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Recherche sur les bonnes pratiques pour la mise en œuvre des principes de la Convention 169 de l’OIT
Etude de cas: 1
La consultation et la participation des populations autochtones « pygmées» à l’identification
et la protection de leurs usages des ressources forestières et fauniques
dans l’aménagement forestier : expérience de l’UFA Kabo de la CIB Nord du Congo
Par
Patrice BIGOMBE LOGO Chanel LOUBAKY MOUNDELE
Brazzaville, 2008
Programme pour la promotion de la Convention no. 169 de l’OIT
Les articles, études et autres textes signés n’engagent que leurs auteurs et leur publication ne signifie pas que le Bureau international du Travail souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
Table des matières Remerciements..................................................................................................................... 4
Présentation des auteurs...................................................................................................... 5
Liste des sigles et abréviations............................................................................................ 6
Résumé exécutif.................................................................................................................. 8
Introduction générale ........................................................................................................ 10
1. La réalisation de l’étude : objectifs et méthodologie........................................................ 14
1.2 La méthodologie ............................................................................................... 15
2. Les nouvelles règles internationales d’aménagement forestier : la certification forestière 16
2.1. L’aménagement forestier en République du Congo ......................................... 16
2.2. Les nouvelles règles internationales ................................................................ 17
2.3. La certification forestière.................................................................................. 17
3. La Convention 169 et les exigences de la consultation préalable et de la participation des
populations autochtones ..................................................................................................... 19
4. L’UFA Kabo : L’effectivité de la consultation et de la participation des Bangombé et
Mbenzélé............................................................................................................................ 23
4.1. Le plan d’aménagement et la prise en compte des droits des Bangombé et
Mbenzélé....................................................................................................................... 23
4.2. Élaboration du zonage de l’UFA Kabo............................................................. 24
4.3. La mise en œuvre de la procédure pour l’identification et la protection des
ressources clés et des sites cultuels............................................................................... 26
4.3.1 Les principes de la démarche........................................................................... 26
4.3.2 Les étapes de la démarche................................................................................ 27
4.3.3. Les activités d’identification et de protection................................................. 30
4.3.4. La cartographie sociale participative .............................................................. 31
Les modèles de cartes réalisées avec le système HELVETA ................................... 46
5. Conclusions et recommandations.................................................................................... 46
Remerciements
L’équipe de réalisation de l’étude remercie tous ceux qui, de près ou de loin, ont assuré la
conception et la mise en œuvre de la démarche pionnière et instructive de la Congolaise
industrielle du bois (CIB) pour consulter et faire participer les populations locales
« Pygmées » à la gestion forestière, à l’identification et à la protection de leurs ressources
clés et des leurs sites cultuels, en particulier, les responsables de l’aménagement et de la
certification des unités forestières d’aménagement (UFA) de la CIB, leurs partenaires
Tropical Forest Trust (TFT), London School of Economics and Political Science (LSE),
la Société HELVETA, Forest Peoples Programme (FPP), SGS-QUALIFOR, l’auditeur
FSC de la gestion forestière de la CIB, les ONG membres de l’Instance permanente
d’observation et de suivi (IPOS) et toutes les populations riveraines des UFA attribuées à
la CIB, notamment les membres des associations ACOBAK et COSKA, qui ont apporté
leur propre contribution au succès de cette expérience.
Elle témoigne aussi sa profonde gratitude à l’équipe du Centre de recherche et d’action
pour le développement durable en Afrique centrale (CERAD) de Yaoundé au Cameroun,
à l’Association pour les droits de l’homme et de l’univers carcéral (ADHUC) de à
Brazzaville au Congo, et à l’équipe du Bureau international du travail (BIT), à Yaoundé,
et à Genève qui ont contribué à la revue critique du présent rapport.
Enfin, elle remercie toutes les personnes qui ont assuré la prise de photos ou monté les
documents et les figures contenus dans cette étude en particulier MM. Jerome Lewis
(LSE), John Nelson (FPP), Norbert Gami (TFT), Mlle Urma Adeline Sabo (CIB), MM.
Gildas Obimbola (CIB), Edouard Madingou (CIB) et Michel Temsa (INFOCOM).
Présentation des auteurs Patrice Bigombe Logo est enseignant-chercheur au Groupe de recherches
administratives, politiques et sociales (GRAPS) de l’Université de Yaoundé II,
enseignant associé de politique et législation forestière à l’Université de Yaoundé I et à
l’Université de Dschang, chercheur permanent à la Fondation Paul Ango Ela pour la
géopolitique en Afrique Centrale (FPAE), coordinateur régional de la composante D du
programme de recherche sur la gestion participative des forêts tropicales du Centre
d’Anthropologie Culturelle de l’Université Libre de Bruxelles et directeur du Centre de
recherche et d’action pour le développement durable en Afrique Centrale (CERAD). Ses
travaux de recherche portent, essentiellement, sur la survie et la reconnaissance des
populations forestières « Pygmées » d’Afrique centrale, l’analyse des politiques
publiques environnementales et les enjeux de pouvoir autour de la gestion des ressources
naturelles. Il travaille aussi comme auditeur des aspects juridiques et sociaux de la
certification de la gestion des forêts tropicales.
Chanel Loubaky-Moundele est juriste, diplômée de la Faculté de Droit de l’Université
Marien Ngouabi de Brazzaville, ancienne stagiaire du Centre sous-régional des Nations
Unies pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Afrique centrale, où elle a mené
une étude sur la Convention no 169 de l’OIT et assistante juridique à l’Association pour
les droits de l’homme et de l’univers carcéral (ADHUC). Elle travaille sur les processus
de consultation des communautés autochtones du Congo dans la dynamique de
l’élaboration de la loi portant promotion et protection des droits des Pygmées en
République du Congo, de leur participation effective à la gestion forestière et à la lutte
contre le travail forcé en milieu autochtone.
Liste des sigles et abréviations
AAC Assiette annuelle de coupe
ACOBAK Association des communautés Bantu de l’UFA Kabo
ADHUC Association pour les droits de l’homme et de l’univers carcéral
BIT Bureau international du travail
CADHP Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
CERAD Centre de recherche et d’action pour le développement durable
CIB Congolaise industrielle du bois
COSKA Collectif des semi-nomades de l’UFA Kabo
FCFA Franc CFA (Coopération financière d’Afrique centrale)
FPAE Fondation Paul Ango Ela pour la géopolitique en Afrique centrale
FPP Forest Peoples Programme
FSC Forest Stewardship Council
GRAPS Groupe de recherches administratives, politiques et sociales
GPS Global Positioning System – Système de géo-positionnement
GPSU Global Positioning System Utility
IBOCO Industrie du bois du Congo
INFOCOM Informatique et communication
IPOS Instance permanente d’observation et de suivi
IWGIA International Work Group for Indigenous Affairs
LSE London School of Economics and Political Science
MEF Ministère de l’Economie Forestière
OCDH Observatoire congolais des droits de l’homme
OIT Organisation internationale du travail
ONG Organisation non gouvernementale
PNNN Parc national de Nouabalé-Ndoki
PNUD Programme des Nations unies pour le développement
TFT Tropical Forest Trust
UFA Unité forestière d’aménagement
UNICEF Fonds des Nations unies pour l’enfance
SFS Société forestière de la Sangha
SGS-
QUALIFOR
Société Générale de Surveillance-Programme de certification forestière
SNBS Société nationale des bois de la Sangha
UNPFII United Nations Permanent Forum on Indigenous Issues – Instance permanente
sur les questions autochtones.
WCS World Conservation Society
WWF World Wildlife Fund for Nature
Résumé exécutif
Le processus de consultation et de participation des populations locales et autochtones
Bangombe et Mbendzele à la gestion forestière, à l’identification et à la protection de
leurs ressources-clés et de leurs sites cultuels constituent une bonne pratique pour la
mise en oeuvre des principes de base de la Convention 169 de l’OIT en Afrique centrale.
Tel qu’il se développe, au fil des ans, dans le cadre de la gestion de l’unité forestière
d’aménagement Kabo de la Congolaise Industrielle du Bois, il apporte une évidence sur
la faisabilité politique, sociale, économique et culturelle de la consultation et de la
participation des populations autochtones à la gestion des ressources naturelles, de
manière à sauvegarder leurs droits traditionnels et coutumiers d’usage sur ces
ressources.
Cette démarche, sans être l’horizon indépassable de la gestion participative des forêts
tropicales, est fondatrice de la reconnaissance des droits des populations autochtones
dans la gestion forestière et de l’acceptation du fait qu’elles soient, tout autant que les
Etats et leurs partenaires (sociétés forestières, organismes de conservation, safari,
projets, etc.), des parties prenantes fondamentales et des bénéficiaires de la gestion des
écosystèmes forestiers. Elle matérialise la prise en compte du pluralisme dans la
conservation et l’utilisation des ressources forestières, l’incorporation progressive des
communautés marginalisées, les Bangombe et les Mbendzele, dans la mise en œuvre des
politiques publiques de gestion des ressources naturelles. Elle permet la coexistence des
droits d’accès et d’usage légaux et coutumiers des ressources forestières, à travers le
dialogue, la concertation et le respect des droits, des obligations et des intérêts mutuels.
Toutefois, dans sa configuration actuelle, cette démarche met encore beaucoup plus
l’accent sur la concession des droits d’usage et d’accès des populations locales et
autochtones aux ressources naturelles et non sur les droits de propriété. Pourtant, ce
sont les droits de propriété qui peuvent agir, de manière plus ou moins directe, sur les
moyens d’existence des populations. En fait, la protection globale des droits des
populations autochtones et locales dans la gestion de la biodiversité passe par la
reconnaissance de leurs rapports historiques aux terres et aux forêts qu’elles occupent,
aux ressources qui s’y trouvent et à leurs identités propres. En valorisant les
opportunités offertes par les exigences des standards FSC et la loi n°1062004 du 26 mars
2004, fixant les principes généraux applicables aux régimes foncier et domanial au
Congo, qui reconnaît, dans son titre III, chapitre I, le régime foncier coutumier, à côté
d’un régime foncier moderne régi par les normes de droit positif, il serait nécessaire de
poursuivre la réflexion sur la garantie des droits de propriété sur les ressources
naturelles, au profit des populations autochtones Bangombe et Mbendzele, notamment
pour ce qui est de la gestion de la faune.
Introduction générale
La République du Congo, appelée aussi Congo Brazzaville, fait partie de l’Afrique
centrale forestière. Elle couvre une superficie de 342 000 km2. Elle est limitée au nord
par le Cameroun et la République Centrafricaine, au sud par l’enclave de Cabinda en
Angola et l’océan Atlantique, à l’est par la République Démocratique du Congo et à
l’ouest par le Gabon. Son territoire est subdivisé en dix (10) départements : la Bouenza,
la Cuvette, la Cuvette-Ouest, le Kouilou, la Lekoumou, la Likouala, le Niari, les Plateaux,
le Pool et la Sangha.
Sa population, inégalement répartie sur le territoire national1, est estimée aujourd’hui à
près de 3 800 000 habitants avec un taux de croissance de 3,2% par an et une densité
moyenne de 11 h/km2. La partie septentrionale (Cuvette-ouest, Cuvette, Sangha et
Likouala) représente près de 58% du territoire national mais n’abrite que 11,5% de la
population. Celle-ci est composée de dix (10) principaux groupes : Baya, Kongo, Kota,
Mbere Nzabi, Mbochi, Makas, Punu, Sangha, Teke et les semi-nomades « Pygmées »2.
