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Les changements climatiques au 21 e siècle : mythe ou réalité ? Changements climatiques et foresterie : 4 Actes du colloque

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Les changements climatiques au 21e siècle : mythe ou réalité ?

Changements climatiques et foresterie : 4Actes du colloque

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Changements climatiques et foresterie : 3Actes du colloque

Actes du colloqueChangements climatiques et foresterie :

impacts et adaptation

Le présent document contient les textes des conférences présentées lors du colloque « Changements climatiques et foresterie : impacts et adaptation » tenu

à Baie-Comeau, les 20 et 21 avril 2005. Ces textes n’engagent que la responsabilité des auteurs.

Contexte et objectifs du colloque 4

Programme 5

Remerciements 6

Les changements climatiques au 21e siècle : mythe ou réalité ? 8

Les changements climatiques et la productivité forestière 13

Adaptation aux changements climatiques : la génétique peut-elle nous servir ? 18

Les fréquences historiques, actuelles et futures des feux au Québec : conséquences pour l’aménagement forestier durable 22

Les changements climatiques et les ravageurs indigènes et exotiques : une nouvelle réalité ? 26

Impacts des changements climatiques sur la faune 31

Impacts des changements climatiques sur les opérations forestières et mesures d’adaptation actuelles et futures 36

Adapter la gestion forestière aux changements climatiques 40

Annexe 1 : Participants et conférenciers 44

Annexe 2 : Comité organisateur 46

Table des matières

Actes du colloqueChangements climatiques et foresterie :impacts et adaptation

Édition et diffusion

Responsable de l’éditionAnh Thu PhamOuranos 550, rue Sherbrooke Ouest Tour Ouest, 19e étageMontréal (Québec) H3A 1B9Site Web d’Ouranos : http://www.ouranos.ca

DiffusionRessources naturelles CanadaGouvernement du CanadaService canadien des forêtsCentre de foresterie des Laurentides1055, rue du PEPS, C.P. 3800Sainte-Foy (Québec) G1V 4C7Site Web du CFL : http://www.cfl.scf.rncan.gc.ca

Conception graphique et réalisationTommy Ferland, la Fabrik

Crédits photosStock Photos

ImpressionPeter Hayfield, Formulogic

Le site Web du colloque :http://www.mrnfp.gouv.qc.ca/colloque-climat/index.asp

Document écrit No catalogue : Fo114-3 / 2005FISBN : 0-662-70903-9

PDFNo catalogue : Fo114-3 / 2005F-PDF ISBN : 0-66-70904-7

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

ContexteLe climat et la forêt sont des éléments indissociables. Le climat détermine, dans une relation dynamique,la composition et la répartition spatiale des forêts. Depuis la fin de la dernière glaciation, les forêts ontrecouvert le Québec méridional, démontrant ainsi leur grande capacité de changement et de migrationsur une échelle temporelle relativement courte. Cependant, le réchauffement climatique engendré parl’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère est beaucoup plus rapide que celui associéaux cycles naturels du climat.

Les décisions d’aménagement prises aujourd’hui influencent l’évolution de la forêt québécoise pour lesprochaines décennies. Les forêts issues de nos activités courantes de récolte seront cependant soumisesà des conditions climatiques différentes de celles qui prévalent aujourd’hui. De plus, les changements climatiques influencent sans doute déjà la fréquence d’événements extrêmes, avec des impacts poten-tiels sur les activités d’aménagement forestier. Il est donc important que les intervenants forestiers intègrent dès maintenant des considérations climatiques dans leurs activités de planification et d’aménagement.

Objectifs du colloqueL’objectif de ce colloque était de permettre aux aménagistes forestiers, aux gestionnaires et aux autresintervenants concernés par l’aménagement durable des forêts, de prendre connaissance des vulnéra-bilités actuelles des pratiques forestières de leurs régions face aux variabilités climatiques ainsi que desimpacts que les changements climatiques pourront avoir sur les pratiques forestières et sur la forêt québécoise.

Ce colloque visait également à échanger sur le thème des changements climatiques, à vulgariser lesrésultats de la recherche effectuée dans ce domaine et à prendre connaissance des perceptions et despréoccupations régionales.

De façon plus particulière, les objectifs du colloque étaient les suivants :• partager la compréhension actuelle des effets des changements climatiques sur les forêts

et sur leur aménagement;

• favoriser les discussions entre les participants sur l’adaptation aux changements climatiques et sur l’échange de solutions.

Cet événement fut le premier du genre à traiter de l’impact des changements climatiques surla forêt québécoise.

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Changements climatiques et foresterie : 5Actes du colloque

ProgrammeMercredi 20 avril 2005

11 h Accueil des participants et inscription

12 h Ouverture du colloque (Grande salle)Charles Warren, président du Carrefour recherche et développement forestier de la Côte-Nord

12 h 15 AllocutionsNormand Lafrenière, directeur général du Centre de foresterie des Laurentides de Ressources naturelles CanadaPaul Lamirande, directeur régional du ministère des Ressources naturelles et de la Faune

Modérateur : Daniel Houle, Consortium Ouranos

12 h 30 Dîner-conférence :Les changements climatiques au 21e siècle : mythe ou réalité ?Alain Bourque, Consortium OuranosCommandité par le Réseau de gestion durable des forêts et le Consortium Ouranos

15 h Pause-santéCommanditée par Hydro-Québec

15 h 30 Impacts et adaptation aux changements climatiques : la croissance et le rendement des forêts, la migration des espèces et le bilan de carbonePierre Y. Bernier, Ressources naturelles Canada

16 h 10 Adaptation aux changements climatiques : la génétique peut-elle nous servir ?André Rainville, ministère des Ressources naturelles et de la Faune

16 h 50 Période de discussion

17 h 20 5 à 7Commandité par le député de René-Lévesque, M. Marjolain Dufour

Jeudi 21 avril 2005

8 h 45 Ouverture de la journée (salles Cartier, Champlain et Ti-Basse)

Modérateur : Serge Leblanc, Partenariat innovation forêt

9 h Les fréquences historiques, actuelles et futures des feux au Québec : conséquences pour l'aménage-

ment forestier durableYves Bergeron, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

9 h 40 Les changements climatiques et les ravageurs indigèneset exotiques : une nouvelle réalitéJacques Régnière, Ressources naturelles Canada

10 h 20 Pause-santéCommanditée par Kruger

10 h 50 Impacts des changements climatiques sur la fauneDominique Berteaux, Université du Québec à Rimouski

11 h 30 Période de discussion

12 h Dîner (Salle à manger)Commandité par le secteur forestier du Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l’adaptation (C-CIARN)

Modérateur : Denis Rousseau, Conseil de l’industrie forestière du Québec

13 h 30 Impacts des changements climatiques sur les opérationsforestières et mesures d’adaptation actuelles et futuresYves Provencher, FERIC

14 h 10 Adaptation aux changements climatiques : le point de vue d’un intervenant forestierJean-François Côté, Consultants forestiers DGR inc.

14 h 50 Période de discussion

15 h 20 Mot de clôture

15 h 45 Fin du colloque

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie : 6

RemerciementsLe colloque a vu le jour grâce à la contribution de plusieurs personnes. Tout d’abord, grâce aux conférenciersqui ont fait état de leurs connaissances sur la question discutée et qui ont bien voulu les résumer pour lesbesoins du présent recueil.

Nous aimerions aussi témoigner notre reconnaissance aux personnes qui ont participé au soutien logistique :mesdames Micheline Deschambault, Michelle Poulin et Marie Pothier de Ressources naturelles Canada,mesdames Diane Thibault, Martine Lévesque, Lise Labonté, Line Bélanger, Hélène Simard et Céline Otis ainsique messieurs Clément Gaudreau et Dominique Lavoie du ministère des Ressources naturelles et de la Faunedu Québec et madame Johanne Pelletier du Carrefour recherche et développement forestier de la Côte-Nord.

Nos remerciements vont également aux participantes et aux participants provenant de différentes régions du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick

Le comité organisateur du colloque

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Changements climatiques et foresterie : 7Actes du colloque

Merci à nos commanditaires

Député de René-Lévesque,

M. Marjolain Dufour

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie : :

Les changements climatiques au 21e siècle : mythe ou réalité ?

Alain Bourque, Claude Desjarlais, Anh Thu Pham et Daniel Houle | Consortium Ouranos

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Introduction

Les changements climatiques inquiètent les experts en climatologie etscience de l’atmosphère depuis plus de 20 ans (GIEC 2001a). Depuisquelques années, une communauté beaucoup plus vaste qui ne s’intéresse pas tant à la science du système climatique en changement,mais plutôt aux impacts des changements en cours et à venir, a émergé(GIEC 2001b). Certaines études ont été amorcées suite aux avertisse-ments de la communauté scientifique, mais dans la plupart des cas, ce sont plutôt les effets ressentis qui ont engendré des initiatives pour anticiper les impacts des changements climatiques etidentifier les solutions d’adaptation les moins coûteuses afin d’y faireface. À titre d’exemple, Ouranos, un consortium sur la climatologierégionale et l’adaptation aux changements climatiques est né de lanécessité d’aider plusieurs organismes publics et parapublics à quantifier la nature des impacts en cours et à venir, et à développer desstratégies d’adaptation à l’échelle de la province de Québec (Ouranos2004).

Le système climatique en changement

L’instance internationale reconnue en matière de changements climatiques, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution duclimat (www.ipcc.ch) a été créé vers la fin des années 80 afin de fairela lumière sur les affirmations de scientifiques à l’effet que

l’émission de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique dans l’atmosphère contribuait à réchauffer lentement mais sûrement le système climatique. La température planétaire, pourtant très stabledepuis plusieurs siècles, amorcerait une dérive, affectant du mêmecoup le cycle de l’eau. Après deux rapports confirmant et précisant lesinquiétudes, le GIEC publie en 2001 un troisième rapport d’évaluation particulièrement bien étayé sur 1) la science (GIEC 2001a), 2) lesimpacts et stratégies d’adaptation (GIEC 2001b) et 3) la réduction desGES et les aspects socio-économiques (GIEC 2001c). De nombreuxautres rapports nationaux (NRCan 2002a et b) et régionaux (Ouranos2004) abondent dans le même sens : le climat est en changement. Uneaccélération des modifications semble désormais incontournable et lesimpacts sont de plus en plus significatifs.

Les changements du dernier siècleL’ampleur et la rapidité du réchauffement du climat au cours du siècledernier sont sans précédent dans l’histoire de l’humanité. En parti-culier, le climat de l’hémisphère Nord se serait réchauffé en moyennede 0,6 °C depuis le début du 20e siècle et la décennie de 1990 auraété la plus chaude de toutes. Contrairement aux épisodes de réchauf-fement antérieurs, il s’agit là d’un phénomène observable à l’échelleplanétaire. Même en considérant d’autres contributions de naturegéologique ou astronomique, le GIEC attribue cette hausse des températures à l’effet de serre accru engendré par l’augmentation

Les changements climatiques semblent causer une modification graduelle des statistiques climatologiques et du cycle hydrologiquepour plusieurs régions du monde. Les inquiétudes se font grandissantes et généralisées puisque le réchauffement de l’atmosphèreinduit par l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre (GES) devrait s’accélérer au cours des cinquante prochainesannées. Ces constats et prévisions sont basés sur un consensus scientifique bien exprimé dans le rapport de 2001 du Groupe d’ex-perts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Pourtant, plusieurs médias, intervenants politiques et économiques ainsique quelques scientifiques soulèvent toujours des doutes quant à l'évolution du climat et ses causes. Ce rapport reflète-il toujoursles connaissances scientifiques acquises depuis ? Les changements en cours et anticipés seront-ils revus à la hausse ou à la baisselors du prochain rapport prévu pour 2007 ? Est-il justifié d'atteindre les objectifs du protocole de Kyoto et de négocier de nouvellesréductions d'émissions de GES pour la période post-Kyoto ? Et même s'il y a changements climatiques, les modificationsappréhendées sont-elles significatives ? L'ampleur des impacts justifie-t-elle des réductions et une adaptation à de nouvelles conditions ? L'avenir socio-économique et environnemental du Québec est-il à risque à cause de ces changements et des moyensmis de l'avant pour les minimiser ? Nous tenterons de répondre à ces questions par un survol des connaissances actuelles en matièrede changements climatiques.

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Les changements climatiques au 21e siècle : mythe ou réalité ?

Changements climatiques et foresterie : 9Actes du colloque

des concentrations de GES dans l’atmosphère depuis le début de larévolution industrielle. Depuis 1750, la concentration de CO2, un desGES de référence, a augmenté de plus de 30 % pour atteindre 367 ppm en l’an 2000. Cette augmentation est due à 75 % à l’utilisa-tion de combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel), la portion restante étant le résultat de changements dans l’utilisation dessols, par exemple suite à la déforestation. Les concentrations deplusieurs autres GES, certains étant apparus avec l’industrialisation,sont également en hausse.

Une hausse inévitable des émissions de GESLes émissions de GES devraient continuer à augmenter au cours desprochaines décennies. Cependant, l’éventail des scénarios d’émissionest assez large vu l’incertitude liée à l’efficacité des mesures de réduction adoptées par l’ensemble de la planète (le Protocole de Kyotopar exemple). Advenant une certaine stabilisation des émissions dansl’ensemble des pays industrialisés, il importe de tenir compte de l’importance croissante des émissions de GES des pays endéveloppement et particulièrement ceux de l’Asie et du Pacifique. Or,ces pays au poids démographique considérable devraient réaliser, aucours des prochaines décennies, un rattrapage important quant à leurniveau de vie, augmentant ainsi les émissions de GES. Selon ces scénarios, les concentrations de CO2 passeraient ainsi de 360 ppm en2000 à un seuil variant de 540 à 970 ppm en 2100, soit une augmen-tation de deux à trois fois et demi la concentration de référence de lapériode préindustrielle (280 ppm).

Les projections courantes laissent présager des augmentationsannuelles de 2 % des émissions de GES pour les 25 prochaines années,ce qui est cohérent avec des scénarios où la concentration des GES estquatre fois la concentration de référence prévue pour le début duprochain siècle. Stabiliser les concentrations à un niveau constant estd'autant plus difficile qu'il faut des centaines d'années aux systèmesocéaniques et terrestres pour récupérer les GES excédant la capacitéd'absorption de ces systèmes à l'équilibre.

Des concentrations de trois à quatre fois le niveau de concentration deréférence sont susceptibles d'apporter des changements climatiquesdifficiles à prévoir et hautement non linéaires, et risquent de faire bas-culer le climat vers des régimes comportant des coûts et des difficultésd'adaptation énormes ou inacceptables. L'objectif minimal serait doncde stabiliser les concentrations à 2xCO2, ce qui exigera des engage-ments successifs équivalents à une dizaine de fois les objectifs du protocole de Kyoto.

D'énormes efforts devront donc être déployés pour éviter les scénarios4xCO2 tout en admettant qu'il est inévitable de devoir s'adapter à un

nouveau climat sous l'effet du doublement des GES par rapport audébut de la période industrielle.

Augmentation de la températureSelon l’ensemble des scénarios et des simulateurs climatiques utilisés,les températures dans le monde augmenteraient en moyenne de 1,5 à 6,0 °C au cours du 21e siècle. Sous les latitudes les plusnordiques, les hausses pourraient être impressionnantes et supérieuresd'environ 40 % à la moyenne. De plus, sous les latitudes nordiques

moyennes et élevées, les précipitations devraient s’accroître au cours dela seconde moitié du 21e siècle. Ces changements devraient être accom-pagnés de variations temporelles et régionales plus importantes, c’est-à-dire que les changements graduels envisagés à l'échelle mondialerisquent d’être plus brusques et chaotiques à l'échelle régionale.

Pour le Québec, les simulateurs mondiaux de climat permettent d’envisager pour la fin du siècle un scénario moyen d’augmentationdes températures en été de 2 à 3 °C dans le sud (sous le 50e parallèle)avec des précipitations augmentant de 0 à 5 %, alors que dans le nord(au-delà du 50e parallèle) la même hausse des températures conduiraità une hausse des précipitations de 5 à 10 %. En hiver, les températuresseraient plus élevées de 3 à 4 °C dans le sud avec une augmentationimportante des précipitations de 10 à 20 %, alors que dans le nord, lestempératures augmenteraient de 4 à 5 °C avec des précipitations sousforme de pluie ou de neige plus élevées de 10 à 25 %.

Il faut cependant rappeler que la résolution spatiale des simulateursmondiaux de climat est de l'ordre de 400 km. Ces simulateursn’indiquent donc que les tendances pour une région de la taille du Québec. Seule l’utilisation d’un simulateur régional à plus haute résolution spatiale pourra préciser les effets locaux, par exemple, de laproximité d’étendues d’eau majeures et de montagnes sur la circulationatmosphérique à grande échelle comme le courant jet, la trajectoire destempêtes et des anticyclones. En plus d'avoir recours à un simulateurclimatique à plus haute résolution, il faudra aussi tenir compte del’augmentation de l’évaporation associée aux températures plusélevées pour évaluer l’impact sur le cycle hydrologique.

Impacts en cours et appréhendés

Les données concernant le territoire, les formations géologiques, le climat, les zones de végétation ainsi que la population, l’économie etl’emploi nous amènent à considérer la problématique des changementsclimatiques au Québec en fonction de quatre régions distinctes :l’Arctique, la région Ressources, la région Maritime et le Sud du Québec.Pour chacune de ces régions, l’impact des changements climatiques

L'objectif minimal serait donc de stabiliser les concentrations à 2xCO2, cequi exigera des engagements successifséquivalents à une dizaine de fois lesobjectifs du protocole de Kyoto.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Les changements climatiques au 21e siècle : mythe ou réalité ?

risque de se faire sentir de façons différentes, en raison non seulementde l’importance des changements climatiques qui surviendront, maisaussi de la réaction de l’environnement à ces changements et des conditions initiales prévalant dans les diverses régions.

La région ArctiqueLa région Arctique est probablement celle qui subira les plus importants changements quant au climat et à la modification de l’en-vironnement, avec la fonte anticipée d’une grande partie du pergélisol,par exemple. Même si les populations touchées sont peu nombreuses,les contraintes de son territoire, notamment au plan de l’éloignementet de l’étendue ainsi que du climat, rendent l’adaptation plus complexe.

La région RessourcesPlus au sud, l’impact potentiel des changements climatiques sur lesgrands réservoirs et les grandes exploitations forestières revêt uneimportance économique majeure. L’ampleur du territoire exige uneanalyse qui tienne compte des phénomènes climatiques propres àchaque sous-région ou bassin-versant.

Les forêtsPuisque la présence et la santé des arbres sont fortement liées aux conditions climatiques et vu l’importance de l’industrie forestière dansl’économie québécoise, les impacts des changements climatiques surles forêts auront probablement des conséquences considérables sur lasociété québécoise.

