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This article was downloaded by: [University of California Santa Cruz]On: 10 October 2014, At: 10:26Publisher: Taylor & FrancisInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH,UK
Acta Botanica Gallica: BotanyLettersPublication details, including instructions for authorsand subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/tabg20
Les enjeux de la protection dela biodiversitéAndré Cauderon a b ca Académie des Sciences , 23 quai de Conti, F-75006 ,Parisb Académie d'Agriculture , 18 rue de Bellechasse,F-75007 , Parisc Comité scientifique de la Fondation Lima grain , BP1, F-63720 , ChappesPublished online: 27 Apr 2013.
To cite this article: André Cauderon (1996) Les enjeux de la protection de labiodiversité, Acta Botanica Gallica: Botany Letters, 143:4-5, 225-231, DOI:10.1080/12538078.1996.10515719
To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/12538078.1996.10515719
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Acta bot. Gal/ica, /996, 143 (415), 225-231.
Les enjeux de Ia protection de Ia biodiversite
par Andre Cauderon
Academie des Sciences, 23 quai de Conti, F-75006 Paris Academie d'Agriculture, 18 rue de Bellechasse, F-75007 Paris Comite scientifique de la Fondation Limagrain, BP /, F-63720 Chappes
Resume.- Dans sa diversite, le monde vivant evolue avec le milieu qu'il contribue en retour a modeler eta regulariser. Comme les autres, plus profondement que les autres, l'espece humaine utilise Ia biodiversite pour survivre ; !'agriculture artisanale temoigne de eel effort : elle a globalement accru Ia diversite des formes domestiques en meme temps que Ia production agricola, tout en amenageant l'environnement. La fragilite de eel equilibre est devenue evidente au XXeme siecle du fait de !'expansion scientifique, technique, economique et demographique de l'humanite. Ressource naturelle desormais menacee, Ia biodiversite doit etre surveillee et protegee pour assurer a long terme securite et qualite de l'alimentation, viabilite des equilibres dans l'amenagement et l'occupation du territoire et enfin qualite de l'environnement. On doit souligner Ia responsabilite de quelques groupes : les consommateurs, dans le maintien de Ia diversite des especes agricoles ; les citoyens, dans !'orientation du developpement economique en vue de manager Ia diversite sauvage ; les chercheurs, notamment dans !'elaboration d'une culture de Ia biodiversite, base d'une bonne politique dans ce domaine capital ou les agriculteurs sont, sur le terrain, les acteurs de premier plan.
Summary.- In their diversity, living organisms and communities evolve in connection with their environment, which they contribute in return to shape and regularize. Like the other species, indeed more than them, manking makes use of biodiversity to survive. Traditional agriculture emphasizes this effort : it has globally increased both agricultural species diversity and agricultural production, while managing environment. The fragility of this balance has become obvious in the 20th century, as a result of mankind's scientific, technical, economic and demographic expansion. Biodiversity must be watched over and protected, as a now endangered natural resource : to secure long-term food safety and quality, sustainable land use and management, and lastly environment quality. One must point out the responsibility of several groups : consumers, to maintain the diversity of agricultural species ; citizens, to direct economic development so as to protect the diversity of wild organisms ; research people, to build up a culture of biodiversity, basis of a good policy in this essential field where farmers play a prominent part.
Key words : biodiversity - agriculture - nutrition - environment - development.
©Societe botanique de France 1996. ISSN 1253-8078.
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La diversite biologique se manifeste au niveau des individus, des ecotypes, des especes, des biocenoses, des ecosystemes, des paysages. Elle permet au vivant de s'ajuster au milieu et de le coloniser et, en retour, de le modifier. Reciproquement, Ia vie reagit a tout changement du milieu, quelle qu'en soit Ia cause, par l'elimination, l'expansion ou Ia reorganisation de certaines de ses formes, ainsi que par l'apparition de formes tout a fait nouvelles. Cette co-evolution est generalement lente et assez peu sensible a l'echelle d'une generation d'hommes : ]'accident brutal existe, il n'est pas Ia regie.
