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AVERTISSEMENT Ce texte a été téléchargé depuis le site http://www.leproscenium.com Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraîne des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs. Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.

LES ENIGMES DU JAGUAR - Le Proscenium · coulisser un rideau ou bien faire rouler un pan de décor qui cache la cité et sur lequel est peinte la jungle. Public: tout public. Remarque:

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    Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe.

    Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori.

    Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraîne des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation.

    Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs.

    Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 2/37

    Les énigmes du jaguar

    Comédie historique et fantastique

    de Ann ROCARD

    Pour se donner des idées de décor de la jungle : http://www.youtube.com/watch?v=O5DFA6sYDLs Animaux dangereux de la jungle amazonienne :

    http://www.junglexplorer.net/animaux_1.htm

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 3/37

    Caractéristiques Durée approximative : 52’ + animation de la soirée en ville (musique, danses éventuelles...) de la scène 1 + la musique et les danses de la scène 12. Distribution : 7 acteurs minimum (qui endossent tous les rôles) / De préférence : de 10 acteurs à une classe entière. • 2 sœurs : Héloïse et Amandine (jeunes filles ou jeunes femmes françaises) • Soledad, la messagère du début (costume traditionnel ci-dessous — l’actrice peut aussi jouer un “bandit”, un animal sauvage, Antoinette ou Zia...) • Lucky Jones, archéologue américain (parle avec l’accent) ; il peut être vêtu comme un cowboy. • Indiana Lucke, 2e archéologue (il a un accent particulier, par ex. il roule les rrrr ; l’acteur peut aussi jouer un “bandit”, un animal...) • Le jaguar qui pose des énigmes. • Antoinette (l’actrice peut aussi jouer un “bandit”, un animal sauvage, etc. au choix) • Jose (prononcer José), le guide (l’actrice peut aussi jouer un ou une Amérindienne de la cité) • Zia, la vieille Amérindienne (l’actrice peut aussi jouer un “bandit”, un animal sauvage...) • Diego (prononcer Diégo), le chef des bandits (l’actrice peut aussi jouer un Amérindien, un animal sauvage...) • Plusieurs bandits : Carlos, Miguel, Rodrigo... (répartir le texte en fonction des acteurs disponibles) • Hatoun Rouna (prononcer le H aspiré), le chef de la tribu (l’actrice peut aussi jouer un “bandit”, un animal sauvage...) • Plusieurs Amérindiens de la tribu. (répartir le texte en fonction des acteurs disponibles) • Figurants éventuels : Péruviens habitant la petite ville au début de l’histoire, passants, musiciens, danseuses... (joués par les acteurs qui n’interviennent que plus tard) / Animaux diurnes et nocturnes.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 4/37

    “Personnages” qui jouent en même temps : • Héloïse, Amandine, Soledad et les habitants de la ville (les bandits peuvent aussi être présents scène 1). Pour les Amérindiens (quand ils ne parlent pas et se contentent d’observer) et pour les animaux diurnes et nocturnes qui déambulent dans la jungle, je ne le précise pas à chaque fois : • Héloïse, Amandine, le guide, le jaguar. • Héloïse, Amandine, le guide, les bandits. • Héloïse, Amandine, le guide, Lucky Jones. • Héloïse, Amandine, le jaguar, Lucky Jones, Indiana, les Amérindiens, Antoinette. Accessoires : Bouteille avec papier à l’intérieur, sacs (contenant couvertures, toile “de tente”, récipient pour l’eau, galette de maïs, couteau, corde), machette, couteaux, corde, lances, énorme mygale suspendue par un fil à une baguette (qu’un accessoiriste peut faire bouger à distance), énorme serpent (boudin en tissu, relié à une baguette au moyen d’un fil de nylon qu’un accessoiriste manipule), une toile à suspendre pour la tente, 2 longs serpents en plastique bien imités, 2 lampes à pétrole (ou lanternes) avec une petite lampe de poche à l’intérieur, banc pour le trucage du piège, 2 cordes pour le piège, trône du chef de la tribu, petit flacon de Zia. Costumes : 19e siècle ou début 20e siècle. Costume du jaguar : très important. Costumes des Amérindiens (Incas). Costumes des animaux de la jungle (ou accessoiristes vêtus de noir qui manipulent des silhouettes, marionnettes ou autres). Décor : • Au premier plan : lisère de la forêt. • Deuxième plan : jungle. Végétation très importante dont des arbres en 2 ou 3 dimensions derrière lesquels acteurs et animaux peuvent se cacher et déambuler. Endroit pour suspendre la toile de tente. Rideau ou arbres qui dissimulent le banc avec les 2 cordes pour le piège. • Troisième plan : cité peinte sur le mur au fond de la scène. On doit pouvoir faire coulisser un rideau ou bien faire rouler un pan de décor qui cache la cité et sur lequel est peinte la jungle. Public : tout public. Remarque : Pièce écrite à la demande de la compagnie Lune et lʼAutre de Pontivy (Bretagne). Synopsis : Au 19e siècle, des ethnologues français sont partis en expédition dans la forêt amazonienne et ne sont pas revenus. Six mois plus tard, un message est remis à leurs deux filles ; leur mère est peut-être encore en vie. Héloïse et Amandine Leroy partent à sa recherche. De nombreux dangers les guettent. Et l’on raconte qu’un jaguar pose d’étranges énigmes et qu’une cité inca se cache encore au cœur de la jungle... L’auteure peut être contactée par courriel : [email protected] - ou par l’intermédiaire de son site : http:/www.annrocard.com/

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 5/37

    Scène 1 Dans la salle

    (Soledad, Héloïse, Amandine,

    passants éventuels, 2 musiciens, Maria, Camilia, Rosa, Diego, Carlos, Rodrigo, Miguel)

    Musique péruvienne.

    Ex. El Condor pasa : http://www.youtube.com/watch?v=x1OWlWpETkw http://www.youtube.com/watch?v=GSwu8-ohoWs

    http://www.youtube.com/watch?v=eAEAwgz8k3U http://www.youtube.com/watch?v=ULQV3PqxKhw

    http://www.youtube.com/watch?v=U0VQRCzNEWY

    Eclairage nuit (en ville, le soir). Les acteurs, qui ne jouent que plus tard, peuvent se costumer en Péruviens (importance des costumes, voir les liens vers youtube et sur la page “catactéristiques”) et marcher dans la salle (comme en ville), se saluer, faire semblant de se parler, jouer de la musique (flûte et guitare comme dans la mélodie), danses... ce qui produirait une animation de soirée. Les bandits et Jose sont aussi présents. + musiciens et danseuses (donc tous les acteurs sont présents au début). Passage facultatif :

    MUSICIEN 1 : Olla, Maria ! MUSICIEN 2 : Olla, Camilia ! Olla, Rosa ! Maria arrive avec Camilia et Rosa. MARIA : (aguicheuse) Olla ! CAMILIA et ROSA : Olla ! CAMILIA : On danse ? ROSA : Oh, oui ! MUSICIEN 2 : On ne peut pas danser et jouer en même temps. Moi, de toute façon, je danse comme un pied. MARIA : Allez ! Un effort, les garçons ! ROSA : Quelque chose de langoureux ! CAMILIA : Non, un petit air rapide ! MARIA : Dépêchez-vous un peu ! MUSICIEN 1 : Ce que vous êtes exigeantes ! On ne peut pas aller plus vite que la musique... MUSICIEN 2 : (montre Diego) Tiens, voilà Diego. C’est un bon danseur, lui ! CAMILIA : Je ne l’aime pas trop, ce Diego.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 6/37

    ROSA : Je parie qu’il prépare encore un mauvais coup... MUSICIEN 1 : Ce sont les mauvaises langues qui disent ça. MUSICIEN 2 : Ce n’est pas un mauvais bougre. MARIA : En tout cas, ça ne l’empêche pas de danser... (en minaudant) merveilleusement ! Et moi, non plus, d’ailleurs. (Maria appelle Diego) Eho ! Les musiciens commencent à jouer. Diego se rapproche. DIEGO : (dragueur) Olla, Maria ! Toujours aussi jolie, nom d’un puma ! MARIA : (en minaudant) Olla, Diego ! Toujours aussi charmeur ! DIEGO : (sans même regarder Camilia) Olla, Rosa ! Olla, Camilia ! CAMILIA et ROSA : Olla ! CAMILIA : (à Rosa) Toujours aussi goujat, celui-là... ROSA : (à Camilia) Maria ferait mieux de se méfier de lui et de son puma... DIEGO : (aux musiciens) Olla, les gars ! Vous nous jouez une petite chanson d’amour ? J’ai les jambes en compote... (insister sur compote qui renvoie aux blagues de Carlos, Miguel et Rodrigo) Ce doit être l’atmosphère de la ville qui déteint sur moi... MARIA : Oh, non, Diego ! J’adore cet air-là ! DIEGO : (dragueur) C’est bien pour te faire plaisir, Maria... (en accentuant encore plus son air dragueur ridicule) Nom d’un puma ! Maria, Diego, Camilia se mettent à danser, pendant que Carlos, Miguel et Rodrigo déambulent dans la salle, les mains dans les poches. CARLOS : Qu’est-ce qu’on s’embête dans cette ville (insiste sur le mot :) paumée ! MIGUEL : Paumée ? C’est comme une pomme, Carlos ? CARLOS : Mais non, Miguel ! MIGUEL : Je disais ça pour rigoler, pour mettre de l’ambiance. (pouffe de rire) Hein, Rodrigo ? RODRIGO : Ben, oui ! (pouffe de rire) C’est une ville (insiste sur le mot :) paumée, pleine de pépés et de (insiste sur le mot :) pépins. CARLOS : (en riant) Excuse ! Elle est bien bonne ! Pleine de pépés et de pépins ! RODRIGO : Il faudrait qu’on trouve un boulot. MIGUEL : Les pépins, ça ne nourrit pas son homme... RODRIGO : Les pépés non plus... surtout quand ils marchent avec une canne ! CARLOS : De vrais canards boiteux ! Carlos, Miguel et Rodrigo rient comme des gamins.

    MIGUEL : On va danser ? CARLOS : Pourquoi pas ! RODRIGO : Danser dans une ville paumée... sans se faire avoir jusqu’au... CARLOS, MIGUEL, RODRIGO : Trognon !

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 7/37

    Tous trois rient en rejoignant les danseurs et musiciens. Danse.

    *** Soledad arrive du fond de la salle, une bouteille à la main (contenant une feuille de papier). Peu à peu, les passants s’éloignent et disparaissent.

