Les confessions de foi réformées et baptistes historiques sont théonomiques

Embed Size (px)

DESCRIPTION

La Loi de Dieu telle que révélée dans la Sainte Bible n'est pas tripartite mais bipartite, et elle n'admet pas le polythéisme politique.

Citation preview

LES CONFESSIONS DE FOI RFORMES ET BAPTISTES HISTORIQUES SONT THONOMIQUES1. LA DIVISION BIPARTITE DE LA LOI DIVINEEn lisant le chapitre 19 (La Loi de Dieu) de la Confession de foi baptiste de 1677\1689, nous pouvons avoir limpression quelle est incompatible avec la doctrine biblique de la thonomie. Elle semble adopter la classification populaire de la Loi en trois catgories o une seule serait encore en vigueur sous la Nouvelle Alliance : La Loi morale qui est universelle et perptuelle (sections 1, 2, 5, 6, 7) La Loi crmonielle qui est accomplie en Christ (section 3) La Loi judiciaire qui serait supposment expire (section 4) Or il y a lieu de s'interroger si cette lecture superficielle de la 1689 est vraiment la bonne car cette classification tripartite n'existe pas vraiment dans les critures. Comme le soutenait jadis Augustin dHippone1, et comme l'ont dmontrs plus rcemment Pierre Courthial2 (cofondateur de la Facult Jean Calvin dAix-en-Provence) et Jean-Marc Berthoud3 (libraire rform baptiste Lausanne), la Loi judiciaire (ou civile) expose dans le Pentateuque n'existe pas en tant que catgorie autonome : chacune de ses dispositions relve soi de la Loi morale, soi de la Loi crmonielle. La classification correcte de la Loi est donc bipartite. Les rudits rforms du XVIIe sicle en taient conscients. Un examen rigoureux de leur pense et de leur vocabulaire permet de mieux saisir le sens du 19e chapitre de la 1689 et d'viter de commettre un anachronisme. Pour cela il faut remonter la rdaction de la Confession de Westminster de 1646 (presbytrienne), dont la Dclaration de Savoie4 de 1658 (congrgationaliste) puis la Confession de 1689 sont des adaptations.

1

Jean-Marc BERTHOUD, Le rgne terrestre de Dieu Du gouvernement de notre Seigneur Jsus-Christ : Politique, nations, histoire et foi chrtienne, Lausanne, Lge dHomme, 2011, p. 412 et 453 sur 615. 2 Pierre COURTHIAL, La catholicit de la Loi de Dieu , Site Rform Confessant, http://www.vbru.net/src/mp3/courthial_catholicite_loi_de_dieu_1.mp3 3 Jean-Marc BERTHOUD, Brve note sur la thonomie et les trois aspects de la Loi , Revue Rforme, Tome 62, Numro 258, avril 2011, pages 109-113. 4 Center for Reformed Theology and Apologetics, The Savoy Declaration of Faith and Order of 1658 , http://www.reformed.org/master/index.html?mainframe=/documents/Savoy_Declaration/

Voici la traduction exacte du texte original de la Westminster 19.4 (la seule traduction franaise5 accessible sur la toile comporte une erreur, elle traduit body politic par code politique , or body se traduit par corps ) : Dieu lui a donn [ Isral] aussi, comme corps politique, diverses lois judiciaires qui vinrent expiration en mme temps que le peuple juif cessait d'tre un tat. Ces lois n'obligent personne maintenant au-del de ce que l'quit gnrale qui s'y trouve peut exiger. Cette section renferme deux affirmations : 1. Des lois judiciaires sont expires . 2. Ces lois judiciaires expires contiennent nanmoins certains principes d'quit gnrale qui sont toujours valides aujourd'hui sous la Nouvelle Alliance. Si la premire clause est claire, la seconde se prte plusieurs interprtations divergentes. Rendus ce stade-ci de notre analyse, il est indispensable de savoir qu la fin du XVIe et au XVIIe sicle, les rudits calvinistes (dont les Westminster Divines) utilisaient une terminologie qui n'est plus en vigueur aujourd'hui (mais qui est reste intacte dans les confessions de foi).