L'ENJEU GENERAL
La biodiversite, qui apparait ainsi etroitement liee a l'environnement, est done un element capital dans le fonctionnement des communautes vivantes qui occupent et qui regularisent Ia biosphere ; globalement, chaque forme vivante depend des autres. Ainsi, Ia biodiversite foumit aux humains de quoi se nourrir, se soigner, se chauffer, s'equiper ... et elle s'avere un element essentiel de leur vie et de leur survie : qu'il s'agisse de produire aliments et materiaux a travers I' agriculture, de maintenir Ia sante ou d'ameliorer l'environnement. Cette situation n'est ·pas nouvelle : depuis toujours, un reseau serre de relations avec « Ia nature » conditionne, de fa~on evolutive, Ia situation materielle des societes. Elle conditionne egalement leur culture. Longtemps Ia fragilite de ces equilibres n'est pas apparue clairement, dans Ia vieille illusion d'une nature impavide et etemelle. II a fallu l'explosion scientifique, technique, economique et demographique des deux demiers siecles pour que I' opinion per~oive que l'acceleration dans l'exploitation des ressources a l'echelle du monde entraine des degradations et des disparitions graves et irreversibles affectant a Ia fois le milieu et Ia diversite biologique ; comme si Ia nature n'avait plus le temps de reparer les degats.
Le risque lie a des changements naturels a toujours existe. II s'y ajoute desormais un risque croissant de degradation lie a l'expansionnisme des hommes. Ainsi, Ia rapidite, l'intensite, l'etendue et Ia permanence des pressions que ceux-ci exercent entrainent une erosion biologique parce que les disparitions de varietes, d'especes, d'ecosystemes, etc. ne sont plus compensees par les creations. Paradoxalement, c'est au moment ou ils s'eloignent pour Ia plupart de Ia pratique du monde vivant que les hommes commencent a comprendre que Ia biodiversite est en danger, alors qu'elle maintient les equilibres qui rendent Ia biosphere habitable et qu'elle permet l'adaptation a un futur hautement incertain : changements climatiques, irruption de parasites nouveaux, besoin de produits originaux ou de molecules specifiques, necessite de coloniser des milieux peu favorables, etc. La biodiversite est une assurance precieuse. Nous devons desormais Ia proteger et veiller ace que l'evolution biologique puisse se poursuivre a son rythme, qui n'est pas celui de l'economie. L'enjeu ? La securite et Ia qualite de l'alimentation, l'amenagement ou I' occupation du territoire, le mainlien des ressources naturelles, Ia qualite de l'environnement. La biodiversite n'interesse pas seulement les biologistes, les ecologistes, les selectionneurs ou les agriculteurs. Elle pose des problemes de societe qui interterent avec toutes les activites qui ont un caractere international accuse et qui concement tous Ies hommes. Agronomes et ecologistes ont ete parmi les premiers a reagir.
L'EVOLUTION AGRICOLE ET SES CONSEQUENCES
Des le depart, Ie plus important des leviers techniques mis en reuvre par I' agriculture a ete Ia biodiversite, et les systemes agricoles artisanaux, qui ont reussi a durer, ont considerablement elargi cette demiere : ils ont rompu des peuplements qui etaient homogenes, forets, steppes, etc. ; ils ont domes-
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tique de nombreuses especes et les ont largement repandues en meme temps que leurs compagnons de route : adventices, predateurs, parasites ; ils les ont eclatees en d'innombrables ecotypes, varietes ou races de « pays » (1). Sans bases scientifiques precises, chaque petite region modelait et protegeait pour elle-meme une grande diversite biologique en s'appuyant sur Ia specificite de ses milieux, de ses besoins et de ses faibles techniques. Ce n'etait en rien J'age d'or ; simplement, durant quelques millenaires, l'accroissement de Ia production alimentaire, objectif essentiel, s'est appuye sur l'utilisation de cette « ressource genetique » dont l'elargissement correspondait a Ia diversite ecologique et culturelle d'un monde cloisonne.