Plusieurs études ont démontré qu’une augmentation des températureset des concentrations de CO2 pourraient avoir un effet positif sur lacroissance et la productivité de plusieurs essences forestières. Par contre, les changements climatiques pourraient favoriser les popula-tions d’insectes nuisibles, les maladies et les événements climatiquesextrêmes tels le verglas, les vents violents et les sécheresses. De plus,selon les périodes examinées, les études ne concluent pas toutes à unplus grand risque d’incendie. Cependant, une sécheresse accrueajoutée à des orages plus fréquents pourraient entraîner une plusgrande fréquence des feux de forêt.

Malheureusement, les connaissances sur l’impact des changements climatiques sur les forêts sont pour le moment parcellaires et incomplètes. Des études concernant la réaction de certaines plantes àdes changements environnementaux ont été réalisées, mais il faudraitmieux connaître leur réaction en milieu naturel où elles entrent en compétition avec d’autres espèces.

La production hydroélectriqueTant sur le plan économique que sur celui de la sécurité énergétique, ilest évidemment important de déterminer les impacts des changementsclimatiques sur le parc de production existant. Il est tout aussi important d'en tenir compte pour les aménagements à venir puisque leséchelles de temps de l'évolution du climat correspondent à celles de laplanification des grands ouvrages hydroélectriques. De plus, l'hydroélectricité offre des avantages énormes par rapport à l'utilisationdes hydrocarbures du point de vue de la réduction des émissions de GES et constitue donc une source d'énergie appelée à être utilisée etdont le plein potentiel devra être développé dans les décennies à venir.

La région MaritimeEn raison du rehaussement du niveau de la mer, de la diminution de lapériode d’englacement et de la possibilité d’une amplification des tem-pêtes, la région Maritime pourrait connaître une accentuation des prob-lèmes d’érosion côtière. Comme la population, les axes de transport etl’économie de cette région sont très fortement concentrés en bordurede l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent, l’impact pourrait y être trèsimportant. Le désir des populations de s’établir près des rives vientaccentuer cette problématique. L’accentuation de l’érosion côtièreaurait des impacts importants notamment en coûts d’infrastructuresmunicipales et routières, mais aussi en dommages aux propriétés rési-dentielles et commerciales situées au bord de la mer.

La région Sud du QuébecLe Sud du Québec, où se concentrent la grande majorité de la popula-tion et des activités économiques très diverses, sera touché de plusieursmanières. L’agriculture, le tourisme, le transport terrestre et maritime, la demande en énergie, la gestion de l’eau, la santé, les habitatshumains et les écosystèmes sont autant d’aspects qui seront touchésdirectement et indirectement.

Les écosystèmes et la biodiversitéLa préservation des écosystèmes et de la biodiversité est l’une despréoccupations majeures liées aux changements climatiques. En raisonde la baisse des niveaux d’eau et des hausses de température de l’eauqui pourraient en découler, les changements climatiques rendent lesécosystèmes aquatiques et les milieux humides particulièrement vulnérables. Les oiseaux migrateurs qui utilisent les milieux humidescôtiers et les régions arctiques, les amphibiens et les reptiles de mêmeque les autres espèces qui se servent des glaces arctiques font partiedes espèces les plus à risque. La région Sud, qui présente une grandediversité biologique risque aussi d’être touchée. Le lac Saint-Pierre cons-titue une réserve mondiale de la biosphère qui abrite diverses espècesaquatiques parmi les plus à risque.

L’agriculture, le transport maritime et routier et le tourisme En agriculture, les impacts varieront considérablement selon les typesd’activités agricoles (cultures céréalières, plantes fourragères, arbresfruitiers, horticulture ou élevage). Ces modifications pourraient avoirdes conséquences sur la rentabilité de l’industrie agricole en fonctiondes stratégies d’adaptation qui seront adoptées. La disponibilité del’eau constitue l’un des enjeux majeurs des changements climatiquespour cette industrie. En effet, il semble que l’agriculture pourras’adapter assez efficacement au réchauffement des températures par lechoix des cultures s’il y a une bonne irrigation.

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(...)les impacts des changements climatiques sur les forêts auront probablement des conséquences considérables sur la société québécoise.

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Les changements climatiques au 21e siècle : mythe ou réalité ?

Changements climatiques et foresterie : 11Actes du colloque

En transport, l’enjeu majeur réside dans les niveaux d’eau du Saint-Laurent qui pourraient affecter considérablement la navigation com-merciale dans le fleuve et la position commerciale du port de Montréal.Les changements climatiques affectant la région des Grands Lacs pour-raient réduire substantiellement le débit du fleuve à certaines périodes.

Le tourisme est l’une des activités économiques les plus importantespouvant être affectée par les changements climatiques de façon tantnégative que positive. En effet, dans bien des cas, le climat est l’une desprincipales ressources sur laquelle est fondée l’activité touristique,directement (soleil, beau temps, neige et glace) ou indirectement(paysages et végétaux). Ainsi, face à un réchauffement des tempéra-tures, les centres de ski pourraient devoir effectuer des investissementssupplémentaires pour maximiser leur enneigement. D’autres activitéshivernales dans le Sud du Québec, telles le ski de randonnée ou la

motoneige, pourraient connaître des difficultés croissantes. Par contre,plusieurs autres activités récréatives bénéficieraient largement duréchauffement des températures, qu’il s’agisse des activités nautiques,du golf, de sports pratiqués à l’extérieur ou encore de la randonnée enforêt, favorisant ainsi l’ensemble de l’industrie touristique québécoise.

La santé humaine et la demande d’énergieSur le plan de la santé humaine, des étés plus chauds comportant deplus longues périodes de canicules et une dégradation de la qualité de l'air, particulièrement dans le sud, entraîneraient une augmentationdes maladies respiratoires et cardiovasculaires et du taux de mortalité,même si une acclimatation progressive peut réduire considérablementl’impact initial. Il pourrait aussi y avoir un accroissement des maladiesinfectieuses et du stress, du niveau de tensions sociales et psy-chologiques, ainsi que des risques pour la santé au travail. Des expé-riences récentes en Europe ont démontré la très grande vulnérabilité decertaines populations à une augmentation importante et soutenue destempératures.

Sur le plan de la demande d’énergie, les besoins en chauffagedevraient diminuer dans les secteurs résidentiel, commercial et institu-tionnel alors que les besoins en climatisation augmenteront.Cependant, comme la consommation d’énergie pour fins de chauffageest, au Québec, très largement supérieure à celle de la climatisation, les changements climatiques devraient se traduire par une réduction des besoins totaux ainsi que par une diminution encore plus impor-tante de la demande de pointe, plus coûteuse à satisfaire.

La gestion de l’eauLes modifications combinées des températures et des précipitationspourraient occasionner une diminution des écoulements des principaux

tributaires du Saint-Laurent au cours des mois de juillet à septembre, ce qui pourrait entraîner des difficultés pour les municipalités quant à l’alimentation en eau de surface. Les baisses et augmentations saison-nières des débits et du ruissellement causées par une modification durégime pluviométrique auront des conséquences directes sur le transport, le temps de séjour et la dilution des polluants, de même quesur la température de l’eau et, par conséquent, sur sa qualité.

Les événements climatiques extrêmes et la variabilité naturelleBien qu’il existe un fort degré de certitude sur l’augmentation desévénements climatiques extrêmes dans le contexte des changementsclimatiques, les simulateurs climatiques existant ne permettent pas de prédire avec précision l’ampleur de l’augmentationde ce type d’évènement ni leur distribution. L’expérience récente a par ailleurs démontré que les événements climatiques ont des con-

séquences économiquesmajeures. Ce phénomènetient en particulier à larichesse accrue de nossociétés. La vulnérabilitécroissante des économiesmodernes en raison du hautniveau de dépendance tech-nologique qui les caractériseest aussi un facteur aggra-vant.

Les solutions d’adaptation

Le Québec étant une région nordique, un quelconque réchauffementdu climat devrait pouvoir avantager certains secteurs économiques etcertains marchés externes. Il sera toutefois important d'identifier ces impacts positifs et d'adopter des mesures pour prendre avantagedes changements anticipés.

La conception de ces mesures requiert une analyse détaillée qu'il n'estsouvent pas encore possible de réaliser. Dans bien des domaines, leniveau d’incertitude est élevé en ce qui concerne l’ampleur des impacts,leur nature et la vitesse à laquelle ils s’imposeront. Il est important defaire le lien avec les statistiques historiques en tenant compte du faitque les variations climatiques historiques ne sont plus garantes dufutur et ne permettent pas nécessairement d’estimer correctement le niveau de risque. En particulier, pour les événements climatiquesextrêmes, il n'est pas souhaitable d'attendre que le signal devienne statistiquement significatif avant d’agir. Il s’agit en effet de développerune approche de gestion du risque dans un monde incertain.

Pour évaluer les impacts régionaux, il faut prévoir les températures, lesniveaux de précipitations et les bilans hydriques avec une résolutionspatiale suffisamment élevée, les simulateurs climatiques globauxayant une capacité prédictive relativement faible à l’échelle des bassinsversants, des écozones, et des régions urbaines et rurales. La définitiondes mesures d’adaptation requiert des prévisions avec un haut degré de confiance. À court terme, il s’avère donc stratégique de mieux cerner les vulnérabilités et les risques tout en investissant dans une science du climat générant des scénarios plus précis et applicables àl’échelle régionale.

Le Québec étant une région nordique,un quelconque réchauffement du climat devrait pouvoir avantager certains secteurs économiques et certains marchés externes.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Les changements climatiques au 21e siècle : mythe ou réalité ?

Conclusion : une solution globale

Les impacts potentiels sont importants et, dans certains cas, déjàmesurables. La solution optimale aux changements climatiques consiste à réduire le plus rapidement possible les émissions de GES defaçon à minimiser les changements qui surviendront.

L’adaptation aux changements climatiques sera donc nécessaire et constitue un volet essentiel et complémentaire à la réduction des émissions de GES. À cette fin, une analyse portant sur l’évolution du climat et le lien avec les impacts biophysiques constitue la premièreétape d’une stratégie d’adaptation visant à minimiser les coûts ou tireravantages des opportunités. De plus, il est nécessaire d’obtenir des scénarios de prévisions qui correspondent dans le temps et dans l’espace aux impacts sectoriels potentiels. En attendant les simulateursrégionaux permettant l’évaluation précise des impacts, l’identificationdes vulnérabilités constitue une première phase de l’analyse.

L’analyse des impacts biophysiques et économiques constitue la deuxième étape de la stratégie d’adaptation. Souvent, les changementsclimatiques viendront accentuer une problématique existante ou émergente. Cette analyse nécessite la participation du plus grand nom-bre possible d’intervenants pour que les analyses portent sur les vraiesquestions et les bons indicateurs de vulnérabilité. Elle constitue enoutre une garantie de la mise en œuvre des mesures d’adaptation identifiées.

L’adaptation aux changements climatiques comporte un éventail desolutions en fonction de l’horizon temporel telles la sensibilisation des populations concernées à de nouveaux comportements, ledéveloppement de produits adaptés ou la modification des critères de conception des équipements et la définition de nouvelles politiqueset de nouveaux programmes et règlements. Souvent, l’adaptation auxchangements climatiques peut s’intégrer à des mesures mises en œuvreà d’autres fins et à de saines pratiques de gestion du risque. Enfin, ilimporte de mentionner qu’une bonne partie de l’adaptation est spontanée et n’a qu’à être facilitée ou orientée.

Références

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Ressources naturelles Canada. 2002b. Impacts et adaptation liés au changementclimatique : perspective canadienne. Les ressources en eau. Direction des impactset adaptation liés au changement climatique. Gouvernement du Canada, Ottawa.

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Changements climatiques et foresterie : 13Actes du colloque

Les changements climatiques et la productivité forestière

Pierre Y. Bernier | Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, Centre de foresterie des LaurentidesDaniel Houle | Consortium Ouranos

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Introduction

Depuis des millions d’années, la présence naturelle de gaz à effet deserre dans l’atmosphère a pu engendrer une température moyenne terrestre propice à la vie. Depuis la révolution industrielle, et peut-êtremême depuis le début de l’agriculture (Ruddiman 2003), les émissionsanthropogéniques ont ajouté un élément de plus aux grands cyclesplanétaires et ont engendré un changement graduel de la capacité del’atmosphère à retenir le rayonnement thermique provenant de la surface de la terre. Les signes de l’accroissement de l’effet de serre sontmaintenant apparents dans les registres du passé récent (GIEC 2001),et les projections faites à partir de la compréhension de la dynamiqueatmosphérique laissent présager des changements importants du climat au cours des prochaines décennies.

Les prédictions du climat futur sont encore incertaines et dépendentd’un grand nombre de facteurs dont, entre autres, le choix du scénariode développement économique planétaire. Cependant, les tendancessont assez nettes. Le modèle de circulation atmosphérique générale duCentre canadien de climatologie, par exemple, prédit une augmenta-tion de la température planétaire moyenne d’environ 1°C d’ici les 20 prochaines années. L’impact sur les régions nordiques serait plusprononcé. Sous un scénario avec une concentration en CO2 atmos-phérique du double de la concentration préindustrielle, les augmen-tations estivales et hivernales seraient de l’ordre de 3 à 5 °C pour leCanada en général, avec un patron d’augmentations plus prononcéespour les régions nordiques. (Flannigan et al. 1998). Cet équilibre pour-rait être atteint ou dépassé d’ici 100 ans.

Tous les processus liés à la forêt sont évidemment aussi liés au climat.La forêt en général et la forêt boréale en particulier sont dans un équilibre dynamique perpétuel avec le climat et avec les perturbationsliées au climat. Un changement dans les conditions ambiantes vaassurément engendrer des changements dans la dynamique forestière.Le but du présent texte est donc de faire un survol des changementsappréhendés. Nous présentons aussi certains éléments liés à l’utilisa-tion et la gestion active de nos forêts pour diminuer nos émissionsnettes de carbone dans l’atmosphère.

La productivité forestière

Conceptuellement, la forêt peut être vue à trois échelles spatiales dif-férentes. À l’échelle de l’arbre, la productivité inclut la photosynthèse etla perte de carbone par respiration et par chute de composantes

Les changements climatiques vont en général apporter desmodifications au climat de la forêt québécoise qui devraientaméliorer la croissance des peuplements, surtout par le biais del’allongement de la saison de croissance. Le plein potentiel desgains pourrait cependant ne pas être réalisé compte tenu de lapauvreté relative des sols et des contrôles génétiques dévelop-pés par les arbres comme adaptation aux conditions climatiquesoriginales. L’accélération de la croissance n’est pas encoredétectée dans les bases de données d’inventaire en Amériquedu Nord. Les changements climatiques vont entraîner undéplacement des espèces vers le nord mais, à moins d’interven-tions humaines, ces déplacements seront lents et se feront surun horizon de quelques siècles.

À l’échelle de l’ensemble de la forêt aménagée, l’incertitudepèse aussi sur la dynamique des perturbations. Selon les termesdu Protocole de Kyoto, nous pouvons choisir d’utiliser les puitsde carbone forestiers dans notre comptabilisation nationale desémissions nettes de CO2. Cependant, les incertitudes quant à la dynamique des perturbations naturelles pourraient nousamener à ne pas appliquer cette option.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Les changements climatiques et la productivité forestière

(feuilles, branches, etc.). À l’échelle du peuplement, la productivité sedéfinit par la productivité de l’arbre et par la mortalité d’arbres à la suitedes processus se manifestant à l’échelle d’arbres entiers (compétition,auto-éclaircie, etc.). Finalement, à l’échelle de la région, la productivitéintègre les processus propres à cette échelle, c’est-à-dire la dynamiquedes perturbations (feux, insectes) et la régénération qui s’ensuit. Dans le présent texte, nous ne considérons que les deux pre-mières échelles, l’arbre et lepeuplement, tout en réalisant 1) que les gainsréalisés à l’échelle de l’arbrene se propagent pas auto-matiquement ou linéaire-ment à l’échelle du peuple-ment, et 2) que les gains présumés à l’échelle du peuplement peuvent être réduits à néant locale-ment ou régionalement par des changements de régimes de perturbations.

Selon le scénario de croissance le plus simple, la productivité de l’arbreest régie par la façon dont l’essence interagit avec la fertilité du site etles régimes de température et de précipitation. La situation se complique lorsque des facteurs externes au site ou moins courantscomme les évènements climatiques extrêmes (gel, sécheresse, verglas)et les perturbations (feux et insectes) sont introduits. L’impact humainsur la composition atmosphérique complique aussi ce portrait puisqueque le CO2 est un élément nutritif pour la plante, et que les polluants atmosphériques peuvent eux aussi avoir des effets négatifs et parfois positifs sur la croissance. L’interaction de tous cesfacteurs est évidemment propre aux contraintes qu’ils représententlocalement, ce qui signifie que l’impact global des changements surl’un ou l’autre d’entre eux devrait varier selon les conditions de croissance. Dans l’immédiat, cependant, les chercheurs tententd’isoler ces éléments individuels et de déduire leur impact sur la croissance des forêts.

L’augmentation de la température entraînerait une croissance annuelleplus importante des arbres par le biais de l’allongement de la saison de

croissance. La majeure partie de la variabilité de la croissance d’uneessence est causée par les variations locales des propriétés du site (parexemple, le drainage et la fertilité). Cependant, ce sont surtout les différences de température qui sous-tendent les différences de pro-ductivité moyenne entre les forêts de régions différentes. Une analysefaite par Raulier et al. (2000) sur l’érable montre que l’effet de

l’augmentation de la température moyenne se traduirait plutôt parl’augmentation de la longueur de cette saison de croissance ainsi que par la diminution de la fréquence de gels estivaux pour les régions nordiques. Pour l’érable par exemple, ces changements seraientprésentement en cours avec un avancement de la date d’ouverture des bourgeons prédite par le modèle de débourrement de Raulier et al. (2000) (Figure 1).

De façon plus directe, la figure 2a (adaptée de Barr et al. [2002]) montre l’effet d’un printemps hâtif (1998) versus un printemps tardif(1996) sur l’accumulation du carbone à l’échelle du peuplement. Leslignes montrent le carbone total capturé par l’écosystème, avec uneperte nette en hiver et un gain dès le débourrement du peuplement detrembles. La différence entre les deux années se maintient jusqu’à l’automne. La comparaison des deux mêmes années pour un peuple-ment d’érables (Figure 2b, aussi adaptée de Barr et al. [2002]) montrecependant qu’une sécheresse peut interagir fortement avec le printemps hâtif pour inverser la tendance observée précédemment pourle tremble. En somme, une augmentation de la température couplée àdes conditions plus fréquentes de sécheresse peut résulter en un impactquasi nul sur la croissance des arbres. De telles interactions devrontnécessairement être très locales, tout comme les conditions actuelles decroissance sont locales.

