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1 Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: George Liele & William Knibb, polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006. Premiers Baptistes en Jamaïque George LIELE (Lisle) & William KNIBB (1750-1826) (1803 - 1845) 1. La Jamaïque en quelques mots 1.1. Présentation générale La Jamaïque fait partie des « Grandes Antilles ». Elle fait 10 991 km² (quatre fois moins que la Suisse) d'Est en Ouest sur environ 250 km, sa largeur maximale ne dépassant pas 80 kilomètres. C'est la troisième plus grande île des Caraïbes, après Cuba (110 860 km²) et l'île d'Haïti (76 480 km²). En 2001, la population était estimée à 2,7 millions d'habitants avec 75 % de la population d'origine africaine, 15 % d'origine afro- européenne, 4 % d'origine européenne, 3,5 % venant de l'Inde et du Proche-Orient, 1,5 % étant des Chinois ou Afro-Chinois. Arrivée des espagnols en Jamaïque 1.2. Un mot d’histoire Avant l'arrivée des Européens, l'île était peuplée d'Amérindiens arawaks. Ils y vivaient depuis environ sept siècles lorsque Christophe Colomb découvrit la Jamaïque le 4 mai 1494. Les Espagnols en firent une colonie du nom de Santiago (1509) et fondèrent Santiago de la Vega, qui devint la capitale de cette colonie espagnole en 1538. Les Arawaks constituèrent la première main-d'oeuvre d'esclaves des Espagnols. Dans leur quasi-totalité, les Amérindiens furent rapidement décimés par les mauvais traitements et les maladies apportées par les Européens. On ne comptait déjà plus d'autochtones à la fin du XVI e siècle. Les Espagnols utilisèrent des esclaves noirs qui s'hispanisèrent rapidement. À ce moment-là, les langues parlées en Jamaïque étaient l'espagnol, le portugais et le créole. En 1655, les Britanniques s'emparèrent de l'île, qui devint officiellement une colonie britannique en 1670. Entre temps, la plupart des colons espagnols avaient quitté l'île pour Cuba restée espagnole. Les colons anglais y introduisirent des esclaves noirs venus d'Afrique et développèrent l'exploitation de la canne à sucre et la culture du cacao. Les Britanniques firent de la Jamaïque une colonie très productive, mais elle devint aussi l'une des principales plaques tournantes de la traite des Noirs ; à la fin du XVIII e siècle, l'île comptait 300 000 esclaves. C'est à cette époque que s'élaborèrent le créole jamaïcain (formé d'anglais, de mandingue, de malinké, de bambara et de dioula) et la langue anglaise locale propre à l'île. Durant cette époque, les Britanniques eurent beaucoup de mal à traquer les marrons, ces esclaves qui réussissaient à s'enfuir. Puis les mouvements nationalistes se développèrent sous l'impulsion de deux chefs jamaïcains, Alexander Bustamante (1884-1977) et Norman Washington Manley (1893- 1969). D'abord alliés puis adversaires politiques, ils alternèrent au pouvoir. L'idée de l'indépendance fut relancée par l'octroi d'une nouvelle constitution en 1953. Manley accéda au poste de premier ministre en 1955 et fut un partisan de l'unité des Caraïbes anglophones, celle-ci se réalisant brièvement dans la Fédération des Indes-Occidentales (1958-1962). La Jamaïque obtint son indépendance, dans le cadre du Commonwealth, le 6 août 1962. En 1655 les Britanniques s’emparent de l’île, pacification avec les marrons (http://www.bc.edu/libraries/centers/burns /exhibits/highlights/s-afcarconexhibit/)

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Anne Ruolt, Nos ancêtres... les baptistes; les premiers baptistes en Jamaïque: George Liele & William Knibb, polycopier groupe d’Institut Biblique n°3, Paris, Eglise du Tabernacle, dim 22 janvier 2006.

Premiers Baptistes en Jamaïque

George LIELE (Lisle) & William KNIBB

(1750-1826) (1803 - 1845)

1. La Jamaïque en quelques mots 1.1. Présentation générale La Jamaïque fait partie des « Grandes Antilles ». Elle fait 10 991 km² (quatre fois moins que la Suisse) d'Est en Ouest sur environ 250 km, sa largeur maximale ne dépassant pas 80 kilomètres. C'est la troisième plus grande île des Caraïbes, après Cuba (110 860 km²) et l'île d'Haïti (76 480 km²). En 2001, la population était estimée à 2,7 millions d'habitants avec 75 % de la population d'origine africaine, 15 % d'origine afro-européenne, 4 % d'origine européenne, 3,5 % venant de l'Inde et du Proche-Orient, 1,5 % étant des Chinois ou Afro-Chinois.

Arrivée des espagnols en Jamaïque

1.2. Un mot d’histoire Avant l'arrivée des Européens, l'île était peuplée d'Amérindiens arawaks. Ils y vivaient depuis environ sept siècles lorsque Christophe Colomb découvrit la Jamaïque le 4 mai 1494. Les Espagnols en firent une colonie du nom de Santiago (1509) et fondèrent Santiago de la Vega, qui devint la capitale de cette colonie espagnole en 1538. Les Arawaks constituèrent la première main-d'oeuvre d'esclaves des Espagnols. Dans leur quasi-totalité, les Amérindiens furent rapidement décimés par les mauvais traitements et les maladies apportées par les Européens. On ne comptait déjà plus d'autochtones à la fin du XVIe siècle. Les Espagnols utilisèrent des esclaves noirs qui s'hispanisèrent rapidement. À ce moment-là, les langues parlées en Jamaïque étaient l'espagnol, le portugais et le créole.

