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NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2013) 13, 221—224 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CONDUITE THÉRAPEUTIQUE Les indications et la prescription des psychotropes chez le sujet âgé Indications and prescription of psychotropic drugs in geriatrics P.M. Charazac Psychiatre, psychanalyste membre de la S.P.P. 32, bis rue Chazière, 69004 Lyon, France Disponible sur Internet le 4 evrier 2013 MOTS CLÉS Anxiolytique ; Antidépresseur ; Contre-transfert ; Sujet âgé ; Neuroleptique ; Prescription ; Transfert Résumé Après avoir discuté l’indication des neuroleptiques, des antidépresseurs et des anxio- lytiques dans une série de tableaux cliniques gériatriques qui ne relèvent pas nécessairement de ces traitements médicamenteux, cet article aborde les facteurs intra- et interpersonnels de la prescription vus sous l’angle du transfert du sujet dépendant et du contre-transfert du médecin vis-à-vis de son patient, de sa famille et de l’équipe soignante de l’EHPAD. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Antidepressant; Anxiolytic; Counter- transference; Elderly; Neuroleptic; Prescription; Transference Summary After a review of the indication for neuroleptics, antidepressants and anxiolytics, in a series of clinical pictures characteristic of geriatrics and which do not necessarily require pharmacological treatment, we discuss the prescription itself from the transference of the dependent patient and the conter-transference of the physician towards the patient, his family and the nursing staff. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Adresse e-mail : [email protected] 1627-4830/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2012.12.005

Les indications et la prescription des psychotropes chez le sujet âgé

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Page 1: Les indications et la prescription des psychotropes chez le sujet âgé

NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2013) 13, 221—224

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CONDUITE THÉRAPEUTIQUE

Les indications et la prescription des psychotropeschez le sujet âgé

Indications and prescription of psychotropic drugs in geriatrics

P.M. Charazac

Psychiatre, psychanalyste membre de la S.P.P. 32, bis rue Chazière, 69004 Lyon, France

Disponible sur Internet le 4 fevrier 2013

MOTS CLÉSAnxiolytique ;Antidépresseur ;Contre-transfert ;Sujet âgé ;Neuroleptique ;Prescription ;Transfert

Résumé Après avoir discuté l’indication des neuroleptiques, des antidépresseurs et des anxio-lytiques dans une série de tableaux cliniques gériatriques qui ne relèvent pas nécessairementde ces traitements médicamenteux, cet article aborde les facteurs intra- et interpersonnelsde la prescription vus sous l’angle du transfert du sujet dépendant et du contre-transfert dumédecin vis-à-vis de son patient, de sa famille et de l’équipe soignante de l’EHPAD.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSAntidepressant;Anxiolytic;

Summary After a review of the indication for neuroleptics, antidepressants and anxiolytics,in a series of clinical pictures characteristic of geriatrics and which do not necessarily requirepharmacological treatment, we discuss the prescription itself from the transference of the

Counter-transference;

dependent patient and the conter-transference of the physician towards the patient, his familyand the nursing staff.

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Elderly; © 2013 Elsevier Masson SAS. Neuroleptic;Prescription;Transference

Adresse e-mail : [email protected]

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Un gériatre a dit que prescrire c’était choisir entreeux inconvénients. En ce qui concerne les psychotropes,’embarras est d’autant plus grand qu’aux inconnues dea psychopharmacologie s’ajoutent celles de la psychopa-hologie du grand-âge. Non seulement les modificationsétaboliques pouvant laisser prévoir le délai d’action des

ntidépresseurs ou d’accumulation des neuroleptiques res-ent mal connues, mais le prescripteur dispose de peu’essais cliniques s’appliquant véritablement à ses patients,ans la mesure où leur âge, leur polypathologie et la duréee leur traitement s’écartent trop des études dont les résul-ats lui sont présentés.