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L’augmentation de la températureentraînerait une croissance annuelleplus importante des arbres par le biaisde l’allongement de la saison de croissance.

Figure 1. Date de débourrement de l’érable à sucre simulée pour la station du lac Brome selon le modèle de Raulier et Bernier (2000)

Figure 2. Accumulation nette de carbone sur un site de trembles (a) et d’érables(b) au cours de deux années contrastantes (modifié de Barr et al. 2002). Le sited’érables a subi une sécheresse vers le milieu de l’été 1998.

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Les changements climatiques et la productivité forestière

Changements climatiques et foresterie : 15Actes du colloque

Deux autres incertitudes planent au-dessus de la prédiction d’une croissance accrue. La première est la capacité des sols à supporter unecroissance accrue. Une analyse nutritive montre que le contenu enazote des cimes des arbres passe d’environ 600 kg ha-1 dans la forêtfeuillue à moins de 150 kg ha-1 dans la pessière. Le contenu en azotedisponible est cependant lié à la croissance à l’intérieur d’un cycle dontles ramifications demeurent encore mal comprises. Le second inconnuest l’adaptation génétique des arbres aux nouvelles conditions clima-tiques. Les travaux de Beaulieu et al. (2001) montrent que les prove-nances, lorsque plantées hors de leur zone climatique, ont une crois-sance réduite par rapport aux provenances locales. Cette situation estattribuable à la programmation génétique de leur phénologie qui synchronise le développement phénologique (ouverture des bour-

geons, aoûtement, etc.) avecle climat local. Cet effet de mésadaptation fera ensorte que les provenanceslocales, soumises à des condi-tions climatiques plus favor-ables, ne pourront pas tout àfait croître à la même vitesseque les arbres mieux adaptésà ces conditions. Un reboise-ment avec des provenancesméridionales vers le nordpourrait permettre de se rap-procher du potentiel clima-tique de croissance.

L’augmentation du CO2 at-mosphérique pourrait avoir un effet fertilisant sur lesforêts. Le CO2 est un élémentessentiel à la croissance des arbres et de nombreusesétudes en serre et en cham-bre de croissance ont démon-tré l’effet fertilisant d’uneaugmentation du CO2 at-

mosphérique. Cependant, ce n’est qu’avec la venue des expériences au champ en 1997 (par exemple le projet FACE,(http://face.env.duke.edu/main.cfm) que nous pouvons être plus certain de la réponse à l’échelle de l’écosystème. Ces expériences enmilieu forestier aux États-Unis, très coûteuses et au nombre de troisdont une comprenant du tremble, du bouleau et de l’érable, maintien-nent des parcelles-échantillons complètes à une concentration de CO2

supérieure d’environ 200 ppm à la concentration ambiante (370 ppm).Les résultats actuels montrent une augmentation de croissance significative des arbres depuis le début des expériences (Figure 3).

Ces expériences ont cependant soulevé deux grandes questions : est-ceque les arbres vont, à la longue, s’habituer à ces niveaux de CO2 élevéset revenir à leurs taux de croissance antérieurs ? Et, qu’arrivera-t-il si unautre élément essentiel à la croissance tel que l’azote devient le facteurlimitant la croissance ? L’incapacité de répondre à ces questions limitepour l’instant l’applicabilité de ces résultats.

Les observations de la croissance

La forêt montre des signes d’accélération de croissance, mais rien n’aété détecté dans les réseaux de placettes échantillon en Amérique duNord. En Europe, les taux de croissance des forêts de divers pays semblent avoir progressé de manière prononcée dans les années 70 et80 (Kauppi et al. 1992). Les raisons de ces accroissements sont encoremal définies mais semblent liées autant au réchauffement climatiquequ’à un important effet de fertilisation par la pollution azotée. EnAmérique du Nord, la situation semble cependant moins claire.Caspersen et al. (2000), dans une analyse dendrométrique deplacettes-échantillons permanentes de cinq états américains, n’ontréussi à démontrer qu’une augmentation de croissance de 2 % depuis1900 dans ces placettes.

Pourtant, de nombreux autres indices laissent supposer un accroisse-ment déjà détectable. Des analyses basées sur les séries temporellesd’images satellitaires suggèrent une augmentation de la longueur dela saison de croissance et de la productivité des forêts de l’hémisphèreNord depuis les années 80 (Nemani et al. 2003; Running et al. 2004).Une analyse dendrochronologique (l’analyse des cernes de croissancedes arbres) effectuée sur de vieux cèdres de l’Abitibi suggère aussi uneaugmentation de la croissance depuis le milieu du 19e siècle (Bergeronet Archambault 1993). Finalement, des travaux menés à la limitenordique des arbres, le long de la rive est de la Baie d’Hudson parGamache et Payette (2004) montre clairement une accélération de lacroissance en hauteur des arbres rabougris dans ces régions. Tous cessignes pointent vers des conditions de croissance plus favorables.Pourquoi ne les détectons-nous pas ? Il se peut tout simplement quenos systèmes d’inventaire, conçus pour un échantillonnage extensif des volumes et des croissances ne soient pas assez fins pour percevoirces effets somme toute assez récents. Il semble évident qu’une étudedétaillée en ce sens serait souhaitable.

La migration des forêts

La migration des essences ne se fera que sur un horizon de plusieurssiècles. Les forêts ont, de tout temps, dû s’adapter aux conditions d’une

L’augmentation duCO2 atmosphériquepourrait avoir uneffet fertilisant surles forêts.

Figure 3. Séquestration nette par décennie et par activité et séquestrationtotale cumulative pour le projet d’échange de crédits de carbone enSaskatchewan (données de Lemprière et al. 2002).

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Les changements climatiques et la productivité forestière

planète en mutation continuelle. Il y a plus de 10 000 ans, l’amorce duretrait des glaciers annonçait l’avance de la marée verte. Le Sud duQuébec n’était encore que toundra. La forêt résineuse se cantonnaitaux latitudes du Michigan (Adams et Faure 1997). La migration vers lenord a alors été assez rapide, avec des avancées de la végétation de 50 km par siècle, mais on ne sait pas si cette progression s’est faite par

communautés végétales entières ou par essences individuelles. De plus,les arbres progressant vers le nord à la faveur du retrait des glaciers,pouvaient coloniser des terrains vierges ce qui diminuait certainementles facteurs de compétition.

Que nous réserve le futur ? Une augmentation de la températuremoyenne annuelle de 2 °C est équivalente à un mouvement des zonesclimatiques de 322 km vers le nord. Dans un contexte où de telschangements pourraient se produire en moins d’un siècle, la migrationnaturelle des arbres ne pourra pas suivre. Les analyses basées sur lesconditions climatiques projetées pour un environnement où la concen-tration de CO2 atmosphérique serait deux fois plus élevée qu’actuelle-ment, et tenant compte des plages climatiques occupées par les différents biomes, suggèrent pourtant des déplacement d’aires géographiques importants. En fait, il ne faut voir dans ces analyses

qu’une indication des contraintes auxquelles les écosystèmes forestiersdevront faire face. Les limites sud, plus particulièrement, seront sou-mises à des contraintes environnementales grandissantes, que ce soitpar le biais de perturbations, de la compétition d’espèces herbacéeslors de la phase de régénération ou d’autres mécanismes dont l’impor-tance actuelle est marginale.

Les forêts et le protocole de Kyoto

L’utilisation des forêts dans notre bilan national pour la première période d’engagement (2008-2012) apparaît maintenant incertaine.Le protocole de Kyoto inclut explicitement la forêt quant au bilannational d’un pays principalement par le biais de deux articles. L’article3.3 oblige tous les pays signataires à comptabiliser les pertes de carbone liées aux activités de déforestation (changement d’utilisationdes terres), et de comptabiliser les gains enregistrés sur les terres trans-formées en territoires forestiers depuis 1990. L’article 3.4, plus centralà la chose forestière, permet au Canada, s’il le désire, d’inclure les quantités de carbone capturées naturellement par ses forêts dans sonbilan national (les puits naturels). L’adhésion à cet article facultatif

(date de décision : le 31 décembre 2006) ouvre la porte à la pro-duction de crédits forestiers qui pourraient être transigés sur le marchéà la suite des activités d’aménagement.

Le Canada a nuancé sa position depuis 2002 sur l’utilisation des puitsforestiers (clause 3.4). Un estimé de 2002 plaçait le potentiel forestierà un puit de 20 MT CO2. Tel que mentionné dans le nouveau Plan duCanada sur les changements climatiques1 , déposé le 13 février dernier : « Les gouvernements fédéral et provinciaux sont à réviser l'estimation, qui pourrait tomber à zéro en raison de l'infestation par ledendroctone du pin survenue en Colombie-Britannique et des incendiesde forêt qui ont frappé cette province. » L’incertitude engendrée par lavariabilité des perturbations naturelles aura peut-être raison de cetteoption biologique.

Malgré cette incertitude, un projet de transaction des crédits de carbone forestier a déjà été réalisé au Canada à titre expérimental.Cette transaction implique la vente par le Gouvernement de laSaskatchewan des crédits forestiers à SaskPower, l’entité provinciale deproduction électrique (Lemprière et al. 2002). Le projet était supervisépar le programme d’essai de transaction des émissions de gaz à effetde serre (ou GERT de son acronyme anglophone).

Le projet reposait sur une activité de reboisement de 3 300 ha enépinette blanche et du retrait de 206 000 ha des plans de coupeannuels. La figure 3 montre la contribution relative de ces deux activités, avec l’élimination de la coupe générant des retombées importantes et immédiates par rapport au statut quo (si la coupe avait

eu lieu), puis des pertes dans les décennies subséquentes alors que laforêt surannée laissée en place est comparée à la forêt en régénérationqui aurait succédé aux coupes qui n’ont pas eu lieu. Les plantations ontaussi une faible contribution au bilan total. Bien que Lemprière et al. (2002) ne discutent pas de l’économique de la transaction, un coûtde 10 $ la tonne de CO2 (un prix plancher qui ne manquera pas d’êtrelargement dépassé) équivaut à environ 72 $ la tonne de masse sèchede bois.

Conclusion

Nos forêts vont changer lentement avec l’accélération des change-ments de leur environnement. La majorité de ces changementsdevraient résulter en une amélioration générale des conditions de crois-sance, mais la progression se fera en dents de scie. Cependant, le grand inconnu reste les perturbations naturelles, et plus particulière-ment les insectes dans le cas de la forêt québécoise. Dans le grandtableau de la manipulation par inadvertance de nos écosystèmes, l’introduction et la prolifération d’insectes et maladies exotiques restenttoujours une source de préoccupation.

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1(http://www.climatechange.gc.ca/francais/ccplan.asp)

L’utilisation des forêts dans notre bilannational pour la première période d’engagement (2008-2012) apparaîtmaintenant incertaine.

La migration des essences ne se feraque sur un horizon de plusieurs siècles.

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Les changements climatiques et la productivité forestière

Changements climatiques et foresterie : 17Actes du colloque

Références

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Beaulieu, J., Rainville, A., Daoust, G. et Bousquet, J. 2001. La diversité génétiquedes espèces arborescentes de la forêt boréale. Le naturaliste canadien 125 : 193-202.

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Bernier, P. 2000. Les changements climatiques touchent-t-ils le secteur forestier ?L’Aubelle 134 : 23-24.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie : :18

Adaptation aux changements climatiques : la génétique peut-elle nous servir ?

André Rainville | Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Direction de la recherche forestièreJean Beaulieu | Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, Centre de foresterie des Laurentides

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Introduction

Les changements climatiques sont vus, la plupart du temps, en termed’effets qu’ils ont sur les écosystèmes et sur les espèces. Le rehausse-ment du niveau des océans de même que la nutrition et la reproduc-tion de l’ours polaire sont effectivement des exemples frappants. Ladiversité génétique est plutôt perçue comme une police d’assurance;elle permet de contrer l’effet des changements climatiques par lacapacité qu’elle confère aux espèces de s’adapter et d’évoluer (Lynch etWalsh 1998). Heureusement, les arbres forestiers comptent parmi lesorganismes vivants où la diversité génétique est la plus élevée; ils possèdent en effet 38 % plus de diversité que les plantes annuelles etde 50 à 80 % plus de diversité que toutes les autres formes de vie(Hamrick et al. 1992). Les plantations comparatives qui ont été misesen place par les généticiens depuis quelques dizaines d’années auQuébec nous permettent de quantifier cette diversité génétique pourdes caractères adaptatifs. Elles peuvent aussi nous renseigner sur la réponse d’une source de semences donnée. Par exemple une provenance d’épinette blanche de la région de Montréal, dans une diversité d’environnements qui simulent l’effet des changementsclimatiques.

La génétique des espèces

Les espèces à grande distribution comme les épinettes et les pins sontstructurées en sous-ensembles plus ou moins indépendants qu’onappelle populations, à l’intérieur desquelles les individus ont la possi-bilité de se reproduire par croisement. La sélection naturelle permetd’éliminer ceux qui sont les moins bien adaptés aux conditions environ-nementales présentes (climat, sol, compétition, etc.). Pour évaluer leniveau de diversité génétique d’une espèce, les généticiens récoltentdes semences de plusieurs provenances et établissent des plantationscomparatives qui leur permettent d’examiner toutes les populationsdans un environnement commun, le plus homogène possible. De cettefaçon, les différences observées entre les familles et entre les individusseront essentiellement de nature génétique (Nanson 2004). Ces plantations sont aussi répétées pour une diversité d’environnementsafin d’évaluer la réponse des provenances à des conditions climatiqueset édaphiques variables. Ainsi, ces plantations peuvent aussi nousservir à obtenir une évaluation indirecte de la réponse potentielle desespèces aux changements de climat (Carter 1996; Matyas 1996).

Un modèle mathématique a été développé pour simuler l’effetdes changements climatiques sur le rendement de l’épinetteblanche en plantation. Selon les prédictions de ce modèle, lerendement optimum pour une provenance donnée est obtenusous des conditions de température similaires à celles de sonlieu d’origine et dans un environnement plus sec. Le change-ment de climat devrait améliorer légèrement le rendement global des plantations si les interactions avec les facteurs biotiques demeurent inchangées. Le rendement n’atteindraittoutefois pas celui d’une provenance qui pousse actuellementdans des conditions climatiques similaires, en raison d’un délaid’adaptation. Le modèle pourra servir à guider le choix desprovenances à utiliser pour le reboisement, mais les règlesactuelles de déplacement resteraient valables.

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Adaptation aux changements climatiques : la génétique peut-elle nous servir ?

Changements climatiques et foresterie : 19Actes du colloque

Par exemple, des différences de températures ou de précipitations entrele lieu d’origine et la destination des semis sont utilisées et cette différence est reliée à la performance des provenances

Règle générale, pour nos espèces à grande distribution comme lesépinettes noire et blanche et le pin gris, il existe une importante varia-tion génétique à l’intérieur et entre les populations pour des caractèresmorphologiques et adaptatifs. Ceci laisse ainsi présager qu’ellesauraient le potentiel de répondre aux nouvelles pressions sélectivesengendrées par le changement climatique (Beaulieu et al. 2001). Il y aune corrélation entre le climat d’origine et la valeur des caractèresadaptatifs (tolérance au gel, croissance), plus ou moins fort selon l’espèce. Cette variation est dite clinale et suit un gradient souvent liéà la latitude d’origine (Morgenstern 1996). Les populations sont doncadaptées à leur environnement d’origine. S’il y a un changement quantau climat la performance sera affectée. Selon la population, ce change-ment pourra être positif ou négatif.

Comme le climat est le principal facteur régissant la distribution àgrande échelle des organismes vivants (Tuhkanen 1980), les écosys-tèmes forestiers pourraient être largement affectés par les change-ments climatiques. Les changements pourraient s’opérer à deuxniveaux, soit à celui des écosystèmes eux-mêmes et à celui des popula-tions (Bawa et Dayanandan 1998). Les espèces étant regroupées enpopulations adaptées aux conditions environnementales où elles setrouvent et les phénomènes génétiques et évolutifs se produisant à ceniveau (Harrington et al. 1991), c’est l’impact du changement clima-tique sur celles-ci qui nous intéressera ici.

Au Québec, un modèle de transfert a été développé pour l’épinettenoire (Beaulieu et al. 2004); il prédit la croissance en fonction des va-riables climatiques, et détermine différents niveaux de risque associésau transfert de plants du lieu d’origine des semences à celui de la plan-tation. Dans le but de faciliter la prise de décisions par les utilisateurs,un logiciel appelé « Optisources » permet de délimiter le territoire d’utilisation des semences d’une source donnée (verger à graines). Un

risque de transfert de 10 %, par exemple, indique que 10 % des plantsse trouveront dans des conditions de croissance qui diffèrent de cellesde leur lieu d’origine, ce qui pourra affecter leur croissance. En contrepartie, 90 % des plants se trouveront dans des conditions sem-blables à leur lieu d’origine et donneront vraisemblablement un rende-ment au moins équivalent à celui obtenu avec les provenances locales.Pour l’épinette noire, les territoires ainsi délimités nous permettent de constater que l’espèce est très plastique, ce qui signifie que les plantspeuvent être déplacés sur de grandes distances avec peu de risques.Elle possède donc les caractéristiques nécessaires pour s’adapter auxchangements climatiques.

D’un point de vue économique, il est important d’être en mesure deprédire l’effet du climat sur la productivité des plantations. À partir dedonnées recueillies à la fois dans des plantations commerciales etexpérimentales, des outils de prédiction ont été développés. Nous verrons donc la démarche utilisée en prenant comme exemplel’épinette blanche, une essence à haut rendement privilégiée pour lereboisement au Québec (Masse 1999).

Évaluation du rendement de l’épinette blanche en plantation au Québec

Les tables de rendement de l’épinette blanche en plantation ont étédéveloppées par Bolghari et Bertrand (1984). Elles utilisent commevariables d’entrée l’indice de qualité de station (IQS) et l’espacemententre les arbres. Pour prédire le rendement d’une plantation peuimporte l’endroit au Québec, il faut donc être en mesure d’estimer l’IQS.Ainsi, un modèle d’IQS biophysique qui tient compte des variables climatiques a été développé. Il utilise les données de croissance de plusde 600 plantations suivies par le MRNF, ainsi que les variables clima-tiques pour tout endroit au Québec, qui sont générées par BioSim, unlogiciel de simulation développé au Service canadien des forêts(Régnière 1996). Le modèle mathématique utilisé est du même typeque celui proposé par Ung et al. (2001). Parmi les variables climatiquestestées (degrés-jours, indice d’aridité, précipitations d’été, déficit depression de vapeur et capacité de rétention en eau du sol), seules lescomposantes linéaires des degrés-jours et des précipitations d’étéétaient significatives. L’IQS et le rendement peuvent être estimés à partir de ce modèle pour tout endroit au Québec si les valeurs desdegrés-jours et des précipitations d’été correspondantes sont connues.

