LES CLIMATS EXTRMES DANS LA PENSE GRCO-ROMAINE Liza MRY
Universit de Poitiers - FoReLL
Page 2
Quelques lments de terminologie CLIMAT n. m. XIII e sicle, au
sens 1 ; XIX e sicle, au sens 2. Emprunt du latin clima, climatis,
du grec klima, proprement inclinaison , d'o obliquit d'une rgion de
la Terre par rapport au Soleil , puis, par extension, rgion . 1.
Ensemble des conditions atmosphriques et mtorologiques d'un pays,
d'une rgion. Un climat froid, chaud, tempr. Un climat sec, humide.
Le climat continental, maritime. Le climat polaire, mditerranen,
tropical. L'influence, les effets du climat. Ce climat rude ne lui
convient pas. Expr. Changer de climat, changer de pays. Cela ne se
fait pas sous nos climats, dans nos pays. 2. Fig. Atmosphre morale,
ambiance psychologique. Un climat d'affection. Vivre dans un climat
d'inscurit.
Page 3
Quelques lments de terminologie , - n. (< ) : 1.
inclinaison, pente 2. inclinaison de la terre vers le ple partir de
lquateur, do climat, rgion, zone gographique. clima, -atis n. : 1.
inclinaison du ciel, climat 2. rgion
Page 4
Gographie et climatologie Strabon Gographie I,1,13 En gnral,
quiconque se propose de dcrire les caractres propres de telle ou
telle contre a essentiellement besoin de recourir l'astronomie et
la gomtrie, pour bien en dterminer la configuration, l'tendue, les
distances relatives, le climat ou la situation gographique, la
temprature, et, en un mot, toutes les conditions atmosphriques.
Puisqu'il n'est pas de maon btissant une maison ni d'architecte
difiant une ville, qui ne tiennent compte pralablement de toutes
ces circonstances, plus forte raison le philosophe, qui embrasse
dans ses tudes la terre habite tout entire, y aura-t-il gard.
Page 5
Gographie et climatologie Strabon Gographie I,1,15 Il s'ensuit
donc qu'il existe une certaine corrlation entre les tudes
astronomiques et gomtriques d'une part et la gographie, telle que
nous l'avons dfinie, de l'autre, puisque cette science relie
ensemble les phnomnes terrestres et clestes, devenus en quelque
sorte des domaines limitrophes
Page 6
La reprsentation de loikoumne Eratosthne (dbut 3 me s. av.
J-C.)
Page 7
La reprsentation de loikoumne Strabon (1 er s. ap. J.-C.)
Page 8
Les zones climatiques Strabon Gographie II,3,1 Mais la division
en cinq zones () correspond tout aussi bien la temprature
atmosphrique, car, dtermine par rapport au soleil, la temprature de
l'atmosphre offre trois tats diffrents, trois tats gnriques et
capables de modifier sensiblement la constitution des animaux, des
plantes et de tout ce qui vit l'air et dans l'air, savoir l'excs,
le manque et la moyenne de chaleur. Or, chacun de ces tats de la
temprature reoit de la division en cinq zones la dtermination qui
lui est propre : les deux zones froides, qui se trouvent avoir
l'une et l'autre la mme temprature, impliquent le manque absolu de
chaleur; aux deux zones tempres, qui admettent galement une seule
et mme temprature, correspond l'tat de chaleur moyenne ; et quant
l'tat restant, il correspond naturellement la dernire zone ou zone
torride.
Page 9
Les zones climatiques Zones tempre, glaciale, torride. E , , (
). Temperata, frigida, perusta (zona).
Page 10
Les zones climatiques
Page 11
Diodore de Sicile Bibliothque historique III,38 Nous avons
suffisamment parl de l'Ethiopie, de la Troglodytique et de toutes
les nations voisines jusqu'aux pays inhabitables en raison de la
chaleur qui y rgne. () Mais nous dcrirons les pays septentrionaux,
voisins des rgions inhabitables par le froid, lorsque nous en
serons au temps de Csar qui, aprs avoir soumis la puissance des
Romains des contres si loignes, a procur aux historiens des
documents qui leur manquaient.
Page 12
Le centre de loikoumne Hrodote, Enqute, III,106 : Le sort a
rserv, dirait-on, ses dons les plus beaux aux confins du monde
habit, sil a donn la Grce le climat qui est peut-tre de beaucoup le
plus tempr. Vitruve, De larchitecture, VI,1,10-11 : S'il est entr
dans le plan de la nature de mettre entre toutes les nations des
diffrences aussi marques, elle a aussi voulu que le peuple romain
occupt sur la terre l'espace intermdiaire qui participait
l'influence de ces divers climats. () C'est la situation de
l'Italie, entre le septentrion et le midi, qu'on doit attribuer la
supriorit incontestable de ses qualits. Par sa valeur elle triomphe
de la force des barbares, comme par sa prudence elle djoue les
projets des mridionaux. Il semble que les dieux n'aient plac la
ville du peuple romain dans une rgion aussi belle et aussi tempre
que pour tablir son empire sur toute la terre.
