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Les deux pilotes de la Force Aérienne: Robby De Bruin et Roger Fagnoul Malmédy et. Salmchâteau. A l'expédition Liège-Dakar-Liège quelques kilomètres rune de en 1969 et de l'expédition an- l'autre dans les verts vallonne- thropologique au Niger en dé- ments de la province de' Liège, cembre 1970. deux pierres tombales neuves Roger Fagnoul, Diable Bouge de luisent sous la pluie froide de notre équipe acrobatique aê- l'arrière-saison. Le major Robby rienne, vol en solo de Gosselies De Bruin et le commandant Ro- en Australie à bord d'un avion ger Fagnoul dorment ici de leur de sport, ayant participé à di- dernier sommeil. Tous deux ap- verses expéditions belges dans partenaient à la Force Aérienne, l'Antarctique. ' tous deux avaient 36 ans. Robby Entre le 7 décembre 1971, jour de De Bruin, ,membre de l'expédi- la mort de ces deux pilotes expè- tlon numanttatre beJge au rimentés dans la région monta- Tchad en 1967, codirigeant gneuse séparant l'Iran de l'Irak,

Les deux pilotes de la Force Aérienne: Robby De Bruin et ... · survolederéservoir Dukan par 44"45' de longitude est et 36'OS' de latitude nord. Lui-aussi a pris le cap de 180;

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Les deux pilotes de la Force Aérienne:Robby De Bruin et Roger Fagnoul

Malmédy et. Salmchâteau. A l'expédition Liège-Dakar-Liègequelques kilomètres rune de en 1969 et de l'expédition an-l'autre dans les verts vallonne- thropologique au Niger en dé-ments de la province de' Liège, cembre 1970.deux pierres tombales neuves Roger Fagnoul, Diable Bouge deluisent sous la pluie froide de notre équipe acrobatique aê-l'arrière-saison. Le major Robby rienne, vol en solo de GosseliesDe Bruin et le commandant Ro- en Australie à bord d'un avionger Fagnoul dorment ici de leur de sport, ayant participé à di-dernier sommeil. Tous deux ap- verses expéditions belges danspartenaient à la Force Aérienne, l'Antarctique. 'tous deux avaient 36 ans. Robby Entre le 7 décembre 1971,jour deDe Bruin, ,membre de l'expédi- la mort de ces deux pilotes expè-tlon numanttatre beJge au rimentés dans la région monta-Tchad en 1967, codirigeant dé gneuse séparant l'Iran de l'Irak,

DX PILOTESNE REPONIINT PLUS

Des monceaux de télex et de lettreséchangés entre la Belgique et les au-torités locales afin d'obtenir des ren-seignements supplémentaires sur lespilotes disparus.

Un groupe de Kurdes, qui ne se mon-trèrent pas aussi féroces qu'on lesavait dépeints et se mirent en devoird'aider les Belges.

et le 14 juillet 1972, date de leurenterrement à Malmédy et àSalmchâteau, sept mois se sontécoulés, sept' mois d'angoissemortelle et d'espoirs fous etd'amitié. Le récit de la dispari-tion de Roger et Robby, des dü-ficultés et des aventures jalon-nant les recherches obstinéesde leurs camarades pour les re-trouver, ressemble à un romande Saint-Exupéry. Mais il s'estpassé à notre époque, et ce sontdes gens de chez nous qui l'ontvécu.

ses amis du ISINM.Il ne parviendra plus à établir le con-tact radio avec l'ISINM.L'ISINMest'entré dans le silence. de Beuken sur-vole Bagdad et atterrit à Kirkuk.où ilsera retenu pendant deux jours pardes formalités administratives, desorte qu'il n'arrivera à Téhéran quedeux jours plus tard. Là il devra ad-mettre que le deuxième Marchetti adisparu. Par suite d'une erreur ad-ministrative qui n'a pas été éclairciejusqu'à présent, il semble que le plande vol n'a pas été communiqué, desorte que la disparition de l'appareiln'a alerté personne.