Impact des changements climatiques sur le rendement del’épinette blanche en plantation au Québec

En posant l’hypothèse que ce modèle d’IQS restera valide dans le futur,il pourrait être utilisé pour prédire le rendement des plantations sousdes conditions issues des changements climatiques pour tout site auQuébec. Les données climatiques nécessaires, soit les températures etles précipitations, peuvent être obtenues des modèles de circulationgénérale développés pour le Canada et elles ont été récemment inté-grées au logiciel BioSim. Le modèle d’IQS ne peut toutefois être utilisédirectement sans tenir compte du fait que les espèces ne peuventrépondre à l’intérieur d’une génération à des changements importantsde climat Les espèces forestières ont évolué sur plusieurs générations,dans une grande diversité d’environnements. Pour évaluer la réponsedes arbres à un changement rapide du climat, il peut être utile

D’un point de vue économique, il estimportant d’être en mesure de prédire l’effet du climat sur la productivité des plantations.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Adaptation aux changements climatiques : la génétique peut-elle nous servir ?

d’analyser les mesures prises par les généticiens dans les tests de provenances, où les provenances ont été déplacées sur de grandes distances géographiques et climatiques.

C’est ce qu’ont fait Andalo et al. (2005) pour l’épinette blanche auQuébec. En effet, ils ont utilisé des mesures de hauteur et de diamètreà l’âge de 22 ans prises sur un test de provenances répété sur trois sitessuivant un gradient latitudinal, soit à La Patrie, à Mastigouche et àDablon (latitudes 45° 20’ à 48° 21’). Ces tests comprenaient 45 provenances, chacune représentée par 5 familles dans un dispositifen blocs avec 6 répétitions et des parcelles de 5 arbres. Au total, 15 436 arbres ont été mesurés. Une analyse de variance a montré queles performances relatives des provenances n’étaient pas influencéespar le site (absence d’interaction provenance-site) pour le diamètre ettrès faiblement pour la hauteur; les provenances semblaient donc réa-gir de la même façon peu importe le site. Ceci a donc permis auxauteurs de développer un modèle de transfert général pour tout leQuébec méridional. Ainsi, sept variables climatiques ont été utilisées,soit 5 variables de température et 2 variables de précipitations, pourdévelopper le modèle de transfert à partir duquel l’impact des change-ments climatiques sur la croissance a été estimé.

Parmi les 7 variables climatiques utilisées, la température maximalequotidienne moyenne est celle qui expliquait la plus grande part de la variabilité, ce qui confirme le patron latitudinal de variation de l’épinette blanche. En ajoutant les précipitations totales d’été, le modèle expliquait une plus grande proportion de la variation entreles populations (21 % pour le diamètre et 34 % pour la hauteur). La croissance n’est donc pas dépendante uniquement de la température,mais aussi des précipitations qui elles, ne suivent pas un gradient latitudinal. Ces observations confirment la tendance observée chezd’autres espèces comme l’épinette de Norvège et l’épinette noire(Mäkinen et al. 2000 et Beaulieu et al. 2004 dans Andalo et al. 2005).Plus de 80 modèles ont ainsi été testés pour prédire la hauteur et lediamètre (DHP) en fonction de la différence entre l’origine géographique de la provenance (source) et le site de plantation. Le modèle retenu pour chacune des variables a ensuite été validé avecles données recueillies dans un quatrième test situé à Mirabel (latitude46° 37’, longitude 74° 5’). L’examen du modèle indique que la performance optimale est obtenue par une source très proche du site

de plantation ou de la source locale. En moyenne, les provenances quiviennent du sud ou du nord ont un rendement inférieur à la sourcelocale même si, pour une même différence de température, il y a desvariations entre les provenances. Une provenance qui se retrouveraitdans un environnement plus chaud de 4 degrés pour une mêmegénération ne pourrait donc pas répondre au changement. C’est cequ’on nomme un délai d’adaptation. Ce n’est qu’après plusieursgénérations au cours desquelles la sélection naturelle a opéré que lerendement équivaudrait à celui d’une provenance poussant depuisplusieurs générations dans les mêmes conditions.

En ce qui a trait aux précipitations, le modèle suggère que lesmeilleures croissances seraient obtenues lorsqu’un transfert est fait versun milieu plus sec. Cette tendance des populations à utiliser des condi-tions sub-optimales a déjà été observée pour d’autres espèces (Rehfeldtet al. 1999).

En combinant le modèle d’IQS biophysique et le modèle de transfertdes provenances (Figure 1), il est possible d’obtenir une estimation plusréaliste de l’IQS en conditions issues du changement climatique quitient compte du délai d’adaptation.

En tenant compte du délai d’adaptation, les nouvelles cartes de rende-ment de l’épinette blanche, prédites à partir des tables de Bolghari etBertrand (1984), nous montrent que sous l’effet des changements cli-matiques, le rendement augmenterait encore, mais pas aussi rapide-ment que s’il n’y avait pas de délai d’adaptation (Figures 2 et 3). En2070 par exemple, cette augmentation devrait être de 10 à 15 % com-parée au rendement actuel si les modèles s’avèrent suffisamment précis et les interactions avec les facteurs biotiques demeurentinchangées.

Implications pratiques : choix de provenances à utiliser pour le reboisement

Les modèles développés nous permettent également de tester si ledéplacement de sources de semences sur le territoire québécois permet-trait d’optimiser le rendement des plantations d’une région donnée. Àtitre d’exemples, nous avons simulé le déplacement d’une provenancedu centre du Québec (Valcartier, latitude 46° 54’, longitude 71° 30’)et celui d’un verger à graines situé dans la sapinière de l’est (Canton deLabrosse sur la Côte-Nord, latitude 49° 20’, longitude 69° 7’) à diversendroits au Québec et nous avons comparé leur rendement à celui dela provenance locale à ces mêmes endroits.

Dans la région du nord de Montréal, le rendement de la provenanceValcartier serait, dans les conditions actuelles, du même ordre degrandeur que celui de la provenance locale (400 à 450 m3); en 2070,il serait toutefois inférieur (respectivement 380 à 426 m3 et 450 à 500m3). Cette même provenance (Valcartier) déplacée à Rivière-Bleue dansle Bas-Saint-Laurent démontrait un rendement supérieur à celui de laprovenance locale dans les conditions actuelles (400 à 425 m3 versus300 à 350 m3). Son rendement serait toujours supérieur à celui de laprovenance locale en 2070, (respectivement 400 à 425 m3 et 350 à400 m3). Le déplacement de la provenance Valcartier pourrait donc êtrebénéfique dans certains cas, et moins dans d’autres.

Le second exemple illustre le cas d’une source de semences utiliséedans le programme de reboisement du MRNF, soit celui du verger deLabrosse. Son rendement actuel au nord-ouest de Baie-Comeau et à

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Figure 1. Écart de hauteur par rapport aux variations de température etde précipitations (adapté de Andalo et al. 2005)

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Rivière-Bleue, deux endroits qui font partie du territoire d’utilisation des semences de ce verger, est équivalent à la provenance locale(respectivement 250 à 300 m3 et 300 à 350 m3 ). En 2070, le rende-ment des plantations issues du verger à graines de Labrosse demeu-rerait équivalent à celui de la provenance locale aux deux endroits (300à 350 m3 à Baie-Comeau et 350 à 400 m3 à Rivière-Bleue). Parcuriosité, nous avons aussi voulu savoir quel serait son rendement aunord de Montréal, une région faut-il le spécifier, en-dehors de son territoire d’utilisation. Bien que le rendement actuel du verger à grainesde Labrosse y soit déjà très inférieur à la provenance locale (respective-ment 300 à 320 m3 et 400 à 450 m3) cet écart s’accentuerait avec leschangements climatiques (respectivement 200 à 220 m3 et 450 à 500 m3 en 2070).

Conclusions et recommandations

Les informations acquises grâce aux dispositifs expérimentaux établispar les généticiens dans une diversité d’environnements au Québecnous permettent de faire trois constats quant à l’effet possible deschangements climatiques sur le rendement des plantations :

• au Québec, le rendement global des plantations devrait augmenterlégèrement;

• les arbres subiraient un délai d’adaptation au changement de climat; ainsi en 2070, le rendement sur un territoire qui aura subiun changement de climat restera inférieur à celui d’un autre territoire qui est actuellement dans ces mêmes conditions de climat;

• les règles actuelles de déplacement de provenances resteraient valables pour les conditions climatiques des 50 prochaines années.

Nos connaissances quant à l’impact des changements climatiques surles facteurs influençant le rendement des plantations sont encoreembryonnaires (capacité des sols à supporter un rendement supplé-mentaire, compétition par les espèces compagnes, fréquence des feuxet des épidémies, etc.). Le modèle développé par Andalo et al. (2005)constitue néanmoins un très bon outil d’aide à la décision. Il pourraitêtre utilisé pour valider les territoires d’utilisation actuels des semencesproduites par les vergers à graines. À court terme toutefois, il seraitavantageux d’établir un réseau de plantations afin de valider nos prédictions de rendement et pour nous permettre de développer desmodèles plus précis.

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Adaptation aux changements climatiques : la génétique peut-elle nous servir ?

Changements climatiques et foresterie : 21Actes du colloque

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Les fréquences historiques, actuelles et futures des feux au Québec : conséquences pour l’aménagement forestier durable

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Les fréquences historiques, actuelles et futuresdes feux au Québec : conséquences pour l’aménagement forestier durable

Yves Bergeron | Chaire industrielle CRSNG-UQAT-UQAM en aménagement forestier durable et Groupe de recherche en écologie forestière interuniversitaireMike Flannigan | Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, Centre de foresterie des Grands Lacs Sylvie Gauthier | Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, Centre de foresterie des LaurentidesAlain Leduc | Groupe de recherche en écologie forestière interuniversitaire Daniel Lesieur | Chaire industrielle CRSNG-UQAT-UQAM en aménagement forestier durable et Groupe de recherche en écologie forestière interuniversitairePierre Grondin | Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, Direction de la recherche forestièreKimberley Logan | Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, Centre de foresterie des Grands Lacs

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Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à un intérêtgrandissant pour le développement d’approches d’aménage-ment basées sur notre compréhension de la dynamique historique des perturbations naturelles. Ces approches reposentsur l’idée qu’un aménagement favorisant une composition despaysages et une structure des peuplements similaires à cellescréées par les perturbations dans les forêts naturelles devraitaussi maintenir la diversité biologique et les fonctionsécologiques essentielles de ces mêmes paysages et peuple-ments. Dans les paysages contrôlés par les feux, cette approcheest possible seulement si les fréquences de feux actuelles etfutures sont suffisamment faibles lorsque comparées auxfréquences pré industrielles, ceci afin de permettre la substitu-tion du feu par la coupe forestière. Nous questionnons cetteopportunité en comparant les fréquences de feux actuelles etfutures aux fréquences historiques à partir d’études réaliséessur la forêt québécoise. Les fréquences actuelles et futures desfeux, simulées en utilisant deux scénarios de concentration deCO2 (2x et 3x la concentration actuelle), sont plus faibles que lesfréquences passées suggérant que l’aménagement forestierpourrait potentiellement être utilisé afin de recréer la structured’âge de la forêt soumise à un régime de feux sévères. Cetteapproche doit cependant tenir compte de deux éléments impor-tants :

1) la fréquence actuelle et future des incendies doit être incluse dans le calcul de la possibilité forestière et;

2) l’aménagement actuel tend à réduire la variabilité naturelledu système, par exemple, les révolutions utilisées amputeront, à terme, la structure d’âge de la forêt naturelle éliminant ainsi les forêts surannées et anciennes du paysage.

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Les fréquences historiques, actuelles et futures des feux au Québec : conséquences pour l’aménagement forestier durable

Changements climatiques et foresterie : 23Actes du colloque

La fréquence actuelle des feux au Québec

La fréquence de feux au Québec durant la période couverte par lesarchives (1940-2003) augmente de la zone de l’érablière au sud vers lapessière à lichens au nord (Figure 1). Pour la forêt boréale, une nettedistinction entre les sous-domaines de l’est et de l’ouest est observée,ceux de l’ouest montrant une fréquence plus élevée. À l’exception de la pessière à lichen de l’ouest, où l’on observe une superficie annuellebrûlée d’environ 0,5 % (cycle de feu de 200 ans), les valeurs sont relativement faibles.

Malgré qu’elles soient faibles, l’inclusion de ces valeurs historiquesdans le calcul de la possibilité pourrait avoir des conséquences trèsimportantes. En effet, en assumant un taux de coupe égal à 1 % de lasuperficie forestière par an (révolution de 100 ans), les diminutionsdues à l’inclusion des feux pourraient atteindre jusqu’à 30 % dans laforêt boréale. En considérant uniquement la période récente (1972-2003), pour laquelle la moyenne des superficies brûlées parannée est plus élevée (jusqu’à 0,5 % par année dans la pessière àmousse de l’ouest), la situation ne semble pas s’améliorer. Cette période étant synchrone avec un effort de protection accru au nord,suggère que, malgré un contrôle plus efficace des feux, les conditionsclimatiques récentes ont été propices à la présence d’une activitéimportante des feux.

Les prévisions avec les changements climatiques

Sous l’effet des changements climatiques, les prévisions varient selonque l’on regarde l’effet sur l’indice forêt-météo (Flannigan et al. 1998),qui semble montrer une décroissance ou une absence de changementpour la majorité du territoire québécois, ou la simulation des superficiesbrûlées par écozone canadienne (Flannigan et al. 2005). Dans cedernier cas, les simulations montrent de légères hausses pour des scénarios 2xCO2 et 3xCO2 (Figure 1). Le fait que les données soient calculées par écozone (incluant plusieurs domaines bioclimatiques) limite la résolution de l’analyse.

La fréquence historique des feux

Le tableau 1 présente les résultats d’études historiques sur la fréquencede feux réalisées au Québec. Le gradient est sensiblement le même quecelui observé pour les fréquences actuelles.

Cependant, les fréquences calculées pour les 300 dernières annéesmontrent des cycles de feux beaucoup plus courts que ceux observésactuellement et cela, pour l’ensemble des études.

Plusieurs études ont pu démontrer que cette décroissance dans lafréquence des feux est associée à un changement climatique important

Figure 1. Pourcentage de superficie brûlée annuellement par sous-domaine pour la période historique (1940-2003) et simulée (2xCO2 et3xCO2). Les valeurs prédites sont adaptées de Flannigan et al. 2005.

Figure 2. Ratio fréquence actuelle – simulée 2xCO2 et 3xCO2 pour desécozones canadiennes (modifié de Flannigan et al. 2005). Les valeursau-dessus de 1 montrent une augmentation de la fréquence de feux.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Les fréquences historiques, actuelles et futures des feux au Québec : conséquences pour l’aménagement forestier durable

qui s’est produit autour de 1850, soit à la fin d’une période plus froidede l’Holocène nommée Petit Âge Glaciaire (Bergeron et al. 2001). Unchangement important dans les masses d’air observé à cette époqueaurait généré un climat plus humide et moins propice aux incendiesforestiers (Bergeron et Archambault 1993; Girardin et al. 2004).

Il demeure cependant incertain que cette tendance à la baisseobservée depuis 1850 puisse se poursuivre dans le futur. En effet, bienque les scénarios climatiques pour les mêmes territoires (Tableau 1)montrent des tendances à la hausse, les fréquences prévues sontencore très loin des fréquences historiques.

Conséquences pour l’aménagement forestier

Dans un contexte où l’aménagement forestier durable vise à reproduirela mosaïque forestière historique qui était contrôlée par les incendiesforestiers, le fait que les fréquences actuelles et prévues soient beaucoup plus basses que les fréquences historiques pourraientjustifier une certaine forme de substitution du feu par la coupeforestière. Certains éléments suggèrent quand même une grande prudence. D’abord, tel que suggéré précédemment, la coupe doit sesubstituer aux feux et non pas s’y ajouter et, en ce sens, l’inclusion desfeux dans le calcul de la possibilité forestière est un élément de sécurité essentiel. Bien qu’il soit encore possible actuellement de minimiser les pertes par des coupes de récupération, cela deviendra de plus en plus difficile à mesure que les feux se produiront dans desforêts plus jeunes ou des plantations.

Deuxièmement, la coupe telle qu’elle est pratiquée au Québec (CPRS)n’a pas les mêmes effets sur les sols que les feux (McRae et al. 2001;Nguyen et al. 2000) et l’absence de feu sur la remise en circulation desnutriments pourrait avoir des conséquences importantes sur larégénération et la productivité forestière (Greene et al. 2004; Fenton etal. 2005). Par ailleurs, la dispersion des coupes telle que pratiquée actuellement ou visée par la coupe mosaïque est loin dereprésenter les agglomérations observées dans les paysages naturels

(Bergeron et al. 2002). Enfin, l’impact le plus important est la dispari-tion avec le régime de coupes actuel des forêts surannées et anciennes.En effet, malgré des cycles historiques plus courts, ceux-ci sont de beau-coup inférieurs au taux de coupe actuel de 1 % (Tableau 1). De plus,comme les peuplements naturels peuvent brûler peu importe leur âge,la distribution d’âge des peuplements après feu se distingue de la distribution visée par l’aménagement équienne des forêts (Bergeron etal. 1999). Ces deux éléments font en sorte que l’aménagement actuelentraîne une raréfaction importante des peuplements de plus de 100 ans alors que ceux-ci comptaient pour une proportion importantedes peuplements dans les paysages naturels (Tableau 2).

Bergeron et al. (1999) suggèrent qu’une solution possible à ce problème passe par une diversification de la sylviculture boréale en utilisant des coupes partielles et sélectives pour maintenir les forêtssurannées et anciennes dans les paysages aménagés. Bien que cettesuggestion soit en partie reprise dans les objectifs de protection et demise en valeur du milieu forestier (OPMV), la stratégie proposée estencore loin de reproduire les proportions historiques des forêts surannées et anciennes.

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Tableau 1. Fréquences et cycles (entre parenthèses) des feux par régions d’étude et sous-domaines bioclimatiques pour la période historique (1940-2003) et simulée. * Données non publiées

Tableau 2. Proportion du territoire de plus de 100 et 200 ans. * Données non publiées.

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Les fréquences historiques, actuelles et futures des feux au Québec : conséquences pour l’aménagement forestier durable

Changements climatiques et foresterie : 25Actes du colloque

En conclusion, les fréquences actuelles et futures de feux sont plusfaibles que les fréquences passées suggérant que l’aménagementforestier pourrait potentiellement être utilisé afin de recréer la structured’âge de la forêt soumise à un régime de feux sévères. Cette approchedoit cependant tenir compte de deux éléments importants :

1) la fréquence actuelle et future des incendies doit être incluse dans le calcul de la possibilité forestière;

2) l’aménagement actuel tend à réduire la variabilité naturelle du système : par exemple, les révolutions utilisées amputeront, à terme, la structure d’âge de la forêt naturelle éliminant ainsi les forêtssurannées et anciennes du paysage.

