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ANDREA DORIA Antoine-Marie Graziani

Andrea Doriaexcerpts.numilog.com/books/9782847343465.pdf · C omplexe et ambiguë, la personnalité d’Andrea Doria (1466-1560) est on ne peut plus dis-cutée. Tour à tour peinte

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  • Complexe et ambiguë, la personnalité d’Andrea Doria (1466-1560) est on ne peut plus dis-cutée. Tour à tour peinte comme celle d’un patriote, d’un combattant cruel ou d’un prince de la Renaissance, la longue vie d’Andrea Doria ne saurait être résumée en un coup de crayon.

    Homme de guerre dans l’âme, condottiere impitoyable pour ses ennemis, il fut de toutes les guerres d’Italie. Politique lucide et cynique au service des puissants de son temps, il sut soutenir, au gré des circonstances, François Ier, Charles Quint et Innocent VIII. Restaurateur de la liberté génoise à la Renaissance, il joua tant sur les rivalités au sein de la Commune que sur la violente concurrence à laquelle se livraient le roi de France et l’empereur. Stratège naval de génie, il sema la terreur au sein des flottes turque et barbaresque, des côtes de la Sicile aux rivages tunisiens.

    À l’aune de ce parcours sinueux et parfois contra-dictoire, Antoine-Marie Graziani dessine le portrait nuancé d’un homme confronté aux âpres réalités du Siècle d’Or. Fils des puissantes cités marchandes italiennes, architecte et promoteur du « siècle des Génois », Andrea Doria n’incarnerait-il pas avant tout un idéal caractéristique de la Renaissance ?

    Professeur des Universités à l’I.U.F.M. de la Corse, Antoine-Marie Graziani est l’auteur, chez Tallandier, de Pascal Paoli, père de la patrie corse (2002) et d’un Roi Théodore (2005).

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    www.tallandier.com

    -:HSMIOH=XYXY[Z:Couverture : Andrea Doria, peinture de Sebastiano del Piombo, galerie Doria Pamphilj, Rome, © The Bridgeman Art Library ; L’embarquement des galériens dans le port de Gênes, peinture de Alessandro Magnasco, Bordeaux, © photo Josse / Leemage.ISBN 978-2-84734-346-5 / Imprimé en France 05.2008 25 C

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    Antoine-Marie Graziani

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    ANDREA DORIA

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    DU MÊME AUTEUR

    CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

    Pascal Paoli, père de la patrie corse, 2002 (rééd. 2004).Le Roi Théodore, 2005.

  • Dossier : tallandier301018_3b2 Document : AndreaDoriaDate : 11/4/2008 14h2 Page 5/287

    ANTOINE-MARIE GRAZIANI

    ANDREA DORIA

    Un prince de la Renaissance

    TALLANDIER

  • Dossier : tallandier301018_3b2 Document : AndreaDoriaDate : 11/4/2008 14h2 Page 6/287

    © Éditions Tallandier, 20082, rue Rotrou – 75 006 Paris

    www.tallandier.com

  • Dossier : tallandier301018_3b2 Document : AndreaDoriaDate : 11/4/2008 14h2 Page 7/287

    SOMMAIRE

    AVANT-PROPOS

    INTRODUCTION. CADET D'UNE FAMILLE ILLUSTRE

    Gênes, berceau familial. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18Les fils inquiets de la Méditerranée. . . . . . . . . . . . . 20Des Doria à la tête de la flotte génoise . . . . . . . . . . . 20Noblesse marchande et noblesse seigneuriale . . . . . . . . 23Une famille peu fortunée . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

    CHAPITRE PREMIER. LE CONDOTTIERE

    Le service des papes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26Des guerres picrocholines . . . . . . . . . . . . . . . . . 28Doria face à César Borgia . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

    CHAPITRE II. LE CAPITAINE DE SAINT-GEORGES

    Rinuccio de la Rocca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34À la tête des troupes de Saint-Georges . . . . . . . . . . . 36

    CHAPITRE III. AU TEMPS DU DOGAT POPULAIRE

    Une politique philo-nobiliaire . . . . . . . . . . . . . . . 39L'épine savonaise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

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    La révolte des Capette (1506). . . . . . . . . . . . . . . . 43Les suites de la révolte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