En 1655, les Britanniques s'emparèrent de l'île, qui devint officiellement une colonie britannique en 1670. Entre temps, la plupart des colons espagnols avaient quitté l'île pour Cuba restée espagnole. Les colons anglais y introduisirent des esclaves noirs venus d'Afrique et développèrent l'exploitation de la canne à sucre et la culture du cacao. Les Britanniques firent de la Jamaïque une colonie très productive, mais elle devint aussi l'une des principales plaques tournantes de la traite des Noirs ; à la fin du XVIIIe siècle, l'île comptait 300 000 esclaves. C'est à cette époque que s'élaborèrent le créole jamaïcain (formé d'anglais, de mandingue, de malinké, de bambara et de dioula) et la langue anglaise locale propre à l'île. Durant cette époque, les Britanniques eurent beaucoup de mal à traquer les marrons, ces esclaves qui réussissaient à s'enfuir. Puis les mouvements nationalistes se développèrent sous l'impulsion de deux chefs jamaïcains, Alexander Bustamante (1884-1977) et Norman Washington Manley (1893-1969). D'abord alliés puis adversaires politiques, ils alternèrent au pouvoir. L'idée de l'indépendance fut relancée par l'octroi d'une nouvelle constitution en 1953. Manley accéda au poste de premier ministre en 1955 et fut un partisan de l'unité des Caraïbes anglophones, celle-ci se réalisant brièvement dans la Fédération des Indes-Occidentales (1958-1962). La Jamaïque obtint son indépendance, dans le cadre du Commonwealth, le 6 août 1962.

En 1655 les Britanniques s’emparent de l’île,

pacification avec les marrons (http://www.bc.edu/libraries/centers/burns

/exhibits/highlights/s-afcarconexhibit/)

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1.3. La religion en Jamaïque Bien que découverte par Christophe Colomb1, dès 1655 les Anglais y supplantèrent les Espagnols et le protestantisme le catholicisme ! Aujourd’hui encore les protestants sont les plus nombreux 50% (Eglise de Dieu 21. 2%, baptistes 8.8 %, anglicans 5.5 %, adventistes du Septième Jour 9 %, pentecôtistes 7.6 %, méthodistes 2.7 %, Eglise Unifiée 2.7 %, Frères 1.1 %, Témoins de Jehovah 1.6 %, Moraves 1.1 %, Catholiques romains 4 %, autres 34.7 % 2). J. Blandenier3 cite parmi les pionniers protestants : les quakers dès 1671, puis les moraves dès 1754, suivis des méthodistes dès 1789. L’Union Baptiste de Jamaïque4 compte aujourd’hui : 107 ministres du culte, 302 Eglises, 40 000 membres5. Le premier pasteur baptiste, George Lisle ou LIELE (1750-1826) 6, était un esclave noir affranchi qui est venu en 1783 à Kingston de Virginie après avoir été le premier pasteur baptiste noir ordonné en Géorgie (20 mai 1775). Il a fondé la première Eglise Africaine d’Amérique à Savannah en Géorgie. Liele s’était converti en 1773 et a été baptisé par le pasteur Matthieu Moore. Il a émigré en Jamaïque avec 400 familles blanches. De 4 000 à 5 000 esclaves noirs ont aussi suivi ce mouvement. Il entra alors dans l’armée britannique ou il fut un certain temps au service du gouverneur. La condition des esclaves le toucha profondément7. En 1783/4, il fonda la Baptist Ethiopien Church8 of Jamaïca, qui en 1814 elle était forte de 8 000 membres. Lisle, surnommé « l’apôtre noir »9, a travaillé de ses mains pour nourrir sa femme et ses 4 enfants. Les premières communautés baptistes sont essentiellement composées d’esclaves et d’autochtones d’origine indienne. Si Lisle a eu les faveurs de nombreux esclaves noirs, en revanche l’accueil des maîtres n’a pas été aussi chaleureux envers lui… Les 300 000 esclaves représentaient alors dans l’équilibre socio-économique un poids non négligeable…

Le mouvement rastafari10 récupère volontiers Lisle, faisant de lui un précurseur de leurs théories. La philosophie rastafari s’enracine dans un vaste mouvement afrocentriste cherchant à revaloriser la dignité de l’homme noir opprimé et humilié à cause de sa couleur de peau en opposition à l’homme blanc et tout ce qui peut le caractériser socialement. La figure de l'empereur d’Éthiopie Hailé Sélassié 1er (puissance de la trinité), qui se prétendait descendre du roi Salomon et de la reine de Saba, est révéré par ce mouvement comme le réformateur annoncé par l’AT. Le Messie, l’incarnation de Dieu sur terre c’est la personne de ce souverain politique de peau noire11. Le rastafarisme nomme du reste Haile Selassie Jah12 pour Jéhovah ou Yahvé. L’Ethiopie joue dans ce mouvement le rôle de la terre promise.