Références

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(...) les fréquences actuelles etfutures de feux sont plus faibles queles fréquences passées suggérantque l’aménagement forestier pourraitpotentiellement être utilisé afin derecréer la structure d’âge de la forêtsoumise à un régime de feux sévères.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie : :26

Jacques Régnière, Barry J. Cooke | Ressources Naturelles Canada, Service canadien des forêts, Centre de foresterie des LaurentidesJesse A. Logan | USDA ForestAllan L. Carroll, Les Safranyik | Ressources Naturelles Canada, Service canadien des forêts, Centre de foresterie du Pacifique

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Introduction

Les insectes et maladies sont des sources importantes de perturbationsdans les écosystèmes forestiers (Dale et al. 2001). Ces organismesdevraient répondre rapidement aux changements climatiques en adaptant leur distribution géographique et leur comportement démographique pour profiter de conditions climatiques plus clémentes.Une adaptation écologique et génétique rapide des insectes a déjà étédocumentée chez plusieurs espèces en Europe et en Asie (Bale et al.2002 ; Parmesan et Yohe 2003). Par contre, peu d’exemples clairs existent en Amérique du Nord, bien que les patrons spatio-temporelsdes épidémies d’insectes bien connus tels que la tordeuse des bourgeons de l’épinette (Choristoneura fumiferana), et la livrée des forêts (Malacosoma disstria) semblent indiquer un déplacementvers le nord des pullulations les plus prononcées (Cooke et Lorenzetti,sous presse). La difficulté principale en ce qui concerne l’Amérique duNord est un manque de données détaillées sur l’aire de distribution etl’historique de la majorité des insectes forestiers du continent (une conséquence de l’immensité du territoire et de sa faible populationhumaine). Nous devons donc nous en remettre à des d’outils mathéma-tiques de prédiction. Prédire les réponses particulières d’un insecte estdifficile à cause des différences entre espèces dans les traitsbiologiques de base tels la saisonnalité, les réactions thermiques, lamobilité et les plantes hôtes (Logan et al. 2003).

La modélisation offre plusieurs approches prometteuses à ces questions. Dans nos travaux, nous faisons usage de connaissancesdétaillées des réponses les plus élémentaires des insectes au climat soitl’influence de la température sur leur développement (Régnière etLogan 2003). Les réponses thermiques déterminent la phénologie et lasaisonnalité de chaque espèce dans un environnement particulier.Même en absence de connaissances approfondies au sujet des relationsécologiques entre un insecte et sa nourriture, ses compétiteurs et prédateurs, il est possible de déterminer l’aire géographique et la performance potentielles d’une espèce simplement en se basant sur sa capacité à maintenir une saisonnalité adaptative dans un environ-nement donné. Une saisonnalité adaptative se produit lorsque lesdivers stades vitaux apparaissent à des temps où leurs ressourcesessentielles sont aussi présentes.

Les changements climatiques et les ravageursindigènes et exotiques : une nouvelle réalité ?

Nous avons tendance à voir une relation de cause à effet entretoute « nouvelle » perturbation et les changements climatiques.Mais plusieurs circonstances peuvent mener à un changementapparent de fréquence ou de gravité des pullulations d’insectesen forêt, dont le taux d’exploitation des ressources forestières,l’aménagement forestier et l’effort de détection. Y a-t-il évidenceque le réchauffement de la planète a eu ou aura un impact surles épidémies d’insectes ou sur leur répartition géographique ?De tels changements sont-ils prévisibles ? Nous avons mis aupoint une technologie permettant d’apporter des éléments deréponse à ces questions. Nous nous sommes concentrés surtrois exemples : la tordeuse des bourgeons de l’épinette, laspongieuse et le dendroctone du pin ponderosa.

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Les changements climatiques et les ravageurs indigènes et exotiques : une nouvelle réalité ?

Changements climatiques et foresterie : 27Actes du colloque

L’environnement thermique dans lequel se développe un insecte estfortement influencé par les caractéristiques du paysage : latitude, longitude, altitude, exposition au rayonnement solaire, continentalitéet patrons de circulation de l’air et de l’eau. Ainsi, pour bien compren-dre l’aire probable de distribution d’une espèce indigène ou introduiteen réponse aux changements climatiques, la modélisation à l’échelledu paysage s’impose.

Ici, nous discutons de l’usage de ces techniques de modélisation pourprévoir les changements de répartition résultant des changements cli-matiques chez trois insectes ravageurs des forêts d’Amérique du Nord :la tordeuse des bourgeons de l’épinette, la spongieuse (Lymantria dispar). et le dendroctone du pin ponderosa (Dendroctonus pon-derosae).

Méthodes

La tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE)Cet insecte natif des forêts de conifères du Nord de l’Amérique occupedéjà une grande partie de l’aire de distribution de ses plantes hôtes (le sapin baumier, et les épinettes blanche, rouge et noire). L’influencedirecte du climat sur l’écologie de cet insecte est mal comprise (Royama1992). Par contre, à la limite nord-est de sa distribution actuelle, il estfréquent que les conditions climatiques soient telles que l’éclosion desœufs et l’entrée en diapause des néonates ne se produisent que defaçon incomplète ou pas du tout, particulièrement en haute altitude.C’est cette limite climatique que nous étudions ici. Pour prédire laréponse de la TBE au climat local, nous utilisons un modèle bien connude sa phénologie, mis au point dans nos laboratoires (Régnière 1987).

La spongieuseCe ravageur périodique de plusieurs essences feuillues de l’Est del’Amérique du Nord a été introduit d’Europe à la fin du 19e siècle. Leshypothèses concernant son expansion et son éventuelle étendue aunord sur le continent américain sont basées sur la mortalité des œufspendant l’hiver ou sur la susceptibilité des peuplements (Sharov et al.1999). Les facteurs limitant son expansion vers l’ouest et le sud sontmoins bien compris.

Un modèle de la phénologie de la spongieuse a été établi par Régnièreet Sharov (1998) et raffiné par l’usage d’une description du processusde développement des œufs pendant la diapause hivernale (Gray et al.2001). Ce modèle simule le cycle vital complet de l’insecte et se prêtebien à l’analyse de la probabilité que l’insecte puisse compléter soncycle vital en fonction des conditions climatiques locales (Régnière etNealis 2002).

Le dendroctone du pin ponderosaCet insecte natif de l’Ouest du continent américain y a été jusqu’iciconfiné par les Rocheuses, sauf pour une enclave isolée dans lescollines du Parc provincial de Cypress Hills, au cœur des prairies, à lafrontière entre l’Alberta et la Saskatchewan. Récemment, il a causé desdommages considérables aux forêts de pins ponderosa et sylvestre deColombie-Britannique. Le réchauffement de la planète a été invoquépar plusieurs auteurs pour expliquer le déclenchement de cette pullu-lation phénoménale, bien que les pratiques forestières entourant laprotection contre les feux soient sans doute également en cause (voirle site www.pfc.forestry.ca/entomology/mpb/index_f.html).

Un modèle climatique du risque posé par cet insecte aux forêts deColombie-Britannique a été mis au point par Safranyik et al. (1975).Ce modèle se fonde sur quatre critères :

1) des températures annuelles permettant à l’insecte d’avoir au moinsune génération complète par année;

2) une température suffisamment élevée pour le vol des adultes en find’été (août);

3) des précipitations estivales sous la normale, causant un stress aux arbres et;

4) des températures hivernales demeurant au-dessus du point critiquede mortalité de -40 °C. Ce modèle a été utilisé pour prédire leschangements de distribution du risque posé par le dendroctone auCanada, particulièrement à cause de la grande probabilité que ledendroctone envahisse le domaine des pins gris et rouge à l’Est desRocheuses.

Données climatiques

Les modèles de circulation générale (MCG) ont été utilisés pourdévelopper des scénarios plausibles de changement climatique à l’échelle de la planète, et des méthodes plus ou mois sophistiquéesd’interpolation régionale ont été mises au point. Deux de ces modèles sont utilisés couramment en Amérique du Nord : le modèle canadien (CGCM1) du Centre canadien de modélisation etd’analyse climatique, et le HADCM2SUL du Hadley Centre for Climate Prediction and Research. Ce sont les scénarios que nous avonsintégrés pour générer l’information climatique servant à faire les analyses présentées ici. Ces informations se trouvent sur le sitewww.cccma.bc.ec.gc.ca/data/data.shtml.

Vu la nature fortement non-linéaire des réponses thermiques desinsectes, des intrants quotidiens ou même horaires sont requis poursimuler leur phénologie. La simulation quotidienne de régimes de tem-

L’environnement thermique danslequel se développe un insecte estfortement influencé par les caractéristiques du paysage(...)

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Les changements climatiques et les ravageurs indigènes et exotiques : une nouvelle réalité ?

pérature et de précipitation peut se faire selon plusieurs méthodes(Wilks 1999). Nous avons choisi celle de Régnière et Bolstad (1994) carelle utilise des normales mensuelles (statistiques prises sur des périodesde 30 ans). Ce générateur nommé TempGen a récemment été validé(données inédites).

Simulations à l’échelle du paysage (cartes)Notre approche de modélisation de la phénologie à l’échelle dupaysage est fondée sur la méthode de Régnière (1996) telle qu’implan-tée dans le logiciel BioSIM (Régnière et al. 1995). Selon cette approche,deux intrants sont requis : une représentation digitale de la topogra-phie et des données météorologiques adéquates.

Nous utilisons des cartes d’élévation digitales à diverses résolutions pourle Canada au complet. Les données météorologiques proviennent duréseau (souvent très clairsemé) de stations d’Environnement Canada, cequi nous impose d’utiliser une méthode d’interpolation. Nous avonschoisi celle de Nalder et Wein (1998) pour sa simplicité et sa précision.

Les modèles de simulation sont exécutés pour un grand nombre depoints positionnés aléatoirement sur le territoire et les résultats sontinterpolés entre points de simulation par krigeage universel avec l’élévation comme variable de dérive externe.

Nous avons ainsi généré des séries de cartes illustrant les changementsde probabilité que l’insecte complète son cycle vital (tordeuse et

spongieuse) ou pose un risque d’épidémie (dendroctone), en fonctiondu climat à intervalles de 10 ans sur une période allant de 1921 à2070.

Pour une description plus détaillée de nos sources de données et de nosméthodes, veuillez consulter Logan et al. (2003).

Résultats et discussion

Tordeuse des bourgeons de l’épinette dans l’Est du CanadaNotre modèle de phénologie de la TBE est très précis et est couram-ment utilisé pour prédire le développement de l’insecte lors de campagnes de lutte et de suivi des populations en Ontario, au Québecet dans les provinces maritimes.

Utilisé sur une base annuelle, ce modèle nous a permis d’expliquerplusieurs événements passés où le climat inclément a occasionné deschutes de populations de la TBE, particulièrement dans des milieuxextrêmes tels que les montagnes de la réserve faunique des Laurentides,les monts Chic-Chocs, la Côte Nord et l’Île d’Anticosti. Il est clair que leréchauffement de la planète rendra de tels événements de moins enmoins probables, et permettra à cet insecte de coloniser les peuplementsforestiers dans des environnements autrement trop froids (Figure 1).

De plus, la probabilité élevée de saisons inclémentes ne permettant pasune bonne éclosion des œufs de l’insecte en fin d’été deviendra un

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Figure 1. Distribution de la probabilité d’éclosion des œufs de la tordeusedes bourgeons de l’épinette au Québec, selon le modèle de phénologie deRégnière (1987).

Figure 2. Distribution de la probabilité d’établissement de la spongieusedans l’Est du Canada, calculée selon la méthode de Régnière et Nealis(2002).

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Les changements climatiques et les ravageurs indigènes et exotiques : une nouvelle réalité ?

Changements climatiques et foresterie : 29Actes du colloque

facteur de moins en moins important dans l’interruption des épidémiesdans ces milieux marginaux. Cette conclusion est particulièrementimportante en ce qui concerne les forêts de conifères de la Côte Nord,où la tordeuse n’a eu jusqu’ici qu’un impact limité.

Spongieuse au CanadaNotre modèle de phénologie de la spongieuse explique très bien la distribution spatiale actuelle de la spongieuse dans l’Est du Canada(Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse) (Figure 2).

Pour le reste du Canada, le distribution prédite n’est que potentiellepuisque l’insecte ne s’y est pas encore dispersé, grâce en partie aux programmes de détection de l’Agence canadienne d’inspection des aliments et des campagnes d’éradication des gouvernements provin-ciaux, celui de Colombie-Britannique par exemple. Par contre, le réchauffement de la planète permettra à l’insecte d’étendre considérablement vers le nord sa distribution géographique dans l’Estdu pays (Figure 2). Présentement celle-ci y est limitée par les tempéra-tures trop fraîches des étés nordiques, plutôt que par des températurestrop froides en hiver (l’isolation offerte par l’abondant couvert de neigeaidant à la survie de l’insecte).

Il est donc probable que les pullulations de l’insecte se manifestent de plus en plus au nord. Il faut noter que la spongieuse a une étenduetrès vaste de plantes hôtes, comprenant plusieurs essences résineusesd’importance économique dans cette région du pays. Dendroctone du pin ponderosa au Canada

Bien que les larves du dendroctone soient protégées du gel par unantigel efficace (le glycérol) dans leurs tissus (Bentz et Mullins 1999),une exposition à une température d’environ -40 °C pendant quelquesheures leur est fatale (Safranyik et Linton 1998). Le scénario dechangement climatique le plus probable dans l’Ouest du Canada veutque la ligne thermocline de -40°C comme minimum hivernal sedéplace de plus en plus au nord pendant la première moitié du 21e

siècle. Ceci permettra sans doute à l’insecte de surmonter la barrièregéographique des hautes rocheuses et de s’écouler vers les plaines ducentre de l’Alberta. En fait, depuis 2003, des populations pionnières de cet insecte ont été décelées dans la vallée de la rivière de la Paix enAlberta, ce qui indique qu’un débordement s’est déjà produit.

Le modèle de Safranyik et al. (1975) prédit une augmentation consi-dérable de la zone risquant de développer des épidémies de dendroc-tone, en Colombie-Britannique et dans les forêts de pins de la moitiénord des provinces des Prairies (Figure 3). Le pin gris est en effet vulnérable à cet insecte (Cerezke 1995).

Une description plus détaillée de la saisonnalité du dendroctone sug-gère qu’il y a aussi une restriction de son aire de distribution dans lesbasses latitudes et altitudes en raison de l’absence de diapause chezcette espèce. En effet, des températures trop chaudes peuvent entraî-ner un voltinisme mésadapté avec plus d’une génération par année(Logan et Bentz 1999). Par contre, des travaux récents indiquent quel’espèce est suffisamment plastique pour s’adapter à des conditionsplus chaudes en freinant génétiquement son taux de développement(Bentz et al 2001). Il est également possible que les populations dedendroctone actuellement dans les états du Centre-Ouest des ÉtatsUnis (Utah, Colorado) migrent vers le nord pour occuper les régionsnouvellement réchauffées.

Figure 3. Distribution de la probabilité d’épidémie de dendroctone du pinponderosa au Canada, calculée selon le modèle de Safranyik et al. (1975).

Bien que les larves du dendroctonesoient protégées du gel par unantigel efficace (le glycérol) dansleurs tissus (Bentz et Mullins 1999),une exposition à une températured’environ -40 °C pendant quelquesheures leur est fatale

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Les changements climatiques et les ravageurs indigènes et exotiques : une nouvelle réalité ?

Conclusion

La technologie actuelle rend possible l’analyse des impacts du change-ment climatique sur la distribution géographique des espècesindigènes et exotiques en autant que des connaissances suffisantes surleurs réponses thermiques sont disponibles. Il est possible d’estimer leschangements de répartition purement du point de vue de la physiolo-gie du développement menant à une saisonnalité bien adaptée. De l’information additionnelle concernant les liens entre le climat et la performance d’une espèce mérite également d’être prise en considéra-tion par le truchement de modèles plus complets ou détaillés prédisantnon seulement la saisonnalité mais aussi le niveau de risque. Lorsquela distribution potentielle d’un herbivore est superposée à la répartitionspatiale de ses plantes hôtes, il est possible de prédire l’impactécologique et économique des changements climatiques sur lesinsectes et pathogènes ravageurs dans les écosystèmes forestiers.

En règle générale, la répartition géographique des espèces indigènesdu Canada devrait s’étendre vers le nord et en altitude. Par contre, lechangement de gravité ou de fréquence des épidémies demeure diffi-cile à prévoir. Il est clair aussi qu’un environnement climatique plusbénin offrira plus de probabilités d’établissement d’espèces exotiquesjusqu’ici repoussées par notre climat inclément.

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Changements climatiques et foresterie : 31Actes du colloque

Impacts des changements climatiques sur la faune

Dominique Berteaux | Chaire de recherche du Canada en Conservation des Écosystèmes Nordiques et Centre d’études nordiques, Université du Québec à Rimouski

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Introduction

Il n’y a pas si longtemps, la grande question était de savoir si le change-ment climatique était bien réel. Il y a maintenant un large consensusque la planète est en train de subir une profonde transformation et quecette transformation est le fruit involontaire de notre surproduction de gaz à effet de serre.

Des signes déjà convaincants montrent que le réchauffement plané-taire affecte les systèmes naturels. Les papillons se déplacent vers lenord, les oiseaux migrent plus tôt, certains mammifères se reproduisentplus tôt au printemps et la structure génétique des populations s’ajusteà toute vitesse (Berteaux et al. 2004; McCarthy 2001; Parmesan etYohe 2003; Price et al. 2000; Root et al. 2003; Walther et al. 2002).

Bien que les défis posés par les changements climatiques soient gigan-tesques, la première étape pour y faire face est de comprendre lephénomène, la deuxième étape est de mesurer les conséquences déjàvisibles des changements climatiques et la troisième consiste à prévoirle futur dans la mesure du possible. La dernière étape consiste à agirsur les causes et les conséquences des changements climatiques.

Les changements climatiques d’origine anthropique ne sont ni bons nimauvais. Mais ils ont des conséquences que l’on juge bonnes ou mauvaises en fonction de valeurs communément acceptées. Dans lecas de la faune et plus généralement de la biodiversité, il faut être enmesure de prévoir les effets des changements climatiques afin d’atténuer les conséquences négatives et de tirer profit des conséquences positives. Les bases biologiques nécessaires à la compréhension des réponses de la faune aux changements climatiquesseront d’abord exposées.

Les bases : relations entre le climat et la faune

Tout organisme vivant est en lutte constante pour obtenir de l’énergiepour grandir, se réchauffer, se reproduire et se déplacer. L’énergie vientde deux sources principales. D’abord la chaleur ambiante et le rayon-nement solaire. Ensuite, la nourriture.