    CHAPITRE IV. SOUS LE GOUVERNEMENT DE FREGOSO

    Au siège du Castelletto de Gênes. . . . . . . . . . . . . . 51À la tête des galères de veille . . . . . . . . . . . . . . . . 53Emmanuele Cavallo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55L'homme des Fregoso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

    CHAPITRE V. PREMIÈRES VICTOIRES D'ANDREA DORIA

    Cortogoli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59Destination Bizerte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61« L'entrepreneur » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

    CHAPITRE VI. LE « VAINQUEUR DES TURCS»

    Le binôme Milan-Gênes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66Le vainqueur de Pianosa . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

    CHAPITRE VII. LIEUTENANT DU ROI DE FRANCE

    Un conflit mal géré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74Le sac de Gênes (mai 1522) . . . . . . . . . . . . . . . . 76À la tête de la flotte française. . . . . . . . . . . . . . . . 80Une « simple province espagnole » . . . . . . . . . . . . . 82Au siège de Marseille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84Le désastre de Pavie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87Tentatives pour attirer Andrea Doria dans le campde Charles Quint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

    Doria versus Barberousse . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93Doria fait le blocus de Gênes. . . . . . . . . . . . . . . . 95Le sac de Rome (6 mai-5 juin 1527) . . . . . . . . . . . . 97

    ANDREA DORIA8

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    CHAPITRE IX. RETOUR À GÊNES

    Le governorat de Teodoro Trivulzioet le retrait des factions . . . . . . . . . . . . . . . . 102

    Un mariage d'intérêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105Prélude à un changement de camp . . . . . . . . . . . . 106La tentative d'« union » de 1527 et le problèmenon réglé de Savone . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

    L'affaire sarde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

    CHAPITRE X. 1528, ANNÉE CHARNIÈRE

    Doria au service de Charles Quint : une nécessité. . . . . 115Capo d'Orso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115La rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122« Liberté ! » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127Une situation difficile . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

    CHAPITRE XI. LE CHEF-D'ŒUVRE POLITIQUE

    Une cité « neutre » ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137Un asiento privé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140Les lois de 1528 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142Un rapprochement annoncé et nécessaire . . . . . . . . 145La reprise de la guerre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

    CHAPITRE XII. AMIRAL DE CHARLES QUINT

    L'entrepreneur des galères . . . . . . . . . . . . . . . . 149Une affaire financière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151Doria à Barcelone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153Charles Quint à Gênes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155Le prince de Melfi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159Barberousse, l'adversaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 160La prise de Coron et Patras . . . . . . . . . . . . . . . 161Où Doria retrouve Barberousse . . . . . . . . . . . . . 163Le retour de la demi-lune . . . . . . . . . . . . . . . . 164

    SOMMAIRE 9

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    CHAPITRE XIII. ANDREA DORIA À LA « PETITE CROISADE»CONTRE TUNIS (1535)

    Une croisade « défensive » . . . . . . . . . . . . . . . . 167Préparatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169Le conseiller de l'empereur. . . . . . . . . . . . . . . . 176L'échec en Provence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178Doria au secours de Venise. . . . . . . . . . . . . . . . 179Préveza. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182Réorganisation en Méditerranée occidentale . . . . . . . 187Girolata . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188

    CHAPITRE XIV. DEVANT ALGER (1541)

    Une opération à risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192Nouvelle guerre contre la France . . . . . . . . . . . . . 195

    CHAPITRE XV. LES ÉLÉMENTS DU DÉCLIN

    L'instant de Gian Luigi Fieschi. . . . . . . . . . . . . . 198Une vengeance « très dure et très féroce » . . . . . . . . 201Le conflit entre Doria et les philo-impériaux . . . . . . . 204«Genuae spes altera magna » . . . . . . . . . . . . . . . 206La réforme du Garibetto . . . . . . . . . . . . . . . . . 208Dragut, successeur de Barberousse . . . . . . . . . . . . 210

    CHAPITRE XVI. LE SEIGNEUR DE FASSOLO

    Comme un livre d'images . . . . . . . . . . . . . . . . 213Le prince de Gênes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216