L'expansion recente des societes humaines dans une planete desormais ouverte a mis enjeu progressivement des leviers techniques supplementaires : les ressources de Ia mecanique et de Ia chimie sont desormais tres utilisees. Certes, Ia biodiversite reste essentielle. Mais Ia selection est maintenant conduite par un petit nombre d'organisations scientifiques dont les varietes, largement diffusees, repondent aux besoins d'un nombre reduit de systemes agricoles et alimentaires dominants. Dans chaque region, agriculteurs et industriels de l'alimentation ont dfi se specialiser. Le degre de normalisation dans tous les domaines, Ia production, Ia transformation, Ia consommation, est considerable ; Ia biodiversite sur le terrain s'en trouve globalement reduite.
Ce mouvement s'est inscrit dans le cadre de l'intensification qui affecte !'ensemble des methodes et techniques (2). La competition economique a fait abandonner les nombreuses especes dont le marche n'est pas porteur ; les autres, un petit nombre de varietes, generalement tres homogenes, ont desormais une diffusion internationale. Le
changement ne se limite pas aux varietes pour les cultures que l'on seme ou que l'on plante ; il affecte Ia faune et Ia flore spontanees des champs et des zones qui en sont proches ; il entraine une evolution des peuplements naturels que l'on exploite : c'est precisement Ia situation des ecosystemes prairiaux auxquels est consacre le present colloque. Cela dit, l'intensification a permis aux regions developpees de rectuire considerablement le travail agricole et de promouvoir d'autres activites ; d'assurer Ia securite alimentaire - privilege dont on oublie deja le caractere exceptionnel ; enfin, pour des pays comme Ia France, de devenir de grands exportateurs. Ce cteveloppement resulte de l'acquisition d'une maitrise scientifique et technique remarquable. Obtenir dix tonnes de sucre raffine par hectare de betterave, moyenne fran~aise sur quelques centaines de milliers d'hectares, represente un authentique exploit collectif. C'est pour cela que le sucre, autrefois friandise rare, est devenu, en moins de deux siecles, le plus banal des aliments. Cette expansion pose de nombreux problemes.
Soumis aux pressions imperieuses de Ia competition economique, le mouvement d'intensification ne s'est preoccupe prioritairement ni d'environnement, ni de biodiversite : I'equilibre auquel etaient parvenus les bons systemes artisanaux ne joue plus. Quant a l'economie elle-meme, preoccupation principale, les choses se sont compliquees : de plus en plus, l'agriculture doit maitriser Ia production : son volume, son cofit, sa qualite, afin de s'ajuster en permanence a un marche exigeant. Du cote des professionnels, on cherche dans chaque filiere a rapprocher production et commercialisation afin de faciliter l'ajustement ; chaque fois que c'est possible, on personnalise le produit ainsi que les liens entre producteurs et consommateurs.
(1) La domestication chez les vegetaux. Bull. Soc. bot. Fr., 133 (1), Actualites bot., 1-68, 1986. (2) Deux siecles de progres pour I' agriculture et !'alimentation. Acad. Agr. Fr. et Technique et Documentation Lavoi
sier, 1-484, 1990.
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Les pouvoirs publics interviennent egalement, meme dans les systemes les plus liberaux. L'exercice est difficile. Ainsi, !'Europe cherche aujourd'hui a reduire les volumes des productions de base, mais en sera-t-il encore de meme dans quinze ans ? Et dans l'immediat, vaut-il mieux geler des terres- systeme simple au point de vue administratif et qui fait appel a Ia friche et non a Ia jachere - ou abaisser le niveau d'intensification, mais alors avec quels objectifs, sur quels points et par quelles voies ? L'affaire releve a Ia fois de l'ecologique, du technique, de l'economique et du social ; elle touche aux equilibres de !'Europe mais aussi a !'occupation de chaque petite region. L'arbitrage est d'autant plus delicat que les bases scientifiques des choix sont incertaines. On manque par exemple de references pour prevoir les consequences ecologiques d'un changement technique significatif, et le present colloque sera consacre a un theme de ce type; on a du mal a faire entrer les valeurs d'environnement dans un calcul economique - et cela avant meme de soulever Ia question : qui doit payer et par quels canaux ? Le plus frappant, c'est notre ignorance face aces immenses problemes. Comment les societes du XXIeme siecle occuperont-elles et gereront-elles le territoire et les ressources qu'il abrite, y compris Ia diversite biologique ? Comment feront-elles pour que !'agriculture, qui modele l'essentiel des surfaces, puisse prendre en compte les preoccupations d'ordre ecologique autant que l'efficacite commerciale immediate ? On comprend que les responsables hesitent.