Kuhn [1], le psychiatre suisse qui a découvert en957 l’effet antidépresseur de l’imipramine, ne se trom-ait pas lorsqu’il annoncait que l’arrivée des psychotropesllait bouleverser la nosographie psychiatrique. Depuis unerentaine d’années, les classifications établies au sièclerécédent sont périodiquement remises en cause par lesrofils cliniques prêtés aux molécules nouvelles et, en ce quioncerne la gérontopsychiatrie, la confusion risque d’êtrencore plus grande du fait de l’incertitude de certains diag-ostics.

Nous aborderons ici les indications des neuroleptiques,es antidépresseurs et des anxiolytiques dans une sériee tableaux ou de situations cliniques pouvant faire discu-er le moment ou le principe même de leur prescription.uis nous nous placerons du point de vue du prescrip-eur qui reste, selon l’adage de Balint [2], le médicamente loin le plus utilisé en médecine générale comme enériatrie.

es neuroleptiques

rincipes généraux

es neuroleptiques et les antipsychotiques sont prescritsn gériatrie pour supprimer une idée délirante ou unomportement perturbateur (déambulation, agitation, cri,iolence. . .). Or du point de vue psychopathologique, il s’agità de défenses, c’est-à-dire de conduites entrant plus ouoins directement dans la lutte du moi contre l’angoisse,

oit par la construction d’une néoréalité lorsque le contactst perdu avec le monde, soit par l’évacuation motricees excitations qui ne peuvent plus être traitées par laarole.

Le prescripteur doit savoir que le neuroleptique est sus-eptible de supprimer brutalement cette activité. Donner uneuroleptique simplement parce que la plainte d’un maladest devenue insupportable, c’est le priver de sa maladie. Ilst alors doublement perdant, du point de vue de l’attentiont de l’amour qu’il attendait en retour, et du point deue des effets délétères du médicament sur son état géné-al.

Le moment de la prescription est aussi à évaluer enonction de l’état somatique, sans réduire ce dernier àa seule tolérance neurologique. Ce type de médicamentisque en effet de décompenser une fragilité ou provo-

uer une baisse d’élan vital irréversible, ce qui peut êtren argument pour le différer ou adopter, chaque fois quea clinique le permet, le principe d’un traitement séquen-iel.

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P.M. Charazac

as difficiles

es crises d’adaptation à forme psychotiquevec la notion de réaction, la psychiatrie a toujours reconnu’existence de tableaux aigus non symptomatiques d’uneffection psychotique mais qui empruntent momentané-ent tel ou tel de ses processus pour faire face à une

rise adaptative. Projections et interprétations patholo-iques sont d’observation courante en gériatrie lors de’admission en EHPAD, au décours d’un traumatisme ou de’installation de certains déficits, notamment sensoriels.l faut bien évaluer leur valeur défensive sur un temps’observation de deux ou trois semaines avant d’instaurern traitement neuroleptique risquant de réduire davantagees capacités d’adaptation du sujet.

es deuils du grand-âgel est difficile de poser le diagnostic de deuil pathologique aurand-âge dans la mesure où la disparition du conjoint peutntraîner une série d’états intermédiaires entre l’illusione sa présence et le déni véritable de sa mort. « N’allez pasroire que je suis fou, confie le survivant, mais je parle touses jours à ma femme et il m’arrive de me réveiller en laentant près de moi ». L’accompagnement prolongé d’unen de vie au domicile est un des facteurs qui contribuent

l’installation de ce phénomène. Fréquemment révélé par’interrogatoire, il arrive qu’il soit spontanément confié etu’il trouble la vie institutionnelle lorsque le survivant d’unouple de résidants affirme que sa femme vit toujours untage en dessous. C’est un des rares cas où une prescrip-ion peut se justifier mais en choisissant un antidépresseurédatif plutôt qu’un neuroleptique.