    Soledad s’arrête à un endroit de la salle et frappe à la porte. Héloïse apparaît. Héloïse et Amandine portent des costumes européens du 19e siècle ou tout début 20e. Soledad un costume péruvien traditionnel. HÉLOÏSE : Oui. Qu’est-ce que c’est ? SOLEDAD : Bonjour. HÉLOÏSE : Bonjour. SOLEDAD : Vous êtes bien Amandine ou Héloïse Leroy ? HÉLOÏSE : Héloïse Leroy. Oui, c’est moi. SOLEDAD : J’ai quelque chose à remettre à Amandine et Héloïse Leroy. HÉLOÏSE : Ah ? SOLEDAD : Amandine Leroy est-elle là ? HÉLOÏSE : Oui. C’est ma sœur. Je l’appelle. (se retourne vers la sortie et appelle) Amandine ! Tu peux venir ? Amandine apparaît.

    AMANDINE : Qu’y a-t-il ? HÉLOÏSE : Cette dame veut nous donner quelque chose. AMANDINE : Bonjour. SOLEDAD : Bonjour. Je suis Soldedad Perero (prononcer Péréro). Mon mari a trouvé cette bouteille qui flottait près de la rive du fleuve. (montre la bouteille) AMANDINE : Une bouteille à la mer ? SOLEDAD : Non, une bouteille à la rivière. Mon mari l’a ouverte. (ouvre la bouteille) Il en a sorti ce papier. Lui ne sait pas lire, moi si. Il y a vos noms et votre adresse. HÉLOÏSE : Nos noms ? SOLEDAD : Oui. Je connais un guide qui pourra vous conduire dans la jungle en suivant le cours de la rivière. Elle n’est pas praticable, il ne pourra pas vous emmener dans sa pirogue. AMANDINE : Pas question d’aller dans la jungle. Nous devons rentrer en Europe la semaine prochaine. HÉLOÏSE : Enfin, de quoi parlez-vous ? SOLEDAD : (sort la feuille de papier sur laquelle des mots sont écrits, et la leur donne) Tenez. Lisez. HÉLOÏSE : (prend la feuille et sursaute) C’est l’écriture de maman.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 8/37

    AMANDINE : Hein ? C’est impossible. (à Soledad) Nos parents, Ernest et Antoinette Leroy, ont disparu il y a six mois. Ils faisaient partie d’une expédition qui n’est jamais revenue. HÉLOÏSE : Hélas, ils sont sûrement morts. (un temps de silence) Ils étaient ethnologues. SOLEDAD : (ne comprend pas) Ethnologues ? HÉLOÏSE : Ils étaient partis dans la jungle pour rencontrer certaines tribus et comprendre leur mode de vie. SOLEDAD : Ah, oui... Cette expédition-là, on en a beaucoup parlé en ville. On n’a revu personne. Pas même les guides et les porteurs. La jungle est dangereuse. AMANDINE : (en montrant la feuille) Ouvre, Héloïse ! Ce doit être une mauvaise farce. HÉLOÏSE : (lit le message à voix haute) Mes fleurs chéries... AMANDINE : (sursaute) Mes fleurs chéries ? C’est écrit “fleurs” ? (Héloïse approuve de la tête — à Soledad) C’est ainsi que maman nous surnommait. SOLEDAD : Lisez la suite. HÉLOÏSE : (lit) Votre père est mort. Toute l’expédition a été décimée par une maladie terrible. SOLEDAD : Hélas. HÉLOÏSE : (lit) Je suis la seule survivante. Je n’arrive pas à retrouver mon chemin. Comment sortir de cette jungle ? Je n’ai plus la force de suivre ce cours d’eau que j’ai atteint hier. Alors je glisse ce message dans une bouteille que j’avais emportée... On ne sait jamais. Elle vous parviendra peut-être. Je vous embrasse. Je vous aime. AMANDINE : Maman est vivante. SOLEDAD : (secoue la tête) La bouteille vous est parvenue, mais elle a sûrement mis beaucoup de temps. AMANDINE : Six mois ou bien moins... SOLEDAD : Si votre mère a survécu, vous avez une chance infime de la retrouver. Il faut la tenter. AMANDINE : Vous connaissez un guide fiable ? SOLEDAD : Oui, un de mes cousins. Jose (prononcer José) ; il a besoin d’argent. AMANDINE : Nous en avons. SOLEDAD : Par contre, après ce qu’il s’est passé, vous ne trouverez aucun porteur qui veuille vous accompagner loin dans la jungle. Il vous faudra emporter le moins de choses possible. HÉLOÏSE : Quand Jose pourrait-il partir ? SOLEDAD : Demain matin. AMANDINE : Déjà ? SOLEDAD : Chaque instant compte. HÉLOÏSE : Vous avez raison.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 9/37

    SOLEDAD : Je vais le prévenir. Il viendra vous chercher au lever du jour. Je vous souhaite bonne chance. AMANDINE : Merci, Soledad. HÉLOÏSE : Merci. SOLEDAD : Au revoir. HÉLOÏSE et AMANDINE : Au revoir. Musique. Soledad s’en va dans la salle et disparaît. Héloïse et Amandine disparaissent également. Noir.

    Scène 2

    Dans la salle

    (Jose, Héloïse, Amandine)

    Musique. Le jour se lève tandis que Jose arrive du fond de la salle et va frapper à la porte d’Héloïse et Amandine (comme précédemment dans la salle). Les deux sœurs apparaissent sur seuil, prêtes pour le voyage. Elles suivent José dans la salle, puis tous trois s’arrêtent au pied de la scène.

    JOSE : Vous devez être fatiguées. AMANDINE : Oui. Ça fait au moins quatre heures que nous marchons. JOSE : Reposez-vous un peu. (montre le bord de la scène) Voici la lisière de la jungle. Il faudra que vous restiez bien derrière moi. HÉLOÏSE : C’est dangereux ? JOSE : Couci couça. AMANDINE : C’est-à-dire ? JOSE : Regardez où vous mettez les pieds. Et ne prenez pas un serpent pour une liane. Le yacumama, lui, ne passe pas inaperçu. HÉLOÏSE : Qu’est-ce que c’est ? JOSE : L’anaconda vert. 6 mètres en général, mais il peut mesurer beaucoup plus. Le sachamama, c’est le boa constrictor. Il s’enroule autour de ses proies pour les étouffer... puis il les dévore vivantes. Héloïse et Amandine poussent un cri.

    AMANDINE : J’en ai des frissons dans le dos. HÉLOÏSE : Vous avez encore d’autres horreurs à nous raconter ? JOSE : Je peux vous parler du serpent corail, du serpent liane... AMANDINE : Stop ! JOSE : On fait demi-tour ? HÉLOÏSE : Non. Allons-y.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 10/37

    JOSE : Buvons d’abord un peu d’eau et mangeons une galette de maïs. Nous ne nous arrêterons qu’avant la tombée de la nuit. Musique. Héloïse ou Amandine sort de son sac un récipient contenant de l’eau. Jose partage la galette. Tous trois boivent et mangent un peu. JOSE : Il faut y aller maintenant. Le temps passe vite. Attention, là, il va falloir grimper un peu. Musique. Héloïse et Amandine approuvent de la tête, rangent leurs affaires, puis suivent Jose qui commence à monter sur scène.

    Scène 3 Sur scène, en haut de l’escalier

    (Jose, Héloïse, Amandine, jaguar)

    Musique. Tous trois montent sur scène et marchent lentement en regardant par terre, sur les côtés, vers le haut... mais pas derrière. Ils ne voient pas le jaguar qui les suit discrètement. HÉLOÏSE : (inquiète) Je sens une présence... AMANDINE : Ma sœur est très intuitive. JOSE : Une seule présence ? Il y en a des centaines... Des petites et des grosses ! Les petites sont parfois redoutables. Je peux vous parler des scorpions, des mygales... HÉLOÏSE : Stop ! JOSE : Encore : stop ? AMANDINE : Arrêtez de nous effrayer de la sorte ! JOSE : C’est pour votre bien. Il vaut mieux prévenir que guérir, comme disait mon vieil oncle. HÉLOÏSE : Il n’empêche que je sens une présence étrange. Pas dangereuse... mais étrange ! JOSE : Vous avez beaucoup d’imagination. AMANDINE : Moi aussi, j’ai de l’imagination. Pourtant je ne sens rien. JOSE : (renifle) Moi, non plus, mais ça ne veut rien dire, j’ai le nez bouché. Le jaguar disparaît dans les coulisses. HÉLOÏSE : (met les mains sur ses tempes et se concentre) L’être étrange s’éloigne. AMANDINE : Un être ? Quel être ? HÉLOÏSE : (idem) Un être bizarre dans le corps d’un animal. JOSE : (discrètement à Amandine) Votre sœur ne serait pas un peu dérangée par hasard ? Une mygale qui lui grignote le cerveau ? AMANDINE : (à Jose) Absolument pas. HÉLOÏSE : (idem) Retournons-nous.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 11/37

    AMANDINE : Elle nous dit de nous retourner. JOSE : J’avais compris. Je ne suis pas bouché à ce point-là. Tous trois se retournent.

    JOSE : Et alors ? Que doit-il se passer théoriquement ? HÉLOÏSE : (en montrant les coulisses) Il est là. AMANDINE : Qui ? JAGUAR : (apparaît) Moi. Les trois autres sursautent et marchent lentement à reculons. JOSE : Aaah ! Le Jaguar avec un grand J ! Je croyais que c’était une légende... Nous sommes perdus. AMANDINE : Il va nous dévorer ? JOSE : Si nous ne savons pas répondre à ses questions, oui. Personne n’a jamais su y répondre... Aaah ! Pauvres de nous. Le jaguar est un animal nocturne, mais celui-là n’est pas normal. On le rencontre jour et nuit, d’après la légende. Aaah ! Pauvres, pauvres de nous... JAGUAR : Arrête de parler pour ne rien dire, Jose ! JOSE : Aaah ! Il connaît mon nom. Aaah ! C’est la fin des haricots... JAGUAR : (à Amandine et Héloïse) Il ne vous agace pas un peu ? HÉLOÏSE et AMANDINE : (effrayées) Non... Si... JAGUAR : Je me présente : Hanaqpacha. JOSE : Ce qui signifie “ciel” en langage quechua. JAGUAR : Exactement. Car je viens du ciel. Peut-être connaissez-vous mon proche parent, le sphinx ? HÉLOÏSE : C’est une sorte de papillon... JAGUAR : Pas ce sphinx-là. Mais la créature fantastique au buste de femme et au corps de lion. JOSE : (se ronge les ongles) Jamais entendu parler d’un monstre pareil... JAGUAR : Pas d’injure, Jose ! C’est le plus connu de notre famille. Depuis la nuit des temps, nous posons des questions... Telle est notre destinée. AMANDINE : (l’interrompt) Je suis désolée de vous interrompre, mais nous sommes pressés. JOSE : (au public) Elle n’est pas courageuse ; elle est téméraire. C’est ce qui s’appelle se jeter dans la gueule du loup... ou plutôt du jaguar. HÉLOÏSE : Nous vous disons donc adieu et poursuivons notre voyage. Héloïse et Amandine commencent à s’éloigner.