Mais ce genre d'incertitude ne doit pas empecher chaque homme, chaque groupe et chaque pays de s'attaquer a ses propres problemes, tout en cooperant avec les autres.
AGRICULTURE ET DIVERSITE LE ROLE DES CONSOMMATEURS
Ainsi, geneticiens et selectionneurs, confrontes au remplacement des varietes locales par leurs propres varietes, se sont employes a limiter les risques de cette uniformisation en organisant une nouvelle repartition de Ia di versite sur le terrain. Par exemple des banques de genes conservent ces ressources genetiques dont les agriculteurs n'assurent plus le maintien. Les optimistes constatent d'ailleurs que !'abandon des varietes locales n'a en rien compromis !'amelioration des principales especes : les selectionneurs n'ont jamais dispose d'une diversite aussi large qu'aujourd'hui ('). D'ailleurs, l'hybridation interspecifique et le genie genetique facilitent desormais le transfert de genes entre especes.
Mais d'autres soulignent avec raison d'une part que Ia majorite des nouvelles varietes dans une espece sont de type voisin ; d'autre part, que les especes economiquement secondaires sont de plus en plus negligees par Ia recherche et abandonnees par les agriculteurs. II y a Ia un appauvrissement a Ia fois ecologique, economique, alimentaire et culture!. En effet, Ia diversite n'est pas seulement destinee a rester dans les banques de genes eta faciliter le travail des selectionneurs. Elle est egalement indispensable dans les champs, sur les marches et chez les consommateurs : pour permettre de fa\=On simple et peu cofiteuse Ia valorisation agricole et !'occupation humaine de milieux tres varies ; pour ajuster, en fonctions des capacites des hommes, des systemes de production qui protegent les ressources naturelles ; pour assurer avec souplesse Ia fourniture, aux industries de transformation, des matieres premieres les plus adequates ; pour faire en sorte que le public trouve sur le marche les diverses qualites qu'il peut souhaiter au niveau qu'il
(3) Complexes d'especes, flux de genes et ressources genetiques des plantes. Bureau des Ressources genetiques et Technique et Documentation Lavoisier, 1-646, 1992.
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prerere, en combinant en toute securite simplicite et sophistication, dietetique et gastronomie, classicisme et fantaisie, economie et prodigalite, etc.
II est done surprenant de constater une tendance a l'appauvrissement, alors qu'on parle tant de diversite. Mais les forces en jeu sont evidentes : les logiques de Ia recherche et du marc he tendent a focaliser les efforts scientifiques et techniques sur un nombre reduit de systemes agricoles et d'especes cultivees. II faut souligner que Ia science elle-meme pousse a cette normalisation : soumis a une dure concurrence intellectuelle et financiere desormais mondiale, les equipes a orientation fondamentale ont tendance a concentrer leurs programmes sur des materiels et des themes etudies par de nombreux laboratoires et utilises par beaucoup d'organismes d'application : car ce large interet assure a leurs propres travaux un plus grand retentissement et les aide a trouver des partenariats intellectuels et des soutiens materiels. Cette concentration s'entretient d'elle-meme : mieux connues au plan fondamental, mieux exploitees pour les applications, les cultures vedettes connaissent un progres qui concourt a !'abandon des autres. Certes, ce mouvement n'est pas nouveau, mais il s'accelere. Dans le monde d'aujourd'hui, une activite de recherche intense conditionne le maintien d'une espece en culture. Certes, il revient aux milieux scientifiques de denoncer les dangers de cette uniformisation et d'expliquer que les progres recents donnent precisement les moyens d'inverser Ia tendance : en domestiquant plus facilement qu'autrefois des formes sauvages ; en « remettant a niveau » les nombreuses especes qui sont en voie d'abandon, singulierement dans des regions tropicales en faveur desquelles une cooperation Nord-Sud pourrait s'exercer plus fortement.