Ce mouvement s’est développé sous de l’impulsion de Moïse Marcus Garvey (1877-1940) qui fonda le mythe. Né en Jamaïque en 1877, il émigra en Amérique en 1916. « L’année suivante, il fonda l’Association Universelle pour l’Amélioration de la Condition Noire (Universal Negro Improvement Association, UNIA, toujours en activité). Grâce à lui, cette organisation devint le principal défenseur de « la rédemption par le rapatriementé (redemption trough repatriation), avec la bénédiction du Ku Klux Klan. »13 Il écrit ainsi dans son principal ouvrage Philosophy and Opinions: « Laissons le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob exister pour la race qui croit au Dieu d'Isaac et de Jacob. Nous, les Nègres, croyons au Dieu d'Ethiopie, le Dieu éternel, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit, le Dieu de tous les âges : Boris. C'est le Dieu auquel nous croyons, et nous

1 ttp://www.reggae-vibes.fr/historique-rasta-amp-jamaica-vt2064.html Christophe Colomb découvre l’île en 1494 et en1510, c’est le début de la colonisation espagnole. 2 http://www.cosmovisions.com/JamaiqueTable.htm 3 J BANDENIER, Précis d’Histoire des Missions : l’essor des Missions protestantes,V 2, Nogent/Saint Légier, IBN/Emmaüs, 2003, p.538. 4 http://www.jbu.org.jm/ 5 http://www.jbu.org.jm/about_us.htm 6 http://www.reformedreader.org/history/hicks/supplementarychapter.htm 7 http://www.bautz.de/bbkl/l/liele_g.shtml 8 Timothy Paul Erdel, I Wish I’d Been There: “Negro slavery’s prophet of deliverance” http://www.mcusa-archives.org/MHB/Erdel-NegroSlavery'sprophet.html 9 http://www.reformedreader.org/history/hicks/supplementarychapter.htm 10 LE MOUVEMENT RASTAFARI, Entretien avec Giulia Bonacci http://www.religioscope.com/articles/2002/016_rasta.htm 11 http://forum.hardware.fr/hardwarefr/Discussions/citer-10565-1608356-140-29.htm 12 http://lpdw.free.fr/jamaique/jah.htm#haut 13 http://lpdw.free.fr/freedom/marcus.htm

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l'adorerons à travers les lunettes de l'Ethiopie ». Pour promouvoir le rapatriement des Noirs, il créa en 1916 une compagnie maritime la « Black Star Line ». Il suscita un mouvement de 250 000 personnes le jour ou il descendit les rues de Manhattan à bord d’une Limousine, avec pour slogan "Un But, Un Dieu, Un Destin" « "One Aim, One God, One Destiny" ».

Il se fit remarquer par les autorités fédérales, qui le mirent en prison après la banqueroute de sa société, puis renvoyer en 1927 en exil en Jamaïque. Là son charisme fit mouche… mais comme il se sentait à l’étroit sur cette île, en 1935 il s’embarqua pour l’Angleterre ou il meurut en 1940. Le mouvement rastafari se fonde sur l’interprétation de ce qui semble plus le tenir de la légende que même d’une pseudo-prophétie apportée par Garvey14. On attribut à Garvey d’avoir scandé à la manière d’un nouveau Moïse : « Look to Africa, where a black king shall be crowned = Regardez vers l’Afrique, où un roi noir doit être couronné » d’après son interprétation de Ps 68.31. D’autres sources attribuent ce propos au Rev James Morris Webb, message dont la reneur aurait été édité dans le Daily Gleaner15. Da quand date cette parole ? Les dates varient aussi, de 1916 à 1827. Lorsqu’en octobre 1928 le nouvel empereur d’Ethiopie Hailé Sélassié (qui meurt assassiné le 27 août 1975) est proclamé négus (roi des rois) lion de Juda, défenseur de la foi chrétienne, force de la Trinité, élu de Dieu, les futurs Rastas virent en celui qui se disait descendant de Salomon et de la reine de Seba. l’accomplissement de la « prophétie ». Le Lion de Juda d’Ap 5.5 venait de s’élever, ce Messie noir allait apporter le salut à tous les Africains.

Hailé Sélassié. Ier

Leonard Percival Howell

1898-1981

C’est par Leonard Percival Howell16 que le mythe devint le mouvement syncrétiste qui se répand jusqu’à ce jour. En 1933, il a étét emprisonné pour avoir essayé de vendre pour 1 shilling17 5 000 photos de Haile Selassie, qu’il présentait comme des passeports pour l’Ethiopie. Il a fini sa vie paranoïaque, sombrant dans l’anonymat comme Marcus Garvey, oublié des siens comme de ses ennemis. L’AT sert vraiment de fondement à des interprétations originales… Pour les rastas, le deuxième exode des Israélites à Babylone c’est l’annonce de leur exil d'Afrique, ils ont été les esclaves des Babyloniens modernes que furent les colons Anglais. Par extension, ils rejettent tous les aspects de la société importée par les colons ; dénoncent le matérialisme, l'argent, le capitalisme, la police...

Leonnard Percival Howel dans sa tenue de

prédicateur

Ils tirent de leur interprétation de l’AT18 leur pratique du régime végétarien (Gn 1.29), le port des dread locks (ils ne se coupent pas les cheveux mais portent de longues nattes) , ainsi que le fait de ne pas s'approcher d'un mort, de ne pas boire d’alcool… (Nombres 6). S’ils fument du chanvre (la ganja), c’est que pour eux elle est "l'herbe de la sagesse". Une justification proposée sur le net19 met en lumière l’ interprétation falsifiée que le mouvement fait de l’Ecriture : « La sacralisation de l’Herbe est un point important de l’idéologie rastafari. La Ganja n’est utilisée que dans la pratique religieuse. On en trouve une justification biblique dans Gn 3.18: "you shall eat the herb of the field" , mais aussi dans le Ps 104.14: "C’est toi qui fais pousser l’herbe pour le bétail, et les plantes que les hommes cultivent ". Ou encore le Ps 18.9 "Une fumée montait de ses narines […]" Apo 22.2 : "[…] Ses feuilles [de l’arbre de la vie] servent à la guérison des nations." »