    CHAPITRE XVII. SAINT-FLORENT, ULTIME VICTOIRE

    Le «merveilleux cavalier » . . . . . . . . . . . . . . . . 220Une opération incertaine . . . . . . . . . . . . . . . . . 222

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    Le commandant suprême des forces de terre et de mer. . 223« La guerre se meurt » . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

    CHAPITRE XVIII. LA FIN D'UN GÉANT

    Un empereur « physiquement détruit » . . . . . . . . . . 233Le bon conseiller . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235Le partisan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236Vers la paix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236L'expédition de Djerba. . . . . . . . . . . . . . . . . . 237« Le perpétuel tourbillon de la grande histoire » . . . . . 241

    CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243NOTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245SOURCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263TRAVAUX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265INDEX DES NOMS DE LIEUX . . . . . . . . . . . . . . . . . 269INDEX DES NOMS DE PERSONNES . . . . . . . . . . . . . . 275

    SOMMAIRE 11

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    AVANT-PROPOS

    Un vieillard est assis au pied du château du navire. Entouré dedifférents personnages, il regarde un jeune garçon debout devantlui. Au-dessus de sa tête, une Renommée tient une couronne depalmes. L'homme paraît très grand, comme disproportionné parrapport aux objets qui l'entourent. Le prince de Melfi, AndreaDoria, puisque c'est de lui dont il s'agit, est le principal héros dutableau. Mais c'est un héros finissant. Si le bateau et les person-nages nageant aux environs sont là pour qu'il soit le « dieu de laMer », on est loin de sa représentation classique, le trident deNeptune ou la rame à la main.De fait, l'autre héros du tableau est le frêle enfant qui se présente

    devant lui, son petit parent, Giovanni Andrea Doria, futur amiralde la flotte de Philippe II d'Espagne, puis de Philippe III. Sous lespieds de celui-ci, on peut lire «Genuae spes altera magna » (« l'autregrand espoir de Gênes »). Ce tableau de Vincentini a pour thème« le passage des consignes du prince Andrea à Giovanni AndreaDoria ». L'œuvre symbolise la volonté affichée d'Andrea Doria de« reconstituer à travers la personne de Giovanni Andrea Dorial'unité patrimoniale et de pouvoir qu'il avait réussi à se construireau lendemain de sa grande alliance avec Charles Quint ».Contrairement à son petit parent Giovanni Andrea, Andrea

    Doria n'a pas écrit d'autobiographie. On chercherait bien en vainun ouvrage de sa main comme celui que laissa son parent etennemi intime Antonio Doria. On ne connaît de lui que lesquelques dizaines de lettres que conservent différents dépôtsd'archives et ses propos relatés souvent par des tiers, manifes-tations d'une pensée rapide. Franzino Della Torre, rapportant unde ceux-ci, explique à Federico Gonzaga en 1535 : «Aujourd'hui,

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    toute la Chrétienté est divisée en deux partis, l'un est celui del'empire, l'autre celui de la France et il est pratiquement nécessairede passer par un de ces deux chemins pour un homme d'impor-tance. » Le monde politique étant divisé en deux, il convient defaire le bon choix. Et en cette année, il considère que le meilleurest, sans aucun doute, celui de Charles Quint. Tout est dit en peude mots : au service de l'un ou de l'autre, c'est lui qui choisit. Lereste est affaire de respect.Bernardo Navagero, l'ambassadeur vénitien, écrit ainsi en

    juillet 1546 : « Je dirai seulement qu'il n'y a aucun homme d'unequelconque nature pour qui l'Empereur aie plus de respect quelui, parce qu'il reconnaît que c'est grâce à lui s'il a pu, en conser-vant Gênes, passer tant de fois d'Espagne en Italie et d'Italie enEspagne, grâce à lui s'il a pu conserver de nombreux États qu'ilaurait perdus sinon. Et finalement, il reconnaît tenir de lui toute laréputation qu'il s'est faite dans les choses de la mer et il veutl'appeler et le traiter comme s'il était son père. »Cette image du père, du protecteur qu'il affiche envers le jeune