Mais les consommateurs ont egalement un grand role a jouer, en poussant fermement le marche a assurer Ia fourniture d'une gamme elargie de produits inattendus, va-
ries et de haute qualite. Dans une societe d'abondance et de concurrence, le public doit reconnaltre et remunerer les efforts d'originalite des producteurs, faute de quoi ces derniers rentreront dans le rang, c'esta-dire dans Ia banalite. Cela exige, de Ia part des consommateurs, des moyens minimum mais surtout une culture qui permette d'identifier et d'apprecier invention et reussite dans un produit. Le public doit savoir qu'il est le premier responsable de Ia qualite de ce qu'il achete. L'education alimentaire, pour !'agrement autant que pour Ia sante, est indispensable afin que !'agriculture et les industries de transformation maintiennent une grande diversite dans les formes cultivees, en meme temps que des systemes techniques respectueux de « Ia nature».
DIVERSITE DES FORMES SAUVAGES ET DEVELOPPEMENT :
LE ROLE DES CITOYENS
Ducote des formes sauvages, de nombreuses actions ont ete conduites depuis un siecle pour proteger des especes prestigieuses et des ecosystemes remarquables qui etaient menaces. On a pris par ailleurs des mesures pour reduire les perturbations liees aux amenagements industriels ou urbains. Les grands projets font l'objet de concertation et d'etudes previsionnelles d'impact. Des reglements sont elabores.
Dans les pays riches, cette organisation complexe fonctionne en rencontrant de grandes difficultes d'arbitrage :entre certitudes et risques, entre court terme et long terme, entre soucis ecologiques et preoccupations socio-economiques ... , le tout sur fond de competition mondiale. Les situations qui mobilisent les medias et I' opinion sont generalement traitees, mais il reste beaucoup a faire.
D'abord, pour que les pays pauvres euxmemes puissent faire face a leurs propres problemes, dont on doit savoir qu'ils nous concernent egalement : environnement et
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biodiversite ne connaissent pas les frontieres. Ensuite, parce que les ecosystemes ou les especes qui n'ont pas rang de vedette meritent aussi une grande attention : meme s'il s'agit de formes tres banales, meme dans les zones de culture intensive ou un tres grand nombre d'especes subsistent a l'etat spontane, et c'est un argument de plus pour ne pas separer formes cultivees et formes sauvages dans Ia reflexion ; meme dans les zones urbaines ou des ecosystemes particuliers se mettent en place.
La collectivite ne doit pas seulement faire preserver quelques sanctuaires, des sortes de musees confies a des experts. Comme pour les formes cultivees, Ia biodiversite sauvage n'a toute sa signification que si elle trouve egalement sa place aux cotes des hommes, Ia ou vi vent ces derniers : chacun est done concerne. La societe doit mettre un terme a son expansionnisme indifferent, cesser de degrader a Ia Iegere l'environnement, laisser aux autres especes une place et une autonomie suffisante, ne plus gaspiller les ressources naturelles et exercer une surveillance ecologique du territoire. Elle doit notamment creer des conditions telles que !'agriculture puisse assurer l'equilibre juge souhaitable entre efficacite socio-economique et biodiversite. Certes, aucune des especes vivantes n'est ellememe indispensable : c'est leur diversite globale qui importe. Mais aucune espece ne peut etre preferentiellement proclamee inutile a long terme. Nous ignorons de que is etres vivants et de quels genes nous aurons besoin, et pour quel objet.
II ne s'agit done ni de revenir en arriere, ni d'arreter l'histoire et de conserver toutes les formes vivantes actuelles, mission impossible; mais, progressivement, de mieux gerer Ia planete, et avec une grande souplesse. C'est Ia une mutation dans Ia conception du developpement general - et dans les fa~ons de vivre de tous. Chacun comprend que ce nouvel ajustement de l'humanite aux capacites de Ia biosphere exige des progres scientifiques et techniques impor-
tants. Mais, surtout, comment avancer sans une bonne comprehension et un appui resolu de !'opinion ? Or, beaucoup de citoyens se jugent incapables de distinguer les priorites parmi les nombreux dangers que les medias leur signalent dans les domaines les plus divers. lis attendent d'etre vraiment certains de Ia realite d'un risque pour s'engager ; ils se defient non seulement des dirigeants politiques, administratifs ou economiques, mais aussi des scientifiques, suspects de demander d'abord des credits pour developper leurs recherches, et des militants dont l'enthousiasme pourrait bien depasser Ia competence.