14 http://www.religioscope.com/articles/2002/016_rasta.htm 15 http://rastafusion.free.fr/marcus_rastafari.htm 16 http://www.fluctuat.net/musique/paris99/bacs/reggae/howell.htm 17 http://rootsdub.free.fr/Rastafarisme.htm 18 http://www.answers.com/topic/rastafari-movement 19 http://lpdw.free.fr/jamaique/jah.htm

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Tout aussi répréhensible est l’interprétation biblique de chrétiens qui ont soutenu la pratique de l’esclavage par leur lecture biblique… « Les préceptes rastafariens20 communément retenus dans les années 60 sont : 1. Haïlé Sélassié est le Dieu Vivant 2. Les Noirs sont la renaissance du vieil Israël, exilés par les blancs dans le ghetto jamaïcain 3. Les Noirs sont supérieurs au Blancs 4. Le salut réside en Ethiopie Pour les rastafariens le gouvernement jamaïcain, la police, les Eglises représentent Babylone. Les Noirs du nouveau monde sont des captifs vendus à Babylone et Sélassié est le rédempteur noir qui les ramènera en Afrique. » Si Lisle a pu inventer le terme « éthiopanisme » en 178421 associant à cette expression l’image biblique valorisant la dignité du peuple noir, les choses ont pris une tout autre tournure dans le rastafarisme ! A la différence de Marcus Garvey, qui a fait de l’éthiopianisme l’arme de libération sociale et politique permettant aux Noirs de s’émanciper de la religion des Blancs, Lisle a collaboré avec les Blancs et demandé aux baptistes anglais de venir travailler en Jamaïque. La dignité de chaque homme s’enracine bibliquement dans son identité de personne « créée en image de Dieu ». Ce sont de toutes les nations que des hommes et des femmes sont appelées à venir adorer le seul vrai Dieu, que Jésus-Christ est venu révélé selon l’enseignement de l’AT et où déjà Dieu s’était fait connaître. L’Ecriture n’érige pas de murs de séparation entre les hommes, l’Eglise baptiste de Jamaïque et les Missions qu’elle a développées en sont les preuves vivantes. Selon Roswith Gerloff22, ce sont les besoins liés à la construction du temple à Kingston qui ont essentiellement motivé l’appel adressé à la Mission Baptiste, dont John Rowe23, a été le premier missionnaire. Il est arrivé sur l’île avec sa famille en 1814. Ils se sont installer à Falmouth où ils ont commencé une école, mais John Rowe en 181624 meurt subitement. 2. William Knibb : de Kettering à Kingston de1803 à 1825 1.1. Contexte familial William25 est le 3e fils de Thomas et Mary Knibb, qui ont eu huit enfants. William avait une sœur jumelle, Ann, née comme lui le 7 septembre 1803. Thomas était tailleur, un homme porté sur la boisson et peu sensible aux choses spirituelles. Mary en revanche était pieuse et beaucoup plus cultivée que son mari ; elle était professeur. À 12 ans, William a quitté l’école et a rejoint son frère Thomas qui travaillait dans l’entreprise d’un certain M. G. Fuller (Fils d’Andrew) imprimeur à Kettering dans le Northamtonshire, en Grande-Bretagne. En 1816, leur père meurt. Les deux frères décidèrent alors de suivre M. Fuller à Bristol. Ils fréquente l’assemblée dissidente. C’est là de pasteur John Ryland, de l’Eglise baptiste de Broadmead les baptise. Dès lors ils suivirent à l’école du dimanche de Toller.

1.2. Influence de la SMB Ces noms et lieux nous rappellent sans doute des choses…

Kettering… c’est là, dans la maison de la veuve Wallis que le 2 octobre 1792 est créée la première société missionnaire baptiste.

20 http://rootsdub.free.fr/Rastafarisme.htm 21 http://www.fordayute.com/article.php3?id_article=289 22 http://www.bautz.de/bbkl/l/liele_g.shtml 23 http://www.jbu.org.jm/origins.htm 24 http://www.jamaica-gleaner.com/gleaner/20030408/mind/mind4.html 25 http://reformedreader.org/knibb.htm

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Andrew Fuller fut en Angleterre la personne-clé du comité de la jeune société missionnaire. John Ryland : c’est lui qui, le 5 octobre 1785, a baptisé William Carey au gué d’une rivière. C’est encore lui, le doyen de la pastorale, qui, en calviniste particulièrement strict, a rabroué Carey en des termes rendus célèbres : «Jeune homme, asseyez-vous. Quand il plaira à Dieu de convertir les païens, il le fera sans votre aide et sans la mienne. Il faudrait d’abord qu’il se produise un nouveau don des langues, comme à la Pentecôte ». John Ryland est devenu le directeur de l’école missionnaire baptiste préparant les candidats de la Société Missionnaire Baptiste. 1.3. Les étapes du départ en Jamaïque Les deux frères Knibb, ont été aux premières loges pour suivre les débuts de la Mission. C’est là que Thomas a entendu parler de la Jamaïque. La Mission exigeait alors, entre autres choses, de leurs candidats qu’ils se marient avant de partir, d’une part pour leur éviter certaines tentations, d’autre part pour éviter des accusations non-fondées par les autochtones. En 1822, Thomas fut accepté par la SMB et partit pour commencer un ministère d’instituteur à l’école de Kingston. 14 mois plus tard, il fut terrassé par une forte fièvre tropicale. Il muurut fin avril 1824.