    empereur dès 1528, c'est celle aussi qu'il affecte avec Gênes, sa ville.Car Doria conjugue volontiers son opportunisme politique avecl'idéal de liberté et d'indépendance de la République, qu'il garantiten dirigeant sa propre flotte, unique armée d'une République désar-mée. Un idéal conçu pour correspondre à un État de marchands,un idéal surtout subordonné au pragmatisme politique et totale-ment adaptable aux circonstances. La position d'un homme de lamer, fils de la Méditerranée, persuadé que vivre chaque jour est unrisque. «Del doman non v'è certezza » («Nul ne sait de quoi demainsera fait ») écrivait déjà au siècle précédent Laurent le Magnifique etcette maxime correspond parfaitement aux événements des ter-ribles années 1527-1528 que Doria aura à traverser.Seule sa position militaire au sein du camp impérial peut donc

    garantir cette liberté. Doria apparaît comme une sorte d'interfaceentre Gênes et Charles Quint, garant de la fidélité de Gênes etexécuteur des directives impériales à la fois. Ce double rôle estaussi à la base de son exceptionnelle fortune. L'impression qui enressort est celle d'une « admirable construction politique de sa for-tune personnelle ».Pourtant l'homme part de loin : né en 1466, il a mis quarante-six

    années à arriver sur la mer. Noble sans fortune, ne se sont long-temps offerts à lui que des emplois secondaires de soldat d'aventure

    ANDREA DORIA14

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    dans les condotte des guerres d'Italie. En quelques années, commechampion de la Chrétienté et défenseur de sa ville, il s'est imposécomme le meilleur marin de l'Occident. Par là, il a acquis la statured'arbitre du conflit entre le Habsbourg et le Valois, profitant descirconstances pour agrandir sa propre flotte et monnayant ensuitesa participation à un camp ou à l'autre. Entre 1526 et 1528, il seratour à tour l'amiral du roi de France, de l'empereur et même untemps celui du pape. Au final, ses intérêts personnels correspon-dant bien à ceux de sa cité, il choisira l'empire de Charles Quint,offrant à ce dernier un avantage considérable dans son affrontementavec le roi de France et à Gênes des débouchés considérables dansun empire en expansion. Car, au-delà de l'aspect politique du rallie-ment de Doria, c'est bien d'un accord privé qu'il s'agit, d'un arran-gement d'homme à homme dans la plus pure tradition marchandegénoise. La conspiration des Fieschi en 1547 le privera du plaisir detransmettre son héritage à son parent favori, Giovannettino, maisc'est le fils de celui-ci, Giovanni Andrea, grand amiral de Philippe IIpuis de Philippe III, qui symbolisera un temps la pérennisation del'œuvre d'Andrea Doria.Andrea Doria : un personnage discuté. Patriote ? Homme

    d'État ? Homme de mer ? Ou comme l'a défini Edoardo Grendil'incarnation d'un idéal caractéristique de la Renaissance, « l'his-toire d'un succès qui s'est nourri des nécessaires égoïsmes et desnécessaires et pénibles expériences1 » ?

    AVANT-PROPOS 15

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    Pour Ornella

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    INTRODUCTION

    CADET D'UNE FAMILLE ILLUSTRE

    Au XVIIIe siècle, les généalogistes proposeront de très anciennesorigines à la famille Doria. Un récit rapporte ainsi qu'en 941, lecomte de Narbonne Arduin, passant par Gênes dans le but de serendre en pèlerinage en Terre sainte, tomba malade. Il fut reçu etsoigné dans la maison du noble Corrado Della Volta, tomba amou-reux de la fille de son hôte, appelée Oria ou Orietta, et la prit pourfemme à son retour. Les mariés se rendirent ensuite à Narbonne, yrésidèrent quelques années pour organiser les propriétés de l'époux,que celui-ci finit par laisser à ses frères, puis ils s'en retournèrent àGênes. Ils fixèrent leur demeure dans la zone de Portoria (PortaAurea) qui, en ce temps, avant l'édification des murs de 1155, étaitsituée hors la ville et ils y construisirent de nombreuses maisons.Leurs enfants furent connus comme fils d'Oria, Doria, d'Auria, etc.De là viendrait le nom de leur famille1. Quelle est la part de véritédans ce récit ? Peut-être aucune, mais il est intéressant d'y voir liéesla Provence et la Ligurie, comme elles le furent dans la réalité aucours de cette période.D'autres récits avancent des solutions alternatives : le nom Doria