2. LOIS DQUIT PARTICULIRE ET LOIS DQUIT COMMUNEPour comprendre le sens de la Westminster et de ses adaptations, trois clarifications pralables doivent imprativement tre faites6. 1. Conscients que la Loi judiciaire n'existe pas en tant que tel, les rforms britanniques la divisaient en deux sous-catgories distinctes : 1.1. Les lois d'quit particulire (juris particularis) sont propres au corps politique de l'Isral antique et expirrent avec cette entit. 1.2. Les lois d'quit commune (juris communis) dites aussi d'quit gnrale ou d'quit morale sont applicables toutes les poques dans tous les tats.

glise rforme du Qubec, Confession de foi de Westminster, http://www.erq.qc.ca/francais/westminster_fr.html 6 Steve CHE HALBROOK et al., God is Just A Defense of the Old Testament Civil Laws , 2e dition, New Geneva, Theonomy Resources Media, 2011, pages 533-561 sur 658 ; Marc CLAUSON, A History of the Idea of Gods Law (Theonomy) Its Origins, Development, and Place in Political and Legal Thought , Lewiston, Edwin Mellen Press, 2006, p. 137-149 sur 464.5

Les lois d'quit particulire sont intimement attaches la Loi crmonielle par leurs natures circonstancielles et prfiguratives du Messie. Les lois d'quit commune ou gnrale font partie intgrante de la Loi morale par leur nature immuable et universelle. 2. En langage courant, la Loi judiciaire proprement parler dsignait uniquement les lois dites d' quit particulire relevant de la Loi crmonielle tandis que les lois dites d' quit commune ou gnrale taient vues comme relevant de la Loi morale. Les rforms britanniques employaient l'expression properly judicial (ou omettaient d'ajouter quelque adjectif qualificatif que ce soit) pour se rfrer spcifiquement la premire catgorie mais jamais la deuxime. Par le vocable Loi judiciaire , les rforms britanniques ne dsignaient pas l'ensemble de la Loi judiciaire. 3. Les Westminster Divines taient parfaitement conscients que ces deux catgories se chevauchent souvent dans les critures Saintes. Ainsi, de nombreuses lois d'quit particulire sont bases sur l'quit gnrale, et plusieurs lois d'quit gnrale contiennent des dispositions d'quit particulire. Quelques exemples : la peine capitale (gnral) par lapidation (particulier), la dme (gnral) des Lvites (particulier), etc. Dans ces cas, les Westminster Divines dterminrent que tout ce qui tait spcifique l'ancien tat hbreu avait t abrog par Jsus, mais tout ce qui a une porte universelle qui dcoule de la Loi morale est perptuel et ne peut sous aucun prtexte tre abrog. Ainsi, beaucoup de lois d'quit particulire ont une composante d'quit gnrale qui demeure toujours valable. Lorsque les auteurs de la Confession de Westminster affirmrent que des lois judiciaires sont expires , que de l'quit gnrale s'y trouve , puis que cette quit gnrale exige des obligations , nous devons donc comprendre qu'ils se rfraient implicitement aux lois d'quit particulire qui contiennent des lments moraux immuables, et certainement pas aux lois d'quit commune qu'ils considraient ( juste titre) comme entirement maintenues et reproclame par la Nouvelle Alliance. Revenons maintenant la 1689. Sa phrasologie pour la section 19.4 est lgrement diffrente de celle de la Westminster (la traduction de l'ARBQ7 est fidle l'original anglais8) :

Association dglises rformes baptistes du Qubec, Confession de foi baptiste de Londres de 1689, Qubec, ditions de lARBQ, 2007, pages 38-40. 8 Center for Reformed Theology and Apologetics, Baptist Confession of Faith of 1689 with Scripture Proof , http://www.reformed.org/documents/baptist_1689.html7