Église Baptiste ou en 1838 Knibb fut pasteur à Falmouth, (Trelawney) au moment de l’abolition de l’esclavage

William, qui avait été considéré comme moins capable que son frère, se proposa immédiatement pour remplacer son frère en Jamaïque, et ce en dépit de l’annonce de la mort d’un de ses proches amis Samuel Nichols venu aider James Coulthart lui-même malade. Après une courte formation complémentaire, juste âgé de 20 ans, William épousa Mary Watkins qui fréquentait l’Eglise de Bristol. L’année suivante, en 1825, il avait juste 21 ans, lorsqu’ils arrivèrent tous les deux en Jamaïque. 3. Le rôle de William Knibb dans l’abolition de l’esclavage en Jamaïque 3.1. Missionnaire au milieu d’un conflit social et politique De 1825 à 1838, William connut des temps bien mouvementés dus aux tensions entre les maîtres et les esclaves : les premiers voulant garder leur autorité dominatrice, les autres revendiquant leur droit à vivre en personnes libres, bénéficiant d’un salaire pour leur travail, etc. Les communautés baptistes, essentiellement constituées d’esclaves, ont vu l’opposition des maîtres grandir contre eux. David Boydel rapporte que beaucoup « s’opposaient à l’œuvre des missionnaires souvent d’une façon très violente, brûlant leurs temples et menaçant de tuer les missionnaires et leurs convertis. » Perdant patience, beaucoup demandèrent une abolition immédiate de l’esclavage, ce qui était bien maladroit : d’un côté aucune structure n’existait pour intégrer les esclaves dans la vie libre mais aussi responsable ; d’un autre, les maîtres devaient économiquement trouver à payer de la main d’œuvre… En décembre 1831, Knibb mit tout en oeuvre pour éviter une réaction violente de la part des esclaves, mais ce fut en vain, et comme il l’avait craint, la révolte, appelée par certains “ la guerre baptiste ”, fut sauvagement réprimée. Knibb et quatre de ses collègues furent arrêtés et une vingtaine de temples furent brûlés par une foule hostile aux revendications des esclaves. » La « Christmas rebellion » parce que commencée en décembre 1828 et dura huit jours. Elle est aussi appelée « Guerre Baptiste », parce qu’elle avait à sa tête un prédicateur baptiste : Samuel Sharpe (1801-1832). Sharpe, bien qu’esclave était un homme instruit qui a su se tenir au courant de ce qui concernait les mouvements abolitionnistes dans le monde entier, par les textes produits alors.

Samuel Sharp (1801-1832)

http://www.jnht.com/jamaica/sharpe.html

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En 1831 – « La "Christmas rebellion", qui fait suite à plus d'un siècle de terreur, d'insurrections et de répressions sanglantes, est la plus grande révolte qu'ait connue la Jamaïque : 200 000 esclaves rasent les plantations et tuent les planteurs. Ils finissent par déposer les armes après une (fausse) promesse d'émancipation : 400 d'entre eux seront pendus, des centaines d'autres fouettés. »26 3.2. De l’action de Knibb en Grande-Bretagne à l’affranchissement David Boydell27 rapporte : « Knibb revint en Angleterre en 1832 pour exiger l’abolition de l’esclavage, et malgré le conseil de ceux qui lui demandaient de ne pas “ faire de la politique ”, il refusa de se taire, au risque de se trouver sans soutien financier, disant qu’il ne pouvait pas taire “ le cri de 20.000 frères, dont la grande majorité seraient battus si leurs maîtres les trouvaient en train de prier ”. Ses discours passionnés dans toutes les régions du pays ont rallié les Eglises baptistes et autres à la cause abolitionniste, et l’abolition de l’esclavage suivit l’année d’après. » C’est le 1er août 1834, alors qu’il était en Grande-Bretagne, que la trompette de l’émancipation sonna. Mais la situation des esclaves affranchis était toujours difficile, et ils durent faire face à bon nombre d’injustices pendant la période de transition. Ils étaient libres, mais leurs anciens maîtres exigeaient des loyers exorbitants pour les maisons qu’ils avaient occupées gratuitement auparavant. Knibb et d’autres missionnaires fondirent des “ villages libres ” pour aider leurs amis affranchis, et grâce aux actions des baptistes et des quakers en particulier, le gouvernement mit fin à la période de transition le 31 juillet 1838. L’émancipation était alors associée à une période d’apprentissage pour six ans28… cette durée fut réduite finalement de deux ans, l’abolition célébrée le 1er août 1838. Ce ne sont pas moins de 62 000 personnes qui ont alors changé de statut, soit six habitants sur dix. Le 31 juillet 1838, le grand jour venu, le mot “ Liberté ” se lisait à la façade du temple de Falmouth où Knibb organisa un culte symbolique à minuit, au cours duquel les instruments de l’esclavage (fouets, chaînes, fers …) furent ensevelis dans un cercueil pendant que Knibb déclarait : “ L’esclavage, ce monstre, est mort : l’homme noir est libre ! ”

Lors de la célébration publique, un cortège partit de l'Eglise baptiste avec à sa tête le Rev. J. M. Phillips, avec environ 2 000 écoliers

et leurs professeurs se rendant à la Chambre de gouvernement où Monsieur Lionel Smith lut la proclamation de la liberté à une grande foule d'environ 8 000 personnes. Le chariot du gouverneur est vu dans le premier plan. -

3.3. Apprendre à vivre dans une société nouvelle avec les mêmes hommes La fin de l’esclavage n’a pas transformé les relations entre les hommes : ce n’est pas le Paradis terrestre… Dans bien des cas, les anciens esclaves ne pouvaient plus rester travailler et habiter sur leurs anciens domaines où il savaient été employés.