Page 13
Les confins du monde Strabon Gographie I,1,13 Car si, pour une
tendue de pays restreinte, la situation au nord et la situation au
midi n'impliquent qu'une lgre diffrence, rapports la circonfrence
totale de la terre habite, le nord comprendra jusqu'aux derniers
confins de la Scythie et de la Celtique, et le midi jusqu'aux
extrmits les plus recules de l'thiopie, ce qui implique des
diffrences normes. De mme il ne saurait tre indiffrent d'habiter
chez les Indiens ou parmi les Ibres, peuples que nous savons tre,
l'extrme orient et l'extrme occident, en quelque sorte les
antipodes l'un de l'autre.
Page 14
La thorie des climats - Hippocrate Des airs, des eaux, des
lieux 1 Celui qui veut s'appliquer convenablement la mdecine doit
faire ce qui suit : considrer, premirement, par rapport aux saisons
de l'anne les effets que chacune d'elles peut produire, car elles
ne se ressemblent pas, mais elles diffrent les unes des autres, et
chacune en particulier diffre beaucoup d'elle-mme dans ses
vicissitudes ; en second lieu, les vents chauds et les vents
froids, surtout ceux qui sont communs tous les pays ; ensuite ceux
qui sont propres chaque contre. Il doit galement considrer les
qualits des eaux, car, autant elles diffrent par leur saveur et par
leur poids, autant elles diffrent par leurs proprits. Ainsi,
lorsqu'un mdecin arrive dans une ville dont il n'a pas encore
l'exprience, il doit examiner sa position et ses rapports avec les
vents et avec le lever du soleil ; car celle qui est expose au
nord, celle qui l'est au midi, celle qui l'est au levant, celle qui
l'est au couchant, n'exercent pas la mme influence.
Page 15
Les climats extrmes Hippocrate Des airs, des eaux, des lieux 18
Pour ce qui est de la forme extrieure chez les autres Scythes, qui
ne ressemblent qu' eux-mmes et nullement aux autres peuples, mon
explication est la mme que pour les gyptiens, si ce n'est que
ceux-ci sont accabls par une excessive chaleur, et ceux-l par un
froid rigoureux. Diodore de Sicile Bibliothque historique III,33 Si
quelque lecteur n'ajoutait pas foi au rcit de ces murs tranges,
qu'il compare le climat de la Scythie avec celui du pays des
Troglodytes ; cette comparaison lui fera ajouter foi nos
paroles.
Page 16
Les peuples septentrionaux Diodore de Sicile Bibliothque
historique V,32 On appelle Celtes les peuples qui habitent
au-dessus de Marseille, entre les Pyrnes. Mais ceux qui demeurent
au nord de la Celtique, le long de l'ocan et de la fort Hercynie
jusqu'aux confins de la Scythie, sont appels Gaulois. Cependant les
Romains donnent indiffremment ce nom et aux vrais Gaulois et aux
Celtes. () Ceux qui habitent au Septentrion et dans le voisinage de
la Scythie sont extrmement sauvages. On dit qu'ils mangent les
hommes, comme font aussi les Anglais qui habitent l'Iris.
D'ailleurs, ils se sont fait connatre par leur courage et par leur
frocit.
Page 17
Les peuples de la zone torride Diodore de Sicile Bibliothque
historique III,8 Il existe encore beaucoup d'autres tribus
thiopiennes () Presque tous ces Ethiopiens, et surtout ceux qui
sont tablis sur les rives du Nil, ont la peau noire, le nez pat et
les cheveux crpus ; leurs murs sont trs sauvages et froces comme
celles des btes auxquelles ils ressemblent, non pas tant par leur
caractre, que par leurs habitudes. Leur corps est sale et leurs
ongles trs longs comme ceux des animaux ; ils sont trangers aux
sentiments d'humanit ; quand ils parlent, ils ne font entendre
qu'un son de voix aigu ; enfin ils ne cherchent point se civiliser
comme les autres nations ; leurs murs diffrent entirement des
ntres.
Page 18
Les peuples de la zone torride Hrodote Enqute III,114-116 Plus
louest stend, en direction du soleil couchant, la dernire des
terres habites, lthiopie. Elle a de lor en abondance, des lphants
normes, de nombreuses espces darbres sauvages, de lbne et des
hommes dune taille, dune beaut, dune longvit exceptionnelles. () En
tout cas, ces rgions extrmes, qui enserrent entre elles le reste du
monde, semblent bien possder seules tout ce quil y a de plus beau
et de plus rare nos yeux.
Page 19
Ethnographie et mirabilia Tacite Germanie 56 Tout ce qu'on
ajoute encore tient de la fable, par exemple, que les Helluses et
les Osiones ont la tte et le visage de l'homme, le corps et les
membres de la bte. Je laisserai dans leur incertitude ces faits mal
claircis.