Les peuples autochtones
Il n’y a pas eu de recensement officiel et systématique de la population autochtone3
« Pygmée » au Congo. Mais, il est souvent annoncé qu’elle constitue actuellement
environ 10% de toute la population du pays. Soit environ 300 000 personnes4. Elle est
1 PNUD, 2005. 2 Le terme « pygmée » est utilisé ici comme un terme général, très largement employé pour se référer à une population autochtone qui vit dans les zones forestières d’Afrique centrale et désignés localement par leurs propres noms. 3 Le concept de populations autochtones est utilisé ici au sens qui en a été donné par le Groupe de travail de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur les Populations/Communautés Autochtones, à savoir, que ce sont les populations dont la culture et le mode de vie diffèrent considérablement de ceux de la société dominante, dont la culture est menacée et la survie du mode d’existence dépend directement de l’accès et des droits liés à leur territoire traditionnel et aux ressources naturelles qui s’y trouvent. Elles souffrent de discrimination et de marginalisation. Cette définition, adaptée au contexte africain, met un accent particulier sur le principe d’auto-identification, le lien aux terres et aux ressources naturelles, la domination, la discrimination et la marginalisation ; et relativise le critère de l’aboriginalité qui valorise l’antériorité de l’installation sur un territoire. Lire CADHP et IWGIA ; 2006, p. 8-12. Voir aussi CADHP et IWGIA, 2005, p. 96-106. 4 UNICEF, 2001, p. 1 ; 2004, p. 4 ; et 2007, p.1. Voir aussi, dans une perspective historique, le Rapport Général de l’Habitat et de la Population, République du Congo, Ministère du Plan 1984, cité par Constance Mathurine Mafoukila, 2006, p. 42. Pour des informations plus générales sur les populations autochtones
répartie en deux principaux groupes : les Babongo et les Bambenga, tous deux composés
de plusieurs sous-groupes : les Batswa, les Baaka, les Babi, les Babongo, les Bagyeli, les
Bakola, les Baluma, les Bangombe, les Mbendzele et les Mikaya5. Comme partout en
Afrique centrale où vivent des « Pygmées », ils sont concentrés dans les zones forestières
et plus précisément dans les départements de la Bouenza, du Kouilou (dans le Mayombe,
vers Kola), de la Lékoumou, de la Likouala, du Niari, des Plateaux et de la Sangha6.
La CIB et l’UFA de Kabo
Le département de la Sangha fait partie intégrante du secteur forestier du nord du pays et
abrite neuf (09) unités forestières d’aménagement (UFA) parmi lesquelles celle de Kabo
qui appartient au domaine de l’Etat et couvre une superficie de 296 000 hectares de forêts
tropicales humides. Elle est habitée, entre autres, par les populations « Pygmées »
Bangombé et Mbendzélé. L’UFA de Kabo est exploitée par la Congolaise industrielle du
bois (CIB). Elle est la première forêt certifiée FSC au Congo.
La CIB a été créée en 1968 par la fusion et la restructuration des sociétés SFS (Société
forestière de la Sangha) installée depuis 1953 dans le nord du Congo et IBOCO (Industrie
des bois du Congo) créée en 1961 avec une scierie à Brazzaville. En 1997, la CIB a
racheté la société SNBS (Société nationale des bois de la Sangha) implantée à Kabo,
alors en liquidation judiciaire.
La CIB est une société anonyme installée à Pokola et son siège social est sis à Ouesso.
C’est une filiale du TT-Timber Group dont le siège est sis à Bâle, en Suisse. Le groupe
TT-Timber a été racheté par le Groupe DLH en janvier 2006.
La CIB intervient dans l’exploitation, la transformation, le transport et la
commercialisation des bois et des produits dérivés.
La convention d’exploitation de l’UFA Kabo a été signée, entre le Gouvernement du
Congo et la CIB, le 13 novembre 2002 pour une durée de quinze (15) années. Les droits
d’exploitation à long terme de l’UFA Kabo par la CIB sont définis dans l’arrêté
ministériel N°5857/MEFE/CAB/DGEF/DF-SGF du 13 novembre 2002, qui fixe les «Pygmées » de la République du Congo, lire Gambeg, Yvon-Norbert, et autres, 2006, p. 125-139, et Gambeg, Yvon-Norbert, 2006, p. 209-223. 5 Observatoire congolais des droits de l’homme, 2006, p.6. 6 Mankassa, Côme, 1970, p. 5 ; Mafoukila, Constance Mathurine, 2006, p. 43.
orientations et les principes d’exploitation forestière, de transformation des bois, de
commercialisation des grumes et des sciages. Les modalités pratiques sont consignées
dans un document de référence pour la gestion de l’UFA appelé «Plan d’Aménagement
de l’UFA Kabo».
Après diverses expériences de certification de sa gestion forestière, réalisées entre 2000
et 2003 notamment avec le système de certification néerlandais Keurhout, la CIB s’est
engagée dans la certification FSC en 2004. Cet engagement sera matérialisé par la
réalisation d’un audit initial en novembre 2004 et une mission d’étude de Greenpeace, la
même année, dans les concessions forestières de CIB7. Pour concevoir, mettre en œuvre,
suivre et évaluer toutes les activités de l’entreprise relatives à l’aménagement et à la
certification, la CIB a mis en place une cellule d’aménagement, disposant d’une unité
socio-économique qui est devenue, par la suite, le programme socio-économique. Elle est
chargée de la mise en œuvre de toutes les mesures sociales de l’aménagement forestier,
en particulier les dispositions des titres 6, 7, 8 et 9 du plan d’aménagement de l’UFA
Kabo.
En octobre 2005, SGS-QUALIFOR procède à un audit initial FSC de la concession qui a
abouti à deux demandes d’action correctives majeures sur l’approbation officielle du plan
d’aménagement de l’UFA par le Gouvernement du Congo et la formalisation d’une
instance de négociation et de participation des populations locales et autochtones aux
décisions de gestion forestière. En mai 2006 et à l’issue d’un audit complémentaire, le
comité de certification de SGS-QUALIFOR a confirmé la clôture de ces deux demandes
d’action correctives et attribué le certificat FSC à la gestion de l’UFA Kabo.
Les Mbenzélé et Bangombé de Kabo
Kabo compte plus de cinquante (50) ethnies différentes dont les principales sont les
Mbochi (12,6%), les Bomitaba (11,2%), les Bonguili (8,4%), les Kwele (7,5%), les
Makoua (6,4%) et les Kouyou (6,2%). Les ethnies autochtones sont les Pomo (4,7%), les
Massa (4,3%) les Ngondi (1%), les Mbenzélé (5,6%) et les Bangombé (0,4%). La
population autochtone «Pygmée», les Mbenzélé et les Bangombé, représente, globalement
près de 6% des habitants de Kabo.
7 Greenpeace, août 2005.
Plus de la moitié (55%) de la population a moins de 20 ans. très peu (2%) ont plus de 55
ans. La taille moyenne de l’unité familiale est de six (6) personnes.
Pour les populations autochtones semi-nomades, mbenzélé et bangombé, l’utilisation des
ressources forestières et fauniques et la protection des sites cultuels et culturels
constituent la base de leur existence, du maintien et de la reproduction de leur mode de
vie et de leur culture. Elles ont un attachement fort aux terres ancestrales et aux
ressources naturelles du milieu. La forêt et ses ressources sont une composante
fondamentale de leur vie sociale et culturelle. Elle est, à la fois, le milieu et ls source de
leur vie. Elle n’est pas seulement un milieu physique, mais aussi et surtout un lieu social
et symbolique. Dans les contes et les légendes, la forêt tient une grande place. Les
animaux constituent des héros et moralistes de la population. Il existe une sorte de
mythologie forestière8.
En somme, la forêt est un milieu de culture et de vie sociale. Elle est utile à la formation
de l’être et de la personnalité des populations semi-nomades. Elle leur donne tout :
nourrit, soigne, habille et protège. Elle est leur mamelle nourricière. C'est dans la forêt et
l'exploitation de la forêt que ces populations prélèvent l'essentiel de leurs ressources
alimentaires et commerciales. Les activités de production économique découlent de
l'exploitation de la forêt : la chasse, la cueillette, la pêche, l'agriculture. Son importance
économique est plus ressentie par les guérisseurs traditionnels qui utilisent de
nombreuses espèces végétales pour leurs activités médicales. Pour eux, comme pour les
autres populations, l'exploitation de la forêt procure des revenus financiers. Enfin, elle
constitue le lieu par excellence d’exercice des cultes et des rites traditionnels.
Espace humanisé, la forêt est à la fois comme le support des activités matérielles et
spirituelles. Support des activités spirituelles, la forêt est le trait d'union entre les vivants
et les morts, le berceau des forces naturelles bienfaisantes et maléfiques. C'est le terrain
d’expression de la vie culturelle et des construits existentiels des groupes humains9. Sur
le plan de la culture mythologique et symbolique, la forêt est le lieu d'accomplissement
des rites magico-religieux tels que le Jengi et le Yeli des Mbendzele.
8 Lire à titre comparatif Obam, Adolphe, 1992, p.79-83. 9 Lire Oyono (P.R), 2004, p. 42-53.
Une expérience pionnière
C’est pour protéger et sécuriser les ressources clés utilisées par les populations autochtones10
ainsi que leurs sites cultuels et culturels que la CIB a mis en place une unité socioéconomique
au sein de la Cellule d’aménagement, chargée, sur la base d’une approche originale dans le
Bassin du Congo, de concevoir et de mettre en œuvre le processus de consultation et
d’implication des communautés autochtones dans la gestion forestière11. L’une des
principales actions de cette structure est de mettre en œuvre la procédure d’identification et
de protection des ressources clés et des sites cultuels des populations autochtones.
L’expérience pionnière réalisée par la CIB, dans le cadre de l’aménagement et de la
certification de la gestion de l’UFA Kabo, est l’une des approches sociologiques
appropriées et recommandées aujourd’hui pour entreprendre un processus de consultation
et de participation des populations autochtones « Pygmées » à la gestion forestière et à la
protection de leurs droits d’usage dans l’aménagement des forêts tropicales.
Cette approche constitue, également, un exemple de bonne pratique pour la mise en œuvre
des principes de la convention n°169 de l’OIT en ce qui concerne la consultation et la
participation des populations autochtones à l’identification et à la protection de leurs droits
et usages des ressources forestières et fauniques.
1. La réalisation de l’étude : objectifs et méthodologie 1.1 Les objectifs
L’objectif principal de cette étude est de montrer comment le processus de certification
entamé par l’unité forestière d’aménagement (UFA) Kabo de la Congolaise industrielle
du bois (CIB), au nord de la République du Congo, contient des aspects de bonnes
pratiques pour la mise en œuvre des dispositions de la Convention 169 de l’OIT en
matière d’information et de consultation des populations indigènes et de protection de
leurs usages traditionnels et coutumiers des ressources naturelles.
De manière spécifique, cette étude
- analyse les nouvelles règles internationales d’aménagement forestier et la
certification forestière FSC pour montrer comment elles s’accordent avec les
11 CIB , 2007a) et 2007b).
principes de base de la convention n°169, notamment les dispositions de l’article
15 de cette convention relatif aux droits des peuples autochtones sur les
ressources naturelles dont sont dotées leurs terres ;
- décrit la démarche utilisée par la CIB pour impliquer les populations autochtones
dans l’aménagement de l’UFA Kabo et dans la gestion forestière ;
- explique le processus d’utilisation de la cartographie sociale participative pour
étudier, comprendre et intégrer les usages des ressources forestières et fauniques
par les populations autochtones dans le plan d’aménagement de l’UFA ;
- dégage quelques leçons apprises et montre qu’en dépit de certaines difficultés et
limites, elle constitue une bonne pratique pour la mise en œuvre des dispositions
de la convention n°169 de l’OIT en ce qui concerne leurs droits sur les ressources
naturelles dont sont dotées leurs terres et leur droit à participer à l’utilisation, à la
gestion et à la conservation de ces ressources (Art. 15 de la convention).
1.2 La méthodologie La méthodologie de l’étude s’est articulée autour de trois éléments essentiels :
- l’analyse des informations
- la présentation et la discussion d’une première mouture de l’étude
- la rédaction finale du rapport de l’étude adressé au Bureau International du
Travail (BIT).