    JOSE : (se ronge les ongles) Aïe, aïe, aïe... Je parie que la situation va d’envenimer. JAGUAR : (voix terrible) On ne bouge pas ! Quand Hanaqpacha ordonne, on obéit. Héloïse et Amandine s’immobilisent.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 12/37

    JOSE : (idem) Pari gagné. JAGUAR : On ne passe pas ! HÉLOÏSE : Nous sommes à la recherche de notre mère. AMANDINE : Si elle vit encore, elle se trouve quelque part dans la jungle. HÉLOÏSE : Je suis sûre que vous pourriez nous aider. JAGUAR : (offusqué) Moi ? Le grand, le merveilleux, le formidable Hanaqpacha ? AMANDINE : Evidemment. De qui croyez-vous qu’on parle ? JAGUAR : Ce n’est pas mon rôle de vous aider. Je dois vous poser une énigme et si vous y répondez correctement, vous pourrez passer. HÉLOÏSE : Vous êtes démodé, monsieur Hanaqpapa... JAGUAR : (articule en roulant des yeux) Hanaqpacha ! AMANDINE : Les sphinx et compagnie n’existent plus depuis l’Antiquité. JAGUAR : Erreur ! Je pense donc je suis. (se tourne vers Jose) N’est-ce pas, Jose ? JOSE : Moi, je ne pense pas... Faites comme si je m’étais évaporé... Je reste en dehors du débat... HÉLOÏSE : (à Jose — outrée :) Vous êtes vraiment lâche ! JOSE : Moi, lâche ? Pas du tout. Je suis juste lucide. Et je vais essayer de prendre la tangente dès que je le pourrai. JAGUAR : (à Jose — avec une voix terrible) On ne s’enfuit pas ! Et maintenant, taisez-vous, tous ! Ecoutez ma question... Si vous refusez de répondre ou si votre réponse est fausse, je vous éliminerai grâce à mes griffes acérées. AMANDINE : Vous nous mangerez ? HÉLOÏSE : Méfiez-vous ! Nous sommes difficiles à digérer. JAGUAR : (rit avec une voix terrible) Ah, ah, ah ! Vous manger ? Absolument pas. Je suis végétarien, mes jolies. Telle est ma destinée. A présent, écoutez ma question ! Je ne la répéterai pas deux fois. AMANDINE : (à Jose) Il n’a pas l’air de plaisanter... Jose gémit et fait non de la tête. HÉLOÏSE : (au jaguar) Accélérez un peu. Nous n’avons pas que ça à faire. JAGUAR : GRRRRRR ! HÉLOÏSE : Drôle de question. AMANDINE : (discrètement à Héloïse) N’en rajoute pas, Héloïse. Nous risquons notre vie. HÉLOÏSE : (se concentre, les mains sur les temps, et dit discrètement à Amandine :) J’ai l’intuition que nous n’avons rien à craindre. 90% de réussite. AMANDINE : (idem) Ce qui fait 10% d’échecs... C’est beaucoup.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 13/37

    JAGUAR : Silence ! (croise les bras et plisse les yeux) Quel être, pourvu d’une seule voix, a d’abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ? HÉLOÏSE : Ce n’est pas plus compliqué que ça ? Jose hallucine, son regard allant de l’une à l’autre.

    AMANDINE : Vous posez tous la même question dans votre famille ? JOSE : (se ronge les ongles) Elles sont folles, elles sont complètement folles. JAGUAR : (gronde en montrant ses griffes) Quelle est la réponse ? Jose tremble comme une feuille, puis il écoute la suite en écarquillant les yeux.

    AMANDINE : L’homme bien sûr. Quand il est petit, il marche à quatre pattes. Puis il se déplace sur ses deux jambes. Et enfin, quand il est vieux, il s’appuie sur une cane ou un bâton. HÉLOÏSE : Bien trop facile, monsieur Hanaqpacha. JAGUAR : C’est la première fois que quelqu’un parvient me à répondre. Seriez-vous des devins ? AMANDINE : (hausse les épaules) Pas du tout. Mais nous lisons beaucoup et nous avons été à l’école. HÉLOÏSE : Vous devriez changer d’énigme ; elle est archi-connue. Votre cousin le sphinx aurait dû vous prévenir. Parole d’Œdipe ! JAGUAR : (fronce un sourcil) Œdipe ? Un ami à vous ? AMANDINE : En quelque sorte. JAGUAR : (fait un geste et une moue pour dire : “Aucune importance”) Je suis beau joueur. Vous pouvez y aller. Bon voyage ! JOSE : (n’en revient pas) Bon voyage ? (se débouche les oreilles) Il a dit : bon voyage ? JAGUAR : Hanaqpacha n’a qu’une parole. Adieu ! Le jaguar s’éloigne et disparaît dans les coulisses.

    JOSE : (en riant comme un fou) Sauvés ! Hi hi hi hi... On est sauvés ! Oh, oh, oh, oh... On est sauvés ! (au public en prenant soudain un air inquiet) Peut-être, peut-être pas... Musique angoissante. Jose et les deux sœurs reprennent leur marche dans la jungle, puis disparaissent dans les coulisses.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 14/37

    Scène 4 Sur scène, dans la jungle

    (animaux sauvages diurnes, bandits, Jose, Héloïse, Amandine)

    Musique + cris d’animaux. Jose et les deux sœurs marchent dans la jungle, puis disparaissent dans les coulisses. Des animaux sauvages apparaissent et déambulent : singes (ex. singe laineux), puma, serpents (ex. anaconda), toucan...

    Puis Diego arrive à pas lents.

    DIEGO : L’expédition est passée par là. Elle ne doit plus être très loin. (se retourne, écarquille les yeux, puis appelle) Nom d’un puma ! Carlos ! Miguel ! Rodrigo ! On entend des rires. DIEGO : Qu’est-ce qu’ils fabriquent ? (appelle) Carlos ! Miguel ! Rodrigo ! Carlos, Miguel et Rodrigo arrivent sur scène en riant. CARLOS : Tu nous as appelés, chef ? MIGUEL : (en montrant Carlos) Carlos vient de nous en raconter une bien bonne. (rit) RODRIGO : (rit) Une histoire de toucan qui est tombé sur un bec ! (rit en mimant le bec du toucan) DIEGO : (furieux) Mais qui m’a fichu des zigotos pareils ? CARLOS : C’est toi, chef, qui nous as contactés. MIGUEL : (jeu de sonorités — il articule rapidement :) En tout cas, le toucan a tout concassé ! C’est cocasse ! (rit) CARLOS et RODRIGO : (idem) En tout cas, le toucan a tout concassé ! C’est cocasse ! Carlos, Miguel et Rodrigo sont pliés de rire. DIEGO : (crie) Allez-vous vous taire, oui ou non ? Les bandits se mettent au garde-à-vous. CARLOS, DIEGO, RODRIGO : Oui, chef ! DIEGO : Vous savez pourquoi on est ici ? (les bandits font oui de la tête) Rodrigo ? RODRIGO : On a une mission. DIEGO : Laquelle, Miguel ? MIGUEL : On doit kidnapper les deux Françaises.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 15/37

    DIEGO : Pourquoi, Carlos ? CARLOS : Pour les échanger contre une petite fortune. RODRIGO : Tu es sûr qu’elles sont riches, chef ? DIEGO : Il n’y a qu’à regarder leur maison, leurs vêtements. CARLOS : Vous avez raison, chef. MIGUEL : On aurait pu les kidnapper en ville, ça nous aurait évité d’attraper des ampoules et de venir dans la jungle. DIEGO : Trop risqué, Miguel. Ça tombe bien qu’elles aient voulu partir en exploration... et qu’on s’en soit rendu compte à temps. RODRIGO : Bien parlé, chef. CARLOS : Tu as retrouvé leur trace ? DIEGO : Ouais. (montre les coulisses où Jose et les deux sœurs ont disparu) Avec le guide, elles sont parties par là. (commence à marcher dans la direction indiquée) MIGUEL : (à Carlos et Rodrigo) Il est super intelligent, le chef Diego. RODRIGO : (en riant — à Carlos et Miguel) Diego, ça ressemble à Dingo, non ? Les bandits pouffent de rire. DIEGO : (se retourne en roulant des yeux ronds) Nom d’un puma ! Qu’est-ce qui vous fait encore rire ? CARLOS : Rien, chef. MIGUEL : Un cancan de toucan... DIEGO : Taisez-vous, bande d’abrutis ! RODRIGO : Oui, chef ! Musique. Diego et les autres bandits disparaissent dans les coulisses.

    Jose, suivi des deux sœurs, reviennent par l’autre côté. JOSE : J’ai l’impression qu’on est revenus sur nos pas, à cause du ravin. (soupire) Ffff... Ce serait plus simple de pouvoir longer la rivière. HÉLOÏSE : (inquiète) Je sens une présence... JOSE : Ah, non ! Pas encore ce jaguar de malheur ! HÉLOÏSE : (se concentre) Non, pas le cousin du sphinx... AMANDINE : Un puma ? Des singes ? JOSE : Ils pullulent dans la forêt. HÉLOÏSE : (idem) Des hommes... JOSE : Des hommes ? Il y a plusieurs tribus qui vivent dans la jungle. Je peux vous en parler si vous voulez. AMANDINE : Ce n’est pas le moment, Jose. JOSE : Dommage. C’est passionnant. HÉLOÏSE : (idem) Non, ce sont des hommes de la ville. Ils approchent...