    proviendrait de celui de la zone dans laquelle ils s'étaient installés àl'origine, le sestiere de Portoria. Ce faubourg, le plus important de laGênes médiévale, était situé au-delà de la porte orientale, dite PortaAurea, ouverte dans les murs au cours du XIIe siècle et dont le nomrenvoie généralement dans les cités italiennes à une porte tournéeen direction de Rome2. Un quartier, en grande partie remaniéau cours du XIXe siècle et d'où sont issus la via XX settembre(1890-1904) ou la piazza Corvetto, autour de la petite vallée duRivo Torbido, un ruisseau aujourd'hui totalement recouvert, et oùles Doria possédèrent longtemps jardins et champs.

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    Le premier document connu où les Doria sont cités est d'ailleursun acte notarial de 1110 où les frères Martino et Genualdo sonttémoins dans la sentence d'un procès opposant les fermiers deleurs terres et les procurateurs de l'église delle Vigne3. Sur unepartie de cette zone, les Doria construisirent derrière le PalazzoDucale leur propre quartier, sur une autre le couvent des Domini-cains, un ordre dont ils protégèrent les membres et qui est généra-lement considéré comme plutôt gibelin, tout comme eux. Il étaitde tradition pour les rameaux différents d'une même famille des'associer à l'intérieur d'un quartier lignager ou contrada autourd'une petite citadelle, ayant des fonctions tout à la fois écono-miques, juridiques, fonctionnelles et symboliques4. Il en était ainsichez les Embriaco à Castello ou les Spinola à San Lucca. Au seindu nouveau quartier des Doria, on trouvait comme le voulait latradition la domus magna, c'est-à-dire la maison d'habitation duchef de la consorteria, une tour, qui montrait la puissance et l'auto-nomie de la famille. En face de celle-ci une église, à l'intérieur delaquelle étaient conservées les dépouilles de ses membres les plusillustres. La première église San Matteo avait été édifiée en 1125 àla demande de Martino Doria. L'important développement écono-mique de la cité, au lendemain des croisades, permit rapidementde la rebâtir à proximité, plus belle et plus grande, en 12785, vingtans après la construction des nouveaux murs de Gênes, édifiés parpeur de la descente en Italie de l'empereur Frédéric Ier Barbe-rousse.

    Gênes, berceau familial

    Cet ensemble architectural a assez peu évolué depuis la fin duXIIIe siècle et inscrit dans la pierre la mémoire des membres les plusillustres de la famille : l'église San Matteo ; à droite le palais de ceBranca Doria que Dante place dans le neuvième cercle, la zone laplus profonde de l'Enfer et qui arrache au poète toscan son cri decolère contre les Génois ; celui de Domenicaccio Doria, le libérateurde Pietrasanta, assiégée par les Florentins en 1484, qui conservepresque intacte sa construction médiévale de marbre blanc et noir ;celui de Lamba Doria, offert par la République à ce capitaine de laCommune pour la victoire de Curzola contre Venise ; puis les palaisfaisant face à l'église, le palais Quartara, jadis Doria, avec sur l'archi-

    ANDREA DORIA18

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    trave le bas-relief de Giovanni Gaggini représentant saint Georgescombattant le dragon, insigne de la République et du Banco di SanGiorgio et que seuls les condottieri, soutiens de l'État, avaient ledroit de placer au-dessus de la porte de leurs maisons ; surtout legrand palais de Lazzaro Doria, édifié en 1468 et que la Républiqueoffrira à Andrea Doria en 1529 en reconnaissance de ses grandsmérites envers la patrie — comme le rappelle l'inscription placéeau-dessus de la somptueuse porte Renaissance — et que le grandamiral ne voudra jamais habiter, parce que l'édifice lui paraissaitpeu sûr. Seule la grande construction située à gauche de l'église, legrand palais Gnecco, est plus récente. Elle remplace les masures enbois habitées par les membres moins fortunés du clan et dont lalaideur devait faire ressortir un peu plus la grande beauté des édi-fices aristocratiques de la place6. Les armes des Doria, qui sontrépétées plusieurs fois ici et là sur les façades, rappellent par l'aigleimpériale couronnée d'or dans sa partie supérieure la foi gibeline dela famille et sa dévotion envers Frédéric II de Hohenstaufen, qu'elleappuya de toutes ses forces dans son combat contre la papauté, etenvers ses successeurs.Les Doria ont une présence continuelle dans l'histoire de la