Des informations ont été collectées lors des missions d’audit de la certification FSC de
l’UFA Kabo, avec l’équipe de SGS-QUALIFOR, des visites complémentaires sur les
mêmes sites et ceux des autres entreprises forestières au nord et au sud du Congo. Une
abondante documentation a été produite sur l’aménagement de l’UFA Kabo dans le cadre
de sa certification FSC. Cette documentation montre comment les Bangombé et
Mbendzélé riverains de l’UFA Kabo ont été associés dans le processus d’identification et
de cartographie de mise en valeur de l’espace et des ressources forestières et fauniques.
Les résultats obtenus ont été pris en compte dans l’élaboration du plan d’aménagement de
l’UFA Kabo. Ce plan protège et sécurise, à moyen et long terme, quelques droits d’usage
coutumiers des Bangombe et Mbenzele A partir de cette documentation, une première
mouture d’étude a été élaborée et soumise aux représentants des Bangombé et Mbendzélé
du collectif des semi-nomades de l’UFA Kabo, COSKA, et aux animateurs de la Cellule
d’aménagement de la Congolaise industrielle du bois (CIB). Un processus de
présentation, de discussion et de validation du contenu de la première mouture a été
réalisé à Pokola, et les remarques et suggestions faites par les participants ont été
valorisées et utilisées pour corriger les insuffisances pour, enfin, améliorer et envoyer la
version finale au BIT.
2. Les nouvelles règles internationales d’aménagement forestier : la certification forestière 2.1. L’aménagement forestier en République du Congo Les forêts Congolaises couvrent environ 20 millions d’hectares, soit environ 60% du
territoire national réparti en deux grands ensembles forestiers : le massif forestier du
nord et les massifs forestiers du sud (Mayombe et Chaillu), séparés par de vastes
étendues de savanes au centre du pays. Le code forestier du 20 novembre 2000, en
vigueur, exige que les activités soient réalisées dans l’optique d’une gestion rationnelle
des ressources forestières et reposent sur un aménagement durable des écosystèmes
forestiers. Celui-ci doit garantir, à la fois, une production forestière soutenue, tout en
assurant la conservation de l’environnement, notamment la diversité biologique et la
satisfaction des besoins des populations locales.
Ainsi, toute opération d’exploitation forestière industrielle repose sur l’élaboration et la
mise en œuvre du plan d’aménagement. Devenant ainsi l’outil de référence de la gestion
forestière, il se traduit par la mise en place de règles de gestion garantissant une
exploitation forestière industrielle économiquement soutenable qui assure, à la fois, la
durabilité économique, sociale et écologique de l’ensemble des ressources naturelles de
l’UFA pour tous les acteurs sociaux concernés, entre autres l’administration des forêts,
ses partenaires et les communautés villageoises.
Le plan d’aménagement de l’UFA Kabo n’a pas dérogé à ces principes de base. Le titre 8,
consacré aux mesures de gestion sur l’ensemble de l’UFA, reconnaît, en application des
articles 40, 41 et 42 du code forestier, un droit d’usage des ressources naturelles à toutes
les populations résidentes. La jouissance de ce droit leur permet de récolter les perches,
gaulettes et autres produits ligneux nécessaires à la construction et à l’entretien de leurs
habitations, meubles, ustensiles domestiques et outils ainsi que les bois morts et les
plantes d’intérêt culturel, alimentaire ou médicinal ; de chasser, de pêcher et de récolter
les produits dans les limites prévues par la loi et établir des cultures ou des ruches et faire
paître leur bétail ou récolter du fourrage.Ces orientations nationales en matière
d’aménagement sont complétées par les exigences internationales relatives à la gestion
forestière dans les zones tropicales.
2.2. Les nouvelles règles internationales L’exploitation et la gestion des forêts tropicales, dont celles du Congo, sont abordées au
travers de la promotion de l’aménagement forestier. Cette démarche s’écarte des
approches minières classiques et s’inscrit dans les nouvelles règles internationales de
développement durable. Dans cette logique, l’exploitation forestière doit conduire à une
gestion forestière responsable et intégrer les pratiques socialement équitables,
écologiquement durables et économiquement viables. Elle doit permettre, à la fois,
d’assurer la protection du patrimoine forestier, de participer à la sauvegarde de
l’environnement et à la préservation de la biodiversité, d’améliorer l’intégration des
ressources forestières dans le développement rural afin de contribuer à élever le niveau de
vie des populations rurales et les faire participer à la conservation des ressources, de
mettre en valeur les ressources forestières en vue d’augmenter la part de la production
forestière dans l’économie nationale. Les principes, critères et indicateurs de certification
forestière dégagent un cadre d’intégration de cet ensemble de valeurs propices à la
gestion durable et bénéfique des ressources forestières.
2.3. La certification forestière La certification forestière est un processus indépendant d’évaluation et de contrôle de la
qualité de la gestion des forêts sur la base de principes, critères et indicateurs préétablis et
acceptés. C’est un processus qui consiste en l’attribution d’un certificat émis par une
tierce partie indépendante attestant du lieu et de la qualité de la gestion de la forêt dont le
bois destiné au marché est issu. La certification naît d’un dialogue entre le producteur et
l’acheteur relié par un vérificateur indépendant12. Elle est basée sur la préférence que le
consommateur final, par exemple, le consommateur européen, accorde aux produits issus
des forêts gérées de manière durable. Elle établit un lien entre le consommateur
préoccupé par la nécessité de gérer durablement les forêts et le producteur de bois voulant
améliorer sa manière d’exploiter ces forêts.
La certification forestière repose sur l’utilisation d’un ensemble de principes, critères,
indicateurs et vérifications utilisés pour évaluer la gestion des unités forestières
d’aménagement et délivrer un certificat d’approbation. Elle vise à attester que les forêts, dont
sont tirés les bois destinés au marché, sont gérées de manière durable. L’attestation se
matérialise par l’apposition sur le produit fini d’un label reconnu comme une garantie que le
bois utilisé provient d’une forêt où sont respectés les principes de la gestion durable13.
Le Forest Stewardship Council (FSC)
Créé en 1993 par les ONG américaines de conservation de l’environnement, notamment
Rainforest Alliance, avec l’appui du WWF, le Forest Stewardship Council – FSC est
considéré, aujourd’hui, comme l’ancêtre des systèmes de certification forestière. Le FSC,
structure active dans le champ de la certification forestière, est une organisation non
gouvernementale internationale, à but non lucratif, qui réunit des personnes qui œuvrent pour
la promotion d’une gestion responsable des forêts du monde. Sa mission est de promouvoir
une gestion des forêts du monde qui soit écologiquement appropriée, socialement profitable
et économiquement viable. L’aménagement responsable des forêts signifie que les forêts
sont gérées d'une manière qui préserve l'eau, le sol et la faune. Elle signifie également que les
communautés, les peuples autochtones, les travailleurs forestiers, les acteurs industriels et les
propriétaires forestiers – bref, toute personne affectée par l’aménagement forestier -
partagent la même vision de la gestion forestière et que des personnes peuvent continuer à
travailler et à vivre dans la forêt ; cette dernière constituant leur source et leur milieu de vie.
12 Mbolo, Marie, 2006, p. 198-200. Lire aussi, pour d’amples analyses sur la certification forestière,
Lescuyer, Guillaume, 2006, p. 369-388 ; et Verbelen, F., 2005, p.12. 13 Delvingt, Willy, et Guillaume Lescuyer, 2007 ; Bigombe Logo, Patrice, et Nicole Marie Guedje, 2007,
p.4-6.
Pour y arriver, le FSC a mis en place des standards internationalement reconnus de bonne
gestion forestière, résumés en dix (10) principes. Ces derniers visent à assurer une gestion
forestière écologiquement durable, économiquement viable et socialement profitable :
La gestion forestière écologiquement durable vise à garantir que la récolte du bois et
des autres produits de la forêt maintient la biodiversité, la productivité et les processus
écologiques de la forêt ;
La gestion forestière économiquement viable signifie que les opérations forestières
sont structurées et gérées pour être suffisamment profitables, sans générer de profits
financiers aux dépens des ressources forestières à long terme, l’écosystème ou les
communautés affectées ; et,
La gestion forestière socialement profitable vise à permettre aux communautés
villageoises et aux sociétés forestières d’apprécier les profits à long terme de la gestion
forestière, contribuer au développement local et fournir aux populations une motivation pour
maintenir les ressources de la forêt et adhérer aux plans de gestion.
C’est dans ce cadre précis que s’inscrivent les exigences des principes 2 et 3 du FSC.
Le principe 2 exige que, dans la dynamique d’une gestion forestière responsable, «les
droits à long terme d’utilisation et d’accès à la terre et aux ressources forestières sont
clairement définis, documentés et légalement établis » ; et
Le principe 3 exige que « les droits légaux et coutumiers des peuples indigènes à la
propriété, à l’exploitation et à la gestion de leurs terres, territoires et ressources soient
reconnus et respectés».
3. La Convention 169 et les exigences de la consultation préalable et de la participation des populations autochtones Les exigences sociales du référentiel FSC recoupent les préoccupations de la Convention 169
de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) 14, en particulier, les dispositions de
l’articles 15 relatives à la consultation, par des mécanismes et des procédures appropriés, des
populations autochtones avant d’entreprendre toute activité de prospection ou d’exploitation
des ressources dont sont dotées les terres des populations autochtones et sur des activités
devant avoir une incidence sur leurs modes de vie, la reconnaissance des relations
14 Les références à la Convention 169 de l’OIT sont tirées, entre autres, de Tomei, Manuela, et Lee
Swepston, 1996.
particulières qui les lient aux ressources naturelles, des droits de propriété et de possession
sur les ressources qu’elles exploitent traditionnellement pour leur subsistance, la sauvegarde
de leurs droits sur les ressources naturelles, y compris le droit de participer à leur utilisation,
leur gestion et leur conservation.
Les principes fondamentaux de consultation préalable et de participation des populations
autochtones en matière de gestion des ressources naturelles sont énoncés dans l’article 15
de la Convention 169 de l’OIT. Il stipule que « les droits des peuples autochtones sur les
ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécialement sauvegardés.
Ces droits comprennent celui, pour ces peuples, de participer à l’utilisation, à la gestion et
à la conservation de ces ressources. Dans les cas où l’Etat conserve la propriété des
minéraux ou des ressources du sous-sol ou des droits à d’autres ressources dont sont
dotées les terres, les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour
consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les
intérêts de ces peuples sont menacés avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme
de prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres. Les peuples
intéressés doivent, chaque fois que c’est possible, participer aux avantages découlant de
ces activités et doivent recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils
pourraient subir en raison de telles activités»15. L’article complète les autres dispositions
de la Convention qui abordent la consultation et la participation et posent les principes du
respect de l’identité sociale et culturelle, des coutumes, des traditions et des institutions des
populations autochtones et de la promotion de la pleine réalisation de leurs droits sociaux,
économiques et culturels.. L’article 5 de la convention souligne qu’«en appliquant les
dispositions de la présente Convention, il faudra reconnaître et protéger les valeurs et les
pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles de ces peuples et prendre dûment
en considération la nature des problèmes qui se posent à eux, en tant que groupes comme
en tant qu’individus ; respecter l’intégrité des valeurs, des pratiques et des institutions
desdits peuples ; adopter, avec la participation et la coopération des peuples affectés, des
mesures tendant à aplanir les difficultés que ceux-ci éprouvent à faire face à de nouvelles
conditions de vie et de travail »16. L’article 6 (1a) et (2) précise, à cet égard, qu’« en
15 Article 15 de la Convention 169 de l’OIT. 16 Article 5 de la Convention.
appliquant les dispositions de la présente convention, les Gouvernements doivent consulter
les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs
institutions représentatives, chaque fois que l’on envisage des mesures législatives ou
administratives susceptibles de les toucher directement (…). Les consultations effectuées en
application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme
appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d’obtenir un
consentement au sujet des mesures envisagées »17.