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 16/37

    AMANDINE : (à Jose) Ils sont peut-être dangereux. Etes-vous armé ? JOSE : J’ai une machette et un couteau. Toujours utile pour couper les lianes et le reste. HÉLOÏSE : (idem) Ces hommes ont de mauvaises intentions... Je le sens... AMANDINE : Si ma sœur le sent, c’est forcément vrai. Jose prend sa machette et donne son couteau à Amandine. JOSE : (panique) Moi, je voulais juste vous accompagner. Je n’ai aucune envie de me faire trucider. Musique terrible. Les bandits arrivent. Amandine, Héloïse et Jose poussent des cris, et essaient de se défendre comme ils peuvent. Amandine et Héloïse sont rapidement attachées à un arbre au moyen d’une corde. Jose se bat désespérément et finit par se faire tuer. Diego se frotte les mains, les bandits l’imitent. CARLOS, MIGUEL, RODRIGO : Mission accomplie, chef ! DIEGO : Le guide ? CARLOS : Il est mort, chef. MIGUEL : Il s’est bien défendu. RODRIGO : Je le connais, chef. C’est le cousin de la femme du cousin de la femme de mon cousin. DIEGO : (à Rodrigo) Tais-toi ! Je n’en ai rien à faire. RODRIGO : Oui, chef. HÉLOÏSE : (horrifiée) Jose est mort ? AMANDINE : Vous êtes des monstres ! DIEGO : (aux deux sœurs) Silence ou je vous remplis la bouche avec de la boue. CARLOS : (grimace) Ça ne doit pas être très bon. DIEGO : (à Carlos) Tais-toi ou je te coupe la langue. CARLOS : Oui, chef. AMANDINE : Qu’allez-vous faire de nous ? DIEGO : Vous libérer en échange de beaucoup d’argent. HÉLOÏSE : Vous allez être déçus. AMANDINE : Nous n’en avons pas tant que ça. DIEGO : Je ne vous crois pas. Et je saurai vous faire parler ! CARLOS, MIGUEL, RODRIGO : Nous, aussi. N’est-ce pas, chef ? DIEGO : (montre le guide, toujours immobile par terre) Embarquez-le ! CARLOS, MIGUEL, RODRIGO : Oui, chef ! Musique. Les bandits emportent Jose dans les coulisses. Diego s’immobilise, dos au public, face aux deux sœurs prisonnières. Des animaux déambulent discrètement dans la jungle.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 17/37

    Scène 5

    Sur scène, dans la jungle — et dans la salle

    (Héloïse, Amandine, Lucky, bandits)

    Musique particulière pour l’arrivée de Lucky qui apparaît au fond de la salle qu’il traverse à grands pas. Il s’arrête au pied de la scène.

    LUCKY : (parle avec un accent américain — au public) La cité perdue que je recherche depuis des mois doit se trouver dans cette partie de la jungle. Je vais la découvrir. Yes, I can. Yes, I can. Yes, I can. Lucky monte sur scène et marche dans la jungle (à l’opposé de l’endroit où les deux sœurs sont prisonnières). LUCKY : Dans une semaine maximum, ce sera chose faite. Et je retournerai au Texas pour me faire acclamer. Yes, I do. Yes, I do. Yes, I do. Lucky marche en regardant le sol.

    LUCKY : Oh, oh... Des traces de pas très récentes. Il y a du monde qui est passé par là. Au moins sept personnes différentes... Ceci est très bizarroïde, isn’t it ? Lucky disparaît entre les arbres, puis réapparaît non loin de l’endroit où les deux sœurs se trouvent.

    LUCKY : (discrètement) Oh, my God ! Deux femmes ficelées comme des saucissons. Je réfléchis, j’analyse et je conclus : il y a un big problème. Carlos, Miguel et Rodrigo reviennent en riant. DIEGO : Vous en avez mis du temps ! CARLOS : (en se frottant les mains sadiquement) On va les faire parler maintenant, chef ? DIEGO : Ouais. MIGUEL : C’est moi le prem’s ! RODRIGO : Non, c’est moi ! LUCKY : (au public) Que fait un héros dans un cas pareil ? Il fonce dans le tas. (pousse un grand cri en brandissant son long couteau... en plastique !) AAAAAAAAAAh ! Les bandits sursautent, regardent partout et montrent Lucky qui fonce vers eux. CARLOS : Chef, ce n’est pas juste ! On nous attaque par surprise. Les bandits (Diego aussi) courent dans tous les sens, poursuivis par Lucky. DIEGO : Défendez-vous, tas d’abrutis ! MIGUEL : C’est ce qu’on fait, chef ! CARLOS : On le fait courir avant de lui sauter dessus ! RODRIGO : Mais on n’a pas eu le temps de sortir nos armes. DIEGO : Nom d’un puma ! Réagissez !

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 18/37

    Musique et bruitages pendant que les combattants poussent des cris. Combat : Lucky élimine les bandits l’un après l’autre. Ils tombent sur le sol et roulent vers les coulisses.

    Après le combat, Lucky époussette son costume et range son arme. HÉLOÏSE : Merci ! Vous nous sauvez la vie ! AMANDINE : Bravo ! Vous êtes un héros. LUCKY : (au public) J’aime qu’on me dise que je suis un héros. It’s very pleasant. (aux sœurs) Je n’ai fait que mon devoir. Yes, I do. Yes, I do. Yes, I do. HÉLOÏSE : Si vous étiez arrivé plus tôt, vous auriez aussi sauvé notre guide. AMANDINE : Hélas, il a été lâchement assassiné. LUCKY : Sorry. On ne peut pas être parfois à la fois. Maintenant, je vous laisse. J’ai une cité perdue à retrouver. AMANDINE : Vous n’oubliez rien ? LUCKY : No. HÉLOÏSE : Vous ne nous libérez pas ? LUCKY : Oh, yes ! (les détache) Ils vous ont bien saucissonnées, mesdemoiselles. Why ? HÉLOÏSE : Pour nous soutirer tout l’argent que nous avons. LUCKY : My God ! Il n’y a plus de moralité. AMANDINE : Nous pourrions nous présenter. LUCKY : It’s a good idea. AMANDINE : Amandine Leroy. Et ma sœur... HÉLOÏSE : Héloïse Leroy. LUCKY : Leroy comme les ethnologues qui ont disparu ? HÉLOÏSE : Nos parents. LUCKY : Toutes mes condoléances. AMANDINE : Merci. Mais nous recherchons notre mère qui est peut-être encore vivante. Pourriez-vous nous accompagner ? LUCKY : J’ai autre chose à faire. HÉLOÏSE : Vous êtes un héros, n’est-ce pas ? LUCKY : Yes, I am. Yes, I am. Yes, I am. HÉLOÏSE : Un héros n’abandonnerait pas deux jeunes femmes en pleine jungle, monsieur... ? LUCKY : Jones. Lucky Jones. Je suis archéologue et je viens du Texas, U.S.A. AMANDINE : Alors, monsieur Jones ? LUCKY : Appelez-moi Lucky. HÉLOÏSE : Vous allez nous aider, Lucky ?

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 19/37

    LUCKY : Yes, I do. Yes, I do. Yes, I do. Les deux sœurs lui font en même temps une bise sur la joue, et Lucky regarde le public en écarquillant les yeux. Musique. Tous trois se mettent en route et disparaissent dans la jungle. Des animaux déambulent entre les arbres.

    Scène 6 Dans la jungle — jour

    (Héloïse, Amandine, Lucky, jaguar)

    Autre musique. On voit passer des Amérindiens de la tribu (qui avancent sur la pointe des pieds, une lance à la main) et quelques animaux diurnes... qui ensuite disparaissent. Entre le jaguar qui s’arrête au milieu de la scène et reste immobile. Lucky et les deux sœurs réapparaissent. Lucky sursaute et montre le jaguar. LUCKY : Chut ! Un jaguar. It’s very dangerous. HÉLOÏSE : Dites plutôt Le Jaguar. AMANDINE : Un proche parent du sphinx. LUCKY : Hein ? AMANDINE : Il pose des devinettes. HÉLOÏSE : (en souriant) Et vlan ! Un coup de griffe si l’on ne sait pas répondre. LUCKY : Ça ne vous fait ni chaud ni froid ? HÉLOÏSE : On le connaît. AMANDINE : On sait l’amadouer. LUCKY : Amadouer ? Vous êtes douées ! Moi, aussi. Yes, I am. Yes, I am. Yes, I am. Les deux sœurs avancent vers le jaguar. Lucky reste en retrait.

    JAGUAR : On ne passe pas. AMANDINE : Rebonjour, Hanaqpacha. JAGUAR : Encore vous ? HÉLOÏSE : Eh, oui. JAGUAR : (montre Lucky) Jose s’est métamorphosé ? HÉLOÏSE : Non, le pauvre Jose a été tué par des bandits. C’est affreux. AMANDINE : (montre Lucky) Cet homme qui nous a sauvé la vie. LUCKY : Jones. Lucky Jones. Je suis archéologue et je viens du Texas, U.S.A. J’accompagne ces jeunes personnes qui... JAGUAR : (l’interrompt) On ne passe pas. Je ne le dirai pas une troisième fois. AMANDINE : On a déjà répondu à votre devinette. JAGUAR : Pas lui ! Et bien sûr ce ne sera pas la même énigme que tout à l’heure, mes jolies.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 20/37

    HÉLOÏSE : Bon, d’accord. Dépêchez-vous. AMANDINE : Posez votre question. Un accessoiriste manipule une baguette sur laquelle un fil est accroché ; à l’autre bout du fil se balance une énorme mygale... au-dessus de la tête de Lucky. LUCKY : (au public) J’ai l’impression que les miss Leroy n’ont pas compris la gravité de la situation. Vlan ! Un coup de griffe si l’on ne sait pas répondre... et ça les fait rigoler. JAGUAR : Silence ! (croise les bras et plisse les yeux) Quel est l’animal qui ne tient pas en place ? HÉLOÏSE : Ce n’est pas plus compliqué que ça ? JAGUAR : (gronde en montrant ses griffes) Quelle est la réponse ? AMANDINE : Pas besoin de vous énerver, c’est facile comme bonjour. LUCKY : Facile ? HÉLOÏSE : C’est l’araignée qui ne tient pas en place... AMANDINE : ... Car elle ne fait que filer ! JAGUAR : Décidément, vous avez réponse à tout. LUCKY : (n’en revient pas) L’araignée ? C’est la bonne réponse ? JAGUAR : Oui. Vous pouvez passer. Hanaqpacha n’a qu’une parole. Adieu ! (commence à s’éloigner, puis se retourne) Une araignée, vous en avez justement une au-dessus de la tête, mister Lucky Jones. Le jaguar s’éloigne et disparaît dans les coulisses tandis que Lucky lève la tête et pousse un hurlement. LUCKY : Aaaaah ! Oh, my God ! (fait un bond sur le côté et gesticule) Une mygale ! Je hais les araignées... mais je peux m’en débarrasser. Yes, I can. Yes, I can. Yes, I can. (envoie la mygale plus loin) HÉLOÏSE : Nous, aussi, Lucky, nous avons peur des araignées. LUCKY : Moi, pas ! C’est juste la seule bestiole dont j’ai horreur. AMANDINE : Et les serpents ? Les fourmis venimeuses ? LUCKY : Même pas peur ! Maintenant il est trop tard pour continuer à marcher. La nuit ne va pas tarder à tomber... boum ! Je vais installer un abri pour bivouaquer. (regarde où placer la tente) Là ! It’s a good place. Vous allez m’aider, mesdemoiselles. O.K. ? HÉLOÏSE : O.K. AMANDINE : O.K., Lucky. Lucky sort la toile de tente de son sac à dos. Les deux sœurs l’aident à la fixer tout en discutant. LUCKY : La nuit, il y a beaucoup d’animaux très dangereux. La phoneutria fera : (en tremblant de dégoût) Horrible ! AMANDINE : La quoi ?