es patients psychotiques âgésovelet [3] attire à juste titre l’attention sur le sort dees patients autrefois qualifiés de chroniques dont le suiviu traitement neuroleptique n’est pas le moindre desroblèmes posés par l’accueil en EHPAD. À tout âge, laitualisation est une des conditions de l’efficacité de leurraitement psychotrope, surtout lorsque le cadre de la prisen charge est amené à changer (départ d’un médecin ou’un soignant, passage d’un établissement dans un autre).n pareil cas, le prescripteur qui prend le relais fait biene s’abstenir pendant un temps de toute modification de’ordonnance, même s’il estime avoir de bons argumentsour le faire. En EHPAD, il est d’autant plus sage de respec-er ce principe que, lorsque les symptômes réapparaissent,e rétablissement du statu quo ante exige couramment desois d’effort. Ce phénomène se rapproche des difficultés

encontrées pour restabiliser des patients âgés ayant prisendant des décennies un IMAO entre temps retiré du mar-hé.

es antidépresseurs

rincipes généraux

a prescription des antidépresseurs bénéficie aujourd’hui’un ensemble de données bien établies. Leur choix se fondeur leurs effets cliniques orientant vers les dépressions à

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Un gériatre a dit que prescrire c’était choisir

dominante anxieuse (insomnie, agitation, pleurs) ou inhi-bée (ralentissement psychomoteur, anorexie, aboulie), latolérance de leurs effets secondaires et leurs éventuellescontre-indications. Mais en gériatrie plus qu’ailleurs se posela question de la durée de leur prescription, du fait dusouci constant des interactions et de l’iatrogénie médica-menteuse.

Si l’on a connaissance d’antécédents dépressifs familiauxou personnels (ce qui suppose de les rechercher quand ils nefigurent pas dans le dossier), il faut tenir compte du risqued’une rechute et de l’incertitude de la réponse du malade auprochain traitement. Contrairement à ce que l’on observeavec les patients plus jeunes, d’un épisode à l’autre on n’estjamais assuré d’avoir une réponse identique avec le mêmeantidépresseur, ce qui plaide en faveur d’une prescriptionprolongée bien au-delà de l’amélioration clinique.

En restaurant l’énergie vitale inhibée ou épuisée, lesantidépresseurs relancent toutes les pulsions et pas seule-ment la libido. Autrement dit, ils stimulent aussi bien lespulsions de vie que les pulsions de mort, c’est-à-dire l’autoet l’hétérodestructivité, ce qui exige une attention particu-lière en cas d’antécédent suicidaire ou d’agitation anxieuse,et un effort de compréhension lorsque l’effet du traitementse marque par une poussée d’agressivité à laquelle l’équipene s’attendait pas.

Cas difficiles

Les dépressions résistantesAvant de qualifier une dépression de résistante, il faut consi-dérer la date de début du traitement antidépresseur et laprogression suivie ou non de sa posologie. Mais l’on doit aussigarder à l’esprit qu’il existe des dépressions évoluant spon-tanément vers l’amélioration avec ou sans antidépresseur,sur le modèle du deuil dont la durée normale peut atteindresix mois. Prescrire un antidépresseur à un patient dont ladépression succède à un événement et n’a pas de caractèreendogène, c’est vouloir aller plus vite que lui en le privant duchagrin qu’il a besoin de vivre pour sortir de cette épreuve. Ilfaut comprendre le sens du symptôme avant d’entreprendred’en soulager le patient.

Les dépressions atypiquesTandis qu’en psychiatrie générale, le terme de dépres-sion atypique évoque habituellement une psychose ou untrouble de la personnalité schizophrénique, une atypicitéd’un genre différent caractérise la majorité des dépres-sions gériatriques, en ce sens qu’elles se manifestent moinspar la parole que par le corps avec la triade anorexie-amaigrissement-troubles du sommeil. Qu’on les classe dansles dépressions masquées de Kielholz [4] ou qu’on les assi-mile à la dépression essentielle du psychosomaticien Marty[5], ces dépressions conduisent à prescrire un traitementantidépresseur à des sujets qui ne s’estiment pas dépri-més et pour qui ce diagnostic est synonyme de folie. C’estalors que le principe d’associer la psychothérapie à la chi-

miothérapie prend toute sa signification, puisqu’il s’agitd’accompagner le patient dans la perception d’une réalitéinterne qu’il a parfois écartée de sa conscience durant touteson existence.