En plus de poser l’exigence de la consultation préalable des populations autochtones sur
les actions et les programmes de développement devant les affecter, ces dispositions
exigent la sauvegarde de leurs droits sur les ressources naturelles dont sont dotés leurs
terres et territoires, y compris le droit de participer à l’utilisation, la gestion et la
conservation de ces ressources. La consultation dont il est question est un processus
continu et dynamique de recherche et de collecte des points de vue des populations
autochtones, d’échange d’informations, de dialogue, de concertation, de négociation, de
compréhension mutuelle, pour arriver, autant que faire se peut, à une collaboration et à
une participation effective à la prise de décision18. Il ne s’agit pas d’une simple collecte
ou extraction d’informations auprès des communautés autochtones ou d’une propagande
déguisée sur les bienfaits de la certification forestière FSC pour les populations
autochtones mais de la mise en œuvre d’un processus continu de dialogue, d’une
dynamique de communication entre l’entreprise forestière et les communautés
autochtones. Celle-ci se présente comme une composante fondamentale du système
d’aménagement et de gestion de la forêt qui permet au concessionnaire d’intégrer les
points de vue, de reconnaître, respecter et protéger les droits des populations autochtones
dans la gestion de la forêt19.
Cette approche est aussi proposée par d’autres instruments juridiques internationaux. Par
exemple, les directives et les politiques opérationnelles de la Banque mondiale et de
17 Article 6 (1a) et (2) de la Convention. 18 Feiring, Birgitte. 2007. 19 Pour d’amples analyses sur la consultation préalable des populations autochtones, lire Mackay, Fergus, 2004 ; et le Rapport de l’Instance permanente sur les questions autochtones (UNPFII), 2005.
l’Union européenne20 exigent la reconnaissance et la prise en compte de la spécificité des
populations autochtones dans les processus de développement durable. Elles visent à
s’assurer que les programmes de développement, les programmes d’exploitation des
ressources naturelles ou de gestion des projets sont réalisés en respectant la dignité, les
droits de la personne et les cultures des populations autochtones. Les programmes de
gestion des ressources naturelles doivent tenir compte des modes de vie, des pratiques
culturelles et des croyances religieuses, des économies, des identités et des formes
d’organisation sociale et des approches de collaboration avec les populations
autochtones. Ils doivent prendre en compte leurs droits individuels et collectifs d’utiliser
les terres qu’ils occupent, de continuer à accéder aux ressources naturelles essentielles à
leur subsistance, à la durabilité de leurs cultures et à leur propre développement futur et
s’assurer que les activités réalisées sont accompagnées de programmes d’atténuation des
impacts sur leur milieu et leur culture.
Les mêmes exigences sont posées par la Commission mondiale sur les barrages, la
Convention des Nations unies sur la diversité biologique, la Déclaration universelle de
l’UNESCO sur la diversité Culturelle, la Déclaration de Kimberley, la Déclaration des
peuples autochtones sur les industries extractives et l’Accord de Durban sur la gestion
des parcs. Ces textes recommandent, entre autres, le respect des droits individuels et
collectifs des populations autochtones dans les programmes, la protection de
l’environnement, le consentement libre et informée des populations autochtones, la
réduction ou l’atténuation des impacts des programmes et l’accès aux bénéfices
économiques et financiers des activités des programmes.
Dans cette logique, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones adoptée le 13 septembre 2007 stipule, dans ses articles 18 et 19, que « les
peuples autochtones ont le droit de participer à la prise des décisions qui peuvent avoir
des incidences sur leurs droits, par l’intermédiaire de représentants qu’ils ont eux-mêmes
choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de
développer leurs propres institutions décisionnelles (…). Les États se concertent et
coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones, par l’intermédiaire de leurs
20 Voir la Directive opérationnelle 4.20 (OD 4.20 - 1991) et le Projet de Politiques opérationnelles (PO 4.10 – version du 21 mars 2001) de la Banque Mondiale et le Document de Politique de l’Union européenne sur les peuples autochtones, 1998.
propres institutions représentatives, en vue d’obtenir leur consentement libre, préalable
et éclairé avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives susceptibles de les
concerner ». Le consentement préalable, libre et éclairé signifie que les populations
autochtones affectées par les projets et les programmes participent au processus de prise
de décision et donnent leur consentement libre, préalable et éclairé tout au long des
différentes phases de réalisation des programmes de développement et de gestion des
ressources naturelles21.
Le processus d’implication des populations autochtones à la gestion forestière et
d’identification et de protection des usages des ressources forestières et fauniques par ces
populations, dans le cadre de l’aménagement et de la certification de la gestion de l’UFA
Kabo, a essayé de traduire, dans les faits, ces exigences juridiques et doctrinales.
4. L’UFA Kabo : L’effectivité de la consultation et de la participation des Bangombé et Mbenzélé La mise en pratique de la consultation préalable et de la participation des Bangombé et
Mbenzélé aux activités d’exploitation et de gestion des ressources forestières et fauniques
dans le cadre de l’aménagement et de la certification de l’UFA Kabo s’est faite, de manière
itérative, par l’élaboration du plan d’aménagement de l’UFA Kabo et la mise en œuvre de la
procédure d’identification et de protection des ressources clés et des sites cultuels des
populations autochtones.
4.1. Le plan d’aménagement et la prise en compte des droits des Bangombé et Mbenzélé Le plan d’aménagement est un document stratégique à long terme, qui entérine la politique
forestière et prescrit les grandes lignes de la gestion de l’unité forestière d’aménagement. Il
est complété par deux documents de gestion à moyen et court terme : le plan de gestion
(quinquennal) et le plan annuel d’exploitation.
Le plan de gestion présente les orientations générales d’exploitation de la forêt sur une
longue période ; soit cinq ans, alors que le plan annuel d’exploitation est l’outil de gestion
opérationnelle qui permet la programmation et le suivi annuel de la mise en œuvre du
plan d’aménagement. Pendant l’année précédant l’exécution de la coupe annuelle, la CIB 21 Mackay, Fergus, op. cit., p.5.
procède à l’inventaire en détail de la ressource (inventaire d’exploitation en plein et
cartographie), à la planification du réseau routier et précise les règles d’exploitation. Ils
constituent une matérialisation mesurée des logiques d’exploitation de la forêt attribuée
au concessionnaire.
Le plan d’aménagement vise à assurer une production pérenne de bois d’œuvre, en
quantité et en qualité, à garantir l’approvisionnement à moyen et à long terme d’une
industrie forestière adaptée aux potentialités de la forêt et aux exigences des marchés et à
maintenir la diversité biologique et les valeurs qui y sont associées. Enfin, il doit assurer
la coexistence durable des différents usages des ressources forestières et contribuer au
développement local et national.
En matière de reconnaissance et de protection des droits des populations autochtones,
l’élaboration du plan d’aménagement s’est conformée à trois principes :
- la participation des populations autochtones à l’aménagement forestier,
notamment, l’élaboration du zonage de l’UFA Kabo ;
- le maintien et la sécurisation des droits d’usage coutumiers des populations
autochtones sur les ressources forestières ; et
- la protection des sites revêtant une signification culturelle, écologique,
économique ou religieuse particulière pour les populations autochtones.
4.2. Élaboration du zonage de l’UFA Kabo La participation des populations autochtones à l’élaboration du zonage de l’UFA a abouti
à la mise en place d’un zonage de la chasse qui prend en compte les droits des
populations autochtones. Tout en prenant en compte les restrictions prescrites par la
législation et la réglementation nationale, la chasse a été reconnue comme une source de
protéines et la consommation de la viande de brousse comme un élément de la culture
alimentaire des populations ; et une activité culturelle pour les Bangombé et Mbenzélé
puisque leurs activités rituelles et religieuses sont encore associées à la pratique de la
chasse. Comme les ressources fauniques ne sont pas inépuisables, le plan d’aménagement
veut assurer la durabilité de la chasse de subsistance des populations locales et semi-
nomades.
Les mesures de gestion de la faune dans l’UFA Kabo ont mis en place un zonage de chasse et
des règles de gestion spécifiques à chaque zone. Trois zones de chasse autorisées ont été
définies et affectées à trois groupes d’acteurs : les communautés villageoises, les Bangombé
et Mbenzélé et les habitants des sites forestiers, dont les employés de la CIB. Les zones de
chasse villageoise utilisées par les communautés villageoises et les populations semi-
nomades, les zones de chasse des sites forestiers affectées par les populations locales, aux
semi-nomades et les résidents allochtones, les réserves de chasse utilisées par les semi-
nomades et les opérateurs de safari.
Le zonage reflète les limites coutumières de l’exploitation de la faune et exclut les
activités interdites par la loi. Il a été établi de manière participative, avec une implication
des populations locales et autochtones. Les représentants de ces populations ont été
formés à l’utilisation du GPS et à la cartographie sociale. Par la suite, ils ont été utilisés
pour collecter les données et circonscrire les zones communautaires de chasse dans toute
la concession forestière. Les résultats de ces travaux ont été utilisés dans l’élaboration de
la carte de zonage de l’UFA. Cette participation des représentants des populations locales
et autochtones a conduit au déplacement de certaines limites préliminaires de délimitation
des zones de chasse pour prendre en compte la demande d’accès des populations à
d’autres espaces dans le triangle de Djeke.
Au total, le plan de zonage comporte les zones suivantes : les zones de conservation
(clairières, bais, yangas, marécages, etc.) - 11% de la superficie de l’UFA ; zones de
récolte villageoise (y compris semi-nomades) - 29%; zone de chasse safari ou tourisme –
11%; zones de récolte des salariés CIB – 16 %; zones de récolte exclusivement pour les
Mbenzélé – 27 %; sites sacrés – 6 %.
Cette approche de zonage de l’UFA et d’une forêt située en périphérie d’une aire
protégée, en l’occurrence, le parc national de Nouabale-Ndoki (PNN), est spécifique et
tout à fait nouvelle dans l’ensemble du Bassin du Congo. L’approche retenue vise à
concilier les objectifs de conservation avec les droits et les activités des populations
d’une part, et avec la législation congolaise sur la chasse d’autre part. Le souci de
consulter les communautés est reflété par le nombre de réunions organisées par l’équipe
du projet avec les principaux acteurs sociaux de la région (communautés, syndicats des
salariés de la CIB). Le découpage des zones de chasse a été déterminé sur la base de la
connaissance des zones traditionnelles de chasse utilisées par les villageois. Les règles de
gestion autorisent la chasse traditionnelle de subsistance et une chasse commerciale (avec
des quotas de prélèvements) pour les safaris. Les réserves de chasse permettraient aux
Bangombé et Mbenzélé de réaliser le molongo, ces longues expéditions cynégétiques qui
servent aussi pour le transfert de connaissances aux jeunes générations.
4.3. La mise en œuvre de la procédure pour l’identification et la
protection des ressources clés et des sites cultuels La mise en pratique de la consultation préalable et de la participation des Bangombe et
Mbenzele aux activités d’exploitation et de gestion des ressources forestières et fauniques
dans le cadre de l’aménagement et de la certification de l’UFA Kabo s’est aussi
matérialisée par la mise en œuvre de la procédure pour l’identification et la protection des
ressources clés et des sites cultuels des populations autochtones.
4.3.1 Les principes de la démarche
S’agissant de l’implication des populations locales à la gestion forestière, la CIB a choisi
une démarche qui repose sur trois grands principes : la concertation, la contractualisation
et l’accompagnement. Cette démarche concerne l’ensemble les travailleurs CIB et leurs
familles régulières ainsi que les populations villageoises, sédentaires et autochtones semi-
nomades, dont les territoires de subsistance (subsistance économique, sociale et culturelle
liée à l’espace territorial) sont compris, pour tout ou en partie, dans les limites des UFA
attribuées à la CIB.
La démarche CIB en la matière est déroulée de la manière
suivante :
Figure 5 : Les principes fondamentaux d’implication des populations locales et
autochtones et des ayants-droits à la gestion forestière à CIB22.
4.3.2 Les étapes de la démarche
La mise en œuvre de ces principes d’intervention repose sur les étapes suivantes :
- Une information préalable
L’ensemble des populations locales et autochtones riveraines est sensibilisé sur les
objectifs de l’aménagement et de la certification FSC. Des campagnes d’information sont
réalisées afin de transmettre aux populations locales les informations qu’elles doivent
maîtriser sur l’évolution du contexte, qu’il s’agisse de l’aménagement ou des démarches
de l’entreprise ayant un impact direct ou indirect sur les populations locales.