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 21/37

    LUCKY : La phoneutria fera : une araignée nocturne, très grosse, très agressive. Son venin est terrible. Berk ! Vous allez commencer à regretter d’être venues dans un endroit pareil. HÉLOÏSE : Nous savons que nous risquons notre vie. AMANDINE : Mais nous ferons tout pour essayer de retrouver notre mère. LUCKY : Je vous aurai prévenues. Il y a aussi les scorpions nocturnes et bien d’autres bestioles épouvantables. AMANDINE : On vous croit, monsieur Jones. LUCKY : Lucky, miss Amandine. Lucky. (Amandine fait oui de la tête) Il faudra bien vérifier les chaussures, les vêtements, les couvertures... Do you understand ? HÉLOÏSE : Oui. Musique. Il fait déjà plus sombre. Tous trois finissent de fixer la toile qui figure la tente, puis se glissent derrière.

    Scène 7

    Dans la jungle — nuit

    (Lucky, animaux nocturnes, Indiana, Amérindiens)

    Musique et bruitages : craquements, vent, cris d’animaux nocturnes. Eclairer si possible avec une “poursuite” un tapir, une chauve-souris vampire et un douroucouli — singe nocturne mesurant 25 à 35cm — un accessoiriste vêtu de noir peut manipuler une marionnette ou une silhouette figurant l’animal).

    Lucky sort de la tente en tenant une lampe à pétrole à la main (dans laquelle se trouve une petite lampe de poche).

    LUCKY : Les deux Françaises dorment comme des babies. Moi, pas. J’entends de drôles de bruits. Je suis un héros. Je dirais même plus : un superhéros. Je dois vérifier qu’il n’y a aucun danger imminent. Yes, I do. Yes, I do. Yes, I do. Musique. Lucky va et vient sur scène en tenant toujours sa lampe. Par moments, il marche à reculons. Lucky se dirige vers l’extrémité de la scène. Indiana arrive des coulisses, à l’extrémité opposée ; lui aussi tient une lampe à pétrole contenant une petite lampe de poche. Lucky et Indiana ne se voient pas. Ils font presque les mêmes gestes en même temps.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 22/37

    Indiana a un accent particulier, par exemple il roule les rrr.

    INDIANA : La cité perdue que je recherche depuis des mois doit se trouver dans cette partie de la jungle. Je vais la trouver. Dans une semaine maximum, ce sera chose faite. Et je retournerai chez moi pour me faire acclamer. (se déplace) J’ai planté ma tente un peu plus loin. Mais tarrrabiscrrroutcha ! pas moyen de dormir. Indiana va et vient, à l’écoute des bruits. Pendant le reste de la scène, on aperçoit des Amérindiens, cachés entre les arbres, en train d’observer les deux archéologues.

    INDIANA : J’entends de drôles de bruits. Je suis un héros. Je dirais même plus : un superhéros. Je dois vérifier qu’il n’y a aucun danger imminent. Lucky et Indiana se tournent le dos, et marchent lentement à reculons en direction l’un de l’autre.

    LUCKY : J’entends des pas... INDIANA : J’entends des pas... LUCKY : C’est peut-être une grosse bête... INDIANA : C’est peut-être un animal féroce... LUCKY : Même pas peur ! Je vais lui montrer que Lucky Jones est imbattable. Yes, I am. Yes, I am. Yes, I am. INDIANA : Tarrrabiscrrroutcha... Même pas peur ! Lucky et Indiana se cognent, dos à dos, poussent un cri en partant en courant. Puis ils s’arrêtent et se retournent lentement (mêmes gestes en même temps). LUCKY : Qui es-tu ? INDIANA : Luke. Indiana Luke. Je suis archéologue... LUCKY : Moi, aussi. Je suis archéologue. Jones. Lucky Jones. Lucky et Indiana se serrent la main. INDIANA : Enchanté. LUCKY : How do you do ? INDIANA : Finissons-en avec les formules de politesse. Je recherche la cité perdue. LUCKY : Moi, aussi. Mais j’étais là avant toi. A chaque fois que Lucky ou Indiana prononce le mot deux, il montre deux doigts.

    INDIANA : Quand il y en a pour un, il y en a pour deux. LUCKY : Ce n’est pas faux. INDIANA : Deux héros valent mieux qu’un. LUCKY : Oh ! Toi aussi, tu es un héros ? INDIANA : Oui, suivant mes disponibilités. LUCKY : Me too. INDIANA : Ce que deux veulent n’échoue pas... ce qui permet de courir deux lièvres à la fois. LUCKY : Et deux font la paire.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 23/37

    INDIANA : On pourrait changer de sujet ? Lucky approuve de la tête. Craquements inquiétants. INDIANA : Tarrrabiscrrroutcha ! Craquements inquiétants ? Danger imminent ? On va voir ce que c’est, Lucky ? Tu peux le faire ? LUCKY : Yes, I can. Yes, I can. Yes, I can. INDIANA : (en s’éloignant) Tu répètes toujours trois fois les mêmes choses ? LUCKY : Moi ? INDIANA : Oui, toi ! Il n’y a personne d’autre. Musique. Lucky et Indiana disparaissent entre les arbres. Les Amérindiens se déplacent sur scène et suivent les deux archéologues, puis ils disparaissent.

    Scène 8

    Dans la jungle — jour

    (Héloïse, Amandine, Jaguar, Amérindiens, éventuellement animaux diurnes)

    Musique différente. Le jour se lève peu à peu. Cris d’animaux diurnes (ex oiseaux). On aperçoit des animaux, par exemple des oiseaux et un énorme serpent (boudin en tissu, relié à une baguette au moyen d’un fil de nylon qu’un accessoiriste manipule / ce qui fait toujours beaucoup d’effet visuellement).

    Pendant toute la scène, des Amérindiens observent discrètement ce qu’il se passe. Héloïse et Amandine sortent de la tente.

    HÉLOÏSE : Ah, je me sens reposée. J’ai dormi comme un loir. AMANDINE : Moi aussi. Et pas un seul scorpion dans nos vêtements ce matin. HÉLOÏSE : Où est donc passé Lucky ? AMANDINE : Il ne doit pas être loin. Les deux sœurs regardent partout. HÉLOÏSE : Il a dû lui arriver quelque chose... AMANDINE : (appelle) Lucky ! Mister Jones ! HÉLOÏSE : (crie) Mister Jones ! Mister Jones ! Le jaguar apparaît et s’immobilise. JAGUAR : On ne crie pas ! AMANDINE : Hanaqpacha, le retour ! JAGUAR : On ne crie pas ! Vous perturbez l’environnement. HÉLOÏSE : On a de bonnes raisons de crier. AMANDINE : Lucky Jones a disparu. JAGUAR : Non. Il n’a pas disparu, mes jolies. AMANDINE : Vous savez où il est ?

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 24/37

    JAGUAR : Hanaqpacha sait toujours tout. Telle est sa destinée. HÉLOÏSE : Vous parlez de vous à la troisième personne ? AMANDINE : Pour paraître plus important ? JAGUAR : On ne fait pas de remarques désobligeantes. AMANDINE : C’était juste une question. HÉLOÏSE : Où est l’archéologue ? JAGUAR : Lequel ? HÉLOÏSE : Comment ça : lequel ? AMANDINE : Lucky Jones, bien sûr. JAGUAR : Pas très loin. HÉLOÏSE : C’est-à-dire ? JAGUAR : Je vous répondrai si vous résolvez ma nouvelle énigme. HÉLOÏSE : Vous vous moquez de nous ? AMANDINE : Vous profitez de la situation ! Manipulateur ! JAGUAR : (offusqué) Moi ? Le grand, le merveilleux, le formidable Hanaqpacha ? AMANDINE : Viens, Héloïse ! Nous nous débrouillerons toutes seules. JAGUAR : (avec une voix terrible) On ne passe pas ! Quand Hanaqpacha ordonne, on obéit. AMANDINE : En plus, vous avez un caractère de cochon. Le jaguar gronde. HÉLOÏSE : Amandine, ne mets pas de l’huile sur le feu. (au jaguar) On est toute ouïe. Le jaguar se calme et toussote. JAGUAR : Parfait ! (croise les bras et plisse les yeux) Sans voix, je hurle. Sans jambes, je me lève. Sans dents, je mords. Sans bouche, je gémis. Qui suis-je ? HÉLOÏSE : Enfantin. AMANDINE : Le vent. JAGUAR : Vous me bluffez, mes jolies. Vous êtes un peu trop intelligentes à mon goût. HÉLOÏSE : Où est Lucky Jones ? JAGUAR : Hanaqpacha n’a qu’une parole. Suivez-moi. Musique. Le jaguar se déplace sur scène, suivi par les deux sœurs.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 25/37

    Scène 9 Dans la jungle — jour

    (Héloïse, Amandine, Jaguar, Lucky, Indiana,

    Amérindiens, éventuellement animaux diurnes)