Dieu leur a donn [aux Isralites] aussi diverses lois judiciaires, qui ont expir en mme temps que le peuple juif cessait d'tre un tat. Ces lois n'ont plus aucune obligation de nos jours, leur quit gnrale tant d'un usage moral seulement. Nous voyons que la nation isralite n'y est plus dfinie comme tant un corps politique, mais cela est sous-entendu par le texte. C'est surtout la deuxime phrase qui a t remanie, la rendant un peu plus floue. Cependant, la 1689 nous renvoie malgr tout la notion rforme d'quit gnrale. Un lecteur vanglastique moderne pourrait allguer que les baptistes ont apport cette modification afin d'essayer de se dissocier de la thonomie prne par les presbytriens. Or il s'avre que ce ne sont pas les baptistes qui effecturent cette modification en 1677\1689, ils l'ont simplement repris de la Dclaration de Savoie de 1658. Les congrgationalistes taient des fervents thonomistes (Oliver Cromwell & la New Model Army !) et ils n'ont assurment pas fait ce changement pour des motifs pitistes. L'exutoire antinomien est ici ferm. Quant est-il des lois judiciaires d'quit commune ? Elles ne sont aucunement ignores par le 19e chapitre de ces confessions de foi : elles sont couvertes par la section 19.5 ! ce niveau, la Westminster, la Savoie et la 1689 ont exactement la mme formulation : La Loi morale oblige l'obissance pour toujours tous les hommes, qu'ils soient justifis ou non. [...] Christ dans l'vangile, loi de l'abroger, en a considrablement renforc l'obligation. En se fiant aux crits et aux prdications des Westminster Divines, nous savons pertinemment que pour eux (et pour la Bible) les lois civiles d'quit commune sont insparables de la Loi morale, elles en sont les complments, les ramifications. Et en se fiant aux enseignements des auteurs de la Westminster et de la Savoie (ou en le dduisant du 24e chapitre de la 1689), nous savons pertinemment que les magistrats civils sont tenus d'appliquer la Loi morale dans le cadre politique o ils exercent leur autorit. Une rcriture moderne9 (1975) de la Confession de 1689 l'expose sans ambigut : To the people of Israel God also gave sundry judicial laws which applied as long as they remained a nation. The principles of equity which appear in

Founders Ministries, The Baptist Confession of Faith of 1689 Rewritten in Modern English Chapter 19 : The Law of God, http://www.founders.org/library/bcf/bcf-19.html9

them are still valid, not because they are found in Moses' laws but in virtue of their unchanging character. Rcapitulons. Les principes dquit gnrale des dispositions judiciaire relatives la Loi crmonielle sont perptuellement valides cause de leur moralit intrinsque immuable, et les dispositions judiciaires relatives la Loi morale sont en vigueur pour lternit. Il nest dailleurs pas surprenant que ces confessions proclament cette vrit thonomique, parce que cest prcisment laction thonomique des covenantaires cossais10 et des puritains anglais qui a rendu la rdaction de ces confessions possibles en premier lieu, puis cest lintervention militaire de larme rforme nerlandaise (comprenant 3000 soldats huguenots) en 1688 qui a permis la publication de la Confession de 1689.

3. LA THONOMIE DES BAPTISTES GNRAUXInsistons que la thonomie nest pas lapanage exclusif des rforms, car les baptistes gnraux prnaient galement cette vrit biblique. Citons larticle 25 de la Standard Confession de 1660 : We believe [...] that all wicked lewdness, and fleshly filthiness, contrary to just and wholesome civil laws, ought to be punished according to the nature of the offences ; and this without respect of any persons, religion, or profession whatsoever ; and that we and all men are obliged by Gospel rules [...]11. Nous pouvons encore citer le chapitre 22 de la Short Confession or Brief Narrative of Faith de 1678 qui exprime galement cette volont thonomiste chez les baptistes gnraux : For the keeping up and maintaining of all civil society amongst men, in natural and moral things, the Lord hath set up governors [...] to keep up, maintain, and cherish all civil, natural, and moral principles amongst men, to punish the breach thereof ; for the law is made for the lawless and disobedient ; that is, for those that transgress the law ; and the magistrate is the Lord's executioner, and beareth not the sword in vain ; for he is the minister of God, a revenger to execute wrath upon them that do evil12.

Sabrina JUILLET-GARZON, Le rle de la Kirk dans la Rforme de lglise dAngleterre de 1639 1647 , tudes cossaises, Numro 14, 2011, p. 243-251. 11 Reformed Reader, Standard Confession of Faith 1660, http://www.reformedreader.org/ccc/tsc.htm 12 Vox Dei Baptist Ministries, A Short Confession or a Brief Narrative of Faith, http://www.voxdeibaptist.org/1691_narative.htm10

Malgr quils constituaient un des groupes religieux les plus non-conformistes, les baptistes gnraux adhraient quand mme la thonomie tellement cette doctrine tait accepte.

