des observateurs différents se livrant à une étudefonctionnelle dans des conditions non-similaires.

    Autant de raisons pour s'efforcer d'adopter un langage sémiologiqueuniformisé mais surtout fidèle à la pensée de ses créateurs.

    RÉSUMÉ

    La stabilisation frontale du bassin et les boiteries qui s'y rapportents'observent plus aisément lors de l'apui unipodal arrêté.

    Point n'est besoin de compliquer inutilement leur analyse: la positiondu membre inférieur porteur, l'inclinaison vers le sol des épaules ou dubassin, la situation de la tête dans l'espace suffisent à typer la boiterie (fig.25) et, si l'on y tient vraiment, à utiliser pour la désigner du nom d'auteuridoine.

    Bibliographie

    CAUCHOIXJ., Précisde Pathologie ChirurgicaleT.II,p. 5-6-7,Masson, édit., Paris, 1949.DUCHENNE (DE BOULOGNE), Physiologie des mouvements, 1867, J.B. Baillière et F. Paris.DUCROQU ET R.J. et P., La marche et les boiteries, Masson, édit., Paris, 1965.GIRAUDET G., Biomécanique appliquée à la rééducation, Masson, édit., Paris, 1976.GOLUB M., Duchenne-Trendelenburg sign. Bulletin Hospital Joint Disorders, New York, 1956, T. 8047.LAP EYRE M. et LE CŒU R P., La hanche paralytique du point de vue orthopédique, Revue ChirurgieOrthopédique, 1959,45, nO 1.RABISHONG P., STER J., de GODEBOUT J., Anatomie et biomécanique des stabilisateurs latérauxde la hanche, Journal de Kinésithérapie, 1965, nO 130, C.E.K., Paris.

    (Dessinsde l'auteur, avecpour les Fig.3 et 25. référenceà Gotlib.)

    178