22 Voir Pierre, Jean Michel, et Bernard Cassagne, 2005.
- La réalisation des diagnostics participatifs
Dans chaque UFA allouée à la CIB, des diagnostics socioéconomiques sont effectués
directement ou par le biais de partenaires et d’experts indépendants, selon les besoins et
la disponibilité de compétences. Des études d’impacts sociaux (EIS) sont réalisées par
des cabinets indépendants et les résultats sont intégrés aux plans d’aménagements.
- La gestion d’ une plate-forme permanente de concertation
Les plates-formes de concertation reposent sur un ensemble de rencontres qui favorisent
un dialogue constructif et un échange permanent d’information entre la CIB et les
populations riveraines des UFA. La CIB reconnaît les différentes sphères de concertation
liées à la structuration de la société civile, et leur accorde tout son intérêt et l’entière
légitimité : syndicats, représentants du personnel, comités des villages, comités
traditionnels des sages, kombeti ou kobabo23 des populations autochtones, des
associations et ONG locales, formelles et informelles.
Le ministère de l’Economie Forestière est impliqué, en permanence, via un cadre détaché
auprès de l’Unité socioéconomique de la CIB. Les autres administrations locales et
nationales interviennent dans les débats en fonction de la nature des instances de
concertation (par exemple, le Conseil de concertation de la série de développement
communautaire) ou des nécessités de service ou d’appui-conseil.
- La contractualisation et la ritualisation des accords
Des recommandations pratiques, des accords consensuels et des modes opératoires
concrets issus des concertations entre les parties prenantes sont transcrits dans un compte-
rendu pour chaque rencontre, rédigé par le Programme socioéconomique et approuvé par
la Direction de la CIB.
La ritualisation de ces recommandations, accords et modalités concrètes permet de
s’assurer que les termes des accords vont non seulement être respectés par les parties
prenantes mais aussi par le reste de la société. Différents types de documents sont
23 Les kombeti et kobabo sont des aînés sociaux, des vieux qui incarnent la sagesse, la dignité et le pouvoir dans les sociétés Bangombe et Mbendzele.
établis : règlement intérieur, procès- verbaux de réunions, comptes-rendus de
réunions,…etc. Ces documents sont obligatoirement lus à l’assemblée ou aux personnes
qui le demandent, dans la langue adaptée (français, lingala, mbendzele,…) afin de
garantir que les personnes non lettrées et/ou non francophones accèdent à l’ensemble de
l’information. L’insertion de photos numériques aux documents permet également de
conserver la preuve de la participation des différentes personnes ou donne la possibilité
de retrouver facilement une personne ayant donné son aval à un document pour s’assurer
qu’il a effectivement donné un accord libre et informé.
- La mise en œuvre et le suivi des mesures prises et des actions réalisées
Les réunions de concertation dans les villages et campements sont systématiquement
sanctionnées par des comptes-rendus de réunion auxquels est jointe la liste de présence
des personnes ayant pris part aux discussions. Une copie de chaque compte-rendu est
remise à la communauté concernée. Ces comptes-rendus sont archivés à la Cellule
d’aménagement et pourront, chaque fois, être consultés par les membres de la
communauté concernés par la réunion.
Dans certains cas, comme pour le Conseil de concertation de la série de développement
communautaire, les parties prenantes disposent d’un mandat spécifique pour effectuer le
suivi des accords au travers de la réalisation des programmes prévus. Le suivi, par des
organisations indépendantes, est par ailleurs régulièrement requis par la CIB afin de
vérifier la conformité des réalisations et des procédures au regard des engagements de la
CIB. C’est le rôle dévolu, entre autre, à l’Instance permanente d’observation et de suivi
(IPOS)24.
- La gestion des litiges et des conflits
La CIB privilégie prioritairement la prévention des litiges et des conflits potentiels par un
dialogue permanent avec les populations locales et autochtones. Néanmoins, en cas de
litige ou de conflit, le mode de résolution privilégié est le règlement à l’amiable, sur la 24 L’IPOS est une structure créée par la CIB pour asseoir une politique de gestion durable des ressources naturelles respectueuse des droits des personnes et permettant de prendre en compte les problèmes sociaux inhérents à la gestion forestière dans les concessions de CIB. Il vise quatre objectifs essentiels : évaluer le niveau d’information et d’implication des populations riveraines sur les activités entreprises par la CIB et ses partenaires dans les concessions forestières, apprécier le consentement libre et informé des populations autochtones à l’aménagement forestier, identifier les éventuels litiges et conflits d’intérêts entre la CIB, ses partenaires et les populations riveraines et assurer un suivi régulier des activités réalisées avec les populations riveraines sur la base des indicateurs objectivement vérifiables.
base de consultations ouvertes et d’un dialogue respectueux de l’ensemble des parties
prenantes et des divergences d’intérêts ou de points de vue, visant à trouver des accords
consensuels équitables et justes pour toutes les parties. Les litiges éventuels avec les
communautés riveraines sont traités par la Direction CIB qui s’y implique ou délègue le
processus de concertation et de négociation au Programme socioéconomique, en fonction
de la nature du litige, en vue d’un règlement consensuel à l’amiable.
Dans le cas d’un conflit latent ou ouvert qui n’aboutit pas à un règlement consensuel par
la CIB, l’IPOS joue un rôle de médiateur social en tant que tiers connu des parties
prenantes. Il peut être toutefois donné la possibilité à la partie portant le litige sur la table
des négociations de demander l’intervention d’un autre médiateur afin de tenter de
concilier les points de vue et d’aboutir à une solution négociée. Dans le cas où la CIB ou
l’IPOS considèrent que l’objet du litige ou du conflit implique également une
représentation de l’Etat (cas d’un conflit hommes-éléphants)25, il est fait recours à un
médiateur de l’Administration (sous-préfet, Directeur départemental de l’Economie
Forestière, Directeur départemental de l’Agriculture, Directeur départemental du Travail,
etc.).
Si un conflit ne trouve pas de solution négociée à l’amiable - avec ou sans médiateur -
l’entreprise s’en remet aux autorités territoriales et judiciaires compétentes. Cette action
constitue l’ultime recours sauf, et exclusivement, si le conflit est lié à un acte délictuel
délibéré menaçant les personnes et les biens (blocage de route, racket, action armée,
vandalisme, etc.).
4.3.3. Les activités d’identification et de protection
Pour l’identification et la protection des ressources clés et des sites cultuels des
populations autochtones, les activités réalisées portent sur la documentation, la
cartographie et la matérialisation des espaces, des arbres et des sites cultuels et culturels
utiles aux populations autochtones, avec de la peinture et des indications explicites pour
les abatteurs et les opérateurs forestiers. Ce travail est réalisé en étroite collaboration avec
les communicateurs autochtones formés. Les connaissances et les savoirs traditionnels, 25 Les conflits hommes-éléphants naissent de la dévastation des champs agricoles des habitants des villages riverains de l’UFA Kabo ou du parc national de Nouabale-Ndoki par les éléphants. Aucune solution satisfaisante, pour les populations locales, n’a pas encore été trouvée dans la localité. La réalisation éventuelle de la battue administrative prévue par la réglementation forestière rencontre des difficultés du fait de la sensibilité de la question de la protection internationale des espèces de faune sauvage.
des élites autochtones recrutées au sein de la Cellule d’Aménagement de l’entreprise,
notamment en ce qui concerne l’utilisation des essences, sont valorisés. Cette utilisation
se fait dans le cadre des objectifs professionnels librement négociés et consentis par
les autochtones.
Déjà, les usages des populations autochtones dans la zone de développement
communautaire de l’UFA sont définis par la législation et la réglementation forestière. La
série de développement communautaire est un espace réservé à l’habitation des
populations riveraines et aux activités de proximité des villages, principalement
l’agriculture mais aussi une partie de la chasse, de la pêche et de la collecte des autres
produits forestiers pour les usages domestiques (alimentation, soins médicaux,
construction, artisanat, etc.). Cette série est constituée de l’ensemble des zones agro-
forestières villageoises. Leur principale fonction est de satisfaire les besoins présents et
futurs des populations en terres agricoles et en produits forestiers ligneux et non ligneux.
Il s’agit également de renforcer et de diversifier l’économie locale et de maintenir un
équilibre durable entre les exigences de conservation et les exigences de sécurité
alimentaire.
Dans la pratique, au-delà des limites de chaque zone agro-forestière villageoise, il existe
de vastes espaces de subsistance sur la surface de l’UFA, en particulier les séries de
production. Ces terroirs de subsistance sont principalement utilisés en permanence, ou de
manière saisonnière, par les populations semi-nomades mbendjele et bangombé et jouent
un rôle fondamental dans le maintien de leurs modes de subsistance. La subsistance, dont
il est question, regroupe la subsistance alimentaire26, économique, sociale et culturelle en
tant que processus de reproduction des valeurs sociales, culturelles et religieuses. Il
s’agit, à la fois, de la cueillette des plantes médicinales ou de tubercules sauvages, du
ramassage des chenilles et du miel, des lieux de pêche saisonniers, des lieux de culte
(sites sacrés, zones de molongo), des anciens cimetières, des arbres sacrés et autres.
4.3.4. La cartographie sociale participative
Le processus d’identification et de protection des sites cultuels et des ressources clés des
populations autochtones permet de prendre en compte les ressources clés des populations
semi-nomades et Bantu situées au-delà de la zone de développement communautaire
26 Dounias, Edmond et Alain Froment 2006, p. 26-33.
définie par l’Administration forestière. Ce processus a été développé dans le cadre d’un
projet soutenu par le programme Market Place et de la Banque mondiale, en partenariat
scientifique et technique avec la London School of Economics (LSE), le Tropical Forest
Trust (TFT) et Forest Peoples Programme (FPP)27.
La mise en œuvre de ce processus repose sur une démarche de cartographie sociale
participative novatrice, basée sur un outil informatique appelé système HELVETA qui
intègre, à la fois, les fonctionnalités d’un mini-ordinateur et celles d’un GPS. Cet outil a
été spécialement développé pour des utilisateurs non lettrés et il est résistant aux
conditions d’utilisation en forêt tropicale humide. L’objectif du processus est de s’assurer
que les droits d’usage légaux des ressources et des espaces utilisés par les communautés
semi-nomades et bantu sont strictement respectés au-delà des limites de la série de
développement communautaire. Cette démarche, basée sur une implication effective des
populations locales bénéficiaires, permet la coexistence des droits d’accès légaux aux
ressources forestières pour chacune des parties prenantes, à travers un dialogue, une
implication et un respect des intérêts, droits et obligations mutuels28.
Le déroulement du processus
Le processus se déroule sur 9 étapes successives, à savoir : (1) Identification des zones de
coupe du bois ; (2) Identification des communautés affectées ; (3) Informations des
communautés concernées ; (4) Collecte des données sur le terrain ; (5) Analyse des
ressources concurrentes ; (6) Marquage des ressources clés sur le terrain ; (7) Validation
des cartes par les communautés ; (8) Intégration des données dans les cartes
d’exploitation ; (9) Résolution des litiges et des conflits potentiels.
Etape 1. Identification des zones de coupe
Le travail commence au bureau de la CIB avec l’analyse de l’assiette annuelle de coupe
(AAC) prévue pour l’UFA.
27 Sur la mise en place progressive de cette démarche et l’analyse des résultats obtenus sur le terrain, lire Lewis Jerome, 2005a) et 2006b) ; FPP, 2006 ; et CIB, 2007. 28 Pour une perspective régionale de cette approche, lire Lewis, Jerome, et John Nelson, 2006, p.8-15.
Cette analyse se fait suffisamment à temps (au moins 3 mois avant l’exploitation) pour
s’assurer que le travail soit entièrement complété, en cas de problème, avant le dépôt de
l’assiette annuelle de coupe au ministère de l’Economie Forestière.
Ce travail permet d’identifier au préalable les communautés locales concernées par les
impacts potentiels des activités d’exploitation forestière sur leurs ressources clés et les
sites sensibles.