Des terrains ont dû être acheté pour créer de nouveaux villages qui pourraient accueillir les salariés à la rue… Le premier de ces villages a été fondé en 1835 par le pasteur baptiste James Mucell Phillippo, et a eu pour nom Sligoville : ce fut le premier village libre de Jamaïque. Les écoles ont dû être développées et l’université de Calabar a été créée. En 1840, Knibb a été délégué par ses collègues pour visiter l'Angleterre afin de lever certaines incompréhensions et jeter la lumière sur de faux rapports parvenus au siège de la Mission : certains aliments coûteux en Angleterre étaient très bon marché en Jamaïque, il n’y avait pas lieu d’accuser les missionnaires de vivre dans le luxe parce qu’ils mangeaient des produits considérés « exotiques » en Angleterre !

Eglise baptiste de Sligoville

26 http://fr.voyage.yahoo.com/p-guide_voyage-594848-jamaica_history-i 27 http://www.lueur.org/baptisme/pers_william_knibb.php 28 http://www.jamaica-gleaner.com/pages/history/story006.html

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William Knibb29 a largement contribué à la libération de 300 000 esclaves A facilité l’accès à la propriété privée de près de 19 000 anciens esclaves Il a été associé à la fondation de 35 Eglises De 24 missions, de 16 écoles et a baptisé lui-même 6 000 convertis 143 ans après sa mort, le 22 septembre 1988, William Knibb a été fait membre de l'ordre du Mérite de la Jamaïque

29 William Knibb - Missionary & Emancipator, http://www.kettering.gov.uk/site/scripts/download_info.php?fileID=1297

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Quelques dates marquantes30 - 1772 : premières mesures d’affranchissement des esclaves en Grande-Bretagne (GB) - 1787 et 1788 : fondation des premières sociétés anti-esclavagistes en Grande-Bretagne et en France (Amis des Noirs) - 1794 : abolition de l’esclavage par la Convention - 1802 : rétablissement de l’esclavage par Bonaparte - 1807 : interdiction de la traite en GB - 1822 : fondation de la Société de la morale chrétienne (antiesclavagiste) en France - 1833 : abolition de l’esclavage en GB - 1834 : création de la Société Française pour l’Abolition de l’Esclavage - 1848 : abolition de l’esclavage en France - 1856 : abolition de l’esclavage au Portugal - 1865 : abolition de l’esclavage aux Pays-Bas et aux USA - 1885 : condamnation de l’esclavage par la Conférence Africaine de Berlin - 1919 : condamnation renouvelée par la Convention de Saint-Germain - 1926 : condamnation renouvelée par la Société des Nations - 1948 : l’esclavage est condamné par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (art.4) - 1957 : condamnation du travail forcé par l’Organisation Internationale du Travail La France n'a aboli définitivement l'esclavage que le 27 avril 1848, longtemps après le Royaume-Uni. L'expansion de l'abolitionnisme31 En Europe, un courant anti-esclavagiste (« l'abolitionnisme ») a précédé cette prise de conscience. En 1794 la Convention avait aboli l'esclavage mais Napoléon l'avait rétabli en 1802. En 1807, l'Angleterre avait interdit la traite et voté au Parlement l'abolition de l'esclavage en 1833. La France interdit définitivement l'esclavage dans ses colonies en 1848 et l'inscrit dans sa Constitution. Les arguments religieux ne sont pas absents du mouvement abolitionniste européen. En Angleterre, les abolitionnistes (le quaker Thomas Clarkson et le parlementaire méthodiste William Wilberforce) se réclament de l'Évangile.

Thomas Clarkson (1760-1846)

William Wilberforce (1759-1833)

Mais en France, c'est officiellement au nom des droits de l'Homme que la Société des « Amis des Noirs », mène le combat. Cependant des abolitionnistes français comme l'abbé Grégoire (ecclésiastique constitutionnel) et le pasteur Benjamin Sigismond Frossard fondent aussi leur combat sur la religion chrétienne. Un autre pasteur, Guillaume de Félice, professeur à la Faculté de théologie de Montauban, sera, en 1846-1847, l'un des principaux animateurs du mouvement de pétition dans les Églises en faveur de l'abolition. C'est ce genre d'action qui a conduit au décret français d'interdiction de l'esclavage de 1848. Guillaume de Felice (Professeur à la faculté de théologie protestante de Montauban) Émancipation immédiate et complète des esclaves, 1846 Le meilleur apprentissage de la liberté, c'est la liberté elle-même. On ne s'y prépare, on ne s'en rend digne qu'en l'exerçant. Nous ne donnerons rien à l'esclave qui puisse réellement le moraliser, quelles que soient nos mesures de protection et d'adoucissement, aussi longtemps qu'il restera esclave. C'est la possession de l'homme par l'homme qu'il faut abolir entièrement en la déclarant, comme la traite, odieuse et infâme. Tout ce que vous donnerez de moins sera nul dans l'application. Nous sommes de votre propre aveu en présence d'un crime, et vous transigez avec lui ? De quel droit ? Par quel principe ? L'esclavage est un crime, un crime dans sa source, dans ses conditions fondamentales, dans ses inévitables conséquences ; un crime, non en figure de langage ou par hyperbole, mais réel, positif, complet, et, en tant que le peuple français y concourt par son acquiescement, c'est un crime national. Le travail moralise, dit on. Examinons nous. Il y a deux cents ans que les Noirs travaillent dans nos colonies ; en sont ils plus moraux ? Non, et c'est vous qui l'affirmez, puisque vous les déclarez incapables d'être libres. Le travail forcé, le travail sans salaire, le travail à coups de fouet ne moralise pas : il avilit et abrutit.