II est done prioritaire d'agir aupres de !'opinion, non pas en cherchant a lui imposer des arguments d'autorite, que lie que so it leur nature, mais en entrant dans un debat ouvert : chacun doit exposer, sans dissimulation ni dogmatisme, sa fa~on de voir les choses et ses raisons, et surtout ecouter les autres. Les experts doivent ecouter meme les inexperts ! C'est ainsi qu'on elaborera lentement une culture de Ia biodiversite mettant en jeu Ia curiosite et Ia connaissance des realites plus que Ia crainte ou !'arrogance, et visant a mini miser les risques principaux sans pretendre a l'illusoire generalisation du risque zero. Cette avancee culturelle est indispensable pour elaborer et mettre en ceuvre Ia politique de Ia diversite qui est devenue necessaire.
LE ROLE DES MILIEUX SCIENTIFIQUES
Bien qu'ils n'aient pas a imposer leurs vues dans ce qui doit rester un debat ouvert a des arguments exterieurs a Ia science, les milieux scientifiques ont un role capital a jouer. D'abord les connaissances actuelles sur Ia biodiversite et les mecanismes de sa repartition et de son evolution sont precieuses, et Ia qualite des enseignements, de Ia formation et de !'information est evidemment essentielle. Le monde scientifique doit accepter de consacrer temps et patience a ces taches souvent considerees comme
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moins nobles que Ia recherche ; les eleves, le public et les medias meritent cette attention.
Ensuite, Ie progres dans les sciences et dans leur application peut seul permettre de proposer des solutions acceptables a certains problemes aujourd'hui hors deportee.
Enfin, Ie monde scientifique, particulierement ouvert a l'international, facilitera Ia prise en compte de cette dimension, qui est primordiale en matiere de biodiversite.
La communaute scientifique jouerait mieux son role si elle mettait un terme aux querelles d'anciens et de modernes a l'interieur de Ia biologie, qui ont ete si dommageables notamment en matiere d'enseignement superieur, alors que Ia convergence des approches « naturaliste » et « moleculaire » est evidemment une source de progres ; si les cooperations entre biologie et sciences du milieu physico-chimique etaient plus developpees, car tout programme sur l'environnement devrait comprendre un volet « biodiversite » - et reciproquement ; si les sciences de l'homme et de Ia societe etaient davantage impliquees dans les programmes sur Ia biodiversite, afin d'eclairer les bases economiques et sociales du droit qui devra sous-tendre )'organisation dans ce domaine nouveau.
En fin, les laboratoires a orientation fondamentale et ceux des entreprises doivent
maintenir ensemble des liens particulierement etroits avec les groupes operant sur le terrain. Dans cet esprit, Ies participants au present colloque auront l'occasion de voir des experiences conduites avec les agriculteurs. Ces derniers ont en effet un role capital ajouer: ne gerent-ils pas deja )'essentiel du terri to ire ? Leur connaissance de leur petite region et de l'ecosysteme ou ils sont inseres, leurs capacites d'intervention et leur engagement personnel en font des partenaires irrempla<;ables pour eclairer des pistes nouvelles et orienter de fa\=on realiste Ia preparation de l'avenir ; une telle cooperation ouvre des voies precises a une politique nationale de Ia biodiversite, aujourd'hui indispensable pour que le pays traite ses problemes, mais aussi pour que sa participation aux actions internationales soit plus forte. Des programmes de plus en plus importants sont en effet lances, notamment a l'heureuse initiative de I'Union europeenne : qu'il s'agisse de production agricole, d'amenagement du territoire, de maintien des ressources naturelles ou de protection de I'environnement.
« Lorsque beaucoup seront persuades qu'ils doivent ajuster leur comportement et leurs activites aux capacites de Ia biosphere, chacun s'etonnera qu'on ait mis si longtemps a definir une politique coherente dans un domaine aussi important » (4).
(4) Biodiversite et environnement. Rapport no 33 de L'Academie des Sciences. Technique et Documentation Lavoister, 1·88, 1995.
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