4. LA THONOMIE DES RFORMS CONTINENTAUXOutre la Westminster, la Savoie et la 1689, les autres confessions de foi rformes historiques sont galement thonomiques. Larticle 39 de la Confession de foi des glises rformes de France, adopte au Synode national de Paris en 1559 (souvent appele Confession de La Rochelle parce que le Synode national qui s'y tint en 1571 la ratifia), stipule : Il [Dieu] a tabli des royaumes, rpubliques et toutes autres sortes de principauts [ et Il a] cette cause a mis le glaive en la main des magistrats pour rprimer les pchs commis, non seulement contre la seconde table, mais aussi contre la premire13. La Confessio Belgica (1561), qui exprimait la foi des rforms nerlandais, flamands et wallons (et l'exprime encore pour plusieurs d'entre eux), va dans le mme sens : Non seulement leur office [les magistrats] est de prendre garde et veiller sur la police, mais aussi de maintenir le sacr ministre, pour ter et ruiner toute idoltrie et faux service de Dieu ; pour dtruire le royaume de l'antchrist et avancer le royaume de Jsus-Christ, faire prcher la Parole de l'vangile partout, afin que Dieu soit honor et servi de chacun, comme il le requiert par sa Parole14. La Confession helvtique postrieure (1566), rdige par Bullinger Zurich et officiellement approuve par les glises rformes du Palatinat, de Suisse, de France et dcosse, puis adopte comme texte normatif par les glises rformes de Transylvanie et de Pologne, cite et endosse dans son prambule ldit de Thessalonique (380), qui est minemment thonomique : Les empereurs Gratien, Valentinien et Thodose, augustes. Au peuple de la ville de Constantinople. Nous voulons que tous les peuples qui vivent sous lempire de notre clmence suivent la religion que laptre saint Pierre a enseigne aux Romains. [] Nous voulons quon donne le nom de chrtiensOlivier FATIO et al., Confessions et catchismes de la foi rforme, Genve, Labor & Fides, 1986, p. 127 sur 374. 14 Confessions de foi et catchismes de la Rforme, La Confession de Foi Belge 1561/1619 , http://cfcreforme.blogspot.ca/2007/10/la-confession-de-foi-belge.html13

universels ceux qui suivent cette Loi, et quau contraire les autres, que nous regardons comme des extravagants et des insenss, portent la fltrissure du titre dhrtique, et que leurs conciliabules ne portent po int le nom dglise, et quaprs la vengeance divine qui les attend, ils soient aussi punis de la manire que le Ciel nous linspirera15. Par aprs, le chapitre 30 de lHelvtique postrieure, intitul Du Magistrat, stipule : Si donc il [le magistrat] est ennemi de lglise il peut grandement empcher et faire beaucoup de troubles ; mais si au contraire il est ami et membre de lglise, il est trs-utile et trs excellent membre dicelle, et lui peut grandement aider et profiter. Le principal office dicelui est de procurer la paix et tranquillit publique, ce quil ne peut jamais mieux faire plus heureusement quen tant vraiment religieux et craignant Dieu, et qu lexemple du peuple du Seigneur il navance et donne cours la prdication de la vrit et de la pure et sincre foi, empchant tout mensonge, et mettant bas toute superstition avec toute impit et idoltrie, et dfendant lglise de Dieu. Nous enseignons aussi que le soin de la religion est des principaux points dun fidle et saint magistrat. [] Quil mette ordre quon ne prche rien [de] contraire icelle ; item, quil gouverne par bonnes lois conformes la Parole de Dieu le peuple que Dieu lui a commis, et quil le contienne en bonne discipline, devoir et obissance. [] Car il na pas reu de Dieu le glaive en vain. Quil ddaigne donc ce glaive de Dieu contre tous les mchants, [] blasphmateurs, parjures, bref contre tous ceux que Dieu veut punir et quil a command quon mt mort. Quil chtie aussi et punisse ceux qui sont vraiment hrtiques, savoir incorrigibles, et qui ne cessent de blasphmer la majest de Dieu et troubler son glise, voir mme la ruiner et dtruire. [] Et le magistrat faisant ces choses en foi sert Dieu par [de] telles uvres, comme vraiment bonnes, et reoit bndiction de Dieu16. Munis de toute cette vidence historique, nous devons affirmer que la thonomie est indiscutablement la doctrine orthodoxe non seulement des rforms pdobaptistes et des rforms crdobaptistes, mais galement des baptistes non rforms. Nul interlocuteur srieux noserait, en ces circonstances, remetre en cause la validit confessionnelle de la thonomie.15 16

Olivier FATIO et al., op. cit., p. 200. Ibid., p. 304-305.