    Suite musique. Le jaguar déplace un arbre ou écarte un rideau sur lequel sont peints des arbres. Il dévoile Lucky et Indiana qui sont suspendus par un pied à un arbre (trucage : il suffit qu’ils soient allongés sur un banc, recouvert d’un tissu identique au décor, avec une jambe en l’air — une corde nouée à la cheville d’un côté et à une branche de l’autre). Lucky et Indiana ont chacun un long serpent en plastique autour du cou. HÉLOÏSE : (montre Lucky et Indiana) Aaah ! AMANDINE : Lucky s’est dédoublé ! JAGUAR : Il n’a pas le don d’ubiquité. Un archéologue + un archéologue, ça fait deux archéologues en détresse. Il suffit de savoir compter, mes jolies. Deux pour le prix d’un. C’est la période des soldes. AMANDINE : Que leur est-il arrivé ? JAGUAR : Ils ont bêtement mis le pied sur un piège... ou plutôt sur deux pièges. LUCKY : Please ! Au lieu de déblatérer, vous feriez mieux de nous libérer ! INDIANA : On est déjà couverts de fourmis ! Ça pique ! Ça gratte ! Le jaguar libère Lucky et Indiana. LUCKY : (au jaguar) Thank you. INDIANA : (au jaguar) Merci. HÉLOÏSE : Aaah ! Vous avez des serpents autour du cou ! INDIANA : Tarrrabiscrrroutcha ! Même pas peur ! (jette le serpent au loin) LUCKY : Même pas peur ! Tant que ce n’est pas un boa qui étouffe ses proies ! (jette le serpent au loin) INDIANA : (fait le baise-main aux deux sœurs) Mesdemoiselles. Je me présente : Luke. Indiana Luke. HÉLOÏSE : Héloïse Leroy, et ma sœur... AMANDINE : Amandine Leroy. INDIANA : Enchanté de faire votre connaissance. JAGUAR : (au public) Il est très classe, mais ça ne l’empêchera pas de passer à la casserole... si je puis m’exprimer ainsi. LUCKY : My God ! Quelle perte de temps ! Allons récupérer le matériel et poursuivons notre quête. INDIANA : Bien parlé, Lucky. JAGUAR : Stop ! On s’arrête. Indiana Luke... INDIANA : (surpris) Vous connaissez mon nom ?

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 26/37

    LUCKY : (à Indiana) Il sait tout. C’est le jaguar dont je t’ai parlé. INDIANA : Il ne manquait plus que ça. Tarrrabiscrrroutcha. JAGUAR : (avec une voix terrible) On ne m’interrompt pas ! Et maintenant, taisez-vous, tous ! Ecoutez ma question... Si vous refusez de répondre ou si votre réponse est fausse, j’éliminerai Indiana Luke grâce à mes griffes acérées. INDIANA : Il y a deux poids deux mesures. Pourquoi moi ? JAGUAR : Les autres ont réussi l’examen de passage. Pas si sage que ça d’ailleurs. (croise les bras et plisse les yeux) Qu’est-ce qui est grand le matin, petit à midi, et de nouveau grand le soir ? INDIANA : (discrètement aux deux sœurs) Peut-on donner sa langue au chat ? HÉLOÏSE : (discrètement à Indiana) Vous voulez dire au jaguar ? Je vous le déconseille. AMANDINE : On abrège. Je réponds et on y va. Facile ! C’est l’ombre ! LUCKY et INDIANA : (incrédules) L’ombre ? JAGUAR : Exact. L’ombre est grande le matin, petite à midi, et de nouveau grande le soir. (Lucky et Indiana sont admiratifs) Vous avez gagné le droit de revenir la semaine prochaine. HÉLOÏSE : Pas question. Hanaqpacha n’a qu’une parole. JAGUAR : C’est vrai. AMANDINE : Et comme c’est un être exceptionnel... HÉLOÏSE : ... Il va nous donner un coup de main. Pas un coup de griffe ! JAGUAR : Comme vous y allez, mes jolies ! AMANDINE : Pour vous faire plaisir, on veut bien répondre à deux questions subsidiaires. HÉLOÏSE : Et après, en route ! A chaque énigme, les deux archéologues se rongent les ongles ne sachant répondre, et regardent les deux sœurs avec admiration quand elles donnent la bonne réponse.

    JAGUAR : Deux énigmes supplémentaires ? Vous avez perdu d’avance. (rit d’une grosse voix, puis croise les bras et plisse les yeux) Dès qu’on prononce son nom, il se brise. Qui est-ce ? HÉLOÏSE : Le silence. AMANDINE : (en claquant des doigts) Suivante ! JAGUAR : Qu’est-ce qui s’allonge et rétrécit en même temps ? (attend la réponse en jubilant) Difficile, n’est-ce pas ? (tous approuvent de la tête) Parfait, je rentre chez moi. en jubilant) Qu’est-ce qui s’allonge et rétrécit en même temps ? AMANDINE : La vie... car plus on avance dans le temps, plus on s’approche de la mort. JAGUAR : (vexé) Exact. LUCKY et INDIANA : Bravo !

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 27/37

    HÉLOÏSE : Demi-tour ! On y va ! JAGUAR : Je suis beau joueur. Je vous accompagne. Hanaqpacha n’a qu’une parole ! HÉLOÏSE : (discrètement à Amandine) Je sens une présence... AMANDINE : (idem) Une seule ? Je parie qu’il y en a des centaines... Musique. Tous vont ranger le matériel. Les Amérindiens les observent toujours. Puis tous disparaissent sauf les Amérindiens.

    La nuit tombe peu à peu. Noir. Cris d’animaux nocturnes.

    Scène 10 Dans la jungle — nuit

    (jaguar, Miguel, Carlos, Amérindiens, éventuellement animaux nocturnes)

    Musique. Nuit. On peut voir passer des animaux nocturnes (il faut que ce soit des marionnettes ou silhouettes car aucun acteur n’aura le temps de se déguiser). Miguel et Carlos apparaissent, la tête en sang (important après la bagarre précédente). MIGUEL : On aurait dû rester dans cette ville paumée... CARLOS : Le pépin, c’était Diego... MIGUEL : On s’est fait avoir jusqu’au trognon... CARLOS : On ne pourra plus jamais rigoler avec Rodrigo... Pauvre pomme que je suis ! MIGUEL : Et moi donc ! Si on trouve cet archéologue de malheur... CARLOS : ... On lui fera passer un mauvais quart d’heure... Craquement. MIGUEL : Oh... Y a de la visite... Miguel et Carlos se cachent derrière un arbre et observent toute la scène. Le jaguar apparaît seul. Répartir le texte des Amérindiens en fonction du nombre d’acteurs disponibles. Si le texte est un peu modifié — sauf ce qui est souligné —, ce n’est pas grave car il s’agit d’un dialecte totalement inexistant.

    JAGUAR : Goméloka kacharibouk askokak. Les Amérindiens refusent la proposition du jaguar avec de grands gestes.

    AMÉRINDIEN 1 : (en colère) Sakachtoktok milpoutak akochinok ! AMÉRINDIEN 2 : Ratibotchouk matachikoluk ! AMÉRINDIEN 3 : Arkoudilak kirikaku michtoribouk ! JAGUAR : Glokkk ! AMÉRINDIEN 1 : Hatoun Rouna kabalastikroutchak. AMÉRINDIEN 2 : Kokorikok Hatoun Rouna. AMÉRINDIEN 3 : Hatoun Rouna krokolikumistika.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 28/37

    JAGUAR : Kachiboukirouklouk Zia derkikoka. AMÉRINDIEN 1 : Klouk klouk ? AMÉRINDIEN 2 : Kouikikok Astikomo ? AMÉRINDIEN 3 : Kamikazoupirok ? Le jaguar fait oui de la tête. Les Amérindiens se calment.

    AMÉRINDIEN 1 : Zia kolaki marakouk. AMÉRINDIEN 2 : Zia keltomakiboutchouk. AMÉRINDIEN 3 : Zia klimatoramichouk gochknok. Musique. De nouveau le jaguar fait oui de la tête. Les Amérindiens semblent s’être mis d’accord avec lui. Le jaguar part dans la forêt et disparaît. Les Amérindiens s’éloignent.

    CARLOS : Tu as vu ce qu’ai vu, Miguel ? MIGUEL : Tu as entendu ce qu’ai entendu, Carlos ? CARLOS : Un jaguar qui parle ! MIGUEL : Des Amérindiens ! Des vrais, pas des imitations ! MIGUEL : Klouk klouk ? CARLOS : Glokkk glokkk ? MIGUEL : Pik pik et pok ? CARLOS : Qu’est-ce que c’est que ce cha... MIGUEL : ... Ce charabia ? CARLOS : On a eu la berlue, Miguel... MIGUEL : La double berlulue, Carlos... Les Amérindiens se dressent devant Miguel et Carlos.

    AMÉRINDIENS : (furieux) Pik pik et pok ? Kézakok ? Kézakok ? MIGUEL : (en tremblant) Qu’est-ce qu’on fait, Carlos ? CARLOS : (en tremblant) Qu’est-ce qu’on fait, Miguel ? AMÉRINDIENS : (furieux) Kézakok ? Kézakok ? MIGUEL : On fait mine que tout va bien... Miguel et Carlos reculent lentement en sifflotant, l’air de rien.

    AMÉRINDIENS : (avancent lentement, l’air furieux) Ké-za-kokok ? Miguel et Carlos poussent un hurlement et s’enfuient en courant vers les coulisses ; puis réapparaissent, atteignent le bord de la scène, descendent et traversent la salle en hurlant. Les Amérindiens bougent la tête, satisfaits, puis disparaissent. Eventuellement quelques animaux nocturnes déambulent encore.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 29/37

    Scène 11 Dans la jungle, puis dans la cité — jour

    (jaguar, Héloïse, Amandine, Lucky, Indiana,

    Amérindiens dont Zia et Hatoun Rouna)

    Musique. Le jour se lève. Le jaguar traverse lentement la scène, suivi des deux sœurs et des deux archéologues. JAGUAR : Nous sommes presque arrivés. INDIANA : La cité perdue existe vraiment... J’avoue que j’en ai parfois douté. LUCKY : Me too. JAGUAR : La négociation a été difficile. Hatoun Rouna et ceux de sa tribu n’acceptent personne en ce lieu protégé du monde. Mais quand Hanaqpacha ordonne avec bon sens, on lui obéit. HÉLOÏSE : Et notre mère ? AMANDINE : Vous êtes resté très évasif à son sujet. JAGUAR : Elle vit. (les deux sœurs se réjouissent) Ne vous réjouissez pas trop, mes jolies. HÉLOÏSE et AMANDINE : (de nouveau inquiètes) Pourquoi ? JAGUAR : Je n’en dirai pas plus. (se tourne vers les deux archéologues) Vous m’avez bien compris ? Si un jour vous parlez de cette cité à qui que ce soit, il vous arrivera malheur. INDIANA : C’est au moins la dixième fois que vous le répétez. Tarrrabiscrrroutcha ! Nous avons compris. LUCKY : Nous avons même promis sur nos propres têtes. Je sais tenir ma langue. Yes, I can. Yes, I can. Yes, I can. JAGUAR : (en aparté) Hatoun Rouna ne leur fera sûrement pas confiance. La troupe fait encore quelques pas. Puis le jaguar s’immobilise. Musique d’accueil. Faire coulisser un rideau ou faire rouler un pan de décor qui dissimulait la cité perdue (peinte au fond de la scène). Hatoun Rouna, le chef de la tribu, est assis sur son trône. Zia et d’autres Amérindiens se trouvent non loin de lui. Les deux archéologues sont émerveillés. Hatoun Rouna se lève.