30 http://www.protestants.org/textes/esclavage/zorn.htm 31 J.F. Zorn, http://www.museeprotestant.org/Pages/Notices.php?noticeid=408&scatid=13&lev=2&cim=405

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L'abolition : un danger pour la "race" et la civilisation "blanche" Conseil spécial de la Martinique, le 2 novembre 1841 De quoi s'agit-il en effet ? De l'abolition de l'esclavage, d'un acte sans exemple jusqu'à nos jours dans l'histoire des nations chez lesquelles, pourtant, l'esclavage a cessé sans inconvénient et sans laisser après lui la moindre trace. Mais ici la question est plus grave encore ; car il s'agit uniquement de la race noire, qu'on veut appeler, avec le temps, au même état que la race blanche en la faisant participer à la jouissance des droits civils et des droits politiques, en lui donnant accès dans les emplois publics et place sous les drapeaux de l'armée, en la fusionnant pour ainsi dire avec la race blanche, et en s'exposant ainsi à verser dans le sang européen des altérations que les siècles pourront seuls effacer. D'autres dangers encore menacent la société européenne. Fixons un moment l'attention sur ces fléaux qui affectent plus particulièrement la race noire et ses diverses dégradations, la lèpre et le pian, ces manifestations terribles de la colère céleste. Peut-on oublier de nos jours les séquestrations sévères, les proscriptions des XVe et XVIe siècles à l'égard de semblables fléaux et leur ouvrir les portes de nos cités par un rapprochement intempestif et prématuré ? Enfin, et pour n'envisager la question qu'au point de vue le plus simple et le plus direct, 260 000 esclaves pénétreront-ils tout à coup dans la vie civile sans conditions et sans épreuves, avec le titre de citoyens français, quand la loi prend soin de soumettre à des conditions si sévères la concession de ce même titre à l'égard des étrangers ? La loi nouvelle serait donc plus libérale et plus facile à l'égard de la race africaine que ne l'est la loi commune à l'égard de l'Europe civilisée. Annonces de vente d'esclaves . http://lewebmarron.free.fr/annonce_vente.html Avis Le commissaire-priseur vendra, pour cause de départ, le jeudi 23 avril courant, à midi, des meubles meublants, deux billards, de l'argenterie, divers autres objets, ainsi que l'esclave Theonie, avec ses deux enfants Joseph et George. Courrier de la Martinique, 15 avril 1846 Vente par autorité de justice Au nom du roi, la loi et justice ont fait savoir que le dimanche 15 du courant, à l'heure de midi, sur la place du marché du mouillage, il sera procédé à la vente de l'esclave Marie-Sainte, dite Négresse, Négresse âgée de quatorze ans. Saisie exécutée à la requête de M. le trésorier de la colonie. Courrier de la Martinique, 2 septembre 1846. Avis Le samedi 12 du courant, à midi, le commissaire-priseur vendra, en son magasin, divers meubles meublants, tels que : tables, console, pliants, guéridons, sofas, pendules, chaises, glaces, lits, une boite d'argenterie, bijoux, porcelaine, etc., et les esclaves Guillaume, mulâtre, âgé de soixante ans ; Célanie, mulâtresse âgée de vingt quatre ans, avec son enfant, Aurelia, âgée de quatre ans. Le tout provenant de la faillite du sieur Occuly Fouché. & Journal officiel de la Martinique, 6 septembre 1846. Vente après décès Par autorisation de M. le juge royal du tribunal de première instance de Saint-Pierre, le commissaire-priseur vendra le samedi 17 du courant, à midi, en son magasin, des meubles, effets, linge, l'esclave Christine, négresse, âgée de trente huit ans, et un cheval sous poil noir, âgé d'environ huit ans, le tout provenant de la succession bénéficiaire du feu sieur Paul-Jacques Lalanne. Journal officiel de la Martinique, 6 septembre 1846. Vente judiciaire Dimanche 25 janvier courant, à onze heures, sur la place publique du bourg de Port-Louis, il sera procédé à la vente, au comptant, au plus offrant et dernier enchérisseur, de : 1 Une négresse nommée Clara, âgée de vingt quatre ans ; 2 Un cheval, sous poil roux foncé, âgé de dix ans ; 3 Divers meubles et effets mobiliers. Provenant de saisie-exécution. L'Avenir de la Pointe-à-Pitre, 17 janvier 1846.

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LE MARCHE Ils ont fouillé dans tous les trous de mon corps, jusque dans le fondement ! M'ont récurée bien propre. Faut faire envie et pas pitié. Et redressez vous ! Faut que les chalands voient avec leurs deux yeux que vous êtes des nègres vaillants et bien portants. Faut avoir l'air saint et gai ! Et faites pas vos mauvaises mines !

Approchez ! Eh ! C'est de la qualité ! On n'en fait plus des comme ça de nos jours ! Vous en aurez de l'usage, c'est moi qui vous le dis ! Cette négresse là, oh ! elle peut faire jusqu'à quinze négrillons ! Pour ce prix c'est donné ! Belle pièce, hein ! Et des dents saines. Tâtez moi cette chair ferme et ces jarrets ! Ouvrez la gueule, comptez les dents ! Pas un chicot, j'vous dis !