Mission suppriméeMichel de Beuken alerte immédia-tement les autorités belges et ira-niennes, se met en communicationavec ses mandants et reçoit l'ordred'interrompre immédiatement sonvol vers Singapour et de revenir parle premier avion régulier. Son appa-reil, le ISINL dont l'immatriculationne diffère que par une lettre de cellede l'avion disparu, va s'écraser plustard également avec son pilote ita-lien à bord. Ouaiid on rètrôüvera-soépave, on conclura hâtivement que

____ tes corpa.da.De.Bruin.et.de.Fagnoulont été retrouvés.

ISINMne répond plusDeux avions de sport Marchetti quit-tent Milan le 4décembre 1971.Ce sontdes avions d'écolage à double corn-mande, du type employé par la ForceAérienne belge pour l'instruction deses pilotes. A bord du premier appa-reil: Michel Jacob de Beuken, pilotecivil. Dans le deuxième: Robby DeBruin et Roger Fagnoul qui profitent

. 'de leurs Vacances pour aller livrer encompagnie de de Beuken les deuxavions flambant neufs â Singapour.Une mission toute simple qui ne pré-sente aucun danger particulier pourdes pilotes expérimentés. Les deuxavions volent de conserve et fontsuccessivement escale â Brindisi,Corfou, Athènes, Izmir, Ankara etDiarbakir. De là ils doivent gagnerTabriz, mais une tempête de neige lessurprend et les deux petits appareilssont déportés vers le sud au-dessusde régions qui ne figurent pas dansleur plan de vol.Michel de Beuken, àbord du Marchetti ISINL,perd le con-tact visuel avec l'avion de ses cama-rades, le ISINM,au-dessous du Kur.distan.A ce moment précis, Michel de Beu.ken reçoit un message-radio de Ro-ger Fagnoul qui pilote le ISINM.Lecompas de bord fixé sur 180: doncplein sud.Quelques minutes après la réceptiondu message-radio, Michel de Beukensurvole de réservoir Dukan par 44"45'de longitude est et 36' OS' de latitudenord. Lui-aussi a pris le cap de 180;mais il vole 1000 pieds plus haut que

Plus moyen d'avoir de contact ra-dio. L'ISINM se tait. par suite d'uneerreur administrative il semble quele plan de vol du Marchetti n'a pasété communiqué, de sorte que ladisparition de l'appareil n'a inquié-té personne.

Entre-temps les rouages officiels sesont mis en branle. Les autorités tur-ques' iraniennes et irakiennes fonttout ce qu'elles peuvent sur le plan lo-cal. En Belgique la Défense nationale,les Affaires étrangères, la Sabena, laCroix-Rouge, les P'IT et même Inter-pol multiplient les initiatives. Rien detout cela n'aboutit à quelque chose, cequi n'a rien d'étonnant si l'on consi-dère que le Marchetti ISINM,au mo-ment de sa disparition, avait encoresuffisamment d'essence â bord pourcouvrir 1000 kilomètres. L'endroit oùil s'est écrasé peut donc se trouvern'importe où dans un territoire plusgrand que la Belgique, la Hollande etla France réunies.De plus le drame s'est joué dans uncadre de montagnes inaccessiblesbalayées par des tempêtes de neige.L'avion a pu capoter dans n'importelequel des trois Etats et l'Iran, la Tur-quie et l'Irak n'entretiennent pasprécisément des relations cordiales.Pour brocher sur le tout, la régionfrontanière entre les trois pays estcontrôlée par des nomades kurdes enrébellion ouverte contre chacun destrois gouvernements. Si l'on ajoute 1)

No 1 - 25

rI J ." encore que }es relations entre l'Iran

et l'Irak soni tendues, la démocratien'étant pas comprise de la même fa-çon selon -qt{bn se trouve en deçà ouau-delà de leur frontière commune,on comprend que les démarches offi-cielles entreprises pour retrouverdeux pilotes aient dû s'entourer deprudence.