Les changements climatiques ont déjà des effets visibles sur lafaune : les espèces ont commencé à se déplacer vers le nord et en altitude et les évènements biologiques printaniers commela reproduction ou la migration sont plus précoces. Une réorganisation en profondeur des communautés animales seprépare. Les principes de base favorisant le maintien de la biodiversité restent valables face au changement climatique.Mais cette pression s’ajoute à de nombreux stress déjà existants et rend encore plus urgentes les mesures de protection de la biodiversité. En particulier, il faut augmenterle niveau de priorité accordé aux mesures qui touchent la connectivité entre les habitats

Les invertébrés, les poissons, les reptiles et les amphibiens (...) sontdonc les plus sensibles aux variationsde leur environnement.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Impacts des changements climatiques sur la faune

Les invertébrés, les poissons, les reptiles et les amphibiens sont desectothermes, c’est-à-dire que leur température corporelle est réguléepar la température ambiante et par la radiation solaire, plutôt que pardes mécanismes internes de production de chaleur. Ils sont donc lesplus sensibles aux variations de leur environnement. Toutes variationsdu climat les affectent directement.

Les oiseaux et les mammifères génèrent eux-mêmes une bonne partiede leur chaleur corporelle, ce sont des endothermes. Cela les libère enpartie des contraintes climatiques et leur permet par exemple de vivredans les zones polaires. Ils sont cependant loin d’être insensibles aux

variations du climat. D’une part, la quantité de chaleur qu’ils doiventproduire pour maintenir leur température corporelle dépend de la température ambiante. D’autre part, leur habitat de même que lesautres espèces avec lesquelles ils interagissent dépendent du climat.Ainsi, toutes les espèces animales subissent les influences du climat, àla fois de façon directe et indirecte (Figure 1).

Au Québec, le gradient latitudinal des zones biogéographiques (de la forêt feuillue à la toundra arctique) entraîne également un gra-dient latitudinal des communautés animales. La plupart des reptiles etamphibiens sont par exemple restreints à la frange sud de la province.Plus généralement, la limite nord de la grande majorité des espècesanimales du Québec est ultimement définie par des contraintes climatiques. Cette constatation simple aura des conséquences importantes pour la compréhension des effets des changements climatiques sur la biodiversité du Québec.

Les observations : effets mesurés des changements climatiques sur la faune

Les effets des changements climatiques sur la faune peuvent se diviseren trois grandes catégories : les effets sur la répartition des espèces, leseffets sur la phénologie des espèces et les effets sur l’organisation des

communautés animales. Tous les groupes d’espèces, des insectes auxmammifères, montrent des réponses claires aux changements clima-tiques.

La rigueur m’oblige à noter que les réponses écologiques observéessont en réalité des corrélations entre variables écologiques et change-ments climatiques. La relation de cause à effet qui sous-tend ces corrélations est rarement démontrée. Par contre, la signature globaledes changements climatiques dans les réponses écologiques est assezcohérente entre régions et groupes taxonomiques pour nous donnerconfiance dans l’interprétation des corrélations observées (Hugues 2000; Schneider et Root 1998, 2002).

Répartition des espècesChaque année des amateurs passionnés de tous pays identifient et dénombrent les animaux de leur voisinage : oiseaux, amphibiens,papillons, etc. Les banques de données qu’ils construisent constituentdes mines d’or pour les scientifiques. Des tendances qui permettent demesurer les premiers effets des changements climatiques sur la faunepeuvent y être décelées (Parmesan et al. 1999).

En moyenne, le rythme de déplacement des aires de répartition a étéde 6,1 km par décennie vers le nord et de 6 m par décennie en altitudedurant la fin du 20e siècle (Parmesan et Yohe 2003). Ces chiffresenglobent une multitude d’espèces à travers le monde et provenantd’habitats très diversifiés. Ils cachent une énorme variation entre lesespèces, mais ils fournissent une indication utile de l’ordre de grandeurdes effets du réchauffement climatique sur la faune. Au Québec, à peuprès aucune mesure de ce genre n’est encore disponible, mais il n’y apas de raison de penser que la situation soit différente de ce qui est

observé ailleurs (Figure 2). Dans le nord de la province, l’extension del’aire de répartition du porc-épic a, par exemple, été associée à celle dela limite des arbres, elle-même due au réchauffement du climat(Payette 1987). L’extension vers le nord du cerf de Virginie ou du ratonlaveur est également bien connue dans le Sud du Québec, mais les modifications de l’habitat rendent difficiles l’attribution de ces répon-ses aux changements climatiques seuls.

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Figure 1. Les principales voies par lesquelles le climat affecte la faune : (1) effets directs du climat sur une espèce, (2) effets indirects via les effetssur l’habitat de l’espèce, (3) effets indirects via l’habitat et une autre espèce.Le schéma (3) peut être complexifié à l’infini en multipliant les espècesintermédiaires.

Figure 2. Le renard arctique est commun dans la toundra et le renard rouxest commun en forêt. Ils cohabitent à la limite nord de la forêt québécoise.Mais durant le 20e siècle, le renard roux a repoussé la limite nord de sarépartition de plus de 1000 km et a envahi la toundra de l’Est de l’Arctique(Berteaux et al. non publié).

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Impacts des changements climatiques sur la faune

Changements climatiques et foresterie : 33Actes du colloque

Phénologie des espècesLes moments de l’année où une espèce se reproduit, migre, mue, etc.,définissent sa phénologie. Une bonne synchronisation de la phénologieavec l’environnement est essentielle pour que le cycle de vie se déroulecorrectement et permette à l’espèce de se maintenir. Par exemple, lemoment où les oiseaux migrent et se reproduisent est souvent décaléde façon à ce que le pic de demande de nourriture des poussins corresponde au pic de nourriture disponible.

La phénologie printanière d’un grand nombre d’espèces est maintenantplus hâtive qu’elle ne l’était il y a quelques décennies. Selon une synthèse récente recensant les résultats provenant de 677 espèces l’a-vancement est, en moyenne, de 2,3 jours par décennie (Parmesan etYohe 2003). Parmi les études, 27 % ne montraient aucun changementde la phénologie printanière, 9 % montraient une phénologie retardée,et 62 % montraient une phénologie avancée (Figure 3).

Organisation des communautésLes assemblages d’espèces dans les communautés biologiquesreprésentent à la fois le résultat des interactions entre les espèces etdes interactions entre les espèces et leur environnement abiotique. Lacomposition des communautés devrait donc logiquement répondre auxchangements du climat.

De nombreux exemples suggèrent des réponses écosystémiques auxchangements climatiques. Ainsi dans le Nord-Ouest de l’Ontario lestempératures de l’air et des eaux lacustres ont augmenté de 2 °C entre

les années 60 et 90, entraînant des changements dans les caractéris-tiques physiques et biologiques des lacs (Schindler et al. 1990, 1996a,1996b).

Cependant, malgré une accumulation rapide d’exemples dans la littéra-ture scientifique, il reste difficile de présenter une synthèse cohérentedes effets écosystémiques des changements climatiques. Il est probableque seules des synthèses régionales seront possibles. Le nouveauRéseau de centres d’excellence ArcticNet financé en 2003 par le gouvernement fédéral canadien pour étudier l’impact des changementsclimatiques dans l’Arctique canadien devrait, par exemple, fournir dansquelques années plusieurs études d’impact intégrées régionalement.Au Québec, une approche similaire est nécessaire à l’échelle des différentes zones écologiques de la province.

Les prédictions : effets futurs des changements climatiques sur la faune

Comme les économistes, les écologistes doivent composer avec unemultitude de variables à diverses échelles qui sont soumises à des effetsseuil ou qui réagissent par effets multiplicateurs. Toute prédiction àlong terme en écologie plonge donc les auteurs dans le doute et l’incertitude. Cependant, les réponses écologiques attribuables auxchangements climatiques ainsi que nos connaissances des mécanismesbiologiques nous permettent de tracer des grandes lignes pour l’avenir.

La plus importante et la plus certaine des prévisions concerne la redistribution des espèces animales dans l’espace. Le mouvement déjàamorcé vers les pôles et en altitude va se poursuivre. Le Québec verraarriver sur son territoire de nouvelles espèces dont la limite nord sesitue actuellement en Nouvelle Angleterre ou dans la région desGrands Lacs. Chaque région du Québec verra arriver sur son territoiredes espèces qui n’étaient présentes que dans les zones situées plus ausud. Inversement, les espèces qui occupent des refuges climatiques (par exemple les caribous de la Gaspésie) auront de plus en plus de difficulté à se maintenir. Les espèces dites nordiques seront refoulées àde plus hautes latitudes.

Une marge importante d’incertitude réside dans la vitesse du déplace-ment vers le nord des aires de répartition. La distribution d’une espècedépend à la fois des capacités de dispersion des individus et de la qualité de la matrice de dispersion. Au Québec comme ailleurs, lesactivités humaines diminuent la superficie des habitats disponibles et

Figure 3. Les écureuils roux donnent naissance dès le mois d’avril dans lesforêts d’épinette blanche du Sud du Yukon. Au cours des deux dernièresdécennies, les dates de reproduction de cette espèce ont été devancées de 18 jours alors que les températures de printemps ont augmenté de 2 °C(Berteaux et al. 2004).

Figure 4. Réserve de la Biosphère du Mont Saint-Hilaire dans la Montérégie.Cette réserve mondiale abrite une diversité importante d’espèces animales etvégétales, mais doit maintenant être considérée comme un milieu insulaire. Une proportion des espèces qu’elle abrite est probablement incapable decoloniser naturellement des habitats situés plus au nord, en raison de la fragmentation de l’habitat forestier environnant. Inversement, cette réserve nepourra pas jouer son rôle de refuge pour certaines des espèces actuellementsituées plus au sud, car ces espèces ne seront pas capables de colonisernaturellement la réserve.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Impacts des changements climatiques sur la faune

les fragmentent considérablement, ce qui impose un frein importantaux mouvements de dispersion (Figure 4). Les espèces d’invertébrés etde petits vertébrés terrestres sont celles qui auront le plus de mal àdéplacer leurs aires de répartition.

Ainsi, un paradoxe intéressant est en train de se dessiner. D’une part,le réchauffement climatique amplifiera la diminution déjà observée dela biodiversité mondiale. En effet, un certain nombre d’espèces n’auront pas la possibilité d’ajuster leur répartition spatiale pour suivreles variations rapides du climat. Mais en même temps, la biodiversitédu Québec, comme celle de tous les pays nordiques, devrait augmenterau fur et à mesure que des espèces à forte capacité colonisatricearriveront dans la province en traversant ses frontières sud. L’ampleurde ce paradoxe dépendra principalement de la facilité ou de la difficulté avec laquelle les espèces animales et végétales vont êtrecapables de se réorganiser géographiquement.

Les actions : gestion de la biodiversité dans un contexte de changement climatique

Les activités humaines dominant les paysages modernes laissent peude place aux écosystèmes pour se réorganiser et s’adapter rapidementaux changements environnementaux. Les espèces ont donc à s’adapteraux changements climatiques, mais aussi aux effets multiplicateurs de ces changements et des activités humaines.

Noss (2001) a bien résumé l’état de la réflexion concernant la gestionforestière du point de vue de la conservation biologique en ces tempsde changements climatiques. Ici ses points les plus importants, qui sontun amalgame de science et de bon sens, sont repris et adapté.

Les forêts existent depuis presque 400 millions d’années et ont subid’énormes bouleversements climatiques dûs aux variations dans l’axede rotation de la terre, à la tectonique des plaques, au volcanisme, auxglaciations, et même aux collisions d’astéroïdes. Leur composition spécifique a sans cesse changé alors que les cartes de répartition desdifférentes espèces végétales et animales se sont contractées, dilatéesou déplacées. Il est probable que des changements climatiques aussirapides que les changements actuels se sont déjà produits, bien querarement et probablement pas au cours des derniers 1000 ans.

Cependant le changement climatique actuel se produit dans un contexte de destruction, de fragmentation et de dégradation des habitats jamais égalé. Jamais avant l’apparition de l’Homo sapiensmoderne une seule espèce n’avait accaparé une aussi grande propor-tion de la productivité primaire. Ainsi, la scène sur laquelle se joue laréorganisation nécessaire des communautés biologiques face auchangement du climat est totalement nouvelle.

Le rôle des acteurs intéressés par la conservation de la biodiversité n’estpas d’empêcher les changements à l’intérieur des systèmes écologiques,mais de tenter de maintenir la vitesse et l’intensité de ces changementsà l’intérieur des niveaux historiques de variabilité.

Les espèces ne peuvent s’adapter aux changements climatiques que detrois façons : par plasticité phénotypique in situ, par évolution géné-tique in situ ou par déplacement géographique. Historiquement le déplacement des aires de répartition a été le principal moyen d’adaptation au cours des dernières décennies et des derniers siècles.

C’est également la principale réponse biologique au réchauffementactuel. C’est donc la principale nouveauté qu’il nous faut comprendreet gérer. Elle implique une conséquence importante en terme de con-servation de la biodiversité.

Nous devons minimiser la fragmentation des habitats et augmenterleur degré de connectivité, surtout dans les directions parallèles auxgradients climatiques. Les couloirs biogéographiques comme les valléesdes fleuves orientées sud-nord ont déjà joué dans le passé un rôle facilitateur dans la dispersion des espèces (par exemple, la vallée duMississippi [Delcourt et Delcourt 1984]) et pourraient à nouveau jouerce rôle. Plus généralement, la qualité de tous les couloirs de dispersionparallèles aux gradients climatiques seront cruciaux pour la réorganisa-tion géographique des communautés écologiques et doivent être protégés ou restaurés partout où c’est possible.

En somme, du point de vue de la biodiversité, une saine gestionforestière en temps de changement climatique diffère peu d’une sainegestion lorsque le climat est plus stable. Les principes déjà connusdemeurent valables : protection des habitats, établissement de couloirsde déplacement lorsque les habitats sont fragmentés, exploitation despopulations en fonction de leur capacité de croissance, maintien de ladiversité génétique et écosystémique, etc.

Le changement climatique nous pousse par contre à augmenter l’inten-sité des mesures de protection de la biodiversité, ce qui s’avère un défide taille.

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Le changement climatique nouspousse par contre à augmenter l’intensité des mesures de protectionde la biodiversité, ce qui s’avère undéfi de taille.

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Impacts des changements climatiques sur la faune

Changements climatiques et foresterie : 35Actes du colloque

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie : :36

Impacts des changements climatiques sur lesopérations forestières et mesures d’adaptationactuelles et futures

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Introduction

Auparavant, les opérations en forêt suivaient le rythme des saisons. Lebois était coupé l’hiver et emporté sur les lacs ou sur les rivières qu’ildescendait tranquillement. C’était peu coûteux et il y avait peu d’impacts. Des pertes de 5 % ou 6 % étaient considérées comme négligeables. Il n’y avait pas de contraintes de temps et il y avait uneplus grande marge de manoeuvre. Par contre, une fois rendue à l’usine,la qualité de la fibre était discutable. Aujourd’hui, les marges sontbeaucoup plus restreintes : la chaîne d’approvisionnement est optimisée, ce qui met de la pression sur le système. Il n’y a que très peud’improvisation et tout est planifié.

Les impacts des changements climatiques sur le secteur forestier se fontsentir depuis quelques années déjà, particulièrement en ce qui a traitaux opérations forestières. Quelques exemples d’impact des

Les opérations forestières se sont toujours déroulées en étroiterelation avec la nature. Que ce soit pour la localisation d'unchemin ou la planification du calendrier de la récolte et du trans-port, le succès de l'opération est étroitement lié à la manièredont nous avons su maîtriser ou, surtout, s'harmoniser avec la nature. Depuis quelques années, les forestiers doivent faireface à un climat changeant qui leur impose des contraintes nouvelles et les oblige à innover continuellement pour éviter une hausse de coûts ou, plus simplement, pour continuer àapprovisionner leurs usines de manière régulière. Nous allonsprésenter quelques-unes des adaptations récentes réalisées parles compagnies forestières et proposer quelques pistes de solutions pour les opérations forestières futures. Nous y aborderons non seulement les aspects techniques mais égale-ment financiers.

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Impacts des changements climatiques sur les opérations forestières et mesures d’adaptation actuelles et futures

Changements climatiques et foresterie : 37Actes du colloque

changements climatiques sur la voirie, le camionnage ainsi que sur larécolte et la qualité de la fibre sont présentés. Avec ce genre de contraintes, il n’est pas rare d’entendre dire que certaines pratiquesutilisées autrefois ne le sont plus aujourd’hui. L’évolution des pratiquesconstitue donc une certaine forme d’adaptation. Toutefois, il ne s’agitpas seulement de s’adapter ou de se battre contre la nature, maisplutôt de voir s’il existe des opportunités qui pourraient être avan-tageuses. Quelques mesures d’adaptation sont présentées ainsi qu’unexemple probant d’adaptation présentant des opportunités.

L’impact sur la voirie

L’utilisation de chemins d’hiver pour la récolte est très répandue dansle secteur forestier. Ces chemins servent à accéder aux sites mous oufragiles et permettent de réduire les coûts de construction d’un chemin, particulièrement dans les régions où il y a peu de gravier. Levolume d’exploitation utilisant des chemins d’hiver est en moyenne de50 %, quoique 92 % ait déjà été rapporté par une compagnie. Il estdonc évident qu’un raccourcissement de l’hiver peut affecter de façonimportante la planification forestière. Par exemple, les chemins d’hiversont construits de plus en plus tard. Auparavant, la construction débu-tait à la fin novembre, début décembre alors qu’aujourd’hui, les retardssont nombreux et nous sommes chanceux de pouvoir commencer avantles Fêtes. Il en est de même au printemps : autrefois, la récolte pouvaitse faire jusqu’à la fin mars alors qu’actuellement des chemins moinsfiables à la fin mars sont fréquents. L’utilisation des chemins d’hivercomporte donc de plus en plus d’incertitudes.

Pour s’adapter à ce type de situations, beaucoup de compagniesforestières construisent des chemins d’été standard et utilisent demoins en moins de chemins d’hiver pour se soustraire aux risques de geltardif ou de dégel hâtif. Dans d’autres cas, notamment pour lessecteurs comportant peu de gravier (secteurs tourbeux ou argileux etdonc fragiles), il faut changer les méthodes de construction deschemins car celles-ci peuvent s’avérer très coûteuses. Une entrepriserapporte, en outre, que durant l’hiver, ils utilisent à peu près 10 km dechemin par semaine. Pour couvrir de gravier un kilomètre de chemin, ilen coûte environ 10 000 $. Donc, pour chaque semaine d’hiver demoins, les coûts peuvent atteindre les 100 000 $ par semaine pouradapter les chemins aux contraintes du climat.