Etape 2 : Identification des communautés
Sensibilisation préalable de la communauté concernée
Avant toute visite au village autochtone, un message est envoyé à la communauté, au plus
tard la veille. Cette précaution, de politesse, permet de s’assurer de la disponibilité de la
communauté à l’arrivée de l’équipe du Programme socioéconomique de la CIB sur le
terrain.
Recherche des personnes-ressources
Des enquêtes préliminaires sont menées, d’une part, auprès des personnes-ressources
ressortissants des zones forestières concernées et résidents à Kabo ou à Pokola et, d’autre
part, dans les villages à proximité de la zone de l’assiette annuelle de coupe à
cartographier.
Une fois les communautés, potentiellement concernées par l’exploitation dans la zone,
identifiées, les équipes de cartographie sociale initient un premier dialogue. Celui-ci sert
à identifier et localiser toutes les personnes-ressources qui serviront de guides parce
qu’ayant une bonne connaissance des zones et des ressources à identifier.
Etape 3: Information des communautés concernées ou affectées
Entretien dans les villages et constitution des équipes
Le chef de mission (chargé de mission au sein du Programme
socioéconomique de la CIB), sur instruction du responsable du
Programme, est chargé d’initier le processus de cartographie
participative dans les villages et les campements avec les
communicateurs CIB.
Ces communicateurs CIB, salariés permanents de l’entreprise (au nombre
de quatre au moment de la réalisation de cette étude), sont issus de diverses communautés
mbenzélé des UFA concédées à la CIB. Le chef de mission doit expliquer clairement les
raisons de ce travail et son importance pour garantir une participation effective des
communautés locales et autochtones dans les zones d’exploitation.
Ainsi, à l’aide de la cartographie participative (schéma des zones
concernées, noms des rivières, des terres fermes, des zones
d’activités de pêche, de chasse, de cueillette, d’agriculture, des
sites sacrés, des clans, des lignages et ethnies qui mettent en
valeur cette forêt) et en présence de tout le village, la communauté
identifie les différentes zones (souvent les terres traditionnelles
sont nommées). Le chef de mission demande à la communauté
d’indiquer, sur la carte, les lieux, les arbres, les sources ou autres
ressources qui ont une importance particulière et doivent d’être protégés lors de
l’exploitation. A la fin de chaque entretien, un compte-rendu est rédigé.
Ce compte-rendu récapitule les noms des zones, des cours d’eau et des personnes
recommandées comme guides dans ces zones par les membres de la communauté
concernée. Le compte-rendu de la réunion doit être signé par le ou (les) leader(s) de la
communauté et le chef de mission de l’équipe sociale de la CIB. Pour les populations
autochtones semi-nomades, plusieurs communautés sont souvent visitées afin d’avoir les
meilleurs guides pour toutes les zones dans l’assiette annuelle de coupe.
Par exemple, si plusieurs communautés utilisent la même forêt, elles sont toutes consultées.
Si elles résident loin en forêt, l’équipe fait l’effort d’aller à leur rencontre pour expliquer le
processus de cartographie et l’importance de leur participation. La planification des missions
est adaptée en fonction des conditions d’accès, du temps et des moyens requis.
Présentation de l’outil HELVETA
Pendant les séances d’explication avec les communautés, l’outil
HELVETA utilisé pour ce travail est présenté, suivi d’une
démonstration sur son fonctionnement. Cette démonstration est
nécessaire pour que la communauté puisse comprendre le rôle
d’HELVETA dans la production des cartes.
Les équipes utilisent les fiches de vulgarisation pour expliquer les icônes contenues dans
l’outil HELVETA. Ainsi, les guides recrutés dans les villages se familiarisent avec
HELVETA avant son utilisation sur le terrain.
Etape 4. Collecte de données sur le terrain
Après la phase d’explication au village, et pour une bonne compréhension de ce qui va se
faire, les communicateurs CIB sont chargés d’accompagner les communautés locales et
autochtones pour les sensibiliser et les former à l’utilisation de l’outil HELVETA. Cela
permet de s’assurer qu’elles ont fourni l’effort nécessaire pour établir une cartographie
complète et de garantir une participation efficace des communautés concernées à la
collecte et à l’analyse des données recueillies.
Les équipes du Programme socioéconomique de la CIB sont chargées de faciliter et
d’accompagner les peuples autochtones dans le processus d’identification de leurs
ressources-clés. Toutes les missions nécessaires sont organisées pour s’assurer que le
consentement libre, éclairé et préalable des populations autochtones, qui dépendent de
cette forêt, ait été obtenu. Ce consentement est acquis et validé avant la mise en
exploitation par la CIB de la zone forestière concernée. Cela signifie concrètement que
ce consentement est acquis avant que l’assiette annuelle de coupe (AAC) ne soit soumise
au ministère de l’Economie Forestière (MEF) pour validation.
Composition des équipes de terrain
La composition des équipes de terrain dépend de la
communauté ciblée. Les équipes sont composées soit
de Bantu, soit de Mbendzele ou de Bangombe, ou les
deux à la fois.
Il arrive que les guides viennent avec leurs épouses et
leurs enfants de plus de dix (10) ans. Cela permet aux
femmes de participer à la cartographie et surtout de
maintenir l’ambiance de la cellule familiale autochtone, le soir, au campement en forêt
« langô ». Les causeries sur l’histoire des ancêtres contribuent à enrichir le travail.
La composition normale d’une équipe est la suivante :
- 2 communicateurs CIB
- 2 guides recrutés dans les villages (accompagnés de leurs épouses, si possible)
- 1 ou 2 stagiaires autochtones venant, généralement, de la Fondation Frédéric,
association locale d’aide aux populations semi-nomades Pygmées, basée à
Pokola.
Tableau 1. Rôle à jouer par chaque membre de l’équipe lors de l’identification des
ressources-clés importantes pour les communautés locales et autochtones
Partie prenante Rôle dévolu en forêt
Le premier
communicateur CIB
(Mbendzele)
Un des communicateurs CIB est responsable de la formation
des guides locaux au GPS HELVETA. Il assure aussi la bonne
gestion du matériel de terrain pendant la mission: des piles
pour recharger les GPS, des sacs d’emballage et de protection
des appareils contre l’humidité, des machettes, du pétrole et
autres matériels utiles pour le terrain.
Ce communicateur garde le matériel chaque soir et le remet
chaque matin aux personnes en charge des relevés de données.
Les guides, recrutés au
village ou au
campement (Bantu ou
autochtones)
Ils sont formés par les communicateurs CIB à la manipulation
de l’appareil HELVETA.
L’un prend en forêt les points des différentes ressources clés et
des zones d’activité ou sacrées avec HELVETA, l’autre guide
est chargé de la collecte des données avec un GPS Garmin 60.
Le deuxième
communicateur CIB
Il possède un cahier pour prendre les informations
complémentaires sur les ressources identifiées. Par exemple :
noter le nom de l’arbre en langue locale et ses différents
usages par les communautés.
Logistique pour les missions de terrain
La logistique pour les missions de terrain (vivres, GPS,
HELVETA, pharmacie, véhicule, autres) est supervisée par le
responsable du Programme socioéconomique de la CIB.
Le véhicule dépose et ramène les équipes à des dates et lieux
définis à l’avance par le chef de mission.
Le chef de mission assure l’approvisionnement régulier des
équipes sur le terrain, lorsque les missions vont au delà de cinq (5) jours.
Le ravitaillement comprend un sac de foufou par équipe (5 à 6 personnes, plus les épouses) à
partager avec tous les participants. Le foufou est fourni en début de mission. Un
réapprovisionnement en foufou se fera après l’épuisement du premier sac. La fourniture du
foufou garantira une meilleure participation des communautés impliquées (bantu et
autochtones).
Les guides désignés par la communauté pour accompagner les communicateurs
autochtones CIB percevront 2000 FCFA par jour de travail avec un complément de 1000
FCFA pour la nourriture. La somme de 1000 FCFA n’est pas remise en espèces aux
guides, mais permet d’acheter la nourriture (poisson fumé, sel, huile, oignons…) pour la
durée du séjour en forêt. En général, ce sont les communicateurs autochtones CIB qui
font les achats groupés de nourriture au marché de Pokola.
Les employés de la CIB sont régis par le protocole de l’entreprise. Ils perçoivent des
avances sur salaire pour la mission. Très souvent, les communicateurs associent leur
argent aux frais de nourriture des guides pour constituer une source commune de
nourriture.
Sensibilisation des communautés à l’arrivée de l’équipe du Programme socioéconomique
pour l’identification des ressources-clés
Les communautés locales reçoivent le message, de l’arrivée
de l’équipe, pour aller identifier les ressources-clés deux
jours à l’avance. Cette précaution permet de s’assurer d’une
meilleure participation des communautés à la cartographie
sociale et aux activités qui l’accompagnent. Les zones
indiquées par la communauté seront ensuite parcourues par
les équipes.
Processus d’identification des bons guides
Suite à l’explication de la méthodologie et l’identification des zones, la communauté
désigne des candidats pour guider et informer les communicateurs CIB sur leurs
ressources clés dans chaque zone retenue. Si la personne désignée est absente, des
renseignements seront pris pour la retrouver. Il est souhaitable d’avoir un homme et une
femme appartenant à des familles différentes. Si nécessaire, il faut désigner des personnes
différentes pour chaque zone selon leur connaissance des espaces retenus.
Collecte des données sur le terrain
Les communicateurs autochtones CIB sont
chargés d’accompagner les guides locaux.
Rôle des communicateurs CIB
Le rôle des communicateurs CIB est de former les
guides à l’utilisation du GPS HELVETA. Cette
formation permet aux guides de cartographier les
ressources-clés de leur zone. La formation se
déroule en deux heures, le jour du démarrage du travail d’identification des ressources-
clés en forêt.
Prise des données
En plus de la cartographie réalisée avec le GPS HELVETA, un communicateurs CIB est
chargé de la collecte des données avec un GPS GARMIN 60 et un cahier pour
documenter les informations supplémentaires telles que les noms des arbres à chenilles,
les noms des arbres médicinaux, toutes consignées dans un cahier de terrain.
Gestion du matériel sur le terrain
La personne responsable assure le bon fonctionnement du système, garde le matériel
chaque soir et le remet chaque matin aux personnes en charge de relever les données. Si
la mission dure de plus de cinq (5) jours, le chef de mission effectue une visite chaque
semaine.
Téléchargement des données au bureau du Programme socioéconomique de la CIB
Après le travail de terrain, le chef de mission, aussi
chargé de mission au Programme socioéconomique,
télécharge les données du GPS HELVETA sur
l’ordinateur de bureau.
Cela se fait en établissant une connexion par
Microsoft Active pour envoyer les données du GPS
à l’ordinateur en appuyant avec le doigt ou le
crayon en caoutchouc sur l’icône en forme de
ballon de GOOGLE EARTH. Ainsi, HELVETA commence à transférer automatiquement
les données qu’il contient vers l’ordinateur. Lorsque les données sont téléchargées,
l’opérateur tape la touche OK sur HELVETA et GOOGLE EARTH démarre au niveau de
l’ordinateur.
Si GOOGLE EARTH ne démarre pas, on arrête tout. HELVETA est déconnecté de
l’ordinateur. Ensuite, l’ordinateur est redémarré ainsi qu’HELVETA, avant de
recommencer la même procédure. Lorsque le système est opérationnel et que les données
sont transmises, des cartes avec les données collectées sont produites par le chef de
mission. Ces cartes sont analysées, par la suite, avec les communautés et les membres de
l’équipe sur le terrain.
Production et vérification des cartes
L’équipe produit presque toutes les semaines les cartes de suivi sur le terrain.
Ces cartes permettent d’analyser et de vérifier le travail réalisé pendant la semaine
précédente par les équipes.