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e syndrome de glissemente fait que le traitement antidépresseur administré paroie parentérale réussisse parfois à enrayer un syndromee glissement n’est pas un argument suffisant pour en faire’équivalent d’un état dépressif. Avec l’affection somatiqueuérie et l’intervalle libre qui précèdent son installation, lasychopathologie du glissement s’oriente vers un vécu deésinvestissement de la part de l’entourage qui, le pensantuéri, laisse son parent ou son résident lui glisser littérale-ent des mains [6]. S’il y a dépression, ce n’est pas au sens

ndividuel mais au niveau de l’épuisement ou du retrait de’investissement dont le sujet a fait l’objet durant sa mala-ie. La clé du traitement est donc de travailler sur les deuxronts, en stimulant le patient et en mobilisant simultané-ent l’entourage.

es anxiolytiques

rincipes généraux

a prescription des benzodiazépines expose les sujets âgés de tels risques qu’il est préférable de discuter ici de leurevrage. Durant des années, tous les patients entrant dansotre service avec des benzodiazépines voyaient leur poso-ogie réduite de moitié et leur arrêt programmé huit jourslus tard, et dans la plupart des cas personne n’en enten-ait plus parler. Mais l’équipe soignante était avertie de’éventualité qu’ils passent deux ou trois mauvaises nuits, ceui suffit à faire ressortir le rôle de l’entourage dans la réus-ite du sevrage, à condition bien entendu que cet entouragexiste.

Du point de vue psychopathologique, le problème duecours aux anxiolytiques est qu’ils contribuent à renfor-er le masque d’une dépression. Or, la prescription d’un

tranquillisant » pour l’anxiété et les troubles du sommeil le même effet que celle d’un antalgique pour une dou-eur dentaire : après un répit de quelques heures, la dentui n’est toujours pas soignée recommence à faire souffrir.

as difficiles

evons-nous laisser nos patients supporter sans traitementeur angoisse ? La réponse doit être nuancée parce qu’ilxiste en clinique plusieurs types d’angoisse dont il fautomprendre l’origine avant de la supprimer. Il ne viendrait

l’idée de personne de laisser sans traitement sédatif unatient en état de mélancolie anxieuse. En revanche, il estain de prescrire un anxiolytique à une patiente qui se plainte la lenteur de son retour à la marche mais se montre peuotivée pour la rééducation de sa hanche.

’angoisse du sujet démente patient dément exprime surtout son angoisse par leomportement et c’est aussi par l’attitude, le geste et laarole que les soignants peuvent le mieux l’apaiser. À unertain stade de l’évolution de la maladie d’Alzheimer, les

traitements non médicamenteux » n’ont plus d’objectifognitif mais gardent tout leur intérêt pour soutenir lesapacités d’expression du patient et lui permettre deécharger son angoisse dans la motricité.

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’angoisse-signal de l’entrée en travail de trépase travail de trépas débute lorsque la mort n’est plus niée etue le sujet commence à organiser sa fin de vie en envoyant

son entourage des signaux qui ne sont pas toujours cor-ectement interprétés. Il est fréquent qu’un cri, des chutesans raison ou une conduite exhibitionniste ne soient pasompris comme des appels mais classés dans les « troublesu comportement » appelant un traitement ou une hospita-isation [7]. Prescrire sans entendre le message du résidant,’est lui refuser l’accompagnement dont il a besoin pourivre jusqu’au bout son trépas. Or plus il se sent abandonné,lus son comportement s’exacerbe, plus les soignants seentent incapables d’en venir à bout et plus ils risquent’avoir des réflexes sadiques du type de l’escalade médi-amenteuse ou du transfert mal négocié. En résumé, mieuxaut écouter l’angoisse que couper ce signal.

es dynamiques de la prescription

u domicile comme en EHPAD, le médecin prescripteur duédicament, le soignant responsable de sa prise et le médi-

ament lui-même ne sont pas percus de la même manièreelon que le patient demande des soins ou nie en avoiresoin. En établissement gériatrique intervient égalemente qu’on peut appeler le contre-transfert de base vis-à-vises familles des résidants, faisant parfois de la prescrip-ion le symptôme des interactions entre le médecin traitant,’équipe soignante et le médecin coordonnateur.