Le transport de nuit plus fréquent est aussi la conséquence d’un climatplus doux. En effet, le transport de bois la nuit permet de profiter deschemins habituellement gelés. Cela entraîne beaucoup de contraintesquant au transport puisque le transport de nuit équivaut forcément àune plus grande flotte de camions et, par le fait même, de camion-neurs. Or, la main-d’œuvre est plus difficile à recruter pendant l’hiver.

Qu’adviendra-t-il du concassé ? Circuler sur une route qui est recouvertede neige moins longtemps durant l’année risque d’affecter le temps devie du concassé, qui durera moins longtemps. De plus, le fait de circulersur le concassé un mois de plus par année allongera d’autant plus lapériode de nivelage. Malgré un impact certain, il est actuellement dif-ficile de déterminer avec précision ce qu’il adviendra du concassé et descoûts entraînés.

Des événements climatiques plus importants ou plus fréquents

entraîneront probablement une révision de la méthode de calcul desponceaux. Par exemple, durant la fin du 20e siècle, il y avait une tendance significative à l’augmentation des précipitations sur la Côte-Nord surtout au printemps. Ces précipitations sont généralement sousforme de pluie puisqu’il y a moins de neige qu’avant. Par conséquent,le système de drainage autour des routes devra probablement être revu,surtout si dans le cas d’une augmentation des précipitations. Par exemple, une pluie plus abondante au printemps de concert avec lafonte des neiges pourrait avoir un impact important sur le drainage. Lesdommages causés aux chemins nécessiteront des réparations plusfréquentes.

L’impact sur le camionnage

De manière générale, le transport se fait beaucoup plus facilement enhiver, sur des routes gelées. Celles-ci sont en meilleur état et étantdonné que même les routes provinciales sont gelées, la masse totale en

Figure 1. Coût hebdomadaire du bois mis en inventaire.

Quelques exemples d’impact deschangements climatiques sur lavoirie, le camionnage ainsi que sur larécolte et la qualité de la fibre sontprésentés.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Impacts des changements climatiques sur les opérations forestières et mesures d’adaptation actuelles et futures

charge peut être augmentée en hiver. En Ontario par exemple, l’augmentation de la masse totale en charge est permise l’hiverpuisque le risque d’endommager une route gelée est quasiment nul. Lacharge sur le camion peut donc augmenter de 5, 10 ou 15 %, ce quicompense pour la charge à enlever au printemps dû au dégel..

De plus, un phénomène de plus en plus observé est le dégel sporadiquedurant la saison hivernale. Que ce soit en décembre, janvier ou février,un dégel de quelques jours ou même d’une semaine n’est pas rare,notamment dans le sud du Québec, en Estrie par exemple.Actuellement, les ministères des transports ne sont pas en mesure dedécréter des périodes de mini dégel durant les mois d’hiver. Les périodes de dégel sont plutôt fixes dans le temps, à partir du 15 avrilou du 15 mai selon les régions. Par contre, de plus en plus de ministèress’organisent pour protéger leur réseau routier et pour décréter des périodes mini dégel car celles-ci peuvent occasionner des problèmesimportants comme l’orniérage.

À tout le moins, les périodes de dégel habituelles du printemps occasionnent aussi une augmentation importante des coûts de trans-port. Une réduction de la masse totale en charge d’environ 15 % correspond à une augmentation des coûts d’environ 15 % pour lacharge utile. Cependant, une partie de l’augmentation des coûts peutêtre compensée par le fait qu’il y a moins de déneigement à faire dansle cadre des opérations.

L’impact sur la récolte et sur la qualité du bois

Au moment de la planification des coupes, les secteurs plus mous sontsouvent destinés à la coupe d’hiver. Advenant un raccourcissement del’hiver, ce sont probablement les opérations relatives au bois enlongueur qui vont en souffrir le plus car l’équipement utilisé est celuiqui exerce le plus de pression sur les sols et qui peut occasionner desdommages sur les sites mous.

Tel que représenté par la figure 1, l’impact économique d’un raccour-cissement de l’hiver peut aussi être évalué. Le coût équivaut au coûtd’utilisation de la fibre une fois qu’elle a été mise en inventaire pendant 5, 10 ou 15 semaines. Ce coût est d’environ 0,10 $ le mètrecube par semaine, en hiver. Ce qui est relativement bas puisque le boisest gelé et donc, il ne se dégrade pas. Par contre, dans le cas d’uneusine qui produit du bois de qualité moyenne, le mètre cube passe à0,60 $ si le bois est mis en inventaire l’été. Des coûts supplémentairessont associés à un tel inventaire parce que le bois se dégrade; il est plussec ou a bruni. Ainsi, il y a plus de rejet de bois ayant cassé à l’usine oulors des opérations de mise en pâte dû à la fibre noircie. En ce qui con-cerne le haut de gamme, les coûts sont encore plus élevés, parce queles rejets sont plus fréquents et les traitements à effectuer pour blanchirla pâte sont plus complexes. Le mètre cube peut atteindre 1,15 $ parsemaine. Les coûts pouvant passer de 0,10 $ à 0,60 $ ou à 1,15 $ parsemaine, les répercussions économiques d’un hiver plus court sont doncnon négligeables pour l’industrie.

En revanche, la tendance significative à une diminution du couvert deneige pour plusieurs régions du Québec est plutôt avantageusepuisqu’il est beaucoup plus facile de manœuvrer de l’équipementquand il y a moins de neige.

Des mesures d’adaptation

Plusieurs solutions d’adaptation sont déjà en place et sont appliqués par les compagnies forestières, comme la construction dechemins pouvant être utilisés à l’année. Les chemins d’hiver sontarrosés de plus en plus souvent et plusieurs entreprises dans le Nord-Ouest du Québec arrosent les tourbières l’hiver afin de les gardergelées.

Afin de s’adapter aux mini dégels ou aux périodes de dégel printanier,une flotte plus importante peut être mise sur pied pour sortir le bois surune période plus courte. Des camions moins agressifs pour la routepeuvent être utilisés. En effet, il existe des systèmes de contrôle de gon-flement de pneus pouvant être installés sur les camions. Ceci permet aucamionneur de réduire la pression des pneus, ce qui augmente la sur-face de contact avec le sol et réduirait la pression sur la route et, par lefait même, les dommages. Des tracteurs tridem peuvent aussi être utilisés. Selon le même principe, une plus grande surface decaoutchouc en contact avec le sol permet de supporter la même charge.Cela diminue les dommages aux routes et aux sols, mais entraîne aussides coûts plus élevés.

En ce qui concerne les coûts du bois mis en inventaire, certaines usinesont commencé à mettre en place des mesures comme le stockage sousla neige (Figure 2). Cette technique remonte aux vieilles méthodes denos grands-parents qui gardaient leur viande, leur poisson et tous leursproduits congelés pendant l’hiver en l’enterrant sous la neige avec dubrin de scie pour l’isoler. Le bois peut être gardé gelé comme çajusqu’en septembre. Ainsi, la qualité du bois est préservée à des coûtsraisonnables soit 1,00 $ à 2,00 $ le mètre cube pour une saison. Cesont-là des mesures d’adaptation relativement simples à utiliser et permettant de faire face aux changements climatiques.

Les défis sont nombreux dans un contexte de changements climatiques.Les opérations devront être beaucoup plus flexibles en ce qui a trait àla planification. Bien que des coûts additionnels soient engendrés, il estclair qu’on ne peut se permettre de simplement injecter de l’argent afinde s’adapter aux changements climatiques. Il s’agit aussi de tirer profit des mesures d’adaptation mises en place.

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Figure 2. Stockage des billes de bois sous la neige.

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Changements climatiques et foresterie : 39Actes du colloque

L’exemple de la Colombie-Britannique

La Colombie-Britannique est une région subissant fréquemment desmini dégels, pas nécessairement causés par les changements climatiques, mais qui entraînent des dommages importants aux routes.FERIC a donc collaboré avec le ministère des Transports de la provinceafin d’évaluer si l’utilisation des systèmes de contrôle de gonflement depneus (Figure 3) pouvait protéger le réseau routier adéquatement etainsi permettre d’augmenter la charge des véhicules durant le dégel.

Les essais ont été concluants et le Ministère a alors modifié sa législa-tion afin de permettre aux véhicules équipés de systèmes de contrôlede gonflement des pneus de transporter une plus grande charge. Cescamions doivent toutefois démontrer le bon fonctionnement du système. Ainsi, il doit être relié à un ordinateur de bord pouvant transférer l’information concernant les conditions d’opération ducamion : son état, sa charge, la pression des pneus, la vitesse ducamion, etc. Cette information est compilée et peut être consultée parles agents du Ministère pour assurer que chaque véhicule est conformeà la réglementation. Le camion a alors l’autorisation de transporter àpleine charge pendant la période de dégel grâce à ce système. Unebaisse de la pression des pneus exige néanmoins une réduction de lavitesse. La consommation de carburant (L/100 km) augmentera peut-être légèrement, mais puisque le même camion pourra transporter unplus grand volume de bois par voyage, les bénéfices viennent contre-balancer les pertes car le taux de consommation (Litre/tonne trans-portée) diminuera.

La réduction des coûts est importante car les véhicules sont beaucoupplus flexibles et peuvent s’adapter à la période de gel et de dégel. Deplus, un accès à un site Internet où l’information est transférée permetau ministère des Transports de s’assurer qu’il n’y a pas de surcharge surles camions et que les limites de vitesse sont respectées. Le camionneur,quant à lui, peut transporter une plus grosse charge par voyage.Évidemment une bonne collaboration est essentielle entre le ministèredes Transports et les compagnies. L’industrie forestière a fait les premiers essais avec FERIC, mais aujourd’hui, toutes les industries en Colombie-Britannique bénéficient de cette technologie. Des essaisont commencés au Nouveau-Brunswick alors que d’autres sont en coursen Alberta et en Ontario. Au Québec, ce sont plutôt des gens de laFédération des producteurs de lait du Québec qui démontrent unintérêt pour le système étant donné les problèmes importants de transport auxquels ils font face au printemps.

Conclusion

Les connaissances sur les impacts des changements climatiques et leurportée sont encore parcellaires. Il est nécessaire d’acquérir unemeilleure connaissance des impacts, économiques et sociaux, touchantles opérations en forêt. Dans la plupart des cas, l’adaptation auxchangements climatiques comporte des coûts additionnels aux coûtsdes opérations et elle est encore souvent considérée comme un combatcontre la nature. Des collaborations comme celle développée enColombie-Britannique où les deux parties, c’est-à-dire l’industrie et legouvernement, se concertent pour arriver à des solutions gagnantessont de plus en plus mises de l’avant.

Figure 3. Une pression élevée dans les pneus concentre le poids du véhicule sur une courte surface de contact (a) alors qu’une pression plus faible permet une distribution du poids sur une plus grande surface (b).

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie : :40

Adapter la gestion forestière aux changementsclimatiques

Jean-François Côté | Consultants forestiers DGR inc.

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Les impacts prévisibles des changements climatiques sur lemilieu forestier, notamment l’augmentation de la saison decroissance des végétaux, l’altération des écosystèmes,l’augmentation de la fréquence d’événements climatiquesextrêmes et perturbateurs (orages, vents violents, foudre, feux,verglas, gels tardifs et dégels hâtifs) et l’exacerbation des com-portements épidémiques d’insectes ravageurs interpellent dèsmaintenant les gestionnaires du patrimoine forestier du Québec.Par exemple, les enjeux de conservation de la biodiversité,d’aménagement écosystémique et de rendement soutenu de la récolte par essence doivent être repensés et adaptés à lalumière de la nouvelle réalité climatique.

Préambule

Contrairement aux autres conférences de ce colloque, qui sont le fruitde travaux de chercheurs préoccupés par les changements climatiquesou par leurs impacts possibles sur le comportement des végétaux, desinsectes, des animaux ou sur les grands cycles de perturbations desécosystèmes par le feu, cette conférence livre le point de vue d’un praticien en génie forestier doté d’une expérience de chercheur enécologie forestière, de gestionnaire dans l’industrie et d’une expertiseforestière générale et diversifiée à titre de consultant.

En regard des changements climatiques anticipés, la réflexion proposéepar cette conférence invite à une remise en question de certains fondements de notre gestion des forêts publiques :

• le concept de rendement soutenu en volume dans les calculs de possibilité forestière;

• le poids accordé aux valeurs de conservation et à la biodiversité;

• l’aménagement écosystémique.

Le milieu forestier est un réservoir de ressources renouvelables, unmoteur de développement de l’économie et de l’emploi, un instrumentde création de richesse, un lieu de loisir, un habitat pour la faune, unsource et un puit de carbone, ainsi qu’une réserve de diversitébiologique bien davantage menacée par les changements climatiquesque par une récolte et un aménagement planifié de la matière ligneusedans l’espace et dans le temps.

D’emblée, nous reconnaissons le mérite de l’aménagement forestierdurable, de la protection de la biodiversité, de la nécessité de conser-

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Adapter la gestion forestière aux changements climatiques

Changements climatiques et foresterie : 41Actes du colloque

ver des écosystèmes témoins représentatifs (aires protégées) des forêtsactuelles et de l’attrait des vieilles forêts.

D’un côté, le principe de précaution incite à soustraire des portions deforêt aux fins de production de bois pour l’utilisation industrielle, sinonà en repousser l’âge de récolte. De l’autre côté, la communauté scientifique reconnaît que les forêts matures et « surstockées » sont plusvulnérables aux dommages causés par des agents biotiques et abiotiques.

Or, les changements climatiques pourraient accroître les risques de perturbations par ces facteurs, de sorte que nos actions en matière de gestion et d’aménagement forestier sont lourdes de conséquencesface à l’état des forêts que nous aurons demain.

Effets des changements climatiques sur les forêts du Québec

Les prévisions des scénarios moyens s’appuient sur un doublement deconcentration du CO2 entre 1970 et 2070. Des scénarios plus pessimistes de 3 ou 4 fois le niveau de CO2 sont même appréhendés sil’utilisation de combustibles fossiles n’est pas ralentie. Des augmenta-tions de la température moyenne de 3,0 à 3,5 oC sont prévues pour leSud et le Nord du Québec respectivement, ainsi qu’une augmentationde 10 à 15 % des précipitations annuelles.

Sur une échelle de temps d’environ 75 ans, qui correspond à peine à lamoitié de la durée des horizons de simulation des calculs de possibilitéforestière, la région de Baie-Comeau qui appartient au domaine de lasapinière à bouleau blanc se retrouvera avec le climat de la Baie desChaleurs ou celui de la Beauce, qui appartient au domaine del’érablière à bouleau jaune. L’île René-Levasseur jouira du climat deBaie-Comeau, tandis que la toundra forestière laissera place à la pessière à mousses à Schefferville! Une augmentation de 2 oC équi-vaudrait à un déplacement climatique de 300 km en latitude, sous les conditions actuelles.

Ces nouvelles conditions de croissance plus clémentes devraient profiter à la végétation avec une augmentation du rendement (en forêtnaturelle comme en plantation), bien que les essences forestièresauront besoin d’un délai d’adaptation pour migrer graduellement versle nord et occuper des stations comparables à celles d’aujourd’hui.Dans certains cas, la capacité des sols à supporter une végétationadaptée à des sols plus profonds et plus fertiles n’est pas démontrée.

Là s’arrêtent peut-être les bonnes nouvelles. Une faible augmentationde la moyenne d’une condition climatique (température, humidité, etc.)se traduit nécessairement par une augmentation de la fréquence desextrêmes. Sans qu’il y ait de lien de cause à effet démontré, les événe-ments extrêmes survenus récemment tels que les fortes pluies et lesinondations de 1996 au Saguenay-Lac-St-Jean, le crise du verglas de 1998 en Montérégie, les grands chablis de 1999 en France, ceux de2005 en Suède, les feux de forêts de 2003 dans l’Ouest canadien,l’actuelle épidémie de dendroctone du pin en Colombie-Britannique,etc., invitent au questionnement.

Si la situation climatique future en ce qui concerne les probabilités defeux de forêts au Québec ne semble pas encore aussi alarmante quedans d’autres provinces plus à l’ouest, il y aurait un allongement de la

saison des feux de forêts, une augmentation de la fréquence des orageset de la foudre et une augmentation de 5 à 10 % des précipitations dejuin à août pour le Nord du Québec. De plus, l’intervention humainedans la lutte contre les feux pourra être facilitée par les nouveaux accès routiers développés par les entreprises forestières… Àcondition qu’il y ait encore de la main-d’œuvre disponible et forméepour le combat au sol.

Du côté des insectes ravageurs des forêts, dans la plupart des casétudiés, incluant la tordeuse des bourgeons de l’épinette et la livrée desforêts, tous les aspects du comportement épidémique (fréquence,amplitude, étendue) seraient vraisemblablement exacerbés vers le nordet en altitude en réponse aux changements climatiques. La réponse desinsectes ravageurs au changement climatique sera rapide, en partie àcause de leur mobilité, de leur haut taux de reproduction et de la stabilité de leurs cycles vitaux. Dans le cas du dendroctone comme dela tordeuse, des températures très froides en hiver peuvent causer unemortalité importante chez les insectes et stopper leur cycle dedéveloppement. Si l’occurrence de temps froid devient plus rare avec leréchauffement, les pertes de couvert forestier risquent d’être plus lourdes, tel qu’observé présentement avec le pin ponderosa enColombie-Britannique.

Enfin, en ce qui concerne les dommages causés par le vent, les arbresenracinés de façon superficielle, sur sols minces, sont plus susceptiblesd’être renversés par des épisodes de tornades ou de vents violents. Lesnouvelles pratiques forestières qui visent des coupes à rétention variable ou encore l’accentuation des coupes en mosaïque modifient larugosité du couvert forestier exposé aux vents et augmentent lesrisques de chablis ou de bris des tiges, particulièrement lorsque les arbres sont plus vieux et que leur tronc est davantage affecté par un taux élevé de carie.

Survol des enjeux, attentes et virages vis-à-vis du milieu forestier

La gestion actuelle des forêts du domaine public comporte de plus enplus d’enjeux découlant d’attentes à caractère environnemental quiconsidèrent la forêt, ses composantes vivantes et ses paysages commedes éléments statiques à soustraire des interventions humaines. Si celapeut paraître souhaitable à court terme de la part de groupes conservationnistes, une telle perspective paraît plutôt incohérentelorsque vue sur l’échelle de la durée de vie des peuplements forestiers.Les changements climatiques appréhendés au cours du 21e siècle etleurs impacts sur le milieu forestier vont naturellement et de façonaccélérée modifier l’intégrité des écosystèmes; l’intégrité se définissantcomme « l’état d’une chose qui n’a pas subi d’altération ».