CARTE
Etape 5. Analyse des ressources concurrentes
Quand la carte est produite, la Cellule d’aménagement de la CIB vérifie s’il n’y a pas une
éventuelle concurrence entre le nombre d’arbres à protéger identifiés et ceux qui sont
commercialement exploitables par l’entreprise et les prévisions de coupe annuelle
déposées à l’Administration forestière. L’analyse ne porte pas sur les arbres sacrés, qui
seront obligatoirement protégés, compte tenu de leur valeur cultuelle pour les populations
autochtones.
Si l’analyse de la carte fait ressortir une concurrence forte entre les ressources-clés
identifiées et les besoins en bois de l’entreprise, une mission de concertation entre le
Programme socioéconomique et l’ensemble de la communauté concernée, et non plus
seulement les guides, est organisée pour vérifier qu’il n’y a pas eu d’abus ou de faiblesse
méthodologique dans la désignation des arbres par les guides, ou bien dans le travail des
communicateurs.
Si la concurrence est avérée, le ministère de l’Economie Forestière sera informé et
trouvera un compromis avec les parties prenantes entre les objectifs de production
forestière et les droits d’usage consentis aux populations locales et autochtones sur le
domaine forestier privé de l’Etat.
Après l’analyse des cartes, par la Cellule d’aménagement, et si aucune concurrence n’est
identifiée, les ressources-clés et les sites sensibles peuvent être marqués. Le chef de la
Cellule d’aménagement donne, alors, son accord pour la mission de marquage sur le
terrain.
Etape 6. Marquage des ressources clés et des sites sensibles sur le terrain
Après l’identification des ressources-clés à protéger, au
bénéfice de la communauté concernée, vient l’étape de
marquage des arbres, des lieux sacrés, des endroits de
pêche et de cueillette,…etc.
Ainsi, une mission spécifique est prévue par le
Programme socioéconomique. Les communicateurs
repartent sur le terrain.
C’est au village ou au campement que le recrutement
des guides locaux a lieu (en règle générale, on reprend ceux qui ont participé à la mission
d’identification).
Les chargés de mission CIB expliquent de nouveau l’intérêt de marquer les arbres et les
lieux sacrés ou utiles aux activités de subsistance de la communauté. La peinture pour le
marquage des arbres, ainsi que les pinceaux, sont fournis par la CIB. Une fois les guides
identifiés, les équipes se déplacent en forêt.
Une équipe de marquage des arbres est composée d’un communicateur CIB, d’un ou
deux stagiaires et de deux guides locaux. Le chargé de mission peut se joindre à l’équipe
lorsqu’il ressent la nécessité d’un pour l’équipe. Les femmes sont associées à cette
opération de marquage.
Une fois les ressources clés et les sites sensibles marqués et l’équipe revenue au village
ou au campement, vient le moment de faire valider les cartes par les représentants des
communautés.
Lors du marquage des arbres, on ne doit pas se limiter à ceux qui étaient identifiés au
départ. Tout simplement parce que, généralement, à la première mission d’identification
des ressources-clés, les hommes sont méfiants et ne montrent pas tous les arbres sacrés
qui les protègent sur le plan magico-religieux. En effet, selon les coutumes, un chef de
famille ou un chef de village possède dans une petite zone donnée, un arbre sacré où se
trouvent les esprits qui veillent sur le bien-être du village et de ses habitants. La coupe de
cet arbre risque d’engendrer un malheur au village ou à la famille concernée : mort,
disette due aux parties de pêche, chasse et cueillette infructueuses...etc.
Etape 7. Validation des cartes par les communautés
Une fois le marquage des arbres achevé, de
retour au village ou au campement, le chef de
mission CIB fait valider les cartes produites au
bureau par les personnes responsables de la
communauté concernée. Si la communauté est
mixte (autochtones et Bantu), il est
souhaitable de faire valider les cartes par les
leaders des deux communautés.
Auparavant, le chef de mission reprend les
explications sur l’intérêt de la cartographie sociale en réunissant tous les membres de la
communauté.
Cette discussion permet aux membres de la communauté de mieux comprendre ce qu’ils
sont entrain de faire et d’apprendre à lire les cartes. Ce travail d’apprentissage de la
lecture des cartes prend du temps, en particulier chez les autochtones, qui ne sont pas
alphabétisés ou peu. Aussi, les équipes du Programme socioéconomique (chargés de
missions et communicateurs) reviennent deux, ou trois fois, pour expliquer et s’assurer
que tout le processus de lecture de cartes est bien compris. Ce travail d’appui à la
compréhension de la lecture des cartes par les communautés est d’une importance
capitale pour, d’une part, éviter les litiges ou conflits post-marquage et, d’autre part,
s’assurer du consentement préalable, libre et éclairé des populations bénéficiaires.
Si des membres de la communauté concernée ne sont pas satisfaits des données de la
carte, ils expriment clairement les raisons. Une autre visite sur le terrain, avec ces
personnes, sera alors programmée. Si toutes les ressources-clés et les sites sensibles sont
identifiés et acceptés par la communauté, une carte plastifiée sera offerte à toutes les
familles. La validation des cartes peut, selon les cas, nécessiter l’apport par l’équipe CIB
de 3 ou 4 litres de vin pour clôturer la réunion, qui est une étape de ritualisation
symboliquement importante.
Une fois la carte validée par les communautés, celle-ci est soumise à la Cellule
d’aménagement qui la transmet au service d’exploitation pour la planification des travaux
liés à l’exploitation de l’assiette annuelle de coupe.
Etape 8. Intégration des données dans les cartes d’exploitation
Les données collectées à l’aide du GPS HELVETA sont téléchargées directement sur
l’ordinateur de bureau par l’intermédiaire de GOOGLE EARTH. Ces données arrivent
directement sur le serveur HELVETA à Londres. Ceci rend difficile leur manipulation au
niveau local.
Les données HELVETA peuvent être converties dans le logiciel ARC VIEWS ou
MAPINFO en passant par le convertisseur GPSU. Ce système facilite l’intégration des
données de la cartographie sociale dans les cartes d’exploitation destinées aux autres
services de la CIB. Ainsi, il peut y avoir trois types de cartes selon l’utilisation, à savoir :
-les cartes avec icônes, reconnaissables par les communautés (arbres, animaux, tombes,
lieux de cueillette, sources d’eau,…etc.) ;
- les cartes spécifiques des arbres, très utiles pour le service d’exploitation de la CIB. Elle
permet de mettre en évidence les arbres à protéger pour les besoins alimentaires,
médicinaux, rituels et autres, au bénéfice des communautés.
- les cartes pour les autres services de la CIB, en particulier le volet exploitation : elles
contiennent les données provenant de la cartographie sociale, mais matérialisées dans les
parcelles d’exploitation pour mieux se conformer à la grille de lecture de la carte par les
prospecteurs et les abatteurs.
CARTE
Les données de la cartographie sociale sont transmises au service de cartographie de la
Cellule d’aménagement pour effectuer le calage par géo-positionnement dans les
parcelles d’exploitation. Ainsi, le service de cartographie de la CIB peut produire des
cartes avec la délimitation des parcelles d’exploitation. Les ressources marquées
apparaissent clairement dans les parcelles. Ainsi, les prospecteurs et les abatteurs les
repèrent aisément en forêt.
L’intégration des données dans les cartes d’exploitation, distribuées par la suite aux
équipes de prospection, de triage, de tracé des pistes de débusquage et d’abattage, est
fondamentale. Cela permet d’éviter des conflits potentiels par la destruction de ces
ressources clés et des sites sensibles des populations autochtones mais, aussi, de vérifier,
sur une base formelle et objective, le respect de la procédure et, in fine, de la protection
de l’ensemble de ces ressources.
L’importance du travail d’intégration des données de la cartographie sociale, dans les
cartes d’exploitation de l’UFA, permet, à terme, d’éviter que des zones riches en
nourriture pour les communautés locales et autochtones, deviennent des parcs à bois ou
des camps pour les travailleurs forestiers. Tout ce travail permet au service d’exploitation
de la CIB, de préserver l’ensemble des ressources-clés et des sites sensibles pour les
populations locales et autochtones, grâce aux signes qui sont apposés sur les ressources et
les sites concernés29, comme l’indique la présente plaquette d’information.
La volonté d’inscrire cette approche dans des logiques durables de gestion forestière et
d’appropriation des outils utilisés, a contribué à la mise en place d’une structure pérenne
de rencontre, d’échange, de discussion, de concertation, de dialogue et de négociation,
entre les populations autochtones et la CIB : le Collectif des semi-nomades de l’UFA
Kabo (COSKA).
Créé le 18 janvier 2007 à Kabo, dans la sous-préfecture de Mokéko du département de la
Sangha, le Collectif des semi-nomades des villages de l’UFA Kabo (COSKA) est une
association apolitique et à but non lucratif dont la vocation principale est d’assurer la
représentativité, la promotion, la défense, la responsabilité, et l’éducation des
communautés autochtones vivant dans les villages de l’UFA Kabo, dans le cadre de la
29 Van Der Walt , Lucas. 2007 ; Madingou, Edouard 2007.
gestion durable des ressources forestières et dans la gestion des revenus générés par celle-
ci pour le développement des villages.
C’est l’instance de représentation des communautés bangombe et mbendzele dans la prise
des décisions en matière de gestion de l’UFA Kabo et le développement des villages
riverains dans le respect des lois congolaises. Le COSKA aide les communautés semi-
nomades à prendre leur place en participant à l’élaboration et à la prise de décision qui les
concernent dans la gestion de l’UFA, à la création et à la mise en œuvre des projets qui
concourent au développement des villages autochtones. La communication permanente
entre le COSKA et la CIB, par l’entremise du Programme socioéconomique, doit garantir
la consultation permanente et la participation effective et informée des populations
autochtones à la gestion de l’UFA Kabo.
Etape 9. Gestion des conflits et litiges
Si les différentes étapes retenues dans la démarche sont respectées, le risque potentiel de
disputes et de conflits peut être limité. Mais, en cas de litige ou de conflit, sa gestion est
prioritairement recherchée à travers un dialogue direct et respectueux des points de vue
des acteurs. Cette étape est confiée au Programme socioéconomique ou, à défaut, à la
Direction de la CIB en fonction de la nature du litige, en vue d’un règlement consensuel à
l’amiable. Si le dialogue entre la CIB et les parties prenantes n’aboutit pas à un règlement
consensuel, l’Instance permanente (IPOS) jouera un rôle de médiateur social, en tant que
partie neutre -donc impartiale- et connue de toutes les parties prenantes.
Par ailleurs, la société HELVETA de Londres, qui détient une copie de l’ensemble des
données de géo-référencement des ressources-clés et sites sensibles, peut être consultée
en tant que tierce partie neutre, pour fournir des données de base objectivement
vérifiables. Enfin, si le litige ou le conflit ne trouve pas de solution négociée à l’amiable,
avec ou sans médiateur, l’entreprise s’en remettra aux autorités judiciaires compétentes.
Cette action constituerait l’ultime recours.
Les modèles de cartes réalisées avec le système HELVETA
Trois types de cartes sont réalisés à partir du système HELVETA : les cartes avec icônes
reconnaissables par les communautés, les cartes spécifiques des arbres à protéger et les
cartes utiles au service d’exploitation de l’entreprise.
- Les cartes avec icônes reconnaissables par les communautés (arbres, animaux,
tombes, lieux de cueillette, source d’eau, etc.).
- Les cartes spécifiques des arbres à protéger, utiles pour le service d’exploitation
forestière de CIB. Elle permet de mettre en évidence les arbres à protéger pour les
besoins alimentaires, médicinaux, rituels et autres pour les communautés locales.
- Les cartes pour les autres services de la CIB, en particulier le service exploitation.
Elle contient les données provenant de la cartographie sociale, mais calées dans
les parcelles d’exploitation pour mieux se conformer à la grille de lecture de la
carte par les prospecteurs, les équipes de tracé de piste de débusquage et les
abatteurs.