A l'arrièreEn Belgique les amis et collègues desdeux disparus se sont rapidementrendus compte de cette situation et,dès le 16 décembre 1971,une premiè-re équipe de secours composée dePierre Ortmans, Léon Welter et Mi-chel Jacob de Beuken se rend à Téhé-ran, suivie d'une seconde composéede Jacques Laurent, Yvo Vanderhey-den et Octave Vanderstuyft.Il aura fallu attendre pour cela qu'u-ne comité de recherche soit consti-tuée en toute hâte (composé du !t.cI.Soufnonguel, le ma]. Jacquemart et lecap. Rabaey) et qu'elle ait pu réunirdans les plus courts délais les fondsnécessaires pour financer les expé-ditions.La première équipe, l'expéditionOrtmans-de Beuken, reçut contretoute attente J'autorisation de survo-ler la frontière malgré les relationstendues 'entre J'Irak et l'Iran. Ses re-cherches demeurèrent infructueu-ses.La seconde équipe, dirigée par Jac-ques Laurent, rencontra des patrouil-les de Kurdes qui. .. ne se montrèrentpas aussi féroces qu'on les avait da-peints. Ces Kurdes se mirent en de-voir d'aider les Belges et c'est grâce àleur collaboration que la secondeéquipe put récolter quelques rensei-gnements. Guidés par un interprèteet par deux .Pesh.Merga", les Belgesatteignirent deux villages de monta-gne, Nawpordan et Quernago, et pu-rent reconstituer, grâce aux témoi-gnages des habitants, ce qui s'étaitpassé.Vers le début de décembre les villa-geois ont entendu un avion lès survo-ler. Son moteur avait des ratés et ils'est arrêté brusquement. Il n'y a paseu d'explosion. Quinze jours plus tardles villageois ont aperçu un avionrouge et blanc qui a décrit des cerclesau-dessus de leur région trois joursdurant. Nul doute: il s'agissait duMarchetti de de Beuken qui recher-chait l'épave du ISINM.Si l'on en croit les Kurdes, De Bruin etFagnoul se seraient écrasés dans lavallée de Gelap sur les flancs de lamontagne Kunah Kutar.Mais cette région rjste inaccessiblejusqu'à la mi-avril, à cause des tem-pêtes de neige qui la balayent conti-nuellement, et l'équipe Laurent doitrevenir en Belgique sans avoir rienpu faire.Entre-temps deux autres amis desdisparus, Jean-Pierre Quodbach etJean Brutsaert, se sont égalementrendus à Téhéran pour alerter lapresse locale et pour distribuer desprospectus reproduisant des photosde Robby et de Roger. Mais on ne

. peut rien entreprendre avant la mi-avril, et les amis des pilotes disparusse mettent donc à organiser les pré-paratifs d'une expédition de prin-temps, tandis que les instances offi-cielles multiplient les démarches

confidentielles sous la menace cons-tante d'un incident diplomatique.

Les KurdesCar il n'y a pas que les "incidents", quisont. monnaie courante au Moyen-Orient entre Etats traditionnelle-ment hostiles, il faut encore tenircompte que la région où les deux pi.lotes se sont évanouis est le théâtred'une confrontation féroce entre l'Estet l'Ouest, et dont les manifestations,provisoirement, n'apparaissent en-core que sporadiquement dans lapresse. Tant en Iran qu'en Irak d'im-portantes concessions pétrolièrespeuvent se gagner ou se perdre et desrumeurs persistantes font état del'existence de riches gisements d'u-ranium dans la région frontière en-tre les deux pays. Et, enfin, c'est danscette même région que les Kurdesmènent leur guerre de libération etils ne vont pas tarder à réclamer uneaide militaire. Resta à savoir à qui ilsvont s'adresser: à l'Est, ou à l'Ouest?Le "front" de l'indépendance kurde setrouve provisoirement en territoireirakien, où les nomades, conduits par

Jacques Laurent (assis) qui, avec sonéquipe, sillonna le nord de /'Irak. De-bout sur la photo Guy Waeghenaere,trésorier de l'expédition.

Débris de l'avion qui s'écrasa avec lepilote italien à bord Au début oncroyait avoir retrouvé nos pilotes.

Sur cette carte la route de vol est indi-quée par un trait rouge et le triangie

=----'-'-°sTgmrnmcJrmr-orrtes ap eret s sesont abattus.