Or, au cœur des recommandations du rapport Coulombe sur la gestiondes forêts publiques, se trouve l’aménagement écosystémique et multiressource soit « un concept d’aménagement forestier ayantcomme objectif de satisfaire un ensemble de valeurs et de besoinshumains en s’appuyant sur les processus et les fonctions de l’écosys-tème et en maintenant son intégrité ».

D’une part, ce concept laisse planer un flou sur les valeurs et lesbesoins humains à satisfaire. Les plus prioritaires étant certainement depourvoir aux besoins de subsistance de l’homme, et non de réserver la

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Adapter la gestion forestière aux changements climatiques

forêt pour l’étudier. D’autre part, l’intégrité des écosystèmes se posefranchement en contradiction avec la nature dynamique des écosystèmes, à plus forte raison dans un contexte de changements climatiques.

Parmi les autres enjeux actuels, il faut mentionner l’aménagementforestier durable, la gestion intégrée des ressources, la mise en place d’unréseau d’aires protégées, la biodiversité, les objectifs de protection et demise en valeur, le récréotourisme et les activités reliées à la faune. Dansune autre catégorie d’enjeux, ceux qui concernent les dimensions de l’é-conomie et de l’emploi sont plus malmenés par les temps présents:réduction de 20 % de la possibilité résineuse et baisse des attributionsde volumes à récolter, report de l’annonce d’une politique d’intensifica-tion des travaux sylvicoles et difficulté à recruter de la main-d’œuvre enaménagement forestier. Toutes ces facettes seraient à reconsidérer sousla loupe des changements globaux qui guettent le milieu forestier.

Par ailleurs, les changements auxquels il faut s’adapter ne sont passtrictement climatiques : les marchés des produits forestiers se mondialisent, la technologie de transformation devient plus perfor-mante, l’industrie forestière évolue en créant de nouveaux produitsd’ingénierie, en utilisant de nouvelles essences ou en valorisant lesrésidus d’hier, la force ouvrière vieillit et se fait plus rare dans le con-texte de changement démographique, etc. Pendant ce temps, notrevision forestière est statique : des limites permanentes sont fixés autourd’objectifs de protection et de conservation et des calculs de possibilitéselon une ligne droite de rendement soutenu en volume par essence surun horizon de 150 ans sont échafaudés, en modélisant la croissance dela forêt de demain d’après les données du passé.

Dans ce contexte forestier en pleine ébullition, nous remarquonsquelques contradictions qui deviennent de plus en plus évidentes sousl’angle des impacts qu’auront les changements climatiques sur la forêt.Par exemple, le maintien de vieilles forêts et le délai repoussant l’âgede récolte, non seulement contribuent-t-ils à réduire la possibilité, maisils exposent les vieilles forêts et celles avoisinantes aux effets des perturbations naturelles plus dévastatrices occasionnées par des événe-ments climatiques extrêmes.

L’expression «aires protégées» laisse à croire que les aires forestièresdemeureront intactes si elles sont soustraites aux activités industrielles,pourtant, elles demeurent à la merci de la dynamique naturelle et deschangements climatiques. La protection actuelle des habitats fauniques du caribou forestier, au sud de son aire de distribution, est-elle justifiée si les caractéristiques végétales et les conditions de préda-tion de l’écosystème qui le supporte différeront dans 50 ans ?

Comment justifier par ailleurs que ce soit des valeurs intangibles, qua-lifiées de désirables mais non quantifiables monétairement, quiguident les choix de société au détriment de valeurs socio-économiquesbien documentées ? Le grand public tombe facilement sous le charmedes mots à la mode commençant par bio, éco, des épithètes commedurable et des noms comme pérennité, sans connaître concrètement lesréalités qu’ils traduisent et les impacts que représente leur mise enœuvre. Nous semblons oublier que les arbres de la forêt meurent et qued’autres repoussent et nous pêchons par excès de prudence ou parinconscience en réduisant arbitrairement les quantités de bois qui peu-vent être prélevées pour l’activité manufacturière, créatrice de richesseet de bien-être pour la société québécoise.

Prélèvement ligneux et rendement soutenu : ce que laCommission Coulombe a passé sous silence

La recommandation centrale du rapport de la Commission Coulombeémise par le gouvernement actuel vise une réduction de 20 % de lapossibilité en résineux. Aucune étude scientifique ni démonstrationcrédible et bien étayée ne supporte la thèse de surexploitation pourtant endossée par les commissaires. Cette décision immédiate estlourde de conséquences en perte d’emplois, en fragilisation de commu-nautés dépendantes de la forêt et en diminution importante desretombées économiques aux gouvernements. Cette décision est encoreplus contestable sous l’angle des changements globaux appréhendés,incluant les changements climatiques.

Le niveau de possibilité forestière résulte d’un calcul qui projette sur unhorizon de 150 ans, par période de 5 ans, les quantités de bois maturequi sont disponibles pour la récolte. Par itération et en maintenant unniveau de prélèvement égal durant tout l’horizon de simulation pourune essence ou un groupe d’essences, le volume maximal récoltableaujourd’hui est déterminé de sorte que ce niveau soit maintenu defaçon constante. Comme 70 % des forêts sous aménagement équiennesont en situation de structure « anormale par surabondance », c’est-à-dire qu’elles sont constituées d’une forte proportion de peuplementssurannés, la fameuse période critique qui sert à déterminer le niveau de possibilité survient dans de nombreux cas dans l’intervalle comprisentre 60 et 150 ans (entre l’an 2060 et l’an 2150).

En d’autres mots, les forêts matures et « surstockées » vont caractériserle paysage de la forêt boréale pendant encore plusieurs décennies.Comme elles sont plus vulnérables aux dommages causés par desagents biotiques et abiotiques, les changements climatiques peuventaccroître les risques de perturbations par ces facteurs.

Il serait plus souhaitable tant sur le plan forestier, social et économiqued’adopter une approche de récolte à niveaux variables, comme le faitdéjà la Colombie-Britannique en prévoyant une réduction progressivedes allocations de bois, laquelle s’harmonise avec les trois dimensionsdu développement durable. Malgré cette saine philosophie de gestion,des efforts additionnels de récupération de volumes en perditiondoivent quand même être déployés ces années-ci en raison de fléauxnaturels comme les feux de forêt et l’épidémie de dendroctone du pin.

Nos calculs de possibilités sont sensibles à certains intrants plus qu’àd’autres. Parmi les variables les plus sensibles, notons l’âge de maturité,le volume à maturité, la superficie du territoire de simulation et lastratégie sylvicole. Les changements climatiques auront certainementun impact significatif sur toutes ces variables.

D’abord, concernant l’âge de maturité, les hypothèses qui forcent lemaintien d’un pourcentage plus élevé de vieilles forêts, la détermina-tion d’un âge de maturité à 13 cm plutôt qu’à 9 cm et la généralisationdes coupes par mosaïque repoussent toutes l’âge de la récolte finale decertains peuplements, réduisant le niveau de possibilité et augmentantles risques de pertes de volumes par les perturbations naturelles.

Deuxièmement, concernant les volumes à maturité, les changementsclimatiques vont influer sur les rendements prévus selon les courbesactuelles, modifier la proportion et la composition des essences

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Adapter la gestion forestière aux changements climatiques

Changements climatiques et foresterie : 43Actes du colloque

secondaires et changer l’allure des courbes de sénescence des peuplements surannés.

Troisièmement, concernant la superficie du territoire de simulation, lesgains de surface qui pourraient résulter d’un rehaussement de la limitenordique des unités d’aménagement avec le réchauffement climatiquepourraient hausser la possibilité ou compenser pour des baisses résultant de réductions d’autres surfaces affectées à des fins de conservation.

Quatrièmement, la stratégie sylvicole peut être orientée de manière àfournir des volumes de bois supplémentaires lors des périodes critiques.La sélection d’essences mieux adaptées parmi la régénération naturelleou la plantation d’essences capables de mieux réagir aux conditions climatiques changeantes pourraient aussi contribuer à l’augmentationde la possibilité forestière.

Dans un autre ordre d’idées, une approche de détermination de la pos-sibilité basée sur la surface récoltée plutôt que sur le volume coupéaurait pu retenir davantage l’attention de la Commission. Beaucoupplus simple et transparente, cette approche utilisée en Ontario auraitpermis d’esquiver la quête quasi inaccessible d’un haut niveau de précision dans l’approche par volume. Des statistiques de superficiesforestières affectées par la récolte au cours des récentes annéesmontrent qu’il se coupe environ 1 % du territoire forestier sous CAAF,en régime équienne.

À ce rythme, il faut 100 ans avant de revenir récolter de nouveau unbloc de forêt. C’est long par rapport à l’âge moyen de révolution d’uneforêt, et ça l’est encore plus si la croissance forestière est accélérée sousl’influence d’une saison de croissance allongée, de températures pluschaudes et de temps plus humide !

Quelques pistes d’adaptation

Dans la perspective du développement durable et des changements detoutes natures qui nous attendent au cours des cent prochaines années,quel rendement soutenu devrions-nous viser ? Un rendement soutenuen volume récolté par essence, comme c’est le cas actuellement, oubien un rendement en surface annuelle de récolte ? Un rendementsoutenu en volume de bois marchand sur pied ou en accroissement netdu capital ligneux ? Un rendement soutenu en nombre d’emplois ou enretombées économiques pour l’État ? Un rendement soutenu en valeurdes livraisons pour l’industrie ou en superficie de vieilles forêts à maintenir ?

Que valent vraiment des horizons de simulations de 150 ans quand laforêt prend 75 ans pour parvenir à maturité, si ce n’est que de donnerune fausse assurance que nos projections voient très loin alors que lesimpacts des changements climatiques se manifesteront bien avantcette longue échéance ? Le niveau d’imprécision dans le rendement dela prochaine révolution des peuplements récoltés aujourd’hui est sansdoute tout aussi spéculatif que la prise en compte des changements climatiques au cours des prochains 75 ans !

Alors, que l’on réduise de moitié la durée des horizons de simulation etqu’on continue d’actualiser le calcul aux 5 ans en y intégrant à chaquefois les nouvelles connaissances.

Autrement, pour s’affranchir des horizons de simulation et des incertitudes liées aux projections de rendement en volume par grouped’essences, la détermination de surfaces annuelles de récolte présentecertes une approche d’aménagement forestier durable qui mérite plusd’attention, ne fut-ce que pour rassurer le public avec l’actuelleapproche par volume.

Mais par-dessus tout, l’adaptation la plus logique et la plus souple à lagestion actuelle des forêts publiques doit passer par une modificationà la Loi sur les forêts pour évacuer le concept dépassé du rendementsoutenu en volume. Cela permettrait à la fois de remédier aux débatssur la possibilité forestière et de composer adéquatement avec leschangements climatiques, démographiques, technologiques, industrielsou commerciaux.

En prenant ainsi comme modèle la Colombie-Britannique, le Québecdéterminerait un niveau de coupe variable par période de 5 ans, niveauqui pourrait décroître dans le temps, de manière graduelle, prévisible etordonnée, en adaptation aux changements survenant à la forêt, dansle respect de la transition des économies régionales, des changementsglobaux et des autres opportunités de création de richesse. La remiseen question de certains fondements de notre gestion des forêtspubliques en regard des changements climatiques anticipés fait dire àplusieurs que :

• le concept de rendement soutenu en volume dans les calculs de possibilité forestière limite la souplesse quant à la réaction des gestionnaires de la forêt face aux changements de toutes natures,notamment les changements climatiques;

• la surpondération accordée aux valeurs de conservation et à la biodiversité augmente de manière indue les pertes possibles et probables de matière ligneuse liées aux événements climatiquesextrêmes;

• l’aménagement écosystémique ne peut être garant de l’intégrité desécosystèmes dans le contexte de changement des moyennes et desextrêmes climatiques.

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Annexe 1- Participants et conférenciers

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NOM PRÉNOM ORGANISME

Aerni Claude Ressources naturelles Canada

Allain Claude Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Arès Michel Le Portageur-Econova

Paradis Stéphane Conseil des Innus d'Ekuanitshit

Beaulie Jean Ressources naturelles Canada

Beaulieu Langis Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Belisle Francis Hydro-Québec

Bernard Luc Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec

Bérubé Jean-Pierre Ressources naturelles Canada

Boisseau Gaétane World Wildlife Fund-Canada

Boisvert Marie Développement économique Canada

Bouchard Christian Corporation Plein Air Manicouagan

Boudreau François Développement économique Canada

Bourdages Jean-Luc Bibliothèque du Parlement - Recherche

Bourque Gervais Groupement forestier de l'Est du Lac Témiscouata

Breton Pierre Ordre des ingénieurs forestiers du Québec

Bussière Jocelyn Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Campagna Michel Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Carles Sylvie Université Laval

Chabot Michel Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Coll Stéphanie Corp. des services universitaires secteur ouest Côte-Nord

Comtois Robert Kruger inc. Forêt Côte-Nord

Cortade Sébastien Étudiant

Cosgrove Michael TECSULT

Côté Serge TECSULT

Crête Michel Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Dagnault Sébastien Ressources naturelles Canada

D'astous Denis C.F.P. Forestville

Dekindt Karine Corporation Plein Air Manicouagan

Desjardins Nancy Partenariat innovation forêt

DesRochers Pierre Ressources naturelles Canada

Dubé Julie Hydro-Québec

Dubé René Abitibi-Consolidated

Duchesne Louis Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Dumoulin François Abitibi-Consolidated

Dupont Alain SOPFIM

Emond Dominique Centre de formation professionnelle La Baie

Fortin Christian FORAMEC

Fortin Julie Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Gaboury Simon Université du Québec à Montréal - Chaire en éco-conseil

NOM PRÉNOM ORGANISME

Gagné Claude Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Gagné Roger Ressources naturelles Canada

Gagnon Laurent SOPFEU

Gagnon-Lebrun Frédéric ÉcoRessources Consultants

Gauthier Pierre Spruce Fall Usine Matane

Gélinas Marie-Eve Association forestière Côte-Nord

Giasson Marc-André Université Laval - Fluxnet-Canada

Gingras Donald Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Girard Jean-Noël Hydro-Québec

Girard Martin Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec

Girard Sylvain S.T.F.Q. (S.C.E.P.) - Section locale 3000 Q

Godbout Lionel Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Gommier Karl Étudiant

Gosselin Serge Produits Forestiers Saguenay inc.

Grandmont Laurence Agence santé et services sociaux

Gravel Sandra Ressources naturelles du Canada

Groleau Daniel Conseil régional de l’environnement et développement durable

Gros-Louis Mario Institut de développement durable de l’APNQL

Heppell Sandra Conseil régional de l'environnement de la Côte-Nord

Houle Daniel Consortium Ouranos

Hudon Bernard Centre Justice et Foi

Jean-Bernier Yvette Carrefour recherche et développement de la Côte-Nord

L. Messier Jean-Philippe Étudiant

Laflamme Normand Ressources naturelles Canada

Lafrenière Normand Ressources naturelles Canada

Lagacé Yves Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Lamarre Jean-François Union québécoise pour la conservation de la nature

Lamirande Paul Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec

Larouche Jacques Ressources naturelles Canada

Larouche Ursula Fonds de recherche forestière du Saguenay-Lac-Saint-Jean

Latulippe Alexandre Université Laval

Le Goff Héloïse Grefi

Lebeau Augustin Ressources naturelles Canada

Lebel Jean-Sylvain Bowater Inc.

Leblanc Serge Partenariat innovation forêt

Lechasseur Marc-André Agence régionale de mise en valeur des forêts privées BSL

Lord Daniel Université du Québec à Chicoutimi

Lysyshyn Kathleen Ressources naturelles Canada

Maltais Jean Conseil de l’industrie forestière du Québec

Marchand France Produits Forestiers Saguenay inc.

Participants

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Annexe 1- Participants et conférenciers

Changements climatiques et foresterie : 45Actes du colloque

NOM PRÉNOM ORGANISME

Marzell Lothar Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Masse Sylvain Ressources naturelles Canada

Mercier Alain Memotech Inc

Mercier Jérôme MRC Haute-Côte-Nord

Mercier Stéphan Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Meunier Denis Genivar

Michaud Marc Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec

Mondor Normand Cégep de Baie-Comeau

Morin Annie Partenariat pour la recherche forestière

Morin Hubert Université du Québec à Chicoutimi

Morin Normand Carrefour Côte-Nord

Morissette Thomas Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Nadeau Gilles Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Nazair Jean Agence régionale de mise en valeur des forêts privées BSL

Ouellet Denis Ressources naturelles Canada

Paquet Clément Nord-Forêt

Paquet Dany Centre Sylvicole Forestville inc.

Pardiac Guy Activa Environnement inc

Paré Serge Cégep de Baie-Comeau

Pepin Steeve Université Laval

Pham Anh Thu Consortium Ouranos

Pilote Daniel Étudiant

Poulin Gérard Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Rousseau Denis Conseil de l’industrie forestière du Québec

St-Onge Marc Kruger inc. - Forêt Côte-Nord

Théau Jérôme Consortium en foresterie - Gaspésie-Les-Îles

Théberge Serge S.T.F.Q. (S.C.E.P.) - Section locale 3000 Q

Tremblay Claude SOPFEU Baie-Comeau

Tremblay Richard Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Tremblay Sylvie Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec

Turbis Chantal Ressources naturelles Canada

Turcotte Jean-Éric Union québécoise pour la conservation de la nature

Turgeon Marc-André Ministère des Ressources naturelles et de la faune du Québec

Villeneuve Claude Université du Québec à Montréal - Chaire en éco-conseil

Villeneuve François Université de Moncton, Campus D'Edmundston

Villeneuve Michel Ministère des Ressources naturelles et de la Faune

Warren Charles Carrefour recherche et développement de la Côte-Nord

NOM PRÉNOM ORGANISME

Bourque Alain Consortium Ouranos

Bernier Pierre Y. Ressources naturelles Canada

Rainville André MRNF

Bergeron Yves Chaire Industrielle CRSNG-UQAT-UQAM en Aménagement forestier durable

Régnière Jacques Ressources naturelles Canada

Berteaux Dominique Université du Québec à Rimouski

Provencher Yves FERIC

Côté Jean-François Consultants forestiers DGR inc.

Conférenciers

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Actes du colloque Changements climatiques et foresterie :

Annexe 2 - Comité organisateur

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Yvette Jean-Bernier

Jacques Bégin

Daniel Houle Anh Thu Pham

Pierre Belleau

Michel CampagnaJulie Fortin

Stéphan Mercier

Nancy Desjardins

Pierre Y. BernierJacques Larouche

Denis Ouellet (président)

Comité organisateur

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Actes du colloqueChangements climatiques et foresterie :

Impacts et adaptation

Le présent document contient les textes des conférences présentéeslors du colloque « Changements climatiques et foresterie : impacts

et adaptation » tenu à Baie-Comeau, les 20 et 21 avril 2005.

Le site Web du colloque : http://www.mrnfp.gouv.qc.ca/colloque-climat/index.asp