    JAGUAR : (discrètement aux deux sœurs et aux deux archéologues) C’est le grand chef, Hatoun Rouna. Je vais vous servir d’interprètes. HATOUN ROUNA : Kriamorichougouluk fikarikouk. JAGUAR : Hatoun Rouna vous souhaite la bienvenue. AMÉRINDIENS : Kriamorichougouluk fikarikouk. HÉLOÏSE : En notre nom à tous les quatre, merci de nous recevoir. JAGUAR : Kikouroutchik. (aux deux sœurs) Présentez-vous.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 30/37

    HÉLOÏSE : Héloïse Leroy. AMANDINE : Amandine Leroy. JAGUAR : (aux deux sœurs) Hatoun Rouna sait que vous recherchez votre mère. Il vous en parlera dans un moment. (aux deux archéologues) C’est votre tour. LUCKY : Lucky Jones. INDIANA : Indiana Luke. HATOUN ROUNA : Mistarok figoluk. AMÉRINDIENS : (mécontents) Figoluk ? Nototo figoluk ! Mastika figoluk ! Brikabrak figoluk ! JAGUAR : (en essayant de les calmer) Kokoyo ! Koyoyo ! INDIANA : (discrètement aux deux sœurs et à Lucky) On dirait que ça dégénère. On devrait filer à l’anglaise. LUCKY : (idem) Pourquoi à l’anglaise et pas à l’américaine ? HÉLOÏSE et AMANDINE : (idem) Chut ! HATOUN ROUNA : Mikadodok istaribouk, Hanaqpacha. JAGUAR : Pakilouchamalok, Hatoun Rouna. (aux deux sœurs et aux deux explorateurs) Hatoun Rouna me demande d’utiliser mes pouvoirs d’être exceptionnel pour que la traduction soit simultanée. INDIANA : On comprendra plus vite à quelle sauce nous serons mangés. LUCKY : Oh, my God ! J’espère que ce ne sera pas une mixture d’araignées. Bruitage spécial : le jaguar remue lentement les bras.

    JAGUAR : Grand Hatoun Rouna, votre souhait est exaucé. HATOUN ROUNA : Sois remercié, Hanaqpacha. (aux autres) Vous voici donc dans une cité protégée du monde moderne dont nous connaissons parfaitement l’existence. Hatoun Rouna fait signe aux deux sœurs et aux deux archéologues de s’asseoir. Soit ils s’agenouillent, soit ils s’assoient en tailleur, en tournant le dos aux spectateurs, mais de telle façon que tous les spectateurs voient bien les habitants de la cité et le jaguar.

    Scène 12

    Dans la cité — jour

    (jaguar, Héloïse, Amandine, Lucky, Indiana, Antoinette,

    Amérindiens dont Zia et Hatoun Rouna)

    Hatoun Rouna se tourne vers les Amérindiens. HATOUN ROUNA : Les savants de notre tribu sont très instruits. Répartir le texte des Amérindiens en fonction du nombre d’acteurs disponibles.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 31/37

    A la fin de chaque intervention, faire résonner un instrument de musique (ou tout autre son) pour insister sur l’importance très actuelle de ce qui est dit et pour rendre l’ensemble non monotone.

    AMÉRINDIEN 1 : Tout à fait, grand Hatoun Rouna. AMÉRINDIEN 2 : Vêtus comme nos visiteurs, nous avons parcouru ce qu’on appelle parfois le Nouveau Monde. AMÉRINDIEN 3 : Du cap Horn dans l’extrême Sud jusqu’au Nord des Amériques. AMÉRINDIEN 4 : Nous avons aussi vogué sur les mers et les océans. AMÉRINDIEN 1 : Nous avons découvert l’Europe, l’Asie, l’Afrique, l’Océanie. AMÉRINDIEN 2 : Nous avons beaucoup étudié. HATOUN ROUNA : Expliquez maintenant à nos visiteurs ce que vous avez constaté. AMÉRINDIEN 3 : Les peuples se déchirent aux quatre coins de la Terre. AMÉRINDIEN 4 : La guerre, toujours la guerre ! AMÉRINDIEN 1 : Certains hommes possèdent tout... AMÉRINDIEN 2 : ... D’autres n’ont pas de quoi se nourrir. AMÉRINDIEN 3 : Certains vivent dans des endroits où il ne pleut jamais... AMÉRINDIEN 4 : ... Ils n’ont même pas d’eau potable pour survivre. AMÉRINDIEN 1 : Alors que d’autres la dilapident. AMÉRINDIEN 2 : Certains pays épuisent les richesses que leur offre la Terre et ne lui donnent rien en retour. AMÉRINDIEN 3 : Rares sont ceux qui respectent les animaux, les plantes, l’air, l’eau et la planète sur laquelle nous vivons. AMÉRINDIEN 4 : Tant d’hommes, de femmes et d’enfants sont exploités, maltraités, torturés, tués. AMÉRINDIEN 1 : Les notions de partage et de compassion existent à peine. AMÉRINDIEN 2 : Nous sommes revenus ici après de longues années... AMÉRINDIEN 3 : ... Et nous avons raconté ce qu’était le monde extérieur. AMÉRINDIEN 4 : Nous avons parlé des hommes qui se croient civilisés... AMÉRINDIEN 1 : ... Des hommes croient tout savoir et voudraient diriger les autres. HATOUN ROUNA : Voilà pourquoi nous voulons que notre cité reste à l’écart des autres hommes. Car nous sommes un peuple qui a toujours vécu en paix en aidant ceux qui sont dans le besoin. Un peuple qui respecte la Terre, sa faune et sa flore. AMÉRINDIEN 2 : Vous êtes les seuls à avoir jamais mis le pied dans notre cité. HÉLOÏSE : (catastrophée) Les seuls ? AMANDINE : Vous ne savez pas où est notre mère ? HATOUN ROUNA : Si. Nous l’avons recueillie et soignée. Elle fait maintenant partie de notre tribu. Elle est ici. HÉLOÏSE et AMANDINE : (pleines d’espoir) Ici ?

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 32/37

    HATOUN ROUNA : Oui, mais c’est un peu une autre. Elle a perdu la mémoire et ne vous reconnaîtra pas. Musique émouvante. Hatoun Rouna fait un signe à Zia qui va chercher Antoinette (qui regarde dans le vague). Quand toutes deux reviennent, Héloïse et Amandine se précipitent vers leur mère et la serrent contre elles.

    HÉLOÏSE et AMANDINE : Maman ! ANTOINETTE : Qui êtes-vous, ravissantes jeunes filles ? HÉLOÏSE : Tu ne nous reconnais pas ? ANTOINETTE : Je suis sûre de ne vous avoir jamais vues. Sinon je m’en souviendrais. AMANDINE : Ne dis pas ça, maman. Nous sommes si heureuses de t’avoir retrouvée. ANTOINETTE : De m’avoir retrouvée ? Mais je ne suis pas perdue, mes demoiselles. J’ai toujours vécu ici. Hatoun Rouna fait un signe à Zia qui accompagne Antoinette et ses filles, et les fait asseoir de telle façon que les spectateurs puissent les voir de profil.

    HATOUN ROUNA : Il y a quatre mois, l’expédition des ethnologues Leroy a été décimée par une maladie inconnue. Hatoun Rouna fait signe aux savants amérindiens de poursuivre. AMÉRINDIEN 3 : Seule cette femme a survécu. AMÉRINDIEN 4 : Nous étions au courant car dans la jungle, nous savons tout ce qu’il s’y passe. ZIA : Quand nous avons trouvé Antoinette Leroy errant près de la rivière, elle était blessée, amaigrie, choquée. AMÉRINDIEN 1 : Elle avait dû glisser et tomber sur la tête. Elle ne se souvenait plus de rien. AMÉRINDIEN 2 : (en montrant Zia) Nous l’avons ramenée ici et Zia s’est occupée d’elle. ZIA : Moi aussi, j’ai parcouru le monde. J’ai appris la médecine en Amérique, en Europe, en Asie. Mais je connais aussi le secret des plantes que mes ancêtres m’ont transmis. AMÉRINDIEN 3 : Pour l’instant, hélas, Antoinette n’a toujours pas recouvré la mémoire. ZIA : J’ai ramassé des plantes très rares, j’ai recueilli des liquides secrétés par certains insectes... J’espère que mon dernier mélange permettra à Antoinette Leroy de redevenir elle-même. AMÉRINDIEN 4 : Les essais précédents ne furent pas fructueux. ZIA : (s’approche d’Antoinette et lui prend les mains) Je ne désespère pas d’y parvenir un jour. N’est-ce pas, Antoinette ? ANTOINETTE : Bien sûr, Zia. De parvenir à quoi ? ZIA : A te guérir.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 33/37

    ANTOINETTE : Mais je suis en parfaite santé. (discrètement à Zia) J’ai juste un petit souci. Ces deux jeunes personnes s’imaginent que je suis leur mère. Elles auraient besoin de tes potions. ZIA : Et si elles avaient raison, Antoinette, que dirais-tu ? ANTOINETTE : Tu me fais marcher, Zia ! C’est une blague de mauvais goût. Je n’ai jamais eu d’enfants. Antoinette se lève et va s’asseoir un peu plus loin, laissant Héloïse et Amandine en larmes. ZIA : (aux deux sœurs) Ne perdez pas espoir. Tout est encore possible. Musique et danse des Amérindiens de la cité perdue, pour finir la scène sur un passage léger et gai.

    HATOUN ROUNA : (frappe des mains) Suivez-moi dans mon palais. Un repas nous attend. Tous suivent Hatoun Rouna et disparaissent les uns après les autres dans les coulisses.

    LUCKY : (avant de disparaître) My God ! J’ai bien cru que j’allais mourir de faim. INDIANA : (idem) Moi, le chagrin d’Héloïse et d’Amandine m’a coupé l’appétit. JAGUAR : (avec une grosse voix à Indiana) On fait honneur à l’hospitalité du grand Hatoun Rouna ! Musique. Tous disparaissent. La lumière baisse peu à peu.