Les gens me tournaient alentour et le maquignon faisait l'article. Ils ouvraient ma bouche, écartaient mes lèvres et comptaient mes dents. Ils pinçaient ma chair. Ils prenaient mes seins dans leurs mains et les soupesaient. Ils me sentaient comme pour voir si j'étais pas rien qu'une viande avariée. Ils se baissaient pour voir jusque dans mon fondement. Ils me tournaient autour. Allez-y, vous pouvez toucher ! Approchez ! Approchez ! Vous verrez pas des pièces de cette qualité sur le marché de Basse-Terre !

Ils me regardaient. Ils me tournaient autour. Et dans leurs yeux, je n'étais qu'une bête sans âme ni sentiment. Dans leurs yeux, ils me voyaient servir leurs cannes. Ils me voyaient sans me voir, m'imaginaient déjà en d'autres lieux à la tâche dans leurs champs de cannes. Ils jaugeaient mes bras et mes jambes. Ils mesuraient mes hanches et comptaient leurs sous en même temps que les négrillons qui sortiraient de mon ventre.

Et vous aurez peu de frais, jurait le maquignon. Ceux-là mangent pas gras, ils se contentent de ce qu'on leur donne, un rien du tout. Et doux ! Pas rebelles je suis réputé pour ça ! Je sais reconnaître les rebelles, ceux qui causent des ennuis, je les sens à des lieues...

Et redressez vous, bande de nègres ! On vous a pas tirés de si loin pour que vous soyez invendus. Faut faire envie et pas pitié ! Sinon pas un de ces messieurs voudra vous acheter et vous resterez sans maître ! C'est ça que vous voulez ? Rester sans un bon maître qui prendra soin de vous ! Allez, redressez vous ! Plus vite vous serez vendus, plus vite vous serez tranquilles !

On va revenir ! On fait le tour du marché !

Eh ! ne vous laissez pas abuser par les autres maquignons. Moi, je fais que de la qualité ! Quinze négrillons qui sortiront de cette négresse qui vous fait envie ! Quinze ! pas un de moins !

J'ai été vendue à un M. de C. qui avait une grande plantation et une sucrerie réputée dans le nord du pays. Après deux ans, il m'a revendue à un M. de G. qui m'a placée à l'atelier. Quand il est mort, ses héritiers m'ont revendue avec mes enfants à un M. de J. qui m'a remise à couper et amarrer des cannes. J'ai porté huit enfants. Trois sont morts avant l'âge d'un an. Les autres ont été vendus je sais plus de quel côté. Clarisse Extrait de "Femmes des Antilles, traces et voix" de Gisèle Pineau et Marie Abraham

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Petite bibliographie trilingue George Liele Gayle, Clement, George Liele: Pioneer Missionary to Jamaica. With a Foreword by R. A. Anglin. Kingston, Jamaica: Jamaica Baptist Union, 1982 (Anglais). Neely, Alan, “Liele, George.” In Biographical Dictionary of Christian Missions, Edited by Gerald H. Anderson. New York: Macmillan Reference USA, 1998 (Anglais). Roswith Gerloff, Biographish-Bibliographisches Kirchenlexikon, LIELE (oder Lisle), George, 25/06/98, http://www.bautz.de/bbkl/l/liele_g.shtml (Allemand) Baptists in Jamaica: The Early Years, 2005 Jamaica Baptist Union, http://www.jbu.org.jm/origins.htm (Anglais) Edgar Garfield THOMAS, The 1st African Baptist Church, SAVANNAH, GEORGIA, http://ftp.rootsweb.com/pub/usgenweb/ga/chatham/history/other/gms373the1staf.txt (Anglais) Billy Hall, George Liele: Should be a National Hero, 8 avril 2003, http://www.jamaica-gleaner.com/gleaner/20030408/mind/mind4.html (Anglais) Timothy Paul Erdel, I Wish I’d Been There: “Negro slavery’s prophet of deliverance” http://www.mcusa-archives.org/MHB/Erdel-NegroSlavery'sprophet.html William Knibb G A CATHERALL, William Knibb: Freedom Fighter, Janay pub. Co, 1972, 142p. (Anglais) Philip Wright, Knibb the Notorious: Slave's Missionary, 1803-45, Sidg. & J, 1973, 272p. (Anglais) David Boydell, Les personnages Historiques : William Knipp 1803-1845, William Knipp et l’abolition de l’esclavage, http://www.lueur.org/baptisme/pers_william_knibb.php (Anglais) James Culross, Founders and Pioneers of Modern Missions, « WILLIAM KNIBB (1803 - 1845) », 1899, http://www.reformedreader.org/knibb.htm (Anglais) William Knibb - Missionary & Emancipator, http://www.kettering.gov.uk/site/scripts/download_info.php?fileID=1297 (Anglais) Arbre généalogique de W Knipp, http://freepages.genealogy.rootsweb.com/~knibbetc/page3g1.htm Rastafarisme Volker Barsch, Rastafari, Ventil Verlag, 2003 (Allemand) Barry Chevannes, Rastafari: Roots and Ideology, Syracuse University Press, 1994, 298p. (Anglais) Boris Lutanie, Introduction au mouvement Rastafari, L'Esprit Frappeur, 2002, 52p. J.B.Seille et Rootsdub, Rastafarisme : Les Marrons Marcus Garvey, http://rootsdub.free.fr/Rastafarisme.htm (Anglais) Rastafari mouvement, Wikipedia, http://www.answers.com/topic/rastafari-movement (Anglais) Site Officiel de Rastafusion, « Marcus Mosiah Garvey », http://rastafusion.free.fr/marcus_rastafari.htm (Anglais)