Page 20
Le climat froid Les Scythes Hrodote Enqute IV,28 Dans tout le
pays dont je viens de parler, l'hiver est si rude, et le froid si
insupportable pendant huit mois entiers, qu'en rpandant de l'eau
sur la terre on n'y fait point de boue, mais seulement en y
allumant du feu. La mer mme se glace dans cet affreux climat, ainsi
que tout le Bosphore Cimmrien ; et les Scythes de la Chersonse
passent en corps d'arme sur cette glace, et y conduisent leurs
chariots pour aller dans le pays des Sindes. L'hiver continue de la
sorte huit mois entiers ; les quatre autres mois, il fait encore
froid.
Page 21
La rhtorique de laltrit - Les Scythes Inversion Hrodote Enqute
IV,60 Les Scythes sacrifient de la mme manire dans tous leurs lieux
sacrs. Ces sacrifices se font ainsi : la victime est debout, les
deux pieds de devant attachs avec une corde. Celui qui doit
l'immoler se tient derrire, tire lui le bout de la corde, et la
fait tomber. Tandis qu'elle tombe, il invoque le dieu auquel il va
la sacrifier. Il lui met ensuite une corde au cou, et serre la
corde avec un bton qu'il tourne. C'est ainsi qu'il l'trangle, sans
allumer de feu, sans faire de libations, et sans aucune autre
crmonie prparatoire. La victime trangle, le sacrificateur la
dpouille, et se dispose la faire cuire.
Page 22
La rhtorique de laltrit Comparaison et analogie Hrodote Enqute
IV,31 Quant aux plumes dont les Scythes disent que l'air est
tellement rempli qu'ils ne peuvent ni voir ce qui est au del, ni
pntrer plus avant, voici l'opinion que j'en ai. Il neige toujours
dans les rgions situes au-dessus de la Scythie, mais
vraisemblablement moins en t qu'en hiver. Quiconque a vu de prs la
neige tomber gros flocons comprend facilement ce que je dis. Elle
ressemble en effet des plumes. Je pense donc que cette partie du
continent, qui est au nord, est inhabitable cause des grands
froids, et que, lorsque les Scythes et leurs voisins parlent de
plumes, il ne le font que par comparaison avec la neige.
Page 23
La rhtorique de laltrit Amplification Hrodote Enqute IV,74 Il
crot en Scythie du chanvre ; il ressemble fort au lin, except qu'il
est plus gros et plus grand. Il lui est en cela de beaucoup
suprieur.
Page 24
La rhtorique de laltrit Traduire, nommer, classer Hrodote
Enqute IV,59 En langue scythe, Hestia s'appelle Tabiti ; Zeus,
Papaios, nom qui, mon avis, lui convient parfaitement ; la Terre,
Api ; Apollon, Oitosyros ; Aphrodite Cleste, Argimpasa ; Posidon,
Thagimasadas. Ils lvent des statues, des autels et des temples Ars,
et n'en lvent qu' lui seul.
Page 25
La rhtorique de laltrit Les Ichthyophages Diodore de Sicile
Bibliothque historique III,15 Quelques-uns de ces Barbares vivent
absolument nus ; ils ont en commun leurs troupeaux ainsi que leurs
femmes et leurs enfants, n'prouvant d'autres sensations que celles
du plaisir et de la douleur ; ils n'ont aucune ide de l'honnte et
du beau : leurs habitations sont tablies dans le voisinage de la
mer, dans des rochers remplis de cavernes, de prcipices et de
dfils, communiquant entre eux par des passages tortueux. Ils ont
tir parti de ces dispositions de la cte, en fermant avec des
quartiers de roche toutes les issues de leurs cavernes, dans
lesquelles les poissons sont pris compte dans un filet. () Ignorant
la fabrication des armes, les habitants les tuent avec des cornes
de boucs aigus, et les coupent en morceaux avec des pierres
tranchantes. C'est ainsi que le besoin est le premier matre de
l'homme ; il lui enseigne tirer de toutes les circonstances le
meilleur parti
Page 26
La rhtorique de laltrit Les Ichthyophages Diodore de Sicile
Bibliothque historique III,16 Quand ils ont ramass une assez grande
quantit de poissons, ils les emportent, et les font griller sur des
pierres exposes au soleil. La chaleur est si excessive qu'ils les
retournent aprs un court intervalle, et les prenant ensuite par la
queue, ils en secouent les chairs qui, amollies par le soleil, se
dtachent facilement des artes. Ces dernires, jetes en un grand tas,
sont rserves des usages dont nous parlerons plus loin. Quant aux
chairs ainsi dtaches, ils les mettent sur une pierre lisse, les
foulent sous les pieds pendant un temps suffisant, en y mlant le
fruit du paliurus. Ils forment une pte colore avec ce fruit, qui
parat en mme temps servir d'assaisonnement ; enfin, ils font de
cette pte bien ptrie des gteaux sous forme de briques oblongues,
qu'ils font convenablement scher au soleil.