    Scène 13

    Dans la cité — soirée

    (jaguar, Hatoun Rouna, Amérindiens, Zia)

    Musique différente et bruitages éventuels (cris d’animaux nocturnes) pour bien séparer les deux scènes car du temps s’est écoulé.

    Le jaguar et Hatoun Rouna vont et viennent en discutant. HATOUN ROUNA : Hanaqpacha, tu sais bien que ces archéologues ne tiendront pas leur promesse. Ils ne pourront pas s’empêcher de parler au monde entier de leur découverte. Notre cité sera envahie et perdra son âme. JAGUAR : Tu n’as sans doute pas tort, Hatoun Rouna. HATOUN ROUNA : Pourquoi nous avoir ordonné de les recevoir ici ? JAGUAR : Tu connais la réponse. Je voulais réunir la mère et ses filles. HATOUN ROUNA : Amandine et Héloïse sont ici depuis plus d’un mois et leur mère refuse d’admettre qu’il s’agit de ses propres filles. JAGUAR : Je sais. HATOUN ROUNA : Connais-tu l’avenir, Hanaqpacha ? JAGUAR : Je n’ai pas ce pouvoir. Je ne vois que le passé et le présent.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 34/37

    Les Amérindiens de la tribu — dont Zia — les rejoignent.

    AMÉRINDIEN 1 : Il faut prendre une décision, Hatoun Rouna. AMÉRINDIEN 2 : Lucky Jones et Indiana Luke veulent s’en aller. AMÉRINDIEN 3 : Nous devons les en empêcher ! AMÉRINDIEN 4 : Ils ne doivent pas quitter notre cité. HATOUN ROUNA : Vous savez que nous n’avons jamais recours à la violence. AMÉRINDIEN 1 : Zia pourrait leur faire boire une décoction qui les endormirait pendant des mois, voire des années. AMÉRINDIEN 2 : Ou bien, elle pourrait utiliser la plante qui rend fou. AMÉRINDIEN 3 : A mon humble avis, ce n’est pas loyal. AMÉRINDIEN 4 : Alors que faire ? ZIA : Mon mélange est enfin au point. AMÉRINDIEN 3 : Pour qu’Antoinette recouvre la mémoire ? ZIA : Oui, mais il a une autre vertu. AMÉRINDIENS : Laquelle ? ZIA : Il efface le souvenir de certains événements. De toute façon, sans l’aide d’Hanaqpacha, les deux archéologues ne pourront jamais retrouver le chemin qui mène à notre cité. (se tourne vers le jaguar) N’est-ce pas ? Le jaguar approuve de la tête.

    HATOUN ROUNA : (à Zia et aux autres membres de la tribu) Au lever du jour, vous accompagnerez Antoinette et nos hôtes non loin de la lisière de la jungle. Zia, tu leur feras boire ta nouvelle décoction. ZIA : Oui, Hatoun Rouna. AMÉRINDIEN 2 : Souhaitons qu’elle soit efficace. AMÉRINDIEN 1 : Et que nous puissions vivre en paix... AMÉRINDIEN 4 : ... Jusqu’à la fin des temps. Hatoun Rouna fait un geste de la main. Zia et les autres membres de la tribu disparaissent dans les coulisses. JAGUAR : Ta décision est sage, Hatoun Rouna. Je te quitte à présent. Telle est ma destinée. HATOUN ROUNA : Adieu, Hanaqpacha ! Ou peut-être à une autre fois. JAGUAR : L’avenir nous le dira. Musique. Tous deux disparaissent dans les coulisses. Noir. Refermer le rideau ou le pan de décor qui dissimulait la cité perdue. Cris d’animaux diurnes.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 35/37

    Scène 14 Dans la jungle — jour

    (Héloïse, Amandine, Antoinette, Lucky, Indiana, Zia, Amérindiens, jaguar)

    Musique. Lever du jour. Les Amérindiens apparaissent, suivis de Zia et des deux sœurs — qui aident Antoinette à avancer entre les arbres — et des deux archéologues.

    ZIA : Nous approchons de la lisière de la forêt. (aux autres Amérindiens) Laissez-nous seuls. AMÉRINDIEN 1 : En es-tu sûre, Zia ? (Zia approuve d’un signe) AMÉRINDIEN 2 : Appelle-nous dès que tu auras terminé... AMÉRINDIEN 4 : ... Nous viendrons te chercher. AMÉRINDIEN 3 : De toute façon, nous t’attendons là, derrière ces arbres. Les Amérindiens vont se placer derrière les arbres. ANTOINETTE : Cette marche est épuisante. Pourquoi tenez-vous à ce que je fasse cette balade ? J’aurais préféré rester tranquillement dans ma hutte. AMANDINE : Maman... Zia fait signe à Amandine de se taire. ZIA : Antoinette... ANTOINETTE : Pourquoi m’affubles-tu toujours d’un tel prénom ? ZIA : Laisse-moi parler. Je t’ai préparé une décoction qui soignera les plaies de ton cœur et de ton corps. ANTOINETTE : Tu me dis ça à chaque fois que tu veux me faire avaler quelque chose. ZIA : Admets que ma médecine te fait du bien. ANTOINETTE : Elle ne me fait pas de mal. ZIA : Alors fais-moi confiance. (sort le flacon de sa poche) Tire la langue. Tu ne vas en boire que quelques gouttes. (fait semblant de verser quelques gouttes sur la langue d’Antoinette)

    ANTOINETTE : C’est amer. Il faut combien de temps pour que ça agisse ? ZIA : Moins d’une dizaine de minutes. ANTOINETTE : Et que vais-je ressentir ? ZIA : Tu te sentiras revivre. ANTOINETTE : A priori, je ne suis pas morte. ZIA : Tu redeviendras toi-même. Au risque de me répéter : fais-moi confiance. ANTOINETTE : Si tu insistes, Zia. Zia se tourne vers les autres.

    ZIA : Ma décoction est aussi pour vous.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 36/37

    LUCKY : Oh, my God ! J’ai horreur des docteurs. INDIANA : (à Lucky) Encore plus que des araignées ? LUCKY : Pire ! (à Zia) Qui nous dit que vous ne voulez pas nous empoisonner ? ZIA : Dans notre tribu, le mensonge ne se pratique pas. Ma médecine vous aidera à toujours respecter vos promesses. ANTOINETTE : Combien de minutes déjà ? ZIA : A peine une minute. Sois patiente. Zia verse quelques gouttes sur la langue de Lucky et d’Indiana, puis s’approche des deux sœurs.

    HÉLOÏSE : Nous aussi ? AMANDINE : Est-ce nécessaire ? ZIA : Oui. Zia verse quelques gouttes sur la langue d’Héloïse et Amandine.

    ZIA : (montre le bord de la scène) La lisière de la jungle est là, tout près, dans cette direction. Vous ne risquez pas de vous perdre. Je vous laisse. Adieu ! ANTOINETTE : Je viens avec toi, Zia ! Zia fait non de la tête et claque des mains. Les Amérindiens apparaissent, Zia les suit, et tous vont se placer derrière les arbres. Ils observent sans bouger, mais on aperçoit leurs têtes à moitié cachées.

    ANTOINETTE : Zia ! Zia ! (s’immobilise soudain, les yeux écarquillés, face au public) Où suis-je ? Qu’est-ce que je fais là ? J’étais perdue... J’errais seule dans la forêt... Quelqu’un m’a soignée... Une femme, une amie... mais je ne me souviens plus de rien. HÉLOÏSE : Maman ! AMANDINE : Ça va ? ANTOINETTE : Héloïse ! Amandine ! Mes fleurs chéries ! Que faites-vous ici ? Héloïse et Amandine se précipitent dans les bras de leur mère.

    ANTOINETTE : Il est arrivé un grand malheur, mes pauvres fleurs chéries. Votre père... Votre père et tous ceux de l’expédition sont morts. AMANDINE : Ton message nous est parvenu, maman. ANTOINETTE : Mon message ? Ah, oui... La bouteille... HÉLOÏSE : La bouteille que tu avais lancée dans la rivière... et qu’un homme a fini par trouver. Un peu à l’écart, Indiana et Lucky observent et analysent : INDIANA : Elle est efficace, cette décoction, dis donc ! Quelques gouttes sur le bout de la langue... et tarrrabiscrrroutcha ! la cervelle se remet en place. LUCKY : Je suis très admiratif. Yes, I am. Yes, I am. Yes, I am. INDIANA : Il ne faudrait pas que ça ait l’effet inverse sur nous.

  • Les énigmes du jaguar – Ann Rocard 37/37

    LUCKY : Tu ressens un truc bizarre, toi, Indiana ? INDIANA : Non. Et toi, Lucky ? LUCKY : No. Entre nous, on est des héros. Les seuls archéologues à avoir découvert la cité perdue ! INDIANA : Nous ? Tu rêves, Lucky. Nous n’avons rien découvert du tout. LUCKY : Ah, je croyais ! (se frotte la tête) Tu as raison : la cité perdue n’existe que dans la légende. INDIANA : Si c’est une légende, il serait temps de rentrer chez nous. (aux trois femmes) On pourrait regagner la ville à présent ? ANTOINETTE : C’est une bonne idée. J’ai hâte de retrouver ma maison. HÉLOÏSE et AMANDINE : Nous aussi, maman. LUCKY : Et le Jaguar avec un grand J... vous en avez déjà entendu parler ? INDIANA : Moi, non. ANTOINETTE : Celui qui pose des énigmes ? LUCKY : Yes. HÉLOÏSE : Un jaguar qui se prend pour un sphinx ? AMANDINE : Ça n’a ni queue ni tête ! ANTOINETTE : (rit) Personne ne croit plus à une histoire pareille. Pas même les petits enfants. AMANDINE : On y va ? HÉLOÏSE : En route ! Le petit groupe arrive au bord de la scène. La tête d’Hatoun Rouna apparaît à côté de celles des autres membres de la tribu, derrière les arbres.

    ANTOINETTE : Enfin ! Dans quelques heures, nous serons en ville. INDIANA : Moi, je ferme la marche. Toi, tu te places en tête, Lucky ? INDIANA : O.K. ! Yes, I do. Yes, I do. Yes, I do. Musique. Le petit groupe descend de la scène et traverse la salle. Le léopard apparaît sur scène et s’immobilise face au public. JAGUAR : Mission accomplie. Hanaqpacha tient toujours la promesse qu’il se fait à lui-même. Telle est sa devise ! (montre le public du doigt et dit d’une voix terrible) On ne rit pas ! (un temps de silence) Mais on applaudit ! Noir.

    Fin