Barzani, un redoutable guérillero,mène la vie dure aux troupes de Kas-sem.Mais Barzani est _tout aussi craintpar Téhéran, Bagdad ou Ankara, caril existe des minorités kurdes impor-tantes dans ces trois pays, et si ellesse contentent momentanément deréclamer leur autonomie culturelleet administrative, rien ne dit qu'ellesne vont pas réclamer par la suite leregroupement de tous les Kurdes ausein d'un nouvel Etat indépendant.Dès lors, de par sa position inexpu-gnable au sein de montagnes inac-cessibles, la nouvelle entité ethnique,culturelle et géographique kurde de-viendrait une puissance militaire re-.doutable, une forteresse imprenableentre deux blocs ennemis. Il tombesous le sens que la diplomatie inter-nationale se préoccupe déjà de sa-voir qui, de l'Est ou de l'Ouest, saurase concilier les faveurs des maîtresde cette forteresse.

L'expédition de printempsLe printemps a commencé, la fontedes neige aussi dans les montagnesdu Kurdistan et,' en Belgique, une ex-pédition s'apprête à prendre le dé-part pour retrouver les corps de Fa-gnoul et de De Bruin.Cette expédition dispose de deuxjeeps 109,dont une tire une remorquede 400 kg. Elle se compose des mem-bres suivants: Jacques Laurent, 39ans, qui la dirige, Guy Waeghenaere,26 ans, instructeur au 1er Bataillonparachutiste et trésorier de l'expédi-

..Puis finalement arrive lemessage tant attendu: "Epa-ves retrouvées". De Bruin etFagnoul peuvent être rapa-triés. Dewinne vous racon-tera lui-même la semaineprochaine comment ce dé-nouement fut possible.

. tion, Nadia Leclère, 21 ans, GeorgeLeclère, 22 ans et Edmond Tuyls, 23ans, tous deux ex-paras de Diest,Marc Dandoy, 25 ans et Léon De Ba-cker, moniteur d'Alpinisme, à Mar-che-les-Dames et cuisinier à l'occa-sion.En sus de leur équipement normal lesmembres de l'expédition emportentquelques caisses de médicamentsdestinés aux Kurdes. Ces médica-ments, de même qu'une bonne partde l'équipement, proviennent de donset de collectes. La comité de Recher-che. n'a financié particulièrementl'expédition de Jacques Laurent.Ce qui attend l'expédition, c'est 6000km de routes où les tronçons en bonétat succéderont à de simples pistesavant qu'elle n'atteigne le Kurdistanvia Khaneh.Nawperdan. Mais il y aloin de la coupe aux lèvres et JacquesLaurent et Guy Waeghenaere vousraconteront les détails de leur aven-ture la semaine prochaine.

Une expédition scientifiqueMais il y avait encore une autreéquipe qui recherchait les pilotesi'Spa - .

On avait projeté depuis quelquetemps déjà d'envoyer une expéditionscientique dans les déserts d'Iran etqui serait placée sous les auspices dufond national de la recherche, de plu-sieurs universités belge et de la Dé-fense nationale. Mais la bénédictiondes autorités ne-pouvait ètre obtenuavant un remaniement ministériel.Ce fut l'ex-ministre de la Défense na-tionale, Vanden Boeynants, qui don-na finalement le feu vert à une expé-dition scientifique interdisciplinaireplacée sous la direction du profes-seur Misonne, un homme qui avaitderrière lui un bagage scientifiqueconsidérable.Les membres composant l'appui lo-gistique de l'expédition, étaient pla-cés sous la direction technique de Ri-chard Pétiniot. Il s'arrangea pouremprunter la route traversant lapartie iranienne du Kurdistan sur lechemin de leur retour en Belgique.Son but: participer aux recherches.Ce fut finalement par l'émetteur quedes radios-amateurs, en se relayant,firent parvenir au Major Jacquemartle message suivant: "Epave de DeBruin.Fagnoul retrouvé par un Kur-de".L'adjudant Dewinne, membre de cet-te expédition, vous racontera lui-même la semaine prochaine com-ment ce dénouement fut possible .:

La semaine prochaine:Les sauveteurs à la rescousse

Texte: P. TeigelerPhotos: Roger Dijckmans et Guy

Waeghenaere•