e refus du traitement

l est rare que le refus concerne un médicament donné, il’adresse en général au traitement, aux soins et aux soi-nants considérés dans leur ensemble comme mauvais. Lealade ne sent pas le mal en lui et n’attend pas du bonédicament qu’il l’expulse, mais il vient du dehors, comme

out ce qui lui rappelle sa dépendance. Du côté des soi-nants, la question éthique de savoir s’ils peuvent imposere traitement est faussée par l’impression d’être incapablese soigner ni d’aimer correctement ce patient.

a plainte persistante

l n’existe pas de médicament antiplainte. Le fait que leatient se plaigne de la prescription ne signifie pas néces-airement qu’elle est à changer mais qu’il l’utilise pour fairentendre quelque chose qui peut n’avoir aucun rapport avecon traitement. Chacun sait que se plaindre du médicamentst le meilleur moyen d’être écouté d’un médecin. En éta-lissement, il en va de même pour la plainte de l’équipeoignante relative à telle prescription. Dans l’un et l’autreas, c’est faire fausse route que de changer au gré deslaintes.

ivergences dans l’équipe soignante

ivergences, conflits ou clivages au sein de l’équipe soi-nante aboutissent à invalider la prescription. Ils se révèlente diverses manières :

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P.M. Charazac

l’équipe pense que le médecin n’a pas compris correcte-ment sa transmission ;le médecin pense que l’équipe a mal appliqué sa prescrip-tion ;ils interprètent différemment la clinique, les uns voyantle patient entrer en fin de vie, les autres estimant qu’ilrépète quelque chose ;il y a désaccord sur le sens de la prescription ou la valeurdu médicament, auquel certains préfèreraient un pla-cebo.

aladie, prescription et régression

rescrire un médicament et l’administrer renforce le sen-iment de dépendance du patient, même si les soignantsoursuivent le but inverse. Mais c’est parfois ce queecherche le résidant qui attend des preuves supplémen-aires d’attention et d’amour de la part de l’équipe. D’unieu de vie à un autre et d’un moment à l’autre de la rela-ion, c’est le transfert sur les proches ou sur les soignantsui détermine le sens donné à l’amélioration et à la guéri-on.

De leur côté, les soignants oscillent en permanence entrea stimulation et l’apaisement. La première vise à res-aurer ou conserver l’autonomie du patient tandis que laeconde percoit son besoin de régresser et admet les béné-ces qu’il peut en retirer. Le choix de l’une ou de l’autrettitude repose souvent sur des critères équivoques révéla-eurs du contre-transfert des soignants pris dans son sensarge, c’est-à-dire incluant la relation avec la famille duésidant.

En conclusion, pour reprendre la célèbre formulee Balint, « le médecin se prescrit » en s’adaptant àhaque cas, c’est-à-dire en abandonnant le manuel dehérapeutique pour considérer la singularité du patientt de la situation. Il doit aussi rester à l’écoute deui-même, sachant qu’en gériatrie, son contre-transfert’étend toujours au réseau ou à l’équipe et auxamilles.

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférences

1] Kuhn R. Clinique et expérimentation en psychopharmacologie.Psychanalyse à l’Université 1986;11:105—16.

2] Balint M. Le médecin, son malade et la maladie. Paris: P.U.F.;1960.

3] Jovelet G. Psychose et vieillissement. Info Psychiatr2010;80:39—47.

4] Kielholz P. La dépression masquée. Paris: Masson; 1973.5] Marty P. La psychosomatique de l’adulte. Paris: P.U.F.; 1992.

6] Charazac P. L’Aide-mémoire de psychogériatrie. Paris: Dunod;

2011.7] Josserand SA. Le vieillard, ses soignants, l’institution gériatrique

et la mort. Info Psychiatr 1998;74:771—84.