5. Conclusions et recommandations En dépit des critiques dont fait l’objet aujourd’hui la gestion participative de la part de
certains milieux de la conservation de la biodiversité, qui estiment que les objectifs de
conservation de la biodiversité et de développement sont difficilement conciliables
puisque les bénéfices apportés aux populations locales et autochtones par la gestion
participative sont trop faibles et non permanents pour constituer une alternative à une
utilisation intensive des ressources forestières30, il n’en demeure pas moins qu’elle
continue à apparaître comme une approche essentielle et cardinale à la conservation et à
l’utilisation durable des ressources naturelles. Les doctrines, les politiques et les
législations internationales et nationales relatives à la gestion des ressources considèrent
dorénavant la gestion participative comme l’une des principales clés de la gestion durable
des ressources forestières et de la lutte contre la pauvreté ; le but principale étant de faire
des ressources forestières un facteur de développement des individus et des communautés
en milieu rural.
30 Voir Oates, J.F., 1999 ; Ferraro, Paul et David Simpson, 2003 ; et Niesten, E. et R. Rice, 2004. Lire aussi, avec intérêt, Le livre blanc sur les forêts tropicales humides. Analyses et recommandations des acteurs Français, 2006, p. 70-80.
Ces exigences sont intégrées dans les principes 2, 3 et 4 du FSC dont l’objectif est de
faire des populations locales et autochtones et des ayants-droits des sociétés forestières
des partenaires et des bénéficiaires de la gestion des forêts. Dans cette logique, elles
recoupent les préoccupations, de la Convention no. 169 de l’OIT, relatives à la
consultation et à la participation des populations autochtones à la gestion des ressources
naturelles et la sauvegarde de leurs droits d’accès et d’utilisation des ressources
naturelles.
La démarche pionnière de la Congolaise industrielle du bois (CIB), sur la consultation et
la participation des populations locales et autochtones à la gestion forestière et
l’identification et la protection des ressources-clés et des sites cultuels des populations
autochtones est un modèle perfectible de bonne pratique de consultation et de
participation des populations autochtones à la gestion des ressources naturelles et de
sauvegarde de leurs droits d’accès et d’usages des ressources naturelles. Telle qu’elle se
développe, au fil des ans, elle est appelée à devenir, une référence pour l’ensemble du
Bassin du Congo et, peut être même, pour les forêts tropicales du monde. Elle apporte
une évidence sur la faisabilité politique, sociale, économique et culturelle de la
consultation et de la participation des populations autochtones à la gestion des ressources
naturelles, de manière à sauvegarder leurs droits coutumiers d’usage des ressources
naturelles.
Cette démarche, sans être l’horizon indépassable de la gestion participative des forêts
tropicales, est fondatrice de la reconnaissance des droits des populations autochtones dans
la gestion forestière et de l’acceptation du fait qu’elles sont, tout autant que les Etats et
leurs divers partenaires (sociétés forestières, organismes de conservation, compagnies de
safari, projets, etc.), des parties prenantes fondamentales et des bénéficiaires de la gestion
des écosystèmes forestiers. Elle matérialise la prise en compte du pluralisme et du
multiculturalisme dans la conservation et l’utilisation des ressources forestières31, une
dynamique progressive de construction d’une citoyenneté multiculturelle, dans la gestion
des ressources naturelles, compatible avec les valeurs républicaines, c'est-à-dire, une
construction du lien politique national en matière de gestion des ressources naturelles,
31 Karsenty, Alain, 1999, p. 147-161, et 2000, p. 5 – 7 ; Dubois, Olivier, 1997, p.49-83 ; Nguinguiri, Jean-
Claude, Georges Mouncharou et Karin Augustat, 2000, p.207-112.
basée sur une dynamique d’adaptation à la pluralité du tissu social du pays et
l’incorporation progressive d’une communauté marginalisée, dans la mise en œuvre des
politiques publiques de gestion des ressources naturelles. Elle permet la coexistence des
droits d’accès et d’usage légaux et coutumiers des ressources forestières pour chacune
des parties prenantes, à travers le dialogue, la concertation et le respect des intérêts, des
droits et des obligations mutuels. Elle réduit aussi les conflits sur les ressources disputées
par les populations autochtones pour leur subsistance et les gestionnaires des concessions
forestières pour leurs activités de production.
L’approche classique de la gestion forestière qui accordait aux structures de l’Etat - à
travers l’Administration forestière - et aux concessionnaires forestiers, le privilège de
décider, seuls, du sort de la forêt, au détriment des populations qui vivent et entretiennent,
depuis des millénaires, des relations étroites avec la forêt, n’est plus de mise.
Proclamés jadis seuls propriétaires des espaces et des ressources, les Etats ont fini, d’une
certaine manière, par déposséder les populations des pouvoirs, des droits et du contrôle
qu’elles avaient sur les espaces et les ressources. Les politiques et les législations
forestières postcoloniales de la première génération ont légitimé et formalisé cet état de
choses. Avec les conséquences que l’on connaît sur la gestion durable et bénéfique des
écosystèmes forestiers.
La démarche pluraliste, enchâssée dans la gestion participative, reconnaît et concilie les
intérêts multiples dans la gestion forestière et responsabilise les populations. Les
populations autochtones entretenant des relations particulières avec les écosystèmes
forestiers ont, par conséquence, le droit de participer à la prise de décision sur des projets
ayant des incidences sur leur vécu. Cette participation pouvant se faire conformément à
des procédures appropriées et leur permettant de donner leur consentement libre,
préalable et éclairé aux activités de gestion forestière.
Toutefois, cette démarche met davantage l’accent sur la concession des droits d’usage et
d’accès des populations locales et autochtones aux ressources naturelles et non sur les
droits de propriété. Pourtant, ce sont ceux-là qui agissent sur les moyens d’existence des
populations. En fait, la protection globale des droits des populations autochtones et
locales dans la gestion de la biodiversité passe par la reconnaissance de leur rapport
historique aux terres et aux forêts qu’elles occupent, aux ressources qui s’y trouvent et à
leurs identités propres. Comme l’a relevé la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la
relation entre les peuples autochtones et la terre, « le déni des droits des peuples
autochtones sur leurs terres, leurs territoires et leurs ressources, les attitudes, les
doctrines et les politiques adoptées pour justifier la dépossession des peuples
autochtones de leurs terres ont été et continuent d’être dictées, dans une large mesure,
par les intérêts économiques des Etats (…). Les principaux problèmes rencontrés sont :
la non reconnaissance du fait que les autochtones exploitent, occupent et possèdent des
terres ; la carence des Etats qui n’octroient pas le statut ni la capacité juridiques
appropriés»32.
En valorisant les opportunités offertes par les exigences des standards FSC et la loi
Congolaise N°106-2004 du 26 mars 2004, fixant les principes généraux applicables aux
régimes foncier et domanial, qui reconnaît, dans son titre III, chapitre I, le régime foncier
coutumier à côté d’un régime foncier moderne régi par les normes de droit positif, il
serait nécessaire de poursuivre la réflexion sur la garantie des droits de propriété sur les
ressources naturelles aux populations autochtones33.
A l’évidence, l’approche qui consiste à ranger les populations autochtones et locales dans
le statut de simples usagers et utilisateurs, et non de propriétaires et dépositaires légitimes
des ressources de la biodiversité, ne s’inscrit pas dans la logique de la gestion durable et
vertueuse de la biodiversité. De plus, il faut envisager l’institutionnalisation de
l’utilisation de cette démarche, même avec des adaptations contextuelles, dans les
politiques de gestion des aires protégées et des concessions forestières en République du
Congo et dans l’ensemble du Bassin du Congo. Il faut également envisager un meilleur
agencement du dispositif de consultation et de participation aux droits des populations
locales et autochtones en matière de gestion de la faune34, pour prendre en compte les
usages coutumiers des ressources fauniques par les populations semi-nomades. Les
questions les plus importantes qui se posent à leur égard concernent la garantie, à long
terme, de la sécurité alimentaire basée sur la consommation du gibier, au regard de la
compétition à laquelle ils font face dans les sites d’exploitation forestière et la chasse
32 Daes, Erika, 2001, p.18 33 CIB, 2006. 34Sur les préoccupations relatives au respect des droits des populations autochtones du Congo, lire Bigombe Logo, Patrice, 2007 ; CADHP et IWGIA, 2007.
rituelle. Dans la mesure du possible, la pratique de la chasse rituelle - c’est-à-dire la
capture et l’abattage des espèces de faune sauvage protégées pour l’accomplissement des
rites au sein des sociétés semi-nomades - doit faire l’objet d’une réflexion approfondie
parce qu’il est établi aujourd’hui que les populations semi-nomades continuent à
pratiquer certains rites traditionnels, nécessaires au maintien et à la reproduction de leurs
sociétés, en utilisant des espèces de la faune sauvage35.Comme le soulignent Serge
Bahuchet, Pierre de Maret, Pierre et Françoise Grenand, « la nature sauvage n’existe pas
(ou peu). Par conséquent, la persistance des milieux riches en biodiversité prouve
l’ancienneté des pratiques humaines compatibles avec la continuité des milieux (…).La
conservation et l’utilisation durable de la biodiversité ne sont pas possibles sans un
épanouissement des êtres humains qui en dépendent ou en vivent»36.
Trois leçons se dégagent de cette étude de cas :
- En premier lieu, la mise en œuvre des exigences sociales du référentiel de certification
FSC (les principes 2 et 3 notamment) dans le cadre de l’exploitation et de la gestion des
concessions forestières peut constituer une base vertueuse pour la mise en œuvre des
principes de consultation et de participation des peuples autochtones énoncés dans la
Convention 169 de l’OIT et plus spécifiquement des dispositions de son article 15..
L’application des exigences sociales de la certification forestière FSC en matière de
droits des peuples autochtones constitue une réelle opportunité et un moyen encourageant
de mise en œuvre de certaines dispositions de la Convention 169 de l’OIT dans les pays
d’Afrique centrale.
- En second lieu, la ratification de cette convention est bien possible ou, tout au moins,
certaines de ses dispositions peuvent être appliquées dans les pays d’Afrique centrale
sans pour autant que ces Etats connaissent quelques problèmes de paix ou de sécurité
intérieure.
- Enfin, la thèse selon laquelle l’application d’une politique de consultation et de
participation des peuples autochtones ne conduit pas nécessairement au déclenchement
des conflits politiques et sociaux. Au Congo, comme ailleurs en Afrique centrale où
vivent les semi-nomades, la peur de la reconnaissance de leurs droits sociaux, très
35 Lire Lewis, Jerome, 2002 et 2000. 36 Bahuchet, Serge, Pierre de Maret, Pierre Grenand, et Françoise Grenand. 2000, p.9.
facilement assimilée au séparatisme et à la fragilisation de l’unité nationale, n’est pas
justifiée. Elle doit céder le pas à l’ouverture et à la tolérance. La reconnaissance de la
citoyenneté des peuples autochtones, la protection et la sécurisation de leurs droits
d’accès et d’utilisation des ressources naturelles ne doivent pas être perçues comme des
facteurs de déstabilisation de l'Etat-nation mais plus comme une dynamique d’adaptation
de la construction de l’Etat à la complexité et à la pluralité du tissu social des pays, un
processus d’intégration des communautés marginalisées, extrêmement pauvres et en
retard de développement par rapport au reste de la communauté nationale, dans le
respect de leurs spécificités.
La garantie effective des droits des semi-nomades ne menace pas la stabilité des pays et
ne constitue pas, non plus, une atteinte au principe d’égalité entre les citoyens, mais
plutôt une réponse aux inégalités sociales ; condition nécessaire à la réalisation de
l’égalité et de l’équité sociales. L’expérience pionnière du Congo, au stade où elle se
trouve déjà, pourrait servir d’exemple et de modèle pour les autres pays d’Afrique
centrale qui hésitent à mettre en œuvre des processus appropriés de consultation et de
participation des peuples autochtones, de reconnaissance et de protection de leurs droits
d’accès et d’utilisation des ressources naturelles. Elle doit être généralisée à toutes les
activités de gestion forestière (aires protégées et concessions forestières) au Congo et
dans tous les pays d’Afrique centrale ou, au moins, dans les pays où les opérateurs
économiques du secteur forestier ont engagés des processus de certification.
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