    Commune et de la République génoise. Une famille « énorme ». Audébut du XIVe siècle, ses « rameaux » étaient déjà vingt-huit, à partirdu présumé et légendaire tronc principal. Et si les liens de sang entreles différents rameaux avaient fini par s'espacer, les Doria avaientalors et auront longtemps encore conscience d'avoir, dans les limitesde l'individualisme génois, un « destin commun de pouvoir etd'expansion », pour reprendre l'expression de Paolo Lingua7.Au début du XIIe siècle apparaissent les premiers Doria.Martino, époux de Giulia di Gandolfo Visconte, fait ainsi

    construire l'église San Matteo en 1125. Cet édifice sera agrandicomme on l'a vu en 1278, et transformé enfin à partir de 1543 parAndrea Doria, sur le projet d'un des meilleurs artistes de sontemps, frère Giovanni Angelo Montorsoli, qui s'était déjà occupéde son palais de Fassolo, assisté de ses neveux Angelo et MartinoMontanini et du sculpteur Silvio Cosini. Interviendront aussi dansl'église Luca Cambiaso, Giovanni Battista Castello dit le Berga-masque et Anton Maria Maragliano. C'est dans cette église queseront enterrés les grands hommes de la famille, y compris Andrea.Le reste des dépouilles des Doria les plus importants rejoindra unautre édifice bâti au VIIIe siècle et acquis par le même Martino, où

    CADET D'UNE FAMILLE ILLUSTRE 19

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    il s'était retiré et où il est lui-même enterré, l'abbaye bénédictinede Capodimonte, à San Fruttuoso al Mare (ou San Fruttuoso diCamogli), sur le promontoire de Portofino.

    Les fils inquiets de la Méditerranée

    La fortune des Doria est liée comme celle de nombreux Génoisà la croisade. Le grand annaliste Caffaro di Rustico, décrivant lageste de Guglielmo Embriaco lors de la première croisade, fait étatde celle d'Ansaldo Doria, un croisé qui se couvrit aussi de gloireaux Baléares, ouvrant la grande tradition marchande et guerrièrede sa maison. Mais à la croisade correspond aussi les débuts de laCommune génoise. Le même Ansaldo Doria sera cinq fois consul,comme le seront son fils Niccolò, son petit-fils Ansaldo, le fils decelui-ci Simone et ses petits-fils Niccolò et Pietro. Aussi a-t-on puécrire que l'histoire de la Commune de Gênes — on ne la nom-mera officiellement «République » qu'après la réforme doriennede 1528 — et celle de la famille Doria s'identifient dès lors.Le second Doria fameux est Niccolò, fils de Simone, ancêtre

    direct des seigneurs d'Oneglia et donc d'Andrea. C'est lui qui, le1er mai 1212, reçoit dans sa maison de la Piazza San Matteo le plusgrand personnage politique de son temps : le futur empereurFrédéric II. Signe important de la famille Doria au sein de laCommune génoise, mais aussi de l'attachement de la famille aucamp gibelin, les Doria adoptent alors pour symbole l'aigle, oiseauimpérial s'il en est — Dante voit en lui le symbole de l'investituredivine de l'empire —, avec les ailes pliées dans un ciel étoilé. LesDoria, fidèles à l'image que l'on donne des Ligures, telle que lapopularisera Cesare Ripa dans son Iconologia, choisiront lecommerce et la finance (symbolisés par le timon) et les arts guer-riers, sur terre et surtout sur mer. Leurs alliances matrimonialescomplèteront cette image de « grande famille » : Visconti, Montfer-rat, Arborea, Savoie, etc.

    Des Doria à la tête de la flotte génoise

    Au cours de la deuxième moitié du XIIIe siècle, la famille Doriafournit deux des plus grands protagonistes de l'histoire de Gênes, les

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    Dépôt légal : mai 2008ISBN : 978-2-84734-346-5

    N° d'édition : 3 227Imprimé en France

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